Dalex T. Le Vampirisme. Paradoxe humoristique. Extrait de la « Revue spirite. Journal d’études psychologiques ou de spiritualisme expérimental », (Paris), Trentième année, 1887, pp. 467-169.

Dalex T. Le Vampirisme. Paradoxe humoristique. Extrait de la « Revue spirite. Journal d’études psychologiques ou de spiritualisme expérimental », (Paris), Trentième année, 1887, pp. 467-169.

Une curiosité que cet article d’un auteur dont nous n’avons trouvé aucune trace bio-biliographique.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – L’image a été rajoutée par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 467]

LE VAMPIRISME

PARADOXE HUMORISTIQUE

Le spiritisme, en faisant tomber les barrières du monde invisible, nous montre les incarnés et les désincarnés comme ne composant qu’une seule famille dont tous les membres ont entre eux des moyens de communication matériels.

II n’est donc pas difficile de comprendre comment des êtres peuvent juxtaposer leur vie à la nôtre et se créer ainsi une existence d’emprunt.

On a toujours cru plus ou moins aux vampires Dom Calmet a fait un gros livre sur la matière. Je n’ai pas l’intention de marcher sur ses traces. Ce n’est que du vampirisme moral que je veux parler aujourd’hui.

Donc, le véritable caractère du vampire est de se nourrir de la substance des autres sans rien donner de lui. C’est dans son espèce un jouisseur [p. 468] II écrème la vie, il moissonne ce que les autres ont péniblement fait pousser. C’est un parasite, mais un parasite qui ne laisse rien subsister de la vie propre de l’être auquel il s’attache : il prend toute sève à sa source et ne lui permet pas de se renouveler. De là ce vide, cette angoisse du malheureux qui est en proie à cette perpétuelle succion.

Qui n’a connu plus ou moins ce vampirisme de l’âme, ou toutes les forces effectives s’épuisent sans espoir de retour ? Pour y être insensible, il faudrait avoir l’esprit de détachement et de sacrifice, ce qui fait que lorsque l’on croit tout nous prendre, on ne peut rien nous enlever. Mais si nous croyons à la vie de ce monde, si nous jouons franc jeu, nous livrant à autrui dans l’espoir d’une réciprocité légitime ; oh ! comme nous pouvons être déçus !

Il y a le vampire de la famille, le vampire de la société, le vampire de la science, le vampire de l’art, etc… C’est tel spéculateur qui ruine par ses agissements des milliers de petites bourses ; tel artiste qui, par une réputation surfaite et par l’intrigue escamote la faveur du public, au détriment de l’artiste de talent qui meurt dans un grenier ; tel savant qui cherche à surprendre au passage un trait de génie pour se l’approprier ; tel homme de lettres, braconnier des idées, qui dévalise votre pensée, vampirise votre cerveau…, tout cela sous une apparence bénigne, avec un bon sourire, un serrement de main.

Voyez ce jeune homme et cette jeune fille, pâles, maladifs ; l’intérêt les entoure ; on craint à tout instant pour leur vie ; on les croit désignés d’avance aux coups du sort : ils se trainent à peine et semblent avoir laissé de leur sang tout le long de la route Cependant tout ce qui les approche est victime de leur égoïsme, de leurs caprices ; ils ne vivent que de la substance des autres, et s’ils sont toujours maigres et blêmes, c’est qu’ils sont toujours affamés. Pourtant certains vampires portent sur eux les marques de leur gloutonnerie et se détournent de la plaie, lorsque, semblables aux sangsues, ils sont gonflés de sang.

Oui, le vampirisme existe partout. La lune, par exemple, ce satellite de la terre, est à la fois son parasite et son vampire.

Nous sommes tous vampirises ou vampirisants. L’enfant dans le sein de sa mère est un petit vampire et souvent bien longtemps après sa naissance. Chacun de nous joue alternativement le rôle de bourreau et de victime, et notre apparente résignation ne sert parfois qu’à cacher notre tyrannie.

Mais il est des êtres qui sont vampires au suprême degré. Il suffit de les approcher pour qu’ils vous prennent quelque chose. On part se sentant affaibli.

Les esprits peuvent être aussi moralement nos vampires, prendre le suc de nos pensées et le transporter à autrui. C’est ainsi qu’après avoir conçu [p. 469] une idée, nous la voyons bientôt se réaliser sans notre intervention. Les grands génies sont peut-être, eux aussi, comme ces arbres géants qui tirent à eux toute la sève de la terre. Cependant tout le monde jouit de leur ombre et de leur lumière. II n’y a en définitive que des vols faits à l’orgueil.

Celui qui n’a rien demandé à son tour à celui qui possède. La nature tout entière vampirise son Dieu.

Si nous ne perdons que les richesses physiques, ne les regrettons pas ; elles n’en valent pas la peine… Quant aux richesses spirituelles, rien ne saurait nous les ravir.

II y a peut-être dans chacun de nous un invisible qui participe à tous nos actes et s’assimile notre vie. Eh bien ? songeons qu’il s’améliore en même temps que nous. S’il est beau de progresser seul, il l’est davantage de progresser pour deux et de gravir la montagne avec le boulet au pied. S’il a la responsabilité des fautes qu’il nous fait commettre, tachons de le rendre solidaire de notre vertu. La charité veut que nous vivions avec nos vampires, comme l’arbre avec ses parasites, la société avec ses vagabonds et ses voleurs.

J’ai peut-être poussé à l’extrême les conséquences du principe de solidarité. Mais nous devons toujours nous rappeler les paroles du Maitre : « Si vous n’aimez que ceux qui vous font du bien et qui vous aiment, quel mérite en aurez-vous ?

T. DALEX

 

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