Klippel & P. Trenaunay. Délire systématisé de rêve à rêve. Extrait de la « Revue de psychiatrie », (Paris), nouvelle série, 4e année, tome IV, 1901, pp. 97-111.

Klippel & P. Trenaunay. Délire systématisé de rêve à rêve. Extrait de la « Revue de psychiatrie », (Paris), nouvelle série, 4année, tome IV, 1901, pp. 97-111.

 

François Maurice Klippel (1858-1942). Médecin, neurologue et psychiatre. Élève de Babinski à La Salpêtrière, il deviendra interne d’Alix Joffroy en 1884. Il est bien connu pour avoir lissé son nom à deux syndromes :
Syndrome de Klippel-Feil : fusion congénitale d’au moins deux des sept vertèbres cervicales.
Syndrome de Klippel-Trénaunay (voir ci-dessous).

Paul-Henri Trénaunay (1875-    ). Médecin neurologiste élève de Maurice Klippel, de qui est resté le syndrome Klippel-Ténaunay,  apparaissant dans le développement embryonnaire et qui se caractérise par l’association d’une hypertrophie des tissus osseux et mous.
Nous avons retenus en collaborations avec ces deux auteurs :
— (avec F. Lopez). Psychologie pathologique du rêve et du délire qui lui fait suite dans les infections aiguë. Extrait de « Revue de psychiatrie : médecine mentale, neurologie, psychologie », (Paris), nouvelle série, 3e année, tome III, 1900, pp. 97-103. [en lin sur notre site]
— Un cas de rêve prolonogé d’origine toxi-infectieuse. Extrait de la « Revue de Psychiatrie et de psychologie expérimentale », (Paris), nouvelle série,3e année, tome III, p. 1900, 161-170.
—Le trumba. Journal de Psychologie normale et pathologique, (Paris), XVIIe année, 1920, pp. 848-864.

[p. 97]

DÉLIRE SYSTÉMATISÉ DE RÊVE A RÊVE.

Par MM. KLIPPELet P. TRENAUNAY.

Le rêve peut jouer un rôle chez tous les aliénés. Chez certains, le délire n’est qu’un rêve prolongé à l’état de veille, évoluant sur le mode aigu ou subaigu, et s’effaçant ensuite complètement.

Le malade dont nous allons retracer l’histoire en détail, fait apparaître des rapports aussi étroits entre le rêve et le délire, mais dans une longue évolution chronique.

Non seulement notre malade ne puise très habituellement ses conceptions délirantes que dans les hallucinations du sommeil, mais les exemples que nous rapportons, démontrent que si parfois il a pu les tirer de l’état de veille, aucune expression ne pourrait, en ce cas, lui être appliquée plus justement que celle d’un homme qui rêve tout éveillé.

Les formules qu’emploient la plupart des aliénés dans l’exposition de leur délire, tiré de l’état de veille, ne répondent nullement à cette modalité.

Rêver en dormant ou rêver tout éveillé, tirer de ces états des conceptions délirantes persistantes et qui même parfois ont pu motiver des actes, tel est le cas dont il s’agit.

C’est une succession de rêves, prolongés à l’état de veille, se reproduisant avec des intermissions plus ou moins longues, et s’enchaînant entre eux pour former une systématisation.

Si l’on envisage les idées qui constituent le fonds de son délire, notre malade n’est qu’un mystique, quelque peu mégalomane et persécuté.

Ce qui fait l’intérêt de son cas n’est pas là, mais dans la manière dont ces idées sont développées et exprimée : Tous les faits que raconte le malade et qui touchent à son délire, répondent à la succession confuse et à l’enchaînement si particulier et si étrange des images oniriques ; toute l’expression de son délire est comme enveloppée des vapeurs du rêve.

Un autre mystique, un autre mégalomane, un autre persécuté tirent plus de conceptions délirantes de l’état de veille et les expriment dans un autre langage, qui en traduit l’origine différente.

Ol… n’est pas soupçonneux ; il a plutôt confiance dans les personnes qui l’approchent. Si son délire apparait parfois dans les sentiments qu’il leur témoigne, c’est en raison de ce qu’il a rêvé pendant la nuit. Ce qu’il en a rêvé est souvent favorable. Le caractère d’Ol… de même que cette prédominance considérable [p.98] d’hallucinations visuelles, le distinguent du persécuté vulgaire.

Son délire n’est qu’un long rêve, ou plutôt une succession de rêves d’une certaine monotonie et d’un agencement peu compliqué, aboutissant à un système analogue au fond, mais différent par la forme, de celui d’un autre aliéné systématique. Tel malade fait son système en le tirant de l’état de veille. Ol… tire le sien du rêve.

Nous sommes ainsi amenés à établir une double diversion parmi les délires chroniques, plus ou moins systématisés. Ce qui fait, insistons-y, leurs caractères distincts, ce n’est pas l’idée délirante elle-même, c’en est l’expression, indiquant à quelle source un malade a puisé les conceptions qu’il exprime.

Le terme populaire de visionnaire, appliqué à Ol…, marque au moins son caractère principal. C’est surtout dans l’histoire qu’il faudrait chercher des observations de ce genre.

Nous avons pu réunir des documents sur la vie d’un personnage qui, en plein dix-septième siècle, a réussi à imposer ses visions et qui pendant un moment a joué un rôle important, que nous avons peine à comprendre à l’époque actuelle. En publiant ultérieurement son histoire, nous la rapprocherons de la suivante qui est celle de notre malade.

Le malade dont nous voulons parler est un homme de 49 ans, employé aux Postes et Télégraphes depuis l’âge de 25 ans. C’est un individu trapu, petit, les cheveux et la barbe noirs, d’aspect fatigué, la figure ravagée par les chagrins et la misère, l’air triste, taciturne, préoccupé, peu communicatif avec ses camarades auxquels il se croit volontiers supérieur, et le caractère un peu aigri par les déboires de toutes sortes dont son existence a été remplie.

Les antécédents de ce malade tant personnels qu’héréditaires, sont difficiles à préciser. Cependant, nous savons qu’il est né de parents bien portants, n’ayant à aucun moment présenté de troubles mentaux.

« Chez mes parents, et dans mon pays, dit-il, on ne sait pas ce que c’est que d’avoir des visions, on n’a jamais entendu parler de cela, c’est ce qui fait qu’on n’a jamais voulu croire aux miennes. »

— Il a eu des frères et des sœurs qui sont actuellement encore vivants et en bonne santé. — Enfin, on ne relève chez lui aucun signe d’éthylisme, aucun symptôme de syphilis.

L’interrogeant au point de vue d’une légère claudication qu’il présente en marchant, nous parvenons à savoir qu’il a probablement eu, dans son enfance, une tumeur blanche (?) au genou [p. 99] gauche, et nous pouvons constater un raccourcissement d’environ deux centimètres du membre inférieur gauche par rapport au droit.

Disons tout de suite que le malade donne à cette boiterie une tout autre origine, mais, il est vrai, fabriquée après coup. « C’est, dit-il, une punition divine. Quand j’étais jeune, j’ai offensé le Père Éternel, et les hommes ont cru que j’avais une tumeur au genou gauche. Ils m’ont opéré, et depuis ce temps, je boite. »

Ol…, est entré dans notre service, à l’Hôtel-Dieu-Annexe, le 15 septembre 1900 pour de vagues douleurs ressenties dans les deux membres inférieurs, douleurs diffuses et continues, reconnaissant surtout comme origine la misère et la fatigue. Ces douleurs augmentent la boiterie dont le malade est naturellement affecté. Enfin il existe aussi des céphalées qui semblent assez violentes, plus accusées la nuit, atteignant leur paroxysme lorsque le malade aura eu quelques-unes de ses célestes visions.

Tous ces troubles sont en somme peu accusés et peu graves, et quelques jours de repos et de nourriture substantielle suffiront à les faire disparaître. Mais l’intérêt que présente ce malade, au premier abord banal et insignifiant, croit rapidement à mesure qu’on le fait causer. En effet, dès la première question que nous lui posons au sujet des maux de tête dont il se plaint, le malade nous répond par cette phrase qui nous fait entrevoir de nouveaux horizons : « — C’est depuis que j’ai des visions ». — Nous tentons alors vivement d’avoir des explications, mais en vain. Le malade sourit ironiquement, refuse de répondre à toutes nos questions, se renferme dans un mutisme absolu dont tous nos efforts ne peuvent le tirer, et finalement, se plaignant de sa tête, nous envoie promener.

Nous sommes plus heureux le lendemain — « J’ai vu cette nuit en songe le Père Éternel, nous dit notre malade. Il m’a autorisé à tout vous dire, il sait que vous ne me voulez que du bien ». — Et alors, presque mot par mot, lui arrachant une par une des réponses à nos questions, le malade nous raconte son étrange histoire, la révélation de sa mission, le début de ses apparitions, leur fréquence, ses conversations avec les êtres divins et les humains, ses actions, ses pensées, ses craintes et ses espoirs, en même temps que sa triste odyssée sur la terre, sa chute progressive dans la misère la plus profonde, due à la jalousie des francs-maçons, suivant lui, et d’après nous à sa maladie et à son incapacité pour toute espèce de travail.

Dès le début de ses hallucinations, Ol… prit la bonne habitude (pour nous) d’écrire ou de faire écrire au jour le jour le résultat de ses visions, sur un registre qui était pour lui d’une extrême importance et qui, d’ailleurs, à quelques hardes près, constituaient [p. 100] tout son avoir. Sur nos instances, et après en avoir reçu en rêve la divine autorisation, il consentit à nous laisser enfin chercher ce manuscrit qu’il appelle pompeusement « ses mémoires ».

Ce fut d’ailleurs, pour le dénicher, toute une histoire. Muni d’une lettre du malade, nous envoyons un infirmier au domicile d’Ol… rue Montmartre. Le garçon revint sans avoir trouvé le destinataire qui n’habitait pas à l’adresse indiquée ; une seconde tentative eut le même résultat, ainsi qu’une troisième que nous fîmes nous-mêmes. Au récit de notre insuccès, le malade se mit en colère, nous accusant de vouloir ou se moquer de lui, ou lui dérober ses mémoires. Nous parvînmes à l’adouci ; il nous donna à nouveau la même adresse, nous décrivant avec soin la maison et les environs. Après un nouvel échec nous prîmes le parti de visiter un à un tous les marchands de vins de la rue Montmartre, et nous trouvâmes enfin à un tout autre endroit que celui indiqué par le malade, le lieu où se trouvaient ces fameux mémoires.

C’était le moment d’un interview. Quand on nous eût remis le livre, nous interrogeâmes la patronne de l’établissement, et voici le résumé de ses dires. « OL… est un très brave et très honnête garçon, sobre et rangé, employé à l’Hôtel des Postes. A la suite de chagrins de famille, il a eu la tête un peu dérangée, et on l’a conduit à Ste-Anne, d’où il est bientôt revenu parfaitement guéri et raisonnable. Mais aux Postes, on n’a pas voulu le reprendre comme employé. L’argent qu’on lui devait au moment de son départ pour Ste-Anne, on l’a versé à la Préfecture de police et là, on ne voulut pas le lui rendre. Il fut très tourmenté de ce fait ; il fit quelques petites dettes dans le quartier jusqu’au jour où faute d’argent, on le mit à la porte de son domicile. Alors il mena pendant quelque temps une vie misérable et perdit à nouveau la raison ».

Quoi qu’il en soit, nous avons pu étudier à fond ce mémoire. Nous ne le rapporterons pas ici à nos lecteurs qui n’y trouveraient, sans ordre et sans style qu’une longue énumération de récits ennuyeux. Nous donnerons seulement d’abord une observation très abrégée de notre malade, l’étudiant surtout au point de vue de sa vie. Nous tenterons ensuite, compulsant le manuscrit et interrogeant le malade, de présenter quelques-unes de ses hallucinations des plus intéressantes, de groupe entre elles celles qui nous paraîtront devoir être rapprochées, de montrer la progression ou l’enchaînement des diverses phases de cette vie si embrouillée, et de présenter les déductions que nous aurons pu en tirer.

Voyons tout d’abord l’observation. [p. 101]

OBSERVATION.

Né en 1851, dans la Creuse, OL… fut d’abord gardeur de moutons. Il paraît avoir été dans son jeune âge de santé délicate. Il était pâtre alors que ses frères plus jeunes travaillaient déjà la terre où abattaient des arbres. C’est à cette époque que se place, l’histoire de la tumeur au genou. A neuf ans, série de vertiges dont l’un, plus important, avec douleurs lombaires, céphalée, perte de connaissance, a frappé davantage notre sujet qui y voit une manifestation divine.

Peu à peu, sa santé s’affermit. Il entreprend son tour de France ayant en poche quelqu’argent qu’il se fait aussitôt voler. Il traîne ensuite la misère, naïf, crédule, exploité ou dépouillé par tous, se laisse embaucher pour l’Égypte, se met en chemin à pied pour Rome, où il allait arriver quand éclate la guerre de 1870. Il revient à Lyon, s’engage aux zouaves malgré sa jambe, se conduit vaillamment à Coulommiers, à Montbéliard, est nommé caporal, puis proposé pour la médaille militaire, mais ne l’obtient pas.

La guerre finie, il se trouve à nouveau soldat, ayant, sans le comprendre, signé un nouvel engagement. Il se débat, fait agir ses anciens officiers ; finalement, son nouvel engagement est cassé, il redevient libre, mais reste pauvre. Il voyage quelque temps, cherchant sans en trouver du travail alternativement à Paris et dans son pays. Après bien des démarches, on lui confie enfin une place de facteur à Puteaux, et la façon dont il s’acquitte de son emploi lui vaut des éloges. Il monte en grade et devient commis classeur de nuit à l’Hôtel des Postes à Paris, emploi relativement bon, puisqu’il lui permet à la fois de vivre et devenir en aide pécuniairement à sa mère et à son frère.

En 1880, à l’âge de 29 ans, Ol… tomba malade, probablement atteint d’une fièvre typhoïde assez grave au cours de laquelle il paraît avoir perdu plusieurs fois conscience de son état. Pendant sa convalescence, il dévore un livre du docteur Gélineau sur les névroses, et de ce moment date la série des accidents mentaux que nous étudierons plus loin. Il rentre à l’Hôtel des Postes, mais des hallucinations le hantent, lui font perdre une première fois sa place et envoyer à Sainte-Anne, puis à Villejuif, dont il sort guéri.

Réintégré à l’Hôtel des Postes dans un emploi inférieur (garçon de bureau) il est bientôt envoyé à nouveau à Villejuif en 1896. Il en sort 6 mois après (tout porte à croire qu’il s’est évadé de l’asile.) Alors commence pour lui une phase malheureuse pendant laquelle sans argent, sans gîte, en proie à toutes les misères, Ol… roule par charité de garni en garni jusqu’au jour où il vient échouer dans notre service.

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*    *

Pour étudier maintenant l’histoire mentale de notre malade, deux sources de renseignements se présentent à nous. D’abord, [p.102] le malade lui-même, les réponses qu’il fait à nos questions, ses récits volontaires, en un mot son observation. En second lieu, nous avons ses mémoires, c’est-à-dire l’histoire de ses hallucinations ou plutôt de sa vie racontée au jour le jour. Nous disons de sa vie, car en réalité, ces mémoires commencent bien avant la période des hallucinations. Il a trouvé bon, en effet, de rappeler à son lecteur problématique non seulement les évènements de sa vie antérieure, mais encore des détails, des puérilités sans aucune importance sur son enfance, son tour de France et son service militaire. Étudiant et élaguant les renseignements puisés à l’une et l’autre source, nous allons essayer de montrer, avec des exemples à l’appui, quelle est la mission dont fut investi Ol…, de quelle manière lui sont parvenues ses révélations, quelles sont les formes que revêtent le plus souvent ces révélations, et enfin quelle influence ces hallucinations ont pu avoir sur la vie de notre malade.

On peut relever chez l…, tant dans ses écrits que dans ses paroles, deux idées dominantes : 1° Il est l’élu de Dieu, et à ce titre, il a des visions, souvent obscures, inexpliquées, même pour lui-même. Il sait cependant que Dieu l’a choisi ; aussi peut-on voir percer de temps à autre dans ses paroles, une pointe d’orgueil pour son propre individu, et du mépris pour le reste de l’humanité. De là à se croire chargé d’une mission divine, il n’y a qu’un pas, et l’on peut prédire que ce pas sera rapidement franchi.

Il est persécuté, et cela, à cause même de sa future mission. Sa pensée, dit-il, est connue par les francs-maçons, les spirites et les devins, qui mettent tout en œuvre pour lui faire du mal. C’est une des raisons pour lesquelles il ne veut pas toujours expliquer, ni même raconter ses visions.

I.

SES VISIONS, SA MISSION

Le point de départ des visions d’ Ol…, peut être ici envisagé sous un double aspect :

1°… « A l’âge de neuf ans, ma mère m’a conduit pour garder les vaches chez un vieux paysan de nos parents qui me nourrissait mal et me faisait coucher sur la paille. Un jour, je m’étais endormi dans un bois, couché sur le ventre, lorsque j’ai reçu un grand coup dans le dos. Je me suis réveillé avec une peur terrible, tremblant de tout mon corps, et regardant autour de moi ; mais je n’ai vu que les oiseaux qui chantaient dans les branches et le [p. 103] soleil qui brillait dans les cieux. Eh bien ! moi, je dis aujourd’hui, et j’en suis certain, que la nature m’a jeté un sort. Dieu m’a choisi parce que mon nom descend des Romains ».

2° Il est plus vraisemblable d’admettre le point de départ suivant, également tiré des mémoires : A l’âge de 29 ans, Ol…, faisant son service au bureau de l’Hôtel des Postes, est tombé « raide mort » ; il est difficile de préciser la nature de cet acciden ; à son réveil, aucune paralysie, aucun trouble somatique sauf une grande faiblesse, et des bourdonnements et des sifflements dans l’oreille gauche. Pendant sa convalescence, il lit un livre du docteur Gélineau sur le traitement des névroses ; il y voit la description de personnes qui ont eu des visions, des récits de spirites, etc. et en outre apprend d’après ce livre que les personnes ainsi hantées sont de la plus haute intelligence. C’est alors qu’il découvre en lui-même tous les symptômes qui sont décrits par l’auteur du livre en question, et ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il transforme d’abord en voix mystérieuses les bourdonnements de son oreille, et que peu après il a des visions. Il nous a affirmé plusieurs fois n’avoir eu aucune conscience de sa future grandeur entre l’âge de 9 ans, date du choix fait de lui par Dieu, et celui de 29 ans, date de la première vision.

Les visions sont elles-mêmes de deux ordres. Les unes moins importantes ne sont que des représentations de sa vie ordinaire, les autres sont surnaturelles. Les visions ordinaires sont extrêmement nombreuses, mais peu variées. En voici deux exemples, qu’il eut pendant son séjour dans notre service et qu’il raconta ainsi : « Cette nuit, je suis allé à Puteaux reprendre mon service de facteur. J’ai rencontré tous mes anciens clients ; je leur ai parlé, je leur ai donné leurs lettres. Il y en a un qui m’a offert un verre, mais je ne me rappelle plus lequel. Puis je suis revenu ce matin dans mon lit. »

— « Je me suis trouvé cette nuit avec le sous-préfet de Seine-et-Oise qui m’a emmené chez lui pour faire de la culture et entretenir sa grande propriété. Me voilà donc parti pour Versailles, mais là, il fallait passer la visite avec les conscrits. Alors j’ai dit que j’avais déjà payé ma dette à la patrie et je suis parti avec le sous-préfet à Saint-Germain. Là, on m’a donné à manger, mais j’avais peur qu’on ne m’empoisonne. Alors mon frère Simon est venu avec la femme du sous-préfet, nous avons visité la propriété, et j’ai remarqué que ma présence faisait bien des jaloux. Puis, je suis revenu dans mon lit « .

Quant à ses visions surnaturelles, elles sont aussi très nombreuses. On peut encore, et seulement pour la clarté des choses, les [p. 104] ranger en deux catégories : les unes se passent sur la terre, les autres sont, pour ainsi dire, extraterrestres.

Les visions extraterrestressont peu fréquentes. Nous n’en trouvons qu’une seule dans les mémoires ; les deux autres que nous rapportons nous ont été racontées de vive voix par notre malade.

1° « Je voyais dans le ciel lui-même comme si j’avais habité là-haut. Il y avait un beau château, et le Père tout-puissant se tenait debout à la porte. J’ai vu aussi un peu plus loin la mère de Jésus qui tricotait des bas. Elle m’a dit en riant de bien faire attention à ne pas perdre ma route, car j’étais destiné à épouser sa fille ainée. Il y avait, tout autour du château une rangée de lits qui en faisaient le tour, et il fallait que je trouve le mien sans rien déranger. Mais c’était très difficile, car cela tournait toujours comme la roue d’un moulin. Enfin, j’ai trouvé mon lit. Mais lors que je suis passé devant la porte, j’ai entendu le Père dire à Marie que j’étais condamné premièrement à vingt ans, puis à cinquante ans, enfin à perpétuité. J’avais donc commis trois fautes. Je suis descendu dans un grand caveau noir. La mère de Jésus me regardait toujours, elle me faisait bonne mine, mais elle ne riait plus. Je voyais aussi beaucoup de jeunes filles qui jetaient des fleurs roses et blanches. Mais mon voisin m’a parlé, et j’ai tout perdu ».

2° En 1898, dans sa seconde vision extraterrestre, Ol… est allé dans le ciel et s’est arrêté au soleil. — « J’ai vu l’arbre de vie. C’est un arbre de 200 mètres de haut, et dont le tour au niveau des branches est de 100 pieds. On peut entourer le tronc avec quatre mains étendues. Cet arbre a 200 couronnes de branches chargées de feuilles qui vont en relevant. Pas de fruits. Ce n’est pas l’arbre du paradis, l’arbre du bien et du mal, mais c’est l’arbre des pensées.

J’ai fait le tour du soleil. J’ai tout d’un coup entendu une voix qui me dit : « Ne passe pas là et retourne-toi » — Je me suis retouné et j’ai vu deux hommes avec un manteau noir et un chapeau large. La voix me dit : « — C’est Saint Jacques et Saint Martin. » — J’ai encore vu ces deux saints un peu plus tard. Lorsque je me suis réveillé, j’étais revenu dans mon lit, et je me suis demandé ce que j’avais été faire au ciel. »

3° La troisième vision extraterrestre est de beaucoup la plus intéressante, tant à cause de sa longueur et de sa diversité des détails, que de la précision avec laquelle le malade raconte les faits qu’il a soi-disant observés : « Quelque temps après, je suis remonté au ciel et j’y suis pénétré. [p. 105] Il y avait une petite maison en planches de quatre mètres de large, à peu près, et de trois mètres de haut ; sa longueur m’est inconnue. J’ai tourné à gauche, et j’ai d’abord rencontré une grosse femme qui a disparu tout de suite. Je suis entré dans un bois tout petit, où les sapins étaient gros comme mon bras.

De là, j’ai vu une colline au pied de laquelle coulait une rivière deux fois plus large que la Seine, et dont l’eau était si claire qu’on pouvait se mirer dedans. Mais cette rivière était gelée, elle sentait le froid à vous glacer le corps. Plus loin j’ai vu, à l’embouchure de la rivière, comme un vieux souterrain démoli. Mais il faisait un brouillard tellement fort qu’on aurait pu le couper au couteau, et je n’ai pas pu y pénétrer.

A gauche, il y avait une montagne de neige, mais cette neige était si vieille qu’elle était noire et dure comme de la pierre. La plaine était aussi toute glacée. Au loin, j’ai vu une grande montagne dont les pierres étaient dorées. Tout ce pays-là s’étendait à perte de vue. J’y ai vu un monde de gens tout nus, sauf une bande de peau qu’ils portaient en bandoulière.

Ils étaient couverts de poils et ce poil ressemblait à du crin de cheval. Ils portaient leurs cheveux longs et attachés en une grande queue derrière leur dos. Les femmes, ressemblaient aux hommes et étaient habillées de la même façon ; leur peau était dure comme la peau d’un crapaud, leur bouche ressemblait à celle d’un crapaud, et elles avaient un nez quand le crapaud n’en a pas. Tout ce monde-là vit d’herbages. Du reste, rien ne pousse, car on ne voit rien, ni soleil, ni ciel, ni champs, il n’y a que des montagnes, des bois et des rochers. Ce pays-là est grand comme l’Europe en largeur, comme l’Europe et l’Asie, l’Australie et peut-être aussi l’Amérique en longueur. Ce peuple se loge dans des cavernes qu’il a creusées lui-même.

J’ai vu tout cela de loin, car il est très difficile d’approcher, c’est même impossible. Il y a d’abord une barrière, puis un puits boisé du haut en bas, et tout autour de l’eau. Si l’on tombe dans cette eau, on est perdu. Pour entrer dans ce pays, il faut passer sur un pont à peine large comme cela (il montre un tuyau à gaz).

On appelle ce chemin-là le chemin de l’Hermine. »

Quand il fut revenu de ce long voyage, le malade se réveilla dans son lit, bien tranquille, et surtout, il insiste sur ce point, pas le moins du monde fatigué.

*
*    *

Si le nombre des visions que nous appelons extra-terrestres est extrêmement limité, par contre, les visions surnaturelles mais terrestres foisonnent dans la vie d’Ol… Nous donnons d’abord [p. 106] la première de toutes ces hallucinations, importante par ce fait qu’on peut la considérer comme une révélation, un peu dans le genre de celle de saint Paul sur le chemin de Damas.

  1. — Une fois, je me promenais dans la rue en plein jour. Tout d’un coup, je me sentis très fatigue. En même temps, j’ai vu une étoile tomber du firmament, un arc-en-ciel se former sur ma tête, et une voix m’a dit et m’a répété plusieurs fois : « Tu as deux cervelles, l’Esprit et l’Intelligence. Un génie est écrit sur ton front. Dieu t’a choisi parce que ton nom descend des Romains ».

En voici d’autres exemples.

  1. — « J’ai reçu une lettre d’un de mes anciens capitaines qui m’avait prêté de l’argent. Voici ce qu’elle disait : « Je ne regrette qu’une chose, mon cher Ol…, c’est que vous ne soyez pas médaillé, car vous l’avez bien mérité. Mais il n’y a que Dieu qui donne les récompenses aux ayants-droit. Ayons donc confiance en Dieu, et réglons notre conduite de façon qu’il n’ait jamais à se plaindre de nous. » Eh bien ! moi je l’ai vu, ce Dieu qu’on implore. C’était au commencement de la construction du monde. Il était d’une petite taille et il avait la figure bronzée ; il me présentait cette médaille de sa main gauche et il me souriait. Il m’a dit aussi de ne pas me tourmenter, de ne pas me chagriner, et qu’il y avait 1200 ans qu’il n’avait pas rencontré un cerveau construit et dévoué comme le mien. J’étais couché dans mon lit, mais je ne peux affirmer si je dormais ou non. J’avais les yeux bien fermés, et cependant, cela se passait en plein jour. J’ai en même temps entendu une voix qui me disait que les dates finissant par 9 me seraient funestes. »
  2. — « Un matin, en faisant ma première distribution, je veux regarder un journal et je vois devant moi Jésus-Christ sur la croix. Je lis sur ce journal : « Je ne suis pas le fils de Dieu, mais le fils de mon père. « Et je me suis mis à pleurer. »
  3. — « Un soir, rue St-Martin, en levant la tête, je vois le soleil et la lune se battre, et le soleil était le plus fort ; j’ai regardé peut-être quatre minutes, mais je n’ai pas voulu attendre plus longtemps, parce que j’étais trop tourmenté. En rentrant, j’ai entendu des voix qui disaient : « Envoyez votre esprit, et nous recommencerons son règne ; il y a assez longtemps que celui la dure. » Je me demandais ce que je devais faire, et quelle était cette voix mystérieuse qui me parlait ainsi, et je reçus en me promenant, un coup sur la tête, en même temps qu’une voix me disait : « Vous n’avez aucun pouvoir sur la terre que celui de vous bien conduire. » [p. 107]
  4.  — « Une nuit, en dormant, j’ai vu une étoile tomber du ciel, puis la lune qui allongeait son cou comme une cigogne. Sa tête et sa figure ressemblaient à celles d’un porc, et faisaient de grands mouvements. J’ai vu qu’elle cherchait l’étoile ».
  1. — « C’était au mois de décembre 1889, je travaillais au service de nuit. Je regarde le ciel, je vois la lune et un homme de grande taille qui me tournait le dos. Il portait une longue natte de cheveux bien tressés qui lui descendait jusqu’au mollet. Il avait sa jambe droite posée sur la hanche de la lune, et son bras droit sur son épaule gauche. Dans sa main, il tenait une grande balance placée derrière l’échiné de la lune. Chaque nuit, lorsque je regardais au ciel, je voyais toujours le même phénomène, sauf quand il n’y avait pas clair de lune. Les médecins, en me questionnant, m’ont dit qu’il s’agissait de la Justice. »
  2. — Les voix lui défendent de jamais blasphémer le nom de Dieu. Cela lui arriva une fois, et voici quel en fût le châtiment : «  J’ai vu deux hommes sortant des nuages et tenant un sabre de leur main droite.

Ils ont fait un salut comme deux officiers qui vont se battre sur le terrain. « La lune, de ses deux bras formidables, enlaçait les deux hommes, mais ceux-ci, avec leurs sabres, lui coupaient le gras du mollet de la jambe gauche ». Effrayé, il rentre chez lui, se couche, et a une autre vision. « Je me suis dirigé vers ma croisée et j’ai vu, sur le toit des maisons d’en face, un homme que j’ai pris pour Jésus-Christ, faisant brûler deux individus qui semblaient être des Prussiens. En baissant les yeux dans la rue, j’ai vu un homme de petite taille et une femme très grande qui causaient sérieusement. C’était le Bon Dieu et le diable ». Rempli d’effroi, il prend son couteau et se coupe réellement la gorge, puis est transporté à l’hôpital St-Louis.

  1. — Pendant un voyage en chemin de fer, il est placé près de la portière. « Il fait un grand clair de lune. Je vois dans la lune le corps d’une grosse femme qui tenait son sein droit dans la main. Elle en faisait sortir du lait, et il m’a semblé que le jet en venait jusqu’à moi. Elle a fait le même mouvement jusqu’à Paris, mais disparaissait chaque fois que l’on passait sous un tunnel. Je l’ai montrée à d’autres gens, mais personne ne l’a vue que moi ».
  2. — « Au mois de décembre 1893, j’ai arrêté le Juif-Errant. Je l’ai emmené prendre un verre. Il avait une sacoche sur le côté gauche. Il m’a demandé mon nom, et m’a donné une bouteille d’encre et un morceau de drap, puis m’a réclamé 1 franc 35. Comme je lui demandais s’il était bien le Juif-Errant, il m’a répondu : «  Oui, c’est moi qui marche. « Puis je l’ai quitté, parce que l’heure de mon travail sonnait ». [p. 108]

Un peu plus tard, il rencontra encore le Juif-Errant, non plus à pied, mais vêtu comme nos anciens chevaliers, et monté sur un cheval.

  1. — « Les 8, 9, 10 avril j’ai encore eu d’autres visions. J’avais eu le matin un fort mal de tête, aussi j’ai demandé du repos au bureau des Postes et je me suis couché. Mais je n’ai pu rester chez moi. J’ai voulu sortir, et il m’a été impossible de revenir à la maison. Je suis allé à l’Arc de Triomphe, il était fleuri de fleurs de toutes les couleurs. Je voulais passer dessous, mais quand je suis arrivé, on m’a fait faire demi-tour. Alors, j’ai voyagé toute la nuit ; dans une rue j’ai entendu des voix qui me parlaient, mais je ne les comprenais pas. J’ai vu saint Georges qui jouait et qui faisait rire tout le monde, surtout les jeunes filles. J’entendais bien ce qu’il disait, mais je ne le comprenais pas. Cependant, il est venu près de moi, à la fin, et m’a dit : « Lorsqu’on viendra pour te couper le cou, appelle-moi ».

« Vers deux heures du matin, quatre juifs italiens sont venus pour me tuer et me couper le cou. Alors, j’ai appelé Georges, et ils se sont sauvés bien vite. Puis, j’ai vu un prêtre monté sur une espèce de maison à trois étages. Il me parlait, mais je ne m’en suis pas occupé. J’ai rencontré ensuite beaucoup de Juifs qui disparaissaient lorsque je m’approchais.

A deux heures du matin, il s’est mis à faire un vent très fort, accompagné de grésillons formés de toutes les plantes, du sucré jusqu’au poison. J’ai dû en manger jusqu’au jour, j’y étais forcé parce que le vent les portait dans ma bouche et que j’avais une soif terrible. A ce moment-là, il y a eu 35.000 hommes qui ont dû être jetés à l’eau ; ils sont tous morts sans rien demander. On voulait aussi me rendre coupable, mais cela n’a pas réussi ; j’ai passé devant des juges qui m’ont condamné, mais le public n’a pas voulu, il s’est mis à crier et on m’a gracié. C’est mon Père qui est au Paradis qui m’a apporté la nouvelle ».

11 — Donnons, pour terminer, le récit d’une autre hallucination intéressante, en ce qu’elle fait entrevoir la puissance dont Ol…, croit avoir été investi. « Je me trouvais chez monsieur R. à Puteaux, et il me dit : Je vous prends comme homme de confiance pour diriger ma maison ds banque à Paris ». Mais voilà que le tonnerre gronde, et que la foudre éclate tellement fort que tout le monde était dans une grande frayeur. Moi, je leur dis : « Ne craignez rien ! » Et je fais arrêter la tempête. Vous ne croiriez pas que pendant mon sommeil, j’ai le pouvoir de faire cela. Seulement, j’ai des ennemis qui sont jaloux de moi et ne cherchent qu’à me faire du mal.

II. SES PERSÉCUTIONS

Influence de ses visions sur sa vie habituelle.

L’idée de persécution n’est réellement avérée dans son esprit que du jour où il a des visions. Il raconte bien, dans sa jeunesse, avoir été exploité par toute sorte de gens ; cela paraît être vrai, mais sans rien présenter de spécial.

La scène change dès qu’il se croit favorisé par le ciel. Il devine la cause des persécutions qui s’acharnent après lui :  il a « fauté contre le Créateur ». Mais s’il se soumet d’avance aux châtiments qui pourraient lui venir du ciel, il ne reconnaît pas aux hommes le droit de le punir pour une faute envers Dieu.

La forme de sa persécution est toujours la même : elle consiste en ce fait que sa pensée est connue. Des exemples montrent clairement en quoi elle consiste.

1° Pour moi, je ne cherche pas à faire fortune, je ne demanderais que la santé et la tranquillité, car je suis filé depuis plus de 15 ans, j’ignore si c’est par les juifs ou les catholiques. Je sais que ma pensée est connue. Est-ce par des sorciers, je l’ignore, ou par des magnétiseurs de la Société spirituelle, d’accord avec la Société franc-maçonnique ? Je l’ignore encore, mais j’affirme que ma pensée est connue. La preuve est qu’on m’a enlevé le livre du Dr Gelineau, parce que ce livre me rendait trop savant, et sans que j’aie jamais dit que j’en voulais un autre, on m’a toujours empêché de me le procurer.

2° Toujours persuadé qu’il est persécuté, il ajoute au récit qu’il fait de son suicide : « Il est bon de remarquer que si ma mère n’avait pas été prévenue, elle ne serait pas venue. On l’a donc avertie que je voulais me couper la gorge. Cela prouve que ma pensée est connue par la corporation franc-maçonnique, de concert avec la société spirituelle, car ma vieille mère ne vient jamais à cette heure-là. Et comme pour bien des choses, elle n’a jamais voulu me l’avouer ».

Un peu plus loin il dit : « Je suis toujours hanté par des esprits méchants qui me font commettre des fautes. »

De cette forme principale, de cette idée directrice de sa persécution, il faut en rapprocher une autre qui consiste en ce que le malade ne peut pas supporter qu’on ne le croie pas, qu’on le prenne pour un fou. Cette crainte revient souvent dans ses paroles, elle ne contribue pas peu à lui aigrir le caractère, à prendre en horreur tous ses semblables, à s’éloigner de ses compagnons. Toutes les marques d’ingratitude qu’il a eues dans sa vie, il [p. 110] les repasse dans sa mémoire, les ressasse en lui-même et s’en attriste. »

Je n’ai jusqu’à présent rencontré que des ingrats sur la terre. Tous ont voulu me tuer on m’enfermer avec les fous. Et pourtant non, je ne suis pas fou, je suis plus intelligent que tout le monde. Déjà pour échapper à tous ces gens, j’ai été obligé de me cacher en Suisse. Non, non je ne suis pas fou, et je ne mens pas lorsque je vous raconte mes visions.

*
*    *

Du choix particulier que Dieu a fait de lui, il est résulté pour OL… un orgueil qui perce dès les premières phrases de son mémoire : Les mémoires et les aventures de ma vie. Depuis longtemps, la faculté de médecine de Paris me demande de lui écrire ma vie, parce qu’en qualité de mystique spirite, j’entends des voix. Cela est bien difficile. » Plus loin « Les médecins sont contents de m’interroger pour que je les instruise. » — « Malgré mon expérience, mon esprit et mon intelligence, malgré le génie qui est dans ma tête assis entre mes deux cervelles, malgré ma bonne volonté et mon envie de bien faire, je suis forcé de passer ma triste existence dans un asile d’aliénés » — « Si les Prussiens ont été battus le 9 novembre à Coulmiers, c’est parce que j’étais là ».

« Pour me récompenser on m’a mis parmi les fous, mais notre Père m’a dit que j’étais le plus intelligent de tous les hommes de la terre. Il m’a nommé le Mystique ressuscité. Il y a 1.200 ans, à Bruxelles, il avait déjà rencontré un homme aussi intelligent que moi, mais cet homme n’a pu porter la lumière que pendant 10 ans, puis il s’est donné la mort. »

La haute opinion qu’il a de lui-même éclate encore dans le récit (après coup) qu’il fait de sa campagne en 1870. Il appartenait à l’armée de la Loire et prit part à la bataille de Coulmiers. Il critique la façon dont elle a été conduite. « On ne cherchait pas à défendre la France, au contraire, on voulait la faire saccager et tuer ses enfants. Eh bien ! moi, je déclare que si à ce moment j’avais su seulement la moitié de ce que sais aujourd’hui, je dis, aussi vrai que je vois le soleil en dormant, que l’Alsace et la Lorraine n’appartiendraient pas à la Prusse, et que les millions que les Prussiens ont conduits à Berlin seraient restés chez nous. En 1884, je me suis vu en dormant à la bataille de Coulmiers, habillé en général, et commandant l’armée française, et j’ai entendu une voix mystérieuse me dire : « Si vous ne vous étiez pas trouvé là le 9 novembre, les Prussiens auraient battu les Français. Je vous donne le droit de le dire à tous vos semblables, et si la France a remporté la victoire, c’est grâce à votre présence ». [p. 111]

Au contraire, vis à vis de Dieu, son humilité est profonde. Il reconnaît avoir fauté contre le Créateur, et accepte d’avance les peines qu’il a, de ce fait, encourues. Il raconte que les paroles qu’il entend sont souvent incompréhensibles pour lui et que les mystères de Dieu sont impénétrables. Il prétend à chaque instant n’avoir aucun pouvoir, sauf une seule fois où nous avons vu qu’en rêve il lui arrivait de pouvoir commander au soleil.

Il explique d’une façon peu claire, d’ailleurs, que Dieu a eu un but en le choisissant. Il est donc bien revêtu d’une mission. Mais les temps ne sont pas encore venus, et il ne se doute pas de ce , que peut être cette mission. « C’est un mystère, je le saurai plus tard ». Comme toutes les missions divines, celle-ci doit d’abord être tenue secrète. Aussi est-il difficile de lai en faire parler. Il a fallu que la nuit précédant notre dernier examen, il ait reçu en rêve une autorisation divine pour qu’il nous raconte ce que nous savons, et nous permettre d’aller à la recherche de ses mémoires.

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