Léo de Bernard. Les Aissaoua. Extrait de la revue « Le Monde illustrée », (Paris), n°40, 1858, pp. 41-42.

Léo de Bernard. Les Aissaoua. Extrait de la revue « Le Monde illustrée », (Paris), n°40, 1858, pp. 41-42.

 

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 –  L’image est celle de l’article original. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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Les Aissaoua

Dans la rue des Zouaves, à Constantine, s’élève un mesdjed, petit oratoire musulman, où chaque semaine voit s’opérer un ensemble de phénomènes devant lesquels la science reste silencieuse, quand son impuissance ne peut se cacher derrière une négation. Les faits merveilleux dont le cimetière de Saint-Médard fut le théâtre au dix-huitième siècle se renouvellent en ce lieu révéré à jour et heures fixes; et pour que le rapport soit plus complet entre ces deux séries de phénomènes, c’est près du tombeau d’un personnage, objet de li vénération publique, qu’à Constantine comme à Paris s’accomplit la scène mystérieuse dont notre gravure offre une représentation rigoureusement exacte.

Le marabout Sidi-Bou-Annâba, dont la dépouille mortelle repose dans ce mesdjed, est le diacre Pâris de l’antique capitale de Jugurtha.

Chaque vendredi, à trois heures de l’après-midi, une troupe de sectaires et de jeunes néophytes se rendent dans ce sanctuaire pour s’y livrer à des exercices ra*gardés par les mahométans comme des pratiques pieuses. Ils commencent par exécuter au son du tambourin une danse sacrée qu’ils accompagnent de chants religieux. Cette danse, qui n’est d’abord qu’un trémoussement cadencé, s’anime progressivement, et dégénère à la fin en bonds et en contorsions convulsives. C’est alors que la surexcitation de ces sectaires éclate en faits inexpliqués, sinon inexplicables ; les uns se plongent dans les joues de petites broches en fer, les autres avalent les objets les plus déchirants, les substances les plus dangereuses, des clous, des tessons de vases, du verre pilé, quelques-uns, transformant leur bouche en réchaud, la remplissent de charbons ardents ; les moins exaltés mordent et mâchent à belles dents des feuilles de figuier de Barbarie armées de leurs mille piquants.

Ces actes sont pourtant les plus vulgaires, les plus simples. Dans les grandes solennités on voit ces fanatiques se percer du yatagan et du kangiar, se saisir et se frapper de pelles et de barres de fer rougies dans des brasiers, manger des scorpions et se jouer avec les serpents les plus redoutés, dont ils provoquent les morsures.

Et cependant il est bien rare qu’aucun aïssaoua, c’est le nom qu’on leur donne, succomba à ces exercices meurtriers. Tous sortent presque toujours sains et saufs de ces terribles épreuves, durant lesquelles la mort a tourbillonné autour d’eux sous les formes les plus menaçantes et les plus implacables.

Voilà un problème qui provoque périodiquement, à date certaine, à moment précis, l’examen et les solutions de nos savants.

LÉO DE BERNARD.

 

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