Isidore Bricheteau [1789-1861]. Songes. Extrait de« Encyclopédie méthodique – Médecine », (Paris), tome treizième, 1830, pp. 73-74, sur 2 colonnes.

Isidore Bricheteau. Songes. Extrait de« Encyclopédie méthodique – Médecine », (Paris), tome treizième, 1830, pp. 73-74, sur 2 colonnes.

 

Isidore Bricheteau (1789-1861). Médecin. – Fut médecin à l’hôpital Necker. – Membre adjoint de l’Académie royale de médecine. Outre sa participation à de nombreux dictionnaire de médecine et d’hygiène, et ) de nombreuses publications nous avons retenu:
— Traité théorique et pratique de l’hydrocéphale aiguë ou fièvre cérébrale des enfans, suivi d’une collection choisie d’observations et de la traduction de l’essai de Robert Whytt sur cette maladie. Paris : Béchet jeune , 1829. 1 vol.
— Clinique médicale de l’hôpital Necker, ou Recherches et observations sur la nature, le traitement et les causes physiques des maladies. Paris : J. Rouvier et E. Le Bouvier , 1835. 1 vol.
— Traité sur les maladies chroniques qui ont leur siège dans les organes de l’appareil respiratoire, précédé de nouvelles considérations sur l’auscultation. Paris : H. Souverain , 1851.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images, ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

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SONGES, f. m.pl. Somnia, dérivé de somnus, sommeil. On donne communément le nom de songes à un affemblage d’idées, d’images qui se présentent plus ou moins confusément à l’esprit pendant le sommeil & qui offrent souvent une étrange réunion d’objets incohérents é disparates. Dans l’acception la plus commune songeest synnonyme de rêve, quoiqu’il y ait peut-être quelque différence entre ces deux mots. Nous avons parlé de cette différence à l’article RÊVE, que nous n’avons fait qu’indiquer, nous réserant d’en traiter plus au long de celui-ci.

Les songes sont, comme le somnambulisme, le produit d’un exercice incomplet des facultés intellectuelles pendant un sommeil peu profond ; ce sont de véritables anomalies de cet État, susceptible d’une foule de modifications en rapport avec la santé & la maladie.

L’erreur étend un exercice partiel des fonctions qui constituent la vie de relation, n’on point lieu dans l’âge où ses fonctions sont encore nulles (les fœtus, les enfans),& chez les individus qui ne jouissent que d’une sorte de vie intérieure ou organique (les idiots) ; ils sont plus rares chez le vieillard que chez l’adolescent & l’adulte. Les animaux adultes ont des songes, par ce qu’ils sont évidemment en rapport avec les objets extérieurs, ils ont de la mémoire, &c. Une altération quelconque & presque inévitable du sommeil est aussi indispensable au rêve, & conseil, par exemple, que l’on a rarement des songes dans un sommeil profond qui succède à la fatigue & à l’épuisement causés par des travaux physiques. À ces causes premières, il faut en ajouter d’autres accidentels ; ainsi [p. 73, colonne 2] l’usage du café, du thé, de l’opium, de certaines compositions narcotiques familièresOaux orientaux, change le sommeil en une sorte de rêverie, quelquefois très douce, & qui est pour beaucoup d’hommes de ce pays le seul moyen d’oublier leur esclavage & leur malheurs. L’excitation morbide du cerveau produit souvent les mêmes effets, comme son à même de juger la plupart de ceux qui ont éprouvé quelque affection légère au grade de cet organe important, centre de toutes les opérations de la vie de relation. Les occupations intellectuelles, les infections morales, les exercices mêmes qui font une impression profonde sur nous durant la veille, sont autant de causes excitantes des rêves qui troublent notre sommeil ; il faut y ajouter une multitude d’accidens qui varient presque autant que les individus eux-mêmes, les digestions pénibles, un embrarrat dans les fonctions du cœur du poumon, &tc. &tc.

Il y a deux espèces de songe, les uns confus, incohérens, qui ne sont que des rêvasseries dont on ne peut se rendre contre, & les autres lucides, dont on conserve le souvenir plus ou moins complète. C’est de ces derniers que le philosophe a dit que, s’ils étaient complets & et continue pendant le sommeil, il doublerait la vie de l’homme, & lui donnerait une existence rêveuse, préférable peut-être à l’existence réelle.

En analysant les phénomènes propres au songes, comme nous l’avons fait pour le somnambulisme, qui est aussi une espèce de rêve, on voit que la mémoire est encore la faculté dont l’exercice est prédominant dans cette espèce d’altération du sommeil ; ce sont en effet des souvenirs de sensations qui préoccupent ceux qui rêvent, & non les sensations actuelles ou perçues endormant. Il y a, à la vérité, quelquefois des dans les rêves une association d’idées si étranges, ces disparates, qu’il est impossible de les rattacher à quelques souvenirs ; c’est alors une création du sens intime analogue à celle qu’on observe dans le somnambulisme.

Dans les rêves, le sens de la vue est plus souvent en jeu que celui de l’ouie; le toucher paraît s’exercer encore moins souvent que ce dernier ; le goût & l’odorat ne jouent presque aucun rôle dans les songes. Des auteurs ont rapporté des faits qui semblent opposéd à l’ordre que nous établissons ici, mais ils ont été souvent induits en erreur, confondant le songe avec l’hallucination. Ce dernier est un mental n’est qu’une anomalie de veille, dont on éprouve souvent les effets avant de s’endormir, au moment où les facultés sont moins lucides, ou bien aux approches du réveil, quand elles vont rentrer en exercice.

Quoi que les sensations, les images, &tc., qui constituent les rêves soient presque toujours des illusions, néanmoins des jouissances réelles, des actions organiques, s’accomplissent en rêvant, des besoins sont satisfaits. Personne n’ignore que pendant les songes, comme durant les accès de [p. 74, colonne 1] somnambulisme, on ait continué, achevé même des travaux difficiles & important ;&, chose singulière, on a quelquefois ajourné d’une faculté supérieure à celle de la veille du jour de la cambre, pendant accomplit une tâche pour laquelle l’exercice naturel des facultés paraissait insuffisant.

Ce serait vainement qu’on voudrait suivre le développement, la marche progressive & toutes les variations des rêves, qui ne sont très souvent qu’un assemblage incohérent d’objets fantastiques. Les Les songes fortement empreints, très dramatiques & bien liés sont infiniment rares. Les plus frappans, les mieux enchaînés, manquent presque toujours d’un dénouement. Rien de plus commun que d’entendre dire dans le monde, j’ai fait un rêve extraordinaire, agréable, délicieux, singulier, &c.; Mais je me suis éveillé au moment où je touchois à la fin.

Presque toujours la nature des songes est en rapport avec les tentations de la veille & les occupations habituelles de celui qui rêve. Le contraire paroit résulter d’un état de maladie,&C. : On rencontre néanmoins quelquefois des individus qui ont constamment des rêves presque entièrement opposés à leur état moral habituel. C’est le cas de citer encore ici le baron Trenk, qui pendant sa captivité & ses longs jeûnes, rêvoit souvent qu’il faisoit des repas splendides. Moreau de la Sarthe parle, dans son article RÊVES du Dictionnaire des sciences médicales, d’un homme soumis à une diète rigoureuse, qui, chaque fois qu’il s’endormoit, rêvoit qu’il avait mangé un jambon ou tout autre aliment indigeste qui lui causoit des angoisses d’une indigestion.

ces exceptions démontrent l’erreur de ceux qui avait prétendu que chez l’homme instruit & civilisé, les rêves étoient toujours en harmonie avec ses habitudes sociales. À cette occasion, l’auteur que nous venons de citer, parle d’un individu d’une grande douceur, qui racontoit souvent des rêves où il était vainqueur, & déchiroient cruellement son ennemi à la manière d’un sauvage.

Tout ce qu’on a dit sur les pressentiments réels & les effets prophétiques des songes, résulte d’un concours de circonstances fortuites, auquelles le hasard & la superstition ont donné de l’importance.

Les songes, résultat d’un état morbide, & qui peuvent être de quelque importance dans le pronostic des maladies, on peut occuper les pathologistes ; & nos ouvrages les plus renommés de sémiotique en font à peine mention. (Voy. Sémiotique.)

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