L’hypnotisme en Russie : Le pouvoir des sorciers russes. Par Oscar Orlitsky. 1904.

ORLITZKYRUSSIE0002Oscar Orlitsky (de Moscou). L’hypnotisme en Russie : Le pouvoir des sorciers russes. Article paru dans la « Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique », (Paris), 19e année, 1904, pp. 87-89.

Un articulet par un médecin russe, membre de la Société dHypnologie française.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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L’hypnotisme en Russie : Le pouvoir des sorciers russes

Par M. le Dr Oscar ORLITSKY (de Moscou). 

 

J’appelle aujourd’hui votre intention sur plusieurs points relatifs à l’extension que prend l’hypnotisme en Russie non seulement dans le monde médical mais encore dans le grand public.

L’hypnotisme moderne se développe de front avec la psychologie expérimentale et la psychiatrie ; il attire l’attention de tous ceux qui explorent ces deux domaines. Dans un avenir proche il aura dépouillé chez nous ce qu’ils gardent encore de superstitieux et de mystérieux et deviendra définitivement une des branches du grand arbre des sciences médicales.

Je vais exposer brièvement ce qui a été fait récemment en Russie pour et par l’hypnose.

Surtout pendant ces dernières années, plusieurs régions ont été dotées de nombreuses infirmeries destinées au traitement des alcooliques. Vous savez à quel point ce fléau s’est développé en Russie. Toutes les mesures prises pour l’enrayer sont restées jusqu’à présent, inefficaces, tandis que grâce à l’hypnotisme nous obtenons environ 50 % de guérison. Le prompt succès du traitement hypnagogique dans ces infirmeries [p. 88] a donné lieu à la création d’autres établissements de même espèce qui ont rencontré une grande sympathie auprès de la population. Les médecins qui s’occupent de l’hypnotisme peuvent même par là lutter, d’une manière au moins indirecte, contre la superstition, dont par défaut d’instruction, est affligée la grande majorité du peuple. En voici un exemple. Une jeune fille, appartenant à une famille de paysans, est très jolie et remplie de séduction. Les succès qu’elle obtient provoquent la jalousie de toutes ses compagnes ; et celle-ci ne laisse pas échapper une occasion de lui nuire. Ainsi elles imaginent de lui faire jeter un sort. Quand elle a ses 18 ans, un prétendant des plus honorables lui faire la cour, ce qui porte au paroxysme la jalousie de ses rivales. Il existe dans le village un paysan qui prétend avoir le pouvoir d’enlever ou de données toutes sortent de maladies. Notre jeune fille connaissait cet homme et son prétendu pouvoir. Au grand étonnement des uns et la grande joie des autres, quelques heures avant la cérémonie nuptiale cette jeune fille est prise d’une attaque hystérique ; on l’interprète comme le premier phénomène de l’ensorcellement.

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Sortie de sa crise, la malade reste plongée dans une sorte de torpeur, avec mutisme, refus des aliments, de la lumière et recherche de la solitude ; en un mot sa personnalité et soudain totalement transformée. Le mariage est rompu et on enferme la malheureuse fille comme une folle dans un grenier. Pendant un mois son état ne subit pas de notables modifications.

Cependant le sorcier ce prit à regretter son acte cruel et il résolut de retirer le sort qu’il avait jeté. À cet effet il se rend au logis de la pauvre possédée et, dès qu’il est en sa présence, il commence différentes manœuvres telles que placer des bougies dans divers endroits, mettre de l’eau dans une assiette et mélangez de la poudre, puis marmotter les paroles destinées à retirer la mauvaise influence dont il s’était servi contre elle. Moins d’une demi-heure après la jeune fille se réveille et se met à parler. Elle reconnaît son entourage, sa gaieté revient, elle recouvre son état normal, sans avoir la moindre souvenir des événements qui se sont passés.

Voici les renseignements que j’ai recueillis sur ce cas. La malade appartient à une famille névropathique ; la mère, nerveuse, irritable, a eu, dès sa plus tendre enfance, des crises de colère suivie de suffocation. Jusqu’à l’approche de ces règles elle ne présente rien de particulier ; mais vers cette époque elle change de caractère, devient sombre, violente, et présente des douleurs ainsi que des secousses nerveuses dans tous les membres. À la puberté on remarque des symptômes manifestement hystériques. Par exemple, elle invente de toutes pièces, une foule d’histoires scandaleuses dont elle se prétend l’héroïne. On fait en outre les constatations suivantes : ovarie gauche avec une sensation de suffocation à la pression et anesthésie passagère dans diverses régions du corps. Enfin elle présente une suggestibilité tout à fait extraordinaire à l’état de veille. [p. 89]

Les cas de ce genre sont très fréquents. L’hystérie, en effet, est très répandue dans la population russe. Or les hystériques vivent au milieu de toutes ces superstitions, elles manquent d’instruction, leur imagination maladive trouve dans tous les préjugés un aliment puissant pour l’autosuggestion. Nous passerons rapidement sur la contagion des crises hystériques ou des possessions démoniaques. Les malades de ce genre se rendre à 4 heures du matin vers la chapelle de Saint Panteleymon située à Moscou et là, pendant que le prêtre invoque ce saint, ils sont soulagés de leurs maux.

Profitant de l’occasion, je vous parlerai d’un soi-disant sorcier, paysan d’une province de la Pologne, lequel jouissait d’une réputation considérable. Quand on ne l’invitait pas à une noce, le jeune couple ne devait avoir que des relations fraternelles ; si au contraire on le conviait et lui offrait des présents, la prospérité du jeune ménage était assurée.

Les médecins, qui sont en contact constant avec les masses, doivent connaître à fond les phénomènes de la suggestion et de l’hypnotisme. C’est à eux que s’impose le devoir de répandre dans la population des notions exactes et de combattre les superstitions entretenues par l’ignorance.

Gardons-nous de passer sous silence que c’est sous la direction de nos célèbres professeurs Bechtereff et Serebrenkoff que s’est fondé le journal : Le messager de la psychologie, de l’anthropologie criminelle et de l’hypnotisme. Toute une partie de ce journal est consacrée aux questions relatives à l’hypnotisme. Les noms des professeurs Bechtereff et Serebrenkoff nous sont garants du caractère éminemment scientifique de ce journal ; j’aurai à cœur de vous signaler les principaux articles qui seront publiés.

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