Pierre Bovet. Le parler en langues des premiers chrétiens et ses conditions psychologiques. Extrait des « Annales du musée Guimet – Revue de l’histoire des religions », (Paris), trente-deuxième année, tome soixante-troisième, 1911, pp. 296- 310.

Pierre Bovet. Le parler en langues des premiers chrétiens et ses conditions psychologiques. Extrait des « Annales du musée Guimet – Revue de l’histoire des religions », (Paris), trente-deuxième année, tome soixante-troisième, 1911, pp. 296- 310.

 

Pierre Bovet et Henri Jaccard. Exemples de travail utile pendant le rêve. Article paru dans la revue « Archives de Psychologie », (Genève), tome IV, 1905, pp. 369-371. [Deux observations distinctes pour chacun des auteurs]

Pierre Bovet (1878-1965). Psychologue et pédagogue suisse. Il débute comme professeur de philosophie à l’université de Neuchâtel où il resta une dizaine d’années. A la demande d’Edouard Claparède il part en 1902 pour Genève où il va diriger l’Institut Jean-Jacques Rousseau jusqu’à la fin de sa carrière en 1944. Profondément religieux il se rapprochera des Quakers. Quelques publications :
— L’instinct combatif : psychologie, éducation, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1917. 1 vol. Dans la « Collection d’actualité pédagogique ». — 2e éd. 1928 ; 3e éd. 1961.
— (avec Henri Jaccard). Exemples de travail utile pendant le rêve. Article paru dans la revue « Archives de Psychologie », (Genève), tome IV, 1905, pp. 369-371. [Deux observations distinctes pour chacun des auteurs] [en ligne sur notre site]
— Le génie de Baden-Powell : ce qu’il faut voir dans le scoutisme, ses bases psychologiques, sa valeur éducative, l’instinct combatif et l’idéal de jeunes, Neuchâtel, Genève, Ed. Forum,‎ 1921. 1 vol.
— Le sentiment religieux et la psychologie de l’enfant, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, s. d. [1925], 1 vol. Dans la « Collection d’actualité pédagogique ». — 2e éd. refondue et augmentée de chapitres sur l’éducation religieuse en 1951.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 296]

LE PARLER EN LANGUES DES PREMIERS CHRÉTIENS
ET SES CONDITIONS PSYCIIOLOGIQUES

Il y a trois quarts de siècle un médecin français Lélut, consacrait au Démon de Socrate un livre (1) dont les conclusions sont aujourd’hui dépassées, mais qui mérite encore d’être cité pour la méthode qu’il inaugure. Le sous-titre en est significatif ; le voici : Spécimen d’une application de la science psychologique à celle de l’histoire. Il y dans ces mots tout un programme qui au début du vingtième siècle n’a rien perdu de son intérêt. L’ouvrage que M. Émile Lombard (2) vient d’écrire sur la glossolalie chez les premiers chrétiens et les phénomènes connexes montre mieux qu’aucun autre à nous connu ce que l’histoire, et l’histoire religieuse en particulier, peut attendre de la collaboration intime des deux disciplines que Lélut ambitionnait d’unir.

La méthode suivie par M. Lombard nous paraît si féconde qu’il ne peut être que profitable de l’étudier de près ; d’ailleurs, on le verra, en l’appliquant aux faits qu’il a lui-même groupés avec tant de sagacité, nous aboutirons à une interprétation de la glossolalie différente de la sienne, et nous verrons ainsi se poser devant nous des questions que nous ne prétendrons pas à résoudre mais qui, croyons-nous, offrent un intérêt de nouveauté pour les historiens des origines du christianisme et méritent de leur être signalées.

Nous nous placerons dans ce qui suit au point de vue du psychologue. Nous n’avons pas repris par nous-même l’étude des questions de critique qui se posent à propos des documents que nous citerons. M. Lombard, qui est un théologien, nous a paru être très au courant de travaux poursuivis en Allemagne et ailleurs sur les épîtres de Paul et sur les Actes des Apôtres ; nous avons adopté ses solutions sous bénéfice d’inventaire.

La première épître de saint Paul aux Corinthiens répond à une lettre par laquelle la communauté chrétienne de Corinthe avait demandé à [p. 297] l’apôtre son avis sur plusieurs cas embarrassants. Une de ces questions se rapportait aux inspirés(πνευματιϰοί) ; elle provoqua une réponse qui emplit les chapitres XII-XIV de l’épître, dans lesquels Paul apprécie, quant à leur valeur religieuse et à la part qu’il convient de leur faire dans le culte public, les dons spirituels auxquels les Corinthiens attachaient un si grand prix. Parmi ces dons, ou charismes, aucun n’excitait l’admiration et l’émulation ambitieuse des fidèles autant que le « parler en langues » ou glossolalie.

En quoi consistait la glossolalie corinthienne ? Paul ne la décrit pas ; il s’agit de faits bien connus de ses lecteurs. Mais il y a dans ces chapitres assez d’indications pour que nous puissions arriver à une définition provisoire du phénomène. La glossolalie est un langage, mais d’une espèce bien particulière.

D’abord celui qui parle en langues ne parle pas « avec son intelligence » (I Cor. XIV, 2. 14, 15, 19), il n’est pas l’auteur de ce qu’il dit, il n’en est que l’organe. En d’autres termes la glossolalie est un phénomène automatique, étranger à la volonté consciente.

Ensuite, c’est un langage inintelligible aux auditeurs : on ne le comprend pas (I Cor. XIV, 2).

Enfin, c’est un langage susceptible de varier suivant les individus et suivant les cas ; il y a diverses sortes de langues (γένη γλωοών) I Cor. XII, 10. 28 ; on peut penser que, comme les langues parlées par les divers peuples, les manifestations glossolaliques de Corinthe présentaient des différences de forme et d’apparence verbale.

Ces caractères du « parler en langues » corinthien se retrouvent dans des cas modernes, dont quelques-uns ont été décrits en grand détail et étudiés de près. Pourvu que l’on prenne certaines précautions, il est légitime de demander à ces observations contemporaines des renseignements supplémentaires sur la glossolalie corinthienne et notamment sur ses conditions psychologiques.

Des faits de glossolalie religieuse se produisent depuis plusieurs années en Allemagne et dans les pays scandinaves dans des assemblées piétistes qui ont subi fortement certaines influences américaines. On y aspire à reproduire tous les charismes de l’Église primitive : ce « réveil » s’intitule Pfingstbewegung« mouvement de la Pentecôte ». Bien que ses adeptes se soucient peu des psychologues, beaucoup de faits inté­ressants ont déjà été recueillis (3). [p. 298]

Mais les cas les plus instructifs sont, naturellement, les glossolalie isolées plus faciles à observer en détail. Ici il ne s’agit pas toujours d’un parler en langues d’inspiration chrétienne.

Le cas le plus important, parce que le mieux décrit, est celui de Mlle. Smith, le médium étudié par M. Flournoy (4) ; elle prononce en transe plusieurs phrases en des langues inconnues, dont l’une présente dans sa forme des ressemblances frappantes avec le sanscrit, tandis que les autres sont censées être les idiomes parlés sur Mars, sur Uranus, et sur d’autres planètes habitées.

C’est de ces cas contemporains soigneusement étudiés qu’il faut partir pour comprendre le mécanisme psychologique du parler en langues de Corinthe, et, pour assigner à la glossolalie, telle que nous l’avons sommairement décrite, sa place parmi les phénomènes très variés d’automatisme vocal qui vont s’échelonnant depuis les cris et soupirs inarticulés jusqu’à ces suites compliquées de mots tout neufs employés de façon conséquente, à ces « glossopoièses », dont le martien de Mlle Smith est le plus bel exemple.

Dans le chapitre qu’il consacre spécialement à l’explication psychologique des faits qu’il étudie, M. Lombard se place successivement à trois points de vue différents ; il consulte l’une après l’autre la psychologie des foules, la psychologie du langage, la psychologie de la religion. Il admet que « la glossolalie devient épidémique au même titre que tout geste et tout acte de participation suggérés à une assemblée ou à un conventicule suffisamment unifiés ». Mais cela ne fait que reculer le problème aux individus qui servent d’initiateurs. La psychologie du langage nous fait faire un pas de plus : les automatismes vocaux sont toujours la manifestation d’un état affectif intense. « Prédominance des facteurs émotifs : telle est la caractéristique soit des recommencements du langage dans la première enfance, soit des survivances de celle phase infantile dans notre parler d’hommes adultes et civilisés ». De même « le pseudo-langage comme tel a des analogies enfantines (5) ».

Ethiopian Biblical Manuscript.

Or la psychologie de la religion nous amène à voir dans l’émotion ce qu’il y a de plus profond dans l’expérience religieuse. « La religion est par excellence le domaine des contrastes ». Le mot célèbre de Goethe, [p. 299] devise de toutes les grandes passions humaines : « Himmelhoch jauchzend —Tode betrübt ! » n’apparait jamais plus vrai qu’en présence des manifestations, si contradictoires et pourtant si unes, de l’enthousiasme religieux (6).

En somme, M. Lombard voit dans la glossolalie quelque chose du même ordre que ces suites de mots incoordonnés, et parfois sans signification aucune, qu’une mère prodigue à son dernier-né, ou que de jeunes amoureux échangent sans se lasser. A un sentiment nouveau il semble que doivent correspondre des expressions nouvelles, à une transformation de l’être intérieur un bouleversement dans la façon dont il se manifeste.

Telle est, dans sa substance, l’explication psychologique que M. Lombard propose. Je vais chercher à faire voir pourquoi, toute riche qu’elle est, elle me paraît incomplète.

« Tout ce qu’on peut espérer dans cet ordre de questions, —écrit Lombard en terminant celui de ses chapitres qu’il consacre à la psychologie, —c’est d’arriver à montrer comment les caractères spéciaux d’un phénomène se rattachent à d’autres caractères plus généraux (7). » Cela assurément, M. Lombard l’a fait et avec une admirable richesse d’information, mais peut-être, même dans cet ordre de questions, était-il possible de faire mieux encore. La glossolalie de Mlle Smith est beaucoup plus complètement expliquée par M. Flournoy, que celle des Corinthiens ne l’est par M. Lombard ; cela ne tient pas seulement à la pauvreté des documents dont celui-ci dispose, cela tient surtout à ce qu’il a négligé à mon avis une circonstance extrêmement importante, toujours présente, selon moi, dans les cas de glossolalie et qui en est vraiment la condition nécessaire : le désirdu sujet, qui se représente comme une fin à atteindre cette production d’un idiome différent de celui qu’il parle habituellement.

Toute l’élaboration du pseudo-langage hindou et des langues astrales de Mlle Smith est dirigée par le désir qu’elle a de répondre d’abord aux vœux de ses admirateurs, ensuite aux objections des psychologues qui l’étudient. Chacun des progrès que l’on peut noter dans ces automatismes linguistiques succède, à quelques mois de distance, à des souhaits, parfois très précis, formulés dans son entourage.

Le 6 mars 1895, an cours d’une vision hindoue, elle prononce deux [p. 300] mots d’allure sanscrite qui provoquent chez toutes les personnes présentes une « vive curiosité et le désir d’obtenir de plus longs fragments (8). Le 15 septembre (six mois après) le langage hindou fait explosion.

Quand au « martien », la première vision de la planète Mars est donnée comme une réponse au désir d’un des assistants ; la table chargée de l’expliquer épelle : « Lemaître, ce que tu désirais tant. » Cela se passe le 25 novembre 1894. Mais la langue elle-même, qui corrige une invraisemblance remarquée depuis longtemps sans doute (les Martiens du début parlaient français), n’apparaît que le 2 février 1896. On essaie en vain d’obtenir une traduction ; ce n’est encore qu’un pseudo-langage sans signification. Le 22 septembre 1896 (sept mois et demi après) vient une vraie phrase.

Le 13 février 1898 M. Flournoy expose à Léopold (9) (une seconde personnalité de Mlle Smith) toutes les raisons qu’il a de douter que le martien soit autre chose qu’un décalque du français, auquel il ressemble trop, par sa phonétique, par sa syntaxe, par son écriture et à bien d’autres points de vue encore. Le 2 novembre 1898 (huit mois et demi après apparaît un tout autre idiome, profondément différent et du français et du martien : l’ultra-martien.

Chaque création linguistique paraît ainsi déclenchée par un désir précis ; une incubation de durée variable (de six mois à huit mois e: demi) est nécessaire à l’apparition de la langue.

Dans les cas de glossolalie religieuse recueillis par M. Lombard, il en est plusieurs où ce désir et cette période d’attente sont expressément mentionnés. Un pasteur norwégien, M. Barrat raconte ainsi ce qui lui est arrivé : « J’entendis parler (au cours d’un séjour aux Etats-Unis d’un grand réveil à Los Angeles en Californie et je compris qu’il était nécessaire de recevoir la puissance communiquée aux disciples de la Pentecôte… J’espérais obtenir le don de langues de feu, afin de pouvoir parler diverses langues. Je dus attendre cinq semaines (10) ».

De même un des leaders du « mouvement de la Pentecôte » en Allemagne, le pasteur Paul écrit : « J’en vins à avoir faim et soif de parler ces langues, ce désir était d’une intensité telle que je ne puis l’exprimer. » Mais le parler en langues n’apparut qu’au bout d’un laps de temps que [p. 301] ne suis pas en mesure de préciser. « La serre chaude, nous dit Lombard, était nécessaire pour achever la maturation du fruit. » L’image ne me paraît pas de mise : ce n ‘est pas la « serre chaude » qui indispensable, mais le temps tout simplement.

Les documents ne sont pas toujours assez complets pour que nous y trouvions indiqué en tout autant de termes le désir, cause du travail subconscient qui s’épanouira en langage automatique, mais je ne connais pas de cas où nous ne soyons en mesure de reconstituer par hypothèse ce désir. A Corinthe, les textes nous montrent que les chrétiens aspiraient aux dons spirituels, qu’ils les recherchaient, et saint Paul paraît admettre que cette recherche en favorisait l’éclosion.

Si nous croyons que tous les faits de glossolalie se ressemblent en ce qu’il y a, à leur origine, un désir, nous ne méconnaissons pas pourtant les différences qui existent entre les cas recueillis.

Une des plus importantes tient à l’origine de ce désirqui est tantôt spontané et d’origine individuelle, tantôt d’origine sociale et, si je puis dire, subi, Les idées de M. Durkheim sur le caractère de contrainteque présentent tous les faits sociaux sont suffisamment connues pour qu’il soit inutile d’y insister. Or, il n’est pas douteux qu’il n’y ait des glossolalies susceptibles d’une interprétation sociologique : pour en expliquer l’apparition chez certains sujets il faut remonter jusqu’à la pression qu’ils ont subie de la part de leur milieu. Il y a à l’origine de leurs automatismes un désir qu’« ils ont cru devoir » éprouver. Tel est sans doute le cas de cette jeune prophétesse irvingienne, Mary Campbell, dont nous parle M. Lombard (11). « Elle appartenait à une famille de gens à la piété exaltée, nourris de l’idée que les dons de l’Esprit, précurseurs du retour de Christ, n’attendaient pour réapparaitre que d’être demandés avec foi ».

Mais rien ne nous empêche d’admettre que le désir de reproduire en soi les charismes de l’Église primitive soit monté ailleurs spontanément au cœur d’un chrétien, sans pression aucune de la part de la communauté, et peut-être en réaction contre elle.

Mais dans les cas mêmes où l’origine du désir, cause du parler en langues, devra être cherchée dans le milieu, nous ne parlerons d’une contagion qu’avec beaucoup de circonspection.

Ce qui est contagieux c’est avant tout le geste simple, l’expression du [p. 302] visage, ce qui donne matière à une représentation claire douée de pouvoir idéomoteur. C’est, secondairement, l’émotion qui est, comme l’ont montré Lange et James, l’aspect psychologique de ces mouvements extérieurs que nous sommes portés à imiter rien qu’en les voyant. Ainsi on peut dire que l’ennui est contagieux, parce que, primitivement, le bâillement ou l’attitude accablée sont contagieux.

Si nous voulons conserver aux mots leur sens, nous n’irons pas plus loin. La création d’une langue, ou seulement d’un pseudo-langage, est quelque chose de beaucoup trop compliqué pour qu’on puisse parler de contagion. Des cris, des soupirs pourront être immédiatement imités ; le parler en langues nécessite tout un travail de la subconscience qui, nous l’avons vu, prend du temps. La part que nous pouvons reconnaitre à la contagion, dans la production de la glossolalie, se ramène donc à ceci : le désir de parler en langues, ou plus exactement encore l’admiration qu’éprouve une assemblée pour le glossolale, peuvent être contagieux comme toutes les émotions.

On peut classer les cas de glossolalie en se plaçant à un autre point de vue encore : suivant les motifs du désir qui est au point de départ du phénomène. Les faits réunis par M. Lombard se grouperaient ainsi naturellement en deux classes : les glossolalies chrétiennes où le désir de parler en langues se rattache à celui j’avoir la « plénitude de l’Esprit » et de reproduire dans son entier l’expérience religieuse des premiers chrétiens —les glossolalies spirites où le désir de parler des langues étrangères va avec l’ambition qu’a le sujet de donner des preuves de ses incarnations précédentes et de ses facultés médianimiques. Ce que nous avons cité déjà du pasteur Paul d’une part, de Mlle Smith de l’autre nous dispense de plus de détails à ce sujet.

Ces deux motifs généraux sont-ils les seuls à pouvoir provoquer des glossolalies ? Nous n’avons aucune raison de l’affirmer, et le contraire est beaucoup plus probable. J’ai moi-même eu l’occasion de signaler ailleurs (12) un petit fait, qui n’est pas de la glossolalie sans doute, mais qui y tient de près, l’apparition de quelques mots étrangers dans un rêve ; et j’ai cru l’avoir expliqué en constatant que l’auteur de ce rêve s’était récemment occupé de glossolalie sans y attacher aucune valeur religieuse, ni spirite, mais en exprimant le regret de ne pas connaître ces faits par une expérience personnelle. J’admets fort bien pour ma part [p. 303] qu’un sujet prédisposé, disons un médium, pût en arriver à parler en langues, rien que pour avoir éprouvé le désir… de faire plaisir à un psychologue.

Mais, en fait, les cas de glossolalie à nous connus se rattachent tous ou au motif chrétien ou au motif spirite.

Le paragraphe que M. Lombard consacre à rechercher des faits de glossolalie antérieurs ou étrangers au christianisme est extrêmement intéressant, quand bien même —et en partie parce que —les conclusions en sont tout à fait négatives, On trouve dans les documents juifs et païens antérieurs au christianisme des phénomènes fort voisins du parler en langues : verbo-automatismes frustes, emploi extatique de termes rares et étranges. Mais de glossolalie, de pseudo-langage continu, il n’y a pas d’exemples.

Trois cas seulement dans l’antiquité classique suggèrent un rapprochement avec ce qui se passait à Corinthe (13) : l’un dans Lucien (Alex. seu pseudom., c. 13), le second dans la vie d’Apollonius de Tyane par Philostrate, le troisième dans un fragment de Celse cité par Origène (Contra Cels. VIl, 9). Tous les trois sont donc postérieurs à l’Épître aux Corinthiens. M. Lombard incline néanmoins à les considérer comme dépendants de la tradition chrétienne. Mais ce serait malaisé à démontrer. Rien que dans le livre des Actes on trouve deux récits qui prouvent l’admiration et l’émulation provoquées en Palestine et en Asie meure par les charismes chrétiens : celui de Simon le Magicien, et celui des fils de Scéva (Actes, VIII et XIX). Il s’agit, il est vrai, surtout don de guérison, mais il est bien probable que les glossolales, si fort prisés des Corinthiens, eurent eux aussi leurs imitateurs ; ceux qu’attaquent Lucien et Celse, comme celui que Philostrate dans son roman oppose à notre admiration, peuvent fort bien dériver indirectement des fidèles auxquels écrivait l’apôtre, ou des modèles palestiniens de ceux-ci, auxquels nous viendrons tout à l’heure.

Sans doute il ne faut pas abuser de l’argument du silence ; des conclusions négatives sont toujours sujettes à révision. Mais il reste que ni M. Lombard, dont l’érudition est admirable, ni la légion des commentateurs qui se sont occupés de l’Épître aux Corinthiens n’ont trouvé aucune glossolalie religieuse ni en Israël, ni dans le paganisme antique avant l’ère chrétienne, ni dans aucune des sociétés primitives [p. 304] ou demi-civilisées qui ont fourni par ailleurs tant de parallèles aux visions, aux prophéties, aux extases chrétiennes. En dehors de l’influence du Nouveau Testament, rien. Cela n’est-il pas de nature infirmer une explication qui donnerait pour cause principale à la glossolalie un bouleversement affectif ?

Non, s’en tenir à ces considérations générales, pour justes qu’elles soient, c’est se mettre dans la situation d’un médecin qui expliquerait les stigmates de S. François par son tempérament névropathique et par des considérations sur le système vaso-moteur, sans voir le rôle décisif qu’y jouent le désirdu saint, « d’avoir, comme dit l’Apôtre, part aux souffrances du Christ »,et la contemplation du crucifix.

M. Lombard a noté l’apparition très inattendue de la danse religieuse chez une dame protestante soumise à des influences revitalisées. Il a bien voulu me dire que, pour avoir de ce cas une explication complète il faut tenir compte de l’amitié et de l’admiration de cette dame pour un peintre protestant, M. Paul Robert, qui dans des toiles remarquables a exprimé avec une grande force la joie des anges se livrant à des rondes célestes.

De même à l’analyse psychologique très fouillée que M. Lombard fait de l’émotivité des glossolales chrétiens, nous pouvons ajouter expressément la représentation de la Pentecôte, et le désir d’en reproduire le miracle le plus frappant.

La répartition des cas de glossolalie au sein même de l’Église chrétienne vient confirmer notre conclusion. Il y a eu d’abord des glossolales parmi les disciples de Montanus, et —si je ne fais erreur —les épîtres de saint Paul étaient particulièrement familières aux montanistes. La condamnation de cette hérésie, l’attribution au démon des faits d’inspiration que ses adeptes avaient présentés, discréditèrent définitivement la glossolalie dans l’Église catholique. Si, par ci par là, parler en langues y apparaît, c’est chez un saint ou une sainte qui a médité pour soi sur les Écritures. Au contraire dans les communautés protestantes pour qui l’Église primitive est l’Église idéale, celle qu’il s’agit de restaurer, la recherche des dons spirituels, cause de la glossolalie, est sinon constante, du moins caractéristique de la plupart des réveils ; plus une secte est « biblique », plus il y a de chances pour le parler en langues y apparaisse.

Quand on a étudié de près l’histoire des réveils, on a déjà vu que phénomènes extraordinaires qui, du dehors, attirent l’attention sont loin de se produire tous au même moment : il y a une gradation [p. 305] des manifestations de l’Esprit. En reprenant à ce point de vue les cas recueillis, je ne doute pas que l’on ne constatât que le « parler en langues » est, partout où il se produit, le fruit d’une longue incubation (14).

Ainsi dans toutes les glossolalies chrétiennes le désir d’égaler en qualité les chrétiens de l’Église primitive nous parait jouer un rôle décisif.

Passant du plus connu au moins connu, nous nous croyons autorisé à dire que la glossolalie à Corinthe, elle aussi, s’explique par le désir de reproduire des faits qui s’étaient produits ailleurs d’abord, à Jérusalem sans doute et en Palestine. Cela n’est pas dit dans l’Épître qui, nous l’avons déjà remarqué, ne nous fait pas un récit des événements, cela n’est pas dit non plus dans les Actes dont l’auteur paraît ignorer l’histoire intérieure de la communauté corinthienne (15). Mais dans un passage des Actes (XIX, 6) l’apparition de la glossolalie et de la prophétie à Éphèseest mise en rapport avec l’arrivée de Paul lui-même annonçant le Saint-Esprit à des disciples qui l’ignoraient. Est-il [p. 306] téméraire de penser que la prédication du Saint-Esprit comprenait, en autres choses, le récit des événements que nous connaissons, nous, par le chapitre II des Actes ? Les historiens qui ont fait des conjectura, ingénieuses sur l’origine et le caractère des partis qui divisaient l’Église de Corinthe trouveront sans peine à prolonger les lignes, que, profane, je ne fais qu’entrevoir. Je n’hésite pas à dire que nous aurions ainsi en mains tous les éléments d’une explication psychologique complète de glossolalie à Corinthe.

Reste évidemment une question. Si la glossolalie chrétienne n’est pas la manifestation instinctive d’une émotion intense, mais si l’image de la Pentecôte, inspirant de saints désirs, joue dans la production du phénomène un rôle prépondérant, comment faut-il expliquer la Pentecôte elle-même ?

Remarquons d’abord qu’il y a là une question nouvelle à examiner pour elle-même, non une objection à opposer aux résultats aux que nous croyons avoir abouti. La méthode veut qu’on aille du relativement connu au relativement inconnu, et le livre des Actes est, sur la Pentecôte de Jérusalem, un document à coup sûr bien inférieur à ce que sont les chapitres XII à XIV de la Ière aux Corinthiens sur la glossolalie de leur communauté.

Sans doute, à s’en tenir à des indications générales on gagne d’expliquer tout à peu près, tandis qu’à préciser les facteurs qui sont l’œuvre, comme nous avons tenté de le faire, une difficulté subsiste. Mais il n’y a rien là qui doive nous arrêter. Les solutions ici en présence sont comparables, si parva licet…, à celles que défendaient jadis Pouchet et Pasteur. Le premier expliquait un grand nombre de faits observés de son temps et en outre le fait initial de l’apparition de vie. Pasteur tenait que, faute d’avoir poussé assez loin l’analyse les conditions des générations prétendues spontanées, ces faits n’étaient qu’incomplètement expliqués. Ses expériences à lui aboutissaient à rendre complètement compte de tous les faits directement observables, elles laissaient par contre planer un mystère sur l’apparition de la vie.

On m’entend bien. Je ne prétends pas assimiler les deux cas, en faisant de la première effusion de l’Esprit dans l’Église chrétienne une énigme insoluble, qui devrait prendre place à côté des sept Welträtsel de Duboid-Reymond. Je dis seulement que, par suite de l’insuffisance des documents, les faits qui se sont passés à Jérusalem sont loin de nous être assez intelligibles psychologiquement que ceux qui se sont passés à Corinthe. [p. 307]

Que le chapitre II des Actes soit un document imparfait, cela n’est pas contesté. M. Lombard suppose que le récit primitif, oral ou écrit, n’a pas paru clair (16) à l’auteur des Actes, et qu’il y a ajouté des développements. Le fond historique serait une explosion publique de glossolalie collective. « Parce qu’on ne comprenait pas les discours des disciples, on fut amené à employer l’expression λαλείν έτέραις γλώοσαί, plus tard parut impliquer au contraire qu’un auditoire cosmopolite avait unanimement compris (17) ».

Cette hypothèse paraît très plausible. Elle n’est pas exempte de difficultés, si, après avoir rendu compte du texte que nous avons sous les yeux, on ambitionne d’expliquer aussi les faits qui ont donné lieu à ce texte.

Si c’est bien de la glossolalie, comme à Corinthe, qui attira sur les disciples rassemblés l’attention de la foule réunie à Jérusalem le jour de la Pentecôte, et qui fut l’occasion du discours de saint Pierre, cette conclusion me paraît poser à l’historien une question extrêmement importante, et pourtant nouvelle, si je ne fais erreur.

Partout où il y a glossolalie, il y a eu préalablement (plusieurs semaines ou plusieurs mois avant) un désir intense de s’exprimer dans un idiome nouveau. Pourquoi les disciples de la Pentecôte avaient-ils ce désir intense de parler en une ou plusieurs langues nouvelles ? A quel motif faut-il rattacher ce désir, dont nous inférons l’existence, comme on infère la cause de l’effet ?

Ce qu’il faudrait trouver, pour que la glossolalie de la Pentecôte fût expliquée pour le psychologue, c’est, par exemple, un texte d’un écrit eschatologique juif ou d’une apocalypse chrétienne primitive qui dît à peu près ceci : « En ce jour-là, je mettrai dans leur bouche une langue nouvelle. Ils parleront des idiomes nouveaux, etc. »

Il y a bien un texte de ce genre : c’est la parole que la fin de l’Évangile selon saint Marc met dans la bouche du Christ après sa résurrection : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom ils chasseront les démons, ils parleront de[p. 308] nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris. » Mais cette fin d’évangile manque comme on sait, dans les plus anciens manuscrits. Attribuée par une vieille version au presbytre Aristion, elle est, nous dit-on, « postérieure à nos évangiles canoniques, le quatrième y compris (18) ».

Dans ces conditions il est difficile d’attribuer à une tradition historique les paroles mises dans la bouche du Christ. Malgré la mention du breuvage mortel, moins facile à expliquer que le reste du passage on y voit couramment une vaticinatio post eventum, un sommaire des « miracles » que raconte l’histoire de l’Église primitive.

En dehors de ce texte ainsi mis hors de cause, nous n’en connaissons point qui réponde à ce que nous cherchons. Je n’en ai vu cite aucun, quoique les commentateurs paraissent avoir réuni à propos de la Pentecôte tout ce qui pouvait en être rapproché. Au contraire, si je ne fais erreur, les rabbins juifs enseignaient que dans le Royaume de Dieu il n’y aurait qu’une langue : tout le monde parlerait hébreu.

Un texte qui, traduisant une préoccupation des disciples encore inconnue pour nous, résoudrait l’énigme psychologique de la Pentecôte entendue comme un fait de glossolalie, —ce texte sera-t-il un jour exhumé d’Égypte ou d’ailleurs ! C’est possible.

Mais celte espérance lointaine ne suffira pas à chacun, non plu, qu’un simple et prudent aveu d’ignorance. J’exprimerai donc ici, sans la faire mienne, une autre supposition relative au deuxième chapitre des Actes, qui, pour être suivie en détail, exigerait des connaissances historiques et linguistiques qui me font malheureusement défaut.

Les faits historiques altérés par le récit d’Actes II, auraient été non une explosion de glossolalieau sens plein du mot, mais une manifestation collective de prophétisme(19). [p. 309]

Dans cette deuxième hypothèse, le récit d’Actes II serait plus éloigné encore du témoignage original ; celui-ci, contaminé d’abord par des récits de parler en langues corinthiens, aurait été ensuite mis sous la forme que nous connaissons pour éviter qu’on ne confondît avec une glossolalie inutile les merveilles de la Pentecôte.

En somme, si la première hypothèse éloigne les faits d’Actes II de toute espèce d’antécédent causal, mais en fournit un très rapproché, à la glossolalie de Corinthe ; la seconde au contraire trouve au fait de la Pentecôte des antécédents très voisins dans le prophétisme hébreu, mais elle a le défaut d’éloigner d’autant des « inspirés » de Corinthe les événements qui nous ont paru leur avoir servi de modèle.

En tenant compte des gradations nombreuses que M. Lombard a signalées dans la complexité des automatismes vocaux néologiques (20), il est peut-êtrepermis d’entrevoir une conciliation des deux hypothèses et de la formuler schématiquement comme suit : La prophétie hébraïque Joël) détermine par émulation la prophétie chrétienne primitive palestinienne, Actes II, Actes X, 46), automatismes vocaux émaillés d’archaïsmes, etc. Celle-ci, conçue et interprétée comme un parler étrange, détermine d’abord, par émulation, dans les faits, la glossolalie beaucoup plus variée de Corinthe (21) —ensuite, par interprétation et altération, dans les textes, le récit de « xénoglossie » d’Actes II.

Perfectionner cette solution en y apportant les corrections et les précisions nécessaires me paraît chose faisable pour gens plus compétents lue moi. Mais si la question doit être résolue par les historiens, il m’a paru qu’il y avait avantage à la leur poser en termes de psychologie. Ils ne négligeront pas en tous cas d’appliquer subsidiairement à l’apparition [p. 310] première de la glossolalie les remarques très ingénieuses que M. Lombard a proposées pour en rendre compte toujours et partout. Les disciples souhaitaient avec ardeur une rénovation complète de leur personnalité; un changement de langue pouvait accompagner un changement de cœur, et ce désir de l’un entraîner le désir de l’autre (22).

PIERRE BOVET,
Professeur à la Faculté des lettres de Neuchâtel.

Notes

(1) F. Lélut, Du démon de Socrate. Paris, 1836.

(2) Emile Lombard, De la glossolalie chez les premiers chrétiens. Préface de Th. Flournoy. Lausanne, 1910.

(3) Pour la bibliographie voir Lombard, op. cit.

(4) Des Indes à la planète Mars. Étude sur un cas de somnambulisme avec glossolalie. Paris et Genève, 1900 (les nouvelles éditions sont conformes à la première). – Nouvelles observations sur un cas …., Arch. de psychologie, I. Genève, 1902.

(5) Lombard, op. cit., p. 112, 126, 127.

(6) Op. cit., p. 147.

(7) Ibid., p. 157.

(8) Flournoy, Des Indes..., p. 263. Pour ce qui suit, voir p. 294, 144, 156, 246.

(9) Le 16 octobre il refait la même démonstration à Mlle Smith.

(10) Lombard, p. 113.

(11) Op. cit., p. 116.

(12) Note sur un rêve dans Arch. de Psychologie, VII, 194. [en ligne sur notre site]

(13) Lombard, p. 96·98.

(14) J’indiquerai un exemple qui n’a pas été noté encore à ma connaissance dans les travaux consacrés à la glossolalie. En 1884 le missionnaire morave Berckenhagen parle, dans une lettre, d’un indigène de la Côte des Mosquitos lui, depuis le réveil, s’exprime dans un langage que personne ne comprend, sauf lui. Je l’ai vu, dit-il, à l’œuvre moi-même et je l’ai entendu parler et chanter dans cette langue. Les gens croient que c’est une des manifestations de l’Esprit… » Ce qui est très frappant dans ce cas, c’est qu’il reste isolé. Cela tient probablement à ce qu’il est tardif. Le réveil auquel il se rattache s’était en effet produit en 1881 déjà. Il n’est second à aucun autre en soudaineté et en violence. Larmes, cris, tremblements violents, suivis de fortes transpirations et parfois de mouvements spasmodiques entraînant la perte de la parole et même de la conscience, rien n’a manqué, semble-t-il, à ces Indiens des manifestations affectives d’un réveil religieux. Point de glossolalie pourtant, en dehors du cas que nous avons noté. Les missionnaires se tenant sur la réserve, les « inspirés » avaient d’emblée, nous dit-on, fait la théorie de leur pratique et préconisé ces conversions avec tremblement. Mais il fallut du temps sans doute à ces Indiens ignorants pour découvrir que leur « mouvement » pouvait prendre pour modèle celui de l’Église de Corinthe et aspirer à se reproduire dans tous ses détails. Ce fut la trouvaille d’un seul, et quand ses aspirations se réalisèrent, son entourage n’était déjà plus assez vibrant pour que la glossolalie trouvât de l’écho et des imitateurs.
Quelle que soit la part de la conjecture dans cette interprétation, le fait lui­même vaut la peine d’être noté : celui d’un « réveil » aussi émotif que possible, sans autre trace de glossolalie qu’un cas isolé et tardivement signalé. Journal de l’Unité des Frères, 1884, p. 116, 117. SENFT, Récits et Études.)

(15) Lombard, p. 82.

(16) Dans cette hypothèse est-ce vraiment que l’auteur ignorait les faits de glossolalie ? ou bien, les connaissant trop, ainsi que les désordres qui les accompagnaient, répugnait-il, plus ou moins consciemment, comme tant de chrétiens de nos jours, à mettre au point de départ de l’Église des manifestations « qui n’édifient personne » ?

(17) Lombard, p. 80.

(18) Lombard, p. 99.

(19) M. Lombard a très heureusement marqué les rapprochements qu’il y a à faire entre la prophétie et le parler en langues, au point de vue de leurs conditions psychologiques. Je dois à mon savant collègue, M. Léon C professeur d’A. T. à l’Université de Neuchâtel, une note sur ce sujet dont appréciera la portée :
« Il n’est pas hors de propos de mettre la glossolalie en rapport avec prophétie, cela d’autant moins que le récit de Luc (Act. II, 14 ss.) cite, à l’occasion de la Pentecôte, un texte de Joël (III, 1 ss.). La conjugaison hithpaël, de verbe nâba paraît désigner le phénomène de l’extase religieuse, dans les VI récits du Iahviste (I Sam. XIX) et de l’Elohiste (1 Sam. X). Si l’on admet [p. 309] comme c’est probable, que le sens primitif de la racine nâba est celui de crier, appeler, émettre un son de la voix(aussi en sabéen et en assyrien), on est en droit de conclure que l’extase dont il s’agit se manifestait extérieurement par la parole, et spécialement par des sons inarticulés et plus ou moins désordonnés. Dans Jer. XXIX, 26, Os. IX, 7, ces termes sont mis en relation avec celui de schàgâ, qui signifie : être fou. Cf. II R. IX, 11. Sous l’empire des sentiments religieux excessifs qui animaient les premiers « prophètes », ils s’exprimaient dans un langage étrange, extatique, mystérieux, qui les faisait prendre pour des aliénés. Il n’est pas téméraire de croire que le christianisme naissant produisit des phénomènes analogues. »

(20) Et aussi du développement progressif de la glossolalie, sous la pression de curiosités nouvelles, comme dans le cas si frappant de Mlle Smith.

(21) L’idée d’une « langue des anges » serait-elle ici le fait nouveau, d’origine spécifiquement païenne, qui aurait déterminé l’évolution du fait primitif ?

(22) Non pas d’une façon consciente, nécessairement, mais par le jeu de ces associations affectives et de ces symboles que les études de Freud et de son école ont mis en lumière dans le rêve et dans tout ce qui, tandis que nous nous croyons éveillés, tient du rêve (FREUD, Die Traumdeutung. Leipzig u. Wien, 1900).

 

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