Saint-Edme. LOUP-GAROU. Extrait du « Dictionnaire de la pénalité, dans toutes les parties du monde connu. Paris, 1828, p. 340-342.

Saint-Edme. LOUP-GAROU. Extrait du « Dictionnaire de la pénalité, dans toutes les parties du monde connu. Tableau historique, chronologique et descriptif des Supplices, Tortures ou Questions ordinaires et extraordinaires, Tourmens, Peines corporelles et infamantes, Chatimens, Corrections, etc… ordonnés par les lois, ou infligés par la cruauté ou le caprice, chez tous les peuples de la terre, tant anciens que modernes; auxquels on a rattaché les Faits les plus importants que l’histoire présente en condamnation ou exécutions civiles, correctionelles ou criminelles. Tome Quatrième ». Paris, 1828, p. 340-342.

 

Saint-Edme [Edme-Theodore Bourg] (1785-1852). Après avoir été le secrétaire du maréchal Berthier puis commissaire des guerres sous le Premier Empire, Bourg devint homme de lettres dans la vie civile. Il était membre de la Société des gens de lettres. [Wp]

[p. 340]

LOUP-GAROU. Homme changé en loup ou autre bête féroce, et courant la nuit sous cette forme. Cette absurde et superstitieuse croyance, qu’un individu peut, par des moyens surnaturels, changer de forme et en prendre une effrayante, était répandue chez les anciens peuples ; on lit dans Virgile :
Sœpè lupum fieri Mœrim et se condere sylvis.
Le christianisme, loin de détruire cette erreur, lui prêta un nouvel appui par le dogme de l’influence du démon sur les hommes. Ce dogme, appliqué par l’ignorance et le fanatisme, fit regarder comme certains les faits les plus ridicules. On admit l’existence des sorciers comme article de foi ; il y eut des loups-garoux, et on brûla ceux qu’une honteuse procédure osa reconnaître comme s’étant livrés à cette sorte de métamorphose, les tribunaux trouvèrent même des hommes qui eurent l’extrême folie de s’avouer coupables de ces changemens de forme de leur corps. La Roche-Flavin rapporte un arrêt du parlement de Dôle, de l’année 1574, qui condamna au feu Gilles Garnier, pour avoir renoncé à Dieu, et s’être obligé à ne plus servir que le diable, qui le changea en loup-garou. L’arrêt dit que, sous la forme de loup-garou, il a saisi et dévoré de petits garçons, [p. 341] et que le coupable avoua plusieurs fois tous ses crimes, La philosophie a dissipé de vieilles erreurs et chassé les démons des corps qu’ils obsédaient. Plus de sorciers, plus de loups-garoux, que pour quelques pauvres paysans imbécilles. Il est vrai que cette classe malheureuse souffre encore des effets de son ignorance ; car il n’y a peut-être pas de village en France qui n’ait ses loups¬garoux ; mais on ne verrait plus aujourd’hui un tribunal admettre dans ses jugemens la certitude d’une transformation, surnaturelle. Un des derniers exemples de loups-garoux, ou prétendus tels, que présentent les annales judiciaires, est celui du nommé Maréchal, qui demeurait , en 1804, au village de Longueville, à deux lieues de Méry-sur-Seine. Marié et déjà d’un certain âge, Maréchal devint amoureux d’une fille d’un village voisin, et, ne pouvant s’en faire aimer, il se transforma successivement en sanglier, en ours, en loup, et alla toutes les nuits faire son sabbat plusieurs fois à la porte de sa belle, dans l’idée d’obtenir, par la frayeur et la violence, ce que sa laideur et sa réputation de sorcier ne lui permettaient pas d’espérer. La fille qu’il persécutait ainsi engagea ·par ses promesses un jeune paysan à coucher auprès d’elle pour la garantir des visites du loup-garou. Ce nouveau chevalier s’arma d’un fusil, se rendit à son poste, et attendit la bête. Dès ·qu’il aperçut le monstre à quatre pates, qui venait assez lourdement à lui, il le coucha en joue et le manqua. Le loup-garou, qui .avait aussi un fusil, tira à son tour sur le paysan et lui cassa la jambe. [p. 342] Celui-ci, étonné de se trouver en face d’un loup qui tirait des coups de fusil, se jeta comme il put dans la chambre de la demoiselle, et ferma la porte au verrou. Des scènes semblables se continuèrent. A la fin, la justice, informée, s’empara de Maréchal. On ne trouva dans le prétendu sorcier qu’un vaurien coupable de vols et de divers brigandages qu’il exerçait dans ses courses nocturnes. On le condamna aux galères perpétuelles.

Joakim Skovgaard Varulven – Le loup-garou (1889).

 

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