Le Pelletier de la Sarthe. MAGNÉTISME. Extrait du « Traité de physiologie médicale et philosophique », (Paris),  tome quatrième, 1839, pp. 410-422.

LePelletier de la Sarthe. MAGNÉTISME. Extrait du « Traité de physiologie médicale et philosophique », (Paris),  tome quatrième, 1839, pp. 410-422. 

 

Almire-René-Jacques LePelletier (de la Sarthe) (1790-1880). Médecin, élève de Guillaume Dupuytren.
Quelques publications :
— Essais de médecine physiologique, renfermant des considérations générales sur la sympathie et l’antipathie, la médecine morale, l’influnece réciproque du moral sur le physique, et la médecine moderne comparée à celle du moyen âge. Au Mans, Imprimerie de Fleuriot, 1823. 1 vol. in-8°, 1 fnch., II p., 66 p.
— RÊVE. Extrait du « Traité de physiologie médicale et philosophique », (Paris), tome quatrième, 1839, pp. 410-422. [en ligne sur notre site]
— SOMMEIL. Extrait du « Traité de physiologie médicale et philosophique », (Paris),  tome quatrième, 1839, pp. 395-422. [en ligne sur notre site]
— Le magnétisme éclairé par l’expérience et réduit aux faits rigoureusement démontrés; discours lu à la séance publique de la société. Le Mans, Monnoyer, 1841. 1 vol. in-8°, 31 p.
— Système pénitentiaire. Le bagne, la prison cellulaire, la déportation. Le Mans & Paris, Monnoyer et Plon frères, 1853. 1 vol. in-8° de 2 ffnch., XV p., 336 p.
— Traité complet de physiognomonie ou l’homme moral positivement révélé par l’étude raisonnée de l’homme physique avec des considérations sur les tempéraments, les caractères, leurs influences réciproques. Paris, Victor Masson et Fils, 1864. 1 vol. in-8°, 2 ffnch.,  595 p.
— Nouvelle doctrine médicale ou doctrine biologique. Au Mans et à Paris, Monnoyer et G. Baillière, 1853. 1 vol. gd. in-8°, XX p., 484 p.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images, ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 422]

MAGNETISME.

A ce nom trop fameux et depuis long-tems oublié s’éveillent des sentimens bien différens. Les uns par quelque [p. 423] mouvement d’indignation, laissent apercevoir la haine, le mépris dont ils sont animés ; n’est-ce pas évidemment beaucoup trop se fâcher ? Les autres par un sourire malin expriment leur décourageante incrédulité ; mais il ne faut jamais condamner sans un examen suffisant. D’autres enfin, avec les apparences de l’enthousiasme et de l’inspiration, professent ou feignent la croyance la plus profonde et la plus inébranlable. Cette confiance irréfléchie, pour une doctrine dont les fondemens sont incompréhensibles, indique souvent la superstition, l’ignorance ou la précipitation.

Parler à des esprits aussi diversement affectés, modérer l’antipathie des premiers, éclairer l’opposition des seconds, ramener les derniers à des idées plus saines, devient une tâche délicate et difficile à remplir. Nous y parviendrons en évitant les allusions, les personnalités qui nous sembleraient déplacées, en abordant la question franchement et sans partialité.

Nous lisons dans un journal assez récemment publié cette assertion remarquable : « La médecine avait tué jadis le magnétisme ; aujourd’hui la médecine le ressuscite ; » jugement erroné dans ses deux parties. En effet le magnétisme était mort naturellement d’inanition et de faiblesse; aujourd’hui nouveau phénix, il renaît de ses cendres plus éclatant et plus merveilleux encore. Est-il plus positif dans sa théorie, plus puissant dans ses effets ? Cette question ne restera pas long-tems indécise.

Loin d’imiter ces auteurs exclusifs qui rejettent la réalité d’un principe dès-lors que ses conséquences ne sont pas toutes rigoureusement démontrées, nous procéderons dans l’investigation du magnétisme avec ordre et précision en considérant : 1° Sa réalité ; 2° ses effets sur les somnambules ; 3° ses précisions ;4° son efficacité médicale. Chacun de ces points offre des faits curieux et dont les interprétations doivent être sagement établies. [p. 424]

Réalité du magnétisme. — Le magnétisme, du grec μαγνήτής, du latin magnes, aimant, indique une attraction, un rapport sympathique entre deux corps. Lorsque ce rapport, cette attraction s’exercent par exemple entre l’aimant naturel et les métaux sensibles à son action, on donne à l’agent qui les détermine le nom de magnétisme minéral ; on le désigne au contraire par celui de magnétisme animal, toutes les fois que les sujets qui s’y trouvent soumis appartiennent à notre espèce. Les effets du premier sur le fer, le cobalt, le nikel, le chrome n’ont jamais été révoqués en doute ; ceux du second n’offrent pas la même évidence pour les observateurs affranchis des prestiges de l’imagination. Un fait aussi positif attaque profondément l’opinion de ceux qui regardent le magnétisme comme un agent spécial répandu par tout l’univers. Quelques écrivains ont admis une identité parfaite entre cet agent et l’électricité ; mais tandis que celle-ci porte aussi fortement sur les animaux que sur l’homme, nous voyons le magnétisme impuissant relativement aux premiers. La raison de ce phénomène est facile à trouver. Les animaux sont affranchis du pouvoir de l’imagination ; l’homme sans cesse maîtrisé par son influence devient accessible à toutes les illusions du merveilleux. Il nous paraît dès-lors certain que le mesmérisme n’est point un corps, un être distinct, une cause première, et qu’il faut seulement l’envisager comme un moyen d’agir sur le moral et consécutivement sur le physique des individus prédisposés à cette action.

Effets du magnétisme sur les somnambules. — Nous reconnaissons trois causes dans la production des résultats magnétiques : 1° Le pouvoir de l’imagination. — Aussi plusieurs conditions relatives, les unes au magnétiseur, les autres au magnétisé, deviennent-elles [p. 425] indispensables. Le premier doit offrir une volonté ferme, une supériorité morale positive, un air plus ou moins inspiré ; s’environner de tous les prestiges capables d’enivrer les sens et d’électriser l’âme. Le second a besoin d’une constitution faible, d’un système nerveux susceptible d’ébranlemens, d’une croyance facile, d’un esprit ami du merveilleux. Aussi les magnétiseurs choisissent préférablement, pour sujets, des femmes passionnées, des individus mystiques y valétudinaires etc. ; aussi les forts magnétisent les faibles sans pouvoir être magnétisés par eux. Le mesmérisme ne remonte point vers sa source, nous en savons actuellement la raison. Pour ce qui nous concerne, possédant un certain degré d’énergie magnétique, nous défions tous les mesmériens d’opérer sur notre économie, d’après les expériences auxquelles nous avons eu la bonne volonté de nous soumettre sans aucun résultat, mais non sans beaucoup d’ennui. Les magnétiseurs nous ont donné pour toute raison « que nous n’avions pas la foi nécessaire. » Mais c’est précisément avouer que le magnétisme animal n’est qu’une illusion.

La concentration des mouvemens innervateurs sur le foyer ganglionnaire. — Elle s’établit au moyen des rapports de l’acteur et du sujet, et par l’ennui qu’entraîne bientôt une série de mouvemens uniformes, dirigés dans le même sens, et dont la vertu magique appartient à peu près entièrement au savoir- faire du magnétiseur. Le sommeil ne tarde pas à se manifester absolument comme dans toutes les concentrations analogues effectuées par des causes différentes, et notamment par l’accumulation des alimens dans les cavités digestives ; par les embarras intestinaux etc. Si l’on nous objecte que l’on obtient ce résultat, sur quelques sujets, au moyen d’une bague magnétique, du toucher, d’un simple regard ; en accordant même à ces faits une confiance illimitée, nous [p. 426] répondrons qu’un disciple de Mesmer ne peut arriver que par degrés à cette perfection, et que ces effets de l’habitude sont encore moins étonnans que ceux auxquels parvient un écuyer habile en amenant, avec un signal, à toutes les attitudes possibles, son coursier jusqu’alors indompté. 3° L’hébétitude, l’engourdissement extérieurs, occasionnés par le silence du lieu, par toutes les manœuvres indiquées tendent constamment vers le même but au milieu d’influences qu’il est également facile d’expliquer.

Voudrait-on maintenant rejeter l’intervention de ces trois causes, notamment celle de l’imagination, nous assurant de bonne foi que l’on est allé jusqu’à magnétiser des arbres désormais capables de transmettre les effets de cette vertu merveilleuse ! Nous sommes dispensés de répondre à des allégations de cette nature, et si l’on a trouvé des hommes assez enthousiastes pour exprimer d’aussi folles prétentions, nous avons l’espérance qu’il ne s’en rencontrera pas d’assez crédules pour les admettre comme des vérités.

D’après ces considérations, nous reconnaissons l’influence magnétique dans la production du sommeil, des rêves et du somnambulisme chez quelques sujets privilégiés; mais nous faisons remarquer en même tems que cette influence n’a rien de surnaturel, et que l’explication de ses effets rentre tout entière dans le domaine de la physiologie.

Si les disciples de Mesmer avaient eu le bon esprit de s’arrêter à ces premiers résultats, le magnétisme, relégué dans les boudoirs, eût innocemment amusé les oisifs et les femmes vaporeuses, loin d’exciter la dérision, la censure des esprits raisonnables. Cette marche ne pouvait convenir à des sectateurs illuminés, beaucoup moins occupés de rechercher des vérités positives que d’abuser [p. 427]  la multitude par un système dont l’imagination seule a fait tous les frais.

Précisions du magnétisme. — Nous pénétrons actuellement dans le sanctuaire merveilleux de la magie, des opérations cabalistiques. C’est là que des sujets en crise, des somnambules connaissant le présent, le passé, l’avenir, offriront à notre esprit les résultats variés de leur science infuse. Rassurons-nous rependant, guidés par la raison, nous verrons, à l’aspect d’un aussi puissant talisman, se dissiper, comme des ombres mensongères, tous ces vains farfadets, tous ces prestiges de l’erreur.

Ici nous opposerons aux mesmériens leurs propres aveux. Ils conviennent qu’un très-petit nombre de sujets, même parmi ceux que le magnétisme peut endormir, sont propres à leurs expériences divinatoires. La cause de cette exception est facile à trouver ; c’est précisément parce qu’ils ne peuvent déterminer le somnambulisme que chez ceux qui s’en trouvent naturellement affectés. Par les manœuvres que nous avons indiquées, ils provoquent un sommeil pénible, forcé, pendant lequel cette modification des rêves ne tarde pas à se manifester. Que ces sujets en crise, comme le disent les magnétiseurs, fassent des choses très-surprenantes, et dont ils n’auraient jamais été capables pendant la veille, rien n’est moins extraordinaire, et nous avons signalé tous ces faits chez les somnambules naturels, en les expliquant avec simplicité d’après les lois physiologiques.

Les mesmériens ne se bornent point à la prétention évidemment illusoire de former des somnambules d’un ordre particulier, ils soutiennent que ces individus à l’état d’illumination, c’est ainsi qu’ils appellent ce dernier degré de perfectibilité magnétique, sans avoir besoin des sens externes, apprécient les odeurs, les saveurs ; dissipent l’opacité des corps, lisent aisément des billets [p. 428] fermés, par la seule intervention du sens interne. « Enfin, s’écrie dans son enthousiasme le magnétiseur Pététin : Notre somnambule, supérieur aux magiciens de tous les âges, devinera vos pensées même avant que vous ayez pris la peine de les former ! » Tant que nous verrons les trésors de la loterie soustraits aux calculs de ces nécromanciens prétendus, nous soutiendrons avec assurance que les partisans de Mesmer prennent aujourd’hui, comme autrefois, les illusions pour des réalités.

Efficacité médicale du magnétisme. — Si le mesmérisme n’avait d’autre objet que l’illumination de ses adeptes, d’autre résultat que l’aliénation mentale de ses dupes, il ne mériterait pas une réfutation sérieuse. Mais outre les atteintes assez directes qu’il porte nécessairement à la décence, aux mœurs, chaque jour marquant ses victimes dans les applications qu’en font, à l’art de guérir, des néophites enthousiastes ou spéculateurs, il doit encourir le blâme de la philanthropie, la réprobation du savoir.

Une femme inspirée, véritable sybile de nos tems modernes, sans instruction, et souvent dans un état voisin de l’idiotisme, professe impudemment toutes les difficultés de la science d’Hippocrate. Pour cette pythonisse le corps du malade offre la transparence d’un cristal, et tous les organes viennent se présenter sans intermédiaire à son investigation. Quelques mots techniques appris sans intelligence, répétés sans à propos, un diagnostic bazardé, l’assemblage monstrueux des médicamens les plus antipathiques, plusieurs scènes modifiées par les plus ridicules jongleries, telles sont les conditions obligées de ces oracles imposteurs, mais si propres à séduire la crédulité vulgaire.

Mesmer qui le premier conçut la pensée de ce bizarre [p. 429] et dangereux système, ne l’eût jamais accrédité partout ailleurs qu’à Paris. Avant les brillans résultats obtenus dans cette patrie du charlatanisme, ses tentatives avaient été vaines en Allemagne, en Prusse et dans plusieurs autres pays septentrionaux où le jugement a plus d’empire que l’imagination.

Le procès du magnétisme était juge depuis-long-tems ; cet enfant du merveilleux et de l’erreur, mort dès sa naissance, reposait en paix dans le séjour des nullités et des erreurs. Quels avantages nous promet sa résurrection ? Jadis placé comme panacée universelle au rang des grains de santé, des poudres d’Ayeau, des perles d’Hygie, nous le voyons aujourd’hui marcher de pair avec l’elixir anti-glaireux, l’acuponcture et le vomi-purgatif ! Plus débile et plus frêle encore depuis sa renaissance, il ne finira jamais de vieillesse parmi nous. Comment en effet oublier cette expression remarquable de Doppet, approuvée par M. de Leuze qui fut cependant l’une des principales colonnes du magnétisme : « Ceux qui suivent le secret de Mesmer en doutent plus que ceux qui l’ignorent ! »

Après avoir étudié les phénomènes vitaux dans leurs nombreuses modifications de repos et d’activité, nous devons terminer l’histoire physiologique de l’homme, par des considérations relatives à son existence envisagée dans toutes les phases depuis l’animation du germe qui doit le former, jusqu’à la dissociation de ses élémens oiganiques.

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