Les grands exorcismes du XIXe siècle. Par le Dr Witry. 1905-1906.

WITRYEXORCISMES0002Dr Witry. Les grands exorcismes du XIXe siècle. Article parut dans le « Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique », (Paris), vingtième année, 1905-1906, 1906, pp. 163-167 et 1906, 196-198, 305-307.

 

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 163]

Les grands exorcismes du XlXe siècle
par M. le Dr WITRY, de Trèves.

I. – L’exorcisme de Luxembourg (1). — Il fut pratiqué en mai 1842 par Mgr Laurent, évêque de Luxembourg. L’obsédée était une jeune Lorraine, Catherine Pfefferkorn, née à Villers. Ce fut à I’âge de seize ans, qu’elle [p. 164] fut possédée. Voici dans quelles circonstances : elle était servante dans une maison bourgeoise. Des mendiants étaient venus demander l’aumône. Elle les repoussa. En s’éloignant, ceux-ci, mécontents de la réception, l’apostrophèrent lui disant : « Que le diable t’emporte ! » Il lui sembla qu’un essaim d’insectes lui pénétrait par la bouche et par le nez et s’introduisait dans sa gorge. Immédiatement la maladie se manifesta par des contractures dans les muscles du visage. Elle les conserva pendant quelques années. Puis un jour, elle tomba dans des attaques convulsives qui l’obligèrent à quitter le service. Bientôt sa surexcitation et son agitation augmentèrent, à un tel point qu’on l’entendait pousser des cris horribles. Dans ses attaques elle se frappait continuellement les seins et la figure avec ses poings et développait dans ses mouvements une telle force, que six hommes ne pouvaient la maintenir. Entre temps elle parlait le latin et reprochait quelquefois leurs péchés à ceux qu’une curiosité intempestive attirait autour d’elle. On la fit admettre à l’hôpital du Bon-Secours à Metz : elle y resta quatre mois sans qu’on vit survenir aucune amélioration. Puis elle fut internée à l’asile de Maréville-lez-Nancy. Elle y fut gardée pendant quelques mois. Étant devenue plus calme, on la renvoya chez ses parents. Elle ne tarda pas à y avoir de nouvelles obsessions . On la reconduisit à l’hôpital de Metz, et là, les Jésuites Simon et Chable s’efforcèrent pendant sept mois de la guérir avec des exorcismes et des prières. Une commission de médecins messins, chargée de l’examiner, la déclarèrent atteinte de démonomanle. Pendant que les Pères priaient à son intention, son visage grimaçait horriblement. La langue pendait démesurément de la bouche, les yeux avaient un aspect effrayant, elle imitait les cris de différents animaux. La présence des prêtres, d’une croix, d’une image de la Vierge, d’un rosaire ou cran reliquaire la plongeait dans une rage inouïe. À la fin la malade criait toujours : « Ça ne sert à rien. Il faut qu’il vienne un homme avec une haute coiffure pour me délivrer. » Alors on lui conseilla d’aller voir l’évêque Laurent. Notons aussi qu’elle sut traduire des questions posées en latin et y répondre même plusieurs fois en latin. Elle se disait torturée par treize diables et les nommait tous par leurs noms.

Oathertne Pfefferkorn avait déjà fait en 1838 un pèlerinage à Luxembourg, mais sans succès. Pour la seconde fois, elle se présenta, lors de l’octave de N.-D. de Luxembourg, devant l’évêque.

Mgr Laurent qui l’exorcisa lui-même, raconte ainsi cette scène :

« Elle se leva comme une flèche, s’élança vers moi et me montra une figure diabolique que je n’oublierai jamais. Elle poussa des hurlements comme un lion. Je fis le signe de la croix. Elle tomba à terre et s’y roula dans des convulsions atroces, me regardant toujours avec la même expression. Je fis venir mes trois vicaires et nous commençâmes les exorcismes. Elle fut projetée d’un coin de la chambre dans un autre en entraînant avec elles les trois hommes, qui étaient cependant de solides gaillards. Les convulsions et les mugissements continuèrent encore [p. 165] deux heures après jusqu’à ce que les litanies de N.-D. ayant commencé on la vit se calmer peu à peu. »

C’était un mardi. Le grand exorcisme devait avoir lieu à cinq heures de l’après-midi. La malade toute la semaine se plaignit de « douleurs brûlantes dans tous les organes. » Le jour du grand exorcisme, l’évêque n’y put aller qu’à huit heures du soir. Voici 1e récit qu’il en a fait :

« En me rendant à la cathédrale, j’entendis de loin les cris sataniques de la possédée et la prière des prêtres. Satan avait projeté la pauvre fille, les jambes tendues, par-dessus le banc de communion du chœur de l’église dans la nef, sans lui faire aucun mal. On lui lia les mains avec l’étole et on l’entraîna de cette façon de nouveau devant l’autel. Elle avait crié et hurlé pendant trois heures, tantôt comme un loup, tantôt comme un oiseau. J’ordonnai à Satan de se taire et de ne répondre qu’à mes questions. Je mis alors l’étole sur la tête de la possédée et il obéit. En continuant I’exorcisme, je frappai le démon avec d’autant plus de force, qu’il se tordait et se roulait plus violemment. Il répondait sur mes questions que la malade devait expier Ies péchés d’autrui et sur mes exorcismes pressants il consentit enfin â sortir de la possédée, le lendemain, à neuf heures du soir. Entre temps il se tordait et proférait des blasphèmes, en désignant Notre-Seigneur Jésus-Christ par ces mots : « Ce juif qui dû avaler du vinaigre et du fiel. » Il menaçait la malade, mais je la fis passer la nuit enveloppée dans l’étole. Je travaillai ainsi encore pendant deux heures. Satan me menaça aussi, mais je dis à la possédée : « Allez en paix ! » Et, de ce moment, Satan se retira d’elle. Elle tomba tonte épuisée sur une chaise et sur son visage nous vîmes apparaitre une figure d’ange pleine de pitié et de résignation. »

St.Francis Borgia Exorcisme.

St.Francis Borgia Exorcisme.

L’évêque raconte alors comment le démon lui fit passer une nuit épouvantable. Le lendemain à six heures du soir la possession reprenait de plus belle.

« Les hurlements, les grincements de dents, les accès de rage recommencèrent. La malade, qui la veille n’avait pas encore pu prononcer toutes les paroles sacrées, le put aujourd’hui. Satan fut forcé aussi de dire son nom. Il ressemblait à « Erroro ». Quant à son nombre des diables, il déclara, qu’ils étaient dix au commencement, mais qu’ils étaient entrés plus tard comme des moucherons. De fait, hier les différents exorcismes avaient été suivis de beaucoup d’éructations. Je trois qu’alors déjà beaucoup de démons s’échappèrent de son corps. Je lui commandai de se lever, de s’asseoir. Il obéit en montrant la langue, en grinçant des dents, en donnant des coups de pied et en se moquant des prêtres. Je lui avais passé l’étole autour du cou, Satan faisait des grimaces horribles et nous traîna tous d’un coté du chœur dans l’autre. Entre temps la sœur de la possédée, une fille pieuse et simple d’esprit, vit sur les dalles du chœur une grande araignée qui s’était échappée de la malade. Nous redoublions nos prières. LAngélus sonna. Je sommai Satan de sortir de la possédée « in abyssum, sine ullo strepitu, [p. 166] nocumente aut vestigio sui. » Après l’Angelus la malade dit : « Il faut encore prier trois : Gloire au Père, etc. » Alors je lui. Demandai : « Croyez-vous être délivrée du diable ! »

Elle répondit : « Oui Monseigneur ! »

Nous chantâmes le Te Deum. Elle était rentrée dans la paix rat dans le calme, monta à l’autel et, les bras étendus, les cheveux dénoués, elle pria à haute voix. »

La guérison ne fut pas complète. « Elle eut encore de petites crises. Plus tard, elle alla voir là Sainte Robe de Notre Seigneur à Trèves. Elle y fut présentée aux évêques de Trèves, Spire et Osnabruek, mais elle eut une crise telle, que les trois évêques se sauvèrent. » Trois jours avant sa mort elle eut une forte attaque avec des convulsions terribles, cependant la crise ne dura pas longtemps. »

*
*   *

Comment ne pas reconnaître la grande attaque d’hystérie dans Ies descriptions de Mgr Laurent.

Il nous montre d’abord l’aura hystérique se manifestant par des douleurs brûlantes (ovariennes, etc.), dans les divers organes… »

Il nous présente ensuite la malade dans la période épileptoïde avec ses convulsions : la face est menaçante. les yeux convulsés.

Enfin, dans la période de clownisme, nous voyons apparaître les grands mouvements qui s’exécutent avec une violence épouvantable ; elle se frappe violemment, pousse des cris sauvages et des hurlements de bête fauve ; elle se conduit comme une forcenée et développe dans sa rage des forces musculaires décuplées.

Après la période clownique, nous voyons apparaître celle des attitudes passionnelles avec sa mimique expressive et ses extases.

L’attaque terminée elle revient à elle-même absolument courbaturée et brisée de fatigue.

Les différentes périodes de l’attaque d’hystérie s’entremêlent dans le rapport de Mgr Laurent. Il n’y a d’étonnant à cela, puisqu’il a fallu tout le génie de Charcot pour substituer dans l’étude de l’hystérie convulsive, la lumière et la méthode, là où n’existaient que la confusion et le chaos. Les connaissances de la malade en langue latine seraient d’une explication plus difficile. Mais le curé B. Heyne (2) nous donne sur ce point des renseignements utiles. En réalité, il les trouve très minimes et les explique par les questions posées par nombre de prêtres dans les exorcismes précédents. Ces ecclésiastiques prononçaient toujours les mêmes mots de latin. En particulier, ils répétaient constamment des phrases stéréotypées telles que : In nomine patrisVade retro satanas, etc. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la malade en ait retenu quelques-­unes. À l’asile de Maréville, la malade était calme. C’est que les médecins ne s’intéressaient pas outre mesure à ses crises, De plus, elle avait [p. 167] envie de quitter I’asile, où règne toujours une certaine discipline. Mais dans la cathédrale épiscopale de Luxembourg, la crise était en quelque sorte encouragée par la curiosité publique et par l’intérêt qu’y accordaient les prêtres. La malade était, en quelque sorte, placée sur une scène théâtrale et l’occasion de jouer un rôle était trop tentante pour qu’une dévote exaltée pût résister au besoin de faire parler d’elle et de se couvrir de gloire. L’hystérie, comme on le sait, aime les mises en scène et la cathédrale, avec ses pompes religieuses, lui en fournissait de très somptueuses.

La contagion psychique s’y exerçait même avec une grande intensité. À certains instants elle gagna tous les spectateurs, même l’évêque et ses grands vicaires. La sœur de la malade y présenta une hallucination de la vue, lui faisant croire qu’elle voyait distinctement I’araignée qui venait de sortir de la bouche de la possédée.

La contagion psychique peut seule expliquer, qu’un homme intelligent, comme Mgr Laurent, ait pu se prêter bona fide à jouer un rôle actif dans cette comédie. Il perdit en effet son sang-froid au point de frapper une malade à grands coups de verges bénites, même à un moment donné, dans une sorte de rage impuissante, on le vit s’efforcer de faire taire le diable en étranglant la possédée avec son étole.

Il est bien dommage que Félicien Rops, le peintre de Satan, et Huysmans, l’auteur de Là-Bas n’aient pas assisté à ces scènes extravagantes. Leur verve sarcastique y eut trouvé un aliment précieux. Pour nous médecins, c’est avec un esprit moins ironiste qu’il convient d1étudier ces scènes attribuées par des esprits mystiques à l’intervention des démons. Nous les envisageons comme les manifestations de maladies morales qu’il convient de guérir au même titre que les maladies du corps. En exhumant ces souvenirs d’un temps peu éloigné de nous, nous voulons apporter notre contribution à l’œuvre entreprise par les professeurs de l’École de psychologie. Nous serons heureux si, dans notre documentation, se trouvaient des faits utiles pour l’enseignement si nécessaire auquel ils se consacrent.

Jésus Christ guérissant un jeune possédé du Démon - Henri-Joseph (de) Forestier (1797

Jésus Christ guérissant un jeune possédé du Démon – Henri-Joseph (de) Forestier (1797

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Les grands exorcismes du XlXe siècle
par M. le Dr WITRY, de Trèves.
(suite) (3)

II. – L’exorcisme de Wemding (Bavière). — Un autre exorcisme qui fit grand bruit en Allemagne fut celui de Wemding, pratiqué en 1891 par le P. Capucin Aurélien sur le jeune Michel Zilk. Le Père Aurélien l’a décrit lui-même (4).

Le petit Michel avait dix ans Iorsque ses parents remarquèrent, au commencement de 1891, que l’enfant présentait des changements extraordinaires. « Il ne pouvait plus prier, ni entendre des prières sans avoir des accès terribles de fureur. Il manifestait de l’aversion à l’égard des objets bénits ; injuriait ses parents et grimaçait horriblement ». Les parents consultèrent un médecin. Mais comme l’enfant ne se calmait pas, ils l’amenèrent dans le couvent des Capucins, à Wemding. À divers signes, les Pères reconnurent qu’il était possédé par le diable. L’enfant rageait et écumait ; il était doué d’une telle force, que trois hommes ne pouvaient le dompter. Les Pères disaient la benedictio a daemonum et I’exorcisme in Satanum et angelos apostatas sur l’enfant sans aucun résultat. Le 12 mai 1891, I’évêque Pancrace, d’Augsbourg, était en visite chez le curé de Wemding. Le père de l’enfant malade le lui amena et l’évêque s’avança vers le petit en lui disant : « Tu ne me trompas pas, esprit impur ». L’enfant resta dans le même état. « Lorsqu’il devait passer devant une église ou devant la statue d’un saint érigée dans une église ou devenait inquiet et tombait à terre. À l’église, il était dans une agitation constante ». Cela durait depuis des mois ; en juin, l’évêque d’Augsbourg permit que le grand exorcisme fût pratiqué sur le jeune possédé.

Les Pères Remigius et Aurélien commencèrent le 13 juillet, à sept heures du matin. L’église fut fermée. Seuls les parents et trois autres [p. 197] habitants de Wemding furent admis comme témoins. Le Père Aurélien a fait de cette scène le récit suivant : « Lorsque le Père voulait amener l’enfant dans le chœur, celui-ci résistait, le frappait au visage, et poussait des hurlements fous. Il se débattait avec une telle rage que le Père et l’enfant tombaient à terre et que quatre hommes parvenaient à grand’peine à le maîtriser. Nons lui fîmes ligoter les bras et les jambes. L’enfant nous crachait à la figure et continuait à vociférer. Nous priâmes, le bénîmes et commençâmes l’exorcisme. Mais Satan ne répondait à aucune de nos questions. Lorsque nous lui mîmes l’étole autour du cou, il montra par ses soupirs qu’il en ressentait une grande douleur. Nous n’eûmes tout de même pas de résultat dans la matinée. À deux heures de l’après-midi, l’exorcisme recommença. Satan nous répondit alors que l’enfant était possédé et qu’ils y étaient au nombre de dix. À cinq heures du soir, nouvel exorcisme. La rage de l’enfant, les hurlements, les crachats : tout restait le même.

Le lendemain, à sept heures, cinquième exorcisme. L’église étant grande ouverte, une foule énorme de curieux s’y pressa. L’enfant criait, crachait et rageait comme un maniaque. Je lui mis un petit reliquaire sur la poitrine et une particule de la Ste·Croiix sur la tête. Ses traits se contactèrent alors de douleur. J’engageai la foule à prier avec moi. Mais Satan ne céda pas ; il répondait toujours : « Je ne veux pas, je ne veux pas ».

— « Pourquoi donc pas ? »

— « Parce que cette femme continue avec ses malédictions. »

— « Quelle femme. »

Il désigna une voisine des parents de l’enfant.

Le Père Aurélien continue ses questions .

— « Combien de temps es-tu dans eet enfant ? »

— « Depuis une demi-année. »

— « Comment t’appelles-tu ? »

— « Je ne sais pas. »

Malgré les objurgations, du Père, Satan resta dans l’enfant. L’exorcisme dura deux heures. Après une suspension, il recommença à une heure de l’après-midi.

L’enfant était encore inquiet, mais ne crachait plus. Le capucin redoubla ses admonestations et Satan fit mine de vouloir sortir du possédé.

— « As-tu abandonné l’enfant ? »

— « Oui, avec mes compagnons. »

— « Où étes-vous maintenant ? »

— « Dans l’enter. »

Alors, l’enfant commença à pleurer, s’aspergea d’eau bénite et pria avec le capucin. Il était guérit.

L’auteur parle ensuite de la cause de la possession. Les parents sont de religion mixte. Dans certaines familles de Wemding, les enfants sont élevés dans la religion protestante jusqu’à un certain âge. Alors, on les [p. 198] envoie à l’école catholique. Une voisine de l’enfant possédé, qui est protestante; s’indigna de ces palinodies. Elle exprima son mécontentement en maudissant les enfants. De là la possession.

Il est évident que l’enfant était atteint d’hystérie infantile. L’entourage, qui ne pouvait s’expliquer ses crises, en attribua la cause à l’intervention de Satan. L’évêque entrant dans leurs vues, les confirma en intimant à Satan l’injonction de céder la place. Enfin, les capucins, avec leurs bénédictions et leurs exorcismes, contribuèrent encore plµs à créer l’atmosphère de suggestion dans laquelle se développa la comédie de l’exorcisme de Wemding.

Ce qui fait le principal intérêt de ces scènes d’exorcisme, c’est la date récente à laquelle elles ont eu lieu. Au moyen-âge, elles étaient fréquentes et personne n’aurait songé à s’en étonner. Au dix-neuvième siècle, elles apparaissent comme un anachronisme et témoignent à la fois de la persistance de l’esprit superstitieux et surtout d’une ignorance vraiment inattendue chez un grand nombre de membres du clergé catholique.

 Mahlon Blaine.

Mahlon Blaine.

[p. 305]

Les grands exorcismes du XlXe siècle
par M. le Dr WITRY, de Trèves.
(suite et fin) (5)

Ce n’est pas seulement le catholicisme qui a mis en seëne au Xlr siècle les drames hystériques; le protestantisme et l’orthodoxie russe, ont aussi engagé Sa.tan comme acteur dans des scènes d’exorcisme.

Le grand réformateur Luther, qui avait tant d’hallucinations diaboliques, indiquait de son temps comme remède radical à appliquer contre l’idiotie, « de plonge » l’enfant dans l’eau et de le noyer, car de telles créatures ne sont qu’une masse de chair, massa carnis, dans laquelle il n’y a comme âme que le diable ».

Les pasteurs protestants modernes sont restés fidèles aux croyances du fondateur du protestantisme. Témoin le rapport suivant du Dr Sommer au congrès des aliénistes allemands, à Munich, en 1893.

En automne 1892 on vit arriver dans le village prussien d’Heidreege (Pinneberg]) une mission prorestante. Elle se composait de deux missionnaires-pasteurs. Après le sermon, la femme d’un instituteur des environs, qui était aliénée depuis des années et avait été internée à différentes reprises, s’approcha du prédicateur et demanda à parler au pasteur Roeschmann. Elle se plaignit à lui d’être possédée par le diable. Le pasteur essaya de l’en délivrer par I’exorcisme. Quelques instants après les gens réunis dans une pièce voisine, parmi eux le pasteur Ick, entendent des cris épouvantables. Ils entrent et entendent le diable parler correctement l’anglais ainsi qu’une langue orientale inconnue. Il est à noter que la femme ne connaissait que l’allemand.

À la fin, la possédée déclare que le diable la quittera seulement dans l’église de son village. Les deux pasteurs délibèrent longuement et se demandent sérieusement s’il ne faut pas y conduire la malade. Enfin, la nuit arrivant, ils abandonnent ce projet. Ils continuèrent pendant deux heures à se livret à des pratiques d’exorcisme, jusqu’à ce que la femme se débattit des mains et des pieds, et que l’écume sortit de sa boche. Alors elle devint plus calme. Pendant. Toute celte procédure, les pasteurs étaient assistés par les fidèles qui chantaient des chœurs. Un peu plus tard, la femme rentra tranquillement chez elle, aussi malade naturellement qu’auparavant.

Un exorcisme en Abyssinie est raconté par le missionnaire Th. Waldmeyer dans son livre: The auto-biohraphy of Th. Waldmeyer. London S. W. Partridge 1890, p. 64.

Plus récent encore est celui de Kronstadt en 1903. Le « Journal de St-Pétersbourg » le décrit d’après les communications du chef de police !

« Batusehka Joannès Kronstadtski (Jean de Kronstadt) est un pope russe célèbre, que la population orthodoxe regarde comme un saint. La [p. 306] foi en la puissance miraculeuse de ses prières est tellement répandue qu’il y a constamment une foule de pèlerins en marcha vers Kronstadt pour trouver auprès du père Jean la guérison et le soulagement de tous les maux. Une grande abnégation et une individualité très accentuée, qui inspirent de la confiance, font de ce prêtre une figure qui ne se confond pas avec le vulgaire. Dernièrement arriva à St-Pétersbourg une pauvre femme malade. Son mal se manifestait en ce que, chaque fois qu’elle entendait sonner les cloches de l’église, elle tombait par terre et se mettait à crier d’une voix rauque et sauvage. Elle était en même temps baignée de sueurs et secouée par des contorsions éponvante.bles. Le même phénomène se produisait à chaque procession. À cause de ces symptômes, la malade fut déclarée possédée. Elle souffrait depuis trois ans de ces crises. Enfin sa famille résolut d’avoir recours au remède considéré comme souverain et de la conduire auprès du père Jean qui célébra à St-Pétersbourg la cérémonie liturgique. Cela se passait le 14 mars. La malade prit part à la communion. Tout de suite, l’attaque se déclara. Elle criait et grimaçait horriblement. Trois hommes robustes étaient obligés de la tenir. Le père Jean lui imposa les mains, la fixa d’un regard ferme et lui dit d’une voix autoritaire : « Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ je te somme de sortir, Satan ! » Le père Jean répéta ces mots plusieurs fois. Un silence de mort régnait dans l’église remplie de fervents. On n’entendait que la voix énergique du pope : “Va t’en vite ! » et les cris inarticulés de la malade qui hurlait de temps en temps : « Je m’en vais tout de suite ! » Cette lutte dura pendant quelques minutes. Alors les cris cessèrent. La malade tomba à terre, les yeux fermés, respirant lourdement dans les bras de ses parents. Le père Jean I’apostropha à trois reprises : « Ouvre les yeux ! » La malade obéit avec un grand effort. Il lui ordonna ensuite de faire plusieurs fois le signe de la croix. La première fois elle le fit péniblement, pour le suivant cela s’effectua facilement. Alors le père Jean enjoignit à ses parents de la laisser disant : « Elle est complètement guérie ». Il lui présenta la communion et elle communia pieusement. Cette guérison fit une grande impression sur tous les assistants. »

Il y aurait encore à citer, à titre de curiosité, la soi-disant possédée de Grèzes-Laissac, la sœur Fleuret, qui occupait un emploi à l’orphelinat de la localité. C1était en juin et juillet 1902. Pendant qu’en se débâtait sur la question de la possession, l’évêque Franqueville, de Rodez, résolut la question en remettant la malade entre les mains des médecins. Elle fut promptement rétab1ie.

Dans ce cas, comme dans tous les autres, l’hystérie et la suggestion créent des terrains très favorables pour l’éclosion de ces scènes funambulesques. Elles permettent également d’obtenir des guérisons, soit temporaires, soit durables. Mais ces luttes théâtrales entre Satan et les prêtres de toutes les religions ne disparaîtront jamais, parce que les religions ont besoin de cet éternel adversaire rt parce qu1il y aura toujours des personnes qui auront intérêt, dans des cas semblables, à [p. 307] éviter le contrôle des médecins. Il leur semble préférable que les croyants aient l’impression que Satan rode autour d’eux jour et nuit : « Sicut leo quaerens quem devoret ». La crainte du diable n’est-il pas le plus sûr agent de leur domination.

NOTES

(1) Le récit détaillé de l’oxoreisme se trouvé dans la « Biographie de Mgr Laurent »par la comtesse L., en religion sœur Gertrude. L’auteur qui connaissait la plupart des acteurs m’a fourni sur le cas de Catherine Pfeffukorn nombre de remarques personnelles.

(2) B. Heyne : La démonomanie, Schceningh, Paderborn, Avec approbation du vicariat général épiscopal.

(3) Voyez Revue de l’Hypnotisme, n° de décembre 1905.

(4) Récit authentique de l’exorcisme pratiqué les 13 et 14 juillet 1891, dans le couvent des Capucins, à Wemding. Par le Père Aurélien. Wemding, 1891

(5) Voyez Revue de l’Hypnotisme, n° de décembre 1905 et janvier 1906.

 

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1 commentaire pour “Les grands exorcismes du XIXe siècle. Par le Dr Witry. 1905-1906.”

  1. NillonLe jeudi 27 août 2015 à 0 h 18 min

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