Antoine Le Camus. Du sommeil et de la veille. Extrait de « Médecine de l’esprit … ». Paris, tome 1, 1753, pp. 366-370.

Antoine Le Camus. Du sommeil et de la veille. Extrait de « Médecine de l’esprit, où l’on traite des dispositions & des causes physiques qui, en conséquence de l’union de l’âme avec le corps, influent sur les opérations de l’esprit, & des moyens de maintenir ces opérations dans un bon état, ou de les corriger lorsqu’elles sont viciée ». Paris, tome 1, 1753, pp. 366-370.

 

Antoine Le Camus (1722-1772). Médecin. -Docteur régent de la Faculté de médecine de Paris. Professeur de thérapie. Membre des académies d’Amiens et de La Rochelle. Poète.
Quelques publications en français (car il publia aussi en latin).
— Médecine de l’esprit: Où l’on traite des Dispositions & des Causes Physiques qui, en conséquence de l’union de l’âme avec le corps, influent sur les opérations de l’esprit; et les moyens de maintenir ces opérations dans un bon état, ou de les corriger… Paris, Ganeau, 1753. 2 vol. in-8°, (XXIII p., 374 p.) + (2 ffnch., 393 p.). – Ega@lement : … Seconde édition,revue, corrigée et augmentée. 1769.
— La Médecine pratique, rendue plus simple, plus sûre, et plus méthodique. On commence par le Traité des maladies de la tête, pour servir de suite à la Médecine de l’esprit… – La Médecine pratique… Tome II. Maladies du district du coeur. Par M. Le Camus,… [Avec un Éloge historique de Me Antoine Le Camus, par E.-C. Bourru.]. Paris : Ganeau , 1769-1772. 2 vol.
— Mémoires sur divers sujets de médecine .1. et 2. sur le cerveau, principe de la génération ; 3. contre l’ébullition des plantes ; 4. sur l’abus des huileux ; 5. sur la pierre ; 6. sur la rage ; 7. sur le pouls ; 8. sur la conservation des hommes bien faits, par M. Le Camus,… Paris : Ganeau, 1760. 1 vol

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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Du sommeil & de la veille.

On peut comparer en général le sommeil au repos, & la veille à l’exercice. Si ce n’est que le sommeil repare les forces avec beaucoup plus d’efficacité que le repos, & affecte d’avantage le cerveau ; & que la veille cause dans tout le genre nerveux un érétisme plus considérable que celui qu’auroit produit l’exercice.

PARAGRAPHE PREMIER

Du Sommeil

Le sommeil est une mort qui nous redonne la vie. S’il est renfermé dans des justes bornes, les actions vitales reçoivent une nouvelle énergie, les organes des sens sont tendus de la manière la plus efficace pour recevoir les impressions & en sentir les plus légères différences ; il s’est séparé une nouvelle quantité de suc nerveux pour survenir à tous les besoins dans l’occasion. Si au contraire il paffe les limites que lui prescrivent l’âge, les tempéramens, la saison, le temps, la nature des [p. 367] travaux, tant s’en faut que les effets soient salutaires, ils sont préjudiciables, alors la chaleur naturelle diminue sensiblement, le sang devient plus sereux & est chargé d’un grand nombre de parties qui devroient être enlevées par les sécrétions, tous les mouvemens Ie sont avec moins de facilité & de souplesse , les organes des sens sont engourdis, & l’âme affoiblie par la paresse, languit dans une oisiveté donc, elle est incapable dese retirer par elle-même. Aussi Platon disoit-il, qu’un trop long sommeil nuisoit autant à l’âme qu’au corps. C’est pourquoi il se levoit dès le grand matin & ne dormoit que le temps qu’il falloit pour éviter les maux qu’entraîne avec elle une trop longue veille.

Reglez donc la durée de sommeil sur votre âge, votre tempérament ment & les autres états de vos corps ou du ciel qui vous environne. Reglez la surtout sur le genre & l’espèce de vos travaux : car plus on fatigue, plus on a besoin de repos. C’est sur cette maxime que nous accorderons aux gens de Lettres un sommeil plus long qu’aux personnes qui exercent d’avantage leurs corps que leurs esprits : mais il ne faut pas qu’il soit trop étendu. [p. 368]

Le sommeil d’Epimenides qui dura cinquante-sept ans est un vrai songe. Ce n’est pas en dormant, comme on veut le faire accroire, qu’il s’instruisit des mystères de la Philosophie, c’est en voyageant chez des peuples instruits & qui avoient déjà jettés les fondemens de la Morale. L’absence de ce Philosophe pouvoit être à l’égard de ses concitoyens comme son sommeil.

PARAGRAPHE II

De la Veille.

La veille est cet état dans lequel les organes des sens tant internes qu’externes sont facilement affectés par les objets, & dans lequel les mouvemens volontaires s’exécutent avec liberté. Cet état requiert une suffisante quantité d’esprits animaux & une certaine tension dans les fibres du cerveau. La quantité d’esprits & la tension des fibres diminuent-elles ? les muscles s’affaissent peu-à-peu, les organes des sens languissent insensiblement, on s’endort. Un sommeil doux & paisible ramène tout au premier état & l’âme, pour ainsi dire, éveillée de son assoupissement, agit, pense [p. 369] & le ressouvient selon son bon plaisir.

Si les veilles sont trop prolongées, elles ruinent la santé. Les esprits animaux deviennent trop subtils & les fibres du cerveau se dessèchent trop. C’est pour cette raison que moins on dort, moins on veut dormir. C’est par cette raison aussi que les veilles aiguisent ns esprits, les tendent moins lourds & nous rendent plus propres à concevoir les choses, C’est une observation que nous ferons dans la suite de cet Ouvrage, que souvent ce qui altère sensiblement notre santé, nous dispose à avoir les sensations & l’imagination beaucoup plus vives. Ici les veilles prolongées occasionnent les mêmes accidens qu’un exercice forcé. Toutes les fibres sont tendues au-delà de leur ton, le sang s’alcalise ; état prochain de la fièvre & de l’inflammation. Ainsi quoique les veilles nous disposent efficacement à avoir de l’esprit, nous croions que c’est un moyen à ménager avec beaucoup de circonspection, puisque la santé y est si fort intéressée. Il est vrai que quelquefois en le négligeant on en pense moins subtilement ; mais on a l’avantage de penser plus long-temps & de [p. 370] jouitr d’une meilleure santé ; ce qui équivaut aux avantages les plus brillans.

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