Maurice Macario. Des rêves considérés sous le rapport physiologique et pathologique. Partie 1. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), tome II, 1846, pp. 170-218.

Maurice Macario. Des rêves considérés sous le rapport physiologique et pathologique. Partie 1. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), tome II, 1846, pp. 170-218.

 

Article paru en deux partie, la seconde : Les rêves pathologiques, 1847, également sur notre site. Ces deux articles sont le ferment de l’ouvrage qui paraîtra quelques années pus tard, en 1857 (voir ci-dessous).

Maurice-Martin-Antonin Macario (1811-1898). Médecin aliéniste qui participa aux fameux débats des années 50 sur les hallucinations avec Lélut et Brierre de Boismont, il mobilisa son attention et ses recherches également sur les rêves. Elève de Leuret il proposa comme thérapeutique de la démonomanie, un traitement moral énergique. Nous avons retenu de ses nombreuses publications :
— Etude clinique sur la démonomanie. Article parut dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), tome I, 1843, pp. 440-485. [en ligne sur notre site]
— Du traitement moral de la folie. Paris, Rignoux, 31 janvier 1843.
— Des hallucinations.] in « Annales médico-psychologiques », (Paris), tome VI, 1845, pp. 317-349, et tome VII, 1846, pp. 13-45.
— Des hallucinations. Pars, Fortin Masson et Cie, 1846.
— Des rêves considérés sous le rapport physiologique et pathologique. Partie 2. Rêves pathologiques. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), tome I, 1847, pp. 27-48. [en ligne sur notre site]
— Du sommeil, des rêves et du somnambulisme dans l’état de santé et de maladie, précédé d’une lettre de M. le Dr Cerise. Lyon et Paris, Perisse frères, 1857. 1 vol

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyé la note originale de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 170]

DES RÊVES
CONSIDÉRÉS
SOUS LE RAPPORT PHYSIOLOGIQUE ET PATHOLGIQUE.
par
LE Dr M. MACARIO

Toutes les fois que Michel-Ange passait devant Santa Maria del Fiore, il s’arrêtait pour contempler le dôme magnifique, et il s’étonnait de voir les Florentins passer, sans l’admirer, devant cet immortel chef-d’œuvre de Bruneleschi.

J’éprouve un étonnement semblable à celui du divin artistes, lorsque je vois éprouver habituellement avec une complète indifférence un des phénomènes psychiques les plus merveilleux : je veux parler des rêves. La philosophie et la médecine pourrait peut-être en tirer des enseignements précieux ; car l’étude des facultés de l’entendement, considéré dans leurs diverses manifestations, est une source féconde de résultats utiles et à la science et à l’humanité.

Dès que le sommeil appesantit nos paupières, et que nos sens se ferment plus ou moins complètement aux impressions du monde extérieur, les songes, ces productions fantasques de l’imagination, nous assiègent aussitôt ; il prolongent est doublent notre existence. Tantôt clairs c’est précis, tantôt vagues et fugitifs, ils agitent sans cesse l’âme d’affections diverses, sans la participation actuelle des sens extérieurs ; lorsque nous croyons ne pas avoir rêvé, c’est que nous en avons perdu le souvenir.

Une condition indispensable pour que les rêves soient sensibles, c’est un sommeil léger. Sort cela de rêve, ou [p. 171] du moins, pour parler d’une manière plus conforme à nos idées, les rêves sont comme non avenus pour celui qui les a fait. C’est ainsi que le somnambule, plongé dans un sommeil de plomb, ne conservent aucune souvenance des perceptions de la nuit.

Entre ces deux extrêmes, il est une foule de nuances de songes plus ou moins nettement définis, plus ou moins vagues bien et obscures, suivant le degré de profondeur ou de légèreté du sommeil.

D’autres fois, les rêves font une telle impression sur notre esprit, que nous en conservons le souvenir, non pas comme une chose rêvée, mais comme mode de la réalité elle-même : en d’autres termes, nous perdons la conscience d’avoir rêvé, mais le sujet du rêve reste profondément gravé dans notre mémoire, au point que le jugement l’apprécie comme un événement qui nous aurait réellement affectés.

On comprendra maintenant pourquoi les physiologistes affirment que les rêves sont nuls dans le premier sommeil, ils sont fréquents, au contraire, pendant le dernier qui se montrent aux approches du jour. Dans le premier cas, ils sont dans l’erreur ; car, comme nous l’avons dit, les rêves ne manquent pas, seulement les sens plongés dans un profond repos sont incapables de traduire d’une manière sensible les opérations de notre âme.

D’après ces considérations, nous sommes donc en droit de conclure que la vie intellectuelle ne cesse pas par le fait du sommeil. Et comment en serait-il autrement ? Comment concevoir qu’un principe immatériel et essentiellement actif tel que l’âme puisse demeurer inerte et obéir aux lois qui régissent la matière ? Le principe immatériel qui veille en nous ne serait jamais s’éclipser même pendant le sommeil du corps ; car dans le sommeil le plus profond, l’âme est toujours active, toujours sentante, toujours pensante, et les sens externes ne lui sont nullement indispensable pour manifester sa puissance. Il n’est [p. 172] donc pas vrai de dire avec Brillat-Savarin que l’âme pendant le sommeil et comme le pilote pendant le calme, comment un miroir pendant la nuit, comme à luth dont personne ne touche, attendant de nouvelles excitations : mais il serait plus conforme à la vérité d’assurer, avec le compte Redern, qu’Il ne cesse jamais d’agir, et la preuve en est que tout homme arrachés à son premier sommeil et pauvres la sensation de celui qu’on trouble dans une opération à laquelle il serait sérieusement occupé.

Les formes des rêves reflètent les idées générales qui dominent dans chaque siècle ; partant on pourrait en quelque sorte esquisser l’histoire de l’humanité par celle des songes dont le caractère rappelle les opinions qui ont successivement régné dans le monde, éclaté sous l’influence des événements qui s’y sont succédés. Ainsi dans les premiers à la création, les rêves étaient aussi simples que les mœurs, ils roulaient presque exclusivement sur des sujets religieux, car dans ces temps primitif, Dieu, selon l’écriture, avait coutume de se montrer, de se révéler aux habitants de la terre : dès lors ces esprits frappés de ces apparitions voyaient en songe les objets de leurs préoccupations, ils se guidaient d’après les inspirations qu’Ils en recevaient, convaincu qu’ils étaient de leur réalité.

Dans les temps héroïque, lorsque la religion de nos pères se dégrada, s’effaça et disparut presque complètement, et que le paganisme se répandit dans le monde, les rêves changèrent de forme et de caractères : ce furent alors les dieux du polythéisme qui envahirent le sommeil des humains. D’après les récits des poètes, la croyance publique des peuples païens, les dieux partagent les passions de l’humaine nature, ils descendent sur la terre et viennent de combattre auprès des guerriers, seconder les entreprises les entreprises brigands et des voleurs, et parfois ils ne dédaignent pas de se mêler, de se confondre avec les filles des hommes. Les rêves durent refléter ces croyances et ces récits dont les imaginations étaient frappées. [p. 173]

Le christianisme eut la gloire de vaincre les influences les traditions païennes ; loin d’être déifiées, les mauvaises passions furent honnies et méprisées, une morale plus pure fut proclamée, les sentiments s’élevèrent, la face du monde changea, une nouvelle civilisation envahit la société entière.

La lutte du nouveau monde contre l’ancien ne fut cependant pas sans effort. Ça est là on vit encore des ténèbres de l’ignorance et de la barbarie obscurcir parfois le soleil naissant de la civilisation chrétienne. De là les préjugés, le fanatisme et les superstitions de toutes sortes qui ont signalé les premières phases de la société nouvelle. Les rêves passèrent successivement pas toutes ces phrases diverses : on rêva d’abord magie et sorcellerie, anges et démons ; mais au fur et à mesure que l’ignorance se retirait, les songes revêtir d’autres formes qui reflétaient toujours les idées ou les croyances dominantes. Toutes les fois, en effet, que la société fut travaillée par des pensées fortes et énergique, ces mêmes pensées se reproduisaient dans les rêves. C’est ainsi qu’au temps des croisades, lorsque la foi était robuste et vivace, des fantômes nocturnes paraissait aux hommes d’un tempérament ardent et d’une nature chevaleresque, et les excitants à ruer l’Occident sur l’Orient, dans le but d’arracher au mécréant le tombeau sacré. Ces hommes à puissante imagination remuaient ciel et terre pour réaliser et accomplir les inspirations de leur songes. C’est ainsi qu’au temps de la Terreur en France, les cachots et la potence étaient le sujet de tous les rêves.

Il existe donc des rapports intimes entre l’état actuel de l’intelligence et les songes, et partant il est vrai de dire qu’en thèse générale, le berger rêve troupeaux, le chasseur rêve gibier, le guerrier rêve combats et le marin la mer.

Cette règle souffre cependant de très nombreuses exceptions. Les rêves tiennent quelquefois au travail des organes de la digestion, ou à la gêne du centre circulatoire et des gros vaisseaux. [p. 174] Les idées pénibles et les sentiments qui les accompagnent peuvent dans ce cas n’avoir aucun rapport avec ce qui, pendant la veille, nous avez le plus préoccupé. L’esprit s’élance alors dans un monde de fantastique, idéal ; là tout est nouveau, étrange, bizarre, capricieux, monstrueux. Ce sont des objets inouïs, grotesques, hétéroclites, impossibles qui frappent nos regards ; ce sont des cadavres, des animaux qui vous adressent la parole ; des fleurs, des arbres qui s’animent et se meuvent, et, chose remarquable, ces phénomènes extraordinaires ne nous étonnent pas. C’est que le jugement est la réflexion sont alors suspendus ; ils ne président plus à l’association des idées, qui se mêlent, se combinent, se dégagent sans suite et sans ordre comme au hasard ; de là la bizarrerie les images, l’incohérence des idées, l’étrangeté de conception on remarque dans les songes.

La sensibilité de physique et morale dans les rêves et souvent modifiée d’une manière remarquable. Les peines et les douleurs qu’on éprouve dans cet état sont beaucoup plus vives et plus grandes que les peines et les douleurs de la veille. C’est au point qu’on peut, en pareil cas, se réveiller tout brisé de fatigue, toute trempé de sueur, ou tout mouillés de larmes. De même les plaisirs et les joies des songes sont infiniment supérieurs à ceux de la vie réelle. « Il n’y a que peu de moi, dit Brillat-Savarin, que j’éprouvais en dormant une sensation de plaisir tout à fait extraordinaire. Elle consistait en une espèce de frémissement délicieux de toutes les parties qui composent mon être. C’était une espèce de fourmillement plein de charmes qui, partant de l’épiderme depuis les pieds jusqu’à la tête, m’agitait jusque dans la moelle de os. Il me semblait avoir une flamme violette qui se jouait autour de mon front.

Lambere flamma comas et circum tempora pasci.

« J’estime que cet état, que je sentis bien physiquement, [p .175] durera au moins trente secondes, et je me réveillai rempli d’un étonnement qui n’était pas sans quelque mélange de frayeurs. De cette sensation, qui est encore très présente à mon souvenir, et de quelques observations qui ont été faites sur les extatiques et sur les nerveux, j’ai tiré la conséquence que les limites du plaisir ne sont encore connues, ni posées, et qu’on ne s’est pas jusqu’à quel point notre corps peut-être béatifié. J’ai espoir que dans quelques siècles la physiologie avenir s’emparera de ces sensations extraordinaires, les procurera à volonté comme on provoque le sommeil par l’opium, et que nos arrière-neveux auront par là des compensations pour les douleurs atroces auxquelles nous sommes quelques fois soumis (1).

L’espoir et les pressentiments de Brillat-Savarin ce sont enfin réalisés. La hachisch détermine des sensations de plaisir et de joie ineffables qui n’ont rien de pareil dans la vie réelle.

Avant de donner la théorie, d’expliquer le mode de production des songes, afin d’introduire plus de clarté et plus de méthode dans notre travail, nous allons les diviser en trois classes parfaitement distinctes : dans la première, nous rangerons les rêves que nous appelons sensoriaux intra-crânien ; dans la seconde, les rêves sensoriaux extra-crânien ; dans la troisième, les rêves psychiques ou intellectuels. C’est trois classes de rêve peut se présenter à l’état morbide et donner ainsi lieu à une division générale en rêves physiologiques et en rêves pathologiques. Ces derniers sont toujours provoqués ou entretenus par un travail pathologie latent ou apparent.

Cette classification n’est pas arbitraire. Elle est fondée sur la nature intime des choses, et nous verrons que la théorie varie et diffère dans chacune de ces classes. [p. 176]

RÊVES PHYSIOLOGIQUES

I

RÊVES SENSORIAUX INTRA-CRANIENS

(Rêves-hallucinations.)

Les rêves qui forment cette classe sont analogues, identiques aux hallucinations sensoriales. Dans l’un et dans l’autre cas, en effet, le phénomène est le même. Dans l’un et dans l’autre cas, il y a spontanéité de l’action du cerveau ; dans l’un et dans l’autre cas, c’est la pensée qui s’image, qui se concrète, qui se matérialise. Dans les rêves comme dans les hallucinations, l’âme se replie, ce réfléchit sur elle-même. Elle acquiert, comme je l’ai dit ailleurs, un sens si exquis, une sonorité telle, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, qu’elle devient l’écho de nouvelles sensations qui viennent prendre place au foyer de son intelligence, malgré l’absence de toute impression sensoriale. (2) Et cela est si vrai, que parfois les perceptions du sommeil se prolongent pendant la veille et dégénèrent ainsi en véritables hallucinations.

Un médecin, affligé de la maladie d’un de ses enfants, s’endort dans son fauteuil, et voit en rêve la figure d’un babouin gigantesque. Il se réveille tout effrayé, se promène dans sa chambre : il est bien réveillé, et pourtant il aperçoit encore distinctement pendant une demi minutes environ le babouin faisant les mêmes grimaces que dans son rêve.

Une veuve entends pendant trois nuits consécutive une voix qui lui dit : « Tue tapis. » Elle résiste d’abord et chasse ces pensées en se réveillant ; mais l’idées ne tarde pas à devenir fixe, Elle persistent pendant la veille : ces paroles homicides retentissent sans cesse à son oreille, et l’infortunée immole son enfant. [p. 177]

La théorie des rêves sensoriaux intra-crâniens est donc exactement la même que celle des hallucinations sensoriales. Ils se produisent sous l’influence d’une modification moléculaire encéphalique, ou plutôt d’une vibration des fibres cérébrales qui correspondent aux nerfs sensoriaux, car les filets nerveux, comme l’observe Malebranche, peuvent être ébranlés par leurs bouts extra-crâniens : on perçoit alors les sensations ordinaires ; ou bien par leurs bouts intra-crâniens : c’est le cas de ces rêves et des hallucinations où l’âme perçoit des sensations malgré l’absence de toute impression sensoriale.

La seule différence qui existe entre ces deux phénomènes, c’est que les rêves ont lieu clans le sommeil, c’est-à-dire dans un état qui suspend l’action des organes extérieurs, qui modère à différents degrés celle de plusieurs organes intérieurs et les impressions qu’ils reçoivent et augmente parfois la sensibilité et la force d’action de quelques-uns ; tandis que, dans les hallucinations, les organes externes et internes continuent, tout en percevant de fausses sensations, à exercer leurs fonctions. En d’autres termes, ils ne sont point endormis comme dans les rêves, mais ils veillent.

Une autre particularité rapproche encore les rêves des hallucinations. On sait que certains hallucinés apprécient parfaitement l’état actuel de leur intelligence et attribuent, comme nous le ferions, leurs hallucinations au dérangement de leurs facultés intellectuelles. De même, dans les rêves, il nous arrive assez souvent de faire réflexion que nous sommes le jouet d’un songe, surtout si ce songe est par trop redouté ou par trop désiré.

On a remarqué que les rêves qui se rapportent aux sens de la vue, de l’ouïe et du toucher, sont bien plus fréquents que ceux du goût et de l’odorat. « Il est très rare, dit Brillat-Savarin, que les sensations qu’on éprouve en rêvant se rapportent au goût et à l’odorat. Quand on rêve d’un parterre ou d’une prairie , on voit des fleurs sans en sentir le parfum ; si l’on croit [p. 178] assister à un repas, on en voit les mets sans en savourer le goût. Ce serait, ajoute-il, un travail digne de plus savants, que de chercher pourquoi deux de nos sens n’impressionnent point l’âme pendant le sommeil, tandis que les quatre autres (le quatrième donc vous parler Brillat-Savarin est le sens génésique) jouissent de presque toute leur puissance. Je ne connais aucun psychologue qui s’en soit occupé. »

Et bien ! Nous avons donné la raison de ce phénomène en parlant des hallucinations (3) ; la voici : c’est par ce que les sensations du goût et de l’odorat sont bien moins déterminées, bien moins définies, bien moins précise par les ici du langage que des sensations de la vue, de l’ouïe et du toucher. M. Cerise a démontré d’une manière péremptoire la nécessité de l’intervention des signes du langage dans la production des sensations . (4) Or, il est, ce me semble, de la dernière évidence que si les signes qui servent a désigner les sensations du goût et de l’odorat sont obscurs et mal déterminés, les idées que ces signes traduisent doivent nécessairement être vagues et confuses, est partant leur expression ou leur traduction plus difficile, plus rare et plus de sculpture. C’est précisément ce qui a lieu dans les rêves et les hallucinations du goût et de l’odorat.

De tous les signes, les plus précis sont ceux qui désignent les sensations de la vue. Aussi les perceptions du sommeil, qui se rapporte à cet organes sont-elles les mieux dessinées. Celle de l’ouïe le sont un peu moins, par ce que les signes qui les traduisent sont déjà plus obscurs. En effet, les sons et les voix que l’on entend dans les rêves sont en général purement psychiques, et ce n’est que d’une manière exceptionnelle qu’il devienne réellement sensoriaux pendant le sommeil. Les sensations du toucher, enfin, sont assez bien tranchées ; cela tient [p. 179] surtout à ce que la sensibilité devient merveilleusement exquise pendant le sommeil, ainsi que nous aurons l’occasion de le démontrer plus tard,

L’âge a une influence marquée sur la nature de ces songea. « Dans l’enfance , on rêve jeux, jardins, fleurs, verdure et autres objets riants ; plus tard, plaisirs, amour, combats, mariage ; plus tard, établissements, voyages, faveurs du prince ou de ses représentants ; plus tard , enfin, affaires, embarras, trésors, plaisirs d’autrefois et amis morts depuis longtemps (5). »

Le caractère et le tempérament individuels doivent aussi, pour la même raison, influer sur la nature oppressive ou expansive des rêves. L’homme gai et joyeux aura des rêves agréables et charmants, et le mélancolique des rêves tristes et lugubres. Le sommeil de l’homme timide et pusillanime sera troublé par des songes terribles et effrayants, et le brave rêvera exploits immortels et gloire.

Pendant le sommeil, les sens n’entrent pas tous en même temps et au même degré dans l’inertie. « Au moment où le sommeil commence, dit Brillat-Savarin, les organes des sens tombent peu à peu dans l’inaction. Le goût d’abord, la vue et l’odorat ensuite ; l’ouïe veille encore, et le toucher toujours, car il est là pour nous avertir par la douleur du danger que le corps peut courir. » Cullen avait déjà démontré qu’au début et pendant toute la durée du sommeil, les divers organes peuvent ne s’assoupir que successivement ou d’une manière très inégale, et que l’excitation partielle des points du cerveau qui leur correspondent, en troublant l’harmonie de ses fonctions, doit alors produire des images irrégulières et confuses qui n’ont aucun fondement dans la réalité des objets.

Ce n’est pas là la cause unique de l’irrégularité des images et de l’incohérence des idées dans les songes. Nous avons vu que le degré plus ou moins profond, plus ou moins léger du sommeil [p. 180] influe puissamment sur la netteté ou sur le vague des songes et même sur leur oubli complet. Supposons, en effet, que nous pensions alternativement d’un sommeil léger à sommeil profond et vice versa, il est évident que les rêves suivront ces alternatives et seront tantôt  claire et lucide tantôt obscures et fugaces ou même le nuls, ou plutôt insensible ; et, comme les rapports de temps et d’espace ne sont pas conservés dans les songes, il s’ensuit que toutes ces images, toutes ces idées vagues ou lucides s’associent, se mêlent, se confondent et forment des assemblages étonnants de bizarrerie, d’étrangeté, de chimères et d’incohérence ; et cela doit être, puisque l’unité de temps et de lieu qui marque et classe les événements par ordre chronologique est effacée.

Tous les hommes indistinctement, n’importe à quel rang de la société ils appartiennent, sont également sujets aux rêves qui composent cette première classe. Cela se conçoit facilement, car les idées auxquelles ils se rapportent sont des idées purement sensorielles. Aussi de tous les rêves sont-ils les plus fréquents, et ceux qui se gravent le plus profondément dans la mémoire.

II.

RÊVES SENSORIAUX EXTRA-CRANIENS.

(Rêves-illusions.)

Les rêves qui composent la deuxième classe sont à ceux de la première ce que les illusions sont aux hallucinations. Ils sont toujours produits par des impressions extérieures telles qu’un bruit, la piqûre d’un insecte, le contact d’un corps étranger, par un changement de température, une position pénible ou gênante, une attitude inaccoutumée, etc. Ainsi, par exemple, si une impression sensoriale quelconque, assez légère pour ne pas rompre le sommeil, vient à retentir dans l’organe cérébral, cette impression peut provoquer de longs songes très détaillés dans lesquels des choses qui semblaient presque effacées du [p. 181] souvenir se retracent avec une force et une vivacité singulières ; ou bien cette impression est aussitôt adaptée par l’homme qui dort à la teneur de ses idées actuelles avec une merveilleuse promptitude, et fait à l’instant même partie de ses rêves. D’autres fois, enfin, les impressions intérieures peuvent donner aux songes une nouvelle direction. Le rêveur entend-il une détonation, le voilà en présence de deux armées ennemies qui en viennent aux mains ; il voit le sang couler, il entend les décharges de mousqueterie, le grondement du canon, le cliquetis des armes, les cris des combattants, le gémissement des blessés et des mourants.

Le son plaintif d’une harpe éolienne frappe-t-il ses oreilles ? Tout-à-coup il se trouve en face de celle qu’il aime, qui, s’accompagnant de son clavecin, lui dit ses plus tendres, ses plus pathétiques romances, ou bien il s’imagine assister à une fête où il entend les accords de l’orchestre qui l’invitent à la danse.

Le simple son d’une cloche peut reporter aussitôt nos pensées vers les sensations de notre enfance et nous plonger dans de douces rêveries, ou faire naître tout-à-coup l’idée d’un convoi funèbre ou d’une solennité religieuse selon l’état actuel de notre sensibilité.

Qu’un corps étranger, les draps, par exemple, viennent à chatouiller légèrement la muqueuse du pénis et aussitôt le dormeur se trouve dans les bras de sa maîtresse. Qu’une douleur rhumatismale s’éveille dans une partie quelconque de son corps, ce sont des animaux féroces qui le déchirent, qui le dévorent.

Tout récemment encore, je rêvais qu’un brigand me portait des coups de poignard au cœur, et je ressentis à mon réveil une douleur aiguë à la région précordiale.

Le soleil du matin dardait ses rayons dans la chambre d’une jeune dame en proie au sommeil, elle rêva qu’une lumière éblouissante frappait douloureusement ses yeux et qu’elle cherchait [p. 182] à la fuir en se cachant dans les coins les plus obscurs,  et en fermant convulsivement les paupières.

La piqûre d’une puce fait rêver à Descartes qu’il est percé d’un coup d’épée.

Une personne, dont Stewart rapporte l’exemple, ayant fait appliquer, dans un état d’indispositions, une boule d’eau très chaude à ses pieds, rêva qu’ils faisaient un voyage au mont Etna.

Une autre, ayant un vésicatoire sur la tête, s’endormit il fit un rêve très long, très suivi, et dans lequel elle se voyait prisonnière et sur le point d’être mise à mort et déchevelée par les sauvage de l’Amérique.

Une mauvaise position sur le cou fait rêver à un prêtre qu’on l’étrangle.

Toutes les fois que je m’ endors couché sur le dos, je suis sûr d’être assailli par (des rêves érotiques et d’éprouver des pertes nocturnes qui se répètent souvent plusieurs fois dans la nuit. Ce phénomène tient évidemment à ce que dans une telle position, les organes du bas-ventre compriment de tout leur poids les vésicules séminales, les excitent et provoquent des songes voluptueux qui font entrer en action l’appareil générateur. Tous les lecteurs assurément ont été à même de faire cette observation.

Une continence absolue et longtemps prolongée produit le même effet par l’accumulation de la liqueur spermatique qui distend et irrite outre mesure ses réservoirs.

La chute de nos couvertures nous fait rêver que nous sommes exposés aux intempéries de l’air ou aux regards de la multitude dans un état indécent. Les femmes surtout sont sujettes à éprouver ce dernier phénomène ; car, comme on sait, la pudeur est grande chez ·la femme ; elle forme sa plus belle qualité.

La faim peut donner naissance à des rêves de bonne chère ou au supplice de Tantale, par l’irritation de la muqueuse gastrique. Dans les premiers temps de mon exil, il m’arrivait quelquefois [p. 183] de me coucher sans avoir, faute d’argent, entièrement satisfait mon appétit, et alors je ne manquais presque jamais d’assister, dans mes rêves, à des repas splendides et à des festins somptueux.

L’hydropique dévoré de soif rêve à l’eau, et le fébricitant à des incendies.

« Plusieurs impressions intérieures de douleur produisent également des rêves qui se rattachent quelquefois à ces affections d’une manière plus ou moins directe. Les cauchemars les plus pénibles sont ceux des personnes qui ont des spasmes du bas-ventre, ou une respiration très difficile, ou une maladie du cœur. Les hypochondriaques, les femmes nerveuses , hystériques, enfin tous les individus qui ont des digestions laborieuses sont exposés aux mêmes rêves (6). »

Mais arrêtons-nous, n’anticipons pas sur les rêves pathologiques.

Dans tous ces cas, il y a rapport intime et évident entre la cause et l’effet, entre les rêves et l’impression qui les a produits ; et partant ces rêves ressemblent singulièrement aux illusions.

Ce n’est pas, en effet, l’extrémité intra-crânienne des nerfs qui est ici ébranlée comme dans les hallucinations, mais bien l’extrémité extra-crânienne comme dans les illusions. Seulement pendant le sommeil la raison, le jugement et la réflexion étant suspendues, les impressions extérieures sont mal appréciées, mal interprétées, précisément comme les aliénés les apprécient et les interprètent dans les illusions.

Si l’on réfléchit maintenant sur les faits que nous venons de relater, on demeurera convaincu que les impressions qui donnent naissance à différents rêves sont bien autrement vives, bien autrement fortes pendant le sommeil que pendant la veille. Des stimulations, des irritations qui passeraient tout-à-fait inaperçues dans le second cas, acquièrent dans le premier une énergie [p. 184] et une intensité vraiment prodigieuses. Nous verrons plus tard, en son lieu et place , tout le parti qu’on peut tirer de cette exaltation de la sensibilité dans la pratique de la médecine,

III.

RÊVES PSYCHIQUES.

(Intuitifs.)

Les rêves intellectuels ou psychiques répondent à nos hallucinations intuitives(7). Ils sont presque exclusivement l’apanage des hommes qui se livrent aux nobles travaux de l’intelligence. Ils sont ordinairement occasionnés par une préoccupation ou une forte contention d’esprit, par un effort de pensée avant de s’endormir, qui, loin de se suspendre pendant le sommeil , continue ou se renouvelle quelquefois avec plus de force et de liberté que pendant la veille.

Les sens ne prennent part à ces rêves qu’accessoirement. C’est dans ces rêves que la sphère de l’intelligence s’étend, s’agrandit d’une manière vraiment prodigieuse ; les idées sont alors plus vives et plus lucides, l’imagination plus hardie, la mémoire plus exquise, le jugement plus prompt et plus sûr. On dirait en vérité que l’esprit cherche à briser les liens qui le rattachent à la matière, et s’élance dans des régions éthérées, dans l’éblouissant séjour de la vérité. Combien de chefs-d’œuvre littéraires, artistiques et scientifiques ont été inspirés au flambeau des rêves intellectuels !

Hermas écrivit, dit-on, son livre le Pasteur, sous la dictée d’une voix qu’il entendait en songe.

Quelques personnes prétendent que la Divine comédiede Dante, ce monument gigantesque, dans lequel se trouve pour ainsi dire incarnée la civilisation chrétienne, a été inspirée à son auteur par un songe. [p. 185]

Voltaire s’imagina un jour avoir rêvé le premier chant de la Henriadeautrement qu’il l’avait composé. Frappé de cette singularité : « J’ai dit en rêvant, écrivait-il, des choses que j’aurais dites à peine dans la veille ; j’ai donc eu des pensées réfléchies malgré moi, et sans y avoir la moindre part : je n’avais ni volonté ni liberté, et cependant je combinais des idées avec sagacité et même avec quelque génie. »

M. Franklin croyait avoir été plusieurs fois instruit en songe de l’issue des affaires qui l’occupaient dans le moment. « Sa tête forte, et d’ailleurs entièrement libre de préjugés, n’avait pu, dit Cabanis, le garantir de toute idée superstitieuse par rapport à ces avertissements intérieurs. Il ne faisait pas attention que sa profonde prudence et sa rare sagacité dirigeaient encore l’action de son cerveau pendant le sommeil, comme on peut l’observer souvent même pendant le délire chez l’homme d’un moral exercé. En effet, l’esprit peut continuer ses recherches dans les songes, il peut être conduit par une certaine suite de raisonnements à des idées qu’il n’avait pas ; il peut faire à son insu, comme il le fait à chaque instant durant la veille, des calculs rapides qui lui dévoilent l’avenir : enfin certaines séries d’impressions intérieures qui se coordonnent avec des idées antérieures, peuvent mettre en jeu toutes les puissances de l’imagination, et même présenter à l’individu une suite de raisonnements dont il croira quelquefois entendre dans une conversation régulière le récit et les détails (8). »

Condillac avouait qu’en travaillant à son Cours d’études, il était souvent forcé de quitter, pour dormir, un travail déjà tout préparé, mais incomplet, et qu’à son réveil il l’avait trouvé plus d’une fois terminé dans sa tête.

La célèbre sonate du Diable, de Tartini, fut composée dans un rêve. Le diable parut en songe au compositeur, et lui proposa d’achever un thème auquel il n’avait pu réussir la veille, [p. 186] à la condition qu’il lui abandonnerait son âme. La proposition est acceptée, et aussitôt le démon exécute sur le violon, avec un charme inexprimable, la sonate devenue si fameuse. Tartini, à son réveil, écrivit le morceau qu’il avait entendu dans son rêve.

Tous ces faits attestent combien les facultés de l’entendement se développent dans les rêves psychiques. Parfois même on dirait qu’un nouvel élément créateur surgit ; se décèle tout-à-coup, car il n’est pas rare d’avoir en songe des idées supérieures à notre intelligence, et étrangères même au sujet de nos études habituelles. Que de fois ne m’est-il pas arrivé de rêver que je lisais des écrits de haute science, de haute philosophie, où je puisais des idées d’une grande profondeur qui certes n’avaient jamais traversé mon esprit, et à mon réveil j’étais tout étonné de ce que j’avais appris en dormant. Ce n’est pas tout ; les livres qu’il me paraissait avoir sous les yeux, et que je comprenais parfaitement , étaient écrits dans des langues étrangères qui me sont très peu familières.

De toutes les faculté, c’est la mémoire qui se développe davantage dans les rêves intellectuels. Elle devient si exquise, si extraordinaire, qu’on se rappelle des faits anciens qui paraissaient à tout jamais ensevelis dans le plus profond oubli.

« M. R. de Bowland, propriétaire dans la vallée de Gala, était poursuivi en justice pour une somme considérable d’argent, provenant des arrérages accumulés d’une dîme, dus, disait-ou, à une famille noble. M. R… était entièrement convaincu que son père, d’après un usage particulier de la loi écossaise, avait racheté ces dîmes du titulaire, et qu’en conséquence la demande actuelle était sans fondement ; mais, après des recherches minutieuses dans les papiers de la succession, dans les actes publics, et après une enquête fort longue parmi les personnes qui avaient été en rapport d’affaires avec son père, il ne put trouver aucune preuve en sa faveur. Le terme fatal étant près d’expirer, il se disposa à partir le lendemain pour Édimbourg, afin [p.187] d’arranger son affaire aux conditions les moins onéreuses possibles. Il alla se coucher dans cette disposition d’esprit ; à peine était-il endormi, qu’il eut le rêve suivant : Son père, mort depuis plusieurs années, lui apparut, et lui demanda ce qui lui troublait ainsi l’esprit. En rêve, on n’est point surpris des apparitions. M. R… lui fit connaître la cause de son inquiétude, ajoutant que le paiement d’une somme aussi considérable lui était d’autant plus désagréable, qu’il avait la conviction qu’elle n’était pas due, quoiqu’il ne pût fournir aucune preuve à l’appui de son dire. Vous avez raison, mon fils, répondit l’ombre : j’ai payé ces dîmes pour lesquelles vous êtes maintenant poursuivi. Les papiers relatifs à cette transaction sont dans les mains de M***. avoué, qui est maintenant retiré des affaires, et demeure à Suveresk, près Édimbourg ; j’eus recours à lui dans cette circonstance, quoiqu’il n’ait jamais été chargé de mes affaires. Il est très possible que M*** ait oublié cette particularité, qui remonte maintenant à une date très ancienne, mais vous pourrez la lui rappeler en disent que I lorsque je vins pour régler son compte, il s’éleva une difficulté sur le change d’une pièce d’or de Portugal, et que nous convînmes de boire la différence à la taverne.

« M. R… s’éveilla le matin l’esprit plein de son rêve ; il jugea convenable de se détourner de son chemin pour aller à Suveresk, au lieu de se rendre directement à Édimbourg. Arrivé dans cet endroit, il trouva la personne dont son père lui avait parlé : c’était un homme très avancé en âge. Sans lui dire un seul mot de son rêve, il lui demanda s’il se rappelait s’être chargé autrefois d’une affaire pour le compte de feu son père. Le vieux monsieur n’en avait point conservé le souvenir ; mais la circonstance de la pièce d’or lui remit tout en mémoire. Il fit la recherche des papiers, et les trouva, de sorte que M. R… put porter à Édimbourg les documents nécessaires au gain du procès qu’il était sur le point de perdre (9). » [p. 188]

Il est hors de doute, observe avec raison M. Brierre de Boismont, que M. R… avait entendu raconter autrefois cette histoire à son père, mais que depuis longtemps elle s’était effacée de son esprit.

« Un de nos amis (dit Abercrombie), employé dans une des principales banques de Glascow en qualité de caissier, était à son bureau, lorsqu’un individu se présenta réclamant le paiement d’une somme de six livres.

« Il y avait plusieurs personnes avant lui qui attendaient leur tour, mais il était si impatient, si bruyant et surtout si insupportable par son bégaiement, qu’un des assistants pria le caissier de le payer pour qu’on en fût débarrassé. Celui-ci fit droit à sa demande avec un geste d’impatience, et sans prendre note de cette affaire. A la fin de l’année, qui eut lieu huit ou neuf mois après, la balance des livres ne put être établie, il s’y trouvait toujours une erreur de six livres. Mon ami passa inutilement plusieurs nuits et plusieurs jours à chercher ce déficit, vaincu par la fa ligue, il revint chez lui, se mit au lit et rêva qu’il était à son bureau, que le bègue se présentait, et bientôt tous les détails de cette affaire se retracèrent fidèlement à son esprit. Il se réveille la pensée pleine de son rêve, et avec l’espérance qu’il allait découvrir ce qu’il cherchait inutilement. Après avoir examiné ses livres, il reconnut, en effet, que cette somme n’avait point été portée sur son journal, et qu’elle répondait exactement à l’erreur (10). »

Il m’est arrivé plus d’une fois à moi-même, lorsque j’étais au collège, de rêver que j’étudiais la leçon qui m’était assignée, et à mon réveil je la savais par cœur, tandis que la veille je n’aurais pu en dire un mot.

Une jeune maîtresse de piano rêvait souvent la nuit qu’elle étudiait des morceaux de musique d’une difficulté extrême qu’elle avait à peine parcourus la veille, et, à son grand étonnement [p. 189] le lendemain elle les exécutait avec une aisance parfaite.

Ce développement extraordinaire de la mémoire s’observe quelquefois aux approches de la mort. Au moment de mourir des personnes, dit M. Brierre de Boismont. ont vu se dérouler devant elles le tableau de leur vie entière dont elles embrassaient tous les détails en un instant, vérifiant ainsi ce passage de l’Écriture : à l’heure du jugement toutes vos actions seront retracées en un clin-d’œil.

Ce n’est pas tout : il se développe quelquefois dans les songes un sentiment symphatique (sic) si exquis, si délié, qu’un ami peut voir, tout éveillé, ce que son ami (lorsqu’il y a entre eux des rapports intellectuels intérieurs) a rêvé.

« Un homme instruit qui s’occupait beaucoup de la lecture de Platon, dit saint Augustin, assurait qu’une nuit, dans sa maison et avant de se livrer au sommeil, il avait vu venir à lui un philosophe qu’il connaissait intimement, et qui développa des propositions platoniques, chose qu’il avait jusqu’alors refusé de faire.

« Le lendemain, ayant demandé à ce philosophe comment il se faisait qu’il lui expliquât dans une maison étrangère ce qu’il avait refusé dans la sienne propre : Je n’ai rien fait, répondit ce philosophe, mais j’ai songéque je l’avais fait.

« Ainsi, ajoute saint Augustin, l’on voit et entend au moyen d’une image fantastique, étant parfaitement éveillé, ce que l’autre a vu en songe.

« Pour nous, dit-il encore , si la chose nous était racontée indifféremment par toutes sortes de gens, nous croirions indigne de nous d’y ajouter foi, mais nous pouvons assurer que la personne de qui nous tenons le fait n’est pas capable de nous  en avoir imposé (11).

Ce n’est pas tout encore. C’est dans les songes surtout [p. 190] que se décèle le principe immortel qui nous anime, et que se vérifie l’axiome que M. De Maiste a soutenu si éloquemment dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, savoir, que l’esprit prophétique est naturel à l’homme, et ne cessera de s’agiter dans le monde. « L’homme , dit-il, en essayant, à toutes les époques et dans tous les lieux, de pénétrer l’avenir, déclare qu’il n’est pas fait pour le temps, car le temps est quelque chose de forcé qui ne demande qu’à finir. De là vient que dans nos songes jamais nous n’avons l’idée du temps, et que l’état du sommeil fut toujours jugé favorable aux communications divines. »

« Cette opinion, dit un autre illustre écrivain, que la vérité se présente quelquefois à nous pendant le sommeil, est répandue chez tous les peuples de la terre. Les plus grands hommes de l’antiquité y ont ajouté foi, entre autres Alexandre, César, les Scipion, les deux Caton et Brutus, qui n’étaient pas des esprits faibles. L’Ancien et le Nouveau-Testament nous fournissent quantité d’exemples de songes qui se sont réalisés. Pour moi, je n’ai besoin à cet égard que de ma propre expérience, et j’ai éprouvé plus d’une fois que les songes semblent être des avertissements que nous donne quelque intelligence qui s’intéresse à nous. Que si l’on veut combattre ou défendre avec des raisonnements des choses qui surpassent la raison humaine, c’est ce qui n’est pas possible…

« Pourquoi douter des songes ? La vie, remplie de projets passagers et vains, est-elle autre chose qu’un songe? (12) »

Quoi qu’il en soit, l’antiquité croyait à la divination par les songes. Aussi y avait-il des interprètes pour expliquer ceux qui semblaient obscurs.

Quelques-uns de ces interprètes eurent une grande  célébrité. Amphiraüs, devin de profession , eut après sa mort des temples où il rendait des oracles. Il fallait se laver et se purifier [p. 191] avant d’approcher de ses autels ; on lui immolait ensuite un bélier sur la peau duquel on passait la nuit couché dans le temple pour avoir des songes dont les prêtres, attachés au service d’Amphiraüs, donnaient l’explication. Ensuite vint Artémidore, un des plus fameux onirocritiques ou juges des songes qui aient existé. Ses ouvrages sont passés jusqu’à nous ; ils ont résisté, dit l’abbé Richard, aux injures du temps, aux ravages de la superstition, de la barbarie et de l’ignorance, tandis que tant d’autres bons ouvrages ne nous sont plus connus que par leur titre ou par quelques lambeaux conservés dans les écrivains postérieurs. Les rois avaient à leur cour des devins qui expliquaient les songes, et en tiraient des inductions pour la direction à donner aux affaires et pour le gouvernement de l’État. On allait dormir dans les temples, non seulement dans celui d’Amphiraüs, mais dans beaucoup d’autres, afin d’y trouver les inspirations des Dieux et connaître l’avenir (13).

Ajoutons que cette croyance universelle avait quelque fondement dans plusieurs faits authentiques qui prouvent, quoi qu’on en dise, d’une manière irréfragable que les hallucinations des rêves peuvent faire connaître un événement futur, ou bien un événement qui se passe au moment même du rêve. Citons-en quelques exemples :

Calpurnie, femme de  J. César, vit en songe son mari, la nuit même qui précéda sa mort, blessé mortellement ; le lendemain elle le conjura de ne pas aller au sénat. César ne tint aucun compte de ses avertissements, et il y fut assassiné (14).

La nuit qui précéda la bataille de Philippes, Minerve parut en songe à Artorius, médecin d’Auguste, et lui dit de presser César, quoique gravement malade, de se rendre au combat. Auguste suivit ce conseil ; il se fit porter au champ de bataille, et bien lui prit, car son camp fut forcé par Brutus, qui, certes, [p. 12] n’aurait pas manqué de tuer son adversaire s’il l’y eût rencontré (15).

Le poète Simonide, à la veille de s’embarquer, aperçut un cadavre sur les bords de la mer ; il le fit ensevelir ; la nuit suivante, l’ombre du naufragé lui parut en songe, et le dissuada de se mettre à la mer. Cet avertissement fit changer le poète de résolution, et l’on sut depuis que le vaisseau sur lequel il devait s’embarquer avait fait naufrage.· Simonide célébra en vers ce fait remarquable, et fit élever un monument superbe au corps du pauvre naufragé qui lui sauva la vie (16).

Alcibiade eut en rêve connaissance de sa mort. Il vit une de ses maîtresses envelopper furtivement son cadavre dans son manteau et l’ensevelir. En effet, après qu’il fut assassiné par ordre de Lysandre, cette femme l’enterra enveloppé dans ce même manteau qu’il avait rêvé (17).

Deux jeunes gens d’Arcadie arrivèrent à Mijard : l’un d’eux alla loger chez un de ses amis, et l’autre dans un hôtel. A peine le premier est-il endormi, qu’il voit devant lui son compagnon de voyage, qui , d’un air triste, lui dit que son hôte a formé le projet de l’assassiner, et qu’il se dépêche de venir à son secours. Le rêveur s’éveille, veut courir à l’hôtel de son ami, mais après une courte réflexion sur la fallace (sic) des songes, il se recouche et ne tarde pas à se rendormir. Son ami lui apparaît de nouveau, et le conjure de se hâter parce que ses meurtriers vont entrer dans sa chambre. Plus troublé, il s’étonne de la persévérance de ce rêve, et se dispose à aller trouver son camarade ; mais le raisonnement et la fatigue triomphent, il ne bouge pas de son lit. Alors son ami lui apparaît pour la troisième fois, mais pâle, sanglant, défiguré ; il était blessé à mort. « Malheureux, lui dit-il, tu n’es point venu lorsque je t’implorais ! [p. 193] C’en est fait, je n’existe plus. Maintenant venge-moi. Au lever du soleil tu rencontreras à la porte de la ville un char plein de fumier, arrête-le, et ordonne qu’on le décharge, tu trouveras mon cadavre caché au milieu ; rends-moi les derniers honneurs et poursuis mes meurtriers. »

Une ténacité si grande, des détails si suivis ne permettent plus l’hésitation, l’ami se lève, court à la porte de la ville indiquée, y trouve le char, arrête le conducteur, qui se trouble ; et dès les premières recherches, le corps de son ami est découvert. La justice informé, et l’assassin est condamné à mort (17).

Amilcar, général carthaginois, assiégeant Syracuse, entendit en rêve une voix qui lui dit que le jour suivant il souperait dans la ville. Amilcar s’en réjouit et compte sur la victoire. Mais lorsqu’il disposait son armée pour l’assaut, les Siciliens et les Carthaginois qui la composaient se prirent de querelle ; sur ces entrefaites, les Syracusains firent une vigoureuse sortie, forcèrent le camp des assiégeants et firent prisonnier Amilcar lui-même qui alla en effet souper dans la place, mais captif et non victorieux comme il se l’était promis (18).

Alexandre crut voir en· songe un inconnu lui administrer le poison. Quelque temps après, Cassandre vint à sa cour. Alexandre reconnut en lui l’homme de son rêve, mais il n’y prit garde. Et les historiens tiennent pour certain qu’il fut empoisonné par ce Cassandre, fils d’Antipater (19).

« Lorsque ce même monarque marchait sur Jérusalem, courroucé de la désobéissance des Juifs qui ne voulaient point se soumettre à lui tant que Darius, à qui il avaient juré fidélité, serait en vie, » Jaddus, Je grand-prêtre qui gouvernait, sous les Perses, se voyant exposé avec tout le peuple à la colère du vainqueur, eut recours à la protection de Dieu, ordonna des prières publiques pour implorer son secours, et lui offrit des [p. 194] sacrifices. Dieu lui apparut en songe la nuit suivante, et lui dit de faire répandre des fleurs dans la ville, de faire ouvrir toutes les portes, et d’aller revêtu de ses habits pontificaux avec tous les sacrificateurs aussi revêtus des leurs, et tous les autres vêtus de blanc, au-devant d’ Alexandre sans rien appréhender de ce prince, parce qu’il les protégerait. » Ces ordres furent exécutés ponctuellement. Cette auguste procession, dès le lendemain, s’avança hors de la ville jusqu’à un endroit élevé qu’on appelait Sapha, d’où l’ou découvrait tout le plat pays, aussi bien que le temple et la ville de Jérusalem. On y attendit dans cet .état l’arrivée d’Alexandre.

« Les Syriens et les Phéniciens qui étaient dans son armée ne doutaient pas, dans la colère où était ce prince, qu’il ne fît une punition exemplaire de grand sacrificateur. et qu’il n’allât pour détruire cette ville comme il avait détruit celle de Tyr, et, pleins de joie, ils s’attendaient à repaître leurs yeux des malheurs d’une nation qu’ils haïssaient mortellement, Quand les Juifs apprirent que le roi était proche, ils allèrent au-devant de lui de la manière pompeuse qui a été décrite, Alexandre fut frappé à la vue du souverain sacrificateur, qui portait sur la tiare et sur le front une lame d’or sur laquelle le nom de Dieu était écrit. Dès qu’il l’aperçut, plein d’un profond respect, il s’avança vers lui, s’inclina en terre, adora ce nom auguste , et salua Je grand-prêtre avec une vénération religieuse. Les Juifs s’étant assemblés autour d’Alexandre, élevèrent leurs voix pour lui souhaiter toute sorte de prospérités. La surprise de tous les assistants fut inexprimable. A peine en croyaient-Ils le témoignage de leurs propres yeux, et ils ne comprenaient rien à un spectacle qui renversait toutes leurs idées, et qui était contre toute vraisemblance.

« Parménion, qui ne pouvait revenir de son étonnement, demanda au roi d’où venait donc que lui, qui était adoré de tout le monde, adorait le grand sacrificateur des Juifs. Ce n’est pas, lui répondit Alexandre, le grand sacrificateur que j’adore, [p. 193] mais c’est le Dieu de qui il est le ministre : car, lorsque j’étais encore à Die, en Macédoine, et que, l’esprit plein du grand dessein de la guerre contre la Perse, je délibérais par quel moyen je pourrais conquérir l’Asie, ce même homme , et avec les mêmes habits, m’apparut en songe, m’exhorta à ne rien craindre, me dit de passer hardiment le détroit de l’Hellespont , et m’assura que son Dieu marcherait à la tête de mon armée, et me ferait vaincre l’armée des Perses. » Alexandre ajouta qu’il n’avait pas plus tôt aperçu ce prêtre, qu’il l’avait reconnu à son habit aussi bien qu’à sa taille, à son air et à son visage, pour la même personne qui lui était apparue à Die : qu’il ne pouvait douter que ce ne fût par les ordres et sous la conduite de Dieu qu’il avait entrepris cette guerre, qu’il se tenait assuré désormais de vaincre Darius et de détruire l’empire des Perses, et que c’était pour cela qu’il adorait ce Dieu en la personne de son prêtre. Alexandre, après avoir ainsi répondu à Parménion, embrassa le grand sacrificateur et les autres prêtres, marcha ensuite au milieu d’eux, arriva en cet état à Jérusalem, monta au temple, et offrit des sacrifices à Dieu en la manière que le grand sacrificateur lui dit qu’il le fallait faire. » Il accorda ensuite de grands privilèges aux Juifs (20).

« Je vais rapporter un fait singulier, dit le jeune Anacharsis, « et je ne l’accompagnerai d’aucune réflexion. Eudémus de Chypre, en allant d’Athènes en Macédoine, était tombé malade à Phères ; je l’avais vu souvent chez Aristote, dont il était l’ami, je lui rendis pendant sa maladie tous les soins qui dépendaient de moi. Un soit que j’avais appris des médecins qu’ils désespéraient de sa guérison, je m’assis auprès de son lit : il fut touché de mon affliction, me tendit la main, et me dit d’une voix mourants : Je dois confier à votre amitié un secret qu’il serait dangereux de révéler à tout autre que vous. Une de ces dernières nuits, un jeune homme d’une beauté ravissante [p. 196] m’apparut en songe ; il m’avertit que je guérirais, et que dans cinq ans je serais de retour dans ma patrie : pour garant de sa prédiction, il ajouta que le tyran n’avait plus que quelques jours à vivre. Je regardai cette confidence d’Eudémus comme un symptôme de délire, et je rentrai chez moi pénétré de douleur.

« Le lendemain à la pointe du jour, nous fûmes éveillés par ces cris mille fois réitérés : Il est mort, le tyran n’est plus ! Il a péri par les mains de la reine ! Nous courûmes aussitôt au palais ; nous y vîmes le corps d’Alexandre livré aux insultes d’une populace qui le foulait aux pieds, et célébrait avec transport le courage de la reine. Ce fut elle qui se mit à la tête de la conspiration, soit par haine pour la tyrannie, soit pour venger ses injures personnelles.

.    .    .   .    .    .   .    .    .   .    .    .   .    .    .    .    .    .   .    .    .   .    .    .   .    .    .   .    .    .   .    .    .

J’allai aussitôt apprendre cette nouvelle à Eudémus, qui n’en parut point étonné. Ses forces se rétablirent : il périt cinq ans après en Sicile, et Aristote, qui depuis adressa un dialogue sur l’âme à la mémoire de son ami, prétendait que le songe s’était vérifié dans toutes ses circonstances, puisque c’est retourner dans sa patrie que de quitter la terre (21). »

Plutarque, Cicéron, Procope, Valère-Maxime et d’autres auteurs anciens rapportent beaucoup de songes analogues : l’historien Josèphe dit dans ses écrits qu’il en eut lui-même dans lesquels Dieu fit fait connaitre les malheurs qui arriveraient aux Juifs, et les heureux succès qu’il réservait aux Romains. Les auteurs modernes en citent également plusieurs exemples.

Un ministre protestant, dit Abercrombie cité par M. Brierre de Boismont (22), s’était rendu à Édimbourg, d’un endroit peu [p. 197] éloigné. Il dormait dans une auberge lorsqu’il vit en songe sa maison brûler, et un de ses enfants au milieu des flammes. Il s’éveille aussitôt, quitte à l’instant la ville pour retourner chez lui. Lorsqu’il fut en vue de sa maison , il la trouva en feu, et s’élança à temps pour sauver un de ses enfants qui avait été abandonné au milieu de l’alarme et de la confusion d’un pareil événement.

Le jour de la mort de saint Martin, à Tours (an 400), saint Ambroise en fut averti dans l’église de Milan, au moment où il célébrait la messe. C’était d’usage que le lecteur vînt se présenter au célébrant avec le livre, et ne lût la leçon que lorsqu’il en avait reçu l’ordre du célébrant. Or, il arriva que le dimanche dont il s’agit, pendant que celui qui devait lire l’épître de saint Paul était debout devant l’autel, saint Ambroise, qui était à célébrer la messe, s’endormit lui-même sur l’autel.

Deux ou trois heures se passèrent sans qu’on osât le réveiller.

Enfin on l’avertit du long temps que le peuple attendait : Ne soyez pas troublé, répondit-il, ça a été pour moi un grand bonheur de m’endormir, puisque Dieu a voulu me montrer un si grand miracle ; car sachez que l’évêque Martin, mon frère, vient de mourir. J’ai assisté à ses funérailles, et, après le service ordinaire, il ne restait plus à dire que le capitule lorsque vous m’avez réveillé.

Les assistants furent dans une grande surprise. On nota le jour et l’heure, et il fut reconnu que l’instant du trépas du bienheureux confesseur avait été précisément celui où l’évêque Ambroise disait avoir assisté à ses funérailles (23).

Dans une petite ville du département de la Nièvre, il était une jeune fille appartenant à la classe du peuple, mais ravissante de grâce et de beauté. Plusieurs prétendants aspiraient à sa main, parmi lesquels s’en trouvait un qui, à cause de sa [p. 198] fortune, plaisait fort aux parents de la jeune personne : aussi la sollicitaient-ils sans cesse à l’épouser. La jeune fille s’y refusait constamment parce qu’elle ne l’aimait pas ; enfin, un jour, poussée à bout par leurs instances opiniâtres, elle alla à l’église, se prosterna devant l’image de la Vierge, et la pria avec ferveur de lui montrer en songe l’homme destiné à devenir son mari, lui promettant de se résigner à son choix et d’obéir à sa sainte volonté.

Sa prière ne tarda pas à être exaucée. La nuit suivante, le sommeil était à peine descendu sur sa paupière, qu’elle crut voir passer devant elle un jeune homme qu’elle n’aperçut que de profil. Il était en habit de voyage, et une voix intérieure lui dit que ce sera là son mari.

A son réveil, l’esprit plein de son rêve et confiante dans sa sainte protectrice, elle alla trouver ses parents, et leur dit d’une voix ferme et respectueuse à la fois, qu’elle était décidée à ne point épouser l’homme de leur choix. Depuis il n’en fut plus question.

Quelque temps après, se trouvant au bal public de la ville, quelle ne fut pas sa surprise d’y voir le jeune voyageur qui lui était apparu en songe ? A cette vue, son cœur battit tumultueusement dans sa poitrine, l’incarnat de la pudeur colora ses joues, et, chose étrange, le jeune homme éprouva en la voyant les mêmes émotions et les mêmes sentiments. Et peu de temps après ils étaient mariés.

Ce jeune homme habite Paris où il cultive les lettres avec succès ; c’était la première fois de sa vie qu’en voyageant il passait dans cette ville.

Une vieille dame de la même ville me racontait un jour qu’elle vit en songe la maison d’un de ses amis dévalisée par deux hommes qu’elle connaissait parfaitement, et le lendemain elle apprit avec étonnement que ce monsieur avait été effectivement volé dans la nuit. La police ne t’en va pas à découvrir les voleurs, et ces voleurs étaient les deux individus de son rêve. [p. 199]

Ces faits extraordinaires nous amènent tout naturellement à aborder la question de clairvoyance, de prévision, de seconde vue qui, d’après le témoignage d’hommes respectables, a lieu quelquefois dans le sommeil magnétique ou somnambulisme artificiel.

D’après M. Brierre de Boismont , ce phénomène n’est pas répandu sur toute la surface du corps ; il dépend d’une illumination soudaine du cerveau qui éclaire les sensations restées dans l’obscurité. « L’individu, dit-il, voit distinctement dans son cerveau les escaliers, les appartements, les lieux qu’il parcourt ; il y lit les caractères des livres qu’il a devant lui, de la lettre qu’il écrit : c’est un miroir Interne, où viennent se réfléchir toutes ses impressions, et qui leur sert de guide pour se conduire. Mais, dans ce cas, l’action a lieu sur des réminiscences, des souvenirs ; car l’individu vient-il à s’engager dans un endroit qui ne lui est pas connu, il chancelle ; trébuche, et peut même se blesser. »

Comme on le voit, M. Brierre de Boismont hésite, il voudrait et ne voudrait pas admettre la clairvoyance, et cependant il en rapporte dans son ouvrage plusieurs faits remarquables et authentiques. Il admet que le somnambule peut lire une lettre, un livre, les yeux fermés ; et puis il lui refuse cette faculté dès qu’il se trouve dans un endroit qui ne lui est pas connu. Je le demande, où est la logique d’un pareil raisonnement ? Quoi ! je puis déchiffrer parfaitement les lettres d’un livre, et je n’apercevrais pas les entraves qui embarrassent mes pieds, parce que je me trouve pour la première fois dans un lieu quelconque ! Il faut être conséquent avant tout, et aller droit au but. Les demi-mesures, les demi-convictions sont le fait de personnes sans foi et sans énergie, qui veulent ménager en même temps leur conscience et l’opinion publique. Eh bien ! oui, pourquoi ne pas oser l’avouer ? le fait de prévision est un fait vrai. Des philosophes sceptiques, quelques Franklin et Cabanis, en ont parlé en termes si graves, que tout ce qui a trait au [p. 200] somnambulisme magnétique doit attirer l’attention des savants, car il devient une question sérieuse de physiologie, de morale et d’histoire.

Travail du cerveau ou instinct du cœur, dit M. A. Delrieu, les pressentiments existent, les prévisions se forment, et il n’est personne qui n’en puisse citer un exemple.

Des hommes éminents dans tous les temps et dans tous les lieux ont soutenu cet argument. Bacon a dit qu’on voyait des exemples frappants de prévision de l’avenir dans les songes, dans les extases, aux approches de la mort et je dirai plus, tous les grands événements qui ont réjoui ou affligé la terre, ont été prédits quelquefois longtemps d’avance. L’histoire ancienne et moderne est là pour l’attester.

En effet, la venue du Christ a été annoncée d’une manière nette, claire et précise, par les prophètes. Il en fut de même des conquêtes d’Alexandre-le-Grand et de l’empire romain. — Joseph , fils de Jacob, prédit l’abondance, puis la stérilité de l’Égypte, par l’interprétation des songes de Pharaon.

La prise et la destruction de Jérusalem et du temple par les Romains ont été annoncées par des prodiges, et prédites par un paysan, nommé Jésus, fils d’ Ananus. Ce jeune homme étant venu à la fête des tabernacles, se mit à crier tout-à-coup : « Malheur ! malheur à Jérusalem ! voix du côté de l’orient, voix du côté de l’occident, voix du côté des quatre vents, voix contre Jérusalem et contre le temple, voix contre les nouveaux mariés et les nouvelles mariées, voix contre tout le peuple. » Et jour et nuit, malgré les mauvais traitements auxquels il était en butte à cause de cela, il répéta pendant sept ans et cinq mois, ces sinistres paroles, sans aucune intermission et sans que sa voix en parût affaiblie ou enrouée,

Et quand les effets de ses prédictions commençaient à s’accomplir, il fit le tour des murailles de la ville , et s’écria : Malheur ! malheur sur la ville ! Malheur sur le peuple ! Malheur sur le temple ! Puis il ajouta : Malheur sur moi-même ![p. 201] et à l’instant une pierre lancée par une machine ennemie l’abattit, et il expira en proférant ces mots : malheur ! malheur (24) !

Jérémie annonça d’une voix triste et lamentable la prise de la ville sainte par Nabuchodonosor et la captivité des Juifs. — Daniel interpréta les songes de ce monarque, prédit la destruction de Babylone par Cyrus-le-Grand, la mort de Balthazar, et la délivrance du peuple d’Israël.

Savonarola , en 1484, prédit dans la ville de Brescia l’invasion des Français sous le duc de Nemours, et les calamités de l’Église, et les malheurs de l’Italie (25).

« Savonarola , dit Philippe de Comines, avait toujours assouré la venue du roy , disant qu’il estoit envoyé de Dieu pour chastier les tyrans d’Italie, et que rien ne pourrait résister ni deffendre contre luy, avoit dist aussi qu’il viendroit à Pise, et qu’il y entreroit, et qu’en ce jour mourroit l’estat de Florence ; et ainsi advient, car Pierre de Médicis fut chassé ce jour, et maintes choses avait preschées avant qu’elles advinssent, comme la mort de Laurent de Médicis ; et aussi disoit publiquement l’avoir par révélation ; et preschoit que l’estat de l’Église seroit réformé à l’espée. Cela n’est point encore advenu, mais il en fut bien près (26). »

L’auteur d’un sommaire de la vie de Cattho, archevêque de Vienne, raconte que celui-ci annonça le premier à Louis XI la mort de Charles-le-Téméraire. « A l’instant que le dict duc fut tué, le roy Louys oyoit la messe en l’église Saint-Martin, à Tours, distant de Nancy de dix grandes journées pour le moins, et à la dicte messe lui servoit d’aumosnier l’archevêque de Vienne, lequel, en baillant le baiser au dict seigneur, lui dit ces paroles : Sire, Dieu vous donne la paix et le repos, vous les avez si vous voulez ; quia consummatum est ; vostre ennemi, le [p. 202] duc de Bourgogne, est mort, il vient d’estre tué, et son armée desconfitte. Laquelle heure cottée , fust trouvée estré celle en laquelle véritablement avoir été tué le dict duc (27). »

La révolution française, comme le remarque M. Delrieu, a été non seulement prévue dans ses causes, mais aussi prédite dans ses effets. Depuis l’épître dédicatoire de Nostradamus au roi de France Henri II, jusqu’au sermon du père Beauregard ; depuis les vers d’un anonyme destinés au fronton de Sainte-Geneviève, jusqu’à la chanson de M. de Lille, jamais tempête sociale ne fut plus clairement annoncée (28).

Treize ans avant la révolution, le pète Beauregard jeta du haut de la chaire de Notre-Dame ces paroles qui frappèrent de terreur son auditoire :

« »Oui, Seigneur ! vos temples seront dépouillés et détruits, vos fêtes abolies, Volre nom blasphémé, votre culte proscrit ! Aux saints cantiques, qui faisaient retenir les voûtes sacrées en votre honneur, succèdent des chants lubriques et profanes ! Et toi, divinité infâme du paganisme, impudique Vénus, tu viens ici même prendre audacieusement la place duDieu vivant, t’asseoir sur le trône du saint des saints, et recevoir l’encens coupable de tes nouveaux adorateurs. »

Plus tard , en 1789, dans la chapelle de Versailles, en présence de la cour, aux offices du carême, le même prédicateur dénonça, comme un nouveau Jérémie, les secousses prochaines de la France.

A peu près dans le temps où ce religieux célèbre ébranlait de sa voix prophétique les piliers de Notre-Dante, un officier au régiment de Champagne, M. de Lille, à la suite d’une orgie, tomba dans une surexcitation nerveuse telle, que ses compagnons de débauche en furent épouvantés. Il entra dans sa chambre, s’y renferma, et griffonna sur un bout de table une [p. 203] chansonnette fameuse dont voivi les couplets étonnants :

On verra tous les états
Entre eux se confondre
 ;
Les pauvres sur leurs grabats
Ne plus se morfondre.
Des biens on fera des lois
Qui rendront les gens égaux
.
Le bel œuf à pondre,
0 gai !
Le bel œuf à pondre.

Du même pas marcheront
Noblesse et roture ;
Les Français retourneront
Au droit de nature
.
Adieu parlements et lois,
Adieu ducs, princes et rois.
La bonne aventure ,
O gai !

La bonne aventure.

Puis devenus vertueux,
Par philosophie
Les Français auront des dieux
A leur fantaisie ;
Nous reverrons un oignon
A Jésus damer le pion
.
Ah ! quelle harmonie !
O gai !
Ah ! quelle harmonie !

A qui devrons nous le plus ?
C’est à notre maître
Qui, se croyant un abus,
Ne voudra pas l’être
.
Ah ! qu’il faut aimer le bien
Pour de roi n’être plus rien !
J’enverrais tout paître,
O gai !
J’enverrais tout paître (29). [p. 204]

Cette étrange chanson , qui se vérifia de points en points, fut appelée en 1778 la prophétie turgotine.

Une somnambule de Normandie avait prédit, suivant ,M. Hoffmann, les quatre états politiques par où la révolution a passé.

Nostradamus annonce, en 1547, une persécution chrétienne pour l’an mil sept cent notante-deux, que l’on cuidera être une rénovation de siècle. Cette phrase est remarquable, puisque l’ère de la république commença le 22 septembre 1792.

Une paysanne du Périgord , nommée Suzanne Labrousse, se présenta un jour (en 1784), au séminaire de Périgueux, et, se jetant au pied de la Croix, annonça les états-généraux , en fixa l’époque, et depuis ce moment, jusqu’à l’ouverture de l’assemblée, elle récita tous les matins un Ave Mariadans le couvent de la ville.

Une femme de la haute noblesse, en proie à des attaques de catalepsie, d’un corps faible, et n’ayant plus que des nerfs misérables, prédit toutes les circonstances de la révolution française, dont elle partageait les principes.

En 1793 , pendant le siège de Lyon, une somnambule prédit au docteur Pétetin la journée sanglante du 29 septembre, la reddition de la ville pour Je 7 octobre, l’entrée des troupes le 8, et les proscriptions qui suivirent les promesses trompeuses dont on berça la crédulité des habitants.

Et la célèbre nécromancienne de la rue de Tournon, n’a-t-elle pas vu briller l’étoile de Napoléon avant qu’elle parût sur l’horizon ? Puis, lorsqu’elle brillait de tout son éclat, ne l’a-t-elle pas vue pâlir ? — N’a t-elle pas prédit à Joséphine son élévation et son abaissement ? — Elle a également prédit l’assassinat de Marat el les honneurs divins qu’on lui a décernés après sa mort. Elle a prophétisé la fin tragique de Robespierre et de Saint-Just : Vous serez, leur dit-elle , tous deux traînés aux Gémonies ! Mais, nouvelle Cassandre, on n’ajouta aucune foi à ses paroles. [p. 205]

Tous ces faits sont assurément curieux ; mais en voici un rapporté par La Harpe, qui en fut témoin oculaire et auriculaire, qui l’est bien davantage, et qu’on trouve cité dans tous les ouvrages qui traitent de magnétisme, de catalepsie, de somnambulisme ou d’extase, et que nous ne pouvons pas nous défendre de consigner ici.

C’était au commencement de 1788 ; les membres de l’Académie française dinaient chez le duc de Nivernois, qui leur avait lu son proverbe : Une hirondelle ne fait pas le printemps, dernier acte littéraire de ce chansonnier célèbre. Dans la bonne compagnie, le proverbe du duc avait éclipsé l’assemblée des notables. Au dessert, les vins de Malvoisie et de Constance étaient prodigués ; on en venait alors dans le monde au point où tout est permis pour provoquer le rire. Champfort avait récité ses contes impies et libertins, et les grandes dames avaient écouté sans recourir à l’éventail. A ce mot. fameux de son coiffeur : « Voyez-vous, M. de Champfort , quoique je ne sois qu’un misérable perruquier, je n’ai pas plus de religion qu’un autre, » les convives s’étaient livrés à des éclats d’ivresse et de joie bruyants ; et on fit tomber un déluge de plaisanteries sur la religion. On parla de Voltaire et de la révolution qu’il avait faite ; on parla de philosophie, de superstition, de fanatisme, etc., et on riait, on plaisantait sur les choses les plus sacrées, et on finit par conclure que la révolution ne tarderait pas à se consommer.

Cazotte seul ne riait pas. Cazotte était un littérateur singulier, dont la vie présente un roman bien supérieur aux romans qu’il a inventés. — Planteur à la Martinique, après avoir fait beaucoup de sucre, il voulut se retirer en France, et vendit toutes ses possessions au père Lavalette, qui lui en paya le prix en lettres de change sur la compagnie de Jésus. Le père Lavalette ayant eu peu de succès dans la suite de ses affaires, les jésuites trouvèrent assez commode de laisser protester les lettres de change. Cazotte leur intenta un procès, qui fut comme le [p. 206] signal de tous ceux qui vinrent fondre sur la Société. Le procès fil la célébrité de Cazotte à une époque où personne n’avait encore osé manifestement attaquer les jésuites. Cazotte en profita pour devenir homme de lettres, et publia son Diable amoureux.

Cazotte appartenaità la secte des Illuminésde Lyon. Il prend la parole, et du ton le plus sérieux : Messieurs, dit-il, soyez satisfaits ; vous verrez tous cette grande et sublime révolution que vous paraissez tant désirer : vous savez que je suis un peu prophète. On lui répondit par le refrain connu : Faut pas être grand sorcier pour ça.

— Soit , mais peut-être, répondit-il, faut-il l’être un peuplus pour ce qui me reste à vous dire. Savez-vous ce qui arrivera de cette révolution, ce qui en arrivera pour vous tous, tantque vous êtes ici, et ce qui en sera la suite immédiate, l’effet bien prouvé, la conséquence bien reconnue ?

Puis il porta lentement à ses lèvres un verre que Condorcet l’emplissait avec ironie jusqu’aux bords.

— Buvez, lui cria Condorcet, buvez ; un philosophe n’est pas fâché de trinquer avec un prophète.

On attendait le résultat de la plaisanterie. Cazotte but ; la coupe étant vide, il se leva :

— Monsieur Condorcet., fit-il en étendant la main vers l’académicien philosophe, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot ;vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau,

Grand étonnement d’abord ; mais on se rappelle que le bon Cazotte est sujet à rêver tout éveillé, et l’on rit de plus belle.

— Monsieur Cazotte, le conte que vous nous faites làn’est pas aussi plaisant que votre Diable amoureux.

— Mais quel diable vous a mis dans la tête ce cachot et ce poison, et ce bourreau ? Qu’est-ce que tout cela peut avoir de commun avec la philosophie et le règne de la raison ?

— C’est précisément ce que je vous dis ; c’est au nom de la philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne [p. 207] de la raison qu’il vous arrivera de finir ainsi , et ce sera bien le règne de la raison : car alors elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la raison.

— Par ma foi, dit Champfort, avec le rire du sarcasme, et en versant à son tour une rasade au prophète, vous ne serez pas un prêtre de ce temple-là.

— Je l’espèr ; mais vous, monsieur de Champfort, qui en serez un, et très digne de l’être, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez pas sur-le-champ, vous n’en mourrez que deux mois après.

On riait déjà moins, on ne rit plus du tout. La bouteille passa dans les mains de Vicq-d’Azyr, et le prophète but un troisième coup.

— MonsieurYicq-d’ Azyr, continua-t-il en regardant le célèbre médecin, vous ne vous ouvrirez pas les veines vous-même, mais vous vous les ferez ouvrir six fois dans un jour, au milieu d’un accès de goutte, et vous mourrez dans la nuit.

— Etmoi ?

— Vous, monsieur de Nicolaï, vous mourrez sur l’échafaud.

— Etmoi ?

— Vous, monsieur Bailly, sur l’échafaud.

— Etmoi ?

— Vous, monsieur de Malesherbes, sur l’échafaud.

Bailly, Nicolaï et Malesherbes pâlirent.

— Ah ! Dieu soit béni, dit Boucher, il parait que monsieur n’en veut qu’à l’Académie ; il vient de faire une terrible exécution : et moi, grâce au ciel ?

— Vous , sur l’échafaud.

— Oh ! c’est une gageur, s’écria-t-on de toutes parts ; il a

juré de tout exterminer.

— Non, ce n’est pas moi qui l’ai juré.

— Mais nous serons donc subjugués par les Turcs et les Tartares ? [p. 208]

— Point du tout, je vous l’ai dit ; vous serez alors gouvernés par la seule philosophie, par la seule raison. Ceux qui vous traiteront ainsi seront tous des philosophes, auront à tout moment dans la bouche les mêmes phrases que vous débitez depuis une heure, répéteront toutes vos maximes, citeront tout comme vous les vers de Diderot et de la Pucelle. Et six ans ne se passeront pas que ce que je vous dis ne soit accompli.

Le maître de la maison devenait soucieux ; La Harpe chercha une plaisanterie pour dissiper ce nuage.

— Il paraît, dit le célèbre critique en regardant Cazotte, que vous me réservez pour faire l’oraison funèbre de ces messieurs ?

— Justement ; car alors vous serez chrétien.

— Oh ! oh ! ceci est trop fort, s’écrièrent les encyclopédistes.

— Je suis rassuré, reprit Champfort ; si nous ne devons périr que quand La Harpe sera chrétien, nous sommes immortels.

Un mouvement très pénible se manifesta cependant parmi les convives ; la figure du duc de Nivernois se rembrunissait toujours. Tout le monde commençait à trouver que la facétie allait trop loin.

Madame de Grammont s’écria alors : Nous sommes bien heureuses, nous autres femmes, de n’être pour rien dans les révolutions ; quand je dis pour rien, ce n’est pas que nous ne nous en mêlions toujours un peu, mais il est reçu que l’on ne s’en prend pas à notre sexe…

— Votre sexe, mesdames, ne vous défendra pas cette fois ; et vous aurez beau ne vous mêler de rien, vous serez traitées comme les hommes. Et vous, madame la duchesse, vous monterez sur l’échafaud, vous et beaucoup d’autres dames avec vous.

— Ah ! j’espère que dans ce cas-là j’aurai du moins un carrosse drapé de noir.

— Non, madame, de plus grandes dames que vous iront [p. 209] comme vous en charrette et les mains liées derrière le dos comme vous.

— De plus grandes dames !… Quoi ! les princesses du sang ?

— De plus grandes dames encore.

— Vous verrez qu’il ne me laissera pas seulement un confesseur, répliqua madame de Grammont d’un ton léger, afin de dissiper l’anxiété qui se peignait sur tous les visages.

— Vous l’avez dit, madame, reprit Cazotte d’un ton ému, le dernier supplicié qui aura cette grâce…

Des exclamations désespérées et ironiques s’élevèrent ; on entoura précipitamment l’oracle. Toutes les inquiétudes croissaient. — Et quel sera donc cet heureux mortel ? On attendait la réponse à cette demande avec impatience et effroi. La bouche du prophète s’ouvrit enfin.

C’est la seule grâce qui lui restera , dit-il, et ce sera le roi de France.

A ces mots, le duc de Nivernois se leva brusquement, ses convives l’imitèrent. Un profond silence avait succédé aux premières folies. Le duc, s’adressant au personnage qui jouissait d’une faculté si rare et si lugubre, lui représenta qu’il se compromettait inutilement.

Cazotte ne répondit rien, prit son chapeau et se disposait à partir, lorsque madame de Grammont lui dit :

— Mais vous n’avez point parlé de vous-même dans toute cette affaire.

— Madame, répondit le prophète, tenant les yeux baissés, avez-vous lu le siège de Jérusalem dans l’historien Josèphe ?

— Quelle question ! Oui, eh bien ?

— Eh bien ! madame, pendant ce siège un homme fit sept jours de suite le tour des remparts, criant incessamment d’une voix tonnante et sinistre : Malheur à Jérusalem !et le septième jour il cria : Malheur à Jérusalem, Malheur à moi-même !Dans ce moment une pierre énorme, lancée par une machine, le frappa et l’écrasa. [p. 210]

Après cette réponse, Cazotte disparut. Quatre années plus tard , le 22 septembre 1792, il fut arrêté : sa fille parvint à le sauver. Au lieu de partager la joie qu’elle en ressentit, il annonça que dans trois jours on l’arrêterait de nouveau, et que cette fois il n’en réchapperait plus. Effectivement Cazotte fut massacré le 28 septembre, à l’âge de soixante-douze ans.

La Harpe , Deleuze, madame de Genlis , madame de Beauharnais, la famille de Vicq-d’Azyr, et une foule d’autres personnes qui existent encore garantissent l’authenticité de cette prédiction remarquable.

Encore un exemple.

En 1793, il y avait à Besançon un jeune homme, jadis distingué par son savoir, appelé Jean-François T… , surnommé les Bas-bleus, parce qu’il n’en portait jamais d’autres, et qui devint fou à la suite d’un chagrin d’amour.

Une des particularités les plus remarquables de sa folie, dit Ch. Nodier, c’est qu’elle n’était sensible que dans les conversations sans importance. Mais il n’en était plus de même quand l’entretien se résumait avec précision en une question morale ou scientifique de quelque intérêt. Alors les rayons si divergents, si éparpillés de cette intelligence malade se resserraient tout-à-coup eu faisceau, comme ceux du soleil dans une lentille, et prêtaient tant d’éclat à ses discours, qu’il est permis de douter que Jean-François eût jamais été plus savant, plus clair et plus persuasif dans l’entière jouissance de sa raison.

Un jour, c’était le 16 octobre 1793, Jean-François s’était arrêté comme un terme dans une attitude contemplative an milieu de la place de la ville de Besançon ; il avait les bras croisés, l’air tristement pensif et les yeux imperturbablement fixés sur un point élevé de l’horizon occidental. Quelques passants s’étaient groupés autour de lui, et cherchaient vainement l’objet extraordinaire qui semblait absorber son attention.

Charles Nodier, qui revenait du collège avec plusieurs de ses camarades d’école, l’accoste sur ces entrefaites. « Hé ! Jean-François [p. 211]  lui dit-il, qu’as-tu remarqué de nouveau ce matin dans la matière subtile de l’espace où se meuvent tous les mondes ?

« — Ne le sais-tu pas comme moi ? répondit-il en déployant le bras et en décrivant du bout du doigt une longue section de cercle depuis l’horizon jusqu’au zénith ; suis des yeux ces traces de sang, et tu verras Marie-Antoinette, reine de France, qui va au ciel. »

Alors les curieux se dissipèrent en haussant les épaules, parce qu’ils avaient conclu de sa réponse qu’il était fou, et je m’éloignai de mon côté, poursuit Ch. Nodier, en m’étonnant seulement que Jean-François les Bas-bleusfût tombé si juste sur le nom de la dernière de nos reines, cette particularité positive rentrant dans la catégorie des faits vrais dont il avait perdu la connaissance.

« Mon père réunissait deux ou trois de ses amis à dîner, le premier jour de chaque quinzaine. Un de ses convives, qui était étranger à la ville, se fil attendre assez longtemps.

« — Excusez-moi , dit-il en prenant place, le bruit s’était répandu, d’après quelques lettres particulières, que la reine Marie-Antoiette allait être envoyée en jugement, et je me suis mis un peu en retard pour voir arriver le courrier du 13 octobre : les gazettes n’en disent rien.

« — Marie-Antoinette, reine de France, dis-je avec assurance, est morte ce matin sur I’échafaud, peu de minutes avant midi, comme je revenais du collège.

« — Ah ! mon Dieu ! s’écria mon père ! qui a pu te dire cela ?…

« — Je me troublai, je rougis, j’avais trop parlé pour me taire, je répondis en tremblant : — C’est Jean-François les Bas-bleus.

« — Je ne m’avisai pas de relever mes regards vers mon père. Son extrême indulgence pour moi ne me rassurait pas sur le mécontentement que devait lui inspirer mon étourderie.

« — Jean-François les Bas-bleus ? dit-il en riant ; nous pouvons· heureusement nous tranquilliser sur les nouvelles qui nous [p. 212] viennent de ce côté. Cette cruelle et inutile lâcheté ne sera pas commise.

« — Quel est donc, reprit l’ami de mon père, ce Jean-François les Bas-bleusqui annonce les événements à cent lieues de distance, au moment où il suppose qu’ils doivent s’accomplir ? Un somnambule, un convulsionnaire, un élève de Mesmer ou de Cagliostro ?

« — Quelque chose de pareil, répliqua mon père , mais de plus digne d’intérêt, un visionnaire de bonne foi, un maniaque inoffensif, un pauvre fou qui est plaint autant qu’il méritait d’être aimé. Sorti d’une famille honorable, mais peu aisée, de braves artisans, il en était l’espérance, et il promettait beaucoup. La première année d’une petite magistrature que j’ai exercée ici, était la dernière de ses études ; il fatigua mon bras à le couronner, et la variété de ses succès ajoutait à leur valeur ; car on aurait dit qu’il lui en coûtait peu de s’ouvrir toutes les portes de l’intelligence humaine. La salle faillit s’écrouler sous le bruit des applaudissements quand il vint recevoir enfin un prix sans lequel tous les autres ne sont rien, celui de la bonne conduite et des vertus d’une jeunesse exemplaire. Il n’y avait pas un père qui n’eût été fier de le compter parmi ses enfants, pas un riche  à ce qu’il semblait, qui ne se fût réjoui de le nommer son gendre. Je ne parle pas des jeunes filles, que devaient occuper tout naturellement sa beauté d’ange et son heureux âge de dix-huit à vingt ans. Ce fut là ce qui le perdit, non que sa modestie se laissât tromper aux séductions d’un triomphe, mais par les justes résultats de l’impression qu’il avait produite. Vous avez entendu parler de la belle madame de Sainte-A…; elle était alors en Franche-Comté, où sa famille a laissé tant de souvenirs et où ses sœurs se sont fixées. Elle y cherchait un précepteur pour son fils, tout au plus âgé de douze ans, et la gloire qui venait de s’attacher à l’humble nom de Jean-François détermina son choix en sa faveur. C’était, il y a quatre ou cinq ans, le commencement d’une carrière honorable pour un [p. 213] jeune homme qui avait profité de ses études, et que n’égaraient pas de folles ambitions. Par malheur (mais à partir de là je ne vous dirai plus rien que sur la foi de quelques renseignements imparfaits), la belle dame qui avait ainsi récompensé le jeune talent de Jean-François était mère aussi d’une fille, et cette fille était charmante. Jean-François ne put la voir sans l’aimer ; cependant, pénétré de l’impossibilité de s’élever jusqu’à elle, il parait avoir cherché à se distraire d’une passion invincible qui ne s’est trahie que dans les premiers moments de sa maladie, en se livrant à des études périlleuses pour la raison, aux rêves des sciences occultes et aux visions d’un spiritualisme exalté ; il devint complètement fou, et, renvoyé de Corbeil, séjour de ses protecteurs, avec tous les soins que demandait son état, aucune lueur n’a éclairci les ténèbres de son esprit depuis son retour dans sa famille. Vous voyez qu’il y a peu de fond à faire sur ses rapports, et que nous n’avons aucun motif de nous en alarmer.

« Cependant ou apprit le lendemain que la reine était en jugement, et deux jours après qu’elle ne vivait plus.

Mon père craignit l’impression que devait me causer le rapprochement extraordinaire de cette catastrophe et de cette prédiction. Il n’épargna rien pour me convaincre que le hasard était fertile en pareilles rencontres, et il m’en cita vingt exemples qui ne servent d’arguments qu’à la crédulité ignorante ; la philosophie et la religion s’abstiennent également d’en faire usage.

« Je partis, peu de semaines après, pour Strasbourg, où j’allais commencer de nouvelles études. L’époque était peu favorable aux doctrines des spiritualistes, et j’oubliai aisément Jean-François au milieu des émotions de tous les jours qui tourmentaient la société.

« Des circonstances m’avaient ramené au printemps. Un matin (c’était, je crois, le 3 messidor), j’étais entré dans la chambre de mon père pour l’embrasser, selon mon usage, [p. 214] avant de commencer mon excursion journalière à la recherche des plantes et des papillons.

« — Ne plaignons plus le pauvre Jean-François d’avoir perdu la raison, dit-il en me montrant le journal ; il vaut mieux pour lui être fou que d’apprendre la mort tragique de sa bienfaitrice, de son élève, et de la jeune demoiselle qui passe pour avoir été la première cause du dérangement de son esprit. Ces innocentes créatures sont aussi tombées sous la main du bourreau.

« — Serait-il possible ! m’écriai-je… Hélas ! je ne vous avais rien dit de Jean-François, parce que je sais que vous craignez pour moi l’influence de certaines idées mystérieuses dont il m’a entretenu… Mais il est mort !

« — Il est mort ! reprit vivement mon père, et depuis quand ?

« — Depuis trois jours, le 29 prairial. Il avait été immobile dès le matin au milieu de la place, à l’endroit même où je le rencontrai au moment de la mort de la reine. Beaucoup de monde l’entourait comme à l’ordinaire, quoiqu’il gardât le plus profond silence, car sa préoccupation était trop grande pour qu’il pût en être distrait par aucune question. A quatre heures, enfin, son attention parut redoubler. Quelques minutes après, il éleva les bras vers le ciel avec une étrange expression d’enthousiasme ou de douleur, fit quelques pas en prononçant les noms des personnes dont vous venez de parler, poussa un cri et tomba. On s’empressa autour de lui, on se hâta de le relever, mais ce fut inutilement. Il était mort.

« — Le 29 prairial, à quatre heures et quelques minutes ! dit mon père eu consultant son journal, c’est bien l’heure et le jour t… Encore , continua-t-il après un moment de réflexion, et les yeux fixement arrêtés sur les miens, ne me refuse pas ce que je vais te demander. Si jamais tu racontes cette histoire, quand tu seras homme, ne la donne pas pour vraie, parce qu’elle t’exposerait an ridicule.

« —Y-a-t-il des raisons qui puissent dispenser un homme [p. 215] de publier hautement ce qu’il reconnaît pour la vérité ? repartis-je avec respect.

« — Il y en a une qui les vaut toutes, dit mon père en secouant la tête, la vérité est inutile (30).

Nous nous sommes étendu à dessein sur les prédictions qui ont trait à la révolution française de 89, parce que cet événement nous touche de près, et que s’il y a eu supercherie , il est facile de le dévoiler.

Je le sais, la grande majorité des personnes se refuseront néanmoins à admettre la véracité des faits que nous avons rapportés dans ce mémoire, parce qu’ils répugnent à la raison qui est dans l’impuissance de les expliquer, et aussi parce qu’il est bien plus facile de nier que de discuter. L’orgueil de l’homme est ainsi fait : il rejette tout ce qu’il ne peut comprendre ; singulière manière de philosopher ! Insensés ! est-ce que tout n’est pas mystère dans la nature ? Le soleil qui vous éclaire et vous inonde de lumière ; ces astres suspendus sur vos têtes, qui parcourent avec une exactitude merveilleuse la voie que le doigt de Dieu leur a tracée ; cette graine imperceptible qui, tombant dans le sein de la terre, donne naissance à des arbres séculaires ; la foudre qui sillonne et éclate avec fracas dans les nues comme pour témoigner de la terrible puissance de la main qui la lance dans l’espace, ne sont-ce pas des mystères impénétrables ? La vie humaine elle-même n’est-elle pas un mystère ? Et Dieu , enfin, n’est-il pas le plus grand des mystères ? Et pourtant toutes les nations admettent son existence, car tout ce qui nous entoure en est une preuve éclatante. Les philosophes matérialistes ont beau faire ; ils ne parviendront jamais à détruire cette croyance dans le cœur humain, car on n’a qu’à jeter les yeux sur le grand livre de la nature, et on y verra imprimé en gros caractères le nom de Dieu. Galilée, dont le sublime génie vit plusieurs mondes rouler sous la voûte des [p. 216] cieux , et le soleil immobile les éclairer de ses rayons lut dans le firmament le nom de Dieu.

Newton, qui découvrit, à travers l’immensité, la planète attirant la planète, et releva l’édifice des globes, lut dans le firmament le nom de Dieu.

Cuvier, dont la main puissante fit sortir un monde de ses ruines, ou plutôt plusieurs mondes du sein de la terre où dorment leurs débris, et, de l’Occident à l’Orient, du Midi vers le Septentrion, développa à nos yeux émerveillés l’histoire des plus étonnantes catastrophes ; Cuvier, dis-je, lut dans les entrailles de la terre le nom de Dieu.

Napoléon, déclin du faite des grandeurs humaines, assis sur le rocher de Sainte-Hélène, à travers l’immensité de l’Océan, dans la voix terrible des tempêtes qui mugissaient à ses pieds et dans sa propre catastrophe, vit le doigt de Dieu, et, à l’approche de la mort, il courba sa tête altière devant le déshonneur du Golgotha.

Ainsi donc, tout en confessant notre ignorance , imitons le grand écrivain :

« Che, temprando lo scettro ai regnarori,
Gli allor ne sfronda, ed alle genti suela

Di che lagrime grandi et di che sangue(31). »

Et qui dit naïvement : « Je ne saurais en donner la raison, mais c’est un fait attesté par toute l’histoire ancienne et moderne, que jamais il n’est arrivé de grand malheur dans une ville ou dans une province qui n’ait été prédit par quelque devin, ou annoncé par des révélations, des prodiges ou autres signes célestes. Il serait fort à désirer que la cause en fût discutée par des hommes instruits dans les choses naturelles et surnaturelles, avantage que je n’ai point. Quel qu’il en soit, la chose est certaine (32). » [p. 217]

Peut-être que l’état actuel de la science ne permet pas encore de déchirer le voile qui couvre les phénomènes de prévision. Cependant, sans trop risquer de se compromettre, on peut dire que si l’on admet l’immortalité de l’âme, ces phénomènes peuvent recevoir une solution satisfaisante sans recourir à des influences surnaturelles. En effet, supposons l’âme dégagée de la matière, et il sera alors évident qu’étant immortelle, ou plutôt étant une parcelle de la divinité, elle doit saisir jusque dans ses moindres détails tous les mystères de la création ; car, pour l’âme libre, les conditions de temps et d’espace n’existent pas ; le passé, le présent et le futur se confondent en un seul point, et dès lors, je le répète, elle saisit en un clin d’œil les rapports et l’ensemble de tout ce qui est. Tous les philosophes spiritualistes anciens et modernes partagent cette opinion.

Or, des données physiologiques certaines nous apprennent que les facultés de l’entendement, les idées, les conceptions de l’esprit, en un mot, ne sauraient se développer si le cerveau ne reçoit pas une impulsion, une surexcitation quelconque. Il y a plus, les idées et les conceptions sont d’autant plus vastes, plus sublimes, que la surexcitabilité encéphalique est plus profonde et plus énergique.

Certaines substances, telles que le café , le hachisch , jouissent de la faculté de stimuler ou plutôt d’exciter le cerveau : sous leur influence on éprouve une grande facilité au travail intellectuel et une aptitude plus vive des sens à percevoir leurs stimulants particuliers. En un mot, la sphère de l’intelligence s’agrandit d’une manière extraordinaire. Or, il est des cas de surexcitabilité nerveuse provoquée par un état pathologique particulier, où ce phénomène singulier devient plus remarquable encore : tels sont l’hystérie, la catalepsie, l’extase, le somnambulisme artificiel, l’état de certains rêves, etc. Eh bien ! dans tous ces cas l’âme, sous l’influence de la surexcitabilité, tend à rompre, à briser les entraves qui la rattachent à la terre ; elle prend un essort inaccoutumé, elle tend à revendiquer [p. 218] en partie ses attributs immortels, qu’elle ne recouvre en entier qu’après la mort du corps. Mais toujours est-il que, dans un état pareil , il est peut-être permis de supposer qu’elle peut entrevoir une partie des mystères de l’univers, qu’elle peut plonger son regard dans l’abîme de l’avenir, et y lire les décrets de Dieu.

Tous les faits que nous avons rapportés dans ce mémoire et beaucoup d’autres encore qui sont enregistrés dans les archives de la science, viennent merveilleusement à l’appui de cette doctrine.

Certes, beaucoup de personnes trouveront plus commode de tout nier, faits et interprétation des faits, parce qu’elles ne veulent pas se donner la peine de réfléchir. Mais pourquoi alors ne pas nier aussi les événements de l’histoire ? Pourquoi croire aux faits et gestes d’un Thémistocle, d’un Léonidas, d’un Alexandre, d’un Annibal, d’un Scipion, d’un César, etc. ? car tous ces faits ne sont pas plus certains, plus authentiques, que les faits de prévision dans les songes, le somnambulisme, l’extase , etc. Les uns et les autres sont également rapportés par des hommes dignes de foi.

Pour nous, nous avouons franchement que toute la création est un mystère, que la puissance de la raison humaine est bornée, et que rien n’est impossible à l’intelligence qui a créé et gouverne l’univers !

(La suite (Des rêves pathologiques) au numéro prochain.) [en ligne sur notre site]

Notes

(1) Brillat-Savarin, Physiologie du goût.

(2) Voyez mon Mémoire sur les Hallucinations, dans les Annales médico-psychologiques, T. VI, p. 319 et T. VII, p. 13.

(3) Voyez mon Mémoire sur la démonomanie, Annales médico-psychologiques de mai 1943 [en ligne sur notre site], et mon mémoire cité sur les Hallucinations.

(4) Cerise, Des fonctions et des maladies nerveuses, ouvrage couronné par l’Académie de médecine.

(5) ) Brillat-Savarin, Physiologie du goût.

(6) Moreau de la Sarthe, Grand dict. des Sc. Méd. [en ligne sur notre site]

(7) Voy. mon mémoire cité.

(8) Cabanis, Rapports du physique et du moral.

(9) Abercrombie, cité par Brierre de Boismont, Des hallucinations.

(10) Abercrombie, cité par Brierre de Boismont.

(11) Saint Augustin, Cité de Dieu. — Brierre de Boismont, Des hallucinations.

(12) Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie.

(13) Leuret, Fragments psychologiques sur la folie.

(14) Valer. Max. lib. I. — Suétone, in Aug.

(15) Valer. Max. lib. I. — Plutarque, Des oracles de la Pythie. — Cicero, De divinat.

(16) Valer. Max. lib. I

(17) Valer. Max. lib. I. — Cicero, De Divinatione.

(18) Coelius, cité par Valer. Max.

(19) Valer. Max. lib. I

(20) Rollin, Histoire ancienne, lib. XV, § 7.

(21) Barthélémy, Voy. du jeune Anacharsis, ch. XXXV.

(22) Abercrombie, Inquiries concerning the intellectual powers and the investigations of truth. — Brierre de Boismont, ouvrage cité.

(23) Grégoire de Tours, De miraculis sancti Martini. Brierre de Boismont, ouvrage cité.

(24) Josèphe, Histoire de la guerre des Juifs contre les Romains.

(25) S. Sismondi, Hist. ital.

(26) Mém. De Phil. de Comines, lb. VIII, ch. III.

(27) Biographie univ., T. VIII.

(28) A. Delrieu, Histoiresdu magnétisme.

(29) Mém. De l’abbé Georget.

(30) Ch. Nodier, Jean-François les Bas-Bleus.

(31) Ugo Foscolo, Dei sepolcri.

(32) Machiavel, Décades sur Tite-Live, liv. I, chap. LVI.

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