La psychanalyse devant la neuro-psychiatrie américaine. Par Albert Brousseau et O. Raoder. 1922.

BROUSSEAU0004Albert Brousseau et O. Raeder. La psychanalyse devant la neuro-psychiatrie américaine. Article paru dans « L’Encéphale », (Paris), dix-septième année, 1922, pp. 360-368.

Albert Brousseau (1888-1955). Ancien élève du d’Ernest Dupré qui évoquait une « immoralité constitutionnelle » ou une invalidité morale », le Brousseau, médecin-chef de la 3e section de 1938 à sa mort en 1955, défendra une psychiatrie neurobiologique dans le prolongement des théories de l’anthropologie criminelle et verra dans les « anormalités » comportementales des délinquants l’indice d’une anomalie dont les racines seraient constitutionnelles (Véronique Fau-Vincenti). Nous connaissons comme publication:
— Essai sur la peur aux armées (1914-1918). Paris, 1920.

[p. 360]

La psychanalyse
devant la neuro-psychiatrie américaine (1).

Par

Albert Brousseau                                                                              O. Raeder
Chef adjoint de clinique                                                                   Médecin du Psychopathie
Assistant à la clinique                                                                      Hospital de Boston
psychiatrique à la Faculté de médecine                                        Assistant à la clinique psychiatrique
de Paris                                                                                              de la Faculté de médecine de Paris.

 

Lors du 47e Congrès annuel de la Société Neurologique américaine, tenue en juin 1921 à Atlantic City, une partie des débats fut consacrée à la psychanalyse. Les rapports de Charles K. Mills et de Morton Prince suscitèrent une discussion passionnée. Ce nous fut une occasion de connaître la position actuelle de la psychanalyse devant l’opinion américaine ; nous voudrions, devant le public de langue française, dégager de cet ensemble les diverses manières de voir, exprimer par les hommes les plus autorisées aux États-Unis.

M. Mills, doyen de la neuro-psychiatrie américaine aborda la question en ces termes : « La psychanalyse est-elle une forme plus ou moins accusée de mysticisme ? C’est une interprétation qui repousse vivement la plupart des psychanalystes. »

Il se pourrait, dit-il, que je n’us point de langue académique au cours de ces considérations sur la psychanalyse et que je ne porte pas du tout mon soin à la série des inductions nécessaires. D’ailleurs, en ce qui concerne le nœud même de la question, les défenseurs et les critiques de la psychanalyse n’ont pas été sans faire preuve de quelques faiblesses ou confusion. Voyons d’abord ce que les psychanalystes disent les uns des autres.

Jung fut le premier à prétendre que l’hypothèse de Freud «  sentait » le [p. 361] mysticisme. Mais Jung, qui accuse ainsi Freud, se révèle parfois disciple de l’occultisme. Témoin la manière dont, par exemple, il use du symbolisme des nombres. Les psychanalystes, en effet, ont une façon de se servir du nombre qui rappelle tout à fait les tenants de l’occultisme connu sous le nom de « Numéristes ou vibrationistes » dont il suffit de dire qu’ils attribuent une signification toute particulière aux chiffres qui vont de 1 à 9. Le chiffre 1, par exemple, tient aux vibrations du soleil ; le chiffre 2 la tient de la lune ; le chiffre 3, à côté de l’interprétation directement phallique du psychanalyste, possède une large signification symbolique ; quant au chiffre cinq, il représente la plus forte vibration psychique.

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Tandis que Jung a trouvé juste de traiter Freud de mystique, Ernest Jones un bon disciple de Freud, dit du concept de l’inconscient de Jung, qu’il est fondé sur une pseudo philosophie inconciliable avec la science. Jones considère que les opinions de Jung sont caractérisées par sa répudiation du déterminisme. Il place Freud dans la catégorie Huxley et de Darwin : bref, il dénonce de Jung comme un mystique religieux. Le caractère faux, fantastique ou mystique de la psychanalyse est mieux marqué encore si l’on se réfère à quelques exemples, tiré de la littérature psychanalytique, touchant les idées prénatales. Ferenczi cite un cas dans lequel il a réussi partiellement, au moyen de l’hypnose qui dévoila, crut-il, un soi-disant « complexe de la mère », mais plus tard, par la méthode psychanalytique un complexe du père fut également révélé. Il explique que ce cas présentait avant tout un syndrome de fantaisie inconsciente en rapport avec des rêveries inventives, touchant les périodes mensuelles, le temps de la grossesse de la mère, et se rapportant plus particulièrement à l’idée de sa propre situation dans la matrice et à la naissance.

C’est le cas de se rappeler le symbole de ce débouché de tunnel (Tunnel-Windows), rapporté par Freud et cité par Maeder et tant d’autres, au travers duquel apparaît un champ labouré. L’interprétation symbolique selon Freud est la suivante : il s’agit du fœtus qui, de l’intérieur de l’utérus, guette le coït de ses parents.

Du même ordre est la conception de Clark, selon qui l’épilepsie et fonction d’un arrêt de développement de la libido fixée au stade prénatal ou infantile. L’auteur cite la théorie d’infériorité organique et de compensation psychique d’Adler et il a considéré comme une sorte de réaction de défense déterminée par la crainte d’être lui-même, psychanalyste sexuel, accusé de mysticisme. Mais sa théorie, qui paraît d’abord accepter l’existence de cause organique, tourne bien vite à l’acceptation totale de la pathogénie et de l’interprétation sexuelle des névroses et des états d’aliénation mentale.

Il cherche à asseoir cette interprétation en versant aux débats l’argument si cher au psychanalyste, par quoi les mythes anciens des héros boiteux, sourds, muets, borgnes, manchots ou unijambistes, qui se plaisent aux crimes et aux exploits sexuels, représentent une compensation psychique aux infériorités physiques.

Mac Curdy s’opposant à ceux qui veulent toujours trouver une passe organique, marque le degré insignifiant de corrélation mise en évidence entre les altérations structurales et les troubles de la fonction cérébrale.

Est-il vrai, dit Mills, que le rapport observé dans ces cinquante dernières années entre les altérations structurales et les troubles de la fonction cérébrale [p. 363] soit aussi négligeable ? Faut-il rappeler ce que nous ont appris l’anatomie, la physiologie, la pathologie clinique touchant la représentation cérébrale du mouvement, de la sensation, du tonus, de la parole, voire même de l’émotion et de la pensée conceptuelle, concrète ou abstraite ? Tout cela ne vaut-il pas mieux qu’une spéculation purement psychique à propos les phénomènes mentaux ?

Ceux qui ont lu le gros livre de Kempf (800 pages) sont autorisés à penser que l’auteur, tout au long de son exposé, s’est contenté de faire vibrer continuellement toujours la même corde. Les questions d’émotions, de sexualités sont dominées par la notion d’une lutte entre « la personnalité et le système viscéral segmentaire ». Il se sert des belles expériences de Cannon, mais, la plupart du temps, les utilise à faux. C’est au point qu’on a l’impression que pour Kempf, l’esprit siège dans les segments spinaux viscéraux du système nerveux. C’est comme on l’a déjà dit, un retour à la conception de la personnalité localisée dans le cerveau abdominal.

Le moi de Kempf est plutôt mystique. Il n’admet ni esprit, ni âme, ni contrôle cérébral, mais il se sert d’une sorte de fiction verbale qu’il appelle « moi » et le sauve de bien des difficultés manifestes. Le pouvoir de contrôle serait assuré par les segments autonomes qui composent l’organisme. Il ne définit pas ce qu’il entend par conscience et paraît croire que c’est en quelque sorte l’expression de la personnalité entière de l’individu. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Il nous ferait penser avec nos muscles, contrôler avec nos glandes et nos viscères et ramènerait simplement toutes les psychoses à un combat contre les tendances affectives de nos segments autonomes et le moi hypothétique. Tout cela est très fin sans doute, mais encore quelle valeur est-ce que cela aura pour la solution des problèmes posés par les théories de l’esprit et la matière ?

Il montre à maintes reprises que le cerveau, quoi qu’il soit bien développé très atteint, ne joue qu’un rôle secondaire dans la pathogénie des psychoses ou des névroses. La plupart des freudiens, il est fasciné par ses idées sur la psychologie et la psychiatrie.

Le sexe resplendit pour lui sur chaque trame psychiatrique. Ce livre étale une extraordinaire méconnaissance de toutes les recherches d’anatomie, de physiologie et de pathologie nerveuse menée pendant le dernier de siècle.

Mills ne peut s’empêcher de faire une brève allusion aux illustrations qui ornent le volume et surtout aux commentaires dont Kempf les accompagnent. « Si Michel-Ange, dit-il, ou quelques autres des grands maîtres pouvaient revenir du plan astral que leur assigne maintenant un autre culte, il serait vraiment surpris des intentions, jamais rêvées, que l’on prête au détail de certains de leurs chefs-d’œuvre ».

Sherrington a nettement montré que l’animal dont on a complètement sectionné la moelle épinière peut dorénavant réagir par des émotions de douleurs et de peur, bien qu’il ne manifeste pas tous les signes locaux ordinaires de ses émotions. »

Mills déclare « qu’il a vu lui-même des cas de lésion de la moelle cervicale supérieure atteignant l’un ou l’ensemble des faisceaux de conduction, dans lesquels on observait la conservation des réactions émotionnelles, tant au point de vue psychique qu’au point de vue mimique. Il est intéressant de [p. 363] deux considérer certains cas de paralysie et de pseudo paralysie agitante au point de vue de l’abolition deux l’expression des émotions à laquelle se trouve parfois liés une réduction de l’émotivité. J’ai rapporté quelques cas ou les troubles de l’émotivité et de l’expression émotionnelle étaient conditionnés par une lésion encéphalique du système nerveux cérébral spinal et autonome.

Après cette réfutation solide de la théorie selon laquelle l’âme siègerait dans les segments spinaux-viscéraux, il considère la terminologie compliquée usitée dans le nouveau culte. « En art comme en sciences, dit-il, une terminologie abondante est plus souvent signe de faiblesse que de puissance. On peut l’admettre en botanique ou en physique, mais non en psychologie. »

Mills se livrent à une critique ironique des termes anciens déplacés de leur sens, et aussi les néologismes dans les psychanalystes fond si grand usage. Étudiant le plus poussé, selon lui, d’entre ces symboles, il parle ainsi du « complexe d’Œdipe ». « Selon Jellife ce complexe peut servir en quelque sorte d’unité de mesure, d’aune psychiques. » Par exemple, il cite le cas d’un jeune homme qui présente des signes de déficience héréditaire et acquise. Mais le complexe lui échappa jusqu’au jour où il apprit enfin que ce jeune homme déjeunait de façon très monotone, n’absorbant pendant quinze années que des gaufres accompagnées de sirops et de certains petits saucissons. Il constata de plus qu’il suivait depuis très longtemps un régime composé surtout de lait, de pommes de terre et de viande. L’application du complexe d’Œdipe au déjeuner et au régime strict de ce jeune homme dissolue, sinon mystique, est réellement excessive et fantastique. Le lait exprime ses rapports avec les seins de sa mère ; le saucisson le symbole le phallus et le gaufrier même signifie des mamelons deux truies servant ainsi à élargir encore l’interprétation. Il n’est pas besoin insister. »

Il envisage ensuite le symbolisme des rêves. « Ces évidemment là, dit-il, que se trouve maintenant le soutien principal de la psychanalyse directe, et sans cet appui, elle se serait probablement vite effondrée. » Mills reprend les éléments fondamentaux des rêves, et d’accord avec Peterson, constate que le contenu prospectif anticipé du rêve a été grandement négligé par les psychanalystes en général, et cela en dépit du fait que l’accomplissement des désirs est le premier plan dans la théorie freudienne.

Bien que cela ait été nié par les psychanalystes, l’analyse directe, la suggestion et d’autres processus encore permettent de lire bien des choses dans les rêves. Les malades, et surtout ceux de clientèle privée, sont informés, avant même de les avoir vus, que leurs médecins professent des théories sexuelles. Le psychanalyste, plus encore que son malade, est victime d’une sorte d’autosuggestion qui le pousse à rechercher, en dépit de lui-même, des réactions sexuelles et de les interpréter selon son procédé ordinaire.

Quelque soit la manière ordinairement brève, parfois prolixe, dont on rapporte les cas de psychanalyse, on n’y trouve trace de persuasion et de suggestions. Par exemple, un médecin utilisant d’abord la méthode des associations, et la renforçant de suggestions, de persuasion et de conviction brutalement imposées, serait parvenu, chez une malheureuse jeune femme à mettre au jour une extraordinairement fâcheuse histoire de désir et d’aventures sexuelles. Les méthodes employées en psychanalyse directe et [p. 364] pour l’interprétation des rêves ne stimule pas seulement l’imagination, mais bien aussi la faculté d’invention du malade. Témoin un exemple cité par Jung, où il est probable qu’une précoce jeune fille de 11 ans connut les plus grandes joies de sa vie au cours de la douzaine d’entretiens tenus avec le médecin.

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Le symbolisme sexuel apparaît comme quelque chose de réellement trop facile si l’on prend dans l’art, la légende ou la vie, dans le ciel, sur ou sous les eaux, tout ce qui peut être interprété dans ce sens. Ainsi, depuis le serpent jusqu’à la tour Eiffel, en passant car un parapluie, le clocher d’une église, tout peut être considéré comme un symbole phallique ; de même une boîte à ouvrage, un panier, une grotte, un canon peuvent être interprétés comme le symbole de l’organe génital féminin. Il ne faut donc pas s’étonner si l’analyse finit toujours par aboutir à l’interprétation sexuelle.

Pour ce qui est des psychonévroses de guerre, l’auteur, après avoir lu les 600 observations de l’ouvrage de Southard dont il écrivit la préface, constate qu’on a accordé que peu d’importance au phénomène « freudiens, junguistes, adleresques » dans la pathogénie de ces psychonévroses. Mac Curdy, bien que psychanalyste, n’y prête aussi que peu d’attention. Et Rivers affirme que les névroses de guerre, si simple comparativement à celle de temps de paix, dépendent essentiellement de la mise en jeu d’un instinct plus fondamental, moins complexe, l’instinct de conservation. Cependant il faut reconnaître que les névroses de guerre sont très proches les névroses observées ordinairement dans la pratique courante. Peut-être sont-elles d’évolution plus aiguë et d’une symptomatologie plus sévère, mais elles se traduisent ensemble par les mêmes phénomènes mentaux et organiques que les névroses fonctionnelles – névrose d’angoisse, hystérie et névroses possessives – pour laquelle Freud et son école prétendent à l’efficacité thérapeutique de la psychanalyse. Les cas rapportés par Mac Curdy semble avoir été guéri avant tout par de puissantes suggestions, par le repos et par un traitement physique tel qu’on le pratique généralement avant la période psychanalytique. Le colonel Robert Armstrong-Jowes et le colonel Springtorpe on prit fortement position devant la British Médico Psychologique Association contre les théories sexuelles tant au point de vue étiologique que thérapeutiques. Quelques cas traités par la psychanalyse qui ne les avait pas améliorés, furent repris et guéris par les vieilles méthodes de repos, d’isolement, de médications toniques associées à la suggestion, à la persuasion et à l’influence personnelle du médecin sur son malade.

L’auteur pense que les bienfaits de la psychanalyse ont été surtout d’orienter les psychiatres vers une étude plus profonde et plus précise de l’influence des facteurs sexuels, et comme dirait Jung, des autres facteurs dynamiques. Il ne faut cependant pas oublier que l’étude des problèmes sexuels n’a jamais été complètement négligée par les maîtres la neuropsychiatrie.

Le danger de la psychanalyse est celui qu’entraîne tout enjouement mystique, qu’il s’agisse de spiritisme, de « christian science », ou de sanctuaire miraculeux. Le « transfert » en particulier, ce courant de sympathie qui s’établit du malade vers le médecin, et prend, en cas de succès, une coloration [p. 365] sexuelle les risques reconnu par les psychanalystes. Freud en cas de « fixation amoureuse » admet trois solutions :

a) Des relations normales peuvent s’établir, mais ce n’est pas l’usage ;

b) Ou bien médecin et malade doivent se séparer sur-le-champ et abandonner l’entreprise ;

c) enfin il se peut que la troisième possibilité ne soient pas incompatibles avec le succès du traitement : il entend ainsi une liaison illégitime et épisodique.

La simple inclinaison vers la première et la troisième de ces solutions suffit à compromettre une telle méthode de pratiques médicales. Sachant la façon moins périlleuse et moins contestable dont on peut traiter la névrose d’angoisse, l’hystérie et les états d’obsession, avons-nous le droit de faire courir à nos malades un tel risque ?

En somme, Mills estime que la psychanalyse, dans sa forme freudienne, dans sa variété sexuelle, est destinée au discrédit progressif et que la génération suivante l’aura vu perdre son emprise sur les médecins et sur le public.

M. Morton Prince envisage la question d’un point de vue plus spécialement psychologique.

Il assigne à la psychanalyse les trois objets suivants :

  1. C’est une méthode d’exploration psychique destinée à déceler les facteurs qui concourent à la constitution d’un syndrome clinique ;
  2. C’est un corps de doctrine ;
  3. C’est une méthode thérapeutique.

Il importe donc, avant de l’accepter de la rejeter, de la considérer sous l’un ou l’autre de ces trois aspects.

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La psychanalyse, méthode examen. – La psychanalyse en tant que méthode d’examen est très importante, car, bien que la méthode d’association libre ait une valeur incontestable il est difficile d’inférer du symptôme actuel l’événement passé qui le détermine, et l’on s’expose à d’innombrables erreurs. Cependant, fait-il observer, ne faut-il pas également interpréter les résultats de l’auscultation et de la percussion ? Une réaction Bordet-Wassermann elle-même n’impose pas absolument l’existence ou la non-existence de la syphilis. C’est une méthode d’attaque tous simplement et l’on doit s’aider aussi les autres méthodes.

Dans l’appréciation de la méthode psychanalytique, il faut soigneusement distinguer les cas où elle est employée à déterminer les lois et mécanismes de l’esprit et ceux où, en psychologie appliquée, on l’utilise en vue de la découverte les facteurs déterminants de telle ou telle situation psychologique.

Mais lorsqu’il s’agit de démontrer les mécanismes et les processus de l’esprit, les principes psychologique qui les conditionne aussi bien que les divers états psychopathique (phobies, hallucinations, délires, amnésies, c’est-à-dire les phénomènes de conflit en général), nous avons besoin de méthodes plus exactes comparable au moins à celle que l’on emploie actuellement dans les recherches physiologiques.

La psychanalyse en tant que corps de doctrine – Il s’agit maintenant de concepts isolés par la méthode des associations libres et postulés comme des principes fondamentaux. [p. 366] Prince déclare dès l’abord que nous devons au génie de Freud deux données primordiales : la théorie de refoulements et celle du conflit. Ces processus sont intimement liés, le conflit entraînant le refoulement. Mais la notion de subconscient ne nous a pas été révélée par Freud. Elle date de Liebnitz et de Kant il fut enrichi par Schelling, Herbart, et Hartmann. Freud l’a converti en une doctrine discutable, particulière à la psychanalyse.

Ce fut premièrement P. Janet en France et Edmond Gurney en Angleterre qui l’enlevèrent au domaine de la philosophie spéculative et démontrèrent par la méthode inductive la réalité concrète des processus mentaux sous-jacent à certains phénomènes psychologiques.

La dissociation, avec la formation des processus subconscients, qui sous l’impulsion de leur potentiel affectif déploient une activité autonome et détermine les phénomènes d’ordre psychologique, fut démontré séparément par Janet et Gurney et confirmé par A. Binet, W. James, Max Dressoir [Dessoir] et Prince.

Mais plus tard Freud et Breuer découvrirent le principe et le mécanisme du refoulement et expliquèrent ainsi la distanciation dans les psychonévroses. Bien que ce fût là seulement une application particulière du principe dynamique, une avance considérable fut réalisée. C’est la grande contribution de Freud à la connaissance des psychologues. Il serait difficile d’en exagérer l’importance. Pourtant il ne faut pas oublier que la dissociation peut-être tout simplement provoquée par une défaillance de l’inhibition normale sans qu’il y ait conflit ni refoulement ; les psychanalystes ne le reconnaissent d’ailleurs pas.

Prince ne souscrit pas à l’interprétation sexuelle de l’activité subconsciente, il estime incapable de rendre compte de tous les faits de conflit et de refoulement rapporté de tout temps. La plupart des résultats obtenus par la méthode psychanalytique sont susceptibles d’être interprété selon des bases toutes différentes. L’inconscient, d’après l’un des meilleurs théoriciens de l’école freudienne, peut se définir. « Cette région de l’esprit dans des éléments porte les attributs suivants : objet de refoulement ils expriment des désirs, des instinct infantile dont le caractère est d’échapper au raisonnement et de se rapporter toujours à des tendances sexuelles. » Cette conception de l’inconscient, selon l’avis de Prince, est beaucoup trop étroite.

Il affirme que l’inconscient renferme bien d’autres choses que des éléments de coloration sexuelle ; il comporte aussi des éléments qui n’ont même pas été l’objet d’un refoulement. C’est en quoi la conception freudienne de l’inconscient est inexacte.

Seuls peuvent accepter cette conception du subconscient, ceux qui ne sont pas familiarisés avec les méthodes d’examen psychologique autre que celle des « association libre ». Et c’est cependant là-dessus que l’on a établi la loi let es prophètes.

La théorie de la libido, par exemple, fait litière des résultats fournis par les études des biologistes et des psychologues au sujet de l’instinct. Et pourtant on peut tirer de leurs travaux des explications aussi vraisemblable que celle que permet la libido. Elles ont l’avantage de marquer assez justement la part respective de chaque instant dans le comportement physique et mental de l’individu. [p. 367] de même, cette conception du symbolisme, grâce à quoi chaque symbole à une valeur spécifique quel que soit, l’âge ou les conditions psychiques particulières du moment, passe les limites de l’induction permise. Le symbolisme ne saurait être nié mais il est susceptible d’interprétations toutes différentes.

En somme, la plus grande partie de la doctrine freudienne, édifié par la méthode des associations, s’est trouvé non seulement privé de l’appui des preuves fournies par d’autres méthodes plus exactes, mais celle-ci ou encore servi à infirmer sa valeur.

La faillite de la méthode psychanalytique est due aux procédés par trop tortueux et cependant ingénieux, mais discutable, reposant sur les théories dynamiques également contestables quel est autorisé d’employés ; de plus, elle est non seulement inexacte et insuffisante, mais elle se prête encore aux artifices les plus subtils, particulièrement dans le choix de ces données. Le concept du subconscient, l’édifice théorique basé sur lui ressortissent bien plus à la philosophie qu’à la science.

Quant aux guérisons obtenues grâce à la méthode psychanalytique, elles sont aussi acceptables que celle que l’on réalise par toute autre méthode de psychothérapie, qu’il s’agisse de « christian science », de foi religieuse, de suggestions, d’amulettes, de sorcellerie, de rééducation ou de n’importe quoi. Mais les succès thérapeutiques non jamais rien prouvé en faveur des concepts acceptés comme article de foi. Prince, répudiant les principes fondamentaux de la psychologie freudienne, estime que la méthode orthodoxe de la psychanalyse, telle qu’elle est pratiquée par les « purs », est à la fois mauvaise en principe et « mérétrice » en pratique au sens étymologique de ce dernier terme.

Mais à côté de ces critiques, il faut reconnaître à Freud un grand mérite : il a forcé l’attention à s’appliquer à l’étude de la psychologie dynamique. La guerre a donné le coup de grâce à l’interprétation pansexuelle des psychonévroses. Mais elle permis de démontrer manifestement comment leur pathogénie est régie par les conflits d’instinct, de tendances et par les réactions de la personnalité.

Et Prince conclut son rapport par cette citation de Sainte-Beuve : « Bien des gens voient dans les miracles une intervention spéciale de la Providence ; pour moi je n’y vois que l’humiliation de l’esprit. »

La discussion qui suivit la lecture de ces deux rapports rend bien compte de l’évolution des idées américaines à propos de la psychanalyse.

La doctrine freudienne était avant la guerre acceptée par un grand nombre, mais le vaste champ d’expérience offrirent les névroses et les psychonévroses de guerre permis rapidement de mesurer l’étroitesse de la pathogénie pansexuelle. Déjà l’excellent Traité de Southard n’en tient pas grand compte ; celui de Mac Curdy non plus ; Mills, Schwab contribuerait à montrer l’importance fondamentale des troubles dérivés de l’instinct de conservation et ils marquèrent aussi la valeur des facteurs organiques. Peu à peu la théorie primitive, la plus féconde découverte depuis Darwin selon Mac Curdy, dut se modeler sur la conception nouvelle, infiniment plus large, d’une psychologie dynamique encore mal fixée. Ainsi chacun, dans sa pratique, détourne de plus en plus de leur but premier la méthode les principes mêmes de la psychanalyse. Mills met d’ailleurs en garde contre cet excès [p. 368] nouveau qui tendrait à inférer l’existence d’un dynamisme entièrement dépourvu de substratum organique.

Du freudisme, on tend à ne garder que le mécanisme. La théorie du refoulement, de la formation des complexes, l’évolution des conflits affectifs, apparaissent comme des données définitivement acquise. (McCarthy, Mac Campbell). Mais on n’est pas sans se souvenir que l’ennui avait déjà et depuis longtemps été invoqué dans la causalité des psychonévroses (Mills). De même le pansexualisme a été précédé de la notion de syndromes de neurasthénie sexuelle et les états anxieux d’origine sexuelle (Mills). Meyer, lui, présente la défense du terme « Œdipe complexe ». Freud le choisit parce que le sens mystique attaché au nom d’Œdipe depuis le monde grec exprime justement la puissance des craintes incestueuses. Mais on ne saurait souscrire aux interprétations fantaisistes qui permirent de l’identifier avec une telle fréquence. Il en est de même des lois du symbolisme sexuel qui comporte peut-être une part de vérité, mais auxquelles on doit refuser la valeur scientifique de faits sur lesquelles il serait légitime de fonder une théorie (Kirby).

Quant à la valeur thérapeutique de la psychanalyse, la majorité des neuropsychiatres américains l’estiment bien médiocre, et Mills insiste sur le danger peu connu encore des « transfert » affectif.

Mac Campbell espère que cette doctrine nous aura permis de pénétrer plus avant dans le mécanisme psychique de l’enfance et qu’elle peut apporter, bien plutôt qu’un appoint thérapeutique, une base pour des méthodes nouvelles d’éducation.

Du point de vue philosophique et religieux, M. Collins dénonce le caractère mystique de la psychanalyse qu’il compare à l’homéopathie et à la « christian science » et la montre comme un retour du néoplatonisme, instrument de destruction de la morale chrétienne.

En somme, l’opinion neuropsychiatrique américaine tend vers une psychanalyse épurée de tous les excès doctrinaux, réduite au rôle d’une méthodes nouvelles d’explorations de l’inconscient et des conflits affectifs, et c’est là ce qu’a manifesté aussi, au cours de sa dernière session, la principale association psychanalytique des Etats-Unis, une l’American Psycho-pathological Association.

NOTE

(1) Congrès d’Atlantic City, 1921.

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1 commentaire pour “La psychanalyse devant la neuro-psychiatrie américaine. Par Albert Brousseau et O. Raoder. 1922.”

  1. gendotLe vendredi 24 juillet 2015 à 21 h 49 min

    l’opinion neuropsychiatrique américaine nous a amené la destruction de la psychanalyse, Freud balayé il ne reste que les médicaments et les électrochocs