Pressavin. COCHEMAR. Extrait du « Nouveau traité des vapeurs ou traité des maladies des nerfs, dans lequel on développe les vrais principes des vapeurs », (A Lyon), Veuve Reguilliat, 1770, pp. 357-352.

Pressavin. COCHEMAR. Extrait du « Nouveau traité des vapeurs ou traité des maladies des nerfs, dans lequel on développe les vrais principes des vapeurs », (A Lyon), Veuve Reguilliat, 1770, pp. 357-352.

 

Jean-Baptiste Pressavin (1734-inconnu). Chirurgien plus connu pour son rôle politique que scientifique. Il fut procureur de la commune de Lyon, député de Rhône-et-Loire sous la Convention et vota la mort de Louis XVI. Quelques publications qui peuvent intéresser  la santé.
— L’art de prolonger la vie et de conserver la santé, ou Traité d’hygiène (1786).
— Traité des maladies vénériennes par M. Pressavin. (1773).
— 
Réflexions sur l’inoculation et sur l’unique et véritable manière de la pratiquer. (1770).

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 347]

CHAPITRE VIII.

Du Cochemar.

Le Cochemar est une maladie , dont les accès ne surviennent que dans le temps où l’on est livré au sommeil, & le plus souvent, dans le moment où l’on commence à s’endormir. Ses symptômes sont un sentiment incommode de pesanteur sur la poitrine qui gêne la respiration, de manière qu’on croit être pressé par un fardeau que l’imagination représente ordinairement sous la forme d’un homme, d’un chat, d’un chien, ou de quelques autres objets, mais qui font toujours de ceux que le malade hait, craint ou répugne. Il voudroit se débarrasser de ce fardeau & ne peut en venir à bout ; quelquefois il imagine être attaqué par des voleurs qu’il ne peut fuir, ou être aux prises avec un ennemi, contre lequel il ne peut se défendre ; il voudroit crier, mais la voix lui manque ; il voudroit courir, mais il lui semble qu’au lieu d’avancer il recule ; enfin sa frayeur augmenta~ de plus en plus, il se réveille tout tremblant & dans une agitation donc [p. 348] il est surpris, ne trouvant rien de réel, auprès de lui, qui ait pu lui causer cet état, & dès qu’il est parfaitement éveillé , tous les accidents du cochemar se trouvent entièrement dissipés.

Si on examine une personne attaquée du cochemar, on la voit oppressée : le visage animé, les membres quelquefois agités par de légers mouvements convulsifs, quelquefois au contraire, roides, fans mouvement & dans une espèce de spasme ; cet état approche un peu de celui de l’épilepsie. Aussi Galien l’a-t-il regardé comme un léger accès de cette maladie. Nous en rechercherons donc la cause prochaine dans le cerveau, que nous avons dit être le siège de celle de l’épilepsie.      ·

Le sens intérieur, dans le sommeil, n’étant plus exercé par l’action des sens extérieurs, perd le ton que cette action lui communiquoit, devient plus foible & en conséquence susceptible d’être agité par une cause plus légère. Il suffit alors pour déterminer cette agitation, qu’une idée désagréable se retrace à l’imagination, ou que quelques dérangements dans l’économie animale causent dans le sens intérieur une sensation fâcheuse. L’état de foiblesse où se trouve cet organe, ne permettant pas à l’âme de faire les comparaisons d’où [p. 349]  naît le jugement vrai & sain des choses sensibles, elle rapporte à des objets fantastiques ce que dans le réveil, elle rapporteroit à sa véritable cause.

On ne sera pas surpris, qu’une idée désagréable qui agite le sens intérieur, puisse causer dans notre machine les-accidents que nous venons de remarquer dans le cochemar, quand on fera réflexion à ceux qui naissent d’une grande frayeur ou d’un vif chagrin, qui, comme on le sait, causent des oppressions, des tremblements, des pamoisons, & des syncopes.

Les causes prédisposantes du cochemar sont une trop grande délicatesse dans la fibre du cerveau, ou dans les forces centrales. Nous remarquons que les personnes vaporeuses, & celles qui ont été affoiblies par quelques maladies, y sont plus sujettes que les personnes robustes & d’une santé solide.

Le poids des aliments dans l’estomac, détermine ordinairement l’accès du cochemar, comme nous avons fait voir qu’il pouvoit occasionner celui de l’épilepsie & de l’apoplexie, & cela par le même méchanisme que je viens d’expliquer à l’article de cette dernière maladie.

C’est par cette raison que ceux qui se couchent peu de temps après leur [p. 350] souper, & qui dorment couchés sur le dos, lorsque d’ailleurs ils sont dans les dispositions que je viens d’annoncer, ne manquent guère d’éprouver le cochemar, parce que dans cette attitude, le poids des aliments se porte contre le diaphragme & gêne la respiration ; ils passent aussi plus difficilement de l’estomac dans les intestins, & séjournent par conséquent plus long-temps dans ce viscère ; l’air qui se dégage de ces aliments distend les parois de l’estomac ce qui augmente sa pression contre le diaphragme.

J’ai vu des personnes sujettes au cochemar & qui s’en exemptoient, en prenant après leur souper, un verre de liqueur, ce qui en prévenoit l’attaque, par le ton que cette liqueur communiquoit à l’estomac. Je ne conseillerois cependant pas un pareil moyen qui peut devenir nuisible, par les raisons que j’ai détaillées à l’article des vapeurs, pag. 218 & suivantes.

Le cochemar est une maladie peu dangereuse par elle-même , puisque nous avons vu qu’elle n’a lieu que dans le sommeil, & que le réveil en dissipe entièrement les accidents. Quelques précautions dans le régime suffisent pour la guérir, telles que celles de manger peu le soir & des aliments légers [p. 351] d’éviter à se coucher sur le dos. L’attitude la plus favorable pour faciliter la digestion pendant le sommeil, est d’être couché sur le côté droit ; les aliments dans cette attitude, passent facilement par le pylore, à mesure que l’élaboration qu’ils subissent dans ce premier organe de la digestion les a convertis en une pâte propre à passer par cette ouverture.

Cependant, lorsque le cochemar devient habituel, que ses accès sont longs et ne ne se dissipent que difficilement, qu’ils subsistent même encore après le réveil, il ne faut pas alors négliger cette maladie, qu’on a vu quelquefois dégénérer en vraie épilepsie (1). [p. 352]

Les remèdes qu’il convient de prescrire dans ce dernier cas, sont les mêmes que ceux que j’ai indiqués pour prévenir les attaques de l’apoplexie, donc la cause prédisposante gît dans l’estomac. On trouve aussi dans le traitement des vapeurs, des préceptes salutaires à cette maladie que nous savons être commune aux vaporeux,

Note

(1) J’ai actuellement un exemple sous les yeux d’un enfant de douze à treize ans, en qui les accès de cochemar, auxquels il est sujet, depuis une couple d’années, commencent à dégénérer en épilepsie ; il n’éprouvoit d’abord les accidents de cette maladie que dans le sommeil ; depuis quelque temps il en a pendant la veille ; ils ne vont pas encore jusqu’à lui faire entièrement perdre connoissance. Il raconte, qu’au moment que l’accès le saisit, il se présente devant lui un objet hideux, qu’il dit être le démon, qui lui cause une si grande frayeur, qu’à l’instant il se trouve si agité & si étourdi, qu’il se reconnoit à peine.

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