Pron. Les songes d’après Hippocrate. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), XI, 10, 1919, pp. 277-280.

Lucien Pron. Les songes d’après Hippocrate. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), XI, 10, 1919, pp. 277-280.

 

Lucien Pron (1877-19??). Médecin.
Quelques publications:
— Influence de l’estomac et du régime alimentaire sur l’état mental et les fonctions psychiques. Thèse de médecine. Paris, Jules Rousset, 1901. 1 vol. in-8°, 188 p.
— A propos d’un cas de rêve à répétition.] in « Annales médico-psychologiques », (Paris), huitième série, tome soixante-dix-septième, soixante et unième année, 1903, pp. 451-453. [en lige sur notre site]
— Traité clinique des maladies de l’estomac. Paris, Jules Rousset, 1908. 1 vol. in-8°, 417 p.

[p. 277]

LES SONGES
D’APRES HIPPOCRATE
Par le Dr PRON

Ayant étudié, dans ma thèse inaugurale (1), l’influence des troubles gastriques sur la sphère psychique, en même temps que les rêves liés aux perturbations digestives, et ayant, peu après, communiqué à la Société médico-psychologique une note relative aux rêves à répétition (2), on voudra bien me permettre de résumer ici les idées d’Hippocrate sur les rapports existant entre l’état somatique et les songes. C’est de la psychophysiologie, et non du charlatanisme, et Hippocrate a bien soin de distinguer les songes divins, dont l’interprétation appartient aux devins, et les songes d’origine physiologique, qui sont du domaine de la médecine.

Pendant la veille, l’âme n’est pas à elle-même, car elle est obligée de partager son activité entre le corps et la vie extérieure ; dans le sommeil, au contraire, elle « gouverne » son propre domicile… Aussi, quiconque en sait juger sainement connait une grande partie de la science.

« Les songes, qui reportent les actions ou les pensées de la veille dans la nuit suivante, et qui représentent d’une façon régulière ce qui a été fait on dé1ibéré pendant [p. 278] le jour dans une juste affaire, sont favorables ; ils indiquent la santé, parce que l’âme demeure dans les pensées du jour… mais, quand les songes contrarient les actions de la veille, et qu’il y a là-dessus bataille ou victoire, cela signifie un trouble dans le corps. » II faut alors absorber un vomitif, puis pendant cinq jours ne prendre que des aliments légers, faire le matin des promenades rapides en suivant une gradation, et se livrer aux exercices de voix et a la prière.

Voir le soleil, la lune ou d’autres astres évoluant dans un ciel pur, est favorable ; mais si les astres s’arrêtent dans leur course, ou cessent de briller ; si surtout ils s’entourent de pluie ou de grêle, c’est l’annonce qu’une sécrétion humide et phlegmatique s’est faite dans le corps. Dans ce cas, conviennent « les courses en habit, considérables », afin qu’une sudation abondante survienne, la suppression du déjeuner, le retranchement du tiers des aliments, auxquels on reviendra normalement en cinq jours. Si l’influence parait forte, on aura recours aux étuves, et on usera d’aliments secs, âcres, astringents.

« Si ce qui est dans le corps (?) » semble fuir rapidement, poursuivi par les astres, il y a danger de délire. Il faut alors avoir recours à l’hellébore, ne boire que de l’eau ou du vin blanc léger, s’abstenir de substances desséchantes, échauffantes et salées, faire des courses sans lutte et sans frictions consécutives, et prendre beaucoup de sommeil sur un lit mollet. II est bon aussi d’user de l’étuve, et de vomir après. De trente jours, on ne mangera à son plein appétit.

Quand les astres paraissent errer çà et là, c’est qu’il y a une perturbation de l’âme par des soucis. II convient de se divertir, et d’aller au spectacle pendant deux ou trois jours.

Si les astres sont obscurs, et prennent une direction [p. 279] ascendante, c’est annonce de catarrhe dans la tête. S’ils vont vers la mer, c’est annonce d’affections abdominales ; vers la terre, annonce de tumeurs formées dans la chair. II faut vomir, et retrancher le tiers des aliments.

Voir un corps célestes et pure se poser sur vous, voir tomber une ondée douce par un temps calme, l’un et l’autre sont de bon augure.

Après les astres, Hippocrate passe, a la terre.

Apercevoir et entendre nettement les objets ou les bruits terrestre ; marché de façon sûre ; voir la campagne unie, bien travaillée, et recouverte d’arbres et de fleurs, tout cela annonce une bonne santé.  Mais si la vision est confuse, et l’ouïe diminuée, c’est qu’une maladie menace la tête. Si la terre se montre raboteuse, cela indique que la chair du corps est impure ; en conséquence on fera de fréquentes promenades et des exercices. Si les arbres apparaissent sans fruits, c’est que le sperme est corrompu. Les fleuves, qui ne coule pas régulièrement, dénote que le sang à une circulation gênée ; si les eaux débordent, excès de sang ; si elle baisse, défaut de sang. Les sources et les puits indiquent un trouble viscéral. La mère agitée annonce une maladie du ventre ; on emploiera alors les laxatifs et les aliments léger et mou. Un tremblement de terre annonce un trouble proche de la santé ; avoir recours à un vomitif, comme préventif.  Voir la terre sombre et calcinée, doit faire craindre une maladie violente et grave ; c’est l’indice d’un excès de sécheresse dans les chairs ; on supprimera les aliments acres et secs pour vivre d’orge bien cuite et de boissons aqueuses abondante ; on se baignera souvent, mais jamais à jeun. Si l’on croit plongé dans un étang, une rivière ou la mer, c’est que le corps contient, au contraire, un excès d’humidité.

Sinon on se voit soi-même revêtu d’un habits blancs, ajustés [p.280} comme taille, c’est un bon signe. Mais, si une partie du corps est trop grande ou trop petite, on si le vêtement a une teinte sombre, c’est indice de maladie.

Si l’on voit les morts vêtus de blanc, cela dénote la santé du corps. Voir le contraire, c’est-à-dire les défunts nus ou habillés de noir, recevant ou emportant quelque objet, c’est annonce de maladie. II faut déterger par les courses an cerceau et les promenades, par le vomissement, et, à la suite, par une nourriture molle et légère, qu’on accroitra graduellement.

Voir des corps de forme anormale, et en être saisi de frayeur, indique une plénitude d’aliments, un flux bilieux et une maladie dangereuse. Dans ce cas, on vomira ; on usera d’exercices naturels et de bains chauds ; on se gardera du froid et da soleil.

Manger en rêve est bon, boire de l’eau limpide est de même, bon signe.

Toutes les fois que l’on se bat, qu’on est piqué ou enchainé par un autre, c’est l’indice qu’il s’est fait, dans le corps, une sécrétion « contrariant le mouvement circulaire » ; il en est ainsi également, si l’on s’égare pendant la marche, si l’on passe une rivière, et si l’on rencontre des ennemis.

Telles étaient les relations, établies par Hippocrate entre l’état somatique et la nature des songes. Si le traitement qu’il propose varie peu pour chaque cas, on ne saurait, en tout cas, lui dénier le talent des analogies, existant ou imaginées entre les anomalies de fonctionnement de l’organisme et l’orientation de l’activité mentale pendant le sommeil.

Notes

(1) Influence de l’estomac et du régime alimentaire sur l’état mental et les fonctions psychiques, Paris, 1901.

(2) A propos d’un cas de rêve à répétition (Séance du 25 janvier 1903).

 

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