Fabre. ZOANTHROPIE. Extrait de la « Bibliothèque du Médecin-Praticien ou résumé général de tous les ouvrages de clinique médicale et chirurgicale…, (Paris), tome neuvième, Maladies de l’encéphale, maladies mentales, maladies nerveuses, 1849, pp. 525-526.

Dr Fabre. ZOANTHROPIE. Extrait de la « Bibliothèque du Médecin-Praticien ou résumé général de tous les ouvrages de clinique médicale et chirurgicale, de toutes les monographies, de tous les mémoires de médecine et de chirurgie pratiques, anciens et modernes, publiés en France et à l’étranger par une société de médecins sous a direction du docteur Fabre… », (Paris), tome neuvième, Maladies de l’encéphale, maladies mentales, maladies nerveuses, 1849, pp. 525-526. 

 

Antoine François Hippolyte Fabre (1797-1854). Médecin et chroniqueur médical dans la Gazette des Hôpitaux civils et militaires.

[p. 525, colonne 2]

ARTICLE XV.

Zoanthropie.

Ζοος, animal ; ανθροπος, homme. On a donné ce nom à la maladie des personnes qui se croient métamorphosées en un animal, et qui en imitent la voix ou les cris, les formes ou les manières< ; C’est ordinairement en loup , en chien et en chat, que ces individus s’imaginent être transformés ; quelquefois aussi en bœuf, témoin Nabuchodonosor.

Les deux principales variétés sont la lycanthropie (homme-loup), et la cynanthropie (homme-chien ).

La zoanthropie a pour caractères dominants des idées singulières et des aberrations de la sensibilité ; les malades qui en ont été affectés en plus grand nombre prétendaient avoir fait des pactes avec Lucifer, [p. 526, colonne 1] et avoir obtenu de lui le pouvoir de se transformer en hiboux, en chats ou en loups, pour se gorger plus facilement de sang et de chair. Plusieurs de ces individus s’imaginent être couverts de poils, avoir pour armes des griffes et des dents redoutables, avoir déchiré, dans leurs courses nocturnes des hommes ou des animaux, avoir sucé le sang des nourrissons au berceau, avoir commis meurtres sur meurtres. Quelques lycanthropes ont été surpris en pleine campagne marchant sur leurs mains et sur leurs genoux, imitent la voix des loups, tout souillés de boue, de sueur, haletants, emportant des débris de cadavres. On peut donc présumer que quelques-uns d’entre eux ont pu immoler à leur appétit des êtres vivants ; mais presque tous s’accusaient de crimes qui n’avaient jamais été en réalité commis, comme ils se vantaient d’avoir couvert des louves, d’avoir couru certaines nuits sous la forme d’un lièvre.

Les lycanthropes étaient quelquefois dans un état qui offrait quelque ressemblance avec l’extase, lorsque leur cerveau enfantait les hallucinations et les autres conceptions que nous venons de relater. Ils n’en affirmaient pas moins, après avoir recouvré l’activité des sens, qu’ils n’avaient point rêvé, qu’ils avaient parcouru les montagnes et les précipices pour y relancer leur proie, qu’ils se sentaient harassés de fatigue.

La zoanthropie a règné successivement dans beaucoup de contrées ; elle s’y est souvent manifestée sut un certain nombre de malades à la fois : les pays déserts et à demi sauvages ont été surtout le théâtre de cette espèce de folie.

Un fait qu’il est important de noter, c’est qu’un grand nombre de ces lycanthropes, qu’on désignait sous le nom de loups-garoux, dévoraient des enfants, se jetaient sur des grandes personnes, en mi mot présentaient les symptômes de la monomanie homicide. Ainsi on lit dans l’ouvrage de Henry Boguet : Discours des sorciers, Lyon, 1403, p. 161, que la nommée Pierre Gandillon, se croyant changée en louve et courant à quatre pattes dans la campagne , se jeta sur une petite fille, dont le frère, âgé de quatorze ans, était occupé à cueillir des fruits. Ce jeune garçon p. 526, colonne 2] défendit avec courage les jours de sa sœur ; mais par hasard Pernette s’emparant d’un couteau qu’il tenait à la main, lui porta à la gorge un coup qui devint promptement mortel. Le people mit la femme lycanthrope en pièces.

Nous n’avons cité qu’un fait, nous aurions pu en rapporter un assez grand nombre qui avaient lieu à cette époque dans le Jura, mais il suffit pour établir que l’instinct du meurtre n’est point nouveau chez les fous, et que c’est à tort que quelques personnes, bien intentionnées sans doute, mais fort peu érudites, ce qui est fort commun, ont prétendu que la monomanie homicide était une maladie nouvelle. Outre les sources citées, on peut consulter, sur cet intéressant sujet, l’ouvrage fort curieux de M. Calmeil, ayant pour titre : De la folie considérée sous le point de vue pathologique, historique et judicieux, description des grandes épidémies de délire, exposé des condamnations auxquelles la folie, souvent méconnue, a donné lieu, 2 vol. in-8°, Paris, 1845. On observe encore maintenant des aliénés qui imitent le cri des animaux et qui se croient changes en chien, en loup, en chat.

 

LAISSER UN COMMENTAIRE