Jean-Martin Charcot. Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques. Extrait des « Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences », , (Paris) tome quatre-vingt-quatorzième, janvier)juin 1882, 13 février 1882, pp. 403-405.

Jean-Martin Charcot. Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques. Extrait des « Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences », , (Paris) tome quatre-vingt-quatorzième, janvier)juin 1882, 13 février 1882, pp. 403-405.

 

Le texte fondateur de tous les débats qui suivirent durant de nombreuses années les discussions sur l’hypnotisme et l’hystérie, communiqué à L’Académie des Sciences la même année ou Charcot fut nommé à la première chaire des maladies du système nerveux, créée pour lui par Gambetta. Le débat commença avec le Dr Dumontpallier dont nous publions la première contribution ici même.

Jean-Martin Charcot (1825-1893). Médecin, neurologue, professeur d’anatomo pathologie-pathologie. Il est le fondateur avec Guillaume Duchenne (de Boulogne), de la neurologie moderne. Ses travaux sur l’hypnose et l’hystérie fondèrent ce que l’on appelle aujourd’hui » L’Éole de la Salpêtrière » opposition à « L »École de Nancy ». Nous renvoyons aux très nombreuses bio–bibliographie qui lui sont consacrées.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 403]

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. – Sur les divers états nerveux déterminés
par l’hypnotisation chez les hystériques, par M. J.-M. CHARCOT.
(Renvoi a la Section de Médecine et Chirurgie.)

« L’hypnotisme, considéré clans son type de parfait développement, tel qu’il se présente fréquemment chez les femmes atteintes d’hystéro-épilepsie à crises mixtes, comprend plusieurs états nerveux, dont chacun se distingue par une symptomatologie particulière. D’après mes observations, ces états nerveux sont au nombre de trois, à savoir : 1 ° l’état cataleptique, 2° l’état léthargique, 3° l’état somnambulique,

« Chacun de ces états peut se présenter primitivement et persister isolement : ils peuvent aussi, dans le cours d’une même observation, chez le même sujet, être produits successivement dans tel ou tel ordre, au gré de l’observateur.

« 1° De l’état cataleptique. — Cet état peut se manifester primitivement sous l ‘influence d’un bruit intense, d’une lumière vive placée sous le regard, en conséquence de la fixation prolongée des yeux sur un objet quelconque. II se développe consécutivement à l’état léthargique, lorsque les yeux, clos jusque-là, sont mis à découvert par l’élévation des paupières.

« Le sujet cataleptisé a les yeux ouverts, le regard fixe ; il reste immobile, comme pétrifié. Les membres gardent, pendant un temps relativement [p. 404] fort long, les attitudes variées qu’on leur imprime. Lorsqu’on les déplace, ils donnent la sensation :d’une grande légèreté, et les articulations ne font éprouver aucune résistance ; la flexibilitas cerea n’appartient pas à l’état cataleptique. Les réflexes tendineux sont abolis ou très affaiblis ; le phénomène de l’hyperexcitabilité neuro-musculaire, dont il s’agira plus loin, fait complètement défaut. Les tracés pneumographiques accusent de longues pauses respiratoires, représentées par des lignes horizontales, qu’interrompent, de loin en loin, des dépressions peu profondes.

« La persistance fréquente de l’activité sensorielle permet souvent d’impressionner le sujet cataleptique par suggestion et de susciter chez lui des impulsions automatiques variées, .

« 2° De l’état léthargique. — Il se développe chez un sujet cataleptisé, lorsqu’on détermine chez lui l’occlusion des deux yeux, ou lorsqu’on le place dans l’obscurité. II peut se manifester primitivement sous l’influence de la fixation du regard.

« Dans cet état, les yeux sont clos, les globes oculaires convulses. Le corps est affaissé, les membres sont flasques et pendants. Les mouvements respiratoires, étudiés à l’aide du pneumographe, se montrent profonds et précipités, d’ailleurs assez réguliers.

« Les réflexes tendineux sont toujours remarquablement exaltés. Dans tous les cas, on constate l’existence du phénomène que j’ai proposé de désigner sous le nom d’hyperexcitabilité neuro-musculaire, et qui consiste dans l’aptitude que présentent les muscles à entrer en contracture sous l’influence d’une excitation mécanique portée sur le tendon, sur le muscle lui-même, ou sur le nerf dont il est tributaire. Tant que dure l’état léthargique, on fait céder rapidement la contracture ainsi produite, en portant l’excitation sur les antagonistes des muscles contractures. Les excitations limitées au tégument externe ne produisent pas les contractures dont il s’agit.

« Dans l’état léthargique, les tentatives faites pour impressionner le sujet par voie d’intimation ou de suggestion restent en général sans effet.

« 3° État somnambulique. — Il peut être déterminé directement par la fixation du regard, ou en conséquence d’une excitation sensorielle faible, répétée et monotone. On le produit chez les individus plongés, soit dans l’état léthargique, soit dans l’état cataleptique, en exerçant sur le vertex une friction légère.

« Le sujet, dans cet état, a les yeux clos ou demi-clos. Abandonné à lui-même, ii paraît engourdi plutôt qu’endormi. La résolution des membres n’est jamais très prononcée. Les réflexes tendineux sont normaux. [p. 405] L’hyperexcitabilité neuro-musculaire, décrite plus haut n’existe à aucun degré. Par centre, certaines excitations cutanées légères, promenées à la surface d’un membre, développent dans ce membre un état de rigidité qui diffère de la contracture liée à l’hyperexcitabilité neuro-musculaire, en ce qu’elle ne cède point, comme celle-ci, a l’excitation mécanique des muscles antagonistes, tandis qu’elle cède rapidement sous l’influence des excitations cutanées faibles qui l’ont fait naître.

« II y a habituellement, dans cet état, exaltation de certains modes encore peu étudiés de la sensibilité cutanée, du sens musculaire et de quelques-uns des sens spéciaux. Il est, en général, facile de provoquer chez le sujet, par voie d’injonction, les actes automatiques les plus compliqués et les plus variés.

« Lorsque chez lui on exerce une légère-compression des globes oculaires, l’état léthargique remplace l’état somnambulique ; si, au contraire, relevant les paupières, on maintient, dans un lieu éclairé, l’œil ouvert, l’état cataleptique ne se produit pas. La relation est donc plus directe, entre l’état léthargique et l’état somnambulique, qu’elle ne l’est entre celui-ci et l’état cataleptique.

« J’ai négligé à dessein, dans l’exposé qui précède, de considérer les formes frustes ou irrégulières de l’hypnotisme. Je me propose d’examiner ces formes en particulier dans un autre travail. »

 

 

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