Paul Schiff. L’évolution des idées sur la folie de persécution. Conception psychiatrique et psychanalytique des paranoïa, (Paris), 1935, pp. 93-114, 117-136, 137-153.

Paul Schiff. L’évolution des idées sur la folie de persécution. Conception psychiatrique et psychanalytique des paranoïa, (Paris), 1935, pp. 93-114, 117-136, 137-153.

 

Paul Schiff (1891-1947). Médecin, psychiatre et psychanalyste. Neuropsychiatre des prisons. Membre de la Société psychanalytique de Paris et membre fondateur du groupe de l’Evolution psychiatrique. Paul Schiff parviendra non sans peine à rejoindre les gaullistes pour s’engager dans les Forces françaises libres où il combattra jusqu’à l’écrasement des troupes hitlériennes. Fut l’adjoint du secrétaire général, André Cellier, des Sociétés de biotypologie et de prophylaxie criminelle, crées par Edouard Toulouse. Il participa à titre expérimental, aux examens psychiatriques des services, dans les prisons parisiennes de la Santé, de la Petite Roquette et de Fresnes. Quelques publications de l’auteur :
— Délire spirite et spiritisme. Article paru dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), douzième série, tome deuxième, quatre-vingt-quatrième année, 1926, pp. 240-249. [en ligne sur notre site]
— Les anormaux devant la refonte du code pénal. In « L’Evolution psychiatrique », (Pars), 1934, pp. 75-96.
— L’évolution des idées sur la folie de persécution : conceptions psychiatrique et psychanalytique des paranoïas. In « L’hygiène mentale, journal de psychiatrie appliquée », (Paris), XXXe année, n°5-6-7, 1935. Et tiré-à-part : . Paris, Gaston Doin, 1935. 1 vol. in-8°, 56 p.
— Médecine légale et psychanalyse. XVIIème Congrès de médecine légale. 1932,
— Les paranoïas et la psychanalyse. Les paranoïas et la psychanalyse. (Contribution au 9° Congrès des Psychanalystes de langue française de 1935). Paris, le 2 février 1935. pp. 44-105.  [en ligne sur notre site]
— La prophylaxie en dehors de la prison. In « Annales de médecine légale », (Paris), 1937.
— La prophylaxie criminelle et la collaboration médico-judiciaire, in « Revue de sciences criminelles », 1936, p. 479-492.
— Les conceptions psychanalytiques de l’homosexualité. Article parut dans la revue « Schemas », (Paris), volume I, n°5, 1938, pp. 20-24. [en ligne sur notre site]
— Un cas de schizophasie avec glossomanie et syndrome de jeu (présentation de malade). En collaboration avec A. Courtois. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 93]

L’ÉVOLUTION DES IDÉES
SUR LA FOLIE DE PERSÉCUTION
CONCEPTIONS PSYCHIATRIQUE ET PSYCHANAL YTIOUE
DES PARANOÏAS

PAR

Paul SCHIFF

« … L’observateur attentif à suivre cette première période de l’évolution de l’idée fixe assiste vraiment à l’un des spectacles les plus curieux que l’on puisse imaginer. Il voit un homme contraint, par les lois mêmes de Sun esprit, de chercher une forme à sa maladie… se livrant ainsi laborieusement à l’enfantement d’un délire qui soit l’expression, le relief exact d’un état intérieur dont il ne soupçonne même pas en lui l’existence. »
J.-P. FALRET (Leçons à la Salpêtrière, 1850).

La question de la paranoïa, celle du délire d’interprétation et des délires de persécution en général, reste à l’ordre du jour des préoccupations psychiatriques. Alors que, dans les années précédant la guerre, la doctrine sur ce point semblait stabilisée et codifiée, les travaux plus récents semblent amener dans divers pays une réforme des idées, aussi bien sur la genèse que sur la situation nosographique des états paranoïaques. Les recherches issues de la psychanalyse freudienne ont joué dans cet effort de révision un rôle important, qu’un rapport récent à la IXe Conférence des Psychanalystes de langue française nous a permis de mettre en évidence. Nous voudrions, dans ce travail, montrer que les tendances psychanalytiques ne font que compléter et approfondir une transformation que la psychiatrie nouvelle avait déjà entreprise.

Dans une première partie, plus particulièrement psychiatrique, nous avons tenté de dégager cette évolution des idées sur [p. 95] le délire d’interprétation et de montrer que, même en dehors du mouvement psychanalytique, une conception dynamique de la genèse des psychoses amena divers aliénistes à critiquer certaines distinctions généralement admises depuis les travaux de Sérieux et Capgras et de Kraepelin sur les folies raisonnantes : on rapproche de nouveau divers états morbides qui avaient été dissociés, en insistant une fois de plus sur la tendance de persécution qui leur est commune. Dans une deuxième partie, après avoir montré le rôle que, depuis Freud, il faut faire jouer à l’homosexualité dans la genèse de la paranoïa, nous essayons de montrer comment la psychanalyse s’efforce de mettre en évidence l’unité du système persécutif dans ces délires divers et qu’elle justifie ainsi le travail de critique nosographique auquel la paranoïa classique a donné lieu durant ces vingt-cinq dernières années.

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*    *

PREMIERE PARTIE

I. — LA GENESE DE LA PARANOIA CLASSIQUE

1. — La psychiatrie française et le délire des persécutions. — Une vue d’ensemble des études sur les folies de persécution est pleine d’enseignements. Elle nous révèle d’une part le lent effort de la psychiatrie pour arriver à des conceptions nosographiques toujours plus claires et d’autre part, elle permet une comparaison instructive entre les deux courants principaux de la psychiatrie depuis plus d’un siècle, la française et l’allemande, avec leurs caractères propres : la première tendant à une analyse qui, poussée à ses limites, aboutit à des schémas peut-être parfois trop rationnels pour s’adapter exactement à la souplesse de la réalité, la seconde éprise de synthèse jusqu’à oublier souvent la nécessité de distinguer pour bien comprendre.

Nous ne rappellerons ici que très sommairement l’évolution, aujourd’hui centenaire, des idées psychiatriques sur les folies de persécution. En faire un tableau complet serait dépasser les limites que nous impose notre rapport, et d’ailleurs cet [p. 95] exposé historique a déjà été brillamment fait à plusieurs reprises et notamment par Séglas, Cramer, Kraepelin, Peixoto et Moreira, Alberti, Sérieux et Capgras, Schnizer, Kruger, Kretschmer, Frey, Montassut, Genil-Perrin, récemment encore dans la thèse de Lacan.

A lire ces auteurs, à se référer aux anciens travaux d’Esquirol, Lasègue, Morel, Westphal, Krafft-Ebing, sur le délire des persécutions et la paranoïa aiguë et chronique, on se rend compte de la lenteur avec laquelle les concepts nosographiques arrivent à se dégager de la gangue où se trouvent confondus tout d’abord signes et syndromes, éléments accessoires et maladie vraie.

Le temps n’est pas éloigné où le délire de persécution est placé dans un seul groupe de maladies mentales — celui du « délire général » — où l’on rencontre à la fois les mélancolies, l’hydrocéphalie, les obsessions, les récriminations séniles. C’est lentement et péniblement que la critique française distingue le « délire spécial » du délire général, qu’elle arrive à extraire de la mélancolie avec idées de persécution les délires partiels ou monomanies intellectuelles. Puis, dans ceux-ci, le délire « des persécutions » se dessine, et la notion de maladie systématique progressive, du délire de persécution, hallucinatoire ou non, apparaît, se différencie des bouffées délirantes au cours des états confusionnels et toxiques. La persécution-délire, forme secondaire, est distinguée de la persécution-maladie, forme primaire, affection autonome.

Cinquante ans se passent encore à la différenciation des persécuteurs hallucinés et des persécuteurs interprétants. L’effort de clarification et de dichotomisation nosographique de l’école française tend, avant tout, à séparer de l’énorme masse des délires avec hallucinations, qui englobent une grande partie des faits psychiatriques, les malades avec intégrité apparente du raisonnement et chez lesquels s’édifie, sur une base inexacte, une construction délirante menée avec rigueur. La notion de dégénérescence entrave pour un temps, croyons- nous, l’effort d’analyse des auteurs français : c’est une notion polyvalente, synthétique, soumise à un postulat étiologique dont la fragilité, en l’état actuel de la médecine, a été démontrée et qui sert davantage au regroupement qu’à la catégorisation.

Quand la notion de dégénérescence perd sa force, le travail [p. 96] de classement reprend. Il s’attache maintenant à distinguer dans l’idée de persécution le fait de l’interprétation et le fait de la revendication; d’autre part, il cherche un nouveau critérium dans l’évolution suivant qu’elle tend, ou non, à un affaiblissement intellectuel.

L’œuvre française trouve son expression terminale en 1909 dans la magistrale étude de Sérieux et Capgras sur « Les folies raisonnantes. Le délire d’interprétation ». Après avoir séparé de la paranoïa des Allemands les diverses formes hallucinatoires, imaginatives, démentielles, ces auteurs déclarent restreindre cette paranoïa à deux psychoses systématisées chroniques : le délire d’interprétation et le délire de revendication.

Nos souvenirs psychiatriques sont assez anciens pour nous permettre d’apprécier personnellement quel fut le retentissement de ce livre. Il parut, à l’époque, favoriser la solution définitive d’un problème centenaire, permettre un diagnostic précis dans des circonstances où, jusqu’alors, les esprits étaient la proie de l’incertitude. A diverses séances de la Société de Psychiatrie nous l’entendîmes saluer comme il le méritait, et la seule note discordante fut émise par l’un des auteurs, soucieux de montrer que la clinique apportait encore quotidiennement des cas dont le classement restait difficile et que les recherches scientifiques ne sont jamais closes.

2. — La paranoïa en Allemagne. — En contact scientifique plus ou moins étroit, suivant les époques, avec les Français, l’école allemande a poursuivi l’étude de la paranoïa avec des tendances différentes. En France, on s’était attaché à classer les faits psychiatriques qui s’y rapportent, à les distinguer entre eux toujours plus finement d’après les manifestations apparentes et la terminaison, à multiplier les formes plus qu’à les réunir. En Allemagne, où le terme paranoïa avait pris sa valeur psychiatrique, on se hausse d’emblée à des données étiologiques, on tente d’édifier ce qui serait nommé aujourd’hui des conceptions structurales.

Fidèles à des conceptions psychologiques dont l’utilité apparaît aujourd’hui périmée, et selon un nominalisme aristotélicien qui divisait l’esprit humain en facultés indépendantes, les Allemands ont réuni pendant une longue période sous le nom de paranoïa des états divers auxquels ils assignaient une commune [p. 97] origine intellectuelle et qu’ils opposaient aux démences ou aux délires d’origine affective. Le travail de discrimination en devint plus difficile. La description des faits, moins schématique, moins rationalisée et par là, si l’on veut, plus en contact avec le polymorphisme des cas, devient aussi plus foisonnante et plus confuse qu’en France. Si Sandler ébauche la théorie de la paranoïa constitutionnelle, Westphal, Mendl, Tilling, et même Cramer et Boedecker, plus tard encore Ziehen à l’aurore du siècle, n’arrivent pas à dégager les délires de persécution des réactions mélancoliques, hypocondriaques ou confusionnelles. La prépondérance des facteurs hallucinatoires, le degré de l’affaiblissement intellectuel au cours du délire sont l’objet de longues controverses. C’est alors que les descriptions de La- sègue, de Falret, de Legrand du Saulle sont reprises par Krafft-Ebing, qui apporte aux conceptions allemandes trop vastes le correctif nécessaire. Finalement Kraepelin se rallie aux idées françaises, il rejette l’ancienne paranoïa hallucinatoire dans sa démence précoce et isole sous le nom de paranoïa légitime une entité clinique caractérisée par un système délirant immuable, essentiellement interprétatif et avec lucidité persistante. Il rejoint ainsi dans ses conclusions essentielles la doctrine de Sérieux et Capgras.

Telle était, telle est encore la théorie classique sur la folie de persécution dans la première décade de ce siècle. L’Allemagne avait livré le mot et la France la chose. Les efforts combinés de l’école française avaient défini une entité clinique à laquelle Kraepelin apporta l’adhésion allemande et à qui il donna, en l’insérant dans sa nosographie d’ensemble, une diffusion universelle.

Frey a pu établir ainsi un tableau de concordance entre les conceptions allemandes et françaises des délires systématisés, conceptions qui, après avoir paru longtemps diverger, ont fini par se rejoindre (1). [p. 98]

*
*    *

II. — LA PARANOIA DE 1910 A 1935

A. — ÉTUDE DU MÉCANISME.
INTUITION MORBIDE ET SYNDROME DE RENIEMENT

Est-ce dire que les conclusions de 1910 ne nous paraissent pas aujourd’hui appeler de sérieuses réserves ? Nous répéterons ce que nous avons dit en débutant. La psychanalyse a été amenée, quoi qu’elle veuille, en apportant une explication psychologique extensive de tous les cas de persécution, à faire tomber les barrières lentement échafaudées entre différentes catégories d’interprétants et de persécutés. Mais déjà on trouve, dans la bibliographie psychiatrique immédiatement postérieure à la guerre, des atténuations et des critiques à la doctrine classique. On trouverait déjà à en apporter si l’on examine de très près ces ouvrages mêmes où se trouve condensée la doctrine de 1910.

Nous en énumérerons quelques-unes et, ce faisant, nous serons amené à rechercher les modes d’apparition et les causes de l’interprétation-persécution. Fidèle à la précieuse distinction logique de Bard, nous tâcherons de découvrir, au fur et à mesure de cette analyse clinique, le mécanisme d’abord, la pathogénie ensuite, du syndrome.

En ce qui concerne l’étiologie, nous croyons qu’il est nécessaire de recourir à la psychanalyse pour en approcher et nous n’envisagerons cette partie terminale du problème que dans -la deuxième moitié de ce travail, où la paranoïa sera envisagée du point de vue de la psychanalyse.

3. — La schématisation de la paranoïa classique. — Notons tout d’abord le côté schématique de l’opposition entre les folies raisonnantes et celles qui ne raisonnent pas. Héritiers de conceptions différentes : dissection méthodique des faits selon les principes cartésiens d’une part, vastes synthèses pathogéniques conçues dans une tendance à la Schelling de l’autre, les psychiatres français et allemands n’en avaient pas moins travaillé selon une tradition aujourd’hui ébranlée : celle qui ne peut [p. 99] concevoir la dans son ensemble, mais l’étudié sous l’aspect de facultés différentes, intelligence, affectivité, volonté. Ces divisions commodes, la psychologie, de Cousin à Ribot, les avait élevées au rang d’entités. D’où une schématisation qui ne se plie pas à la souplesse vitale des faits, à leur polymorphisme, à leur polyvalence. L’école allemande croyait pouvoir trouver des cas où les processus dits intellectuels étaient seuls viciés, où la psychopathie était conditionnée par une fausse aperception, une erreur de l’intelligence, celle-ci étant étudiée comme un élément psychologique isolé. C’est une conception qui a été particulièrement défendue par Herzig. Sérieux et Capgras envisagent aussi cet élément psychologique idéal et définissent leur délire d’interprétation essentiellement par « la persistance de la lucidité et de l’organisation psychique au cours de la maladie ». Ainsi la doctrine classique de la paranoïa est basée, en France comme en Allemagne — en France comme élément d’observation, en Allemagne comme hypothèse pathogénique — sur la notion d’une intégrité de l’esprit, l’intelligence demeurant intacte mais opérant à faux.

Les partisans de la paranoïa actuellement classique ont dû apporter des atténuations à cette conception qui s’était montrée entachée, pour certains d’entre eux, d’un catégorisme scolastique. Et d’ailleurs on trouve chez les auteurs mêmes qui ont fixé la notion de paranoïa, chez Sérieux et Capgras, chez Kraepelin, des éléments qui montrent l’impossibilité de défendre une théorie purement intellectuelle du délire de persécution.

Kraepelin a noté, dans sa classique description, des phénomènes de conscience subliminale auxquels il assigne une valeur importante : illusions de mémoire, illusions sensorielles même, reliquats oniriques, bouffées anxieuses mal définies et non motivées, avertissements célestes et inspirations divines. Kraepelin admet même comme éléments constitutifs des délires des sentiments d’influence du type «  catathymique » de Maier. Sérieux et Capgras, de leur côté, n’attribuent pas à leur psychose interprétative une origine strictement intellectuelle. Ils notent que l’interprétant présente au point de vue de l’affectivité des troubles presqu’aussi importants que ceux du jugement. Ils attribuent à l’affection une genèse idéo-affective. Récemment encore, Capgras, revenant avec Beaudouin et Briau sur ce sujet, [p. 100] concluait : « l’interprétation morbide est caractérisée par un jugement affectif à propos d’un objet ».

Néanmoins il faut dire que, pour Sérieux, pour Capgras, pour Kraepelin, pour toute l’école classique, peut-on dire, ce qui caractérise encore aujourd’hui essentiellement la paranoïa, c’est une construction intellectuelle mal venue (παρα-νοσις), une interprétation fausse.

Même avec les atténuations que lui ont apportées les défenseurs de la théorie classique, celle-ci, avons-nous dit, paraît, en face de beaucoup de cas cliniques, marquée par un excès de systématisation. Par souci de débrouiller la masse confuse des faits, de voir clair dans le chaos des nosographies multiples échafaudées au cours du XIXe siècle, l’école classique a, croyons-nous, abouti à une sériation excessive des faits.

Vingt-cinq ans après le livre de Sérieux et Capgras, l’accent est mis sur l’affectivité qui était mis alors sur l’intelligence. Les auteurs de la paranoïa de 1910 ont rendu à la psychiatrie l’inestimable service de lui permettre de sortir de l’ornière, leur travail a été nécessaire et fructueux, leur analyse a apporté les matériaux à pied d’œuvre mais un travail de reconstruction restait à faire que de nombreux psychiatres ont, dès après la guerre, entrepris.

4. — Paranoïa classique et psychologie étagée. — Et tout d’abord insistons sur le fait que la conception d’une psychose autonome d’interprétation rejette dans l’obscurité deux éléments capitaux du syndrome, son début et sa fin, plus exactement son mobile initial et sa tendance ou, si l’on veut, ses points de départ et d’arrivée.

Le point de départ, le « concept erroné » initial n’est pas un concept, et encore moins un syllogisme rationnel, c’est une donnée élémentaire de conscience issue d’un travail inconscient.

Le point d’arrivée, la tendance de la construction syllogistique, le but de l’interprétation, ce n’est pas le jeu de l’enchaînement rigoureux des explications, c’est la défense contre des ennemis imaginaires, c’est non pas l’arrangement interprétatif, mais le thème persécutif.

Attachés à décrire le phénomène le plus apparent, le plus surprenant chez ces malades : un raisonnement intact qui aboutit [p. 101]à des conclusions absurdes, il semble que les auteurs de la paranoïa classique, de la paranoïa Sérieux-Kraepelin-Capgras pourrait-on dire, n’ont pas pu donner toute sa valeur au choix du « concept erroné » auquel vient se subordonner le « percept exact » (Dromard).

C’est ainsi que Sérieux et Capgras notent incidemment que l’idée prévalente n’« émerge du subconscient » de leurs interprétants que parce que ceux-ci sont des dégénérés constitutionnellement privés d’autocritique, ils n’accordent pas au travail inconscient de valeur propre. Pour tout dire en un mot, je crois que le progrès que nous avons fait depuis 1910, en matière de paranoïa comme dans les autres chapitres de la psychiatrie, consiste à faire intervenir, de façon fondamentale, et non plus épisodique, en les mettant à leur vraie place, les processus inconscients, et l’on sait la part prépondérante que l’école freudienne a prise à l’établissement de cette psychologie de l’inconscient.

Cette psychologie, on l’appelle aujourd’hui psychologie en profondeur, ou même psychologie abyssale, et ces termes ont quelque apparence présomptueuse, mais si nous l’appelons psychologie en étages, ou psychologie étagée, nous aurons, avec un mot peu prétentieux, indiqué assez clairement qu’on peut se représenter comme des strates amoncelées qui se forment en nous les impressions psychiques dont l’ensemble constitue la personne.

5. —L’intuition morbide paranoïaque. — Or, cette psychologie étagée, basée sur la notion à peu près admise actuellement d’un psychisme inconscient, nous découvrira toujours à la base du raisonnement interprétatif un autre processus psychologique, sur lequel nous avons, il y a un certain nombre d’années (et justement dans un délire de persécution) attiré l’attention, mais dont d’autres auteurs ont su développer l’étude plus heureusement : une intuition morbide.

Entrevue par Baillarger, par Cotard, épisodiquement citée comme un élément partiel des délires hallucinatoires ou interprétatifs par Petit, Deny, Mme Thuillier-Landry, Freud, Clérambault et Brousseau, Storch, Georges Dumas, l’intuition avait été mise en relief, et isolée. pour la première fois, en tant que [p. 102] fait psycho-pathologique, dans une communication que nous avions présentée à la Société Médico-Psychologique en juillet 1926, et que nous intitulions : « Sur un cas d’interprétation-intuition ». Il s’agissait d’une malade dont les idées de persécution et de grandeur se classaient en deux séries distinctes, l’une composée d’interprétations classiques, bien conduites et déduites, l’autre d’intuitions subites, à caractère de révélation mystique.

Pris par des obligations divergentes, nous avons négligé de développer notre pensée, mais la valeur fondamentale de l’intuition a été depuis reconnue et a donné lieu aux très intéressants travaux de Targowla, Lamache et Daussy, Codet, Dide, Targowla et Dublineau, Claude et Dublineau. Tous ces auteurs ont longuement insisté sur la fréquence du symptôme, sa valeur diagnostique, son universalité. Il nous semble qu’ils ne se soient pas attachés (comme nous eussions voulu le faire si nous avions pu mener à bien nos projets) à l’origine de l’intuition pathologique. C’est par incidence seulement que Codet signale la valeur psychanalytique de l’intuition, Targowla et Dublineau ne traitent pas de ses rapports avec l’inconscient.

C’est pourtant à ce point de vue que l’intuition est la plus intéressante. Son caractère fulgurant doit nous la faire assimiler à ces pensées révélatrices subites, à ces pensées-météores pourrait-on dire, que fait surgir la méthode psychanalytique, ou encore aux associations imprévues, aux « Einfälle » des expériences de Jung. Symptôme psychopathique essentiel, l’intuition nous paraît avoir plus qu’une utilité nosographique. Elle signifie, à travers les couches mentales inconscientes superposées, l’irruption dans le conscient des complexes refoulés. L’intuition morbide pourrait se définir une explosion affective passionnelle, méconnue du sujet.

On ne prendra pas au pied de la lettre ces métaphores volcaniques, qui tendraient à suivre nos passions et nos idées du feu central inconscient jusqu’à la lave refroidie des comportements socialisés : ce ne sont que des tentatives d’illustration de ces processus mentaux qui tendent à l’expression et que des répressions transforment.

Ce qui nous paraît essentiel dans l’intuition morbide c’est qu’elle livre, plus ou moins transformée, plus ou moins absurde ou violente, une pulsion interne inconnue de nous, inconsciente, [p. 103] c’est la signification qu’elle comporte, comme dans diverses psychopathies, également dans la paranoïa. La notion de cette intuition morbide initiale, préalable au développement interprétatif, oblige donc à élargir le débat et à rapprocher de la folie raisonnante des états intellectuellement beaucoup plus troublés et où la désagrégation spirituelle est plus grande.

6. — Automatisme mental et syndrome de reniement. — Une intuition morbide irraisonnée et révélatrice, voilà donc ce qui nous paraît être à la base du raisonnement paranoïaque, de la psychose d’interprétation. Nous disions, dans notre communication de 1926, que cette intuition pathologique devait être rapprochée de l’automatisme mental de Clérambault. Elle se range en effet dans ce groupement symptomatique qui a suscité tant de travaux et de controverses, fait éclore tant de néologismes psychiatriques, engendré parfois obscurité et confusion, mais dont la réalité clinique est indéniable et doit être reconnue même si elle oblige à la révision des idées admises.

Nous ne songeons pas traiter ici, même brièvement, cette question qui touche à cent problèmes et avant tout à celui du mécanisme des hallucinations. Nous ne chercherons pas à définir ce syndrome d’écho ou d’interférence de Clérambault par rapport aux autres manifestations morbides qui ont été décrites : syndrome d’action extérieure de Claude, délire d’influence de Séglas et Ceillier, sentiment d’emprise de Janet, dépossession mentale de Lévy-Valensi, polyphrénie de Revault d’Alloués, intrusion de Delmas, subduction mentale de Mignard, xénopathie de Guiraud.

Tous ces termes sont excellents, parce que descriptifs et pittoresques. Nous nous sommes permis d’en ajouter un à la liste : depuis plusieurs années, dans les discussions des réunions psychiatriques comme dans nos certificats, nous parlons d’un syndrome de reniement (2). Ce terme indique le sens de l’action extérieure, de l’emprise, de l’influence, et nous croyons que cette tendance pathogénique le justifie. En effet, à l’heure actuelle, quel que soit le mot qu’ils emploient, tous les auteurs sont d’accord pour considérer essentiellement les phénomènes [p. 104] d’automatisme psychique comme un travestissement des pensées profondes du sujet, une transposition, avec changement de signe souvent et inversion de la tonalité affective : ce qui est désiré s’énonce par des craintes et les désirs s’expriment par des protestations (3).

Nous avons vu que même pour MM. Sérieux et Capgras, même pour Kraepelin, il y a à la base du syndrome d’interprétation de la paranoïa un lent travail inconscient, une cristallisation affective. Nous avons examiné l’intuition fondamentale au-dessus de laquelle se bâtit l’interprétation. Cette intuition, si elle demeure isolée, constitue une forme monosymptomatique de l’automatisme psychologique auquel se sentent soumis les malades en proie à des conflits intrapsychiques mais il existe bien plus fréquemment des formes avec automatisme diffus, avec sentiment d’une action extérieure polyvalente. Il n’est donc pas étonnant que chez les revendicants et les hallucinés psychiques, comme chez les interprétants « purs », un mécanisme pathogénique apparenté produise, en dépit de toutes les distinctions nosographiques, des réactions très semblables, réactions de défense, réactions d’attaque.

L’automatisé, l’influencé, l’interprétant, pour ne parler que de ceux-ci crient comme l’enfant : « Ce n’est pas moi », sans qu’on les ait accusés. Ils renient hautement leurs tendances par peur d’y succomber sourdement, ils ont hâte de se porter accusateurs par peur d’avoir à faire figure de coupables. Le ton affectif élevé, l’accent passionnel dont usent les paranoïaques et les influencés traduisent non leur mauvaise conscience, mais leur mauvaise subconscience. Ils font une psychose préventive, ils sont d’abord persécutés parce qu’ils se sentent persécuteurs, pour devenir souvent ensuite des persécuteurs réels. Le syndrome de reniement, qui est commun à leurs troubles, explique le nombre toujours plus grand des cas qu’on hésite aujourd’hui à ranger parmi les interprétants purs. Ce [p. 105] syndrome constitue un élément pathogénique capital dont l’importance tendra, croyons-nous, à donner moins de valeur à l’apparence clinique, à la présentation plus ou moins intellectualisée, plus ou moins dissociée, des paranoïaques.

Dès 1912, dans un travail trop peu cité, Mignard et Petit s’étaient élevés contre une opposition catégorique entre les délires interprétatifs, où la personnalité se maintiendrait entière, et les délires hallucinatoires où une personnalité délirante se superposerait à la personnalité saine. « Dans un cas comme dans l’autre, il est remarquable d’observer », disaient-ils, « dans la genèse du délire, l’intervention d’un mécanisme psychologique analogue : l’envahissement de la personnalité normale par des systèmes parasites venus du subconscient. »

Le problème consiste à étudier ces systèmes parasites et à montrer que leur « parasitisme » n’est en réalité qu’une symbiose, qu’ils représentent chez les malades la contre-partie, le second aspect de leur ambivalence psychique.

B. — ETUDE DE LA PATHOGÉNIE.
THÈME PERSÉCUTIF ET SUBJECTIVATION DES INCIDENTS SOCIAUX

7. — Syndrome d’action extérieure et inter psychologie morbide. — C’est en effet le thème persécutif, non le thème interprétatif, que des recherches pathogéniques récentes sur les motifs inconscients des délires placent aujourd’hui au centre du débat.

Les études sur le fait initial de la paranoïa, avec Deny et Blondel, avec Targowla et Dublineau mettent en évidence l’intuition inaugurale des délires d’interprétation, et cette intuition est toujours de l’ordre de la persécution. Si l’on examine les observations les plus schématiques du délire d’interprétation, celles de Sérieux et Capgras, celles de Genil-Perrin, on s’aperçoit immédiatement que le sens de l’idée d’interprétation, c’est l’idée de persécution. Ces malades n’interprètent pas à vide. L’interprétation pure, philosophique si 1 on peut dire, ne se conçoit pas, l’interprétation n’a de valeur que pour appuyer le sentiment de persécution. En conformité avec les tendances nouvelles de la psychopathologie, la prépondérance est accordée au facteur dynamique sur le facteur statique de la névrose, à l’idée de persécution, plutôt qu’à l’idée d’interprétation.

C’est pourquoi tout le travail de ces vingt-cinq dernières années, en France comme en Allemagne et dans les autres pays, a porté sur la genèse du thème de persécution. En France, comme en Allemagne ce travail a fait envisager la nécessité de rapprocher de ces délirants « purs », de ces paranoïaques « légitimes » des sujets chez lesquels le trouble de l’intelligence est moins apparent que le sentiment délirant d’une action extérieure (Claude), cette influence n’étant qu’une protestation masquée contre des pensées que la conscience du sujet se refuse à admettre comme siennes.

En France, le rôle des éléments constitutionnels, des facteurs émotifs, asthéniques ou autres, est étudié au cours de paranoïa à évolution paradoxale, par Antheaume et Trepsat, Clérambault et Porcher, Sérieux et Codet, H. Flournoy, Claude, Picard et Clerc, etc. Pierre Janet, Ceillier, insistent sur la diversité des « voies d’entrée » dans la psychose interprétative et la psychose d’influence :psychasthénie, délire de scrupules, besoin de réconfort. L’opinion se fait jour peu à peu — elle a trouvé une expression très complète dans la thèse de Lacan — que notre compréhension des psychoses paranoïaques sera d’autant meilleure que nous examinerons le malade non plus isolément mais par rapport aux incidents de sa vie, que nous étudierons le comportement social de sa personne, l’évolution de sa sociabilité.

Déjà Séglas avait insisté sur le délire « égocentrique » des paranoïaques et sur leur « perception inexacte de l’humanité ». Sérieux et Capgras avaient noté expressément, dans leur définition terminale du délire d’interprétation, à la fois l’hypertrophie ou hyperesthésie du moi et l’importance des conflits sociaux. Logre, en 1927, démontre dans les divers délires de persécution, qu’ils soient à base d’interprétations, d’illusions ou d’hallucinations vraies, un élément commun qu’il nomme le sens inexact de l’interpsychologie. Pierre Janet, plus récemment, indique que ces malades objectivent dans le milieu social non seulement leur sentiment d’emprise, mais encore le motif de cette emprise : pour Janet le délire de persécution est une « objectivation sociale intentionnelle ».

8. — La paranoïa sensitive de Kretschmer. — Les idées sur la paranoïa ont subi, durant ce quart de siècle, dans les pays de [p. 107] langue allemande, une évolution parallèle à celle de la psychiatrie française. On remonte du symptôme à sa genèse et parce qu’on trouve une origine commune à des psychoses soigneusement isolées par l’effort de Kraepelin, il s’est produit, après la guerre, une refonte des idées sur la paranoïa, et qui met justement en avant les diverses notions que nous venons de rappeler :

Importance de la poussée affective inconsciente comme base de la construction intellectuelle délirant ;

Valeur prépondérante à accorder chez ces sujets au sentiment de persécution et à sa traduction consciente : le thème persécutif ;

Étude approfondie enfin des réactions psychiques du sujet par rapport au milieu.

Les noms de Bleuler et de Lange surtout doivent être attachés à cette reprise de la question. La psychose est finalement considérée par Kretschmer, et par les auteurs toujours plus nombreux qui le suivent, comme un quotient, le quotient de l’action sociale et de la réaction individuelle. Il y a lieu d’étudier un double facteur le sujet, et les événements de sa vie : la psychose à deux coefficients. Ce que Séglas nommait le délire égocentrique, Cramer l’avait étudié sous le nom de « Selbstbeziehung »,, le besoin de ces sujets de donner à tout incident extérieur une signification personnelle, leur propension à tout ramener à soi, à tout conduire vers soi. Ces sujets n’arrivent pas à différencier le subjectif et l’objectif. De façon abrégée, mais moins claire, Wernicke avait dénommé le délire de persécution « Beziehungswahn », terme qui a été traduit mot à mot par délire de relation et qu’on aurait pu nommer aussi délire de reconduction.

Le sens de ce dernier terme allemand, ultra-synthétique, serait rendu le moins mal, croyons-nous, par l’expression de subjectivation des incidents sociaux : c’est un délire de personnification, de subjectivation, et d’autre part, il se construit à partir de menus faits, de circonstances banales, plus que sur des événements importants. Le mot de « Beziehungswahn » est repris par Kraepelin, qui le considère comme une variété plus diffuse de sa paranoïa et enfin ce « délire des relations sociales » fait l’essentiel du volume de Kretschmer, à la suite [p. 108] duquel la conception allemande de la paranoïa a été profondément remaniée.

Nous avons, en 1927, avec le professeur Claude, insisté sur la valeur de cet ouvrage et sur sa portée clinique et nosographique. Le « sensibler Beziehungswahn » de Kretschmer, que nous nommions délire d’interprétation à base affective et que Mlle Pascal traduit par paranoïa sensitive, englobe les réactions de persécution que des malades peuvent présenter en fonction, à la fois, des événements de leur vie et de leur caractère. Kretschmer distingue quatre caractères : expansif, asthénique, primitif, sensible ou sensitif, qui peuvent être actionnés par quatre facultés : sensation, intuition, élaboration, et conduction psychiques. La complexité et l’intrication de ces divers facteurs pathologiques : caractères, facultés et événements, n’empêchent pas l’auteur allemand d’aboutir à isoler quelques types cliniques simples, en particulier ce délire d’interprétation sensitif ou des sensitifs, où Mlle Pascal voit à juste titre une refonte de la paranoïa classique. Il ne s’agit de rien moins en effet, que de rescinder le bloc de la paranoïa en une série de syndromes psychiques qui empiètent sur la paraphrénie d’une part, sur la psychasthénie de l’autre.

III. – LES FOLIES PERSECUTIVES

9. — La tension de contact social. — L’intuition de persécution, la lutte contre les mobiles intérieurs sont donc conditionnés, dans les recherches non psychanalytiques, par le choc de l’individu contre la société et ce choc a lieu par une appréciation morbide des motifs sociaux, par une mauvaise compréhension de ce que Logre appelle l’interpsychologie et que Lacan nomme, d’une expression heureuse, la tension sociale. Arrivé à ce point de notre analyse, nous aimerions pourtant préciser cette expression, au moins dans son exégèse, tout en lui conservant son caractère de comparaison physique, nous parlerions volontiers d’une tension de contact social. Ce qui est important en effet, c’est la rencontre d’un individu dont les pulsions sont douées d’une: certaine tension avec la masse des autres individus, dont les puisions sont elles aussi sous une pression donnée.

Cette lutte de l’individu contre la société est de tous les jours, elle prend des formes morbides quand l’un des deux facteurs est affecté d’un coefficient anormalement fort. Les révolutions sont comme une paranoïa des sociétés, quand celles-ci sont soulevées par une vague de fond passionnelle. La paranoïa individuelle est inversement due à la rencontre d’une tension sociale normale et d’une tension personnelle haussée à un degré anormal par des pulsions à caractère primitif.

C’est ici le moment de réparer l’injustice que nous avons commise en bornant notre étude du mouvement psychanalytique sur la paranoïa aux deux seules écoles française et allemande. Ce côté primitif, profond, du paranoïaque avait été mis en évidence il y a longtemps par l’école italienne, avec Morselli, avec Tanzi, Riva, Lugaro. Comme M. Lévy-Valensi le disait récemment, on peut rapprocher ce que dit Tanzi des paranoïaques et ce que Lévy-Bruhl a montré chez les primitifs, la difficulté que ces deux catégories d’hommes ont à trouver un juste équilibre entre leur moi et celui d’autrui. Mais nous croyons que l’analogie est toute formelle ou plutôt qu’elle n’existe qu’à titre d’opposition. L’attitude des primitifs (s’il en est) et celle des paranoïaques est à l’inverse l’une de l’autre. La « loi de participation » ne permettrait pas aux primitifs de bien distinguer les limites de sa personne, les lui ferait confondre dans l’ambiance naturelle ou sociale. Car, dit Lévy-Bruhl, « pour la mentalité primitive, l’opposition entre l’un et le plusieurs… n’impose pas la nécessité d’affirmer l’un des termes si on nie l’autre ». Mais, le paranoïaque, au contraire, connaît trop bien son moi, l’oppose trop bien à autrui.

Ici encore, la comparaison dynamique, empruntée à la mécanique des fluides nous sert mieux, il ne s’agit pas de limites, mais de tensions limitantes, ce qui crée l’explosion, ce n’est pas la juxtaposition de deux éléments, mais l’affrontement des énergies qui sont incluses dans ces deux éléments, individu et société. Le point de vue d’Adler, qui trouve à l’origine de ces psychoses, une tentative malheureuse de l’instinct individuel de puissance, est certainement à retenir, comme aussi celui de Lacan qui voit dans la paranoïa l’occasion d’étudier le problème de la personne sous l’angle de la réaction sociale.

La paranoïa fait ressurgir des modes réactionnels [p. 110] phylogénétiquement primitifs, mais le « primitif » est sans doute peu paranoïaque. La pression sociale grandissante des sociétés modernes est peut-être davantage propice à créer ce genre de sujets que la société primitive, plus rapprochée de la nature. Même si la civilisation n’augmentait que peu la tension de contact social, elle exalte la conscience de soi des individus et pousse ainsi à une subjectivation grandissante des incidents sociaux. Il n’est sans doute pas erroné de croire, avec le moraliste anarchisant Charles Albert, que pour cette dernière raison tout au moins la civilisation est créatrice de paranoïaques. « L’avenir, ce n’est pas douteux », dit-il, « nous réserve des joies que nous ne pouvons pas prévoir avec notre âme d’aujourd’hui. Mais il nous prépare aussi des souffrances que nous ne pouvons pas davantage mesurer. Notre sensibilité s’aiguise et s’affine en même temps que se compliquent et s’améliorent les conditions de la vie. Le sentiment de la dignité personnelle entre tous, semble devoir s’accroître dans d’énormes proportions. Ce qui n’était aujourd’hui qu’écorchures superficielles pourra donc devenir demain profonde blessure. Un jour viendra où nous souffrirons du plus petit manque d’égards aussi cruellement que nous souffrons aujourd’hui d’une violente injustice. Les frottements sociaux, c’est incontestable, s’adoucissent, mais notre épiderme devient plus délicat. Les sociétés affranchies qui se préparent exigeront un perpétuel contrôle de soi-même… Et cette vie morale plus intense, pèsera lourdement sur certaines natures. L’esclavage a sa douceur.

Qui dira les drames des consciences futures et, derrière la façade d’une société où tout ira bien, l’âpre combat des âmes ? »

Toutes les difficultés, toutes les discussions soulevées par le problème de la paranoïa, viennent de ce qu’on a considéré longtemps ces malades au point de vue statique et non au point do vue énergétique. Si on les étiquette comme. des choses mortes, des plantes sèches, on peut se borner à des classifications botaniques, de plus en plus déliées. Si on les étudie au point de vue de leurs pulsions morbides, si on veut connaître d’une part les raisons internes pour lesquelles ils ont accumulé leur énergie jusqu’à un potentiel élevé et de l’autre les motifs externes qui amènent l’explosion de leur délire, alors, on cherchera d’autres clefs de classement, on sera amené, ou [p. 111] ramené à nouveau mais par des voies nouvelles, à des groupements plus synthétiques peut-être qu’en 1910, en tous cas différents.

10. — Essai de regroupement nosographique. — En prenant pour critère de la psychose paranoïaque la lutte inconsciente contre les pulsions antisociales et non plus la rigueur de la construction délirante et l’absence d’hallucinations, on arrive à un regroupement des faits qui permettrait d’englober des délires divers ayant cette commune origine.

Les folies persécutives comprendraient pour nous :

— les délires d’interprétation de Sérieux et Capgras, dont la magistrale description reste intacte mais qui ne formeraient plus qu’un groupe parmi les autres ;

— les délires de revendication, exclus de la paranoïa (avec quelques hésitations) par Sérieux et Capgras, par Kraepelin et que Genil-Perrin au contraire veut y faire revenir ;

— un certain nombre de délires systématisés de grandeur, de filiation et de supposition parentale ;

— les délires de jalousie, y compris celui des alcooliques, délires intermédiaires entre les délires de revendication et les délires passionnels ;

— les délires passionnels, que Capgras et de Clérambault ont éliminés de la paranoïa pure, le premier parce que le raisonnement n’y paraît pas jouer de rôle prépondérant, le second parce qu’il n’y trouve pas un noyau d’automatisme mental. Mais nous avons montré, à l’origine du délire d’interprétation, une intuition qui a souvent un caractère passionnel et qui est une forme d’automatisme mental. Les points de contact nous paraissent assez importants pour justifier un rapprochement qui est d’ailleurs courant en clinique, où il est si difficile de définir la psychose passionnelle pure ;

— les délires érotomaniaques, qui sont, eux aussi, une réaction passionnelle à des refoulements sexuels mal tolérés ou à des attardements sexuels ;

— la paranoïa sensitive de Kretschmer, qui a certains traits de la psychose revendicante, érotomaniaque ou d’influence, et à laquelle s’apparentent étroitement les faits réunis par Mlle Pascal sous le nom de psychose des désirs ;

— les syndromes d’action extérieure du professeur Claude ; [p. 112]

— le délire d’influence, forme larvée de délire hallucinatoire, que nous plaçons dans ce groupe même si le sentiment de persécution n’y aboutit pas à des réactions actives de persécution ;

— certains délires hallucinatoires systématisés, les délires de possession, certaines paraphrénies, où le sentiment et l’idée de persécution sont prévalents et où la dissociation mentale est peu accusée ;

— un très grand nombre de délires hypocondriaques enfin et certains « faux mélancoliques » de Borel ;

— quelques cas de psychasthénie revendicante.

Les folies persécutives forment ainsi un groupe caractéristique d’affections mentales à opposer aux autres groupes : folies dégénératives, confusives, maniaco-dépressives, dissociatives et névrosiques qui englobent pour nous la totalité des faits psychiatriques en dehors de la paranoïa.

*
*    *

On nous objectera sans doute que cet essai de synthèse aboutit seulement à faire revivre une conception périmée, le délire des dégénérés de Magnan. Nous pensons néanmoins que le moment était venu de redire ce que nous avancions en 1929 à propos du cas Sansonnet présenté par Pichon à la Société de Psychanalyse : c’est que la présence ou l’absence d’hallucinations ne saurait à elle seule constituer un critère suffisant pour le classement des délires paranoïaques, qu’il existe moins de cas « purs » que d’autres, où la recherche de cet élément diagnostique n’apporte qu’incertitude. Les travaux du professeur Claude et de H. Ey sur la valeur et l’origine des hallucinations donnent aujourd’hui, croyons-nous, plus de poids et d’autorité à un tel avis.

Si l’on nous reproche de paraître avoir la présomption de bouleverser le travail nosographique entrepris au long d’un demi-siècle, nous répondrons que les distinctions de nos aînés sont respectées par la synthèse que nous formulons. Rien du travail antérieur n’est rendu par elle inutile, mais cette vue d’ensemble peut aider à mieux faire comprendre les nombreux malades qui paraissent inclassables quand on veut établir entre des formes apparentées des cloisons par trop étanches. Des travaux récents de Lautier, Capgras, Ey, Petit, Courbon, [p. 113] Halberstadt, Claude, montrent que la doctrine classique souvent n’aboutit pas à résoudre les difficultés qu’il y a à dénommer ces cas, et par là à les comprendre. Ces faits s’éclairent, au contraire, quand on place ces délires variés sous le signe de quelques mécanismes fondamentaux. Ce sera le travail des plus jeunes de découvrir les raisons pour lesquelles des mécanismes peu nombreux peuvent donner naissance à des états morbides en apparence si divers.

Il y aura lieu sans doute d’approfondir à l’avenir l’étude biologique et somatique, fort ingrate jusqu’ici, de ces malades. Clérambault croyait qu’il existe chez eux un substratum organique définissable : infiltrations leucocytaires, proliférations névro et microgliques, méningites minimales. Guiraud a tenté de synthétiser le parallélisme psycho-organique des délires systématisés par un rappel des mécanismes sous-corticaux de l’affectivité.

Nous ne comprenons pas bien l’opposition qu’on veut établir par là entre des recherches étiologiques entreprises sur deux plans qui ne se rejoignent pas. Avec Heuyer et Sizaret, Petit et Montassut, Tinel et d’autres, nous avons essayé d’agir sur de tels malades par une thérapeutique salicylée anti-infectieuse et nous avons, pour notre compte, mis en évidence dans les psychoses systématisées un élément organique net : une dissociation thermique accentuée entre la température du liquide céphalo-rachidien et la température moyenne du corps.

Nous rappelons ces faits pour indiquer que si ce travail est consacré à l’aspect psychologique du problème nous n’avons pas omis, en des circonstances différentes, de l’envisager autrement. C’est par des recherches convergentes qu’on arrivera à le faire progresser et il est vrai que l’action particulière et la précession respective des facteurs organogènes ou psychogènes dans le déterminisme des troubles paranoïaques constituent un très intéressant objet d’étude psychiatrique. Mais cette étude ne sera fructueuse que si l’on s’y engage sans équivoque, c’est-à-dire si on ne veut pas à toute force subordonner l’un des facteurs à l’autre, si on ne se place pas sur un plan exclusivement anatomo-physiologique ou sur un plan exclusivement psychologique, si on ne reprend pas les thèmes rebattus d’une opposition factice entre le physique et le moral, pont-aux-ânes du [p. 114] baccalauréat, antinomie artificielle, bonne tout au plus à donner des idées fausses aux lycéens. Les deux points de vue peuvent se compléter mutuellement mais ne doivent pas se confondre. On sait que comparaison n’est pas raison, mais on pense à ces vues stéréoscopiques qui donnent une bonne image de la réalité, du relief, à la condition d’être prises par deux objectifs séparés, aux foyers distincts et judicieusement décalés.

Nous croyons donc au retentissement corporel des troubles paranoïaques, mais nous croyons aussi avec Freud que « le fait de reconnaître un facteur organique dans un trouble mental ne nous relève pas du devoir qui nous incombe d’étudier les processus psychiques de son apparition ».

(A suivre)

[p. 117]

L’ÉVOLUTION DES IDÉES
SUR LA FOLIE DE PERSÉCUTION
CONCEPTIONS PSYCHIATRIQUE ET PSYCHANAL YTIOUE
DES PARANOÏAS

PAR

Paul SCHIFF

(suite) (4)

DEUXIEME PARTIE

IV. — L’HOMOSEXUALITÉ BASALE DE LA PARANOÏA.

11. — Le cas Schreber. — En 1911 Freud a publié des « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa j) où se trouve exposé l’essentiel de la doctrine psychanalytique sur ce genre d’affections. Il s’agit du fameux cas de Schreber, magistrat saxon interné sr deux reprises à la clinique de Flechsig, et que Freud considère comme ayant présenté une sorte de paraphrénie.

Nous ne reviendrons pas sur le cas Schreber, nous le supposons connu : la traduction de l’article de Freud a été publiée par la Revue française de Psychanalyse il y a plusieurs années et des indications sur les rapports que Freud notait entre le processus paranoïaque et l’homosexualité avaient été précédemment données par Régis et Hesnard, par Villey-Desméserets, par nous-même, par Nacht, etc. On sait que, malgré les persécutions dont il est selon ses dires accablé, le président Schreber s’imagine avoir été châtré, puis métamorphosé en femme pour servir d’instrument sexuel au professeur Flechsig [p. 118] d’abord, puis à Dieu le Père. Le délire s’est développé en une fantasmagorie paradisiaque extrêmement riche et Schreber, passant des idées de persécution aux idées de grandeur, croit qu’il est destiné à absorber la plus grande partie des rayons émanés de la divinité. La psychose aboutit à un délire de rédemption qui est en même temps un délire de réconciliation avec l’univers, réconciliation grâce à laquelle une certaine vie sociale redevient possible et autorise la sortie de l’asile.

Le fait fondamental du cas Schreber est, pour Freud, le phantasme d’homosexualité sur lequel, par une intuition géniale ou une audacieuse extrapolation, il bâtit toute une théorie de la paranoïa. Freud n’a pas connu Schreber en personne, il n’a pu étudier que ses mémoires et il n’a publié ses remarques pathographiques qu’après avoir pris l’avis, pour étayer ses suppositions, de Jung et de Ferenczi. On doit admirer néanmoins la force et la ténacité avec lesquelles il développa en détail son point de vue et combien les études cliniques ultérieures vinrent corroborer ses premières conclusions, dont l’ensemble a pu être complété depuis mais n’a pas eu à être révisé.

12. — Idée de persécution et homosexualité basale. — L’essentiel de la doctrine tient en quelques mots : l’idée de persécution est due à une homosexualité refoulée et qui réapparaît à la conscience sous la forme d’une négation redoublée : le malade n’aime pas ses frères en humanité et ceux-ci ne l’aiment pas non plus, ils le haïssent et lui, il leur rend leur haine.

On connaît la façon syllogistique dont Freud a établi un certain nombre de propositions qui servent à expliquer le délire de persécution banal, le délire de jalousie, le délire érotomaniaque. Il s’agit de réactions apparemment divergentes à un fait psychologique unique. A la base de tous ces délires, il y a, selon Freud, un même sentiment fondamental, qui peut s’exprimer sous la forme d’un axiome : pour un persécuté de sexe donné, le persécuteur n’est jamais qu’un être auparavant aimé et de même sexe. S’il s’agit d’un homme par exemple, il réagira à ce sentiment pour lui insoutenable : « Moi, un homme, je l’aime, lui, un homme », par certains mécanismes psychologiques dont l’observation démontre la constance et l’uniformité. [p. 119]

13. — L’homosexualité dans la bibliographie de la paranoïa. — Ces mécanismes psychiques et leurs bases étiologiques, nous allons tenter de les définir, nous essayerons de montrer dans quelle mesure les découvertes psychanalytiques coïncident avec la clinique et peuvent servir à l’éclairer. Mais auparavant, il y a lieu d’insister sur la très grande valeur psychiatrique de la découverte de Freud. Car il s’est trouvé que l’homosexualité basale du paranoïaque, extraite par Freud des mémoires d’un aliéné, est un fait de valeur générale. La constance en frappera tous ceux qui auront eu l’attention attirée sur lui et qui examineront leurs persécutés et leurs interprétants à ce point de vue.

Si nous ouvrons un ouvrage récent sur les paranoïaques, le livre de Genil-Perrin par exemple, on trouve page 74 le cas d’un employé de grand magasin interné à la suite d’un attentat contre son chef de service. Ce dernier avait raconté devant le malade qu’il avait pour ami un inspecteur de police. « Cette dernière allégation passa inaperçue de tous les auditeurs, excepté pour F. Pour lui, au contraire, elle fut un trait de lumière ; tout son passé s’éclaira alors d’une lueur étincelante à la faveur de laquelle il fit remonter toutes les misères qu’il endurait à leur véritable origine, qu’il venait d’entrevoir, et il fut assuré qu’il tenait la clef de leur succession incessante depuis si longtemps. C’est alors que le dégoût du clysopompe prit sa signification réelle parce qu’il faisait allusion à des habitudes pédérastiques qu’on l’accusait d’avoir ». Plusieurs années auparavant, F… avait trouvé un jour devant sa chambre un clysopompe vide, mais armé de tous les accessoires. A l’époque, il avait cru à une mauvaise plaisanterie et n’y pensa plus. A la page 160 du même ouvrage, nous voyons une jeune fille, atteinte du délire de persécution dont le système est une protestation contre des accusations d’inceste avec son frère, de prostitution et de relations homosexuelles avec une religieuse. Dans le cas de Mlle W. (page 37), les experts avaient noté l’aspect masculin du sujet.

Ces quelques éléments sont empruntés au livre d’un auteur résolument hostile à la psychanalyse. Si nous prenons les ouvrages où l’effort psychanalytique est davantage pris en considération, le livre de Kehrer et Kretschmer sur « La prédisposition aux troubles psychiques », nous voyons que ces auteurs [p. 120] insistent sur l’importance de l’homosexualité dans les cas qu’ils rapportent, homosexualité psychique latente ou avérée, et surtout constitution physique bisexuelle, aspect hommasse, etc.

Nous attachons moins d’importance, pour notre compte, à de discutables corrélations psycho-physique de l’homosexualité et à leur valeur dans le délire d’interprétation-persécution. Nous préférons insister sur le fait que des auteurs dont les travaux ont été poursuivis en dehors de tout contact psychanalytique ont noté, de leur côté, l’importance du facteur homosexuel dans ce genre de délires. C’est ainsi que Kleist insiste sur le virilisme psychique des persécutées qu’il décrit dans sa « paranoïa d’involution », que Kraepelin, également note la fréquence de l’homosexualité dans sa paranoïa légitime. Surtout, nous pouvons démontrer le rôle de l’homosexualité dans le délire d’interprétation persécution en nous référant à l’ouvrage même de Sérieux et Capgras. Sur les dix-neuf cas rapportés par ces auteurs, un tiers des malades fait du soupçon de pratiques homosexuelles la base d’accusations dont ils sont soit les auteurs, soit les victimes, soit à la fois auteurs et victimes.

Mme X… (Obs. I) est persuadée que son mari est inverti et qu’on l’accuse, elle, de saphisme. Mme N… (Obs. VI) croit qu’on l’accuse de vices contre nature pare qu elle est atteinte d’herpès. M. H… (Obs. V) accuse sa femme, qu’il a forcée par ses attaques de chercher un refuge chez une parente âgée, de « faire la vie » avec cette femme. M. F… (Obs. IX) soupçonne sa femme de relations intimes avec une amie de pension. Mlle L… (Obs. XVIII) se prétend hypnotisée par une actrice célèbre et entraînée contre son gré, dans un amour lesbien, elle lui écrit des vers dédiés : « A Sapho Y,. Mlle S… (Obs. XVII) se sent accusée d’avoir des rapports avec une fille publique, son principal persécuteur est soudoyé par son père, « c’est un pédéraste, parce que, comme tous les pédérastes, il porte la chaîne de montre du côté droit ».

Nous avons apporté cette énumération de faits explicites sans tenir compte des indices contenus dans les autres observations et pour montrer que l’ouvrage où se trouve fixée la nosographie du délire d’interprétation indique la fréquence des préoccupations homosexuelles dans cette affection. Celles-ci sont rapportées par MM. Sérieux et Capgras incidemment, [p. 121] et leur témoignage, antérieur aux publications de Freud, n’en a que plus de valeur. Dans ces dernières années les observations confirmatives d’auteurs qui connaissaient cette découverte se sont multipliées. Nous laisserons de côté, pour le moment, les cas de la bibliographie strictement psychanalytique, cas où l’homosexualité est souvent très camouflée et doit être déduite du délire, où elle n’est pas toujours exprimée par celui-ci. Mais nous rappellerons, entre autres, les faits de tendances homosexuelles chez les psychasthéniques persécutés de M. Janet, — les travaux de Guiraud sur un « délire systématisé d’inversion sexuelle » — de Claude, dont le cas princeps de psychose paranoïde est une sage-femme qui prétendait avoir été soldat en Algérie et capitaine en Corse — de Minkowski, qui a publié un fait quasi schématique de jalousie à caractère psychanalytique : sa malade était persuadée qu’on l’avait accusée de saphisme d’une part, et d’autre part, que son mari avait des rapports homosexuels avec un homme, qui est son ex-amant à elle-même. Nous-même, dans une communication à la Société de Psychanalyse en mai 1929 « sur la relation entre le délire de persécution, le caractère anal et l’homosexualité », nous avons rapporté un cas d’érotomanie homosexuelle chez un hypocondriaque persécuteur dont l’observation synthétisait et la symptomatologie et les éléments de discussion qui sont à la base de ce travail. Westerman Holstijn, dans un article d’ensemble dont nous regrettons d’avoir eu tardivement connaissance, et plus récemment Brill, ont insisté sur la genèse homosexuelle du délire de persécution.

Même sans un récolement systématique de tous les cas qui ont été publiés depuis un siècle, les faits cliniques que nous venons de citer nous paraissent établir statistiquement la légitimité de l’extrapolation par laquelle Freud a généralisé le fait conteenu dans le cas du président Schreber : l’homosexualité basale de la paranoïa.

14. — L’ homosexualité dans la clinique de la paranoïa. — Le plus souvent, il n’est pas besoin d’une psychanalyse compliquée pour mettre en évidence le syndrome homosexuel. Il suffit, étant prévenu de son importance, de le chercher un peu; souvent il se présente à nous spontanément au cours de l’interrogatoire des malades. Les sujets sont nombreux en effet chez [p.122]lesquels le délire d’interprétation-persécution ou d’hallucination-persécution a été déclenché par l’irruption dans la conscience, ou l’affleurement à la conscience, du conflit homosexuel.

Depuis plusieurs années, nous avons très souvent l’occasion de relever le fait dans nos certificats d’internement et si nos lecteurs non-psychanalystes veulent bien rassembler leurs souvenirs psychiatriques, combien de malades persécutés et interprétants ne surgiront-ils pas devant eux, se plaignant de remarques obscènes tendant à les faire passer «  pour ce qu’ils ne sont pas », d’allusions à des campagnes qu’ils ont certainement dû faire en compagnie masculine suspecte dans les colonies, de gestes obscènes spéciaux, de « croupières » qu’on leur « taille » en passant devant eux, de douleurs anales tout à coup ressenties devant tel adversaire brusquement apparu et dont ils savent à ce même instant, que c’est un ennemi, combien d’allusions homosexuelles qu’eux seuls comprennent, malgré leur innocence et leur ignorance des pratiques homosexuelles, combien, s’il s’agit de folie raisonnante chez les hommes, d’attentats préparés par derrière, de lâches assaillants cachés, de « coups du père François », etc. Si ce sont des femmes, combien d’allusions vicieuses, d’insinuations sur des souvenirs de pensionnat, d’interprétations touchant telle maîtresse d’école qu’elles avaient complètement oubliée… La grande fréquence, nous dirions presque la quasi-constance du phénomène, doit nous le faire considérer comme un élément fondamental, basal, dans le délire d’interprétation-persécution, et non pas seulement comme un symptôme accessoire ou contingent.

Nous savons que ce n’est pas là l’opinion du professeur Janet. Il a bien voulu nous accorder des entretiens sur ce point et nous dire qu’il voit dans ces craintes homosexuelles ou ces velléités homosexuelles, non réalisées, des interprétants et des persécutés, une manifestation de leur faiblesse psychologique, de leur psychasthénie. La subtilité de dissection psychologique de M. Janet se refuse aux synthèses compliquées, aux pathogénies obscures et lointaines et réussit le tour de force de faire comprendre ces états mentaux très mystérieux, par des explications en apparence très simples. Mais nous ne saisissons encore pas bien comment un phénomène pourrait être rencontré avec cette fréquence dans la paranoïa si sa [p. 123] signification n’est qu’épisodique et secondaire. En présence de M. Janet, récemment, dans des cas où il étudiait les « sentiments sociaux », nous trouvions l’indication du fait homosexuel presque sans le chercher.

Nous signalerons ici qu’avec la collaboration de Mlle A. du Tillet nous avons essayé de trouver dans un test de sexualité gestuelle, dans le geste du lancer, le moyen de mettre en évidence un homosexualité latente, mais ces recherches expérimentales ont donné un résultat négatif.

15. — La projection. — L’étiologie fondamentale de la psychose d’interprétation-persécution nous semble néanmoins suffisamment établie : une homosexualité parfois peu refoulée, et cependant méconnue par le sujet, souvent très méconnue et très refoulée. Mais, ce fait basal, il reste à l’expliquer ou du moins à essayer de se représenter comment il est né. Après avoir exposé de quelle façon on peut concevoir le mécanisme psychogénique et la pathogénie de l’idée d’interprétation-persécution, après avoir passé à l’étiologie, nous nous retrouvons devant les mêmes problèmes normatifs, et nous devons essayer de trouver le mécanisme et la pathogénie de, ce phénomène étiologique. Au fur à mesure de notre analyse, et comme il arrive dans toute recherche, les données du problème se dérobent à nous pour reculer sur des plans plus éloignés.

Dans le même article princeps où est exposée l’homosexualité camouflée du président Schreber, Freud a rappelé qu’il avait décrit, vingt-cinq ans auparavant, un processus psychologique fondamental, la projection, qu’il place à côté des autres phénomènes mis en relief par lui, comme la condensation, le déplacement, la symbolisation, etc. En 1886, en effet, dans une étude sur les « psychoses de défense », il étudie une malade atteinte de paranoïa chronique ,et trouve chez elle avant tout une défiance de soi, un processus de défense transformé, par une projection sur autrui, en une défiance d’autrui.

Il est à noter que ce cas, d’après la brève description de Freud, était typique d’homosexualité larvée. C’est en 1911 seulement que Freud fit sa découverte du rapport entre les deux affections, comme si un long travail inconscient avait été chez lui nécessaire. Depuis le cas Schreber, Freud a élargi sa conception de la projection et est arrivé à la définir comme « une [p. 124] impression, née de l’individu, qui est refoulée et en échange son contenu, dûment transformé, reparaît sous la forme d’une impression reçue de l’extérieur ».

La projection de Freud a été longuement étudiée depuis, en autres par van Ophuijsen, par Schilder. Tous deux font remarquer qu’il s’agit là tout d’abord d’un processus psychique essentiel à la pensée et, reprenant (sans le citer) le vieil exemple de la statue de Condillac, font remarquer qu’il est indispensable à la différenciation élémentaire du moi et du non-moi, et que le passage de la sensation à la représentation ne peut se faire sans qu’une partie du sujet ne soit projetée dans l’objet. Dans des cas de conscience normale, ce passage à l’objet d’un élément issu du sujet se fait de telle sorte que l’élément subjectif subit une transformation qui lui donne le sens et la saveur de la réalité. C’est tout le problème du passage de la perception à l’aperception. Dans les cas de conscience dégradée, dans le rêve par exemple, ou dans le délire, le mécanisme de projection efface les limites entre le monde personnel et le monde extérieur, et cet effacement est sous-tendu par la tendance affective. Schilder rapporte le cas d’un blessé, porteur d’un phlegmon au bras droit, qui se voyait en rêve dans une rue où tous les passants étaient eux aussi infirmes d’un bras, ceux qui allaient à sa rencontre du bras gauche, ceux qui le devançaient du bras droit : son rêve projetait au dehors son désir de se voir équivalent à autrui, sous une forme socialisée et par l’abrogation des conditions normales du schéma corporel, de l’image de soi, qui est ramenée ici à un concept tout à fait infantile.

Ainsi donc la projection, sous sa forme élémentairement pathologique, suppose une rupture, une obnubilation des barrières entre le moi et le monde, entre la personne et la société. Cette obnubilation, nous l’avons déjà vu et nous aurons à y revenir, est un fait essentiel dans l’appréciation des idées de persécution. Il n’est pas mauvais de pouvoir la montrer, grâce au blessé de Schilder, dans son expression la plus simplifiée. L’illusion des amputés est un autre phénomène projectionnel indiquant la puissance de transformation sensorio- psychique que les tendances affectives sont capables de réaliser. Le sentiment de fatigue que nous éprouvons en face d’un travail désagréable est du même ordre que l’accent d’extranéité [p. 125] mis par un sujet sur les pensées en opposition avec sa conscience claire (5).

16. — Persécution anale et sexualité passive. — Quelle est donc la tendance dont la répression est si nécessaire et que la projection du paranoïaque tend à déplacer, à projeter à l’extérieur ? Freud, Ferenczi ont posé la question sans y répondre. L’école psychanalytique hollandaise, sous l’influence de Jelgersma, s’est particulièrement attachée à ces questions des mécanismes paranoïaques et, avec Stärcke, avec van Ophuijsen, a essayé de trouver une explication. Nous la rapporterons, en avertissant le lecteur que nous entrons maintenant dans un domaine où la résistance aux conceptions psychanalytiques est encore très grande. La bataille livrée de 1920 à 1925 pour faire admettre à l’opinion médicale française les données analytiques sur la sexualité nous paraît gagnée. Des notions de prime abord aussi choquantes que le complexe d’Œdipe ont trouvé petit à petit la consécration de travaux confirmatifs de la part d’auteurs comme Capgras, comme Claude, comme Ceillier, qui virent dans la psychanalyse un élément précieux d’information, même en gardant une attitude avant tout critique. Les questions se rapportant à ce qu’on peut nommer l’« analité » susciteront chez les médecins une opposition beaucoup plus vive. Nous en avons déjà eu quelques exemples au cours de conférences où les faits de cet ordre étaient à peine indiqués, et il n’y a là rien qui doive nous étonner. Chez nos malades aussi ce qui concerne l’analité éveille des résistances bien plus grandes que ce qui touche à la génitalité, on se rapproche là de phénomènes infantiles plus refoulés et si les malades ont souvent la gloriole de leurs perversions sexuelles, je n’en ai pas rencontré qui n’aient avoué sans un intense sentiment de gêne des habitudes infantiles touchant les processus d’excrétion urinaire ou fécale. Notre devoir d’observateur est de réagir contre ces hiérarchies, en l’espèce fictives, pour mettre tous les faits de science sur le même plan d’observation. C’est dans cet esprit que nous rapportons — à titre documentaire, car [p.126] elles n’ont actuellement qu’une valeur d’hypothèse —, les conclusions de van Ophuijsen et de Stârcke.

Pour ces auteurs, qui se basent sur les rêves de leurs malades, le persécuteur primitif serait situé dans la sphère anale, et c’est primitivement le cylindre fécal qui serait ressenti comme une persécution. Ce phénomène se produirait au moment de la sexualisation des zones érogènes et par la répression de l’attachement aux voluptés excrétoires qu’éprouve le petit enfant : une censure trop indiscrète exercée par les parents sur ces fonctions primordiales du premier âge, une « morale des sphincters » trop durement imposée amènerait un renversement de signification de l’érotique anale, qui est considérée dès lors comme déplaisante et dangereuse et non pas hédonique et facile. Abraham, surtout a insisté sur ces faits et Mélanie Klein, dans ses analyses d’enfants, déclare avoir trouvé chez de jeunes névrosés l’assimilation des excréments à des armes empoisonnées, !à des poisons corrosifs. La situation anale, d’agréable qu’elle était, est devenue redoutable.

Van Ophuijsen et les autres représentants de l’école hollandaise poursuivent l’analyse de leurs cas. Après avoir ainsi démontré, à leur avis, cette identification entre le persécuteur et le scyballe excrémentiel, ils pensent qu’à un stade ultérieur une nouvelle identification a lieu entre le névrosé à fort complexe anal, toujours attaché malgré lui aux plaisirs rectaux, et la mère qui subit, elle aussi, des assauts que l’imagination infantile, malgré ses curiosités ne peut déterminer. L’homosexualité se développerait selon un principe déjà connu, par un élan d’amour et de jalousie vers le père, à qui le sujet voudrait montrer qu’il peut procurer les mêmes plaisirs. A ce stade, il y aurait identification entre le scyballe et l’objet aimé (Stärcke). Plus tard enfin, à l’âge adulte, en réaction contre ces troubles infantiles, le sujet réagira contre son souhait d’antan en découvrant dans tout supérieur une image paternelle prête à lui donner assaut ; il observera avec minutie et méfiance tout personnage chargé d’autorité, qu’il ressentira comme un assaillant possible, il sera un révolté, un persécuté, un interprétant obsédé, capable de se transformer en persécuteur.

Les recherches de Freud, complétées par Stärcke et van Ophuijsen, aboutissent donc à une conception d’ensemble [p. 127] du mystérieux binôme homosexualité-persécution. Par un arrêt malheureux au stade de l’érotique anale, le futur persécuté tend inconsciemment à réaliser l’équivalent d’une situation passive contre laquelle il proteste consciemment avec une vigueur d’autant plus forte que le refoulement aura été plus énergique.

Dans cette situation un représentant de l’être supérieur et aimé, du père, voudrait se livrer sur lui à des attentats aptes à ressusciter des voluptés qu’il s’est violemment interdites. Les phénomènes d’analité comprennent, dans cette théorie, tous ceux de la sexualité passive, dont le sentiment de persécution serait une conséquence.

Les conceptions hollandaises constituent sans doute un essai intéressant de découvrir par l’analyse un lien logique entre des manifestations apparemment diverses telles que le sentiment de persécution, l’homosexualité et les intérêts excrémentiels, mais cette synthèse nous apparaît encore comme hypothétique et assez ardue, elle nécessite, croyons-nous, encore bien des recherches, à entreprendre sans idée préconçue et sur un matériel clinique plus étendu. Il faut dire qu’elle est actuellement la seule qui permette de répondre à la question posée par des cas comme celui, déjà cité, que nous avons rapporté en mai 1929 à la Société de Psychanalyse. Ce malade montrait la triade symptomatique faite d’homosexualité larvée, de persécution et d’hypochondrie excrétoire, et la théorie de Stärcke- Ophuijsen permet de se représenter de façon approximative le lien qui unit ces diverses préoccupations. Elle nous paraît plus complète que celle de Tausk, confirmée par Kaufman, montrant quelque temps auparavant la signification phallique de la « machine à influencer » (T. S. F., etc.) dont se plaignent tant de persécutés avec hallucinations plus ou moins nettes.

Il s’agit, on le voit, de problèmes à l’étude, mais quand on arrive à la notion du « caractère anal », tel que le décrit Abraham et tel qu’on le constate chez beaucoup de persécutés, alors nous sommes sur un terrain plus clinique et où l’apport psychanalytique doit être pris en considération sans les mêmes réserves, car il éclaire ce que nous a montré la psychiatrie classique. [p. 128]

V. — PARANOÏA ET ANALITÉ

17. — Le stade sadique-anal. — Nous avons décrit, d’après van Ophuijsen, Stärcke et Abraham la projection primaire qui serait à la base de l’idée de persécution, au sens étymologique du mot (per — sequere). Bien que ces auteurs appuient leurs hypothèses sur un matériel clinique important de rêves et d’associations, nous savons qu’il n’y a là, pour une partie du public médical, que de dégoûtantes rêveries. Pour ceux qui, ont suivi à travers le temps l’élaboration de la pensée de Freud et de ses élèves (Abraham, Jones. Mme Marie Bonaparte) sur les stades érotiques primordiaux et l’évolution des instincts, l’hypothèse des auteurs hollandais paraît admissible. Elle est dans l’ordre de ce que nous avons appris sur cette phase primitive de l’activité instinctive normale que constitue le stade dit sadique-anal.

Nous ne pouvons donner ici un exposé complet de la pensée analytique quant à cette époque du développement infantile. Nous en résumerons brièvement les points qui paraissent utilisables pour la clinique des délires de persécution.

Ce qui domine dans cette phase anale, c’est l’élaboration de l’énergie instinctive générale, de la libido non encore sexualisée. A ce stade de début (vers la deuxième année) l’être humain n’a pas encore pris conscience du monde extérieur, il concentre sur soi toute son énergie, il n’a pas encore pu apprendre qu’il existe des objets situés au dehors, il n’a d’autre objet que lui- même : phase narcissique de la libido.

18. — Hédonisme anal et agression. — A ce stade, deux phénomènes nous intéressent particulièrement comme racines fondamentales de l’idée de persécution.

Le premier phénomène donnera naissance, par choc en retour, au sentiment et à l’idée de persécution.

Le deuxième phénomène donnera naissance aux traits de caractère qui permettront au sujet d’élaborer le sentiment de persécution et de développer l’idée de persécution.

Ces deux phénomènes sont :

1° La projection au dehors (nous connaissons la valeur générale de ce mécanisme) et sous une forme agressive, de la [p. 129] composante destructrice de l’instinct, cette composante que Freud nomme aujourd’hui l’instinct de mort ;

2° Le caractère voluptueux avec lequel sont ressentis les processus d’excrétion.

Ce dernier phénomène n’a pas besoin d’être longuement expliqué, le plaisir excrétoire est une donnée clinique certaine, où les observations psychiatriques sur le gâtisme volontaire et le barbouillage des aliénés, la coprophilie de certains pervers corroborent ce que nous montre l’examen du petit enfant normal.

Le premier point appellerait de plus longs commentaires. Il se réfère à une théorie très générale des instincts que Freud a construite à partir de l’observation clinique mais qui garde pour le moment, à notre avis, un caractère dogmatique nécessitant encore bien des contrôles. Nous quittons le domaine du fait pour celui de la théorie, il y a là une tentative, peut- être prématurée, de synthétiser les éléments psychologiques que présentent les névroses et les psychoses. Tel qu’il est, il faut louer cet effort pour se hausser au-dessus des symptômes et en prendre une vue d’ensemble. Certaines de ces hypothèses éclairent la clinique, leur utilisation dans la pratique psychiatrique témoignera de leur vérité ou de leur vraisemblance. Nous renvoyons pour le détail de la théorie aux travaux psychanalytiques d’Abraham sur le développement de la libido, de Federn sur l’élaboration du Moi, de Fenicliel et d’Alexander sur les troubles caractériels, de Mme Marie Bonaparte sur la formation des instincts, au Précis psychanalytique de Nunberg, à l’article synthétique de Sterba.

Nous dirons, en résumant au plus bref, que Freud et ses élèves notent que chaque instinct comporte en soi-même un germe d’anéantissement par le fait seul qu’il tende à se réaliser — que l’intumescence doit forcément être suivie de détumescence — que l’instinct tend à » amener l’être à la stabilité, par conséquent à la mort.

Tant que l’enfant primitif n’a pas connaissance des objets, dit Freud, ses instincts destructifs sont liés à son Moi, ont un caractère de volupté narcissique, mais quand il est obligé de prendre connaissance des objets extérieurs, choses, parents, sa première réaction est de déverser sur eux ses instincts destructifs : il projette sur l’univers la portion agressive de sa [p. 130] libido et n’en garde que la portion voluptueuse. La réaction destructive constitue en effet une réaction de défense élémentaire, à caractère biologique et de finalité apparente.

19. — Le stade phallique et le masochisme. — Dans le développement ultérieur de la génitalité normale, celle-ci se concentre et se fixe sur les organes sexuels, verge et clitoris; mais la sexualité de cet âge, 4 ans, est encore ambivalente, les sensations génitales de l’enfant sont encore mêlées aux processus anaux et c’est à cette phase (et non pas plus haut, croyons-nous pour notre part) qu’il faut remonter pour trouver la racine du masochisme. A ce stade la génitalité s’est déjà concentrée, avec les premières masturbations, sur l’organe spécialisé, mais en même temps les impressions voluptueuses plus diffuses de la phase précédente ne se sont pas encore suffisamment estompées ; l’expérience analytique révèle qu’alors a lieu avec le plus de fréquence l’installation du paradoxe masochiste, l’association d’impressions voluptueuses et douloureuses, le couplage du plaisir et de la peine.

Nous ne suivrons pas le paradoxe de Soyka, pour qui tout amour est masochisme parce qu’il comporte l’abnégation de soi. Nous croyons que le masochisme naît à cette époque en réaction contre l’attitude active, personnelle, que la Vie va demander au sujet et comme un rappel lancé vers la phase précédente, où la passivité pouvait à elle seule être productrice de plaisirs. Mais nous savons que pour la plupart des analystes, c’est à la phase précédente, qui devrait selon eux s’appeler ano-sado-masochiste, que remonterait le plaisir dolorigène, l’algolagnie primitive. Nos recherches bibliographiques montrent à tout le moins les obscurités de la littérature psychanalytique sur ce point. Freud met le masochisme en relation avec la composante dolorifique qui accompagne toute tension instinctive arrivée à son acmé et qui vise à résoudre cette tension en la poussant à s’assouvir. Même en discutant les choses au point de vue théorique, on serait porté à s’étonner qu’une tension aussi douloureuse accompagne des sensations libidinales décrites comme diffuses. La co-existence fréquente du sadisme et du masochisme ne nous paraît pas signifier non plus qu’ils naissent forcément des mêmes causes et à la même époque. N’est- on pas convaincu, par exemple, que le narcissisme et [p. 131] l’homosexualité, si profondément liés, prennent leur origine à des phases différentes ?

C’est à cette phase phallique également, non d’indifférenciation sexuelle mais de sexualisation en devenir, de bisexualité relative, que se place théoriquement l’origine de l’homosexualité dans les deux sexes. Les fixations incestueuses normales apparaissent avec toute leur force aux stades d’organisation consécutifs de la libido (6).

20. — Les réussites et les ratages du développement libidinal. — Quand un individu a franchi les caps difficiles de la prépuberté et de la puberté et a réussi — le complexe d’Œdipe liquidé — à atteindre une sexualité, ou mieux une instinctivité normale, que sont devenus au cours du développement érotique, les seuls éléments constitutifs des phases sadique-anale et phallique que nous ayons retenus pour étayer notre démonstration, c’est-à-dire l’hédonisme excrétoire, la projection agressive, le masochisme et l’homosexualité élémentaires ?

Les sensations voluptueuses diffuses des phénomènes vitaux — agitation musculaire, absorption alimentaire, défécation — ont d’abord été localisées respectivement au corps entier, puis à la bouche, puis au segment ano-rectal de l’intestin; elles se sont maintenant rassemblées exclusivement sur les organes génitaux.

Le narcissisme a été surmonté par la découverte que la volupté est fournie par un objet situé non en dedans du moi, mais dans le monde des objets extérieurs et, les tendances incestueuses étant dépassées, cet objet est choisi en dehors du cercle familial.

Les tendances masochistes normales se subliment en instinct d’amour désexualisé et de charité, et en pratiques altruistes. Les tendances homosexuelles se sont transformées en un instinct de sociabilité, en un intérêt pour la communauté humaine.

En cas de névrose ou de psychose, ces transformations et [p. 132] liquidations des pulsions primitives ne se font pas, ou se font mal, ou une fois faites, se défont : dans ce cas, il y a rétrocession d’un stade érotique évolué à un stade qui l’est moins, les psychanalystes parlent de régression libidinale.

Bien que les manifestations cliniques et surtout leur thérapeutique ne soient pas tout à fait superposables quand il y a arrêt d’évolution et quand il y a involution, dans cet exposé forcément très rapide, nous en donnerons une esquisse d’ensemble, par rapport à ce qui se passe dans le syndrome d’interprétation-persécution.

La tradition psychanalytique use (on peut le regretter) de comparaisons commerciales, boursières, pour décrire les phénomènes apparus au cours de ces malfaçons du développement instinctif. Des mots empruntés à l’énergétique des physiciens comme la tension, la régulation, etc.. de Pierre Janet, eussent peut-être rendu les mêmes services de comparaison. Peut-être auraient-ils été moins imagés et moins nombreux. (Janet, lui aussi, a d’ailleurs parlé de « virements affectif »). Nous nous conformerons aux habitudes de l’école freudienne. Donc, il s’agirait toujours, dans les paranoïas comme dans les autres troubles mentaux, d’une mauvaise « économie » de la sexualité, d’une distribution imparfaite de la libido entre les divers ayants droit. Nous trouvons, dans ce groupe d’affections, une mauvaise répartition de l’énergie psycho-biologique, comme dit Pichon, ou bien, comme dit Freud, des investissements inégaux entre le moi ‘et le monde des objets. Les instincts de mort dont nous venons de parler et les instincts narcissiques reprennent une importance qu’ils devraient avoir définitivement perdue et nous pourrons maintenant caractériser rapidement les diverses formes de paranoïas, telles que nous les avons envisagées dans la première partie de cet article, à la lumière des principes que l’école freudienne admet actuellement (7) : « le principe de Nirvana, qui traduit la tendance des pulsions de mort; le principe de plaisir, qui plaide la cause de libido, et le principe de la réalité, modification du précédent sous l’influence du monde extérieur » (Freud, Le problème économique du masochisme). Pour nous faire comprendre, nous croyons nécessaire [p. 133] de rappeler auparavant quelques faits d’observation psychanalytique dont la valeur clinique nous a frappé : le caractère anal, la déception sociale de l’homosexuel qui s’ignore, enfin, l’intrication très fréquente des tendances homosexuelles et incestueuses.

21. — Le caractère anal. L’association homosexualité-inceste. La sociabilité déçue. — Le caractère anal a été isolé par Freud comme un fait d’observation. Il avait noté chez certains obsédés des traits de propreté scrupuleuse, d’avarice et d’entêtement qu’il a réunis en une triade symptomatique. La valeur caractèrelogique de cette triade a été reconnue par Abraham surtout, qui l’a longuement décrite. Ce caractère anal se retrouve à un degré très élevé dans le syndrome persécutif. Nous avons essayé, il y a quelques années, à propos de l’érotomane homosexuel dont nous avons déjà parlé, de synthétiser les recherches d’Abraham et d’autres psychanalystes sur ce point. Nous renvoyons pour le détail à la Revue française de Psychanalyse de 1929. Pour notre démonstration nous rappellerons seulement le goût de ces sujets pour les chiffres, les nomenclatures, assemblages et collections, leur rétention avaricieuse coupée d’impulsives générosités, l’énorme importance accordée aux fonctions digestives, à toutes leurs productions, intellectuelles ou autres, à l’ensemble de’ leur personne, leur autoritarisme, leur égoïsme, leurs scrupules, leur méticulosité, leur goût pour les opinions personnelles, leur prétention aux vues originales.

Notons aussi l’amour que ces sujets ont pour une juste balance des comptes et pour une justice exacte, leur goût de la perfection, un certain manque de perspective, qui est comme une myopie psychique vis-à-vis des êtres et des choses, une incapacité à hiérarchiser justement les divers éléments de la réalité.

On reconnaît bien des traits paranoïaques. Abraham fait dériver ces caractéristiques du plaisir que l’enfant prend à retenir ses matières, puis à les expulser brusquement. Il base, par exemple, l’homologie que les rêves lui révèlent, chez ses malades, entre l’or et les matières fécales sur le fait qu’à ce stade, l’enfant n’a d’autre production originale que ses matières et est poussé par son narcissisme (et souvent l’encouragement des parents) à leur accorder un grand prix. [p. 134]

L’association entre les tendances homosexuelles et les incestueuses est également un fait couramment constaté dans la clinique de l’adulte, et que nous allons retrouver. Le rôle d’un complexe d’Œdipe mal liquidé, avec fixation à la mère, est frappant chez la plupart des invertis, comme Hesnard l’a bien montré, et R. de Saussure a décrit des phénomènes identiques chez les homosexuelles. C’est pourquoi, au cours du délire de persécution, la projection freudienne de l’homosexualité s’accompagne si souvent d’une projection incestueuse qui se manifeste par des accusations d’inceste quand une des causes entre en jeu qui détermine la psychose : perte de l’objet, déception vitale, ou involution psychosique. On connaît le nombre de délires de la ménopause où les voix hallucinatoires accusent les dignes matrones qui en sont atteintes d’éprouver, pour leur fils adulte, des sentiments scandaleux. Plus encore que l’homosexualité, c’est l’association homosexualité-inceste qui nous paraît être à la base de la paranoïa.

Un troisième point aurait mérité à lui seul, une fort longue étude mais, dans un tableau d’ensemble comme celui que nous esquissons, il faut savoir se borner. Il aurait fallu analyser en détail le mécanisme par lequel le paranoïaque, selon la psychanalyse, entre en guerre avec une société à laquelle il a voué, au plus profond et au plus inconnu de lui-même, un grand amour. C’est dans la tendance homosexuelle, avons-nous dit, dans l’intérêt que l’homme porte à ses semblables que Freud voit l’origine de toute vie sociale et politique. On tirerait de ses aperçus la conclusion qu’il voit une opposition entre l’alvéole familiale, produit des instincts sexuels normaux, et la ruche sociale vers qui aboutiraient les tendances homosexuelles sublimées. Il y aurait à faire bien des objections, et peut-être quelques concessions, à ces vues originales.

Quoi qu’il en soit, beaucoup de psychanalystes pensent que l’homosexualité latente du paranoïaque souffre de ne jamais recevoir des autres hommes l’amour auquel elle aspire, et que c’est par déception, qu’elle déploie tant de haine contre autrui. L’agressivité narcissique du paranoïaque se transforme, par sociabilité déçue (Landauer) en attaques contre les autres hommes, choisissant pour cible justement le plus représentatif de [p. 135] l’amour qu’il avait formé et de la déception qu’il a éprouvée. Son amour s’inverse comme l’avait déjà fait au profond de l’inconscient sa sexualité. Sa haine n’est que le négatif de l’amour, lequel reste le seul sentiment original et positif, et nous retrouvons ainsi les décisives formules spinoziennes où sont synthétisées ces commutations psychiques fondamentales : « Cum rem nobis similem amamus, conamur, quantum possumus, efficere, ut nos contra amet » (Eth. pars XI, Prop. XXXIII) — « Si quis rem amatam odio habere incipit ita ut Amor plane aboleotur, eamdem majore odio, ex pari causa, prosequetur, quam si ipsam nunqualn amavisset, et eo majore quo Amor antea major fuerit » » (Prop. XXXVIII), etc.

22. — Le « ressentiment » paranoïaque: introjection, sur-moi et conscience sociale des persécutés. — Mais si le paranoïaque ressent si fortement les déceptions que procurent inévitablement certaines relations humaines, d’autres mécanismes psychologiques interviennent encore chez lui, plus particuliers à soi : cas que les régressions infantiles et les fixations incestuo-homo- sexuelles : c’est surtout une introjection démesurée, une introjection de la société tout entière.

Il faut rappeler succinctement ici une motion que Ferenczi a ajoutée aux idées freudiennes sur la projection. Il décrit, à propos du transfert, un phénomène inverse de la projection et dont le résultat est identique, c’est 1 introjection qui, comme la projection, aboutit à retirer au sujet la conscience d’un fait psychique qu’il n’arrive pas à supporter. Un sentiment intolérable peut être éliminé soit en étant reporté sur autrui, et c’est la projection, soit en étant « dilué » (Ferenczi) après refoulement dans l’inconscient, par assimilation totale avec les tendances du sujet : le processus de l’introjection est intervenu. Il y a là un exemple excellent de ce que Nietzsche, et après lui Max Scheler, ont décrit sous le nom de « ressentiment », le mot français étant pris par eux dans son sens étymologique de sentiment renvoyé, par choc en retour, à celui qui l’a originairement éprouvé.

La haine que le paranoïaque ressent envers autrui apparaît comme l’image reflétée de celle qu’il a pour lui-même. Il semble que chez les persécutés les diverses instances concourant à former la conscience morale — le sur-moi des psychanalystes — [p. 136] s’établissent de façon anormale. Le sur-moi de ces sujets est à la fois exigeant et imprécis. Leur sur-moi est d’autant plus sévère qu’il est plus vague et, c’est parce que l’idéal moral est placé dans des sphères inaccessibles que le sujet introjette cet idéal, se l’assimile complètement. Incapable de comprendre que ce qu’il réclame aux hommes est en réalité ce qu’il n’a pas pu se demander à soi-même, le paranoïaque substitue un idéal social défini à un idéal personnel indistinct. Il devient réformateur, revendicateur, justicier, parce qu’il n’a pas su se réformer ni devenir juste, et, pour exprimer le fait sous la forme la plus simple, nous dirons qu’il veut être un chef parce qu’il n’a jamais appris à obéir. L’imago paternelle n’a été qu’obscurément entrevue, elle a été soumise à l’introjection avant d’être bien saisie. On pourrait, en contraignant ces mouvements psychiques obscurs dans des définitions trop serrées, formuler que dans la folie persécutive le sur-moi tout entier est introjeté et que la sociabilité du persécuté est bâtie sur le ressentiment

(A suivre.)

[p. 137]

L’ÉVOLUTION DES IDÉES
SUR LA FOLIE DE PERSÉCUTION
CONCEPTIONS PSYCHIATRIQUE ET PSYCHANAL YTIOUE
DES PARANOÏAS

PAR

Paul SCHIFF

(suite et fin) (8)

TROISIEME PARTIE

VI. — QUELQUES VUES PSYCHANALYTIQUES
SUR LES FOLIES PERSÉCUTIVES.

Reprenons, en guise de conclusion, un certain nombre des « folies persécutives » dont nous avons donné l’énumération à la fin de la partie psychiatrique de ce travail et qui, au point de vue clinique, nous ont paru avoir suffisamment de traits communs pour justifier un groupement synthétique.

Dans le délire d’interprétation type Sérieux-Capgras, nous voyons à un très fort degré ces tendances à la systématisation que Freud et Abraham ont relevées parmi les caractéristiques du complexe anal, cet entêtement, ce goût de l’écriture et des petits papiers, cette propension aux arguties juridiques, aux placets, mémoires, etc. Sérieux et Capgras notent expressément la graphomanie de leurs malades. L’hypertrophie et l’hyperesthésie du moi, dans lesquelles Sérieux et Capgras voient la tare constitutionnelle, d’origine dégénérative, qui explique le délire d’interprétation, nous avons appris que la psychanalyse tend à en faire un trouble constitutionnel acquis, une [p. 138] régression au type libidinal narcissique. Ce type est caractérisé par une dérivation de l’énergie psychique, non vers les instincts objectaux (c’est-à-dire sociaux) et vers la libido objectale (c’est-à-dire l’instinct sexuel normal), mais vers des instincts égotistes de conservation : il y a, disent les psychanalystes, investissement exagéré du moi par la libido. D’où l’hypertrophie du moi, les idées de grandeur : la mesure est perdue qui permet à l’homme normal de proportionner son importance à celle de la société.

Le schéma n° 1, emprunté à Bohm, rend plus compréhensibles ces données, mais ne précise pas l’ordre chronologique dans lequel ces divers instincts apparaissent au cours du développement. Le schéma no II, établi par Abraham et repris par Lacan, complète le premier en ce qu’il montre l’aspect génétique de la libido selon les données psychanalytiques, en même temps qu’un aperçu des données des maladies psychiques causées par la fixation à telle ou telle étape (9).

Dans le délire de revendication, nous voyons les traits du caractère anal, à type juridique et processif, aussi forts que dans le cas précédent. L’exaltation égotiste est encore plus accusée, le moi narcissique de ces malades ressent, avec une force pour eux insupportable, la tension de contact social, mais il y a en outre une forte dérivation de l’énergie psychique générale par ces instincts de mort que nous avons vus, au cours de ce travail, être une des données originelles nécessaires de l’être vivant. L’agression, exagérément chargée d’énergie, entraîne ces malades dans des conflits sociaux bien plus graves que les interprétants, qui eux sont si souvent habiles à se glisser entre les difficultés et dont les représentants semi- adaptés à la vie sociale sont nombreux. Les interprétants purs sont rares à l’asile, disent Sérieux et Capgras : les revendicants à délires organisés, les quérulants, semblables au Michaël Kohlaas que créa le poète H. von Kleist, les persécutés, après avoir lassé cours de justice et prisons y sont d’autant plus fréquents. Un instinct dévié, mais sûr, les pousse à se détruire eux- mêmes et nous retrouvons ici cette extériorisation du [p. 139]

(1) Les folies dissociatives peuvent comporter des régressions à un ou plusieurs des stades 1 à 5.

[p. 140]

masochisme, ce masochisme « actif » pourrait-on dire, qu’est l’« auto- punition ».

Nous renvoyons sur ce point au rapport à la fois si complet et clair qu’Hesnard et Laforgue ont présenté sur ce sujet, en 1930, à la Société de Psychanalyse. L’autopunition est un phénomène très général et qui déborde de beaucoup le cadre de la folie de persécution, mais son rôle ne saurait pourtant y être négligé. Chez les paranoïaques, disent Hesnard et Laforgue, « dans tous les processus de leur refus sexuel, le premier rôle appartient à la défense contre les pulsions coupables, défense qui a commencé de façon latente au stade infantile des aspirations œdipiennes… Ce qui actionne la projection, c’est un puissant système sadomasochiste, indéfiniment néo-productif qui aboutit à supprimer toute activité érotique d’abord, sociale ensuite, sous prétexte que des ennemis s’acharnent sur le sujet, le surveillent, le traquent, le torturent. Un délire de persécution, vu par l’inconscient, est une vaste entreprise destructive, aux aspects extérieurs méconnaissables, qui supplante peu à peu toute sexualité, puis toute activité utile. »

Ces considérations s’appliquent particulièrement bien aux paranoïaques dont la revendication est allée jusqu’à la solution meurtrière du conflit, et Lacan désigne le cas d’Aimée, criminelle délirante qui sert de base à sa thèse, comme une « paranoïa d’auto-punition ».

Dans les délires de jalousie morbide, nous voyons souvent de façon très expressive, la façon dont le conflit homosexuel latent est actualisé. Nous avons rappelé le cas rapporté par Minkowski, d’une ouvrière qui accusait son mari d’actes homosexuels avec son amant à elle, et qui avait manifesté des idées délirantes où apparaissait la résistance contre sa propre homosexualité.

Le délire de jalousie des alcooliques a, chez les hommes tout au moins, une base analogue. On a remarqué il y a longtemps que chez beaucoup d’alcooliques ce qui les attire dans la vie de café, c’était moins la présence du toxique que celle de compagnons du même sexe. Ils y vont pour trouver de l’alcool, disent-ils, en réalité des amis et, plus profondément, pour fuir la relation hétérosexuelle.

A la suite d’une conférence du docteur Lœwenstein sur « un [p. 141] cas de jalousie pathologique », nous avons signalé que l’alcoolisme est souvent la conséquence et non la cause de l’impuissance sexuelle, il est un prétexte pour s’éloigner de la femme, et nous indiquions la fréquence avec laquelle le délire de jalousie des alcooliques prend une forme incestueuse. M. Mignot, à la consultation des alcooliques de l’hôpital Henri-Rousselle, a également noté la fréquence avec laquelle ce délire de jalousie porte sur les membres de la famille : le sujet soupçonne un fils, un gendre, un beau-père, de liaisons incestueuses avec l’épouse. Il y a là un excellent exemple de la coexistence des tendances homosexuelles et incestueuses dont nous avons parlé et qui s’explique par leur intrication chronologique au cours du développement libidinal infantile. Notons que tous les cas de délire de jalousie cités par Kraepelin dans son Traité sont de type brutalement incestueux.

Cette intrication, nous la retrouvons au chapitre des délires dits passionnels. Quant on relit les comptes rendus de la très intéressante discussion qui eut lieu à la Société Médico-Psychologique en 1926, et en 1927, à la suite d’une communication de MM. Laignel-Lavastine et Delmas, on ne manque pas d’être frappé par le caractère paradoxal des faits de « passion » qui y sont rapportés. Rien n’est plus éloigné de la passion au sens courant du mot que les actions ou tentatives criminelles sur lesquelles porte l’investigation des auteurs. Car il s’agit d’un chapitre de la psychiatrie médico-judicaire, et il n’y est question que de crimes froidement perpétrés, de rages concentrées, de cruautés étranges exercées particulièrement dans le cercle de famille (cf. le livre de Gilbert Robin). Ici l’on est forcé de croire qu’on se trouve en présence de fixations homosexuelles et incestueuses anciennes et fortement refoulées, où le coefficient de la haine mesure celui de l’amour et qui remontent à une époque où la connaissance des intérêts objectaux ne dépasse pas le domaine familial.

Dans les diverses observations qui ont été rapportées au cours de ces discussions, le caractère incestueux ou familial de ces crimes passionnels est très marqué. La malade de Laignel-Lavastine et Delmas, le malade de Dupain, sont des «  bourreaux domestiques » type Heuyer, des « dictateurs familiaux » d’Abraham, mais de grande envergure, le revolver chargé à portée [p. 142] de main. La malade de Leroy accusait son mari d’avoir des relations incestueuses avec sa sœur. Celle de J. Charpentier accusait son mari de relations incestueuses avec leur fille. De même, celle de Capgras qui, après une rumination de douze années, « remplit un saladier d’essence, le renverse sur sa fille, allume les vêtements et, impassible, regarde la malheureuse flamber comme une torche ». Elle accusait de relations incestueuses cette fille et son mari, père de l’enfant.

Dans les délires érotomaniaques, le platonisme est très fréquent au début, à la phase d’amour. La sexualité accuse ainsi son caractère d’inversion, en ne devenant manifeste qu’après la commutation affective secondaire, c’est-à-dire à la phase de haine. L’Objet est un représentant incestueux, reine, actrice, « star » de cinéma (10), médecin, prêtre, voire le pape comme dans un cas de Dupouy et Picard : l’objet y est admirablement choisi par le sujet pour symboliser, par l’intervalle social et religieux maximum qui les sépare, la perspective dans laquelle l’enfant lilliputien voit le père gullivérien.

On saisira, sans que j’y insiste, les développements auxquels peut donner lieu dans le détail des faits cliniques cette conception de la psychose érotomaniaque. Signalons comme en rapport avec le caractère digestif-anal les longues ruminations et les atermoiements des érotomanes. Et indiquons que la petite érotomanie imaginative, chez des normaux, est en rapport avec un automatisme narcissique qui compense le sentiment d’infériorité et de faiblesse. Elle est en rapport aussi avec une agressivité « en retour » et avec des tendances égotistes d’auto-destruction qu’on retrouve dans le sommet érotomaniaque d’Arvers.

Les délires de filiation supposée peuvent montrer ouvertement — Capgras et Carrette l’ont signalé — la tendance incestueuse. Nous n’insistons pas sur l’idée narcissique de grandeur qu’ils comportent toujours.

Les hypocondriaques, enfin, appartiennent davantage, comme Delmas l’a récemment rappelé, au groupe des persécutés — qu’ils semblent ne pas être — et sont à séparer des mélancoliques, [p. 143] auxquels ils voudraient ressembler. On sait la prévalence, chez eux, des troubles digestifs et l’intérêt apporté aux productions excrétoires, leurs manies collectionnantes, leur goût des chiffres, leurs accumulations d’ordonnances, leurs listes de revendications. Un cas d’Hesnard montre le rôle des désirs incestueux.

Pour terminer, les psychasthéniques persécutés. Il en existe un bel exemple littéraire, qui a éclairé la clinique : le « Salavin » de Georges Duhamel. Cette créature spirituelle d’un écrivain est si vivante que nous avons eu une fois une sorte de vertige à voir entrer dans notre cabinet, en compagnie de sa mère, un pauvre hypocondriaque persécuté dont l’histoire répétait jusqu’aux détails celle de Salavin et dont le type physique même réalisait la création littéraire. On trouve chez Salavin un tableau de ce type persécutif : la faiblesse psych logique, l’impulsivité agressive orale contre le père, le délire d’accusation contre autrui mêlé à l’accusation contre la société, le délire de rédemption, de salvation universelles, le goût du collectionnisme et de l’accumulation, le repliement sur soi, le besoin d’appropriation et d’utilisation des vieux objets, la sexualité réduite, la fixation à la mère et à la sœur, la fuite devant la femme, les préoccupations digestives et anales (11). La vérité clinique du personnage inventé par Georges Duhamel est si frappante que des psychiatres hollandais appellent aujourd’hui les malades de cet ordre des « Salavin-Typus ».

Un argument important qui plaide pour l’autonomie des folies persécutives en tant que groupe morbide, c’est la fréquente intrication des syndromes que nous venons d’énumérer et qui sont encore, pour tant d’auteurs, des maladies bien séparées. Érotomanie et revendication, interprétation et quérulance, jalousie et délire de grandeur, persécution avec explosion passionnelle, etc. sont parmi les combinaisons que nous offre journellement la clinique.

*
*    *

Dans cet exposé nous n’avons pu tracer que des lignes [p. 144] très générales, nous avons cherché surtout à faire se rejoindre des vues psychanalytiques et des vues psychiatriques. Nous ne ferons donc qu’indiquer, en terminant, l’intérêt de la psychanalyse pour la médecine légale et pour la thérapeutique de la paranoïa.

Au point de vue médico-légal, la distinction d’Alexander et Staub, reprise par Guiraud, entre les crimes du Moi et les crimes du Soi éclaire, croyons-nous, bien des obscurités qu’on rencontre dans les crimes paranoïaques et dans ces crimes « passionnels » incompréhensibles, longuement médités, exécutés avec une brusque sauvagerie et si disproportionnés — point sur lequel insiste M. Capgras — avec leur motivation avouée. Nous avons eu récemment la rare fortune de pouvoir psychanalyser pendant six semaines l’auteur d’un de ces crimes à première vue incompréhensibles. Nous avons été assez heureux pour trouver par cette psychanalyse des données qui rapprochaient les motifs criminels, avoués mais mystérieux, d’autres motifs réels plus humains et de portée générale. Les précisions que nous avons obtenues ont eu la faveur d’être retenues par les experts.

Enfin, malgré les conclusions pessimistes de Freud et Ferenczi sur le traitement psychanalytique de la paranoïa, des cas, comme ceux de Bjerre, d’Adolf Meyer, d’Henry Flournoy, de sur le traitement psychanalytique de la paranoïa, des cas les seules notions de contact affectif et de transfert nous aident à mieux comprendre cet apaisement si précieux que nous avons vu souvent M. Capgras obtenir chez les paranoïaques qui venaient exposer leurs doléances à sa consultation spécialisée d’Henri-Rousselle, il y a quelques années.

En résumé, nous voyons que la psychanalyse corrobore de son côté le travail de refonte et de reconstruction auquel la psychiatrie d’après-guerre a voulu soumettre la paranoïa classique, celle de Sérieux-Capgras et de Kraepelin. Elle croit y avoir découvert quelques mécanismes et quelques thèmes essentiels et les retrouve dans tous les cas, étudiés par elle, où se manifeste une systématisation d’idées de persécution.

Elle nous oblige ainsi à réunir à nouveau des états psychopathiques [p. 143] que le travail de plus d’un siècle avait petit à petit tendu à distinguer et à dissocier. Mais loin d’obscurcir par là le problème, il nous semble qu’elle contribue à le clarifier. Le travail psychanalytique se manifeste à un moment où la discrimination et la catégorisation des délires paranoïaques a été poussée à sa limite extrême. La doctrine psychanalytique s’estime assez avancée sur ce point pour tenter une démarche intellectuelle différente, elle essaye de joindre à ce long travail de dissociation et d’analyse une tentative de synthèse. Mais en matière de paranoïa, comme en toute autre, la psychanalyse n’a pas la naïveté de croire qu’elle apporte une solution définitive au problème qui est posé. Ce problème des états paranoïaques, elle n’a pu l’étudier que dans un trop petit nombre de cas et, d’autre part, les psychiatres de l’école classique, qui ont un grand matériel clinique à leur disposition, ont jusqu’à présent refusé, par ignorance ou par principe, d’utiliser les explications psychanalytiques.

Nous sommes persuadé que le moment viendra où les partisans des deux tendances se rejoindront : les psychiatres se rendront compte à quel point les données analytiques peuvent éclairer la pratique quotidienne de leur science, les analystes comprendront la nécessité de contrôler leurs déductions par des statistiques d’observations sur de nombreux sujets. Ce sera le travail d’une jeune génération psychiatrique, sinon psychanalyste et psychanalysée elle-même, du moins bien informée de la psychanalyse et assurée de son utilité.

Notes

(1) Signalons, pour terminer ce chapitre, que Kraepelin a tenu à individualiser dans la suite, à côté de la démence précoce paranoïde, une forme avec hallucinations réduites et dissociation profonde, thèmes délirants fantastiques la paraphrénie — et que le professeur Claude, il y a une dizaine d’années, a distingué dans la forme paranoïde de la démence précoce deux variétés : la démence paranoïde hébéphrénique, qui correspond à la paranoïde vraie de Kraepelin, et la psychose paranoïde schizophrénique, qui recouvre en partie la paraphrénie. M. Claude oppose point par point ces deux psychoses paranoïdes à la psychose paranoïaque.

(2) On pourrait dire aussi : de dénégation. Dans une même tendance explicative plus que descriptive, Freud parle de projection, Hesnard d’altruisation, Pichon de ségrégation.

(3) (1) Tous les auteurs, disons-nous. Nous regrettons particulièrement qu’une disparition douloureusement imprévue, nous prive aujourd’hui de l’opinion dernière de M. de Clérambault. Dans d’aimables entretiens qu’il voulut bien nous accorder, sur ces sujets et d’autres, à plusieurs reprises et encore peu de mois avant sa mort, M. de Clérambault nous a paru avoir atténué sa conception d’un automatisme psychique d’origine neurogène et primitivement « anidéique et neutre ». En tout cas, M. de Clérambault reconnaissait dans l’automatisme constitué une extériorisation de la vie mentale secrète.

(4) Voir L’Hygiène m117entale, mai 1935.

(5) C’est à propos de la paranoïa que Freud est arrivé à la notion de la projection, mais on voit quelle est l’étendue de son domaine et combien elle touche à la conversion de l’hystérique, à l’illusion de l’influencé, à l’hallucination du délirant chronique, même aux dissociations du schizophrène.

(6) C’est à dessein que dans ce travail à tendance de comparaison clinique, nous omettons de discuter des distinctions psychanalytiques plus fines, encore hypothétiques, sur les différentes phases du développement libidinal ; phase orale, primaire et secondaire, phase uréthrale, sadisme primaire et secondaire, masochisme primaire et secondaire. Nous ne discuterons pas les rapports de la phase phallique avec les complexes d’Œdipe, de castration, les phantasmes-infantiles de naissance, la période de latence, etc.

(7) A l’exception de Wilhelm Reich et de ses tenants, fidèles à l’ancienne division freudienne entre les pulsions sexuelles et les pulsions du moi.

(8) Voir L’Hygiène mentale, mai et juin 1935.

(9) Nous avons introduit quelques modifications de détail dans les schémas originaux, afin que leur nomenclature fût en concordance avec la nôtre.

(10) « Je suis le ver de terre amoureux d’une étoile », dit un érotomane dont la mégalomanie narcissique sut abolir la distance qui le séparait de l’Objet.

(11) Voir l’article de CODET et LAFORGUE dans le numéro de L’Hygiène mentale consacré au « Cas Salavin ».

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