Sante de Sanctis. Psychoses et rêves. Article paru dans les « Rapports du Congrès International de neurologie, de Psychiatrie, d’Electricité médicale & d’Hypnologie. Première session tenue à Bruxelles du 14 au 21 septembre 1897. Fascicule 1 », (Paris), Félix Alcan, 1898, pp. 138-160.

SANTEDESANCTIS0001Sante de Sanctis. Psychoses et rêves. Article paru dans les « Rapports du Congrès International de neurologie, de Psychiatrie, d’Electricité médicale & d’Hypnologie. Première session tenue à Bruxelles du 14 au 21 septembre 1897. Fascicule 1 », (Paris), Félix Alcan, 1898, pp. 138-160. 

Cité par Freud dans son ouvrage La Science des rêves (1900).

Sante de Sanctis (1862-1935). Psychiatre et psychologue, considéré comme le fondateur de las psychologie et de la neuro-psychiatrie infantile. Très imprégné des travaux de Freud et de Carl-Gustav, mais aussi des travaux français de Théodule Ribot, il influença lui-même Maria Montessori sa contemporaine. Queques publications :
— l sogni e il somno, etc, Roma. 1896
— I sogni. Studi clinici e psicologici di un alienista, Bocca, Torino. 1899.
— I fondamenti scientifici della psicopatologia. Lezione II: Il fondamento anatomofisiologico, Rivista di Scienze Biologiche, 2 (6-7), 190, 463-478.
—  Neuropsichiatria infantile. Patologia e diagnostica, Stock, Roma. 1925.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. — Les images ont été rajoutées par nos soins. — Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 138]

PSYCHOSES ET RÊVES

Rapport de M. le Docteur SANTE DE SANCTIS

de Rome

Messieurs et très honorés collègues,

L’accueil bienveillant que les psychologues et les aliénistes ont fait à mes études cliniques sur la vie du rêve chez l’homme normal et chez l’individu neuropathique, m’a décidé à choisir le même sujet comme objet du rapport que j’ai l’honneur de développer aujourd’hui devant vous.

L’on admet très généralement que l’étude des rêves, entreprise d’une manière scientifique, conduit à des résultats sérieux et je crois qu’ici aussi la méthode clinique peut rendre de remarquables services. A l’instar de Galton, je me suis servi dans mes recherches de la méthode du questionnaire ; mais j’ai aussi mis à profit les résultats fournis par l’interrogatoire répété, tel qu’il se pratique en clinique, de sujets tenus longtemps en observation. L’interrogatoire est d’ailleurs, selon Morselli, pour l’aliéniste ce que l’auscultation est pour le médecin, c’est à dire la base même de la science psychiatrique.

L’étude des rêves, comme je l’ai déjà dit antérieurement, expose cependant à des causes d’erreur. L’on se gardera donc de conclure d’un fait unique et l’on fera porter l’observation sur un nombre relativement considérable de sujets, l’on s’attachera dans chaque cas particulier à rechercher la forme habituelle du rêve sans s’arrêter à l’analyse d’un rêve spécial à la façon des onéiromanciens antiques.

Je ne me propose pas aujourd’hui de passer en revue devant vous toutes les formes des rêves chez l’aliéné. Je ne vous entretiendrai pas non [p. 138] plus de mes recherches personnelles qui déjà, peut-être, vous sont connues. Je résumerai brièvement l’historique de la question, j’en étudierai avec vous quelques points spéciaux et je soumettrai, à l’occasion, à votre bienveillante appréciation les résultats de mes recherches nouvelles sur la clinique et la nosographie.

J’aurai donc pour but de répondre à ces deux questions : 1° La folie ressemble-t-elle au rêve ?

2° Le rêve peut-il devenir la cause de la folie ? Et je tâcherai d’établir ainsi :

1° Les rapports d’identité, de ressemblance, d’analogie ou encore d’équivalence entre le rêve et la folie.

2° Les rapports étiologiques entre le rêve et la folie.

I

RAPPORTS D’IDENTITÉ, DE RESSEMBLANCE, D’ANALOGIE, D’ÉQUIVALENCE ENTRE LE RÊVE ET LA FOLIE.

De tout temps la mort a été comparée au sommeil, la folie au rêve.

Kant (1) dit « Der Verrückte ist ein Traümer in Wachen », Moreau de Tours « la folie est le rêve de l’homme éveillé ». Schopenhauer appelle la folie un long rêve et le rêve une courte folie (2).

L’antiquité fit jumeaux le sommeil et la mort ; nous les voyons réunis au Tartare, dans la Théogonie d’Hésiode, de même que nous les retrouvons ensemble dans les inscriptions funéraires païennes et chrétiennes et qu’ils figurent côte à côte sur le coffre de Cypsèle. Dans les temps antiques aussi la folie et le rêve ont toujours servi à désigner un même état psychologique. Et, tandis que la similitude entre le sommeil et la mort est restée l’apanage exclusif des artistes et des poètes, la ressemblance entre la folie et le rêve a été admise par les plus grands philosophes anciens et transmise ainsi d’âge en âge jusqu’aux psychologues de l’époque moderne. De la ressemblance à l’identité il n’y avait qu’un pas et ce pas a été fait par les philosophes de toutes les époques qui ne signalèrent guère les grandes différences cliniques et physiologiques qui existent entre le rêve et la folie. Quelques psychologues et aliénistes modernes, héritant de la notion d’identité, l’étendirent et l’établirent plus nettement encore.

Ce fut à l’Académie de médecine de Paris (3) que la question de l’identité entre la folie et le rêve devint d’abord le sujet d’une longue discussion. Les hallucinations qui se produisent dans la période intermédiaire entre la veille et le sommeil en furent le point de départ. Ces hallucinations hypnagogiques, qui avaient déjà été signalées par plusieurs philosophes naturalistes, tels que Gœthe, Gruthuisen, Purkinje, Jean Müller, firent l’objet d’études sérieuses de la part d’A. Maury et de Baillarger.

Dès 1848, A. Maury avait admis l’identité entre la folie et le rêve, et, dans un travail postérieur (4), il développa complètement ses théories à [p. 139] ce sujet. Pour lui, dans ces deux états, il existe un automatisme de l’esprit en même temps qu’une association irrégulière et vicieuse des idées. Maury met particulièrement en évidence la ressemblance entre les hallucinations que j’ai nommées hallucinations oniriques (5) et celles des aliénés et il établit l’identité entre le rêve et la folie pour les formes chroniques et pour les formes aigues d’affections mentales succédant à une intoxication ou à un épuisement nerveux.

Ayant lui, en 1845, Moreau de Tours, dans un ouvrage sur le haschich, avait déjà soutenu l’identité entre la folie et le rêve au point de vue psychologique, mais ce ne fut qu’en 1855 (6), à la suite d’un rapport célèbre à l’ Académie de médecine de Paris, qu’il vit ses idées partagées par la majorité de ses collègues.

Les auteurs qui avec lui se sont occupés de la même question : Fodéré, Macario, Ferrus, Lélut , Lasègue, Brière de Boismont, Baillarger, Holland, Dagonet, Griesinger et d’autres, ont fait de très justes restrictions à cette notion d’identité soutenue d’ailleurs avec un zèle excessif par Moreau et Maury.

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 Avigdor Arikha.

Pour quelques-uns d’entre eux cette identité n’existerait que pour certaines maladies mentales seulement, les psychoses déterminées par l’intoxication due à l’alcool, au haschich, à l’aconit, à l’opium (7) et les formes aigues ; d’autres admettent de préférence la ressemblance ou l’analogie à l’identité ; d’autres enfin se sont efforcés de préciser les différences physiologiques et psychologiques qui existent entre la folie et le rêve.

En 1820, Moreau de la Sarthe (8) croyait que le rêve se rapprochait plutôt de la démence que de la folie. Griesinger (9) admettait la ressemblance entre la folie les rêves et spécialement ceux de l’état hypnagogique ; pour lui l’analogie se montrerait surtout dans certaines formes de mélancolie accompagnée de stupeur ou bien encore dans certains cas de manie. Delbœuf (10), en étudiant les rapports de la mémoire avec les rêves avait été amené à conclure que les rêves ne sont en somme que des souvenirs du passé et n’ont avec les maladies mentales que des rapports très éloignés. Spitta (11) est plus réservé encore, il semble mettre en doute même le rapport de ressemblance.

Radestock (12) qui s’est tout particulièrement occupé de cette question consacre un chapitre entier à l’étude de ces rapports. Il passe en rente les différentes conditions clans lesquelles s’effectue le travail cérébral, les éléments des représentations oniriques et des idées morbides, l’association des images mentales, le dédoublement de la personnalité, le produit du travail d’idéation dans le rêve et dans la folie, la façon dont les aliénés guéris se rappellent et expliquent leur maladie mentale et leurs rêves, enfin les points de contact qui existent entre le rêve et la folie. Après cet examen complet de toutes ces questions variées, Radestock croit pouvoir admettre qu’il y a entre l’état de l’homme qui rêve et celui de l’aliéné, un rapport de grande ressemblance, bien différent du rapport d’identité absolue. [p. 140]

Dans ces derniers temps la question semble avoir perdu de son intérêt, car si on admet généralement un rapport de ressemblance, ou plutôt d’analogie, entre le fait de l’homme qui rêve et celui du malade qui délire l’on ne soutient plus guère aujourd’hui l’identité entre ces deux actes.

Morselli (13) dit à cet égard : « La folie et le rêve ont entre eux plus qu’une analogie de mots, mais une véritable affinité de nature. Les images qui se produisent pendant le sommeil sont dues à l’automatisme cérébral. Nous avons parfois conscience des rêves et nous assistons à leur production sans avoir sur elle le moindre empire et sans en garder souvenance au réveil. Nous ne conservons que rarement le souvenir complet du rêve, le plus souvent une petite partie seulement du travail automatique des centres devient élément mnémonique. Les choses ne se passent pas autrement dans certaines formes d’aliénation mentale : la manie, la mélancolie, la confusion mentale, dans les cas d’empoisonnement aigu par l’alcool, la cocaïne, dans un certain stade du sommeil chloroformique, dans les attaques d’hystérie et d’épilepsie. Le malade sort comme d’un rêve, ne gardant que des idées vagues de ce qui lui est arrivé. »

L’affinité de nature serait donc, pour Morselli, basée surtout sur une manière d’être spéciale de la mémoire dans la folie et le rêve. Griesinger d’ailleurs avait, lui aussi, développé la même idée,

Ceci dit, il me sera plus facile d’étudier les états que l’on a désigné en Italie sous le nom de« Statisognanti » en Allemagne de « Traumzuständ » parce qu’ils ressemblent au rêve de l’individu normal et que l’on s’est basé sur leur existence pour admettre une parenté étroite entre le rêve lui-même et la folie.

Je tâcherai d’établir d’abord le plus nettement possible la notion du « Stato sognante »,la grande multiplicité des termes employés par les différents auteurs dans les différents pays la rend encore bien indéterminée.

Radestock (14) dit que c’est un état caractérisé par une diminution d’énergie de volonté dans les actes et les pensées, comme cela existe par exemple dans le sommeil. La femme de tempérament nerveux y serait par sa nature même, spécialement prédisposée « Sein ganzes Denken im Wachen ist so zu sagen mehr oder minder Traümerei » La Traümerei serait donc pour Radestock un état voisin du Traumzustand.

L’état de demi conscience dans lequel tombent les poètes et les artistes au moment de l’inspiration, certains savants, les mathématiciens par exemple, pendant un grand effort intellectuel, a été désigné par plusieurs auteurs sous le nom de demi-rêve (Semisogna, Halbtraumizustand, Dämmerzustand).

L’extase des saints du Christianisme, l’extase des fakirs hindoux, est un type de ces états. D’après Maury (15), l’extase serait un rêve à l’état de veille ; pour Max Simon (16),ce serait un état spécial du système nerveux dans lequel le sujet voit objectivement dans des images hallucinatoires, les idées sur lesquelles porte exclusivement son attention. Ce sont des symptômes de ce genre que Sainte Thérèse a décrits d’une façon si remarquable dans son autobiographie. [p. 141]

Les termes de « Rêverie, Rêvasserie », en français sont employés quelquefois pour désigner le « Traumzustand, la Traümerei, le Stato sognante ».

Guislain (17) donne comme caractère propre à la Rêvasserie, l’incohérence dans l’expression des idées et propose de lui donner le nom d’ Anacoluthie ».

Mobius (18) fait remarquer qu’il existe chez les hystériques, dans certaines conditions, un état de demi-conscience semblable à l’hypnose (états hypnoïdes), pour Freund et Breuer (19) ce seraient les états hypnoïdes qui formeraient la base des phénomènes hystériques.

Cette dénomination d’état hypnoïde est large et constitue en quelque sorte un état intermédiaire entre la veille et le sommeil (partielle Schlafzustände, Wachträumer). L’autohypnose en serait la variété la plus importante.

Forci (20) admet que d’une simple « Traümerei » on tombe facilement dans un état d’autohypnose. L’état hypnoïde ne serait donc en quelque sorte qu’une simple « Rêverie, Traümerei ou Fantastischeria ».

Nous savons, d’après les travaux de Moreau, Maury, Brière, Lasègue (21), Magnan, Richet, Charcot et d’autres encore que certaines substances comme l’éther, le chloroforme, l’alcool, le haschich, le tabac, [‘opium, la jusquiame peuvent produire un état voisin du sommeil. Qui ne connait la description du paradis haschichien de Baudelaire, de Théophile Gautier et des confessions de Thomas de Quincey ?

Dans la littérature psychiatrique moderne quelques auteurs ont réservé le nom de « Stato sognante » pour désigner certaines périodes de l’épilepsie ou de l’hystérie caractérisées par un état de demi-conscience, d’incohérence ; d’autres n’ont pas fait cette restriction.

Meynert (22) dit que le mécanisme des stades de confusion des épileptiques et des alcooliques s’explique par analogie avec le rêve dans lequel les images les plus frappantes de la journée sont supprimées et remplacées par d’autres appartenant à des époques plus lointaines (23). C’est ainsi que Meynert parle de « Halbtramzunstände ».

Schüle (24) décrit des « stati sognanti » épisodiques dans l’épilepsie ; il ajoute que tout le groupe de la « Wahsinn » (25) confine en grande partie aux états physiologiques du rêve.

Plusieurs auteurs parlent d’états crépusculaires de la conscience (Dammerzustande) qui se rapprochent aussi du « Traumzustand », du « Stato sognante ».

Ziehen (26) rapproche la paranoïa hallucinatoire aigue des états crépusculaires de l’épilepsie et de l’hystérie.

Mayer (27), qui avait observé un état de demi-rêve chez certains sujets névrosés ou épuisés par une longue maladie, rapproche celui-ci du type de « l’amentia transitoire » de Meynert.

Kraepelin (28) croit qu’il faut réserver le terme d’amentia transitoire de Meynert à une forme aigue à terminaison heureuse de confusion ressemblant à un état de demi-rêve. Les délires de collapsus de Kraepelin ont tous ou presque tous des caractères du rêve. [p. 142]

Chaslin (29), dans sa belle monographie de la confusion mentale, classe les « stati sognanti »parmi les confusions mentales symptomatiques.

Il est certain qu’entre l’état de veille consciente et le sommeil complet il y a de nombreux intermédiaires, c’est dans ces états intermédiaires que l’on peut tomber à la suite d’une grande fatigue, d’un travail intellectuel intense ou d’une méditation prolongée.

Ces états de Traümerei, de Rêverie, ces états hypnoïdes que je crois voisins des états hypnagogiques, se rapprochent du sommeil physiologique et peuvent se rencontrer même chez des individus normaux, tandis que les vrais « stati sognanti » sont pathologiques et se rapprochent du type de l’amentia, de la confusion.

Nous ne croyons pas que ces derniers soient absolument identiques au rêve de l’individu normal, les « stati sognanti » proprement dits n’ont avec le rêve que des rapports de ressemblance, basés essentiellement sur des caractères cliniques communs, qui sont de présenter tous les deux : 1° des illusions sensorielles ; 2° de l’incohérence ; 3° une forme hallucinatoire des images mnémoniques ; 4° un obscurcissement (oblitération) de la conscience, et 5° une courte durée.

Et à côté de ces points d’analogie combien n’y-a-t-il pas de différences ?

Nous admettons donc qu’en dehors de certains états aigus, caractérisés par de la confusion, de l’incohérence, de l’hallucination, qui sont semblables au rêve de l’individu normal, il n’existe entre la folie et le rêve qu’un rapport éloigné de simple analogie.

Lorsque Moreau de Tours dit que « la folie est le rêve de l’homme éveillé », il n’a certainement voulu parler qu’un langage métaphorique et Morel (30) a pu dire avec raison : «  Je dois faire observer que ce système d’analogies n’est pas sans danger pour la véritable intelligence des faits pathologiques. «

Puisque la notion de « stato sognante » (Traumzustande) ne se base que sur un rapport de ressemblance entre la folie et le rêve (31), puisque ce terme est encore vague, tant chez les différents auteurs que dans les différentes langues, puisqu’enfin la psychiatrie moderne possède déjà à sa disposition les termes de confusion mentale, amentia, paranoïa aigüe, pour désigner des états analogues, l’on peut se demander avec raison s’il ne conviendrait pas d’abandonner cette dénomination, qui n’a pour elle que l’excuse d’un usage déjà long.

En lisant avec attention les cas de « stati sognanti » de la littérature psychiatrique, l’on y voit parfois signaler ce fait que l’affection se développe la nuit et souvent au moment du réveil. C’est le cas, par exemple, d’une observation d’état de demi-rêve publiée par Meynert. Je crois que ces états doivent être séparés des autres, qui ne doivent leur nom qu’à leur ressemblance avec le rêve et non à leur origine onirique. Il est certain que dans ces cas spéciaux c’est la matière même du rêve ou de l’état [p. 143] hypnagogique qui forme le contenu de la folie et l’on peut admettre qu’alors il existe entre les deux états non seulement un rapport de ressemblance, mais aussi un véritable rapport d’origine et de nature.

Quoiqu’il en soit, il existe, outre les Rêverie, Rêvasserie, Traümerei, Partielle Schlatzustand, outre les états hypnoïdes voisins des états hypnagogiques des Français, des « Stati sognanti » pathologiques, dont les uns se rapprochent du rêve par leurs caractères psychologiques, et dont les autres ont avec lui des rapports de substance et d’origine.

Mais, à mon avis, il y a encore entre la folie et le rêve un rapport qui n’a guère attiré l’attention des aliénistes : c’est le rapport d’équivalence. Je ne crois pas que la définition exacte de l’équivalent existe pour le moment en neuropathologie. Nous savons bien cependant ce qu’il faut entendre par un équivalent depuis les recherches de Morel, celles de l’Ecole de la Salpêtrière et de Lombroso sur l’épilepsie et l’hystérie.

Il est certain que la plupart des auteurs ont compris implicitement l’équivalence dans l’analogie et la ressemblance. Il me semble cependant utile de ne pas confondre ces notions. Il n’est pas indifférent de dire qu’un phénomène de l’état de rêve ou de la période hypnagogique est équivalent à un autre de l’état de veille ou bien qu’il accompagne une affection mentale quelconque ou en constitue une variété.

Je me crois autorisé à parler d’équivalent onirique ou hypnagogique d’une affection déterminée, plutôt que de symptôme de cette même affection, quand un phénomène ou un ensemble de phénomènes se produisant pendant le sommeil ou l’état hypnagogique remplit les trois conditions suivantes : 1° de présenter des caractères spéciaux, qui le différencient nettement d’autres phénomènes propres au rêve ou à l’état hypnagogique ; 2° d’être exceptionnel, c’est-à-dire que le phénomène n’est pas habituel au sujet ou qu’il n’est pas un symptôme propre à sa maladie ; 3° de se présenter chez des individus qui, à l’état de veille, ont des troubles semblables à ceux de cet équivalent ou qui sont atteints d’une maladie à crises et à paroxysmes. Je ne veux point dire que ces trois conditions définissent à elles seules la notion d’équivalence onirique ou hypnagogique, jusqu’à présent les faits nécessaires pour l’établir définitivement font encore défaut.

L’existence de ces équivalents ne peut être mise en doute dans l’alcoolisme. Il suffit de lire à cet égard les travaux de Lasègue. Magnan, Charcot ; seulement ces auteurs les décrivent comme symptômes de l’affection. Il est certain cependant que, dans bien des cas le phénomène onirique ou hypnagogique a plutôt la valeur d’un équivalent que d’un symptôme. J’ai eu l’occasion d’observer deux alcooliques qui, à l’état de veille, ne présentaient guère qu’un certain degré d’affaiblissement intellectuel et qui, pendant leurs rêves, paraissaient avoir de vraies crises psychiques, semblables à celles que les individus de cette espèce présentent d’ordinaire à l’état de veille. Un de ces malades me déclara qu’à plusieurs reprises il avait entendu des voix lui raconter l’inconduite de [p. 144] sa femme, ce qui, à ce moment, le rendait fort jaloux ; pendant la journée il ne songeait plus à ces propos, pas plus qu’il ne faisait de scènes de jalousie chez lui. L’autre me disait que ses journées se passaient bien, tandis qu’à trois ou quatre reprises il lui était arrivé d’entendre pendant le sommeil des voix injurieuses et menaçantes lui faire des propositions obscènes.

Le rapport d’équivalence entre le rêve et l’attaque hystérique est plus net encore. Je crois qu’en dehors même de ce que j’ai nommé le syndrome nocturne et le stigmate onirique (32), il existe de vrais équivalents oniriques ou hypnagogiques de l’hystérie. Je pense que dans l’hystérie typique, le somnambulisme et la somniloquie accompagnée de mouvements et d’hallucinations oniriques de forme mystique ou érotique ont des caractères spécifiques qui les distinguent des mêmes états propres aux épileptiques ou à certains enfants nerveux et sont de vrais équvalents.

Les phénomènes désignés par Weir Mitchell (33) sous le nom de « Night polsy» ou « Nocturnal Hemiplegia », et qui consistent en paralysies ou parésies qui se manifestent au réveil, sont encore très probablement un exemple d’équivalent hypaonirique de l’hystérie. Féré (34), qui a étudié à fond ces phénomènes, les considère comme des paralysies par irritation. Mais, quelque soit la façon dont on les interprète, il me semble qu’on ne peut les considérer que comme des équivalents des attaques hystériques. Weir Mitchell et Féré les ont d’ailleurs rencontrées presque exclusivement chez des hystériques, souvent ils se produisaient au réveil, à la suite de rêves terrifiants ou de cauchemars dont le malade avait souffert pendant la nuit (35). La paralysie, dans tous les cas, avait été transitoire. Parfois l’origine peut être différente, un choc moral après une grande émotion de la vie de veille, par exemple, mais cela est exceptionnel.

Je ne parlerai pas d’autres phénomènes analogues, comme les mouvements choréiques signalés par Weir Mitchell au réveil de certains individus neuropathiques. Je me permettrai de citer quelques cas de paralysie nocturne que j’ai eu l’occasion d’observer chez trois individus atteints d’affections hystériques.

  1. S… est une jeune dame qui a souffert jadis de convulsions hystériques et a été atteinte de syphilis. Elle se plaint d’une forte céphalalgie, présente une émotivité extrême, de I’hypochondrie, des troubles vaso-moteurs. Elle nous raconte que parfois, en se réveillant la nuit, elle reste pendant quelques minutes sans pouvoir prononcer une parole, non à cause d’une sensation de restriction ou d’oppression, mais parce que l’articulation des mots lui est impossible. Après un violent effort, elle revient ensuite à son état normal.
  2. P…, prêtre très intelligent, mais fortement névropathique, me raconta que jadis il avait souffert à plusieurs reprises de troubles paralytiques nocturnes. « Je me réveillais tranquillement et m’apercevais qu’il m’était impossible de faire le moindre mouvement, je me sentais comme complètement paralysé. Après d’énergiques efforts, qui duraient près de vingt minutes, je parvenais cependant à me mouvoir un peu, mais si [p. 145] par malheur je ne réussissais pas dans ma tentative, je restais paralysé et incapable de bouger pendant plusieurs heures. Après l’effort, je ressentais une douleur très forte à la tête, suite probablement de la grande force que j’avais dû déployer. »

Dans un troisième cas, le phénomène est plus singulier encore.

  1. C … est une dame de bonne constitution et sans antécédents héréditaires. Six années auparavant elle avait été atteinte de deux coups de fusil, ce qui la rendit hystérique. Quelque temps après, elle fut prise d’attaques, survenant généralement par séries de cinq à huit, très rarement pendant la journée. Il y a trois ans, elle présenta à sept ou huit reprises différentes un phénomène curieux, absolument indépendant de l’attaque. En se réveillant la nuit, elle se sentait « paralysée » dans toute la moitié droite du corps. La malade croyait que le bras et la jambe de ce côté étaient privés de sensibilité et qu’elle se trouvait incapable de calculer ses mouvements. Si elle se levait, elle trébuchait contre le mur voisin de son lit.

La nature onirique de cette paralysie me semble ne pouvoir être mise en doute, elle débutait pendant le sommeil et prenait fin peu après le réveil complet. Elle me paraît n’être en somme que l’exagération d’un phénomène qui se passe assez souvent chez des personnes tout à fait normales. L’on sait, en effet, combien, dans le rêve, la sensation de l’effort nécessaire à un mouvement est fréquente, alors même que celui-ci n’a pas été exécuté. Les psychologues et récemment Bradley (36) se sont occupés de ces faits.

Dans l’épilepsie, les équivalents oniriques et hypnagogiques sont plus manifestes encore. Ce sont les idées impulsives ou délirantes qui surviennent à la fin du sommeil et finissent avec le réveil complet, les visions scintillantes de couleurs vives, mais de formes vagues, qui éveillent le sujet et dont celui-ci ne garde qu’un souvenir incomplet.

Dans l’épilepsie nocturne, on trouve plusieurs exemples d’équivalents oniriques, qu’il faut distinguer avec soin de l’épilepsie elle-même ou des attaques épileptiques provoquées par les rêves.

M.. W. Putnam (37) fait remarquer qu’il existe chez les épileptiques, pendant le sommeil, des mouvements isolés d’une extrémité, d’une partie de membre ou d’un groupe musculaire seulement. Ces mouvements sont probablement de même ordre que les secousses musculaires signalées par Herpin (38), qui, pendant l’état de veille, remplacent parfois l’attaque classique.

Thomayer (39), se basant sur deux observations faites par lui, croit pouvoir affirmer que les rêves tristes auxquels sont sujets les épileptiques doivent être considérés comme des attaques nocturnes.

Enfin, S. Venturi (40) attire l’attention des cliniciens sur un genre d’attaques qu’il nomme attaques épileptiques de l’état de rêve (sogno­epilettici). Il est certain que dans la pensée de Venturi se retrouve très nettement la notion d’équivalence.

Puisque le noctambulisme, les terreurs nocturnes des enfants, les cauchemars présentent chez les épileptiques des caractères spéciaux, peut-être faut-il les considérer aussi comme des équivalents nocturnes [p. 146] (oniriques ou hypnagogiques) de l’attaque épileptique. Mais ces phénomènes, quoi qu’en disent les auteurs, peuvent aussi se retrouver chez les hystériques, chez les névrosés en général et même chez des individus absolument normaux ; dès lors leur signification prête encore à équivoque.

Le cauchemar, le vrai cauchemar cérébral des anciens auteurs, que l’on trouve aussi chez des individus absolument normaux, peut, quand il se retrouve chez des épileptiques (41), être considéré comme un véritable équivalent hypnonirique de l’épilepsie. Quand Macario (42) parle du cauchemar, qu’il nomme « un rêve morbide essentiel », il fait entendre clairement qu’on peut le considérer aussi comme une attaque d’épilepsie ou d’hystérie se produisant pendant le sommeil.

II

RAPPORTS ÉTIOLOGIQUES ENTRE LE RÊVE ET LA FOLIE

Je répondrai maintenant à la seconde des deux questions : le rêve peut-il produire la folie ? Ce point, qui a été traité très incomplètement jusqu’à présent, a cependant une importance capitale pour l’aliéniste et le médecin légiste Je tâcherai, à l’aide d’observations cliniques, d’élucider quelque peu le sujet.

C’est un fait de connaissance vulgaire que l’influence exercée par le rêve, même chez des individus absolument sains, sur l’état de veille. Radestock et Forel (43) en ont cité maints exemples et j’ai eu moi-même l’occasion (44) de décrire des faits de ce genre chez des sujets névropathiques et normaux. Lorsque le rêve produit un état mental morbide, ce n’est en somme que par exagération de cette influence.

Il me semble inutile de faire l’historique des rapports étiologiques entre le rêve et la folie. Macario (45), Artigues (46), Chaslin (47), Tissié, Toulouse (48), les ont étudiés avant moi. Moreau de Tours (49) dit : « Nous ne saurions mettre en doute que le délire, et en particulier l’état hallucinatoire chez un grand nombre d’aliénés, n’ait son point de départ, sa source première et constante, dans l’état de sommeil. » Sauvet.(50) signale un cas de folie ambitieuse d’origine onirique. Macario admettait que les idées délirantes et hallucinatoires des sorcières avaient leur origine dans les perceptions trompeuses des songes. Le vampirisme épidémique en Hongrie et en Morlaquie n’est que le produit d’un rêve. Baillarger (51) décrit plusieurs observations de cas de folie qui avaient eu pour point de départ des hallucinations hypnagogiques et avant lui Brière de Boismont (52) et Maury avaient déjà insisté sur ce point. Falret cite également des cas dans lesquels l’aliénation mentale avait fait suite à un rêve. Les membres de l’Ecole de la Salpêtrière : Charcot, Gilles de la Tourette, Richer, Janet et Ch. Féré (53) ont mis en évidence les relations étiologiques entre le rêve et l’attaque hystérique ; Tissot, Magnan, Hammond, Lasègue ont fait le même travail pour l’épilepsie. [p. 147]

Chaslin conclut de la façon suivante des résultats de ses recherches personnelles : « Si tout délire ne débute pas par un rêve ou n’est pas influencé par un songe, nous croyons cependant que les cas où cela arrive sont encore plus nombreux qu’on ne le pense actuellement, car on n’est pas habitué à chercher ce point spécial. »

En résumé, quoique certains auteurs, comme Arndt (54) et Emminghaus (55), ne signalent pas, pour les maladies mentales, une influence étiologique de ce genre, il faut admettre, avec la grande majorité des aliénistes, que le rêve et l’état hypnagogique peuvent, dans certains cas, donner lieu à une psychose.

Tantôt c’ est un rêve émouvant qui en troublant l’esprit d’un individu déjà prédisposé produit chez lui un certain degré de confusion mentale ; tantôt c’est un état mélancolique qui succède à un rêve triste ; tantôt le rêve provoque les deux phases d’une folie à double forme, de telle sorte que le malade qui se couche mélancolique se réveille maniaque et réciproquement ; tantôt c’est un évènement rêvé que le sujet croit devoir appartenir à la vie réelle et qui devient la source d’un délire religieux, ambitieux, etc., etc.

Cependant le mode d’action du rêve dans la production de la folie est encore peu connu. C’est en me basant sur l’histoire de cas déjà publiés et sur mes observations personnelles que je chercherai à établir l’étiologie des « psychoses oniriques ». La vie du rêve ou l’activité onirique, comme je l’ai appelée, a pour base les prédispositions héréditaires de l’espèce et de l’individu, les impressions des sensations et des émotions du passé, les sensations internes et externes qui parviennent au cerveau pendant le sommeil. Entre ces éléments il semble qu’il ne doive y avoir aucun lien ; rien n’est plus inexact cependant que de croire que l’incohérence soit inhérente au rêve (56), bien au contraire, l’association des idées s’y fait d’une façon absolument régulière, toute bizarre qu’elle puisse paraître à première vue ; mais le produit psychologique n’est nécessairement pas le même dans les états de veille et de sommeil, il faut donc se garder de confondre l’un avec l’autre. Le monde du rêve constitue un milieu nouveau et spécial dans lequel notre personnalité se comporte d’une façon tout à fait particulière et qu’il ne faut pas trop comparer au monde de l’état de veille. Pour certains auteurs, le rêve serait un symptôme de réveil partiel. « Un rêve est un réveil qui commence », dit Goblot (57). Lahusen (58), partisan de la théorie toxique du sommeil, dit que le rêve se produit au moment de l’élimination maxima de la neurotoxine, c’est-à-dire au moment du réveil.

Quoiqu’il en soit, je ne vois aucun motif pour renoncer à la distinction que j’ai faite jadis (59) entre la conscience onirique et hypnagogique et la conscience de l’état de veille. Je sais que la plupart des psychologues ne sont pas, sur ce point, d’accord avec moi (60). Je connais les observations faites à ce sujet par Dugas (61). Je n’entends pas prétendre d’ailleurs qu’il existe pendant le rêve une personnalité propre, je veux dire simplement que le contenu conscient du rêve est tout à fait différent de celui de l’état de veille. L’on sait d’ailleurs que dans le langage psychologique [p.148) ordinaire, le contenu conscient n’est que la conscience elle-même. Forel trouve cependant que cette assimilation est peu exacte (62) ; tandis que Wundt (63) dit que pendant le rêve la conscience est modifiée. Ces deux consciences, plus ou moins différentes selon les individus, et séparées l’une de l’autre, sont réunies par un lien commun qui est la mémoire. Si les consciences sont doubles, l’organe, le cerveau, est unique, le cerveau qui pense et qui rêve, et qui, après avoir rêvé, pensera à nouveau.

En dernière analyse, tous ces faits peuvent s’exprimer en termes psychologiques ou chimiques, physiologiques on histologiques, puisqu’il existe autant de théories de même ordre pour le rêve (64)·

Les travaux modernes nous permettent de dire que les rêves peuvent produire la folie de deux façons différentes : 1° en agissant comme traumatisme psychique ou comme cause déprimante et dans ce cas l’affection qui en dérive a les caractères des psychoses traumatiques ou des maladies mentales produites par l’épuisement ; 2° en pénétrant de son essence même l’état de veille et en y arrêtant, suspendant ou troublant le cours régulier de l’association des idées.

Au sujet du premier de ces deux modes d’action, Ch. Féré dit que, si les images du rêve sont fausses, les impressions qu’il laisse sont réelles. E. W. Cox fait remarquer que les émotions ressenties pendant le rêve sont plus intenses que celles de l’état de veille, car dans le rêve l’action correctrice des sens fait défaut (65). Dans ces cas ce n’est pas l’émotion du rêve qui se prolonge dans l’état de veille ; ce sont les effets des émotions qui, en persistant, produisent l’état nerveux pathologique. Les psychologues modernes, y compris les partisans de la théorie de James Lange (66), font une distinction bien nette entre les phénomènes physiques constituants de l’émotion et les phénomènes physiques consécutifs à celle-ci. Toulouse (67), qui admet la folie succédant au rêve, dit que celui-ci agit comme une émotion que l’individu aurait ressentie à l’état de veille. Les fortes terreurs qui surviennent pendant l’état hypnagogique, les émotions qui produisent un brusque réveil peuvent, chez des individus déjà prédisposés, devenir la cause de psychoses. Parfois aussi c’est la fatigue produite par des rêves fréquemment répétés qui conduit à un épuisement nerveux ou à un état mental. Tel est l’état de fatigue dans lequel se trouvent les neurasthéniques à leur réveil (68). J’ai cité jadis des cas d’un état neuropathique spécial avec asthénie, idées tristes, tendance au désespoir, etc., qui avaient eu pour origine un épuisement nerveux survenu à la suite des rêves d’une nuit précédente.

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 Di Li Feng.

La caractéristique de ces états neuropathiques est : 1° de ne se présenter que chez des individus prédisposés et spécialement chez les hystériques ou les épileptiques ; 2° d’être essentiellement passagers ; 3° d’affecter constamment le type d’une forme légère de psychose par épuisement (69).

Dans mon travail (70), j’ai cité le cas d’une jeune fille atteinte d’hystérie et que les songes tourmentaient tellement qu’elle craignait le [p. 149] moment de se mettre au lit. Il y a quelque temps, je revis la jeune personne en question toute éplorée et fatiguée des rêves terrifiants de la nuit. Elle n’avait point conservé le souvenir exact des choses rêvées, mais les rêves avaient été nombreux, opiniâtres et la réveillaient en sursaut. La mère me dit que, depuis quelques jours, sa fille était devenue mélancolique, ne mangeait presque plus, vomissait les aliments qu’elle prenait avec dégoût, qu’elle maigrissait, perdait la mémoire et que parfois il lui arrivait de présenter un peu de confusion, de l’incohérence et de rester dans l’extase pendant plus d’une demi-heure. Cet état d’après la mère, durait depuis deux semaines environ et était survenu à la suite de rêves fatigants de la nuit. A l’examen objectif, je trouvai un certain degré d’anémie, de la dyspepsie, un affaiblissement musculaire, de l’hypéresthésie. Je lui prescrivis le Bromidia, je recommandai l’hydrothérapie et j’insistai sur l’alimentation. Elle s’améliora rapidement et, au bout de dix jours, on put la considérer comme guérie. Sa guérison obtenue, la malade me confirma l’origine de son affection.

Une objection que l’on pourrait me faire avec raison, c’est qu’il ne s’agit point ici de rêve produisant la maladie, mais peut-être d’un des symptômes de celle-ci ; une étude rigoureuse de l’anamnèse m’a convaincu du non-fondé de cette objection. Il est bien certain cependant que parfois le rêve symptôme peut devenir à son tour cause déterminante en aggravant la névrose ou en produisant un état morbide nouveau.

Le second mode d’action des rêves est plus complexe et plus fréquent. C’est la substance même du rêve qui envahit pour un temps variable l’état de veille. Les éléments de la conscience onirique étant des images et des émotions, ce sont tantôt des images, tantôt des sensations oniriques qui se prolongent pendant l’état de veille. Il est difficile d’établir une distinction nette entre les divers cas de ce genre.

Comme je l’ai déjà dit, il n’est pas rare de voir une émotion passer du rêve dans l’état de veille. Le fait est d’ailleurs physiologique dans de certaines limites et ne devient pathologique que lorsque : 1° l’émotion du rêve se prolonge pendant un temps assez long clans l’état de veille ; 2° conserve un certain degré d’intensité ; 3° donne naissance à une nouvelle association d’idées ; 4° provoque des idées morbides qui tendent à l’interprêter ; 5°se transforme et devient, par exemple, une attaque convulsive d’hystérie (71).

C’est dans ces cas que j’ai parlé d’émotions oniriques prolongées. Je les ai rencontrées chez les sujets neuropathiques et chez les enfants qui s’éveillent en sursaut au milieu de la nuit pour un temps plus ou moins long, en proie à une grande frayeur, dont ils ne peuvent dire la cause. Faure et Ball ont cité des exemples de rêves persistants et prolongés. Il existe dans l’hystérie, l’alcoolisme, l’empoisonnement par l’opium ou le haschich, de vrais cas d’états émotionnels oniriques prolongés.

L’état morbide ne fait pas toujours immédiatement suite au rêve qui le produit. C’est pourquoi j’ai cru devoir distinguer les émotions oniriques prolongées et les émotions postoniriques ou de souvenir. Cette [p. 150] dernière dénomination s’applique au cas où l’état morbide ne suit pas immédiatement le rêve.

Dans les cas d’émotions oniriques prolongées, c’est vraiment la conscience onirique qui se prolonge dans l’état de veille par un acte de pur automatisme cérébral, la conscience de l’état de veille étant plus ou moins oblitérée.

À côté des émotions existent aussi les hallucinations oniriques prolongées ; ce sont les images du rêve qui poursuivent l’individu même à l’état de veille. Tissié, De Manacéine, Maury, Baillarger ont tous décrit des exemples de, ce genre. Dans quelques cas aussi ces hallucinations méritent le nom de postoniriques, car il s’écoule un certain temps entre le rêve et le retour de l’hallucination onirique à l’état de veille. Telles sont, par exemple, les hallucinations des hystériques au début, dans le cours ou à la fin d’un accès. Telles sont encore, peut-être, les hallucinations complexes de la vue, du toucher, de l’odorat, de l’ouïe, à forme mystique, que Régis (72) a décrit chez les dégénérés sous le nom d’oniriques et auxquelles la dénomination de postoniriques conviendrait peut-être davantage, puisqu’elles se manifestent un certain temps après le réveil.

J’ai eu l’occasion d’observer cette année un cas d’hallucination tactile postonirique qui me semble offrir un intérêt spécial.

  1. Z…, maîtresse d’école, âgée de 46 ans, présente des symptômes d’irritation cérébrale et d’obsession. « les faits qui l’intéressent un peu se fixent dans son esprit à la façon d’une balle qui pénétrerait dans le crâne et agirait par contre-coup sur le cœur ». Il lui est impossible de donner ses leçon s ou de se livrer à un travail mental quelconque. Elle est mélancolique, souffre de troubles gastriques et cardiaques et des nombreux rêves de la nuit, « pendant laquelle elle est plus vivante que le jour ». La malade nous dit que, quatre années auparavant, pendant la nuit, elle avait rêvé que sa mère l’avait embrassée, elle en avait été tellement troublée qu’elle se réveilla. Encore sous cette influence, mais tout à fait éveillée, elle avait senti comme un voile tomber sur son épaule, le voile était devenu de plus en plus pesant, pour finir par acquérir la forme et la consistance d’une personne qui la tenait embrassée.

Parfois ce n’est pas tant l’hallucination onirique ou hypnagogique qui se prolonge ou revient après un intervalle de temps plus ou moins long dans l’état de veille, qu’un état spécial de croyance onirique. Le sujet se rapproche alors de l’individu atteint de délire, lequel n’est en somme qu’un état spécial de croyance qui ne correspond en rien à celui de la majorité des hommes. Cet état a été comparé très justement aux cas de suggestions posthypnotiqnes signalés par Moll et cette comparaison est d’autant plus juste que De Manacéine a démontré que dans l’état hypnagogique il existe une suggestibilité extraordinaire et qu’Ellis (73) a observé que, dans ce même état, les paramnésies sont fréquentes. Le plus souvent les états de croyance onirique restent confinés dans le domaine de l’idéation, parfois aussi ils sont accompagnés d’une action consécutive. Les cas de paramnésies à origine onirique ou hypnagogique doivent être rapprochés de l’état de croyance onirique transitoire, ils ne s’en distinguent que parce qu’ils ne se produisent qu’à longue échéance [p. 151] après être restés pendant longtemps à l’état latent. Le phénomène du « déjà vu » a très souvent sa source dans un rêve.

Parfois il ne s’agit pas seulement d’émotions, d’hallucinations ou d’états de croyance oniriques, mais d’états mixtes très complexes, parce que les éléments divers de ces états se confondent avec les perceptions actuelles de l’individu, Lorsqu’en effet il s’agit d’individus prédisposés, l’on ne peut dire à priori le sort d’une émotion, d’une hallucination ou d’un état de croyance onirique qui se prolongent à l’état de veille. Celles-ci peuvent donner lieu d’emblée à une affection mentale d’une durée plus ou moins longue, curable, sujette à récidives ou aboutissant définitivement à une maladie mentale inguérissable. Les prédispositions héréditaires ou acquises jouent ici un rôle aussi important qu’encore indéterminé.

Le Dr Obici (74) a bien voulu me communiquer le cas d’une malade chez laquelle un rêve détermina un délire qui dura une semaine entière et dont les éléments étaient absolument les mêmes que ceux du rêve. Ce même sujet avait déjà été pris antérieurement d’un tremblement postonirique.

C’est une jeune fille de 16 ans, dont la mère est hystérique, le père tuberculeux. Elle a été réglée à 11 ans et présente tous les signes d’une grande précocité intellectuelle. Son humeur est variable, son caractère émotif et fantasque, avec une certaine tendance au pessimisme. A 15 ans, elle devint amoureuse, et dès lors elle commença la rédaction d’un journal. « Elle est amoureuse, elle se sait malade, demande la mort, se sent faible, souffre de rêves terrifiants et de cauchemars. Une nuit elle rêve qu’elle se trouve en compagnie du jeune homme, son amoureux, qu’elle lui déclare son amour. Celui-ci la repousse, tire son couteau et la poursuit en la menaçant, elle tombe frappée au cœur ; puis elle est réveillée en sursaut, effrayée, tremblante et couverte d’une abondante transpiration. Le lendemain, la jeune tille fut prise d’un tremblement des membres supérieurs qui dura près de cinq jours et ne céda qu’à la suggestion. Dans l’espace d’un an le tremblement revint cinq à six fois, toujours précédé, dans la nuit antérieure, du même rêve. Après une certaine période de calme, une nuit elle rêva qu’on avait tué son médecin et qu’elle avait vu le cadavre enseveli, elle fut prise d’une grande terreur. Le lendemain elle se leva très fatiguée et effrayée, elle pensa toute la journée à son rêve ; ensuite, elle tomba dans un état de délire, après avoir présenté quelques petits mouvements convulsifs des membres. La nature du délire était la substance du rêve. La malade parlait de la mort de son médecin, elle voulait tendre une chambre de draperies noires, l’orner de fleurs, pour y déposer le corps qu’elle avait vu enseveli. Le délire dura une semaine, puis cessa après quelques secousses convulsives, Quelques jours après, la malade fit encore le même rêve pendant la nuit et on la vit se lever pour aller chercher le cadavre. Soumise à une cure d’altitude et à une alimentation rationnelle, elle guérit ensuite complètement.

Marro (75) a décrit, sous le nom de délire d’origine hypnagogique, quatre cas d’affections mentales transitoires succédant d’emblée à des hallucinations de l’état hypnagogique et se prolongeant dans l’état de veille. La cause prédisposante avait été une fatigue excessive. Dans deux de ces cas, il s’agissait d’états hypnoniriques complexes, qui amenèrent les sujets à commettre des actes délictueux. [p. 152]

Pour nous rendre bien nettement compte de quelques particularités cliniques du genre de celles dont je viens de parler, il faut que je revienne encore sur la distinction qui existe entre les deux espèces de conscience.

Dans tous les états morbides qui ont été étudiés jusqu’à présent : états d’émotions ou d’hallucinations oniriques prolongées, états d’émotions ou d’hallucinations postoniriques, états de croyance onirique, états mixtes, il n’y a en somme qu’une sorte de déplacement, d’émigration de la conscience onirique dans l’état de veille. Cette émigration peut avoir lieu de deux façons différentes : soit qu’un fragment de la conscience onirique, permettez-moi cette métaphore, se substitue à la conscience de l’état de veille, soit que la conscience onirique se confonde avec la conscience de l’état de veille et contracte avec elle des rapports éphémères d’association. Dans le premier cas, il n’y a pas de vraie incohérence mentale, quoique les notions de temps et d’espaces soient altérées, les paroles et les actes du malade convergent vers un but déterminé. Le désordre n’est qu’apparent, la direction seule est changée. Dans ces cas, l’état mental est suivi souvent d’amnésie partielle ou totale. Dans le second cas, qui se produit surtout quand les états psychopathiques dont nous avons parlé se prolongent, l’incohérence existe vraiment. Les images du rêve se mêlent aux perceptions présentes, le langage n’a pas de suite, les gestes sont désordonnés, l’état affectif est très variable. Cet état de confusion n’est pas toujours continu, mais il peut revenir de temps en temps.

Le caractère dominant des états que nous ayons étudiés jusqu’à présent est d’être transitoires, ce ne sont pas, à vrai dire, des véritables psychoses, mais bien plutôt des états psychopathiques, qui, me semble-t-il, peuvent être rangés, par leurs caractères cliniques, dans la classe des « stati sognanti ».

Nous distinguerons donc, comme je l’ai fait au début de ce travail, deux espèces de « stati sognanti ». Les premiers, qui ont avec le rêve des rapports d’analogie, ou « pseudo-stati sognanli »; les seconds, ou « stati sognanti propremcnt dits », qui ont avec le rêve à la fois des rapports d’analogie et d’étiologie.

Je terminerai cette seconde partie de mon rapport par l’étude des troubles mentaux qui ont une durée plus longue et méritent le nom de « Psychoses oniriques ».

La plupart des traités modernes de psychiatrie nous enseignent que les affections mentales, tant aigües que chroniques, ont quelquefois pour origine un rêve et cependant les relations de cas cliniques de ce genre sont fort rares.

J’ai pu me convaincre toutefois que les rêves peuvent donner lieu à des formes aigües de confusion mentale ou de paranoïa aigüe et même aussi à la folie systématisée. Le sujet atteint présente généralement de sérieuses prédispositions aux psychopathies. L’affection une fois établie suit sa marche normale, et l’on peut dire, qu’au point de vue pratique, [p. 153] la connaissance du fait étiologique n’a d’importance que pour la thérapeutique. Je reviendrai tantôt sur ce point et passerai d’emblée à l’exposé de mes observations cliniques.

  1. … , âgée de 16 ans, appartient à une famille tuberculeuse. A la suite de la mort d’un frère en bas-âge, elle devint subitement fort triste, perdit l’appétit et le sommeil. Une semaine après cet évènement, elle se réveilla un matin préoccupée et douloureusement affectée. Elle déclara à ses parents, qui l’interrogeaient sur son état, qu’un rêve l’avait avertie « que son frère lui demandait de venir le rejoindre au plus vite ». A partir de cette époque, le caractère de la malade changea complètement, elle devint tout fait taciturne, refusait toute alimentation et restait parfois des heures entières à une fenêtre donnant sur le cimetière en répétant : « mon frère bien-aimé est là-haut qui m’attend. » Les nuits étaient agitées ; à peine endormie elle revoyait en songe son frère et souvent à son réveil on l’entendait crier : « je veux voir mon frère, faites que je retourne auprès de lui. » Elle semblait absolument indifférente au monde extérieur et ses yeux étaient parfois comme fixés dans le vide pendant un temps assez long. L’état mental devenait de jour en jour plus grave, en même temps que les forces déclinaient à vue d’œil. Ce fut alors que je vis la malade pour la première fois. Elle était dans un état de marasme complet, refusait systématiquement sa nourriture et avait des hallucinations de la vue, de l’ouïe et du toucher : « je le vois, disait-elle, je le sens, il me touche, m’embrasse, j’entends sa voix, de grâce faites-moi mourir. » Elle avait l’air profondément mélancolique, mais ne pleurait pas et semblait supporter son sort avec une résignation extraordinaire, elle répondait brièvement et rapidement mais nettement aux questions qu’on lui posait. Elle présentait une analgésie presque complète. Toute intervention fut inutile, après quelques semaines la malade vit son désir exaucé : elle succomba dans le marasme. La durée totale de l’affection avait été de quelques mois.

L’hérédité, l’âge, les émotions, l’insuffisance de l’alimentation ont ici préparé le terrain au développement de la maladie. Les périodes de stupeur sont assez remarquables, car la malade ne présentait pas généralement de confusion mentale. Les phénomènes permanents étaient chez elle : les hallucinations revêtant toujours le même contenu, un état de croyance vésanique et de profonde dépression affective.

Dans un second cas, l’affection avait eu pour point de départ une hallucination de la période hypnagogique et affecta une forme rémittente.

  1. G…, âgé de 14 ans, entre au Manicomio de Rome le 30 octobre 1896, au service de la clinique le 5 décembre suivant. Fils d’ataxique, il s’est livré depuis l’âge de 9 ans à la masturbation. Son état de santé était excellent, lorsqu’un soir il abandonna brusquement la pâtisserie où il était employé pour aller se coucher auprès de ses compagnons de travail. Il était depuis quelques minutes au lit, lorsque tout il coup il se mit à crier et à s’agiter. Ses compagnons lui demandant la cause de ses mouvements et de ses cris, il répondit « qu’il avait vu des ombres ouvrir et fermer les armoires et que ces ombres voulaient le tuer ». Bientôt après il se calma cependant, s’endormit de nouveau, mais, après un certain temps, la crise se renouvela. Il fut conduit dans une pharmacie où on lui administra du bromure. Pendant deux jours il resta plongé dans un état de dépression morale accompagné de sentiments hostiles, néanmoins il continuait son travail. Le troisième jour il refusa net de travailler, prétendit que sa mère et sa sœur le haïssaient, se mit à crier, à briser les objets à sa portée, à menacer et à frapper ses parents. C’est dans ces conditions qu’il nous fut amené. A son entrée il était taciturne, soupçonneux, hostile envers tout le monde. Il ne se souvenait plus du passé, répondait d’une façon incohérente, confondait les évènements du rêve avec ceux de l’état de veille. Il me fut Impossible de déterminer avec sûreté si pendant la journée il avait des hallucinations ; il en avait certainement la nuit et pendant le jour [p. 154] il avait des illusions sensorielles de nature persécutante. Il refusait parfois sa nourriture. Quelquefois il était pris d’une grande agitation, pendant laquelle, la voix entre-coupée de larmes, il répétait : « J’ai peur, j’ai peur. » Après un mois son état s’ameliora et les crises de terreur et de confusion se montrèrent plus rarement, le sujet restait inquiet, anxieux, défiant envers tous ceux dont il se croyait persécuté. A la fin de l’année, S… était revenu à son état normal et racontait parfaitement le début de sa maladie. Il était sur le point de s’endormir quand il avait vu des sauvages, des diables, qui voulaient le tuer, et, dans la suite, toujours au moment du sommeil, il avait entendu, à plusieurs reprises différentes, les diables faire un bruit d’enfer, si bien qu’il avait pris l’habitude de dormir la tête recouverte des draps de lit. Il retomba encore une fois dans un état de confusion avec agitation. Au mois de mars de cette année, son état s’améliora notablement et il quitta le Manicomio.

Dans un troisième cas, le rêve provoqua des crises hystériques légères et un état mélancolique accompagné d’angoisse et d’idées de suicide.

  1. M… , âgée de 48 ans, est une robuste et saine campagnarde sans antécédents morbides et sans tare névropathique, Au mois de janvier 1895, pendant la nuit, sans cause appréciable, elle eut un songe terrifiant ; le lendemain matin, à son réveil, elle en était encore tellement troublée que pendant un quart d’heure elle se mit à trembler des pieds à la tête. Elle pleurait, désirait voir ses fils absents, savoir ce qu’il était advenu d’eux. Elle ne pouvait donner aucun renseignement sur la teneur du rêve qui l’avait si fortement impressionnée. Pendant deux ou trois jours elle resta triste, en proie à une vive émotion et à un tremblement général ; mais l’esprit absolument lucide. Elle guérit, pendant plusieurs mois, son état de santé resta parfait, elle continuait à rêver, mais les rêves ne la tourmentaient plus. Le 31 décembre de la même année, elle fut prise brusquement d’une crise d’angoisse extrême, avec sensation de douleur à l’épigastre ; elle craignait de se voir poussée au suicide, de se jeter dans une rivière voisine. Après une demi-heure, elle redevint calme, ne sachant plus à quoi attribuer l’origine de la crise précédente. Le 2 janvier 1896, elle eut de nouveau un rêve terrifiant, elle avait vu en songe plusieurs personnes de ses amies atteintes de pellagre et qui, dans le cours de cette affection avaient donné des signes d’aliénation mentale, une d’elles s’était même volontairement noyée. Le matin la malade se réveilla en proie à une vive terreur, elle reparlait sans cesse de ses malheureuses amies et craignait d’avoir à son tour, comme le rêve le lui avait prédit, le même sort qu’elles. En même temps le tremblement général revint. A partir de cette époque la malade présenta tous les caractères d’une neuro-psychose émotionnelle : humeur mélancolique, angoisse, panaphobie. dégoût de la vie, idées de suicide, insomnie, inappétence et ensuite dénutrition. La plupart de ces symptômes se trouvaient être surtout accusés le matin après le réveil : A ce moment la malade avait été atteinte à plusieurs reprises d’une espèce d’attaque toujours caractérisée par le même tremblement général. Pendant huit mois elle continua à rêver de choses terrifiantes, sans que son état mental s’en ressentit d’une façon spéciale. Je lui prescrivis un traitement reconstituant et je la soumis à plusieurs reprises à des séances de suggestion à l’état de veille. Je la revis le 11 octobre et elle me dit que, le 8 septembre précédent, elle avait de nouveau été prise, à la suite d’un rêve effrayant, d’une attaque accompagnée du tremblement habituel, d’une sensation d’angoisse et de larmes. Son état général me sembla néanmoins amélioré. Elle rentra chez elle : ses fonctions digestives se rétablirent peu à peu, l’état mélancolique s’amenda et j’ai appris depuis, que la guérison était devenue presque complète.

Au cours de recherches que j’ai faites pour étudier la forme habituelle du rêve chez les paranoïaques, j’ai pu élucider quelque peu la notion de personnalité dans la paranoïa. Beaucoup de malades atteints de cette [p. 155] affection confondent, en effet, les évènements de l’état de veille avec ceux de l’état de rêve et ont une tendance à interpréter ces derniers. C’est ce qui complique souvent l’étude de l’étiologie de la paranoïa et nous fait voir une cause dans un rêve qui n’est en somme qu’un symptôme de l’affection.

  1. M…, âgé de 31 ans, est atteint de paranoïa accompagnée du délire de la persécution. Il raconte qu’il commença à soupçonner l’existence de ses ennemis quand il eut pour la première fois des rêves obscènes suivis de pollutions nocturnes. Ce sont ses ennemis qui, chez lui, la nuit, déterminent la production des rêves qui le tourmentent, de même que le jour, dans l’asile, ce sont les médecins qui l’importunent à l’aide de leurs machines électriques, Comme on le voit, le malade, devenu aliéné, croit que les rêves lubriques des années antérieures lui ont été suggérés par ceux-là mêmes qui aujourd’hui encore en veulent à sa santé et à sa vie.

Je ne crois pas que les cas de folie systématisée succédant aux rêves soient fort rares ; mais il me semble que, généralement, il doit être difficile de retrouver nettement cette étiologie.

Le rêve peut produire cette affection de deux façons :

1° La folie se développe d’emblée après le songe révélateur ; et, les rêves suivants, la lecture, la conversation, les circonstances fortuites ont pour effet de la déterminer complètement et de la systématiser davantage.

2° La folie s’organise peu à peu, c’est graduellement que les rêves annoncent au sujet sa mission, son avenir, ou lui rappellent son passé. Dans ce cas, la maladie débute par quelque rêve frappant, attirant fortement l’attention, mais pour lequel il existe encore un doute dans l’esprit du malade. Le même rêve se reproduit, l’intérêt que le sujet y attache favorisant sa répétition, et celui-ci finit par arriver insensiblement à un état de croyance onirique et de certitude morbide.

  1. F…, ouvrier peintre, âgé de 21 ans, est un dégénéré qui n’avait jamais donné aucun signe antérieur d’aliénation mentale, lorsqu’un jour il annonça brusquement à sa mère l’arrivée prochain dans sa maison d’un grand personnage. Il fut impossible de lui enlever cette idée. Il disait : « Il doit venir, vous autres vous ne savez pas pourquoi, mon rêve est de ceux qui ne trompent pas. » Pendant un mois environ, il ne répéta guère autre chose ; il avait changé ses habitudes, s’était vêtu magnifiquement, refusait de travailler. Dans la suite il dit à sa mère le nom du personnage ; son peu d’empressement à venir le tourmentait beaucoup. A partir de ce moment il devint inquiet, éclatant parfois en jurons et en menaces : « S’il ne vient pas, je lui ferai bien voir qui je suis, moi. Pardieu ! » La folie dura trois mois, puis peu à peu elle se calma. R… se disait d’ailleurs prêt à oublier l’offense. « Le mal ne venant pas de celui qui le subit mais de celui qui le fait. » Depuis cette époque, son état mental est resté excellent ; lorsqu’on lui parle de cet incident, il rougit et se fâche.
  2. A… , un paranoïaque de 51 ans, atteint de la manie des réformes, a lu sa destinée dans « L’astronomia ». Il doit devenir roi d’Italie, mais à l’aide de la « politique honnête » seulement et non par les armes. Il devra créer ensuite une langue et un code universels et amener ainsi la paix du monde. Dès son enfance, il avait 7 ans seulement, le Ciel lui en avait envoyé la première nouvelle, puis, à plusieurs reprises différentes, [p. 156] il avait reçu des messages du même genre, toujours pendant son sommeil ; plus tard il avait aussi entendu les astrologues lui prédire son avènement au trône pour l’année 1859. Le sujet est un homme d’un caractère calme, sans hallucinations, qui subit son sort sans en tirer gloire, il sait que sa tâche sera difficile, que ses forces sont faibles, mais, dit-il, nul ne peut contre la volonté de Dieu. Parfois il s’étonne que le Ciel ait choisi un aussi humble travailleur, sans instruction aucune, alors que de par le monde il y a tant de personnes illustres et savantes qui auraient mieux fait que lui.
  3. S. A…, paranoïaque, âgée de 55 ans, est atteinte de délire généalogique, dont l’origine semble avoir été un rêve ou un état hypnagogique. A l’âge de 17 ans environ, elle prétend avoir fait un acte qui, vingt-cinq ans plus tard, devait la remettre en possession de la fortune de ses ancêtres les princes et les princesses. Longuement interrogée au sujet de cet acte, elle ne répondit que brièvement et comme à contre gré. Certaines de ses réponses me firent croire que cette folie avait une origine onirique. « Elle était gravement malade lorsqu’elle avait signé, elle se trouvait alors dans un état de grande faiblesse, à la période la plus critique de sa maladie. Pour le reste elle ne se souvenait plus de rien, tout étant d’ailleurs consigné dans le fameux écrit. »

Un cas pour lequel l’origine onirique ne peut certainement pas être mise en doute est celui que j’ai observé en 1893 au Manicomio de Rome.

  1. S … avait alors 60 ans et se trouvait depuis trois ans à l’asile, atteinte de paranoïa avec délire des grandeurs et de la persécution. Lorsque je voulus commencer son interrogatoire, elle me donna tout d’abord sa théorie sur les différentes espèces de rêves. Ceux-ci se divisent en trois classes, disait-elle : ceux du soir reproduisant les évènements de la journée sont naturels, ceux de minuit sont envoyés par le diable et sont trompeurs, ceux du matin viennent de l’ange et sont vrais (76). L’anamnèse me permit d’établir que chez cette malade l’affection mentale s’était développée après un vol dont elle avait été victime. La nuit qui avait suivi le vol, un rêve « d’ange » lui avait appris qu’elle avait été victime d’un complot ourdi par quelques personnes de Naples, elle avait vu l’avocat Don Ciccio condamné à porter dans l’enfer du bois à brûler, elle avait aperçu aussi trois montagnes de pièces de monnaies d’or, d’argent et de cuivre, puis ce fut le tour de huit messieurs, qui furent mis à nu et écorchés vifs. Enfin un gouffre s’ouvrit et il en sortit trois mille personnes, parmi lesquelles la malade reconnut plusieurs familles de son pays et un syndic de Naples lui-même. D’après elle, ce rêve lui avait non seulement révélé le complot, mais encore prédit son triomphe et sa fortune future. Depuis que la malade se trouve en traitement, elle ne parle plus que des messieurs, du syndic, des avocats qui l’ont ruinée, de l’argent qu’elle possèdera et qui fera crever ses ennemis de jalousie.

L’importance que la malade attache à son rêve est telle qu’elle reste sous son impression pendant plus de douze jours et que le matin elle sent encore à la main la chaleur du bûcher près duquel elle croit s’être trouvée pendant le rêve.

SANTEDESANCTIS0003

José de Ribera (1591 – 1652) – Jacob’s Dream, 1639

Un mot maintenant du traitement.

Dans certains cas, le rêve n’est, il est vrai, qu’une cause occasionnelle dans la production de la folie, comme, par exemple, dans la paranoïa originelle. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Souvent, le rêve, survenant dans des conditions favorables (état de dénutrition, fatigue extrême, intoxication), peut être la cause déterminante de la maladie mentale. Et c’est alors que la connaissance du fait étiologique présente un intérêt considérable au point de vue thérapeutique. [p. 157]

C’est, en effet, dans ces cas que l’on devra essayer de provoquer artificiellement des rêves, soit pendant le sommeil physiologique, soit à l’état de sommeil hypnotique. A. Maury, Scherner. Beattie, Abercrombie et d’autres encore ont déjà antérieurement employé ce moyen. J’ai eu moi-même l’occasion de me convaincre de son efficacité et, tout récemment, J. Mourly Void, de Christiania (77), a démontré l’influence qu’exercent sur les rêves visuels de la nuit les sensations visuelles de la soirée antérieure. Je crois donc que la psychothérapie par le rêve est appelée, dans un avenir rapproché, à de brillants succès:: soit qu’on le provoque chez un individu endormi ou sur le point de s’endormir, soit qu’on lui administre certaines substances dont les effets cérébro-psychiques pendant le sommeil sont connus.

Je m’arrête ici. Je ne crois pas cependant mon sujet épuisé. Il me resterait encore à parler des rêves symptômes des affections mentales, il me faudrait approfondir bien des points que j’ai développés devant vous, trouver des arguments plus probants encore pour soutenir mes théories, étudier certaines questions que je n’ai fait que soulever.

J’aime à croire cependant que vous voudrez bien m’excuser et vous contenter pour le moment de ces considérations générales sur les rapports entre les psychoses et les rêves, je m’estimerai heureux d’avoir pu vous convaincre aujourd’hui de l’utilité de la clinique dans l’étude de ces relations. Et, d’ailleurs, ce n’est pas devant vous, Messieurs et chers collègues de Belgique, que je devrai insister longtemps sur l’importance de la clinique dans la Psychiatrie, vous qui avez le suprême honneur de compter parmi vos compatriotes un des plus grands cliniciens aliénistes du siècle.

Avant de finir, permettez-moi donc de souhaiter un avenir glorieux à la méthode clinique dans l’étude de l’aliénation mentale et d’adresser un hommage respectueux et un souvenir ému il la mémoire de celui qui fut il la fois un des plus grands savants du siècle et un des plus nobles bienfaiteurs de l’humanité : à Joseph Guislain.

Traduit de l’italien par les Drs A. Boddaert et Duchâteau.

 

[p. 158]

BIBLIOGRAPHIE ET NOTES

(1) Cité par RADESTOCK, Schlaf und Traum, Leipzig, 1879, p. 217.

(2) Paverga und Paralipomena, I, p. 246.

(3) Bulletin de l’Académie de médecine de Paris, tome XIX.

(4) A. MAURY, Analogies des phénomènes du rêve et de l’aliénation mentale, (Ann. Méd.-psychol., 1833, p. 404), et Le sommeil et les rêves, 4° édition, Paris, 1878, ch. VI, p. 124 (bibliographie).

(5) PITRES a, je crois, introduit ce mot (Leçons cliniques sur l’hystérie et l’hypnotisme), Paris, Doin, 1891, tome II, p. 140). Il parle de l’état onéirique qui, pour lui, ne serait qu’un dérivé de l’état hypnotique chez des sujets très sensibles à l’hypnose. Pour moi les hallucinations oniriques sont les visions, les auditions, etc., qui se produisent pendant le sommeil.

(6) MOREAU, De l’identité de l’état de rêve et de la folie (Ann. méd.-psychol., 1855, p. 361.
(7) Pour la bibliographie, voir : MAX SIMON, Le Monde des rêves. Paris,1883.

(8) Voir article Rêve dans le Dictionnaire des sciences médicales. Paris, 1820.

(9) GRIESINGER, Traite des maladies mentales. Trad. Doumic, 1865, p. 125.

(10) DELBŒUF, Le sommeil et les rêves, 1885.

(11) SPITTA, Schlaf und Traumzunstände der menschliche Seele. Tubingen.

(12) RADESTOCK, op. citat., ch. IX, p. 217.

(13)  MORSELLI, l distributi della couscienza in relazione colle dismnesie. Clinica moderna, anno I, 1895, n° 2.

(14) Loc. citat., ch. X, Die traumerische Zustände des Wachens, p. 229.

(15) A. MAURY, Le sommeil et les rêves, p. 268. L’auteur fournit la bibliographie du sujet et des exemples, il donne l’interprétation psychologique de l’état extatique.

(16) Loc. cit., ch. XI, p. 202 et suiv. Consulter sur l’extase les œuvres de P. Richer, Gilles de la Tourette, P. Janet, etc.

(17) GUISLAIN, Traité des phrénopathies, 1835, p. 310.

(18) MOBIUS, Neural. Beiträge. Ueber Astasie-Abasïe, I, Heft.

(19) BREUER und FREUND, Studien über Hysterie. Leipzig, 1895, p. 187.

(20) FOREL, Der Hypnotismus. Stuttgard, 1895.

(21) LASSÈGUE : Le délire alcoolique n’est pas un délire mais un rêve (Arch. gén. de médecine, vov, 1881). Etudes médicales, p. 203. [en ligne sur notre site]

(22) T. MEYNERT, Lezioni cliniche di psychiatria, trad. de Pieraccini, p. 71.

(23) L’idée de Meynert concernant la nature et le contenu du rêve s’accorde avec l’opinion de Delbœuf, op. cit.

(24) E. SCHULE, Psichiatria clinica, trad, ital. d’Andriani. Naples, 1890.

(25) Schüle fait rentrer dans le groupe de la « Wahnsinn » les états psychopathiques dans lesquels l’on rencontre à la fois des processus d’irritation de la sphère sensorielle et une faiblesse intellectuelle (iperestesie ed iperenergie [p. 159 sessoriali infracorticali con anergie corticali), avec ou sans conservation de la logique et de la systématique.

(26) T. ZIEHEN, Psychiatrie. Berlin, 1894, p . 337 et suiv.

(27) MAYER, Sechzehn Fällen von Halbtraumzustände (Jahrbuch für Psychiatrie, 1X92, p. 236.

(28) KRAEPELIN, Psychiatrie, IV, Aufl. Leipzig, 1893.

(29) Ph. CHASLIN, La confusion mentale primitive. Paris, 1893.

(30) MOREL, Traité des maladies mentales, Paris, 1860, note, p, 333.

(31) Voir aussi: KIRCKHOFF, Lehrbuch der Psychiatrie. Leipzig, 1892, p. 96.

(32) DE SANCTIS, l sogni e il somno, etc, Roma. 1896, p. 211-2I2.

(33) WEIR MITCHELL, Lectures on the diseases oh nervous system, 1887, et Some disorders of Sleep (Trans. of the Assoc. of amer. phys., 1890).

(34) CH, FÉRÉ, La pathologie des émotions. Paris, 1892, ch, II. Voir aussi les cas décrits p. 238, ch. VI, p. 276, ch. VII.

(35). FÉRÉ, op. cit., ch. II.

(36) F. H. BRADLEY, On the faiture of lovement in dream (Mind july 1894).

(37). J. W. PUTNAM, Sleep movements in Epilepsy (Journal of nervius and mental diseases, 1892). Cet auteur croit que les mouvements des épileptiques pendant le sommeil peuvent servir à déterminer le siège de la maladie cérébrale cause de l’épilepsie.

(38) FÉRÉ, Les épilepsies et les épileptiques. Paris, 1890, p. 104,

(39 THOMAYER, Sur la signification de quelques rêves (Revue neurologique, 1897). [en ligne sur notre site]

(40) Alte deI IX Congresso della Societa freniatrica italiana. Firenze, 1896.

(41) Mes recherches me portent à croire : 1° que le cauchemar se rencontre plus souvent dans l’épilepsie que dans l’hystérie — ce qui semble confirmer les données des anciens auteurs ; 2° que le cauchemar se retrouve surtout dans le petit mal épileptique peu lié aux causes somatiques habituelles ; 3° qu’il devient plus rare avec l’âge et les progrès de la maladie.

(42) MACARIO, Du sommeil, des rêves et du somnambulisme, Paris, 1857, p.85.

(43) FOREL, op, cit., p, 54.

(44) Op. cit. Dans plusieurs cas d’hystérie et d’épilepsie, les songes avaient une grande influence sur les idées et les actes.

(45) Op. cit.

(46) ARTIGUES, Essai sur la valeur sémiologique des rêves. Thèse de Paris, 1884.

(47) CHASLIN, Du rôle du rêve dans l’évolution du délire. Paris, 1887, p. 26 et suiv. [en ligne sur notre site]

(48) TOULOUSE, Les causes de la folie. Paris, 1896, p. 112.

(49) J. MOIŒAU, Du haschich et de l’aliénation mentale, p. 263.

(50) Ann. méd.-psychol., mars 1844·

(51) BAILLARGER, De l’influence de l’état intermédiaire à la veille et au somnambulisme sur la production et la marche des hallucinations, 1845, t. VI). Voir BAILLARGER, Maladies mentales, éd. 1890, Vol. I, p. 169.

(52) BRIERE de BOlSMONT, Des hallucinations, 1852.

(53) CH. FÉRÉ, La médecine d’imagination, 1886.

(54) R. ARNDT, Lehrbuch des Psychiatrie, 1883. Voir le chapitre sur les causes de la folie, p. 280.

(55) EMMINGHAUS, Allgemeine Psychopatholgie, 1878.

(56) Voir FRIEDMANN, Ueber den Wann Wiesbaden, 1894, p. 46.

(57) E. GOBLOT, Le souvenir des rêves (Revue philosophique, sept. 1896). [en ligne sur notre site]

(58) LAHUSEN in Deutsch. Med. Zeit., 32-33, 1897. Pour la bibliographie de la théorie toxique, voir : DE SANCTIS, I sogni e il somno ; DE MANACÉINE, Le sommeil, trad. franç., Paris, 1896, p. 70, et LÉO ERRERA Sur le mécanisme du sommeil (Soc. d’anthropologie de Bruxelles, 22 mars 1893)·

DE SANCTIS, Emozione e Sogni (Riv. sperim. di Frenatria, 1896, f.III).

(60) Par exemple: DANDOLO, La coscienza dei somno, Padova, 1889, ch. V.

(61) DUGAS, Le sommeil et la cérébration inconsciente durant le sommeil

(Revue philosophique, avril 1897).

(62) F0REL, Gehirn und  Seele, Bonn, 1894, et Revue philosophique., nov., 1895. (63) WUNDT, Eléments de psychologie physiologique, trad. Franç., vol. II.

(64) J’ai exposé ces théories dans mon ouvrage : l Sogni e il sogno. Voir aussi : DE MANACINE, op. cit., BELMONDO, Sui rapporti tra funzioni cerebrali e ricambio (Riv. sper. di Frenatria, fasc. IV, 1896, et FORSTER, Physiologie, dern. édit.

(65) FÉRÉ, Pathologie des émotions, p. 297·

(66) Voir SERGI, Dolore e Piacere, Milano, 1894, et DE SANCTIS, Emoziione e Sogni. Dans cette brochure j’ai donné la bibliographie de la théorie de James­ Lange sur la nature des émotions. Voir aussi L’Année psychologique, de BINET, vol. Il et III.

67) TOULOUSE, op, cit.

(68) Pour les troubles du sommeil et pour les effets sur le système nerveux chez les neurasthéniques, voir : 0, BINZWANGER, Die Pathologie und Therapie der Neurasthenie. Vorlesungen, 1896.

(69) Voir pour ces formes : FÉRÉ, Pathologie des émotions ; CHASLlN, La confusion mentale Primitive ; KRAEPELIN, op. citat. ; O. BINZWANGER, Ueber die Pathogenese und Klinische Stellung der Erschöpfnugspsychosen (Berl. kt. Woch., 1897, 23).

(70) DE SANCTIS, I Sogni e il somno, p, 79.

(71) BREUER et FREUND, op. cit. et les autres travaux de Freund.

(72) RÉGIS, Hallucinations oniriques des dégénérés (Congrès français des médecins aliénistes et neurologistes à Clermont-Ferrand, séance du 10 août 1894), d’après un compte rendu de la Semaine médicale.

(73) HAVELOCK-ELLlS, A note on hypnagogic paramnesia (Mind), vol. VI, n° 22).

(74) Le Dr JULES OBICI a fait une communication à ce sujet à l’Accademia di Scienze mediche e naturali di Ferrara en 1895. L’observation n’a pas été publiée in extenso.

(75) MARRO, Contribuzione allo studio dei deliri di origne ipnagogica (Giornale della R. Accademia di Medicina di Torino, felb. 1897).

(76) FRA JACOPO PASSAVANTI, dans son Libro dei sogni, parle d’une distinction de ce genre que faisaient aussi les astrologues et les magiciens de l’antiquité pour connaître la véracité des rêves.

(77) J. MOURLY VOLD, Eininge experimente ûber Gesichtsbilder in Traum (Dritter internat Congress für Psychologie). München, 1896, Bericht, p. 355.

 

 

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