La psychoanalyse. Rapport de psychiatrie. Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française. XXVIIe session. Besançon 2-7 août 1923. Par Angelo Hesnard. 1923.

HESNARDPSYCOANALYSE0004Angelo Hesnard. La psychoanalyse. Rapport de psychiatrie. Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française. XXVIIe session. Besançon 2-7 août 1923. Et tiré-à-part : Paris, Masson et Cie, 1923. 1 vol. in-8°, 21 p., 1 fnch.

Ce texte est considéré par les historien de la psychanalyse comme fondamental dans la diffusion de la psychanalyse en France. – Pour la biographie de Hesnard nous renvoyons à un de ses articles [en ligne sur notre site]Ce que la clinique française a retenu de la Psychanalyse, 1935.
L’opinion scientifique française et la psychanalyse. Article parut dans la publication « Le Disque vert », (Paris-Bruxelles), deuxième année, troisième série, numéro spécial « Freud », 1924, pp. 5-19.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons rectifié quelques fautes de composition.
 – Nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 3]

LA PSYCHOANALYSE (1)

La doctrine médico-psychologique de la Psychoanalyse a rencontré dans notre pays, en dépit de son succès chez nos amis suisses, une hostilité plus tenace que partout ailleurs.

Avant la guerre, les neuropsychiatres de langue française avaient pu en trouver les premiers éléments dans les travaux de Kostyleff, Maeder, Courbon, Ladame, Th. Flournoy, Lombard, Schmiergeld et Provotelle, Menzerath, Ermakow, etc., ; dans deux rapports, présentés, l’un par de Montet à la Société suisse de Neurologie (Lausanne 1912), l’autre par P. Janet au Congrès international de Londres (1913), et par nos articles et ouvrages ,en collaboration avec le Professeur Régis (2) (1914).

Depuis la guerre, en Suisse, où la cure psychoanalytique jouit d’une grande faveur — même livrée à des compétences non médicales —, ont paru en français un grand nombre d’études critiques, médicales ou philosophiques (Naville, Odier, Schnyder, A. Lemaître, Bovet, Kollarilz, Claparède, H, Flournoy, Amouroux, Ch., Ladame, Demole, Baroni, Berguer, Salmon, Larguier des Bancels, Secretan, F. Morel, etc.,) des travaux de psychoanalystes tels que Jung, Maeder, Pfister, etc., et les ouvrages récents de Baudoin et de Saussure.

Elisabeth Darchis‎.

Elisabeth Darchis‎.

En France, on doit citer les travaux, les uns favorables, mais la plupart très franchement hostiles, de Dupré et Trepsat, Colin et Mourgue, Laignel-Lavastineet Vinchon, Stocker, Peres, Brousseau et Raeder, Schitlowski, Morichau-Beauchant, [p. 4] Roubinovitch et Dupouy, Claude et Biancani, Lhermilte, Hartenberg, Logre, Blondel, Rogues de Fursac, etc., et de nous- même ; ainsi que la thèse récente d’Adam sur le Freudisme. Minkowski a récemment exposé les conceptions de l’Ecole du Burghôlzlli (Prof. Bleuler) sur la psychoanalyse des aliénés. Des auteurs comme H. Claude, Dide et Guiraud, etc., font mention de la méthode psychoanalytique dans leurs récents manuels d’enseignement. La question des résultats de la psychoanalyse, grâce à la largeur d’esprit du Prof. H. Claude, figure au programme de l’enseignement officiel de cette année à la Faculté de Médecine de Paris. Enfin, des ouvrages de Freud ont été récemment traduits en français (3) et ont diffusé sa doctrine, mais surtout dans le monde des lettres et du théâtre, les revues et les journaux. Le succès grandissant de ce mouvement psychologique — l’un des plus considérables de l’époque contemporaine — en a rendu indispensable la discussion scientifique approfondie au sein d’un Congrès psychiatrique de langue française (4).

* * *

On sait que cette doctrine, issue de l’œuvre du célèbre Professeur de Vienne, S. Freud, est en même temps une méthode d’exploration et de traitement. Elle suppose chez le malade et découvre, par l’analyse des rêves, rêveries, associations d’idées, menus gestes quotidiens, et aussi, chez les aliénés, au moyen des explications rétrospectivement fournies par le sujet guéri ou en rémission et des indications biographiques intimes fournies par l’entourage, l’existence inconsciente de systèmes de pensée (complexes) en rapport avec des tendances affectives ressortissant plus ou moins franchement à la sexualité, au sens large (Libido) : appétits sexuels anormaux, amours incestueuses ou haines extrêmes pour les parents, etc., et, en général, toutes sortes « d’instincts partiels » de l’enfance, que le sujet n’a pu, par une sorte d’arrêt de développement psychique, perfectionner jusqu’à la sexualité adulte normale. Grâce à l’influence de l’analyste, le sujet, prenant conscience de ces conflits affectifs intérieurs, parvient à les dissoudre et à retrouver ainsi l’orientation normale de ses tendances. [p. 5]

Si la Neurasthénie est simplement causée par l’abus de la masturbation, et l’Angoisse ou ses équivalents cliniques par l’inassouvissement de la tension sexuelle brute, les Névroses véritables ont une causalité sexuelle psychique ; ce sont des conséquences symboliques du Refoulement des tendances sexuelles perverses par la Censure morale.

Ainsi l’Obsession et la Phobie obsédante peuvent résulter de la « substitution » aux souvenirs-témoins logiquement assortis aux tendances choquantes, d’une idée-image en discordance avec le cours de la pensée, mais possédant pour le sujet une signification personnelle en rapport lointain (donc dissimulé) avec ces souvenirs.

De même l’Hystérie serait une « conversion » de l’énergie libidineuse émanée des tendances choquantes dans l’appareil d’innervation corporelle.

Point essentiel pour les psychiatres, les aliénés eux-mêmes ne seraient pas, pour qui sait comprendre le langage sybillin de la symptomatologie psychiatrique, les « étrangers » qu’ils sont pour la Médecine mentale traditionnelle. Idées délirantes, hallucinations, actes délirants, désordres mimiques, etc., seraient des moyens d’expression employés inconsciemment par les psychopathes pour traduire, sous forme d’une vie imaginative intérieure très riche, substituée à la réalité extérieure, leurs tendances refoulées au cours des conflits affectifs de la vie pratique.

En particulier, la Paranoïa serait une « projection » de ces tendances dans l’ambiance avec localisation extensive illégitime sur l’entourage. Quant à la Démence précoce — qui, pour l’Ecole de Burgholzli, sous le nom de Schizophrénie, englobe la plupart des états psychopathiques chroniques non manifestement organiques , elle serait la plus parfaite expression clinique de cette « perte du contact vital avec la réalité »  (Bleuler) : La personnalité du sujet, désinsérée du milieu par suite d’une sorte d’hypotonie des associations d’idées, et absorbée en profondeur par sa vie « autistique », se bornerait à manifester, pour le séméiologiste, une activité de surface déréglée et apparemment incompréhensible. Ajoutons que l’analyse patiente des psychoses même chroniques parviendrait à guérir certains malades ainsi détournés du réel depuis de longues années. [p. 6]

VALEUR ÉTIOLOGIQUE
DE LA PSYCHOANALYSE (5)

CONSTANCE DE L’AGENT ÉTIOLOGIQUE SEXUEL

Nous croyons qu’on peut considérer le trouble sexuel comme à peu près constant dans les Névroses et Psychoses, mais à condition d’y comprendre — comme les psychoanalystes — non seulement tous les troubles de l’appétit génital vulgaire, mais toutes les anomalies imaginables de l’émotion tendre et des inclinations parentales.

Il faut alors distinguer parmi ces « troubles de la Libido » :

des faits de signification proprement génitale : Masturbation, inassouvissement sexuel physique, appétits génitaux (auto ou hétéro-érotiques, déviés quant à leur objet ou quant à leur but, etc., — Or, même lorsqu’on les recherche à la manière freudique chez tous les malades, on ne les trouve que chez un certain nombre d’entre eux : Ainsi, les asthéniques sont loin d’être tous des épuisés sexuels. Il y a un assez grand nombre d’anxieux génitalement satisfaisants de façon parfaite, ou dont l’inassouvissement est secondaire à l’angoisse. Certains obsédés ou phobiques ne présentent aucune espèce de trouble génital — en dehors d’une certaine frigidité par supplantation affective (Perrens) en rapport avec leur émotion dépressive. La plupart des hystériques n’ont pas la sincérité érotique voulue pour souffrir d’un besoin sexuel contrarié. Beaucoup de neuropsychopathes, ayant ou non passé l’âge de l’activité sexuelle avant de tomber malades, sont sexuellement indifférents au même titre que beaucoup de normaux.

des faits ressortissant à un trouble des fonctions émotionnelles ou affectives en général. — L’importance des « causes morales » en Psychiatrie est connue depuis bien longtemps (Leuret, Griesinger, Magnan, Dupré, Régis, etc…). Il s’agit parfois des conflits d’ordre psycho-sexuel chers aux psychoanalystes : Amours réprimées ou contrariées, attirances excessives ou déplacées pour tel parent avec haine de tel autre, jalousies, etc… ; — sentiments qui ne sont d’ailleurs [p. 7] eux-mêmes vraisemblables que si l’on suppose, chez le sujet, une aptitude préalable et déjà morbide à présenter des inclinations insolites, en quantité ou en qualité. Mais il s’agit aussi, fréquemment, d’événements intimement impressionnants qui n’ont rien à faire avec la sexualité, ni même avec la tendresse familiale : ambitions déçues, infirmité douloureuse ou amoindrissante, misère ou ruine, chocs de la lutte pour la vie (6), etc. Rappelons ici que l’émotion de guerre peut être pathogène en elle-même, c’est-à-dire en dehors de toute préparation du terrain par un mauvais développement sexuel ; par exemple, chez des sujets dont la constitution émotive acquisse s’est établie après une accumulation émotionnelle prolongée.

des faits ressortissant. à l’évolution biologique de l’individu considéré autant dans son être physique (équilibre endocrinien et vagosympathique, etc…) que moral. Tels les symptômes d’intensification de la tendance érotique contemporains de la Puberté et de la Ménopause. En pareil cas, l’étiologie érotique n’est manifestement qu’un simple chaînon au cours du processus pathologique reliant le symptôme psychique à la cause médicale générale (7).

HESNARDPSYCOANALYSE0003

CARACTÈRE PRIMITIF DE L’AGENT ÉTIOLOGIQUE SEXUEL

Rien dans les faits ne prouve que le trouble sexuel soit habituellement la cause et non l’effet de la maladie, en dehors de quelques cas accidentels sassez spéciaux (asthénie et angoisse par excès sexuels, obsession par trauma psychosexuel ou autoreproche sexuel, etc…). Dans certains cas même, le trouble sexuel apparaît manifestement comme un simple élément d’une poussée affective complexe ; charpenté du syndrome clinique (impulsifs périodiques, anxieux de l’âge critique, etc…).

Chez les constitutionnels, les tendances érotiques précoces dénoncées par Freud ne s’ont-elles pas déjà les premiers symptômes [p. 8] de ce qui sera plus tard la névrose de l’adulte ? Si l’on ne considère pas que l’accident ultérieur, on est obligé d’admettre que le trouble sexuel est la manifestation primitive du terrain morbide, la première conséquence de la maladie constitutionnelle.

Cet auteur attribue la plus grande importance étiologique aux rigueurs de l’éducation morale, principale origine du refoulement pathogène des tendances sexuelles. Or, une enquête attentive sur les rapports des enfants avec le milieu familial nous a convaincu de ce fait que, dans une même famille, ceux qui ont subi l’éducation la plus rigoureuse ne deviennent pas plus fréquemment névropathes que les autres. Par contre, certains enfants, futurs névropathes, manifestent une « Censure » énergique et plus tard génératrice de troubles nerveux, au sein d’une famille particulièrement indulgente.

Une des principales critiques qu’on peut adresser aux psychoanalystes à ce sujet, est qu’ils n’ont pas suffisamment étudié la sexualité chez les normaux. L’évolution du sens sexuel, telle que Freud l’a décrite, est une évolution schématique réalisant une sorte d’idéal biologique, dont beaucoup de normaux sont incapables. La frigidité hétérosexuelle paraît exister chez environ 30 % des femmes, l’autoérotisme chez beaucoup d’hommes. Et que de sujets normaux, normalement développés dans leur sexualité organique, n’ont pas effectué la soudure de leur libido physique avec lieurs inclinations et tendresses psychiques ! Beaucoup de gens restent sexuellement des incomplets, des infantiles, fidèles aux satisfactions autoérotiques, sans pour cela devenir des névropathes.

VALEUR MÉTHODOLOGIQUE
DE LA PSYCHOANALYSE

N’insistant pas sur les difficultés d’application pratique de la méthode, nous nous demanderons si les techniques de la Psychoanalyse conduisent à des résultats possédant un caractère scientifique.


RÉALIÉ CLINIQUE DES COMPLEXES PSYCHOANALYTIQUES

Les complexes sont-ils des réalités cliniques ou des artifices de préparation psychologique ?

L’interprétation symbolique à la manière de Freud est [p. 9] certainement une excellente occasion de connaître une foule de tendances de la vie intime dissimulées derrière la façade de la personnalité sociale, et que le simple interrogatoire est impuissant à révéler.

Mais que de causes d’erreur dans cet Art du Deviner !

Certaines inductions de Freud lui-même choquent le bon sens tant elles sont vraiment trop « tirées par les cheveux ». En particulier, la Symbolique des organes sexuels (8) (déduite d’ailleurs presque exclusivement de l’étude des mythes, des croyances populaires et du langage, et non de celle des symptômes morbides) est, pour qui a analysé sans parti pris les rêves des normaux, au moins en partie imaginaire.

D’un autre côté, le sujet, toujours plus ou moins prévenu du sens sexualiste de l’examen auquel il va être soumis, adoptera instinctivement une attitude mentale favorable à l’orientation sexuelle de ses associations (9). Et rien ne prouve que l’association surgie au moment de l’analyse soit une association stable et complexuelle,

Le principal critère donné par Freud de la bonne voie est, en pareille recherche, celui de l’impression intuitive du malade, qui finit par comprendre (en l’approuvant ou en le désapprouvant) qu’on touche au point sensible de son être affectif. Or, cette impression affective — comparable à celle qui porte le mystique à admettre la révélation intérieure ou le patient des expériences télépathiques à accuser la « pensée » qu’on lui transmet — est de la nature de la suggestion : que celle-ci soit vraie ou fausse, la recherche scientifique, lorsqu’elle en fait état, ne saurait jamais trop s’en défier.

Pour contrôler la valeur scientifique de la technique psychoanalytique, nous proposions le moyen suivant : Soumettre un malade de bonne volonté à une analyse pratiquée séparément par deux analystes éprouvés ; puis comparer le nombre et la nature des complexes pathogènes découverts (10), Nous [p. 10] n’avons pas encore réussi personnellement à réaliser ce contrôle délicat ; par contre, il nous est arrivé de trouver du même rêve (analysé à des intervalles de quelques minutes, quelques heures et quelques jours) des solutions extrêmement différentes.

VALEUR PATHOGÈNE DES COMPLEXES PSYCH’OANALYTIQUES

Admettant que les complexes découverts soient des réalités cliniques, peut-on les considérer comme vraiment pathogènes ?

L’expérience conduit à reconnaître, chez les sujets normaux, des complexes de même nature que chez les malades. Enfants, nous avons tous été — au sens théorique et symbolique de la Psychoanalyse — un peu sadiques, masochistes, homosexuels, incestueux, œdipiens, autoérotiques, etc… ; nous avons tous refoulé plus ou moins correctement, des haines, des désirs, des remords, des rêves, inavouables. Pour qui a observé en psychologue les rapports sentimentaux des membres d’une même famille, les « constellations parentales » sont des faits normaux, et l’œdipus-complex est, par exemple, une chose assez banale.

Qu’est-ce qui prouve alors, dans les faits, le pouvoir pathogène du refoulé ?

L’expérience indique que, dans une même famille, tel individu a refoulé ses inclinations parentalies sans autre inconvénient que telle ou telle particularité de son caractère, alors que tel autre individu les a refoulées assez malheureusement pour en souffrir sous la forme énigmatique d’une névrose. La psychoanalyse attribue dans ce cas le « ratage » du refoulement à un état anormal, qualitativement ou quantitativement, des complexes réprimés ou de leur énergie affective. Mais en quoi l’hypothèse freudique est-elle alors un progrès sur l’hypothèse traditionnelle ?

D’un autre côté, les psychiatres de Zurich s’attachent à montrer, au cours d’observations d’aliénés, que le psychopathe, au lieu de créer die toutes pièces son délire, y introduit fréquemment l’expression déformée de ses préoccupations intimes réelles et légitimes de sa vie antérieure, d’ordre sexuel et aussi non sexuel (mariage manqué, honte d’une tare morale ou d’une infirmité physique, haine d’un parent dominateur, [p. 11] etc.) ; ils affirment qu’il incorpore à son rêve morbide, dans le cours de sa maladie, des lambeaux de réalité actuelle auxquels il confère de ce fait une signification personnelle. Ce qui explique certaines de ses réactions pathologiques à première vue incompréhensibles. —Mais faut-il en conclure, avec certains d’entre eux, que la folie consiste dans cette réalisation symbolique de tendances ?

En aucune façon. Beaucoup d’aliénistes pratiquent, depuis longtemps, en France — patrie de la Clinique psychiatrique et aussi de la vraie Psychologie clinique —, une méthode qui, pour être un peu plus empirique et moins tendancieuse, n’en est pas moins, à peu de chose près, celle des médecins du Burgholzli (11). Régis, par exemple, comme bien d’autres, aimait à décomposer la structure d’un délire vésanique et à en découvrir
la signification objective dans la biographie affective du malade… Il n’en admettait pas moins l’analogie objective
foncière des psychoses de nature encore inconnue, comme les schizophrénies, avec les psychoses de cause manifestement organique, et l’existence de tous les intermédiaires entre ces deux groupes de faits cliniques : Dans le délire organique ou toxi-infectieux, les symboles (richesse, puissance, ennemis occultes, etc.,) sont de même nature fondamentale que dans le délire schizophrénique. La seule différence réside en ce que dans le premier, les symboles sont d’ordre plus général, plus banal (plus humains qu’individuels) et en relation beaucoup plus vague avec la personnalité antérieure ; tandis que dans le second le malade, dont l’être intime subsiste, met ce qu’il ne saurait guère ne pas y mettre, c’est-à-dire l’histoire de sa vie déformée par son affectivité morbide ou son inaffectivité extérieure actuelle.

On peut toutefois faire à la conception bleulérienne de la folie cette concession importante : Il y a, dans la schizophrénie et les états analogues, un réel avantage à dénouer patiemment l’écheveau de la psychogenèse morbide pour pénétrer dans l’expérience intime du sujet : Peut-être arrive-t-on ainsi, en effet (lorsqu’une erreur de technique n’égare pas l’analyste) à dissoudre les conséquences émotionnelles fâcheuses [p. 12] de cet échafaudage stérile de pensées, hors du réel, véritables complications psychogènes d’une maladie générale.

  CARACTÈRES NÉCESSAIRE ET ‘SUFFISANT DE LA SÉMÉIOLOGIE PSYCHOANALYTIQUE

La Psychoanalyse peut, sans être absolument nécessaire au séméiologiste, le documenter très avantageusement. Elle ajoute à la symptomatologie objective classique le contenu (Inhalt), l’agencement intérieur des symptômes ; elle donne une idée du processus en vertu duquel la maladie, éclose de la vie organique et faisant irruption dans, la vie affective, se reflète dans la conscience justificatrice du malade. Elle explique pourquoi le malade a choisi inconsciemment telle explication délirante ou telle hypothèse obsédante, tel persécuteur ou tel mobile d’inquiétude…

Mais elle ne sera sans doute jamais suffisante à la connaissance psychiatrique d’un état morbide. Il est impossible, même dans les cas les plus favorables, de renoncer (comme le font trop souvent les psychoanalystes) à l’enquête objective sur la symptomatologie directe et évolutive, en se bornant à dresser la liste des complexes morbides. Un exemple frappant en est donné par la Folie intermittente, à laquelle la Psychoanalyse assigne les mêmes causes psychosexuelles qu’aux autres psychoses (et à laquelle paraissent ressortir les plus beaux cas de « guérison » psychoanalytique). La connaissance la plus approfondie des tendances refoulées ne permet pas de prévoir l’évolution par accès — élément considérable de notre pronostic. Pas plus qu’elle ne permet de prévoir l’évolution d’aucun trouble nerveux ou mental, si ce n’est par ce mirage trompeur qu’est le reflet du processus morbide dans la conscience déformatrice du malade (12).

DANGERS DE LA PSYCHOANALYSE

Si, dans d’assez nombreux cas, la maïeutique sexuelle ou la confession psychoanalytique bien conduite est inoffensive ou [p. 13] salutaire, elle peut être parfois dangereuse. Elle peut, croyons- nous, cultiver et compliquer des symptômes hystériques, troubler des débiles déjà désorientés par leur délire, amorcer des idées d’indignité chez des autoaccusateurs latents, renforcer le scrupule chez certains obsédés, Dans quelques tentatives sans succès, appréciable, auprès de vieux vésaniques définitivement perdus pour le monde extérieur, nous avons cru avoir énervé des malades auparavant consolidés dans un autisme silencieux fort souhaitable pour l’entourage. — Ajoutons qu’il y a un danger social à laisser des pédagogues ou des directeurs de conscience non médecins, manier imprudemment les plastiques virginités des adolescents, Faisons le vœu que la psychoanalyse sexuelle, laquelle a, pour nous, sa place marquée dans nos cliniques, mais, seulement là, retienne un jour l’attention du législateur en matière de protection de la santé publique.

III — VALEUR THÉRAPEUTIQUE
DELA PSYCHOANALYSE

VALEUR THÉRAPEUTIQUE GÉNÉRALE

L’analyse freudique est suivie très souvent d’un effet thérapeutique. Les psychoanalystes ont puhlié une quantité d’observations dont quelques-unes paraissent convaincantes. Sans aller habituellement jusqu’à l’interprétation symbolique intransigeante et forcée, nous avons nous-même obtenu avec cette méthode des résultats aussi bons, sinon meilleurs, qu’avec les autres psychothérapies. Mais il faut avouer que les exemples de guérison indiscutable concernent le plus souvent des cas spéciaux, dont l’étiologie est vraiment sexuelle au sens vulgaire et limitatif, ou à prédominance manifestement psychogène.

D’ailleurs les cas — de beaucoup les plus nombreux — dont l’étiologie comporte une base ou un élément organique (alcool, reliquat infectieux, trauma, artériosclérose, dysendocrinie, etc.,) sont absolument rebelles ; de même les troubles neuro- psychopathiques périodiques, qui se dissipent un beau jour en l’espace de quelques heures, alors même que l’analyse en a été abandonnée depuis longtemps. [p. 14]

VALEUR THÉRAPEUTIQUE SPÉCIFIQUE

Les faits permettent-ils de penser que cette libération (forcément théorique) des tendances refoulées, qu’est leur mise au jour de la conscience, leur connaissance par soi-même, est bien ce qui guérit le malade ?

L’importance du « Transfert », cette intimité sentimentale à la faveur de laquelle le malade apprend à haïr ou à adorer son médecin avant d’accéder à la guérison, indique bien plutôt que dans la cure analytique (comme dans toute psychothérapie) prédomine le jeu des émotions, l’effet affectif. Comme l’hypnose d’hier, la psychoanalyse d’aujourd’hui est souvent une erreur qui guérit.

Par le seul fait qu’elle rapproche le malade du médecin, donc du réel, par cela seul que celui-ci s’occupe de celui-là durant des semaines ou des mois de patience attentive, en confesseur et en moraliste bienveillant, le patient ne peut que s’améliorer quand sa maladie lui permet de le faire.

Il faut d’ailleurs signaler un certain nombre de causes d’erreur dans l’appréciation de la valeur thérapeutique de cette méthode, causes d’erreur dont les psychoanalystes ne paraissent pas s’être assez défendus : l’amélioration spontanée sous l’influence de l’âge (hystérie, anxiété), ou des conditions physiques générales — agissant parfois à l’insu de l’observateur orienté vers la psychologie — (névroses en général) ; la terminaison spontanée d’accès dans les états morbides à évolution intermittente (obsession, folie maniaque-dépressive et équivalents polymorphes) ou capricieuse (rémission du début de la démence précoce, états paranoïdes et discordants) (13).

Ces réserves étant faites, nous ne pouvons qu’insister sur le grand intérêt que présentent, chez les aliénés, les tentatives psychothérapeutiques de l’éminent Maître de Zurich, le professeur Bleuler. En essayant de découvrir la relation symbolique entre les réactions morbides du malade et ses souffrances intimes antérieures, le psychiatre arrive souvent à « rompre [p. 15] son autisme », à diminuer son isolement social, lequel est certainement pernicieux (ne serait-ce qu’à cause de l’inactivité fonctionnelle de la pensée, privée de son excitant, la réalité), et à obtenir de lui des « réactions d’intérêt » de plus en plus importantes. Le Professeur Bleuler se flatte de mettre ainsi l’aliéné à l’abri des complications psychogènes (agitation anxieuse, confusionnelle, catatonique, etc.) et souvent, sinon de le guérir — ce qui serait possible au début —, du moins de le rendre assez tranquille pour écourter considérablement son internement (14). Ce qui est assurément un magnifique résultat, tout à l’honneur de l’Ecole du Bughölzli.

Mais on est étonné de le voir mettre ce résultat sur le compte, de l’interprétation symbolique sexuelle spéciale à la Psychoanalyse freudique : La thérapeutique psychique bleulérienne, quoiqu’elle ait été inspirée par l’œuvre de Freud, n’est qu’une application de la psychothérapie traditionnelle. Beaucoup d’aliénistes d’asile pratiquent d’instinct cette psychothérapie (qui ne figure pas encore, hélas ! aux programmes universitaires) quand ils aiment vraiment leur art.., et quand leur innombrable clientèle leur en laisse le loisir. Ceux-là savent bien que lorsqu’on a ,le temps et le courage de s’intéresser à la banale et tragique histoire intime d’un aliéné, on en est souvent récompensé par la soumission sympathique qu’on en obtient et par son retour au calme (chez les déments précoces par exemple), parfois même, au début (chez certains paranoïaques et surtout chez certains déséquilibrés au délire facile), par une réelle atténuation du délire ou de s’on retentissement sur l’activité quotidienne. De même qu’ils savent que certains médecins ou certains infirmiers réussissent mieux que les autres auprès des malades, que l’absence de contrainte, l’illusion de la liberté ou de la vie familiale (en colonie), etc., font plus que la douche ou la pharmacopée pour retenir le vésanique à la vie réelle de façon durable… L’analyse de sa psychose, pratiquée soit à la manière freudique, soit autrement, peut être une excellente occasion, non seulement de les soustraire à son rêve morbide, mais, aussi de réveiller son aptitude affective en la sollicitant par la sympathie de l’entourage… [p. 16]

Toutefois il n’est nullement nécessaire d’attribuer à la découverte des imaginations sexuelles cette nouvelle confirmation d’une très ancienne expérience clinique

VALEUR PSYCHIATRIQUE
DE LA DOCTRINE PSYCHOANALYTIQUE (15)

L’Inconscient dynamique de Freud est conçu en dehors de toute physiologie, alors que les enseignements de la Psychologie biologique contemporaine inclinent, au contraire, à faire de l’Inconscient un intermédiaire entre la tendance organique et la vie rationnelle, Le problème de l’Inconscient se ramène, en effet, non au problème freudique — sociologique et partiel — du Refoulé, mais à celui — biologique et général — de l’envers objectif du Conscient (16).

En conséquence, au lieu de proclamer, avec Jung, — élève désavoué de Freud, mais logique dans ses errements — que la Folie commence et que l’altération cérébrale suit, ou, avec Stoddart, que l’anxiété est primitive et les troubles neurovégétatifs toujours secondaires, on considèrera le trouble psychique comme la traduction subjective de la maladie générale : La Psychologie morbide, au lieu de régresser vers la philosophie, s’affirmera tributaire de la Pathologie.

  1. — La Libido est un concept aussi obscur qu’intraduisible pour un Français. Puisqu’il déborde impétueusement celui de Sexualité, pourquoi le substituer aux concepts classiques d’Intérêt ou, mieux encore, d’Affectivité ?
Lucas van Leyden. Lot y sus hijas. 1530.

Lucas van Leyden. Lot y sus hijas. 1530.

Ce n’est pas seulement la hantise « libidineuse » qui mène le monde et détraque l’humanité. L’instinct de puissance, d’influence sociale, n’est-il pas la tendance la plus efficiente de l’individu dans ses périodes de maturité morale ct d’activité professionnelle ?

Et si le névropathe préfère le rêve érotique à la Réalité, n’est-ce point précisément parce qu’il est incapable de parvenir à cette expansion sociale qui fait la joie et la dignité de l’homme (17) ?

Est-il d’ailleurs bien utile pour le psychiatre d’isoler ainsi dans l’analyse de nos mobiles de pensée et d’action tel ou tel des instincts élémentaires : sexualité (Freud) ou instinct personnel [p. 17] (Adler), qui collaborent si intimement ? Tout instinct est partie intégrante de la personnalité. N’est-ce pas précisément, par exemple, dans la sexualité brute — avant toute complication altruiste de la tendresse — que l’individu se montre le plus effroyablement égoïste ?

Quant aux poussées affectives qui suscitent les symptômes morbides, ils résultent non de l’insatisfaction d’un instinct déterminé, mais de l’asynergie des diverses composantes de la personnalité affective (érotisme physique, émotion tendre, tendances sociales, etc..,), dont certaines, pour des raisons organiques dernières, s’émancipent monstrueusement en s’opposant au développement des autres. Cette asynergie trouble autant l’instinct sexuel que l’instinct personnel : c’est toute la Dynamique des tendances qui souffre de cette irruption de la vie organique dans l’activité psychique (18),

  1. — Les Tendances morbides que Freud place à la base de la Névrose sont indéfinissables, S’agit-il d’instincts vrais (Triebe), de ces forces primordiales (aussi inéluctables que les mouvements organiques, quoique moins automatisées) dont le rôle biologique est de mouvoir l’individu vers ses buts vitaux : conservation, perfectionnement, reproduction.. ? Ou bien plutôt de ces mille désirs et craintes, souhaits (Wünsche), velléités, qui, collaborant platoniquement à notre activité purement interne, actionnent nos rêves, et font la richesse de notre productivité imaginative ? Or, la Psychoanalyse confond tout cela ; d’où sa conception de la Névrose « perversion retournée ». — Mais le scrupuleux n’est pas un sadique méconnu ou un incestueux inavoué, pas plus que le paranoïaque n’est un homosexuel sans le savoir : Etre sadique, incestueux, homosexuel dans ses rêves, c’est être un malade non de l’instinct, mais de l’imagination créatrice et objectivante, — c’est-à-dire un individu dont le trouble intéresse cet équilibre entre l’esprit et la réalité, qui caractérise la santé mentale.
  2. — Le Refoulement (19), la « Frénation » de Darwin, est un mécanisme théorique. Ou bien, comme l’a montré Hartenberg, il intéresse les rapports de la Conscience avec l’Inconscient ; et alors ce n’est pas l’idée pénible qui s’écarte de la conscience, mais au contraire la conscience qui se détourne de l’idée. Ou bien c’est un mécanisme purement affectif, mais alors combien banal ! Nous refoulons tous mille tendances chaque jour sans tomber malades. [p. 18] Inversement, il y a des désirs que le sujet ne refoule pas au sens de Freud puisqu’il en a une pleine conscience et qu’il les trouve très légitimes, dont la non-réalisation peut être cependant suivie de conséquences fâcheuses ou morbides… Que de névropathes clairvoyants nous indiquent ainsi les causes morales de leur dépression, sans pouvoir y remédier ! On a récemment insisté sur la fréquence des Refoulements non sexuels et sur l’importance, dans l’étiologie des Névroses, de toutes les formes possibles de ce que nous avons appelé l’inassouvissement affectif, cause première du surmenage de l’appareil émotionnel.
  3. — La Pensée symbolique (20), sous la forme de pensée affective par images d’objets concrets, est un procédé général de l’esprit et apparaît dans toutes les- circonstances où la vie intellectuelle se manifeste sous sa plus, simple expression, régressive ou évolutive : à l’aube du développement mental (chez le primitif et l’enfant), dans les premières tentatives justificatrices de la Logique sentimentale, dans la conscience à l’état naissant du rêve.
Dans tous ces cas la pensée n’est pas alors, symbolique parce que refoulée, mais elle l’est spontanément et primitivement. — Pourquoi n’en serait-il pas de même dans la pensée morbide ? Celle-ci naît sous une forme symbolique (dans le délire exemple), parce que l’émotion morbide exprimée par l’image-symbole est, dans sa
monstrueuse indifférenciation, non seulement désocialisée (Blondel), mais immédiatement éclose à la vie de organique.
  4. — Quant à la Réalisation des désirs (Wunscherfüllung),
existe, bien entendu, dans le Rêve, la Névrose, comme dans les mythes et les légendes. Mais elle n’y a pas le sens téléologique de Providence vitale que lui assigne la Psychoanalyse. Elle y est elle-même secondaire à un procédé primordial de l’esprit, totalement méconnu par Freud ; la Justification psychique. Ainsi le Rêve, quand il ne travaille pas sur de pures impressions caenesthésiques, achève, en les reproduisant, toutes sortes d’émotions récentes du dormeur ; et les images surgissent pour traduire, exprimer, justifier, d’ailleurs très approximativement et au hasard de leur évocation désordonnée, cette reviviscence émotionnelle, souvent fâcheuse (21).

De même la Névrose et la Psychose sont des justifications [p. 19] symboliques d’émotions, tantôt actuelles et surgies de toutes pièces de la vie organique, tantôt antérieures et plus ou moins empruntées à la biographie personnelle du malade. Mais rien ne prouve qu’il y ait là une défense de l’individu ou une compensation de la réalité. Ce n’est que parce qu’elle est toujours une justification approximative des émotions morbides par la Conscience que la maladie mentale réussit quelquefois à réaliser un désir (22).

CONCLUSIONS

I. —Au point de vue étiologique, la Psychoanalyse a le mérite de préciser, à l’origine des psychonévroses, l’importance, souvent méconnue dans l’enseignement classique, du facteur sexuel et de la cause affective (qu’elle confond d’ailleurs à tort l’un avec l’autre). Mais ces agents étiologiques sont loin d’être constants ni surtout spécifiques.

II. —Au point de vue méthodologique, elle utilise des techniques ingénieuses mais incertaines ; non parce que celles-ci ne sont pas encore assez perfectionnées, mais parce qu’elles comportent dans leur principe même une certaine quantité de causes d’erreur (en ce qui concerne, en particulier, la symbolique pansexuelle). Elle révèle des complexes dont la nature clinique ne suffit pas à différencier le pathologique du normal. Elle aboutit souvent à déceler des faits affectifs émanés directement de la vie organique, et qu’elle ne parvient à rattacher à une cause morale réelle qu’en vertu d’un mirage de la conscience du sujet. Aussi, malgré son utilité, elle ne peut être qu’un moyen d’exploration complémentaire, ni constamment nécessaire, ni aucunement suffisant au diagnostic.

III. — Au point de vue thérapeutique, l’effet curatif réel de cette méthode — dans les cas choisis où elle est possible et indiquée — est d’ordre non analytique ou conceptuel, mais affectif. Considérée telle qu’elle est appliquée chez les psychopathes à Zurich par le Professeur Bleuler sous une forme modérée et vraiment scientifique, elle ne diffère pas notablement des méthodes psychothérapiques traditionnelles visant à réveiller l’intérêt du malade à la réalité.

[p. 20]

lV. – Au point de vue doctrinal, la Psychoanalyse est un système séduisant mais dont l’ampleur déprusse assez auda- cieusement les inductions de l’expérience psych,OIlogique. Les pdncipes de cette doctrine, à la fois naïve et géniale, sont,s’Üit indémontrables, soit ia:spirés, conformément à des générali- sations hâtives, d’un esprit télé~logi,que qui dénature inutile- ment les faits.

***

En résumé, il faut surtout retenir que la Psychoanalyse nous découvre de vastes horizol1ls ‘sur la voie de l’eX!pilor.ation psychologique, et insister sur l’intérêt considérable que pré- sente, même lorsqu’elle est erronée, son étude du conteml subjectif et personnel de la Névrose et de la Psychose.

Névrose et Psychose ont souvent une de leurs principales racines dans ;J’expérience psychol0,g~ique individueille, dans la biographie intime (affective mais non stTictement Isexuelle) du malade. Cette racine affective de la maladie, telle que la révèle la Psychogenese,peut, dans les limites des conditions étiolo- giques organiques (toujours primitives et plus ou moins pré- dominantes), absorber à eHe seule une partie de la causalité de l’état psychique morbide, de l’accident neuropsychopathi- que notammeni\:. Toute méthode consist,ant à la mettre en lumière et à s’en servir comme fil conducteur de l’influence psychothérapique, peut être bienfaisante.

C’est par là que la Psychoanalyse, débarrassée de ses erreurs terminologiques, de ses outrances doctrina,les et de ses artifices symboliques de recherche séméiologique, se rat- tache à la Psychiatrie, dont eUe est tributaire, et à la Psycho- logie clinique – science _malheureusement trop négÎigée dans nos programmes universitaires. C’est par là que cette doctrine-méthode, encore maladroite mais très perfectible, a des droits incontestables à notre sympathie scientifique et française.

[p. 21]

NOTES

(1) Nous conservons le mot français Psycho-analyse (ou, en abrégé, Psychoanalyse), primitivement employé par l’Ecole de Freud. Il a été ces dernières années traduit en allemand par le mot composé Psychanalyse, très employé en Suisse, même à Genève, où l’on n’hésite pas à utiliser couramment les germanismes : autanalyse, autérotisme, etc.

(2) On trouvera la bibliographie complète de la Psychoanalyse (jusqu’en 1922) et les détails de la question psychiatrique qu’elle soulève, dans la deuxième édition de notre ouvrage : Regis et Hesnard « La Psychoanalyse des Névroses et des Psychoses », — Alcan.

(3) Freud : « Introduction à la Psychanalyse» (Trad. Jankélévitch).- « Psy.chopathologie de la vie quotidienue )). Ibid. – Payot

(4) La discussion scientifique de la Psychoanalyse a été inaugurée récem- ment en France par la Société de Psychiatrie de Paris.

(5) Dans notre rapport, simple programme de discussion psychiatrique, nous avons surtout cherché à isoler, dans la masse hétéroclite des éléments de cette doctriné, ceux qui semblent vérifiables, c’est-à-dire accessibles au contrôle pratique des faits cliniques.

(6) Rappelons que pour Adler, élève dissident de Freud, le trouble sexuel est habituellement secondaire, dans la névrose, à un sentiment d’infériorité
en rapport avec une anomalie foncière des instincts personnels. Dans les observations des psychoanalystes eux-mêmes, ces causes sont manifestes, quoique généralement mal appréciées.

(7) Certains malades présentent, par exemple, à la ménopause, des remords obsédants, plus ou moins inconscients et refoulés, touchant des actes commis durant leur jeunesse : le rôle pathogène supposé de ces souvenirs ne saurait être admis qu’en subordination d’une cause actuelle organique, nécessaire et très probablement suffisante.

(8) C’est ainsi qu’il est dans la nature même du rêve de construire des images d’arbres, de parapluies, de tiges, de chapeaux, de tables, d’armoires, de vases, etc., et que l’être humain le plus dégagé d’emprise sexuelle se représente oniriquement chaque nuit toutes sortes de symboles de la série phallique de Freud

(9) Il est facile de s’en rendre compte en comparant les associations d’un sujet non prévenu avant et après une conversation sur la sexualité.

(10) Il ne semble pas que ce moyen, déjà proposé par Logre, soit moralement non recommandable, ni pratiquement inapplicable (à condition toutefois d’obtenir du malade le partage du Transfert entre les deux opérateurs, qui devraient lui être également sympathiques).

(11) Rappelons que la psychoanalyse à l’Asile du Burgholzli se borne souvent — étant donné le nombre des malades — à quelques conversations analytiques avec le sujet. (Voy. la thèse de Mlle Raehmi, élève de Bleuler).

(12) Des psychoanalystes ont rapporté, par exemple, la guérison « psychogène » de l’accès mélancolique présenté par Benvenuto Cellini captif, à la suite de l’hallucination consolante d’un ange protecteur. Pour nous, l’hallucination n’était que le premier effet de la guérison, causée par la périodicité morbide ou par toute autre chose ; effet justifié par la conscience sous la forme d’un symbole de consolation.

(13) On est frappé de voir, en comparant les conceptions de Bleuler avec celles des auteurs français classiques, l’importance de leurs divergences nosologiques. Des quantités d’états étiquetés en Suisse Schizophrénies ou considérés comme voisins de la Schizophrénie — d’ailleurs atténués et curables —, seraient considérés en France comme n’ayant aucune parenté avec la Démence précoce ou la Dissociation mentale.

(14) Voir la thèse de son élève, Melle le Dr Raehmi (Zurich 1922). – Le nombre des schizophrènes sortis du Burgholzli de 1876 à 1915 est passé de 20,8 à 43%, et la variation très brusque, de la courbe, correspond à l’époque où l’on a commencé à y appliquer le traitement psychoanalytique.

(15) Nous nous bornons, dans cette dernière partie de notre rapport, à formuler une brève appréciation des idées directrices de la théorie psychoanalytique.

(16) Voyez pour cette discussion : Hesnard « L’Inconscient », — Volume de l’Encyclopédie Scientifique, Doin 1923, Préface du D’ Toulouse.

(17) Voyez à ce sujet la discussion à la Société de Psychiatrie (avril 1923) : Dumas, Delmas, Hesnard, M, de Fleury, P. Janet, Hartenberg, Cornélius, etc…

(18) Voyez Hesnard : « La Néoproductivité psychique morbide », — (Journal de Psychologie normale et pathologique, 1923), et les idées très voisines exprimées à ce sujet par Toulouse et Mignard.

(19) Voyez la discussion récente sur ce sujet à la Société de Psychiatrie, 1923.

(20) Voyez : Hesnard, »La loi du Symbolisme en Psychiatrie générale ». — Encéphale, 1922.

(21) Ex. : Le dyspeptique rêve qu’il boit non pas toujours parce qu’il a soif, mais parce qu’il explique, justifie ainsi son impression de distension gastrique. Le rêve de pollution est une justification, le plus souvent inadéquate et extrêmement approximative, d’un simple réflexe génital, etc…

(22) Hesnard, « La Relativité de la Conscience de soi »,Volume de la Bibliothèque de Philosophie contemporaine. — Alcan (en préparation).

HESNARDPSYCOANALYSE0005

 

LAISSER UN COMMENTAIRE