Franz Cumont. L’astrologie et la magie dans le paganisme romain.] in « Revue d’histoire et littérature religieuses», (Paris), XI, 1906, pp. 24-55.

Franz Cumont L’astrologie et la magie dans le paganisme romain.] in « Revue d’histoire et littérature religieuses», (Paris), XI, 1906, pp. 24-55.

Franz Valery Marie Cumont [1868-1947]. Historien, archéologue et philologie belge, l dirigea plusieurs importantes expéditions archéologiques en Syrie et en Turquie. Ses recherches portèrent particulièrement sur la religion païenne antique et notamment sur le culte de Mithra, dont il proposa une vision nouvelle. Ses publications, d’une érudition convaincante, sont très recherchées. En voici quelques unes :
— Les Mystères de Mithra, 1900
— Les Religions orientales dans le paganisme romain (1905), Geuthner, 1929.
— L’Égypte des Astrologues, 1937.
— Lux Perpetua, Geuthner, 1949, 524 p.
— Un sarcophage d’enfant trouvé à Beyrouth, 1929.
— (avec Joseph Bidez). Les Mages hellénisés. Zoroastre, Ostanès et Hystaspe d’après la Tradition Grecque: Tome I, Introduction: Tome II, Les Textes.Paris, Les Belles lettres, 1938.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité, les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – Les images ont été rajoutées parlons soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 24]

 

L’ASTROLOGIE ET LA MAGIE
DANS LE PAGANISME ROMAIN
(1)

Lorsque nous constatons l’autorité souveraine dont jouit l’astrologie sous l’empire romain (2) nous avons peine à nous défendre d’un sentiment de surprise. Nous concevons difficilement qu’on ait pu la regarder comme le plus précieux de tous les arts et comme la reine des sciences (3). Nous nous représentons malaisément les conditions morales qui ont rendu possible un pareil phénomène, parce que notre état d’esprit est aujourd’hui très différent. Peu à peu s’est imposée la conviction qu’on ne peut connaître l’avenir — tout au moins l’avenir de l’homme et de la société [p. 25] — que par conjecture. Le progrès du savoir a appris à ignorer.

Il en était autrement dans l’antiquité la foi aux présages et aux prédictions était générale. Seulement au début de notre ère les vieux modes de divination étaient tombés dans un certain discrédit avec le reste de la religion gréco-romaine. On ne croyait plus guère que la façon dont les poulets sacrés mangeaient leur pâtée ou celle dont volaient les oiseaux, indiquassent des succès ou des désastres futurs. Les oracles helléniques se taisaient délaissés. L’astrologie apparut alors entourée de tout le prestige d’une science exacte fondée sur une expérience d’une durée presque infinie. Elle promettait de déterminer les événements de la vie de chacun avec la même sûreté que la date d’une éclipse. Le monde fut attiré vers elle par un entraînement irrésistible. Elle relégua dans l’ombre et fit oublier peu à peu toutes les anciennes méthodes imaginées pour déchiffrer les énigmes de l’avenir. L’haruspicine et l’art augural furent abandonnés, et leur antique renommée ne protégea même pas les oracles contre une déchéance irrémédiable. Le succès de l’astrologie, venue à Rome de Syrie et d’Égypte, fut lié à celui des religions orientales, qui lui prêtèrent leur appui comme elle leur prêta le sien. Elle transforma le culte comme la divination elle pénétra tout de son esprit. Et de fait, si comme le pensent encore certains savants, le principe propre de la science est la faculté de prédire aucune discipline ne pouvait s’élever à la hauteur de celle-là ou se soustraire à son ascendant.

Tous lui sacrifient les empereurs deviennent ses adeptes fervents souvent aux dépens des anciennes dévotions. Tibère néglige les dieux parce qu’il ne croit qu’à la fatalité et Othon, rempli d’une confiance aveugle en ses devins orientaux [p. 26] marche contre Vitellius au mépris de présages funestes qui effraient son clergé officiel (6). Les savants les plus sérieux, comme Ptolémée, exposent les principes de cette prétendue science, et les meilleurs esprits les admettent. En fait, nul ne distingue guère entre l’astronomie et sa sœur illégitime. La littérature s’empare de ce thème nouveau et ardu, et Manilius, enthousiasmé par le fatalisme sidéral, tâche à rendre poétique cette sèche « mathématique comme Lucrèce, dont il est l’émule, l’avait fait pour l’atomisme épicurien. L’art même y cherché des inspirations, et se plaît à représenter les divinités stellaires les architectes élèvent à Rome et dans les provinces de somptueux septizonia à l’image des sept sphères où se meuvent les planètes, arbitres de nos destinées (7). D’abord aristocratique (8) — car obtenir un horoscope exact est une opération compliquée, et une consultation coûte cher — cette divination asiatique devient promptement populaire, surtout dans les centres urbains, où pullulent les esclaves du Levant. Les doctes généthliologues des observatoires avaient des confrères marrons qui disaient la bonne aventure au coin des carrefours ou dans les cours des fermes. Même les épitaphes vulgaires, qui sont, selon un mot de de Rossi, « la canaille des inscriptions », ont gardé les traces de ces croyances. L’habitude s’introduit d’y mentionner exactement jusqu’au nombre d’heures qu’a duré la vie, car l’instant de la naissance a déterminé celui de la mort

Nascentes morimur, finisque ab origine pende(9). [p.27]

Bientôt il n’y a plus d’affaire grande ou petite qu’on veuille entreprendre sans consulter l’astrologue. On lui demande ses prévisions non seulement sur les événements publics considérables comme les opérations d’une guerre, la fondation d’une ville ou l’avènement d’un prince, non seulement sur un mariage, un voyage, un déménagement, mais les actions les plus futiles de la vie journalière sont gravement soumises à sa sagacité. On ne se rend plus au bain ou chez son coiffeur, on ne change plus de vêtements, on ne se lime plus les ongles sans avoir attendu le moment propice (10). Les recueils d’« initiatives » (ϰαταρϰαί)qui nous sont parvenus, contiennent des questions qui font sourire. Si un fils qui va naître aura un grand nez ? Si une fille qui vient au monde aura des aventures galantes (11) ? Et certains préceptes semblent presque une parodie Celui qui se fait couper les cheveux durant le croissant de la lune deviendra chauve évidemment par analogie (12).

L’existence entière des individus comme des États, jusque dans ses moindres incidents, dépend donc des étoiles. L’empire absolu qu’elles furent censées exercer sur la condition quotidienne de chacun, modifia même le langage vulgaire, et a laissé des vestiges dans tous les dérivés du latin. Ainsi, quand nous nommons les jours de la semaine Lundi, Mardi, Mercredi, nous faisons de l’astrologie sans le savoir, car c’est elle qui enseigna que le premier était soumis à la Lune, le second à Mars, le troisième à Mercure et les quatre derniers aux autres planètes ; ou encore, nous reconnaissons [[p. 28] à ces astres, sans y songer, leurs anciennes qualités quand nous parlons d’un caractère martial, jovial ou lunatique.

Toutefois, il faut le reconnaître, l’esprit grec essaya de réagir contre la folie qui s’emparait du monde, et l’apotélesmatique trouva, dès l’époque de sa propagation, des contradicteurs parmi les philosophes. Le plus subtil de ces adversaires fut au II° siècle avant notre ère, le probabiliste Carnéade. Les arguments topiques qu’il avait fait valoir, furent repris, reproduits et développés sous mille formes par les polémistes postérieurs. Tel celui-ci tous les hommes qui périssent ensemble dans une bataille ou un naufrage sont-ils nés au même moment puisqu’ils ont eu le même sort ? Ou inversement ne voyons-nous pas que deux jumeaux, venus au monde en même temps, ont les caractères les plus dissemblables et les fortunes les plus différentes ? Mais la dialectique est un genre d’escrime où les Grecs ont toujours excellé, et les défenseurs de l’astrologie trouvaient réponse à tout. Ils s’attachaient surtout à établir fermement les vérités d’observation, sur lesquelles reposait toute la construction savante de leur art l’action exercée par les astres sur les phénomènes de la nature et le caractère des individus. Peut-on nier, disaient-ils, que le soleil fasse naître et périr la végétation, qu’il mette les animaux en rut ou les plonge dans un sommeil léthargique ? Le mouvement des marées ne dépend-t-il pas du cours de la Lune ? Le lever de certaines constellations n’est-il pas accompagné chaque année de tempêtes ? Enfin les qualités physiques et morales des races ne sont-elles pas manifestement déterminées par le climat sous lequel elles vivent. L’action du ciel sur la terre est indéniable, et les influences sidérales étant admises, toutes les prévisions qui se fondent sur elles sont légitimes. Le premier principe une fois accepté, les théorèmes accessoires en découlent logiquement. Ce raisonnement parut en général irréfutable. L’astrologie [p. 29] avant l’avènement, du christianisme, qui la combattit surtout comme entachée d’idolâtrie, n’eut guère d’autres adversaires que ceux qui niaient la possibilité de toute science les néo-académiciens, qui déclaraient que l’homme ne pouvait arriver à la certitude, et les sceptiques radicaux comme Sextus Empiricus. Mais, soutenue par les stoïciens qui, sauf de rares exceptions, lui furent favorables, l’astrologie, on peut l’affirmer, sortit victorieuse des premiers assauts qui lui furent livrés les objections qu’on lui fit l’amenèrent seulement à modifier certaines de ses théories. Dans la suite, l’affaiblissement général de l’esprit critique lui assura une domination presque incontestée. La polémique de ses adversaires ne se renouvela pas, ils se bornèrent à reprendre des arguments cent fois combattus, sinon réfutés, et qui semblaient bien usés. A la cour des Sévères, celui qui eût nié l’influence des planètes sur les événements de ce monde, eut passé pour plus déraisonnable que celui qui l’admettrait aujourd’hui.

Mais, dira-t-on, si les théoriciens ne parvinrent pas à démontrer la fausseté doctrinale de l’apostélesmatique, l’expérience devait en prouver l’inanité. Sans doute les erreurs ont dû être nombreuses et provoquer de cruelles désillusions. Après avoir perdu un enfant de quatre ans, auquel on avait prédit de brillantes destinées, ses parents stigmatisent dans son épitaphe le « mathématicien menteur dont le grand renom les a abusés tous deux (13). Mais personne ne songeait à nier la possibilité de telles erreurs. Nous avons conservé des textes ou les faiseurs d’horoscopes eux-mêmes expliquent candidement et doctement comment dans tel cas ils se sont trompés, faute d’avoir tenu compte d’une donnée du problème (14). Il faut s’en souvenir, l’astrologie n’était pas seulement une science (έπιστήμη) mais aussi un art [p. 30] (τέϰνη), tout comme la médecine ; — irrévérencieuse aujourd’hui, cette comparaison n’avait rien que de flatteur aux yeux des anciens (15). L’observation du ciel est infiniment délicate comme celle du corps humain il est aussi scabreux de dresser un thème de géniture que de poser un diagnostic, aussi malaisé d’interpréter les symptômes cosmiques que ceux de notre organisme. De part et d’autres, les éléments sont complexes et les chances d’erreur infinies. Tous les exemples de malades qui sont morts malgré le médecin ou à cause de lui, n’empêcheront jamais celui que torturent des souffrances physiques, d’invoquer son aide, et de même ceux dont l’âme est tourmentée ou anxieuse, recourront à l’astrologue pour trouver quelque remède à la fièvre morale qui les agite. Le calculateur qui affirme pouvoir déterminer l’instant de la mort, comme le praticien qui prétend l’écarter, attirent à eux la clientèle inquiète de tous les hommes que préoccupe cette échéance redoutable. D’ailleurs, de même qu’on cite des cures merveilleuses, on rappelle et au besoin l’on invente des prédictions frappantes. Le devin n’a d’ordinaire le choix qu’entre un nombre restreint d’éventualités, et les probabilités veulent qu’il réussisse quelquefois. Les mathématiques, qu’il invoque, lui sont en somme favorables, et le hasard souvent corrige le hasard. Puis, celui qui a un cabinet de consultations bien achalandé ne possède-t-il pas mille moyens, s’il est habile, de mettre dans le métier aléatoire qu’il exerce toutes les chances de son côté et de lire dans les constellations ce qu’il croit opportun ? II observera la terre plutôt que le ciel, et se gardera bien de se laisser choir au fond d’un puits. Toutefois, ce qui surtout rendait l’astrologie invulnérable aux coups que lui portaient la raison et le sens commun, [p. 31] c’est qu’elle était en réalité, malgré la rigueur apparente de ses calculs et de ses théorèmes, non pas une science mais une foi. Nous ne voulons pas seulement dire par là qu’elle impliquait la croyance en des postulats indémontrables on pourrait dire la même chose de presque tout notre pauvre savoir humain, et nos systèmes de physique ou de cosmologie reposent pareillement en dernière analyse sur des hypothèses mais l’astrologie était née et avait grandi dans les temples de la Chaldée et de l’Égypte même en Occident, elle n’oublia jamais ses origines sacerdotales, et ne se dégagea jamais qu’à demi de la religion qui l’avait engendrée. C’est par ce côté qu’elle se rattache aux cultes orientaux qui font l’objet de ces conférences, et c’est ce point surtout que je voudrais mettre ici en lumière. Les ouvrages ou les traités grecs d’astrologie qui nous sont parvenus ne nous révèlent que très imparfaitement ce caractère essentiel. Les Byzantins ont écarté de cette pseudoscience, qui resta toujours suspecte à l’Église, tout ce qui sentait le paganisme. On peut suivre parfois les progrès de ce travail d’épuration de copie à copie (16). S’ils maintiennent le nom de quelque dieu ou héros de la mythologie, ils ne se hasardent plus à l’écrire qu’en cryptographie. Ils ont conservé surtout des traités purement didactiques, dont le type le plus parfait est la Tétrabible de Ptolémée, et ils ont reproduit presque exclusivement des textes expurgés, résumant sèchement les principes des diverses doctrines. Dans l’antiquité, on lisait de préférence des œuvres d’un autre caractère. Beaucoup de « Chaldéens » mêlaient à leurs calculs et à leurs théories cosmologiques des considérations morales et des spéculations mystiques. Critodème, au début d’un ouvrage qu’il intitule Vision (Όρασις), représente en un [p. 32] langage de prophète les vérités qu’il révèle comme un refuge assuré contre les orages de ce monde, et promet à ses lecteurs de les élever au rang des immortels (17). Les astrologues aiment à se donner les apparences de prêtres incorruptibles et saints, et se plaisent à considérer leur profession comme un sacerdoce (18). De fait les deux ministères se concilient un membre du clergé mithriaque se dit dans son épitaphe studiosus astrologiæ(19).

Ainsi par quelques passages échappés à la censure orthodoxe, par le ton que prennent certains de ses adeptes, se révèle déjà le caractère sacré de l’astrologie, mais il faut remonter plus haut et montrer que, malgré le secours que lui prêtent les mathématiques et l’observation, elle est religieuse dans son principe et par ses conclusions.

Le dogme fondamental de l’astrologie, telle que l’ont conçue les Grecs, est celui de la solidarité universelle. Le monde forme un vaste organisme dont toutes les parties sont unies par un échange incessant de molécules ou d’effluves. Les astres, générateurs inépuisables d’énergie, agissent constamment sur la terre et sur l’homme — sur l’homme, abrégé de la nature entière, « microcosme » dont chaque élément est en correspondance avec quelque partie du ciel étoilé. Voilà en deux mots la théorie formulée par les stoïciens mais, si on la dépouille de tout l’appareil philosophique dont on l’a décorée, au fond qu’y trouve-t-on ? C’est l’idée de la « sympathie », croyance aussi vieille que les sociétés humaines. Les peuples sauvages établissent aussi des relations mystérieuses entre tous les corps et tous les êtres qui peuplent la terre et les cieux et qui, à leurs yeux, sont tous pareillement animés d’une vie [p. 33] propre et doués d’une force latente nous y reviendrons tantôt à propos de la magie. Avant la propagation des théories orientales, la superstition populaire attribuait déjà en Italie et en Grèce une foule d’actions bizarres au soleil, à la lune et même aux constellations (19).

Seulement les « Chaldaei » prêtent une puissance prédominante aux astres. C’est qu’en effet ceux-ci furent regardés par la religion des vieux Chaldéens, lorsqu’elle se développa, comme les dieux par excellence. Le culte sidéral de Babylone concentra, si j’ose dire, le divin dans ces corps lumineux et mobiles, au détriment des autres objets de la nature, pierres, plantes, animaux, ou la foi primitive des Sémites le plaçait pareillement. Les étoiles conservèrent toujours ce caractère, même à Rome. Elles n’étaient pas, comme pour nous, des corps infiniment lointains, qui se meuvent dans l’espace suivant les lois inflexibles de la mécanique et dont on détermine la composition chimique. Elles étaient restées, pour les Latins comme pour les Orientaux, des divinités propices ou funestes, dont les relations sans cesse modifiées déterminent les événements de ce monde. Le ciel, dont on n’avait pas encore aperçu l’insondable profondeur, était peuplé de héros et de monstres animés de passions contraires, et la lutte qui s’y poursuivait exerçait une répercussion immédiate sur la terre. En vertu de quel principe attribue-t-on aux astres telle qualité et telle influence ? Est-ce pour des raisons tirées de leur mouvement apparent, reconnues par l’observation ou par l’expérience ? Parfois Saturne rend les gens apathiques et irrésolus, parce que de toutes les planètes il se déplace avec le plus de lenteur (21). Mais le plus souvent ce sont des raisons purement mythologiques qui ont inspiré [p. 34] un caractère et une histoire connus de tous. Il suffit de prononcer leurs noms pour qu’on se représente une personnalité qui agira conformément à sa nature. Vénus ne peut que favoriser les amoureux et Mercure assurer le succès des affaires et des escroqueries. De même pour les constellations, auxquelles se rattachent une quantité de légendes. Le « catastérisme », c’est-à-dire la translation dans les astres, devient la conclusion naturelle d’une foule de récits. Les héros de la fable ou même ceux de la société humaine continuent à vivre au ciel sous la forme d’étoiles brillantes. Persée y retrouve Andromède, et le centaure Chiron, qui n’est autre que le Sagittaire, y fraternise avec les Dioscures jumeaux. Ces astérismes prennent alors en quelque mesure les qualités et les défauts des êtres mythiques ou historiques qu’on y a transportés. Le Serpent, qui brille près du pôle boréal, sera l’auteur de cures médicales parce qu’il est l’animal sacré d’Esculape.

Seulement ce fondement religieux des règles de l’astrologie n’est pas toujours reconnaissable, parfois il est entièrement oublié, et ces règles prennent alors l’apparence d’axiomes ou de lois fondées sur une longue observation des phénomènes célestes. C’est là une simple façade scientifique. Les procédés de, l’assimilation aux dieux et du catastérisme ont été pratiqués en Orient longtemps avant de l’être en Grèce. Les images traditionnelles que nous reproduisons sur nos cartes célestes, sont les restes fossiles d’une luxuriante végétation mythologique, et les anciens, outre notre sphère classique, en connaissaient une autre la « Sphère barbare ‘~peuplée de tout un monde de personnages et d’animaux fantastiques. Ces monstres sidéraux, auxquels on attribuait des vertus puissantes, étaient pareillement [p. 35] le résidu d’une multitude de croyances oubliées. La zoolâtrie était abandonnée dans les temples, mais on continuait à considérer comme divins le Lion, le Taureau, l’Ours, les Poissons, que l’imagination orientale avait reconnus sur la voûte étoilée. De vieux totems des tribus sémitiques ou des nomes égyptiens se survivaient transformés en constellations. Des éléments hétérogènes, empruntés à toutes les religions de l’Orient, se combinent dans l’uranographie des anciens, et dans la puissance attribuée aux fantômes qu’elle évoque, se propage l’écho indistinct d’antiques dévotions, qui nous restent souvent inconnues (23).

Ainsi l’astrologie fut religieuse par son origine et ses principes ; elle le fut encore par son alliance étroite avec les cultes orientaux, surtout avec ceux des Baals syriens et de Mithra elle le fut enfin par les effets qu’elle produisit. Je ne veux pas parler des effets qu’on attend de tel astérisme dans tel cas particulier on leur supposait parfois la puissance de provoquer même l’apparition des divinités soumises à leur empire (24). Mais j’ai en vue l’action générale que ces doctrines exercèrent sur le paganisme romain.

Quand les dieux de l’Olympe furent incorporés dans les astres, quand Saturne et Jupiter devinrent des planètes et la Vierge Céleste un signe du zodiaque, ils prirent un caractère très différent de celui qui leur avait appartenu à l’origine. On peut montrer comment en Syrie, l’idée de la répétition indéfinie de cycles d’années suivant lesquels se produisent les révolutions célestes, conduisit à la conception de l’éternité divine, comment la théorie de la domination fatale des astres sur le monde amena celle de la toute-puissance du « maître des cieux », comment l’introduction d’un culte universel fut le résultat nécessaire de l’idée que [p. 36] les étoiles exercent leur influence sur les peuples de tous les climats (25). Toutes ces conséquences des principes de l’astrologie en furent logiquement déduites, dans les pays latins comme chez les Sémites, et amenèrent une rapide métamorphose de l’ancienne idolâtrie. Comme en Syrie aussi, le Soleil, qui, selon les astrologues, mène le chœur des planètes, « qui est constitué le roi et le conducteur du monde entier (26) », devient nécessairement la puissance la plus élevée du panthéon romain.

L’astrologie modifia aussi la théologie en introduisant dans ce panthéon une foule de dieux nouveaux, dont quelques-uns sont singulièrement abstraits. On adorera désormais les constellations du firmament, et en particulier les douze signes du zodiaque, qui ont chacun leur légende mythologique, le Ciel (Caelus) lui-même, regardé comme la cause première et qui parfois se confond avec l’être suprême (27), les quatre éléments dont l’antithèse et la transmutation perpétuelles produisent tous les phénomènes sensibles et qui sont souvent symbolisés par un groupe d’animaux prêts à s’entre-dévorer (28), enfin le Temps et ses subdivisions. Le [p. 37] Temps, qui règle le cours des astres et la transubstantiation des éléments, est souvent conçu comme le maître des dieux et le principe primordial, et il est assimilé au Destin. Chaque portion de sa durée infinie amène quelque mouvement propice ou funeste des cieux, anxieusement observés, et transforme l’univers, incessamment modifié. Les Siècles, les Années, les Saisons, qu’on met en relation avec les quatre vents et les quatre points cardinaux, les douze Mois, soumis au zodiaque, le Jour et la Nuit, les douze Heures, sont personnifiés et divinisés, comme étant les auteurs de tous les changements de l’univers. Les figures allégoriques, imaginées pour ces abstractions parle paganisme astrologique (29) ne périrent même pas avec lui le symbolisme qu’il avait vulgarisé lui survécut, et jusqu’au moyen âge ces images de dieux déchus furent reproduites indéfiniment dans la sculpture, la mosaïque et les miniatures chrétiennes (30).

L’astrologie intervient ainsi dans toutes les idées religieuses, et les doctrines sur la destinée du monde et de l’homme’ se conforment aussi à ses enseignements. Selon Bérose, qui est l’interprète de vieilles théories chaldéennes, l’existence de l’univers est formée d’une série de « grandes années », ayant chacune leur été et leur hiver. Leur été se produit quand toutes les planètes sont en conjonction au même point du Cancer, et il amène une conflagration générale. Inversement, leur hiver arrive quand toutes les planètes sont réunies dans le Capricorne, et il a pour résultat un déluge universel. Chacun de ces cycles cosmiques, dont la durée, suivant les calculs les plus probables, était de 432.000 ans, est la reproduction exacte de ceux qui l’ont précédé. En effet,

[p. 38] les astres reprenant exactement la même position doivent agir d’une manière identique. Cette théorie babylonienne, anticipation de celle du « retour éternel des choses » que Nietzsche se glorifiait d’avoir découverte, jouit d’une faveur durable dans l’antiquité, et elle se transmit sous diverses formes jusqu’à la Renaissance (31). L’idée que le monde devait être détruit par le feu, répandue aussi par la philosophie stoïcienne, trouva dans ces spéculations cosmologiques un nouvel appui.

Ce n’est pas seulement l’avenir de l’univers que l’astrologie révèle, c’est aussi la vie future des mortels. Selon une doctrine chaldéo-persique, acceptée par les mystères païens comme par les gnostiques (32), une amère nécessité contraint les âmes, dont la multitude peuple les hauteurs célestes, à descendre ici-bas pour y animer les corps qui les tiennent captives. En s’abaissant vers la terre, elles traversent les sphères des planètes, et reçoivent de chacun de ces astres errants, suivant sa position, quelques-unes de leurs qualités. Inversement, lorsqu’après la mort elles s’échappent de leur prison charnelle, elles remontent à leur première demeure, du moins si elles ont vécu pieusement, et à mesure qu’elles passent par les portes des cieux superposés, elles se dépouillent des passions et des penchants qu’elles avaient acquis durant leur premier voyage, pour s’élever enfin, pures essences, jusqu’au séjour lumineux des dieux. Ainsi l’alliance des théorèmes astronomiques avec leurs vieilles croyances fournit aux Chaldéens des réponses à toutes les questions que l’homme se pose sur les relations du ciel et de la terre, sur la nature de Dieu, sur l’existence du monde et sur sa propre fin. L’astrologie fut véritablement [p. 39] la première théologie scientifique. La logique de l’hellénisme coordonna plus tard les doctrines orientales, les combina avec la philosophie stoïcienne, et en constitua un système d’une incontestable grandeur, reconstruction idéale de l’univers, dont la hardiesse puissante inspire à Manilius, lorsqu’il ne s’épuise pas à lutter contre une matière rebelle, des accents convaincus et sublimes (33). Mais malgré la précision subtile que les Grecs introduisirent dans leurs spéculations, l’esprit qui pénétra l’astrologie jusqu’à la fin du paganisme, ne démentit jamais ses origines orientales et religieuses. Le principe capital qu’elle imposa fut celui du fatalisme. Comme s’exprime le poète (34) :

Fata regunt orbem, certa stant omnia lege.

Au lieu de dieux agissant dans le monde, comme l’homme dans la société, au gré de leurs passions, les Chaldéens ont les premiers conçu l’idée d’une nécessité inflexible, dominant l’univers. Ils observèrent qu’une loi immuable réglait le mouvement des corps célestes, et, dans le premier enthousiasme de leur découverte, ils étendirent ses effets à tous les phénomènes moraux et sociaux. Un déterminisme absolu est impliqué dans les postulats de l’apotélesmatique. La Tychè ou Fortune divinisée devient la maîtresse irrésistible des mortels et des immortels, et elle fut en effet, sous l’empire, révérée par quelques esprits exclusivement. Notre volonté réfléchie n’a jamais qu’une part bien restreinte dans notre bonheur et nos succès, mais, au milieu des pronunciamentos et de l’anarchie du IIIe siècle, un Hasard aveugle semblait bien se jouer souverainement de la vie de [p. 40] chacun, et l’on comprend que les princes éphémères de cette époque aient, comme les foules, reconnu en lui le seul arbitre de leur sort (35). La puissance de cette conception fataliste dans l’antiquité peut se mesurer à sa longue persistance, tout au moins en Orient d’où elle était originaire. A la fin du paganisme, c’est contre elle qu’est dirigé en grande partie l’effort de l’apologétique chrétienne (36), mais elle devait résister à toutes les attaques et s’imposer même à l’islam.

Les armes dont les écrivains ecclésiastiques se servent pour la combattre, sont empruntées à l’arsenal de la vieille dialectique grecque ce sont en général celles qu’avaient employées depuis des siècles tous les défenseurs du libre arbitre le déterminisme détruit la responsabilité les récompenses et les châtiments sont absurdes si les hommes agissent en vertu d’une nécessité qui les domine, s’ils sont des héros ou des criminels nés. Nous n’insisterons pas sur ces discussions métaphysiques (37). Mais il est un argument qui touche de plus près au sujet dont nous nous occupons. Si un Destin irrévocable s’impose à nous, aucune supplication, objectait-on, ne peut changer sa volonté ; le culte est inefficace, et les prières ne sont plus, pour employer une expression de Sénèque, que « les consolations d’esprits maladifs (38) ». [p. 41]

Et, sans doute, certains adeptes de l’astrologie, comme l’empereur Tibère (39), négligent les pratiques religieuses dans la persuasion que la Fatalité gouverne toutes choses ; à l’exemple des stoïciens, ils érigent en devoir moral la soumission absolue au sort omnipotent, la résignation joyeuse à l’inévitable et se contentent de vénérer, sans lui rien demander, la puissance supérieure qui régit l’univers. Mais les masses ne s’élèvent pas à cette hauteur de renoncement. Toujours le caractère religieux de l’astrologie fut maintenu aux dépens de la logique. Les planètes et les constellations n’étaient pas seulement des forces cosmiques dont l’action propice ou néfaste s’affaiblissait ou se renforçait suivant les détours d’une carrière fixée de toute éternité. Elles étaient des divinités qui voyaient et entendaient, se réjouissaient ou s’affligeaient, avaient une voix et un sexe, étaient prolifiques ou stériles, douces ou sauvages, obséquieuses ou dominatrices (40). On pouvait donc apaiser leur courroux et se concilier leur faveur par des rites et des offrandes même les astres adverses n’étaient pas inexorables, et se laissaient fléchir par des sacrifices et des supplications. Le pédant borné qu’est Firmicus Maternus, affirme avec force la toute-puissance de la fatalité, mais en même temps il invoque les dieux, pour résister avec leur aide à l’influence des étoiles. Les païens de Rome du iv~ siècle étaient-Ils sur le point de se marier, voulaient-ils faire quelque emplette, ambitionnaient-ils [p. 42] quelque dignité, il couraient demander au devin ses pronostics, tout en priant les Destins de leur accorder des années prospères (41). Une antinomie fondamentale se manifeste ainsi dans tout le développement de l’astrologie, qui prétendait devenir une science exacte, mais qui fut à l’origine et resta toujours une théologie sacerdotale.

Toutefois, à mesure que l’idée de la Fatalité s’imposa et se répandit, le poids de cette théorie désespérante opprima davantage la conscience. L’homme se sentit dominé, accablé, par des forces aveugles, qui l’entraînaient aussi irrésistiblement qu’elles faisaient mouvoir les sphères célestes. Les âmes cherchèrent à échapper à la pression de ce mécanisme cosmique, à sortir de l’esclavage où les maintenait l’Anankè. Mais pour se soustraire aux rigueurs de sa domination, on n’a plus confiance dans les cérémonies de l’ancien culte. Les puissances nouvelles qui se sont emparées du ciel, doivent être apaisées par des moyens nouveaux. Les religions orientales apportent le remède aux maux qu’elles ont créés, et enseignent des procédés puissants et mystérieux pour conjurer le sort (42). Aussi parallèlement à l’astrologie, voit-on se propager une aberration plus néfaste, la magie (43). [p. 43]

Si l’on passe de ta lecture de la Tétrabible de Ptolémée à celle d’un papyrus magique, on se croira tout d’abord transporté à l’autre extrémité du monde intellectuel. On ne trouve plus rien ici de l’ordonnance systématique, de la méthode sévère qui distinguent l’œuvre du savant d’Alexandrie. Sans doute, les doctrines de l’astrologie sont aussi chimériques que celles de la magie, mais elles sont déduites avec une logique qui forçait l’assentiment des esprits réfléchis, et qui fait totalement défaut dans les ouvrages de sorcellerie. Recettes empruntées à la médecine et à la superstition populaires, pratiques primitives rejetées ou délaissées par les rituels sacerdotaux, croyances répudiées par une religion progressivement moralisée, plagiats et contre façons de textes littéraires ou liturgiques, incantations où sont invoqués, au milieu d’un baragouin inintelligible, les dieux de toutes les nations barbares, cérémonies bizarres et déconcertantes, forment un chaos où l’imagination se perd, un pot-pourri où il semble qu’un syncrétisme arbitraire ait cherché à réaliser une confusion inextricable.

Cependant, si l’on observe avec plus d’attention comment la magie opère, on constatera qu’elle part de principes analogues et agit d’après des raisonnements parallèles à ceux de l’astrologie. Nées en même temps dans les civilisations primitives de l’Orient, toutes deux reposent sur un fonds d’idées communes (44). La première découle comme la seconde du principe de la sympathie universelle, seulement elle ne considère plus la relation qui existe entre les astres, courant sur le plafond du ciel, et les phénomènes physiques et moraux [p. 44] mais celle qui unit entre eux les corps quels qu’ils soient. Elle part de l’idée préconçue qu’il existe entre certaines choses, certains mots, certaines personnes, des relations obscures mais constantes. Ces correspondances sont établies indistinctement entre les objets matériels et les êtres vivants, car les peuples sauvages attribuent à tout ce qui les entoure, une âme et une existence analogues à celle de l’homme. La distinction des trois règnes de la nature ne leur a pas été enseignée. Ils sont « animistes ». La vie d’une personne peut ainsi être liée à celle d’un objet, d’un arbre, d’un animai, de telle sorte que si l’un périt l’autre meurt, et que tout dommage éprouvé par l’un fasse souffrir son inséparable associé. Parfois le rapport qu’on établit provient de motifs clairement intelligibles comme la ressemblance entre l’objet et l’être ainsi, dans la pratique de l’envoûtement, lorsque pour tuer un ennemi on transperce une figure de cire qui est censée le représenter. Mais ces relations supposées ont souvent des raisons qui nous échappent elles dérivent, comme les qualités attribuées aux étoiles par l’apotélesmatique, de vieilles croyances dont le souvenir s’est perdu.

Comme l’astrologie, la magie est donc à certains, égards une science. D’abord, elle repose en partie comme les prédictions de sa compagne sur l’observation, une observation souvent incomplète, superficielle, hâtive, erronée, mais néanmoins très considérable. C’est une discipline expérimentale. Parmi la multitude des faits que la curiosité des magiciens a notés, il en était d’exacts, qui ont reçu plus tard la consécration des savants. L’attraction de l’aimant sur le fer a été utilisée par les thaumaturges avant d’être interprétée par les physiciens. Dans les vastes compilations qui circulaient sous les noms vénérables de Zoroastre ou d’Hostanès, des remarques fécondes se mêlaient certainement à des idées puériles et à des préceptes absurdes, de même que dans les traités d’alchimie grecque qui nous sont parvenus. [p. 45] L’idée même qu’en connaissant la puissance de certains agents, on peut faire agir les forces cachées de l’univers et obtenir des résultats extraordinaires, inspire les recherches de la physique comme les affirmations de la magie. La magie est une physique dévoyée comme l’astrologie est une astronomie pervertie.

De plus, la magie, toujours comme l’astrologie, est une science, parce qu’elle part de la conception fondamentale qu’il existe dans la nature un ordre et des lois, et que la même cause produit toujours les mêmes effets. La cérémonie magique qui s’accomplit avec le soin d’une expérience de laboratoire, aura régulièrement la conséquence attendue. Il suffit de connaître les affinités occultes qui unissent toutes choses, pour mettre en mouvement le mécanisme de l’univers. Seulement l’erreur des sorciers est d’établir une association entre des phénomènes qui ne dépendent nullement l’un de l’autre. Le fait d’exposer un instant à la lumière une plaque sensible dans une chambre noire, de la plonger ensuite, suivant des recettes données, dans des liquides appropriés et d’y faire apparaître ainsi l’image d’un parent ou d’un ami, est une opération magique, mais fondée sur des actions et des réactions véritables, au lieu de l’être sur des sympathies et des antipathies arbitrairement supposées. La magie est donc bien une science qui se cherche, et qui devient plus tard, comme l’a définie Frazer, « une sœur bâtarde de la science ».

Mais, comme l’astrologie, elle aussi fut religieuse à l’origine, et resta toujours une sœur bâtarde de la religion. Toutes deux grandirent ensemble dans les temples de l’Orient barbare. Leurs pratiques firent partie d’abord du savoir équivoque de féticheurs qui prétendaient par des rites, connus d’eux seuls, agir sur les esprits qui peuplaient la nature et la vivifiaient tout entière. Mais, de même que la puissance de plus en plus grande attribuée par les Chaldéens aux divinités sidérales, transforma la vieille astrologie, de [p. 46] même la magie prit un autre caractère à mesure que le monde des dieux, conçus à l’image de l’homme, se dégagea et se différencia davantage des forces physiques. L’élément mystique qui de tout temps se mêlait à ses cérémonies, reçut un développement et une précision nouvelles. Le magicien par ses charmes, ses talismans et ses conjurations agit désormais sur les « démons » célestes ou infernaux, et les contraignit à lui obéir. Mais ces esprits ne lui opposent plus seulement la résistance aveugle de la matière animée d’une vie incertaine, ce sont des êtres actifs et mobiles, doués d’intelligence et de volonté. Ils savent parfois se venger de l’esclavage qu’on prétend leur faire subir, et punir de son audace l’opérateur qui les redoute, tout en invoquant leur secours. L’incantation prend ainsi souvent la forme d’une prière, adressée à des puissances supérieures à l’homme, et la magie devient un culte.

Cette magie, à demi scientifique, à demi religieuse, ayant ses livres et ses adeptes professionnels, est d’origine orientale. La vieille sorcellerie grecque et italique semble avoir été assez bénigne. Conjurations qui détournent la grêle ou formules qui attirent la pluie, maléfices qui rendent les champs stériles et font périr le bétail, philtres d’amour, onguents de jeunesse, remèdes de bonne femme, talismans contre le mauvais œil, tout cela s’inspire des croyances de la superstition populaire, et se maintient aux confins du folk-lore et du charlatanisme. Même les magiciennes de Thessalie, qui passaient pour faire descendre la lune du ciel, étaient surtout des botanistes qui connaissaient les vertus merveilleuses des simples. L’effroi que les nécromanciens inspirent, provient en grande partie de ce qu’ils exploitent la vieille croyance aux revenants. Ils mettent en œuvre la puissance qu’on attribue aux fantômes, et glissent dans les tombeaux des tablettes de métal couvertes d’exécrations, pour vouer un ennemi au malheur ou à la mort. Mais il n’y a aucune trace, en Grèce ni en Italie, d’un système cohérent [p. 47] de doctrines, d’une discipline occulte et savante, ni d’un enseignement sacerdotal.

Aussi les adeptes de cet art douteux sont-ils méprisés. Ce sont encore à l’époque d’Auguste des gueuses équivoques qui exercent leur misérable métier dans les bas-fonds des quartiers populaires. Mais avec l’invasion des religions orientales, la considération pour le magicien grandit et sa condition s’élève (45). On l’honore et on le redoute davantage. Au IIe siècle, nul ne conteste plus guère qu’il puisse provoquer des apparitions divines, converser avec les esprits supérieurs et même s’élever en personne jusqu’au ciel (45). On saisit ici l’action victorieuse des cultes alexandrins. En Egypte (46) le rituel, à proprement parler, n’est pas autre chose à l’origine qu’un ensemble de pratiques magiques. Les cérémonies accomplies par les fidèles imposaient leur volonté aux dieux. Ceux-ci étaient contraints d’obéir sur-le-champ à l’officiant, si la liturgie était exactement accomplie, si les incantations et les paroles opérantes étaient récitées avec l’intonation juste. Le prêtre instruit avait une puissance presque illimitée sur tous les êtres surnaturels qui peuplaient la terre, les eaux, l’air, les enfers et les cieux. Nulle part on ne maintint moins la distance qui sépare l’humain du divin nulle part la différenciation progressive qui distingua partout la magie de la religion, ne resta moins avancée. Elles demeurèrent si intimement associées jusqu’à la fin du paganisme qu’on a peine parfois à distinguer les textes qui appartiennent à l’une ou à l’autre.

Les Chaldéens (47) aussi étaient de grands maîtres ès sorcellerie, [p. 48] à la fois versés dans la connaissance des présages et experts à conjurer les maux que ceux-ci annonçaient. Les magiciens, conseillers écoutés des rois, y faisaient partie du clergé officiel, y invoquaient dans leurs incantations l’aide des dieux de l’Etat, et leur science sacrée y était aussi respectée que l’haruspicine en Étrurie. Le prestige fabuleux qui continua de l’entourer, en assura la persistance après la chute de Ninive et de Babylone. La tradition n’en était point perdue sous les Césars, et une quantité d’enchanteurs se réclamaient à tort ou à raison de l’antique sagesse de la Chaldée (49).

Aussi, le thaumaturge, héritier supposé des prêtres archaïques, prend-il à Home même une apparence toute sacerdotale. Sage inspiré qui reçoit les confidences des esprits célestes, il se rapproche par la dignité de sa tenue et de sa vie des philosophes. Le vulgaire ne tarde pas à les confondre (50), et, de fait, la philosophie orientalisante de la fin du paganisme accueille et justifie toutes les superstitions. Le néo-platonisme, qui fait à la démonologie une large place, penche de plus en plus vers la théurgie, où il finit par se perdre.

Mais les anciens distinguent expressément de cet art licite et honorable, pour lequel on inventa ce nom de « théurgie (51) » la « magie » proprement dite, toujours suspecte et [p. 49] réprouvée. Le nom de mages (μάγοι) appliqué à tous les faiseurs de miracles, désigne proprement les prêtres du mazdéisme, et une tradition bien attestée faisait en effet des Persès (52) les auteurs de la véritable magie, de celle que le moyen âge appellera magie noire. S’ils ne l’ont pas inventée, car elle est vieille comme l’humanité, ils ont du moins été les premiers à l’édifier sur un fondement doctrinal et à lui assigner une place dans un système théologique nettement formulé. C’est le dualisme mazdéen qui donna à ce savoir pernicieux une puissance nouvelle avec les caractères qui le distingueront désormais.

Sous quelles influences s’est formée la magie perse, quand et comment elle s’est propagée, ce sont là des questions encore mal élucidées. La fusion intime qui s’opéra à Babylone entre les doctrines religieuses des conquérants iraniens et celles du clergé indigène, se produisit aussi dans cet ordre de croyances (53) et les mages, établis en Mésopotamie, combinèrent leurs traditions secrètes avec le code de rites et de formules appliqué par les sorciers chaldéens, [p. 50] La curiosité universelle des Grecs obtint de bonne heure communication de cette science merveilleuse. Les philosophes naturalistes, comme Démocrite, le grand voyageur, paraissent avoir fait plus d’un emprunt au trésor des observations recueillies par les prêtres orientaux. Ils ont sans doute puisé dans ces compilations disparates, ou le vrai se mêlait à l’absurde et le réel au fantastique, la connaissance de quelque propriété des plantes ou des minéraux, de quelque expérience de physique. Mais le clair génie des Hellènes se détourna toujours des spéculations troubles de la magie, et ne leur accorda qu’une attention distraite et une considération médiocre. Seulement à l’époque alexandrine, on traduisit en grec les livres attribués aux maîtres à demi fabuleux de la science persique, Zoroastre, Hostanès, Hystaspe, et jusqu’à la fin du paganisme ceux-ci jouirent d’une’ autorité prestigieuse. En même temps, les Juifs, initiés aux arcanes des doctrines et des procédés irano-chaldéens, en firent connaître indirectement certaines recettes partout où la Dispersion les répandit (54). Postérieurement une action plus immédiate fut exercée sur le monde romain par les colonies perses d’Asie Mineure (55) demeurées obstinément fidèles à leurs antiques croyances nationales.

La valeur particulière que les mazdéens attribuaient à la magie découle nécessairement de leur système dualiste. En face d’Ormuzd, qui siège dans le ciel lumineux, se dresse son adversaire irréconciliable, Ahriman, qui règne sur le monde souterrain. L’un est synonyme de clarté, de vérité, de bonté l’autre de ténèbres, de mensonge et de perversité. [p. 51]  L’un commande aux génies bienfaisants qui protègent la piété des fidèles ; l’autre aux démons dont la malveillance provoque tous les maux qui affligent l’humanité. Les deux principes opposés se disputent la domination de la terre, et chacun y a produit des animaux et des plantes utiles ou nuisibles. Tout y est céleste ou infernal. Ahriman et ses démons, qui viennent errer autour des hommes pour les tenter et leur nuire (56), sont des dieux malfaisants, mais des dieux indépendants de ceux qui forment l’armée secourable d’Ormuzd. Le mazdéen leur sacrifie soit pour détourner les malheurs dont ils le menacent, soit aussi pour les exciter contre les ennemis du vrai croyant. Plutarque (57) nous donne un exemple de ces sombres sacrifices des mages. « Ils pilent dans un mortier, dit-il, une herbe appelée moly (une espèce d’ail) en invoquant Hadès (Ahriman) et les Ténèbres, puis mêlant cette herbe au sang d’un loup qu’ils égorgent, ils l’emportent et la jettent dans un lieu où le soleil ne pénètre pas. » C’est bien là une opération de nécromant.

On comprend quelle force nouvelle une pareille conception de l’univers devait donner à la magie. Elle n’est plus seulement un assemblage disparate de superstitions populaires et d’observations scientifiques. Elle devient une religion à rebours ses rites nocturnes forment l’effroyable liturgie des puissances infernales. Il n’est aucun miracle que le magicien expérimenté ne puisse attendre du pouvoir des démons, s’il connaît le moyen de les transformer en ses serviteurs ; il n’est aucune atrocité qu’il ne puisse inventer pour se rendre propices des divinités mauvaises, que le crime satisfait et que la souffrance réjouit. De là, cet ensemble de pratiques impies, célébrées dans l’ombre, et [p. 52] dont l’horreur n’a d’égale que leur ineptie préparation de breuvages qui troublent les sens et égarent la raison, composition de poisons subtils extraits de plantes démoniaques et de cadavres qu’a saisis la corruption, fille des enfers (58) immolations d’enfants pour lire l’avenir dans leurs entrailles palpitantes ou évoquer les revenants. Tous les raffinements sataniques que peut concevoir en un jour de démence une imagination pervertie (p. 59) plairont à la malignité des esprits immondes ; plus leur monstruosité sera odieuse, plus certaine sera leur efficacité.

En présence de ces abominations, l’État romain s’émeut, et il les frappe de toute la-rigueur de sa justice répressive. Tandis qu’on se contentait d’ordinaire, en cas d’abus constaté, d’expulser de Rome les astrologues —qui se hâtaient d’y rentrer, — les magiciens sont assimilés aux meurtriers et aux empoisonneurs, et punis des derniers supplices. On les cloue sur la croix, on les expose aux bêtes. On poursuit non seulement l’exercice de leur profession, mais le simple fait de posséder des ouvrages de sorcellerie (60).

Seulement, il est toujours avec la police des accommodements, et les mœurs furent ici encore plus fortes que les lois. Les rigueurs intermittentes des édits impériaux ne furent pas plus efficaces pour détruire une superstition invétérée, que la polémique chrétienne pour la guérir. L’Etat et l’Eglise en s’unissant pour les combattre reconnaissaient sa puissance. Ni le premier ni la seconde n’atteignait la racine du mal, et ne niait la réalité du pouvoir exercé par les sorciers. Tant qu’on admit que les esprits malins intervenaient [p. 53] constamment dans les affaires terrestres, et qu’il existait des moyens secrets permettant à l’opérateur de les dominer ou de partager leur puissance, la magie fut indestructible. Elle faisait appel à trop de passions humaines pour n’être pas entendue. Si d’une part le désir de pénétrer les mystères de l’avenir, la crainte de malheurs inconnus et l’espoir toujours renaissant poussaient les foules anxieuses à chercher une certitude chimérique dans l’astrologie, de l’autre dans la magie, l’attrait troublant du merveilleux, les sollicitations de l’amour et de l’ambition, l’âpre volupté de la vengeance, la fascination du crime et l’ivresse du sang versé, tous les instincts inavouables dont on cherche dans l’ombre l’assouvissement, exerçaient tour à tour leur séduction. Elle poursuivit à travers tout l’empire romain son existence occulte et le mystère même dont elle était forcée de s’entourer augmenta son prestige, en lui donnant presque l’autorité d’une révélation.

Une affaire curieuse qui se passa dans les dernières années du Ve siècle à Béryte en Syrie, nous montre quelle confiance les esprits les plus éclairés gardaient encore à cette époque dans les pratiques de la magie la plus atroce. Des étudiants de la célèbre école de droit de cette ville voulurent une nuit égorger dans le cirque un esclave, afin que le maître de celui-ci obtînt les faveurs d’une femme qui lui résistait. Dénoncés, ils durent livrer les volumes qu’ils tenaient cachés et parmi lesquels on trouva ceux de Zoroastre et d’Hostanès, ainsi que ceux de l’astrologue Manéthon (61). La ville fut en émoi, et de nouvelles perquisitions prouvèrent que beaucoup de jeunes gens préféraient à l’étude des lois romaines celle de la science qu’elles prohibaient. Sur l’ordre de l’évêque, on fit un solennel autodafé de toute cette littérature en présence des magistrats et du clergé, après avoir donné [p. 54] lecture publique des passages les plus révoltants, en sorte, dit le pieux auteur qui nous raconte cette histoire, que chacun apprit à connaître les promesses orgueilleuses et vaines des démons.

Ainsi se perpétuaient encore dans l’Orient chrétien après la chute du paganisme les antiques traditions des mages de la Perse. L’art néfaste qu’ils avaient enseigné n’opposa pas en Occident une résistance moins obstinée aux poursuites et aux anathèmes et, dans l’Europe du moyen âge, le vieux dualisme mazdéen continua à se manifester, jusqu’à l’aurore des temps modernes, dans les cérémonies de la messe noire et du culte de Satan.

Sœurs jumelles engendrées par l’Orient superstitieux et érudit, la magie et l’astrologie sont toujours restées les filles hybrides de sa culture sacerdotale. Leur existence est gouvernée par deux principes contraires, le raisonnement et la foi, et leur volonté oscille perpétuellement entre ces deux pôles de la pensée. Elles s’inspirent l’une et l’autre de la croyance en une sympathie universelle, qui suppose entre les êtres et les objets, animés tous pareillement d’une vie mystérieuse, des relations occultes et puissantes. La doctrine des influences sidérales combinée avec la constatation de l’immutabilité des révolutions célestes, conduit l’astrologie à formuler pour la première fois la théorie d’un fatalisme absolu et préconnaissable. Mais à côté de ce déterminisme rigoureux, elle conserve la foi de son enfance en des étoiles divines, dont l’homme par sa dévotion peut s’assurer la bienveillance et désarmer la malignité. La méthode expérimentale se réduit à compléter les pronostics fondés sur le caractère supposé des dieux stellaires. La magie, elle aussi, reste à demi empirique, à demi religieuse. Comme notre physique, elle repose sur l’observation [p. 55] elle proclame la constance des lois de la nature, et elle cherche à s’emparer des énergies latentes du monde matériel pour les asservir à la volonté de l’homme. Mais en même temps elle reconnaît dans les forces qu’elle prétend se soumettre des esprits ou démons, dont on peut, par des sacrifices et des incantations, se concilier la protection, adoucir la malveillance, ou déchaîner l’hostilité furibonde. Malgré toutes les aberrations où elles s’égarèrent, l’astrologie et la magie n’ont pas été inutiles. Leur savoir mensonger a contribué sérieusement au progrès des connaissances humaines. En entretenant chez leurs adeptes des espérances chimériques et des ambitions fallacieuses, elles les vouèrent à des recherches pénibles qu’ils n’eussent pas entreprises sans doute ou poursuivies par amour désintéressé du vrai. Les observations que les prêtres de l’antique Orient recueillirent avec une inlassable patience, provoquèrent les premières découvertes des sciences naturelles et de l’astronomie. Mais celles-ci, en reconnaissant plus tard l’inanité des illusions merveilleuses dont elles s’étaient nourries, ruinèrent les fondements de l’astrologie et de la magie, à qui elles devaient leur naissance.

Bruxelles.

FRANZ CUMONT.

Notes

(1) Cet, article est un chapitre détaché d’un volume qui contiendra sept conférences sur le paganisme romain, que nous avons faites au Collège de France durant le mois de novembre. Ce n’est qu’un morceau séparé d’un ensemble, et le lecteur voudra bien s’en souvenir. Certains points qui sont seulement indiqués ici ont été développés ailleurs, et nous n’avons pu supprimer toutes les références à d’autres parties du volume.

(2) L’ouvrage de Bouché-Leclercq sur L’Astrologie grecque(Paris, 1899) dispense de recourir encore aux exposés antérieurs de Saumaise (De annis climactericis, 1648), de Seyffarth (Beiträge zur Lit. Des alten Aegypten, II, 1833), etc. C’est à ce traité fondamental que sont empruntés, à moins d’autre indication, la plupart des faits que nous citons. Un grand nombre de textes nouveaux ont été publiés dans le Catalogus codicum astrologicum(6 votumes parus, Bruxelles, 1898 suiv.). — Franz Boll, Sphaera(Leipzig, 1903, est capital pour l’histoire des constellations grecques et barbares (Cf. Rev. Archéol., 1903, I, 437). — M. De La Ville de Mirmont a donné des notes sur l’astrologieen Gaule au Ve siècle, Rev. des études anciennes, 1902, p. 115, ss. ; 1903, 255 ss.

(3) Stephan Byzant., dans Cat. codd. astr. T. II,, 235, I. 12 : Έξνογωντάτη ϰαί πάσηζ έπιστήμηζ δέσποινϰ. Theophil. Edess. Ibid., T. V, p 184. : Ὄτι πατών τιμιωτέρα τεϰνών.

(4) 1. Cf. Louis Havet, Revue bleue, novembre 1905, p. 644.

(5) Suétone, Tib. 69.

(6) Suétone, Otho8 ; cf. Bouché-Leclercq, p. 556, n. 4.

(7) Sur ces édifices, cf. Maas, Tagesgötter, 1902 ; la forme « Septizonia » doit être préférée à « Septizodia ». Cf. Schürer, Siebentägige Woche(Extr. Zeitsch. Wissench., VI), 1904, p. 31, 63.

(8) Friedländer, Sittengesch., I, p. 364. Il semble que l’astrologie ne pénétra jamais dans les couches profondes du peuple des campagnes. Elle n’occupe qu’une place insignifiante dans le folklore et la médecine des paysans.

(9) Manilius, IV, 16.

(10) . On connaît le précepte : Ungues Mercurio, barbam Iove, Cypride crinem, dont se moque Ausone, VII, 29 (p. 108 Piper).

(11) Cal. Codd. Astr., V. (Rom.), p. 11, cod. 2, f. 34 v. : « Περί τού εί ἒγει μέγανῥἷνϰ ό γεννηθείς. Πότερον  πόρνη γένηται ή γεννηθεῐσα. On trouve fréquemment, des chapitres, περί όνύϰων, περί ίματίων.

(12) Varron, Re Rustica, I, 37. 2 ; cf. Plin., Hist. nat., XVI. 75, § 194. Ceci est à la vérité de la superstition populaire plutôt que de l’astrologie.

(13) CIL. VI, 27140 = Bücheler, Carmina epigraph. 1163… decipit utrosque, Maxima mendacis fama mathematici.

(14) Palchos dans le Cat. Codd. Astr., I, p. 106-107.

(15) Cf. Steph. Byz. dans Cat. Codd. Astr., II, p. 186.  Il appelle l’une et l’autre στόϰασμός ἔντεϰνος. L’expression est reprise par Manuel Commène, Cat., V, p. 123, 4.

(16) Ainsi dans le chapitre sur les étoiles fixes, qui a passé d’un auteur païen écrivant à Rome en 379, chez Théophile d’Édesse et chez un byzantin du IXe siècle, cf. Cat. Codd. Astr., V. p. 212, 218. — Sur tout ceci, cf. Mon. Myst. Mithra, I, p. 31 suiv.

(17) Cat. Codd. Astr., I, p. 79.

(18) Firmic. Mat. II, 30, VIII, 5. Cf. Théophile Edess. Cat. V. p. 238, 25. Julien Laod., Cat., IV, p. 104, 4.

(19) CIL. V, 5893.

(20) Riess dans  Paul-Wissowa, Realenc., s. v. Abergtaube, col. 38 suiv.

(21) Vettius Valens, Cat., II, p. 89, 22.

(22) Cat., V, p. 210, où l’on trouvera une série d’autres exemples.

(23) Cf. Boll, op. cit., et sa note à propos des listes d’animaux attribuées aux planètes, dans Roscher Lexicon Myth., s. v. Planaten. col. 2534.

(24) Cat., V, p. 210 suiv.

(25) Ces points ont été traités plus longuement dans une conférence sur les Baals syriens.

(26) Juien Laod., Cat., p. 136, I, 1 : Βασιλεύς ϰαί ή γεμών τού σύμπαντος ϰόσμου ϰαθεστώς, πάντων ϰαθηγούμενος ϰαί πάντων ών γενεσίάρης… Cf. Bouché-Leclercq, p. 117 suiv.

(27) Culte du ciel, des signes du zodiaque et des éléments. Cf. mes Mon. Myst. Mithra, I, p. 85 suiv., 98 suiv., 108 suiv.

(28) Culte du Temps:  Ibid., p 20, p. 74 suiv. ; des Saisons : Ibid., 92 suiv. — Il n’est pas douteux que l’adoration du Temps et de ses parties (Saisons, Mois, Jours etc.) se soit répandue sous t’influence de l’astrologie. Déjà Zénon les divinisait ; Cicéron,Nat. D., II, 63 (= von Arnim fr.165) : « Astris hoc idem (i. e. vim divinam) tribuit tum annis mensibus annorumque mutationibus. » Conformément au matérialisme des Stoïciens, toutes ces durées du temps étaient conçues par lui comme des corps (von Arnim. l. c.,II, fr. 665 ; cf. Zeller, Ph. Gr., IV3, p. 316, 221). — Les textes postérieurs sont réunis par Drexler dans Roscher, Lexicon, s. v. v. Mên, col. 2689. Ajouter Ambrosiaster, Comm. in epist. Galat., IV, 10 (Migne, 381 B). — Avant l’Occident, l’Egypte avait vénéré comme des dieux les Heures, les Mois et les Années propices ou néfastes ; cf. Wiedemann, l.c., [infra p. 47, n. 3], p. 7 suiv.

(29) Elles ornent fréquemment les mss. astronomiques. Il faut citer particulièrement le Vaticanus gr. 1291 dont l’archétype remonte au IIIe siècle de notre ère ; cf. Boll, Sitzungsh. Akad. Münch., 1899, 125 suiv., 136 suiv. (Nuit et Jour, Heures, Mois).

(30) Piper, Mythologie der christl. Kunst, 1851, II, p. 313 suiv. Cf. Mon. myst. Mithra, I, p. 220.

(31) Bidez, Bérose et la grande année (Mélanges Paul Frédericq, Bruxelles, 1904, p. 9 suiv.).

(32) Cf. Mon. myst. Mithra, I, p. 33 suiv., p. 309, et plus récemment Bousset, Die Himmelsreise der Seele(Archiv fur Religionswiss., t. IV), 1901, p. 160 suiv.

(33) Goethe, ayant fait en 1784 l’ascension du Brocken par un ciel radieux, exprima son admiration en écrivant de mémoire les vers II, 115) : « Quis caelum possit nisi caeli munere nosse Et reperire deum, nisi qui pars ipse deorum est » ;  Cf. Brief zu Frau von Stein, n° 518, ed. Schöll, 1885, cité par Ellis, Noctes Manilianae, p. VIII.

(34) Manilius, IV, 14.

(35) 1. Cf. cette Revue, t. 1, p. 445 suiv.

(36) L’ouvrage le plus important est malheureusement perdu : c’est le Περίείμαργένης de Diodore de Tarse. Photius nous en a transmis un résumé (Bibl. 223). Nous avons conservé le traité sur le même sujet de Grégoire de Nysse (P. G., XLV, 145). Ils eurent pour allié le platonicien Hiéroctès (Photius, cod. 214. p. 172 b). On trouve beaucoup d’attaques contre l’astrologie dans saint Basite(Hexaem., VI, .5), saint Grégoire de Nazianze, saint Méthode (Symp. P. G., XVIII, p. 1173) ; plus tard dans saint Jean Chrysostome, Procope de Gaza, etc. Un curieux extrait de Julien d’Halicarnasse a été publié par Usnener, Reiniches Mus., LV, p. 321. — Nous avons dit quelques mots de la polémique latine dans cette Revue, t. VIII, p. 423 suiv., mais l’adversaire principal des mathematicifut saint Augustin.

(37) M. Bouché-Lec!ercq leur consacre un chapitre (p. 609 suiv.).

(38) Sen.,Quaest., Nat., II, 35 : « Expiationes et procurationes nihil aliud esse quam aegrae mentis solatia. Fata inrevocabiliter ius suum [p. 41] peragunt nec ulla commoventur prece. » Cf. Vettius Vaens, V, 6 (Catal. Cood. Astr., t. V, 2°p.) : άδύνατόν τινα εύϰαῒς ή θυσίαις έπινιϰήσαι τήν έξ άρϰής ϰαταζολήν ϰ.τ.λ. — Sur l’opposition établie entre l’astrotogie et le culte, cf. Mon. myst. Mithra, t. 1er, p. 120, 311, et cette Revue, t. VIII, p. 431, n. 2.

(39) Suétone,Tib. 69 : « Circa deos ac religiones neglegentior quippe addictus mathematicae plenusque persuasionis cuncta fato agi. » 2

(40). Signes  εβλέποντ et άϰούοντα ; cf. Bouché-Leclercq, p. 159 suiv. — Les planètes le réjouissent (ϰαίρειν) dans leurs mansions, etc. — Signes φωνήεντά, etc. Cf. Cat., I, 164 suiv. Bouché-Leclercq, p. 77 suiv. — La terminologie des manuels les plus sèchement didactiques est saturée de mythologie.

(41) Saint Léon, In Nativ., VII, 3( Migne, P. L.,LIV, 218 😉 Firmicus, I, 6 et7 Ambrosiaster, dans la Revue, t. VIII, p. 16.

(42) Cf. Reitzsenstein, Poimandres, p. 77 suiv. C’est là le sens du vers des Orac. Chaldaica : ού γάρ ύφ’ είμαρτήν άγέλην πίπτουσι θεούργοι (p. 59. Kroll).

(43) nous manque un livre d’ensemble sur la magie grecque et romaine. Maury, La magie et l’astrologie dans l’antiquité et au moyen âge est une simple esquisse. L’exposé le plus complet est celui de Hubert, art. Magiadans le dict. de Saglio. On y trouvera l’indication des sources et la bibliographie antérieure. On peut citer comme études plus récentes : Fahz, De poetarum Romanorum doctrina magica, Giessen, 1903 ; Audollent, Defixionum talulæ quotquot innouerunt, Paris, 1904, et Wünsch, Antikes Zaubergeräth aus Pergamon, Berlin, 1905 (importante trouvaille du IIIe siècle après J.-C.). La superstition qui n’est pas la magie, mais y touche, a fait l’objet d’un article très substantiel de Riess, Aberglube dans laRealenc. de Pauly-Wissowa. Un essai de Kroll, Antiker Aberglaube, Hambourg, 1897, mérite d’être mentionné. Cf. Ch. Michel dans cette Revue,t. VII, 1902, p. 184.

(44) La question des principes de la magie a fait récemment l’objet de discussions provoquées par les théories de Frazer, The Golden Bough, 2eéd, 1900, trad. Par Stiebelet-Toutain. Le Rameau d’Or, Paris, 1903, [cf. Gobelet D’Alviela, Revue de l’Unive. de Bruxelles, octobre 1903]. Cf. Andrew Lang, Magic and religion, Londres, 1901 ; Hubert et Mauss, Esquisse d’une théorie générale de la magie(Année sociologique), 1902.

(45) Friedländer,Sittengeschichte, I°, 509suiv.

(46) Arnobe, II, 62, cf. II, 13 ; Jamblique, De Myst., VU!, 4.

(47) Magie en Egypte Budge, Egyptian Magic, Londres, 1901. Wiedeman, Magic und Zauberei in allen Aegypten, Leipzig, 1905, [cf. Maspero, Rev. critique, 1905, II, p. 166], et les ouvrages analysés par Capart, Rev. hist. des relig.,1905, [Bulletin de 1904, p. 17].

(48) Fossey,La magie assyriennne, Paris, 1902. On trouvera, p. 7, la bibliographie antérieure. Cf. aussi Hubert dans Saglio s. v. Magia, [p. 48] p. 1505, n. 5. On rapprochera utilement de la magie assyro-chaldéenne, la magie hindoue. Cf. Victor Henry, La, Magie dans l’Inde antique, Paris, 1904.

(49) Il ne manque pas d’indices qui montrent que la magie chaldéenne se propagea dans l’empire romain (Apulée, De magia, 38. Lucien, Philopseude, c. 11 ;Necyom., c. 6, etc. Cf. Hubert, l. c.). Les promoteurs les plus influents de la rénovation de ces études sembtent être deux personnages assez énigmatiques, Julien le Chaldéen et son fils Julien le Théurge qui vivait sous Marc-Aurèle. Celui-ci passait pour l’auteur des Αόγια Χαλδαἲϰά, qui devinrent en quelque sorte la Bible des derniers néoplatoniciens.

(50) Apulée, De magia, c. 27. Le nom de φιλόσοφος, /philosophicus, finit par être appliqué à tous les adeptes des sciences occultes.

(51) Le terme parait avoir été employé d’abord par Julien dit le Théurge, et avoir passé de là dans Porphyre (Augustin, Civ. Dei, X, 9-10) [p. 49] et chez les néoplatoniciens postérieurs (je dois cette observation à mon collègue M. Bidez).

(52) Les découvertes de papyrus magiques ayant été faites en Egypte, on a été porté à exagérer l’influence que la religion de ce pays exerça sur le développement de la magie. Elle lui fit une large place, nous l’avons rappelé plus haut, mais l’étude même des papyrus prouve que des éléments d’origine très diverse s’étaient combinés avec la sorcellerie indigène. Celle-ci paraît avoir insisté surtout sur l’importance des « noms barbares », parce que le nom a pour les Egyptiens une réalité indépendante de l’objet qu’il désigne et possède par lui-même une force opérante. Mais ce n’est là, somme toute, qu’une théorie accessoire, et il est très remarquable que Pline traitant de l’origine de la magie [XXX, 7] nomme en première ligne les Perses, mais ne mentionne même pas les Egyptiens.

(53) Mon. Myst. Mithra, I, 230 suiv. — Par suite, Zoroastre, maître incontesté des mages, est souvent considéré comme un disciple des Chaldéens ou comme étant lui-même de Babylone. Le mélange des croyances iraniennes et chaldéennes apparaît clairement dans Lucien, Necyom., 6 suiv. 11.

(54) Magie juive : Blau, Das Alljüdische Zauberwesen, 1898, cf. Hubert, l. c., p.1505.

(55) Pline, H. N., XXX, 1, § 6 ; Juvenal, VI, 548 suiv. Pour Pline, ces mages connaissent surtout veneficas artes. La toxicologie de Mithridate remonte à cette source. (Pline, XXV, 2, 7). Cf. Horace, Epod., V, 2i ; Virgile, Egl., VIII, 95, etc.

(56) Minucius Fel., Octavius, 26 : « Hostanes daemones prodidit terrenos, vagos, humanitatis inimicos. »

(57) Plut., De Iside, c. 46.

(58) La druj Nasudes mazdéens, cf. Darmesteter,Zend Avesta, II, p. XI et 146 suiv.

(59) Cf. surtout Lucian, Phars., VI, 520 suiv.

(60) Mommsen, Strafrecht, 639 suiv. —Il n’est pas douteux que la législation d’Auguste punît déjà la magie, cf. Dion, LII, 34, 3 ; Manilius, II, 108, oppose à l’astrologie les artes quarum haud permissa facultas. Cf. aussi Suet., Aug., 31.

(61) Zacharie le Scholastique, Vie de Sévère d’Antioche, éd. Kugener (Patrol. orientalis, HII), p. 57 suiv.

(62) Magie à Rome au V° siècle, cf. supra, t. VIII, 435.

 

LAISSER UN COMMENTAIRE