Eugène BERNARD-LEROY – Étude sur l’illusion de fausse reconnaissance (identificirende Erinnerungstauschung de Kraepelin) chez les aliénés et les sujets normaux. Thèse pour le doctorat en médecine… Faculté de Médecine de Paris. Paris, Henri Jouve, 1898. 1 vol. in-8°, 249 p.

BERNARDLEROYTHESE0004Eugène BERNARD-LEROY – Étude sur l’illusion de fausse reconnaissance (identificirende Erinnerungstauschung de Kraepelin) chez les aliénés et les sujets normaux. Thèse pour le doctorat en médecine… Faculté de Médecine de Paris. Paris, Henri Jouve, 1898. 1 vol. in-8°, 249 p. [Edition de librairie : L’illusion de fausse reconnaissance. Contribution à l’étude des conditions psychologiques. Paris, Félix Alcan, 1898. 1 vol. in-8°, 249 p.]

 

Une thèse majeure sur l’illusion de fausse reconnaissant, nourrie de 86 observations relevées depuis les premières publiées bien avant le terme lui-même, jusqu’à quelques nouvelles observations, suivie d’une copieuse bibliographie, en font un travail majeur et incontournable sur la question.

Eugène-Bernard Leroy (1871-1932). Nous n’avons trouvé aucune donnée biographique sur ce médecin, pourtant important. Nous nous contentons donc, provisoirement de citer quelques unes de ses publications :
— Dépersonnalisation et fausse mémoire. « Revue philosophique de la France et de l’étranger », (Pris), 1898
— Sur l’illusion dite de « dépersonnalisation ». « Revue philosophique de la France et de l’étranger », (Pris), 1898.
— Un cas singulier d’illusion de dédoublement. Article paru dans la « Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique », (Paris), 1898, pp. 148-151. [en ligne sur notre site]
— Sur les relations qui existent entre les Hallucinations du rêve et les images langage intérieur. Article parut dans la « Revue philosophique de la France et de l’étranger », (Paris), vingt-sixième-année, LI, janvier-juin 1901, pp. 241-248. [en ligne sur notre site]
— Étude sur l’illusion de fausse reconnaissance (identificirende Erinnerungstauschung de Kraepelin) chez les aliénés et les sujets normaux. Thèse pour le doctorat en médecin de la Faculté de Médecine de Paris. Paris, Henri Jouve, 1898. 1 vol. – Edition de librairie sous un titre différent : L’Illusion de Fausse Reconnaissance: Contribution A L’étude des conditions psychologiques de la reconnaissance des souvenirs. Paris, Félix Alcan, 1898. 1 vol.
— (avec J. Tobolowska.) Sur les relations qui existent entre certaines hallucinations du rêve et les images du langage intérieur. Extrait du « Bulletin de l’Institut psychologique Interational », (Paris), 1reannée, n°5, juillet-août 1901, pp. 241-248. [en ligne sur notre site]
— Sur le mécanisme intellectuel du rêve. Extrait de la Revue Philosophique, 1901, t. LI, pp. 570-593. Paris, Félix Alcan, 1901. 1 vol
— Le langage. Essai sur la psychologie normale et pathologique de cette fonction. Paris, Félix Alcan, 1905. 1 vol. Dans la « Bibliothèque de Philosophie Contemporaine ».
— Interprétation psychologique des « visions intellectuelles » chez les mystiques chrétiens. In Annales du musée Guimet. Revue de l’histoire des religions, (Paris), 1907. Et tiré-à-part : Paris, Ernest Leroux, 1907.
À propos de quelques rêves symboliques. Article paru dans le « Journal de psychologie normale et pathologique », (Paris), cinquième année, 1908, pp. 358-365. [en ligne sur notre site]
— Kleptomanie chez une hystérique ayant présenté à différentes époques de son existence des impulsions systématiques de diverses natures. XVIIe congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, Genève-Lausanne, 1-7 août 1907 / E. Bernard-Leroy / Genève 1908.
— Stendhal psychologue. Extrait du Journal de Psychologie normale et pathologique, 1920. Paris, 1920. 1 vol. in-8°, pp. 266-288. Tiré-à-part.
— Les visions du demi-sommeil. Paris, Librairie Félix Alcan, 1926.
— Sur quelques variétés de souvenirs faux dans la rêve. Journal de psychologie. 1927.
— Confession d’un incroyant. Document psychologique recueilli et publié avec une introduction. Paris : Impr. Lefebvre, 1933.
— La Franc-Maçonnerie jugée objectivement. Paris, le Symbolisme , 1934. 1 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.– La note de bas de page a été renvoyée en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. . – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 7]

L’ILLUSION

DE

FAUSSE – RECONNAISSANCE

Contribution à l’Étude des conditions psychologique de la reconnaissance des souvenirs.

INTRODUCTION

Parmi les illusions relatives au temps, une des plus curieuses est certainement celle qu’on a appelée fausse mémoire, fausse reconnaissance, impression de déjà vu, et qui consiste essentiellement en ce qu’il semble au sujet voir pour la seconde fois, reconnaître, un ensemble cl circonstances en réalité nouveau pour lui.

Probablement un assez grand nombre de nos lecteurs se rappelleront avoir éprouvé eux-mêmes cette impression, car elle est loin d’être rare.

Néanmoins elle paraît avoir assez peu attiré l’attention des psychologues : dans les psychologies classiques et dans les traités de psychiatrie, même les plus récents, c’est à peine si on lui consacre quelques lignes de [p. 8] description ; cela tient sans doute en grande partie aux difficultés de son étude, mais aussi à ce fait qu’il s’accompagne rarement de troubles mentaux graves. Quoi qu’il en soit, la présente étude paraît être le premier travail d’ensemble qui lui soit exclusivement consacré.

La place à attribuer à ce phénomène, dans la grande classe des paramnésies, est assez facile à déterminer :

Je crois que l’on comprend actuellement sous la commune dénomination de phénomènes de mémoire tout ce qui, dans nos états de conscience, concourt à la construction de l’idée de temps.

Dès lors, on peut répartir dans trois grandes classes tous les phénomènes de mémoire :

Phénomènes d’habitude ;

Phénomènes de souvenir proprement dits ;

Phénomènes de reconnaissance.

Les deux premières classes n’ont pas besoin d’être définies ; dans la troisième, il faut faire entrer tout ce qui rait qu’un souvenir n’est pas pris pour un évènement actuel.

C’est en un trouble de cette dernière catégorie de fonctions que consiste essentiellement le phénomène qui sera l’objet de la présente étude.

Je ne crois pas inutile de ·définir, avant de commencer certains des termes que j’ai l’intention d’employer. Les expressions « phénomène de conscience » ou « état de consciente » sont compris de tout le monde, et ne peuvent [p. 9] prêter à aucune équivoque, le mot « sensation » non plus. Il n’en est malheureusement pas de même des suivants :

Sentiment. — Je donnerai le nom de sentiment à tout état de conscience qui n’est manifestement pas une sensation (1).

Je réserve le nom d’états émotionnels pour les sentiments qui s’accompagnent manifestement de plaisir ou de douleur, tels l’angoisse, la crainte, etc.

Une émotion est un état émotionnel bien défini, ou plus exactement accompagnant de façon obligée à l’état normal, des tendances, des instincts ou des passions bien définies. Tels la colère, la peur, les émotions esthétiques, etc.

Enfin, comme il est des états de conscience trop vagues ou trop mal connus pour qu’à première vue l’on puisse affirmer à coup sûr qu’ils doivent être rangés dans la catégorie des sensations, ou, au contraire, dans celle des sentiments, j’ai cru devoir réserver pour qualifier de tels phénomènes le mot très vague de « impressions ». [10]

BERNARDLEROYTHESE0005

Fischer.

CHAPITRE I

HISTORIQUE ET MÉMOIRE SUIVIE

Il serait téméraire d’affirmer que Maine de Biran ait voulu faire allusion à la fausse-reconnaissance dans l’obscur passage suivant : « … II est certains états de sensibilité ou d’imagination qui semblent se projeter dans une sorte de champ vague et indéfini qui tient l’existence passée. Ces états peuvent en effet se rallier soit à d’anciens songes, soit à des déterminations affectives étrangères au moins par elles-mêmes, mais organiquement associées à quelque circonstance élémentaire d’une perception ou d’un sentiment de conscience » (182a p.260). La première description incontestable du phénomène me parait être celle qui Iut donnée par Wigan en 1844 sous le nom de sentiment de préexistence. « C’est, dit-il, une impression soudaine que la scène à laquelle nous venons d’assister à l’instant (quoique, étant donnée la nature même des circonstances, elle n’ait pu être vue antérieurement) s’est déjà trouvée sous nos yeux autrefois, avec les mêmes personnes, causant, assises exactement dans les mêmes positions, exprimant les mêmes sentiments dans les mêmes termes. Les poses : les [p. 11] exressions, les gestes, tel ou de la voix, il semble qu’on se souvienne de tout et que tout cela attire notre attention pour la seconde fois. Jamais on ne suppose que ce soit la troisième fois. « (Wigan: 1844, p. 84). Plus tard en Allemagne, Feuchtersleben siqnalait le même phénomène sous le nom de « Phantasma des Gedachtniss » (1815, p. 235). On le trouve également signalé par Neumann dans son Mannel de Psychiatrie (1850, §§ 199 et 200, p. 111 et 112. — Cf. également §§ 85 et 39). Il[ en rapporte deux cas observés chez les aliénés et s’efforce d’en donner une interprétation psychologique. — Mais le premier travail spécial sur ce sujet, est celui de Jensen (d’Allenberg) (1868). Cet auteur rapporte quatre observations inédites. Pour deux d’entre elles le diagnostic de fausses-reconnaissances paraît très discutable. Les deux autres peuvent être rangées parmi le plus beaux cas qui aient été publiés ; malheureusement elles sont insuffisamment détaillées en ce qui concerne la description du phénomène lui-même.

Dans les deux années suivantes parurent successivement trois articles de Max Huppert intitulés : « Doppelwahrnehmuugen und Doppelvorstellunqen ; Ueber das Vorkommen von Doppelvorstellunqen, eine formaIe Elementarstöruns » et enfin : »Capillare Apoplexie der linken Insula Reilii ». Dans tous trois il est question de lafausse-reconnaissance, mais d’une façon assez superficielle, L’auteur se rallie à l’hypothèse de Jensen. Tout en critiquant le nom de « Doppelwahrnehmung » (c’est-à­ dire « double perception ») auquel il préfère celui plus compréhensif de « Doppelvorstellung» (double [p. 12] représentation). Vient ensuite Sander (1872) avec une observation intéressante ; il fait une bonne critique de théories physiologiques de ses prédécesseurs (Jensen notamment) mais l’explication qu’il proopose lui-même est notoirement insuffisante.

La même année, Eyselein, mal renseigné sur les travaux de ses prédécesseurs, publiait comme observation de fausse-reconnaissance l’observation d’une dame atteinte d’obsession portant sur la recherche des souvenirs.

Rien n’avait encore été publié en France sur le sujet qui nous occupe, lorsqu’en 1876, à la suite d’une note anonyme parue dans la Revue philosophique, note se rapportant à un phénomène de mémoire assez singulier mais certainement différent, parurent dans la même revue deux lettres d’Horwicz et E. Boirac, tendant à assimiler ce phénomène à la fausse reconnaissance. Horwicz seul faisait allusion aux travaux antérieurs des auteurs allemands ; en revanche, M. Boirac apportait l’expérience personnelle qu’il avait du phénomène, et proposait plusieurs explications entièrement nouvelles.

La même année, A. Pick, publiait l’observation d’un jeune homme atteint de délire de persécution, qui en même temps semblait littéralement vivre dans un état permanent de reconnaissance illusoire. Le malade étant complètement dupe de cette illusion, elle influait d’une façon notable sur ses autres conceptions délirantes.

L’année suivante Anjel publia l’observation d’un malade qui, très intelligent et capable d’analyser ses impressions, avait été sujet à cette illusion à plusieurs reprises, avec une violence extrême. L’auteur y joint sa propre auto-[p. 13]observation. Il attribue le phénomène à un trouble dans la perception ; son hypothèse plus ou moins modifiée par les psychologues qui vinrent ensuite, est une de celles qui eurent le plus de succès.

Th. Rihot dans son livre sur Les maladies de la mémoire (1881) consacre quelques pages à la fausse reconnaissance, il reproduit notamment en partie l’observation de Pick, et propose une théorie nouvelle, d’après laquelle le phénomène serait dû à une sorte d’hallucination,

Henry F. Osborn, vers 1884, eut le premier idée de faire une enquête un peu étendue. Il profita de ce que Galton faisait circuler son célèbre questionnaire relatif à la vision mentale, pour y joindre la question suivante :

« Vous est-il arrivé, assistant à une scène entièrement nouvelle, étant certain de sa nouveauté, de sentir antérieurement que vous l’aviez vue auparavant, et en même temps d’avoir cette conviction que vous revoyez un endroit obscurément vaguement familier ? Citez, si vous le pouvez, un ou deux cas de ce genre. Avez-vous trouvé quelqu’explication satisfaisante de ce phénomène (2) » Osborn ne dit pas combien de réponses lui sont parvenues. Il en publie un petit nombre que nous avons reproduites (Cf. Obs. 12, 13, 14.et 15). Elles sont fort courtes, et presque [p. 14] toutes trop peu précises pour que l’exactitude du diagnostic puisse être affirmée de façon certaine.

En outre on trouve dans je livre de Forel sur Les anomalies de la mémoire, une observation intéressante reproduite ici. (Obs. 16).

La même année nous trouvons, de M. Fouillée, dans la Revue des Deux-Mondes, une étude purement théorique sur la question.

En 1887, Em. Kraepelin publia sur les illusions de la mémoire en général (Erinnerungsfalschungen) une série d’articles qui présentent, entre autres mérites, celui de classer nettement ces illusions en groupes naturels :

Illusions simples (Einfache Erinnerungsfalschangen).

Illusions associée (associirende Erinnerungsfälschungen).

Illusions identifiantes (identificirende ErinnerangfäIsechungen).

Ces dernières seules répondent aux fausses reconnaissances, les deux premiers groupes comprenant toutes les autres paramnésies, c’est-à-dire les créations de l’esprit que le sujet prend pour des souvenirs véritables.

Kraepelin avait observé le phénomène sur lui-même, et rapporté différentes observations d’autres auteurs. Aucune des théories proposées jusqu’alors ne le satisfait complètement, mais il évite d’en proposer une nouvelle. Son travail est surtout, en somme, une revue générale, excellente d’ailleurs.

Depuis, la question a fait en somme assez peu de progrès : Bonatelli, Huglinqs-Jackson, Burnham, et surtout Viqnoli, ont apporté de nouveaux rails intéressants MM. Guyau, Lalande, Dugas, Bourdon, des théories plu ou moins parentes de celles qui avaient été proposées déjà, mais aucun d’eux ne considère la question comme suffisamment éclaircie ; tous reconnaissent la nécessité de nouveaux documents.

Il y a deux ans, M. Arnaud en a publié un de la plus haute importance, mais isolé, malheureusement.

Il est regrettable que M. Arnaud ne nous ait pas encore donné l’étude d’ensemble qu’il promettait dans son article, car en somme, c’est surtout une étude d’ensemble qui manque à présent : à toutes les études spéciales que je viens de passer en revue, il me semble qu’on peut adresser un reproche général. Leurs auteurs, philosophes ou aliénistes, sans s’astreindre à une description minutieuse et complète fondée sur un grand nombre d’observations détaillées, cherchent avant tout à expliquer le mécanisme supposé du phénomène, et Dieu sait, souvent au prix de quelles hypothèses ! Tout a été invoqué depuis « un manque de synergie dans les centres cérébraux, grâce auquel les ondulations similaires ne se fondent pas entièrement » (Fouillée), jusqu’à la télépathie (Lalande).

Si je n’ai certes pas la prétention d’avoir comblé la lacune que je signale, du moins, puis-je dire que je me suis efforcé d’élargir le plus possible le champ d’exploration, en rassemblant le plus grand nombre possible d’observations, tant inédites que publiées antérieurement.

Une grande difficulté résultait de ce que la fausse reconnaissance ne se traduisant le plus souvent par aucun signe objectif, par aucun acte anormal, nous ne pouvons [p. 16] la connaître que par les récits des sujets, ordinairement peu familiers avec la psychologie, et peu habitués à l’observation intérieure. Je pensai que la comparaison d’un très grand nombre d’observations était le plus efficace moyen de corriger ce que présentent toujours d’incertain et d’individuel les résultats de l’observation subjective, et je rédigeai un questionnaire que je fis aussi complet et aussi précis que possible.

Ce questionnaire est certainement loin d’être parfait, car, pour le faire tel, il aurait fallu connaître déjà Ja question à fond. Je dois dire cependant que si j’avais à le recommencer actuellement, je n’y changerais pas grand’chose.

Je craignais d’abord qu’il ne fût ardu, difficile à comprendre, pour les personnes non familiarisées avec le langage et avec les finesses d’analyse de la psychologie ; en général cependant, toutes les questions ont été bien comprises, et j’ai été surpris de la bonne qualité des réponses que j’ai reçues.

D’ailleurs, toutes les fois que j’ai eu des doutes sur le sens ou la valeur scientifique d’une réponse, j’ai demandé à l’auteur des éclaircissements, ou je lui ai posé des questions plus précises. Dans quelques cas, j’ai fait l’expérience de prendre deux fois la même observation à plusieurs mois d’intervalle : je n’ai jamais trouvé entre les réponses, ni contradictions, ni incompatibilités.

D’autres observations ont été vérifiées au moyen d’interrogatoires directs, de vive voix. [p. 17]

QUESTIONNAIRE RELATIF AUX PARAMNÉSIES OU FAUSSES
RECONNAlSSANCES (3).

Age :
Sexe :
Profession :

I. — Vous est-il arrivé d’éprouver le sentiment constituant le phénomène dit « fausse reconnaissance », auquel Dickens fait allusion dans le passage suivant : « Nous connaissons tous par expérience ce sentiment qui nous envahit parfois, que ce que nous sommes en train de dire et de faire, a déjà été dit et fait antérieurement, il y a longtemps; que nous avons déjà été entouré par les mêmes figures, et les mêmes objets, dans les mêmes circonstances (4).
2. — Etait-ce chez vous une impression immédiate de reconnaissance, portant sur le total des perceptions et états affectifs de l’instant considéré, (quelque court qu’il fût [p. 18] d’ailleurs, et quelque rapide que fût la disparition de l’illusion), ou était-ce un simple jugement de ressemblance partielle, plus ou moins étendue, et plus ou moins parfaite ?
La distinction précédente est extrêmement importante, et, si vous avez éprouvé l’une ou l’autre forme, vous êtes priés de ;
A —Faire à chacun des numéros du questionnaire deux réponses, l’une relative à la première forme, et l’autre à la seconde ;
B —Exposer dans un paragraphe spécial les relations que vous avez cru observer entre ces deux formes.

3. — A quel âge pensez-vous avoir éprouvé cette impression pour la première fois ?

4. — Pour la dernière fois ?

5. — Y eut-il dans votre vie des époques pendant lesquelles vous y fûtes plus particulièrement sujet ?

6. — D’une manière générale, votre mémoire est-elle :
Bonne ?
Médiocre ?
Mauvaise ?

7. — Présente-t-elle quelques particularités ?

8.— Aux époques où vous fûtes le plus sujet au phé9nomène de fausse reconnaissance, ‘votre mémoire était-elle meilleure, ou plus mauvaise qu’elle n’était avant, et qu’elle ne fut après ?`

9. — Avez-vous remarqué que le phénomène se produisait de préférence quand vous vous trouviez dans des lieux ou des circonstances, nouveaux pour vous ; — quand vous exécutiez des actes peu habituels ?

10. — Ou inversement ? [p 19]

11. — Avez-vous remarqué que le phénomène se produisit de préférence quand vous vous trouviez dans quelque grande assemblée, quand vous assistiez à quelque pompe, cérémonie, représentation théâtrale, bal, etc.

12. — Ou au contraire dans la solitude ?

13. — Avez-vous remarqué que le phénomène se produisit de préférence quand vous étiez dans un état de

Dépression :                 physique.
intellectuelle.

Excitation :                  physique.
intellectuelle.

Fatigue :                      physique.
intellectuelle.

  1. — De préférence quand vous étiez dans un état de tension morale ou émotionnelle occasionnée par la gravité des circonstances où vous vous trouviez (ou par toute autre cause) ?
  2. —-Dans un état de tension intellectuelle proprement dite (par exemple : recherche de [a solution d’une question difficile, participation à une discussion ardue, lecture d’un ouvrage obscur, ou écrit dans une langue qui ne vous est pas familière, etc., etc.).
  3. — Au contraire, les circonstances extérieures, et votre état d’âme, étaient-ils parfaitement insignifiants ?
  4. — L’avez-vous éprouvé parfois en rêve ?
    Si oui, décrire le rêve, avec les circonstances dans lesquelles il est survenu, etc.
  5. —Etant sous l’influence d’une substance toxique ou médicamenteuse quelconque par exemple :
    Alcool ? [p. 20]
    Opium ou morphine ?
    Ether ?
    Chloroforme ? etc., etc.
    (Indiquer la dose du médicament, le temps écoulé entre son ingestion et l’apparition du phénomène, l’état mental général dans lequel on se trouvait et les diverses circonstances accessoires).
  1. — Pendant le cours ou la convalescence d’une maladie ?
    (Indiquer la nature de la maladie, la période de son évolution, les traitements suivis, l’état mental général où l’on se trouvait, et les diverses circonstances accessoires).
  2. — Durée moyenne du phénomène.21.
  3. — Durée maxima.
    (Indiquer, autant que possible, quels points de repère vous ont permis de vérifier cette durée, au moins dans un certain nombre de cas donnés).
  4. — Vous est-il arrivé de vous tromper grossièrement sur la durée du phénomène, c’est-à-dire de l’avoir estimé d’abord beaucoup plus long ou plus court qu’il n’avait été réellement ?
  5. — Les faits de fausse-mémoire se sont-ils présentés chez vous par séries. — Si oui, quel était alors à peu près l’intervalle séparant chaque fait du suivant, et quelle était la durée totale de la série ?
  6. — Quels sont chez vous les détails émotionnels qui accompagnent le phénomène ?
    Vertige ?
    Angoisse ?
    Oppression ? [p. 21]
    Terreur ?
    Inquiétude ?
    Sentiment d’ennui ?
    Sentiment de bien-être ? etc., etc.
  1. — Avez-vous jamais éprouvé des états émotionnels semblables, survenant inopinément et sans cause, sans être liés à des fausses reconnaissances ?
  2. — Vers quelle époque, par rapport à l’apparition des phénomènes de fausse mémoire ?
  3. — Pouvez-vous provoquer l’apparition des fausses reconnaissances, ou en prolonger la durée ?
    a — Directement par un effort volontaire ?
    b — Indirectement, en vous plaçant dans certaines circonstances, ou en dirigeant d’une certaine façon le cours de vos pensées ?
  4. — Croyez-vous pouvoir les faire cesser ;
    a) — Par un effort tendant à fixer la date du souvenir ?
    b. — Par un effort d’attention volontaire portant sur les états affectifs ou les perceptions en eux-mêmes ?
    c) —En modifiant les circonstances extérieures, ou le cours de vos pensées ?
  5. — Vos fausses reconnaissances s’accompagnent-elles parfois de ce sentiment, que vous prévoyez ce qui va arriver à l’instant prochain ?
    Ce sentiment de prévision porte-t-il plus spécialement sur :
    a. — Vos propres actes.
    b. — Les circonstances extérieures (Par exemple : « Sentiment… que nous savons parfaitement ce qui va [p. 22] être dit à l’instant, comme si nous nous le rappelions soudain (5). »
  1. — Ce sentiment de prévision vous a-t-il quelquefois paru justifié, c’est-à-dire, y aurait-il eu quelquefois prévision réelle?
    Si, oui — citez des faits, avec le plus de détails possibles.
  1. — Vous a-t-il jamais semblé à tort ou à raison que la fausse reconnaissance de vos actes (en particulier quand cette fausse reconnaissance s’accompagnait d’un sentiment de prévision) vous rendit plus facile l’accomplissement de ces actes ?
  2. — La fausse reconnaissance s’est-elle jamais accompagnée chez vous de cette impression que vous assistiez comme simple témoin au déroulement inévitable et involontaire de vos propres actes, mouvements, pensées, sentiment, comme vous auriez assisté à ceux d’une personne étrangère ?
  3. — Que vous étiez comme isolé, sans relation avec le reste de l’univers ?
  4. — Que tous les objets avaient perdu leur aspect naturel, que tout était étrange et étonnant ?

32 bis. —- 33 bis. — 34 bis, — Ces impressions de « dédoublement », « d’isolement », »d’étrangeté du monde extérieur» ont-elles été quelquefois ressenties par vous, sans être liées à des fausses reconnaissances ?

  1. — Etes-vous sujet à des : [p. 23]
    Distractions ?
    Obsessions ?
    Phobies ?
    Frayeurs survenant brusquement et sans motifs raisonnables, mais non systématisées ?
    Absences ?
    Tics convulsifs ? ou autres tares nerveuses de quelque nature que ce soilt ?
  1. — Décrivez intégralement les cas les plus nets de fausse reconnaissance dont vous avez gardé le souvenir.

Ce questionnaire fut publié en français dans la Revue de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique. »

Et en Anglais dans les Proceedinqs of the Médico-légas Société of New- York mille exemplaires en furent en outre distribués un peu partout. Il m’est parvenu soixante-sept réponses environ, dont quarante-neuf ont été utilisées : on les trouvera à la fin de ce volume. [p. 24]

CHAPITRE II

CARACTERES FONDAMENTAUX DE L’ILLUSION DE FAUSSE-RECONNAlSSANCE

I

L’impression de reconnaissance n’est nullement assimilable à un jugement ordinaire de ressemblance, cette impression, « est, nous dit A. D. (Obs. 38) tout à fait « sui generis » et ne peut pour moi se confondre avec aucune autre ».

Cela est particulièrement frappant lorsque l’on ressent cette impression dans des lieux ou des circonstances qui sont en réalité déjà connus et familiers du sujet, comme dans le cas suivant, extrait de l’observation précitée : « j’ai eu, il y a deux mois environ, une impression très fugitive de « déjà vu » en traversant la place de la Concorde, sur l’impériale du tramway. Cette impression était, tout à fait différente de l’impression d’ordinaire, d’habituel, que j’éprouve en voyant un objet, une personne, un lien, familiers ».

Cette différence paraît tenir en grande partie à ce que ce n’est pas à proprement parler un objet qui est reconnu, dans un cadre plus ou moins différent de celui où il était [p. 25] lors de la première perception. C’est toujours un groupe d’objets, qui souvent ne se trouvent assemblés à ce moment là que par un effet du hasard, « c’est une situation » qui semble être la répétition identique d’une situation antérieure, identité qui ne se présente jamais dans la vie réelle. Tous les détails perçus sont reconnus. Tout ce qui se trouve sur le moment dans le champ de conscience, apparaît comme ayant été déjà éprouvé : « il m’est arrivé plusieurs fois, nous dit B. C. (obs. 54) étant seul sur une grande route, et monté à bicyclette, de me dire : je me suis déjà trouvé exactement au même endroit (même par rapport à l’axe de la route) les circonstances extérieures, de lumière, de température, etc., étant les mêmes, ayant le même paysage sous les yeux ». « S’agit-il d’un paysage, on croira retrouver, dans son souvenir, non seulement les grandes lignes, mais encore, chaque feuille, chaque arbre, chaque nuage, chaque rayon ; et même le plus souvent on se sentira soi-même dans le même état et les mêmes sentiments que le jour illusoire de la première perception ». (Lalande 1893, p. 486).

« Il me semble, alors dit. A. I. que je me suis déjà trouvé identiquement dans les mêmes circonstances : le décor est le même, les personnages aussi ; leurs attitudes sont les mêmes, les mots qu’ils prononcent, les sentiments qui m’agitent, tout me semble avoir existé déjà d’une façon identiquement semblable ».

Dans un des cas rapportés par M. Dugas, le sujet eut à son examen d’histoire au baccalauréat l’impression de « s’être entendu poser déjà les mêmes questions par le même professeur parlant dans la même salle, [p. 26] avec la même voix. Ses propres réponses, il lui semblait qu’il les avait déjà faites, il se réentendait lui ·même ».

L… est en train de jouer aux cartes. Un de ses partenaires joue et dit : « Cinq plus cinq ». « A ce moment, dit L…, malgré la banalité de la formule, je sens subitement que je la lui ai déjà entendue prononcer, assistant au même coup, au même endroit, avec tout le consensus des mêmes sensations ». Un autre cité par le même auteur, passant au coin d’une rue, pense y avoir déjà passé à la même heure, par le même temps, et surtout sous l’influence de sentiments identiques à ceux qu’iI éprouve actuellement, (Lalande 1893, p. 486).

Chez beaucoup, c’est comme le recommencement d’une tranche de leur vie :

Le Dr Laupts m’écrit que chez lui le phénomène « consistait en ceci, que l’instant vécu avec tout son ensemble de sensations paraissait déjà avoir été vécu antérieurement ».

Une des personnes observées par Dugas s’exprime ainsi : « Il m’est arrivé un jour en me promenant à la campagne de m’arrêter stupéfait en constatant que j’avais déjà vécu identiquement l’instant qui venait de s’écouler ».

Chez A. S. c’est « le sentiment très net que je ne faisais que revivre une scène déjà vécue, non pas une scène analogue, mais bien la même, le cadre, les acteurs de la scène, tout était semblable ».

Chez B. D. c’est « comme si j’avais déjà vécu ce moment de ma vie dans une vie antérieure ».

« Il me semble que j’ai déjà pensé ce moment-là » dit D. F. [p. 27]

A. B. G., il semblait « qu’une situation, neuve en réalité, avait déjà été vécue ».

Mais ce qui a été écrit de plus caractéristique à ce point de vue se trouve, je crois, dans la belle description de M. F. Gregh : « Vous vivez, vous allez et venez, vous dites des mots et soudain vous sentez que vous avez déjà fait ces gestes, dit ces mots, dans le même ordre, de la même façon, sans qu’il vous soit possible de dire où ni quand. Vous sentez que vous vivez identiquement une minute que vous avez déjà vécue. Mais vous ne pouvez la situer dans votre passé… « J’ai senti que j’avais déjà fait tout ce que je faisais, éprouvé tout ce que j’éprouvais, parlé intérieurement tout ce que je me disais à moi-même dans un moment semblable ; que j’avais déjà fait ces gestes tous, exactement, dans le même ordre… touché une branche, poussé un caillou, tourné la tête, tandis que les cloches sonnaient avec la même succession de notes sous un ciel du même bleu profond, dans un air aussi vif et aussi vague ». Le principe des indiscernables de Leibnitz semble violé : « La minute présente est en tout point semblable à la minute passée, aujourd’hui devient autrefois. Une chose est aussi une autre chose ».

En résumé, l’impression de reconnaissance porte, non pas sur une perception isolée, mais bien sur le total des perceptions et états effectifs qui se trouvent dans le champ d’inconscience, à l’instant considéré ; il Y a pour ainsi dire rejet dans le passé, antériorisation de la perception elle-même (cf. Arnaud, 1896 p. 466). [p. 28]

II

Un second caractère de l’illusion de fausse reconnaissance, est qu’elle survient dans des circonstances quelconques sans qu’il soit, en aucune façon, possible au sujet d’en prévoir l’apparition et d’en dire les causes, et je ne parle pas seulement des causes réelles, qui sont un mystère pour tout le monde, comme on s’en rendra facilement compte en parcourant les travaux publiés jusqu’à présent, mais encore de ces causes apparentes, c’est-à-dire des circonstances qui paraîtraient en déterminer l’éclosion. Ces circonstances n’ont rien de spécial, sont indéfiniment variables chez un même sujet, n’ont entre elles d’autres liens que leur insignifiance même et leur banalité. Le moment précis de l’apparition du phénomène ne coïncide jamais qu’avec un incident insignifiant, un bruit léger, un mot entendu ou prononcé, la chute d’un objet, le craquement d’un meuble, toutes choses qui n’auraient jamais été remarquées pour elles-mêmes et n’étaient même pas, à proprement parler, inattendues. Mlle A. J. nous en rapporte avec détails un exemple typique : « J’étais allée, dit-elle, dans un coin de ma chambre pour y chercher un objet, et ce faisant, je déplaçais le pied d’un appareil photographique, à ce moment, j’eus l’impression d’avoir accompli jadis le même acte, exactement et dans des circonstances identiques, » cette impression porta encore sur les états de conscience qui suivirent pendant trois secondes environ, quoique ces états de conscience [p. 29] n’eussent aucun rapport avec l’acte qui avait marqué le début de l’impression.

A. I. étudiant en médecine, a remarqué que chez lui le phénomène avait pour point de départ soit un mot, soit une attitude, soit une impression visuelle. Les circonstances étaient toujours banales. « Je suis, par exemple, dit-il, dans un salon, avec plusieurs personnes assises ou debout, qui causent entre elles, tout à coup, à un moment où quelqu’un prononce un mot, je tressaille, et il me semble que je me suis déjà trouvé identiquement dans les mêmes circonstances… »

III

Selon la plupart des auteurs, l’impression de reconnaissance se développe avec une rapidité presque instantanée (Lalande, 1893, p. 485). Le phénomène atteint d’emblée toute sa netteté et toute sa perfection. « … Je reçois le choc, dit Bo (obs. 23), et je sens que je l’ai déjà vu. Je ne puis comparer ce que j’ai ressenti qu’à la brusque fermeture d’une sonnerie électrique. » Il semble que d’ordinaire il n’y ait aucune espèce de progression, ni de transition : ce n’est pas un sentiment d’abord vague, qui envahit l’esprit peu à peu, c’est quelque chose qui peut être extrêmement intense, même si la durée en est très courte, instantanée, ce peut être « très court et très net » (obs, 40). Très intense et très profond, quoiqu’extrêmement rapide (obs. 46). [p. 30]

Cependant, ce mode instantané de développent paraît n’être pas absolument constant : Ainsi Ba (obs.) dit que tantôt le phénomène apparaît brusquement, et passe comme l’éclair, tantôt, au contraire, son apparition est graduelle : c’est une impression d’abord extrêmement vaque et flottante, qui se précise peu à peu. De même M. F. Gregh dit en parlant de cette impression : « le plus souvent la sentant venir je l’arrête court par un effort de volonté » (obs.49).

La grande majorité des cas des sujets dit que la fausse reconnaissance est toujours de durée extrêmement courte, c’est une impression qui passe comme l’éclair, ou qui dure quelques secondes, une demi-minute à peine. Cependant quelques-uns lui- assignent une durée d’un quart d’heure, ou même davantage, et l’on pourrait croire, à la lecture des observations et que chez certains malades, l’illusion puisse être permanente.

Je crois qu’il est utile à cet égard de se prémunir contre une confusion dans laquelle tombent assez souvent les sujets : nous avons vu que la fausse reconnaissance se présentait comme une impression qui s’empare de l’esprit tout entier, qui s’impose à lui sans laisser place à aucun doute. Mais ensuite, une fois cette impression évanouie, une fois qu’il ne reste plus d’elle, et des états de conscience faussement reconnus que le souvenir, le sujet peut continuer pendant un certain temps à croire qu’il ne s’est pas trompé, qu’il y a réellement eu recommencement d’une courte période de sa vie. Cette erreur peut durer cinq minutes, elle peut durer un quart d’heure, elle peut même n’être jamais rectifiée ; mais, conséquence assez [p. 31] étroitement liée au phénomène de fausse reconnaissance, elle ne doit pas cependant être confondue avec lui : ce n’est plus un phénomène anormal, c’est simplement un jugement de forme parfaitement régulière mais qui est faux, parce qu’il est fondé sur une donnée trompeuse, sur le souvenir d’une illusion.

Il y a là une distinction, qui, sans être à proprement parler subtile, demande un peu d’attention, et que ne songent pas à faire les personnes qui n’ont pas l’habitude de l’observation intérieure. J’ai pu me rendre compte par les interrogatoires directs auxquels il m’a été donné de procéder dans un certain nombre de cas, que les sujets qui attribuent à la fausse reconnaissance une durée relativement longue comprennent dans cette durée toute la pé- rio de pendant laquelle ils ont continué à être dupes de l’illusion.

En somme, Je ne connais pas de cas où il soit prouvé . que l’impression ait duré plus de deux minutes.

A plus forte raison, aurais-je quelque répugnance à admettre que l’illusion puisse être continue, comme il pourrait sembler à première vue qu’elle l’ait été dans le observations de Sander et d’Arnaud.

Le malade d’Arnaud disait : « Je vis deux années parallèles dans mes deux séjours ici, il n’y a pas deux minutes qui diffèrent… En réalité, comme le fait remarquer M. Arnaud (1896, p. 467) pendant d’assez longues périodes, le malade n’éprouvait rien de particulier. « Mais il suffisait de lui demander à un moment quelconque s’il reconnaissait la conversation, pour obtenir aussitôt une réponse affirmative. » [p. 32] Evidemment chez ce malade les fausses reconnaissances étaient très nombreuses et très rapproches les unes des autres mais se fondre cependant. Nous verronsplus loin à quoi était due leur apparence de continuité.

CHAPITRE III

FORMES SPECIALES

Je n’ai fait allusion jusqu’à présent qu’à la forme pour ainsi dire classique de la fausse reconnaissance, celle que tant de personnes connaissent par expérience, qui se produit à l’état de veille, et où l’impression est immédiate : une situation, ou mieux, un état de conscience, au moment même où il se produit, apparaît comme la répétition identique d’un état de conscience antérieur.

Ce qui en a été dit peut s’appliquer à peu près indistinctement d’une part à la fausse reconnaissance survenant pendant le rêve, et d’autre part à une forme qui paraît n’avoir été observée jusqu’à présent par des aliénistes en petit nombre, et caractérisée par ce rait que le sujet n’ayant eu sur le moment aucune impression particulière, c’est seulement quelque temps après (quelques minutes ou quelque heures) qu’en se rappelant l’évènement, il se le rappelle comme ayant été, lui semble-t-il, la répétition d’un évènement antérieur.

I

J’ai rêvé il v a quelques jours, dit G. Q. que quelqu’un me lisait un passage d’un livre que je voyais [p. 34] d’ailleurs moi-même. Je revois encore maintenant les caractères très nets, hauts, étroits, bien gravés : les ligne très espacées, courtes, avec de larges marges, ressemblant à de la poésie, sans majuscule. Toutefois, en tête des lignes, le papier teinté de jaune. Je croyais (toujours en rêve) me rappeler avoir déjà vu ce passage, et je faisais les plus grands efforts pour localiser ce souvenir. J’ai réussi pour tout résultat à me réveiller (2 heures du matin). Il est intéressant de noter qu’en rêve je me disais à moi-même : ce n’est qu’une paramnésie ».

C’est là en effet un cas assez net de fausse reconnaissance survenue en rêve. La possibilité d’une telle forme de fausse reconnaissance était évidente a priori et son interprétation ne doit pas présenter plus de difficultés que celle des cas qui surviennent à l’état de veille. Voici un autre fait qui paraît également incontestable : « Je rêve dit A. J. que je passe au coin d’une rue de Moscou où il y a la boutique d’un épicier ; un dwornik en chemise rouge et chaussé de bottes balaye le trottoir. Or, je rêve que j’ai déjà rêvé pareille chose ». Il est très regrettable que ces faits ne soient pas plus nombreux. C. Q. et A. J. disent qu’ils y sont assez sujets, mais ne peuvent citer d’autres exemples. M. Mario Pilo qui est aussi très sujet et ne peut citer aucun cas particulier. Une autre personne raconte un fait qui est de diagnostic douteux. En somme ce phénomène parait assez rare.

S’il arrive ainsi que des combinaisons purement imaginaires soient faussement reconnues, on peut supposer a priori que dans certains cas il en sera de même de souvenirs. Voici ce que raconte A. C. à ce sujet : [p. 35]

« Le 17 mai 1897, j’avais fait visiter à mon camarade H… le service où je travaille, à la Salpêtrière. Arrivé à l’entrée d’une salle dans laquelle se trouvait couchée une malade intéressante (atteinte du délire de persécution] j’avais arrêté. H… pour lui exposer le cas avant de nous rendre auprès d’elle, Le lendemain, causant avec Mlle T. de cette même malade ; je voulus raconter la visite que je lui avais faite la veille: cherchant à me rappeler, j’évoquai intérieurement le tableau de ce qui s’était passé, et notamment, ma station avec H… sur le pas de la porte, tout à coup j’eus impression d’avoir eu déjà exactement les mêmes souvenirs ; je ne dis pas, de les avoir dans les mêmes circonstances, parce que, tout à fait absorbé à ce moment dans ma recherche, je revivais pour ainsi dire mes souvenirs, tandis que les circonstances présentes n’existaient pour ainsi dire plus pour moi. Cette impression ne dura qu’un instant (au plus 3 secondes) mais lut suffisamment intense pour que je me demandasse encore pendant les quelques minutes qui suivirent, si la situation de la veille n’avait pas été réellement la répétition d’une situation antérieure ».

Cette forme paraît avoir été particulièrement fréquente chez le malade de M. Arnaud, c’est ainsi que, souvent, alors qu’un fait donné ne lui avait produit sur le moment aucune impression anormale, le lendemain ou le surlendemain, il lui semblait que ce même fait avait été la répétition d’un fait antérieur. Il semble même que chez lui l’impression portait avec une plus grande fréquence, ou avec une plus grande intensité sur les souvenirs que [p. 36] sur les perceptions mêmes. Cela expliquerait du moins son affirmation que plus il pense aux choses qui lui sont arrivées, soit la veille, soit les jours précédents, plus il est sûr qu’il les connaissait déjà par expérience. [p. 37]

CHAPITRE IV

PHÉNOMÈNES ACCESSOIRES

I

La fausse reconnaissance peut s’accompagner d’impressions diverses, variant entre un simple état affectif vague, pénible ou agréable, plus ou moins intense, et de véritables illusions venant se superposer à elle.

Comme tous les phénomènes psychologiques anormaux, lorsqu’ils se répètent fréquemment, elle peut occasionner aux sujets qui y sont sujets d’une façon habituelle, un sentiment de gêne provenant du fait même de cette répétition fastidieuse. Un sujet étudié par M. Lalande (obs. XXV, p. 24) racontait avoir traversé étant enfant une « période où il était presque malade d’ennui, parce que tout ce qu’il faisait, tout ce qui lui arrivait, lui semblait déjà connu, et qu’il lui paraissait très fatigant de revoir toujours les mêmes choses. Mais c’est là un fait qui paraît en somme assez rare ; dans le cas d’Arnaud, où cependant la fausse-reconnaissance était pour ainsi dire à l’état permanent, nous ne voyons rien de tel : le malade ne s’inquiète que parce qu’il réfléchit sur son état et se rend compte qu’il présente quelque chose d’anormal. M. Paul Bourget, A. C. et plusieurs autres chez qui le [p. 38] phénomène s’est produit à certaines époques avec une fréquence extrêmement grande paraissent n’en avoir été nullement gênés. Il est fort possible que la fausse reconnaissance, quelle que puisse être sa fréquence, ne prenne un caractère fastidieux, que lorsque la recherche de localisation dont elle s’accompagne ordinairement, prend elle-même, si peu que ce soit, les caractères d’une obsession. Il n’y a là en tout cas rien de bien spécial au phénomène en question.

Mais il est des cas où un état affectif plus ou moins pénible accompagne la fausse reconnaissance, soit au moment même où elle se produit, soit à l’instant qui la suit immédiatement.

Ce parait être le plus souvent un sentiment d’oppression ou d’inquiétude assez léger. « Un assez grand nombre, dit M. Lalande (1893, p. 486) remarquent que cette inquiétude n’est pas d’un caractère ordinaire, mais ressemble aux frayeurs sans cause de certains cauchemars, et donne l’impression d’un autre monde que celui où nous « vivons habituellement ». Les observations que j’ai recueillies ne corroborent malheureusement pas cette remarque de M. Lalande, je ne puis non plus être de son avis lorsqu’il donne comme presque constante l’existence d’une impression pénible. En effet, sur 39 personnes, il en est 22 qui, ou bien omettent de répondre à la question 24, ou bien n’ont éprouvé rien de pénible, mais seulement de l’étonnement, de la surprise.

D’autre part ils déclarent éprouver habituellement un sentiment d’inquiétude légère, mais sur ce nombre, 13 laissent à entendre assez clairement que cet état ne [p. 39] survient qu’après la fausse reconnaissance (immédiatement après) et semble lié beaucoup moins au phénomène lui-même qu’aux efforts plus ou moins conscients que fait le sujet pour le comprendre ou pour localiser le prétendu souvenir. « C’est, dit M. Mario Pilo, par exemple, (ob5. 48 p. 178) un état un peu pénible, un malaise, résultant du doute où je suis si c’est un souvenir réel plus ou moins altéré, ou si c’est une erreur de mémoire, ainsi que l’inexplicabilité du phénomène. » Beaucoup comparent ce malaise à celui qui accompagne la recherche obsédante d’un mot ou d’un air. Chez M. F. GREGH, seul, nous voyons cette impression pénible prendre la forme d’un vertige extrêmement violent : « L’angoisse, dit-il, que j’éprouve à ce moment, est indicible ; je me sens devenir fou, et j’en défaille, non métaphoriquement, mais littéralement ; ma tête tourne, mon cœur bat à se rompre, et je tomberais à la renverse si un bras ami ne me retenait ». Cet état vient après la fausse reconnaissance. M. F. GREGH incline à penser qu’il est dû au sentiment qu’il a de l’illogisme du phénomène. Il se prolonge assez longtemps.

En somme, comme le fait remarquer M. Dugas (1894, p. 40), « la plupart des sujets, quelle que soit la gravité de leur cas » parlent de la fausse mémoire comme d’un phénomène simplement curieux ; il semble qu’ils restent plutôt au-dessous de l’émotion qu’ils devraient éprouver, et qu’on leur suppose. Le phénomène serait donc moins troublant en lui-même que par les réflexions qu’il fait naître et par les inductions qu’on en tire ».

On peut toutefois ajouter aussi ou par les autres phénomènes anormaux qui peuvent l’accompagner. [p. 40]

II

Le moins extraordinaire de ces phénomènes (mais non le mieux étudié) est le vertige, non plus survenant après les fausses reconnaissances et attribuable à des raison intellectuelles, comme dans le cas précédent, mais bien survenant en même temps qu’elle est due vraisemblablement aux mêmes causes. M. A. Lalande (1893, p. 487) en rapporte un exemple :

« T…, se trouvait en chemin de fer, lisant un roman qu’il ne connaissait pas auparavant : tout à coup, dit-il, je fus saisi par l’idée que je l’avais lu, et en même temps il se produisit dans mon esprit un tel tourbillon de souvenirs et d’images que j’ai cru devenir fou :… Le même phénomène s’est produit plusieurs fois, sans que je me souvienne bien à quel propos » (obs. 24). Cette description est à rapprocher de la suivante : difficiles à comprendre isolément, elles s’éclairent un peu l’une par l’autre : « J’éprouve quelquefois en rêve, dit le sujet qui est intelligent et connaît fort bien par expérience les phénomènes de fausse reconnaissance, une impression très étrange ; quelque chose comme un tourbillon indéfinissable vient sur moi, grondant d’une façon étrange, s’approche, s’approche et ne m’atteint jamais (je ne puis exprimer ce que j’éprouve que d’une façon très vague) ce rêve était assez fréquent dans mon enfance… Il survient quand je suis à demi éveillé. — Je sais alors très nettement que je l’ai déjà eu, mais, comme il est absolument indéfinissable [p. 41] et inexprimable, l’impression de souvenir que j’ai alors n’est nullement intellectuelle, elle est pour ainsi dire purement organique, purement émotive… Cet état ressemble fort à la fausse reconnaissance. » (obs. 38). Malheureusement, faute d’autres faits, je ne puis que signaler ces vertiges et non en faire l’étude qu’ils mériteraient. Cette pénurie d’observations paraît prouver du moins qu’ils sont assez rares.

III

L’illusion de fausse reconnaissance, est, dans un certain nombre de cas, accompagnée d’autres impressions très singulières, et qui ont fort embarrassé les psychologues. Non seulement alors les états de conscience sont reconnus, mais encore ils coexistent avec des sentimal [sic] définissables que les sujets traduisent de façons très diverses, quoiqu’au fond ils soient à peu près identiques entre eux, et aient du moins ce caractère commun très remarquable de donner aux choses et aux faits une apparence d’irréalité.

La fausse reconnaissance n’est guère compliquée de tels phénomènes que chez 1/10e des sujets, et d’autre part, il n’est point rare de les observer sans fausse reconnaissance. Ils ont été notamment signalés par Krishaber (1873), à titre de symptômes accessoires de la névropathie cérébrocardiaque, Taine eu a fait une étude d’après les observations de Krishaher, dans un appendice ajouté à la[p. 42] [p. 42] 3eédition de son livre de l’Intelligence ; et tout récemment M. Dugas en a proposé une interprétation (1898).

Pour plus de clarté, nous étudierons d’abord ces impressions en elles-mêmes.

Elles peuvent revêtir quatre formes types-entre lesquelles on peut trouver d’ailleurs toutes les intermédiaires :

a. — Ce peut être simplement, comme nous j’exprime M. Bourget (obs. 43) , « une espèce de sentiment inalysable [sic] que la réalité est un rêve » : Kraepelin (1887, P. 410, 411) analysant ses propres impressions, avait déjà noté que, lorsqu’il exprimait le sentiment de fausse reconnaissance, la réalité cesserait de lui apparaître avec sa clarté habituelle, et semblait un rêve, une ombre. Tout ce qui l’entourait lui paraissait comme éloigné, comme couvert par un voile.

b. — Cette impression d’éloignement n’est jamais une impression d’éloignement matériel ; c’est quelque chose de plus vague et de plus général : souvent, le monde extérieur paraît moins éloigné à proprement parler,· qu’étrange, ou plus exactement étranger au sujet, c’est en quelque sorte une impression d’éloignement moral, ou plutôt d’éloignement matériel. Le sujet dit alors parfois qu’il ne reconnaît plus rien, qu’il se s’ent dans le même état que si tout était pour lui nouveau, étrange, que s’il était tombé dans une autre planète (obs. 2 de Krishaber, Taine 1878. p. 467). La malade E. N. dont nous reparlerons plus bas éprouvait parfois cette impression avec tant d’intensité qu’elle était aussitôt prise d’une terreur folle, et se sauvait dans l’escalier.

c. — Parfois ce sont précisément les propres actes du [p. 43] sujet qui lui paraissent avec cette couleur d’étrangeté, d’inattendu ; il s’étonne de ce qu’il fait ou dit, et traduit alors cette impression en disant qu’ il lui semble que ce sont les actes d’un autre, qu’il n’a rien de commun avec eux, sa voix, notamment lui parait étrange, il ne la reconnaît pas comme sienne (obs. 2 de Krishaher ; Taine, 1878, p. 166, 467). Il lui semble enfin que ce soit quelqu’inconnu, ou quelqu’automate qui agisse à sa place. Moreau de Tours (1845, p. 77), éprouva fréquemment cette impression, étant sous l’influence du haschish, notamment, un jour en valsant :

«  Il me semblait, dit-il, que ma volonté n’était pour rien dans le tournoiement rapide qui m’emportait, et mon corps obéissait irrésistiblement aux impulsions sonores qui partaient du piano, comme le jouet de l’enfant sous les coups de lanière dont il est frappé. Je ne manquai cependant pas une mesure, et j’échangeai quelques paroles avec la personne qui valsait avec moi ». — « Mes fausses reconnaissances, dit. A. K. (obs.  p.  ), [sic] sont accompagnées d’une véritable sensation de dédoublement : il me semble qu’il y a une individualité qui ne fasse qu’agir, tandis que l’autre voit l’acte el éprouve les sentiments afférents à cet acte ». La bizarrerie de la situation est peut-être augmentée par ce fait que, souvent le sujet se sent en même temps étranger à ses propres organes, à ses membres, à son corps, comme le malade de l’observation 38 de Krishaber (Taine, 1878, t. II, p. 471) déjà cité : « Constamment, disait-il, il m’a semblé que mes jambes n’étaient plus à moi ; il en était à peu près de même de mes bras… Il me semblait que j’agissais par une impulsion [p. 44] étrangère à moi-même, automatiquement, Parfois, je me demandais ce que j’allais faire. J’assistais en spectateur désintéressé à mes mouvements, à mes paroles, à tous mes actes ».

d. — Enfin, nous avons ce qu’on pourrait appeler la forme complète de l’impression de dépersonnalisation lorsque le sujet se sent étranger à toutes ces perceptions actions, souvenirs, pris en bloc comme dans le cas suivant : « Il m’arrive, dit D. N. quand je suis fatigué et que je soutiens une conversation, de continuer à parler tout en me sentant comme étrangère à moi-même, à mes pensées et à mes actions » (obs.  p.  ) [sic]. — C … s’exprime à peu près ainsi, commandant le récit d’une fausse reconnaissance assez longue : « J’écoutais ma voix comme j’aurais écouté celle d’une personne étrangère, mais en même temps je la reconnaissais comme mienne : je savais que c’était moi qui parlais, mais ce moi qui parlait me faisait l’effet d’un moi perdu, très ancien, et soudainement retrouvé ». (obs. 34 p.) — Cette impression « consiste, dit A. G., en ce que pendant un temps très court, l’ensemble de mes états de conscience est accompagné d’un sentiment particulier et indéfinissable qui donnent d’ordinaire seulement les choses anormales, ou les choses dont nous n’avons jamais rencontré l’analogue ; ma voix me fait alors la même impression que si je ne l’avais jamais entendue auparavant, mes raisonnements et mes pensées me paraissent inattendus, le monde extérieur est lointain et étrange, je me parais étrange à moi-même, et étranger à moi-même, autant, (plus même en un certain sens), que si j’étais un autres ». [p. 45]

Deux hypothèses jusqu’à présent ont été proposées pour expliquer ces impressions étranges : celle de Taine et Krishaber et celle de M. Dugas.

Taine attribue le phénomène à une réelle « perversion des sensations proprement dites » avec intégrité de l’intelligence. « Comme ‘presque toujours, dit-il, la maladie arrive brusquement, l’effet est immense ; on ne peut mieux comparer l’état du patient qu’à celui d’une chenille, qui gardant toutes ses idées et tous ses souvenirs de chenille deviendrait tout à coup papillon avec les sens et les sensations d’un papillon… Les sensations nouvelles ne trouvent plus de série antérieure où elles puissent s’emboîter le malade ne peut plus les interpréter, s’en servir ; il ne les reconnaît plus, elles sont pour lui des inconnues. » (1878 T. II p. 466.) Cette extraordinaire perversion den sensations serait due à « une contracture des vaisseaux qui nourrissent la région sensitive cérébrale où reproduisent les sensations brutes ». (Taine, p. 465. Krishaber 187) à une contracture des vaisseaux du tiers postérieur de la capsule interne, du carrefour sensitif de Charcot.

Est-il besoin de dire qu’au point de vue anatomo-physioloqique cette hypothèse est insoutenable ? Que même en admettant comme possible cette contracture de vaisseaux (dont la paroi est en réalité dépourvue de couche musculaire), elle n’aurait probablement pas du tout les effets que, gratuitement, lui attribuent Taine et Krishaber ?

Au point de vue psychologique, l’hypothèse de Taine et de Krishaber s’appuyait sur l’existence d’illusions de la perception extérieure coïncidant avec le phénomène. [p. 46]

Nous verrons à la fin du présent chapitre en quoi consistent ces illusions.

En 1894 (p. 43 et 44), M. Dugas avait émis cette idée que si le sujet éprouvant l’impression de fausse-reconnaissance se sentait en même temps double, c’était peut-être en somme parce qu’il se dédoublait réellement : « Le sujet atteint de fausse mémoire, disait-il, a conscience de devenir autre se sent rester le même en devenant deux. Le sentiment est contradictoire et pourtant réel… C’est bien là ce qu’éprouverait une personne qui se dédouble, si au lieu de percevoir, comme il arrive d’ordinaire, le dédoublement opéré, elle le percevait au moment où il s’opère. Mais comment et pourquoi le dédoublement a-t-il lieu ? On ne sait. Peut-être vient-il à la suite d’une auto-hypnotisation spontanée. La fausse mémoire se produirait exactement au point de rencontre de l’état hypnotique et de la veille normale. » Actuellement, M. Dugas admet que l’impression est due à ce que « les opérations volontaires et mentales deviennent accidentellement l’effet d’une spontanéité machinale… » c’est-à-dire, qu’en un certain sens, les opérations du sujet ne paraissent pas seulement automatiques, mais le sont -réellement (1898, p. 503).

Ces deux hypothèses sont en somme équivalentes, puisque le dédoublement de la personnalité n’est qu’une hypothèse destinée à expliquer les actes automatiques, lorsque ces actes atteignent un certain degré de complexité. Mais il me semble que l’explication de M. Dugas repose sur une confusion due à une analogie purement verbale, et que cette impression de dédoublement n’a que de lointains rapports avec ce qu’on est convenu d’appeler [p. 47] le dédoublement de la personnalité. Le dédoublement de la personnalité n’est jamais connu du sujet que d’une façon indirecte, par l’observation d’actes qui lui paraissent plus ou moins en contradiction avec son état d’esprit, avec ses idées et sentiments actuels. Ces actes sont en réalité inconscients, et ne sont connus que par leurs résultats extérieurs ; quant aux pensées et sentiment de la seconde personnalité (si tant est que l’on doive accorder à cette personnalité hypothétique une conscience réelle) on ne voit pas comment, sans contradiction, on pourrait supposer que la première en prît directement connaissance.

D’ailleurs nous avons vu que cette impression dédoublement ne prend une forme nette que dans un nombre restreint de cas : ce qu’il y a de constant et de fondamental dans le phénomène, c’est le fait que les actes, pensées et sentiments apparaissent avec un caractère très spécial : En même temps que le sujet en a conscience, et éprouve une impression, un état émotif vague, un sentiment particulier, qui normalement n’accompagne que les états de conscience étranges, nouveaux, inattendus. C’est ce sentiment d’étrangeté, qui suivant son intensité, et suivant la plus ou moins grande complexité des états de conscience au milieu desquels il apparaît, est interprété par le sujet de diverses manières ; c’est à lui qui faut tout ramener.

Resterait à expliquer l’apparition anormale de ce sentiment dans le cas qui nous occupe. Ici, je crois que si d’une part il faut renoncer (au moins provisoirement) à toute tentative. d’explication physiologique, on risque d’autre [p. 48] part de s’égarer si l’on cherche à attribuer à cette apparition anormale des causes logiques ayant leur fondement dans les perceptions même ou les actes qu’elle accompagne : il serait plus simple d’admettre que, de même que les sentiments de dégoût, de frayeur, d’angoisse (pour ne citer que les plus fréquents) peuvent, chez certains malades apparaître brusquement, sans causes raisonnables, de même, il faut admettre que ce sentiment de dépaysement, d’étrangeté, très analogue en somme au sentiment d’étonnement, peut apparaître sans causes logiques, dans des conditions qui sont encore à déterminer.

IV

Chez A. V (Obs. 84) le phénomène de fausse reconnaissance était souvent accompagné d’une illusion consistant en ce que les objets placés devant lui semblaient s’éloigner considérablement, comme vus par Je gros bout d’une lorgnette. Cette illusion, comme les précédentes, avait été signalée par Krishaber dans la névropathie cérébrocardiaque, mais A. V est à ma connaissance le seul sujet chez qui elle se soit montrée liée avec la fausse reconnaissance. L’interprétation de cette illusion présente des difficultés insurmontables, si on veut y voir, comme l’avaient fait Krishaber et Taine pour des cas analogues la conséquence d’une « perversion sensorielle » c’est-à-dire d’un trouble d’origine physiologique, périphérique, si l’on veut alors qu’elle a au contraire le caractères d’une « illusion de l’esprit « non d’une [p. 49] illusion des sens. » Elle ne portait en effet jamais sur des parties du corps du sujet, mais seulement sur des objets extérieurs, et avec une préférence marquée pour ceux sur lesquels l’attention du sujet s’était fixée pendant un certain temps.

Cette illusion a été décrite, en dehors des phénomènes de fausse reconnaissance, mais elle est, somme toute, assez rare.

Moreau de Tours (1845 p. 70) dit l’avoir éprouvée, étant sous l’influence du haschish, notamment un jour en parcourant le passage de l’Opéra, « Il me semblait, dit-il, que le passage était d’une longueur à ne pas finir, et que l’extrémité vers laquelle je me dirigeais s’éloignait à mesure que j’avançais. J’éprouvai plusieurs fois ce genre d’illusion en parcourant les boulevards. Vue à une certaine distance, les personnes et les choses m’apparaissaient comme si je les eusse considérées par le gros bout d’une lunette d’approche ». Il faut noter que cela s’accompagnait d’une singulière illusion sur la durée du temps, dont nous aurons à parler dans le chap. VIII il semblait à l’auteur qu’il était là depuis 2 ou 3 heures, alors qu’il n’avait fait que quelques pas. Il semble bien que dans ce cas ce soit cette illusion sur la durée du temps qui ait engendré l’illusion de la vue, par suite du raisonnement suivant : « J’ai mis deux heures pour arriver seulement jusqu’au milieu du passage, l’extrémité vers laquelle je me dirige est donc encore très éloignée ». On sait que sous l’influence du haschish, toutes les idées, tous les raisonnements ont une tendance singulière et très caractéristique à apparaître au sujet sous une forme [p. 50] concrète ; rien d’étonnant donc à ce que le sujet qui a fait d’une façon inconsciente le raisonnement ci-dessus voit l’extrémité du passage, comme si elle se trouvait à une très grande distance.

Cette explication n’est évidemment pas applicable au cas de A. V., mais on peut se demander, si, chez A. V., par un mécanisme analogue l’illusion de la vue ne serait pas sous la dépendance d’une idée ou d’une impression anormale : l’impression d’éloignement, d’isolement, de fuite du monde extérieur. La filiation paraît assez nette, dans un cas rapporté par Taine (1878 p. 470-471) « Les objets, dit le malade, paraissaient se rapetisser et s’éloigner à l’infini : hommes et choses étaient à des distances incommensurables… le monde m’échappait,… je remarquais en même temps que ma voix était extrêmement éloignée de moi… Ce qu’il y avait de plus remarquable c’était le trouble visuel. En regardant dans un verre très concave, n° 2 ou 3, par exemple (j’ai la vue à peu près normale) je ressens quelque chose d’analogue, à cela près que les objets me semblaient moins petits en ce moment là. Il en est de même en regardant dans une lorgnette par le gros bout ; cette comparaison est même plus juste ; mais il faut la corriger ; ainsi je veux dire que les objets me semblaient moins petits, mais beaucoup plus éloignés.

Cette hypothèse sur l’origine de ces prétendues « perversions sensorielles » peut être encore confirmée parce fait que  l’impression de « dépersonnalisation » parait pouvoir dans certains cas engendrer de véritables hallucinations : [p. 51]

Mlle E. N. qui se présente à la consultation de la Salpêtrière pour des troubles névropathiques extrêmement variés (hystéroneurasthénie) raconte entre autres choses avoir éprouvé à plusieurs reprises l’illusion suivante : Le matin, pendant qu’elle était occupée à faire le ménage, elle voyait apparaître devant elle à trois ou quatre mètres sa propre image, tenant un balai comme elle, accomplissant exactement les mêmes actions qu’elle-même.

Cette hallucination se présentait comme l’image de la malade vue dans une glace, c’est-à-dire que le côté droit de l’image était à droite de la malade, et le côté gauche à gauche. En même temps, E. N. avait l’impression d’être comme transportée hors de son corps véritable, il lui semblait qu’elle assistait comme simple témoin au déroulement de ses propres actes, mouvements, pensées, sentiment comme elle avait assisté à ceux d’une personne étrangère, il lui semblait qu’elle n’était plus elle-même.

Le phénomène a toujours été d’assez courte durée, de 30 secondes à une minute. Souvent la vision ne faisait, suivant l’expression de la malade, que lui passer devant les yeux. D’ailleurs, dès qu’elle avait atteint une certaine intensité, la malade était prise de tremblement) et fondait en larmes.

Ici l’hallucination parait bien nettement consécutive à l’impression de dédoublement, car E. N. avait fréquemment éprouvé cette impression ayant d’avoir jamais été hallucinée. Et plusieurs fois elle l’avait éprouvée dans les mêmes circonstances, exactement, c’est-à-dire le matin en faisant le ménage, jamais d’autre part elle n’a vu l’hallucination sans éprouver l’impression. [p. 52]

CHAPITRE V

CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE LA FAUSSE
RECONNAISSANCE, COMPLICATIONS ET PRONOSTIC.

On imagine sans peine à quelle singulière conception de l’existence la fausse reconnaissance, pour peu qu’elle se renouvelle fréquemment, pourra conduire le malade qui en est dupe.

Une conséquence assez inattendue de la fausse reconnaissance est que dans certains cas, elle entraînera de la part du sujet la négation plus ou moins formelle du fait sur lequel elle porte :

Ils seront surtout portés à contester l’exactitude d’une nouvelle si elle leur est annoncée dans de telles conditions : tel, par exemple, un des malades de Sander (obs. 8 ) Il était couché lorsqu’on vint lui dire : « Muller est mort ! » « Muller est mort ! répondit-il, Seigneur Jésus ! Mais il ne peut pas être mort une seconde fois ! » II lui semblait en effet qu’il avait déjà vécu la même situation et que la même nouvelle lui avait été annoncée dans les mêmes circonstances.

Chez le malade deM. Arnaud (obs. 36) Cette idée venait renforcer dans certains- cas les idées de persécution : [p. 53]

« J’ai suivi jour par jour mon séjour précédent dans cet établissement, écrivait-il à son frère,… Vous m’y avez envoyé les mêmes fausses nouvelles : la mort de Mlle X, le mariage de Mlle Z. Je ne puis écrire à Mme X, ne sachant pas exactement si c’est vrai ou faux. Il me semble pourtant bien que c’est faux, puisque je suis sûr d’avoir lu la même chose l’an dernier, ainsi que le mariage de Mlle B. J’ai beau avoir la tête malade, il y a des choses qui se fixent, et celles-là en sont, je n’écrirai pas à Mme X, malgré la parfaite occasion que me donne la pseudo-mort de sa fille. J’agirai exactement de la même façon que la première fois, et je suis sûr de ne pas lui avoir écrit l’an dernier.

II

Nous avons vu que certaines personnes, parfaitement saines d’esprit d’ailleurs avaient tendance à admettre que les faits qu’elles reconnaissaient, elles les avaient déjà vécu « dans une autre existence ». Les explications que formulent les aliénés sont moins métaphysiques : Les uns admettent, comme celui de l’observation 9 qu’il vivent une « vie double » c’est-à-dire partagée, en périodes récurrentes formées d’éléments identiques et s’écoulant par exemple, la première pendant la nuit, et la seconde pendant le jour ; d’autres que ce sont seulement certain évènements, certaines périodes de leur vie qui recommencent : Il est fréquent alors que le malade se croie interné pour la deuxième fois (cf. les obs. 2. 9 et 17). [p. 54 Nous avons vu par suite de quel mécanisme le malade de M. Arnaud en était arrivé à croire qu’il était interné pour la troisième fois,

Dès lors, pour peu que le malade soit ami de la logique, sa chronologie sera complètement bouleversée :

En 1894, le malade de M. Arnaud se croyait en 1895 parce que tous les journaux qu’on lui donnait, et qu’il lui semblait avoir déjà lus un an auparavant, portaient la date de 1894 (obs. 36). De même, le malade de Forel (obs. 17), datait obstinément ses lettres de 1880 au lieu de 1879.

Ces conceptions délirantes peuvent se compliquer encore en s’amalgamant avec des éléments empruntés au délire fondamental du malade. C’est ainsi qu’un malade de Forel, atteint de délire de persécution (obs. 17) prétendait avoir fait à l’asile un premier séjour identique au séjour actuel, mais à la suite duquel on l’avait abruti pour lui voler le souvenir de ce qui s’était passé si bien qu’il ne se l’était rappelé qu’en voyant les mêmes évènements se reproduire.

III

Certaines personnes, ne pouvant se, résoudre à admettre que le même fait se soit déjà passé déjà une fois intérieurement, pensent qu’il est réellement nouveau, mais qu’elles en ont eu antérieurement une représentation mentale, soit en rêve, soit. Ailleurs ; eu un mot, qu’elles l’ont prévu. [p. 55]

Toute prévision réelle implique forcément deux phases : 1° la représentation subjective d’un évènement à venir ; 2° la réalisation de cet évènement. Si l’on met à part les pressentiments qui sont surtout des phénomènes émotifs, et les prévisions scientifiques, on voit que dans la plupart des cas la représentation subjective constituant la première phase ne présente sur le moment pour le sujet aucun caractère spécial qui permette de la différencier d’une construction quelconque de l’imagination, et elle passerait presqu’inaperçue, serait oubliée, si la deuxième phase ne venait en réveiller le souvenir. Affirmer qu’un fait a et prévu, c’est en somme le plus souvent affirmer simplement qu’au moment où le fait s’est produit ; il a été reconnu comme ayant existé déjà antérieurement à l’état de création subjective. Pour la plupart des gens, la preuve unique et suffisante de la prévision consistera en un phénomène de reconnaissance. On peut donc imaginer a priori des cas ou une fausse reconnaissance ferait croire à l’existence la réalisation d’une prévision, et le récit suivant n’a rien qui puisse surprendre : « Dans tous les cas de paramnésie que j’ai éprouvés… je reconnaissais les circonstances actuelles comme une possibilité déjà prévue, et non comme un passé déjà vécu. Dans un moment de ma vie antérieure, semblait-il, j’avais imaginé un ensemble de sensations possédant une saveur spéciale, ensemble que j’avais totalement oublié, et qui se reproduisait aujourd’hui. Mais à quel moment de ma vie j’avais eu cette prévision, et si en imaginant jadis cet ensemble de sensations j’avais eu conscience qu’elles se produiraient un jour bref, si elles avaient été conçues comme possibles ou [p. 56] comme futures, l’idée de le chercher ne m’est jamais venue au moment de la paramnésie. Je sentais seulement que j’avais dû prévoir, puisque je reconnaissais. » (obs. 39).

La plupart de ceux qui sont dupes d’une telle illusion, croient que c’est dans un rêve qu’a eu lieu la première perception ; c’est ainsi que certaines personnes affirment n’avoir pas de paramnésies, « mais souvent, au cours de la conversation elles ajoutent d’elles-mêmes qu’elles reconnaissent tel paysage, ou tel spectacle, « parce qu’elles l’ont déjà vu dans un rêve. » Il me semble que ces gens-là sont sujets à la paramnésie tout à fait comme les autres : mais qu’ayant l’imagination plus vive et l’esprit plus actif, ils ont inconsciemment inventé une explication pour la fausse mémoire qui les choquait. « Je croierais volontiers que cette interprétation est surtout fréquente de la part des personnes qui n’ont éprouvé de fausses reconnaissances que dans leur enfance, ou, en tous cas, trop rarement pour s’y être habituées. Presque toutes les personnes qui, comme B. E…, ne les ont observé qu’un très petit nombre de fois, se disent comme lui immédiatement : Comment se fait-il que j’aie déjà rêvé cette même situation où je me trouve actuellement. » A. R. entre un soir dans une boulangerie avec des amis ; « à peine installé, dit-il, j’ai l’impression très vive, violente même, que j’ai déjà vu toute la scène, et que ce doit être en rêve, la nuit précédente, ou l’autre… » Shelley, dans ses mémoires, raconte le fait suivant : « Je me promenais avec un ami dans les environs d’Oxford. Tous deux absorbés par une conversation intéressante et animée. Au [p. 57] détour d’une allée, un tableau jusqu’alors caché par les plis du terrain et par un repli de hautes haies, s’offre tout à coup à nos yeux. Un moulin à vent au milieu d’une prairie close de murs, et entourée de plusieurs autres herbages ; entre les murs de l’enclos et la route que nous suivions, un terrain irrégulier, tourmenté, aux lignes abruptes ; une longue colline basse derrière le moulin ; un rideau de nuages gris uniformément répandu sur le ciel. »

« C’était le soir. Nous étions à cette saison où l’hiver commence déjà, où la dernière feuille tombe des bouleaux dépouillés.

« Rien de plus ordinaire à coup sûr que ce spectacle, dans ses détails et dans son ensemble. Ni l’heure, ni la saison n’étaient de celles qui devaient, ce semble du moins, déchaîner subitement les orages de la pensée.

« Cet assemblage insignifiant d’objets vulgaires ne pouvaient faire songer qu’à une paisible continuation de l’entretien commencé à une soirée finie au coin du feu, entre quelques bouteilles de vin et quelques conserves de fruits.

« Cependant l’effet produit en moi fut immense et prompt comme la foudre. Je me rappelai avoir vu, en rêve et bien longtemps aussi avant, ce site exactement reproduit. Le frisson me prit, une sorte d’horreur s’empara de moi… Je dus quitter aussitôt la place. »

D’autres fois. cette localisation dans un rêve supposé au lieu d’être ainsi spontanée, immédiate, se présente comme une hypothèse que le sujet adopte « en désespoir de cause » ne pouvant arriver à localiser dans la vie réelle la première perception à l’existence de laquelle il [p. 58] lui est impossible de ne pas croire. Tel est le cas de Bo…, rapporté par M. Lalande (obs. 22).

Bo… est un jour frappé de fausse reconnaissance au moment où une femme passe dans la rue. Il cherche ensuite à se rappeler où il a pu rencontrer déjà cette femme : « J’y ai songé toute la journée, dit-il, avec un sentiment très pénible qui s’est renouvelé plusieurs fois pendant un mois. Depuis, en songeant, je pense l’avoir vue en rêve, car je suis absolument sûr que je la rencontrais ce jour-là pour la première fois ». La plupart comprennent parfaitement leur erreur dès qu’ils ont entendu parler de la fausse reconnaissance. Mais chez d’autres, cette interprétation erronée du phénomène est difficile ou même impossible à réaliser, le plus souvent sans doute parce qu’elle date de leur enfance. Ils persistent obstinément à prendre des cas de paramnésie pour des cas de prévisions réalisées de point en point.

Souvent d’ailleurs des souvenirs inexacts venant se cristalliser autour de cette conception fausse d’un rêve réalisé, il en résulte des récits plus ou moins fantastiques dans lesquels le sujet racontera quelquefois les circonstances mêmes du prétendu rêve. A. A… nous raconte ainsi qu’à l’âge de neuf ans, il rêva qu’il lisait dans un ouvrage, qu’il voyait nettement des vers latins dont il ignorait le sens, étant à cette époque dans une ignorance absolue de cette langue… Il lut ainsi plusieurs pages et retint un ou deux fragments. Le lendemain, il trouva par hasard dans une armoire un livre qu’il n’avait jamais vu : c’étaient les œuvres de Virgile. L’ayant ouvert, il vit avec surprise que [p. 59] les pages constituant le début de l’Enéide étaient absolument identiques à celles qu’il avait lues en rêve la nuit précédente, A. A. est absolument certain de n’avoir jamais vu ce livre antérieurement au rêve. Il nie également que le rêve ait été une construction spontanément édifié à l’occasion d’une fausse reconnaissance survenue lors de la lecture réelle.

C. F. ayant eu connaissance de mon questionnaire m’envoya la réponse suivante, très caractéristique : « Il m’est arrivé à l’état de veille, et sans que je le sollicite en aucune façon, d’avoir comme l’image d’un fait qui ne s’était jamais produit. Presque toujours cette image devenait pour moi une réalité ; après un intervalle de temps plus ou moins long, j’assistais réellement au fait que j’avais vu jadis en imagination. La similitude entre l’image passée et la perception présente était parfaite. Les paroles que j’avais prêtées illusoirement à une personne, m’étaient répétées par elle-même, avec les mêmes gestes, la même intonation… »

Une illusion bien étrange à première vue, mais qui n’est pas sans rapports avec la précédente, vient quelquefois se greffer sur la fausse reconnaissance : le sujet, non-seulement reconnaît les faits, mais encore, croit en prévoir la suite. M. Lalande, (1893 p. 487) considère ce phénomène comme rare ; Il est cependant signalé par un petit nombre de sujets mais sous des formes assez différentes, et précisément ces différences permettent d’analyser ce phénomène, qui se rattache en réalité assez étroitement au précédent. [p. 60]

Rappelons-nous en effet la phrase si caractéristique citée plus haut : « Je sentais seulement que j’avais dû prévoir, puisque je reconnaissais » (obs. 39. Si nous supposons que la date de cette prévision illusoire, au lieu d’être reportée dans un passé indéterminé, apparaisse au sujet comme toute récente, comme coïncidant avec le début de la fausse reconnaissance, le sujet pourra parfaitement croire que, en même temps qu’il reconnaissait les évènements, il en prévoyait la suite ; quelques-unes d’ailleurs exposent parfaitement eux-mêmes ce mécanisme : « Je n’ai jamais eu réellement, dit C. L. (p. 215), le sentiment que je savais ce qui allait arriver, ce qui allait être dit. Mais quand les mots étaient prononcés je trouvais qu’ils étaient semblables à ceux que j’entendais. » L’illusion est peut-être d’ailleurs quelquefois rendue plus complète par ce fait que cette fausse reconnaissance de la suite des évènements peut être en somme réellement prévue : « Je crois, dit A. Q. prévoir très nettement les impressions que je vais éprouver : c’est comme la suite d’un rêve que je connais bien ; mais voici ce qui se passe en réalité ; je suis dans la rue, je reconnais ce groupement de maisons, d’hommes, de couleurs, de mouvements dont l’ensemble me donne une impression de « déjà vu » je comprends alors que je suis dupe d’une fausse reconnaissance et je sais que les impressions qui vont se succéder, je les reconnaîtrai, que ce qui va être dit ou fait autour de moi, je l’aurais déjà entendu ou vu. » En somme, le sujet croyant se rappeler le fait actuel, se croit sur le point de se rappeler également ce qui va arriver ; il croit se le rappeler « comme on se [p. 61] rappelle dit S … (Lalande 1893 p. 488) un mot qui est sur le bord de la mémoire. »

D’une part donc, le sujet, en reconnaissant une scène, a souvent l’illusion qu’il va en prévoir la suite, et d’autre part, quand celle suite arrive, il peut avoir, (si la fausse reconnaissance a continué) l’Iillusion qui l’a prévue : c’est ce qu’analyse parfaitement Gr… Quand, dit-il, j’éprouve cette double mémoire, ce qui m’arrive fréquemment, il me semble toujours que je vais prévoir la suite, mais je ne pourrais pas l’annoncer réellement. Cependant, dès que les évènements se produisent, ils me semblent également être déjà connus. (obs. 25). Voilà qui suffit amplement à expliquer tous les récits de prétendue prévision accompagnant la fausse reconnaissance, le sujet qui, au lieu de rectifier cette double illusion comme le fait Gr…, en est pour une raison ou pour une autre, complètement dupe racontera de très bonne foi qu’il avait prévu les évènements quelques instants à l’avance, et rétablissant par la pensée ce qui lui parait être l’ordre logique des faits, fera un de ces récits qui ont si fort embarrassé quelques psychologues, et dont voici le type : « Il était deux heures du matin, je jouais aux cartes ; c’était une partie de poker qui durait depuis longtemps déjà. Un de mes partenaires joue et dit : « cinq plus cinq ». A ce moment, malgré la banalité de la formule, je sens subitement que je la lui ai déjà entendu prononcer, assistant au même coup, au même endroit, avec tout le consensus total des mêmes sensations. Un autre joueur réplique : « tenu plus cinq ». L’impression que je ressentais s’accentue, et je prévois, avec un sentiment d’angoisse que [p. 62] le troisième partenaire va répondre : « Ah ! il a le full des as ! » précisément avec le ton, le timbre de voix et l’expression que j’avais imaginés. (obs. 29).

Etant donnée l’existence de ces interprétations étranges pouvant se produire chez des gens parfaitement sains d’esprit on sera surpris, à la lecture des observations de sujets aliénés atteints de fausse reconnaissance, de voir combien peu d’influence ce phénomène a eu sur l’évolution de leur délire.

La plupart (observ. 16) interprètent le phénomène dans le sens de leur délire, comme ils interprètent les phénomènes normaux ; les évènements extérieurs, mal sans que cela donne au délire une allure spéciale. Lorsque la fausse reconnaissance se produit d’une façon assez fréquente et assez intense pour passer au premier plan des symptômes (obs. 36) elle semble pour ainsi dire constituer un délire à part, se mêle peu aux autres conceptions erronées.

Au point de vue du pronostic, on peut dire que la présence du symptôme fausse reconnaissance n’aggrave pas le délire.

Quant à la gravité de ce symptôme, quand il est isolé, presque tout le monde est d’accord pour la considérer comme faible : Des personnes d’une intelligence et d’une activité au-dessus de la moyenne, peuvent y être sujettes de façon presque continue, sans en être pour ainsi dire incommodées, Dans les cas, peu nombreux où le phénomène [p. 63] est apparu manifestement à la suite de surmenage, ou d’infection, le pronostic se tirera beaucoup plus de l’état général (physique et intellectuel) du sujet, que des caractères du phénomène lui-même.

CHAPITRE VI

DIAGNOSTIC.

« La fausse mémoire. dit M. Dugas (1894 p. 40) est une erreur totale, incompréhensible pour celui qu’il l’éprouve, et que la réflexion ne peut corriger ni réduire. » On peut donc poser avec certitude le diagnostic de fausse reconnaissance, lorsque, étant donné un état de conscience que l’on a toutes les raisons logiques de croire nouveau, ce sujet sent, quelle que soit l’évidence de ces raisons, qu’il ressent cet état de conscience pour la seconde fois,

Mais les choses ne se présentent pas toujours avec une pareille netteté.

I. — Il n’est d’abord pas toujours invraisemblable que l’évènement actuel ne soit que la répétition d’un évènement antérieur. M. Zola notamment nous dit que dans tous les cas dont il a gardé le souvenir, il n’y avait jamais impossibilité absolue. Dans des cas de ce genre, nous ne pouvons faire le diagnostic qu’en nous fondant sur le fait de la vivacité et la spontanéité de l’impression, tout à fait en désaccord avec la banalité des circonstances.

En effet, comme je le fais remarquer, il y a des faits [p. 65] qui se répètent tous les jours, dans les mêmes circonstances, et cependant nous n’éprouvons à l’occasion de ce faits aucune impression spéciale. La présence d’une impression spéciale de connaissance produisant à l’occasion de faits de ce genre, permettra d’affirmer qu’il y a fausse reconnaissance.

Ce sera donc, dans une certaine mesure, le sujet lui-même, qui fera le diagnostic, et l’on peut-être à peu près certain qu’il ne trompera pas, si c’est un sujet ayant eu déjà à plusieurs reprises des cas de fausse-reconnaissance nets.

II. — Il est en tout cas beaucoup plus rare de voir un pareil sujet prendre pour fausse-reconnaissance, ce qui n’en est pas, que d’observer le cas contraire, c’est-à-dire on sujet peu accoutumé au phénomène, (ou simplement mauvais observateur) méconnaître une fausse reconnaissance réelle, et la prendre pour tout autre chose, pour une prévision réalisée par exemple (cf. chap. V). Tels sont par exemple les cas de A. A. et de C. F. cités au chapitre précédent.

Les prétendues prévisions réalisées identiquement de point en point sont presque toujours de fausses reconnaissances méconnues.

III. – C’est en somme l’aspect de reproduction identique qui constitue le meilleur criterium permettant de reconnaître si l’on a affaire à une fausse reconnaissance, ou à une simple erreur de mémoire, mais il est indispensable de se rendre compte de ce que les sujets considèrent comme reproduction identique.

Envisageons par exemple une fausse reconnaissance de [p. 66] durée très courte, et survenue pendant que le sujet était absorbé, soit par une lecture (obs. 40) soit par une conversation ou par ses propres réflexions. Si nous lui disons : « Vous avez cru reconnaître le passage que vous lisiez : la phrase que vous disiez, vos propres pensées… Mais reconnaissez-vous en même temps les circonstances extérieures ? » Le sujet répondra sans doute. « Non, je ne reconnaissais pas les circonstances extérieures » sans me rendre compte qu’à l’instant précis (si fugitif) ou se produisait le phénomène, il n’y avait pas de circonstances extérieures. Toute sa pensée se trouvant concentrée sur un seul objet. Au moment où son attention se reportera sur le monde extérieur, il y aura bien des chances pour que l’impression se soit déjà dissipée. C’est à une distinction que A. C. a parfaitement exposée dans son auto-observation (obs. 40).

IV. — Quelques auteurs, W. H. Burnham, entre autres (1889, p. 444) ont considéré comme rêves s’accompagnant de fausse reconnaissance des cas se présentant ainsi : Le sujet, rêve qu’il se trouve dans un lieu qui lui est en réalité inconnu, avec des gens qu’il n’a en réalité jamais vus et cependant, tant que dure le rêve, il ne se sent nullement dépaysé, il est aussi familier avec les circonstances, les lieux et les gens que s’ils appartenaient à sa vie de chaque jour. « Je me rappelle, raconte un élève de Burnham, qu’une fois, en rêve, j’entrai chez un bouquiniste. Le lieu m’était tout à fait familier ; et j’y passai quelque temps à regarder des livres, et à causer avec des personnes que je connaissais. A mon réveil, je me rendis compte que je n’étais jamais allé dans une semblable [p. 67] boutique. Pendant le rêve, je ne la reconnaissais pas comme un endroit nouveau dont je me souvenais, ce ne fut qu’à mon réveil. » Je traduis presque mot à mot la dernière phrase, de peur d’en dénaturer le sens. Elle est obscure, mais signifie simplement que pendant le rêve le sujet n’avait pas l’impression de fausse reconnaissance : ce rêve, est tout à fait du même genre que le suivant : « Je me souviens qu’avant de partir pour un long voyage dans lequel je devais faire la connaissance de personnes dont j’avais souvent entendu parler, dont je connaissais la vie, j’ai rêvé que je me trouvais dans ce pays, le paysage me semblait familier. Je me trouvais au milieu de ces personnes inconnues, qui pourtant me semblaient familières. Mais en somme j’avais l’impression que je continuais une vie qui était la mienne, et non celle de repasser par un état déjà vécu. » Il suffit de réfléchir un peu pour se rendre compte que ce genre de rêves n’a rien d’exceptionnel : Il montre simplement que nous avons toujours (ou presque toujours) en rêve les sentiments en rapport avec la situation où nous croyons être. Si je rêve que j’arrive en Chine pour la première fois, je ne me sentirai désorienté. Si je rêve que je suis en Chine depuis longtemps, tout ce qui m’entoure me paraîtra familier. Chacun de nous a dû faire bien souvent des rêves de ce genre, ils n’ont rien de commun avec la fausse reconnaissance (6).

Pour que l’on puisse porter le diagnostic de fausse reconnaissance, il est indispensable que le sujet ait [p. 68] reconnu telle ou telle partie de son rêve, sur le moment même.

Dès lors la seule difficulté est de savoir si le sujet n’a pas rêvé réellement pendant une nuit précédente, ce qu’il croit reconnaître. — Voici il me semble la loi que l’on pour ait énoncer :

Si le sujet dit avoir reconnu l’ensemble du rêve, non les détails, ce n’est pas une fausse reconnaissance, il y a réellement eu deux rêves analogues et semblables ; — c’est un fait qui n’est point rare en particulier chez les enfants.

Si au contraire la reconnaissance a porté seulement sur une partie du rêve, nettement découpée dans le temps et si d’autre part, elle s’est étendue jusqu’à des détails infimes, très probablement, c’est une fausse reconnaissance. [p. 69]

CHAPITRE VI

ÉTIOLOGIE

Il est bien difficile, en lisant les auteurs, de se faire une idée exacte de la fréquence de la fausse reconnaissance chez les sujets normaux.

Wigan dit que, de toutes les personnes qu’il a interrogées il n’en est certainement pas une qui n’ait ressenti cette impression (1844, p. 84). Evidemment, il est tombé « sur une série ».

Burnham (1889, p. 431) estime approximativement à 500/0 la proportion des personnes qui y sont sujettes. Mais Burnham admet comme fausses reconnaissances bien caractérisées des faits dont le diagnostic est au moins douteux.

Lalande (1893) croit devoir réduire cette proportion de 300/0.

Malgré mon désir, il m’a été absolument impossible d’établir une statistique un peu précise,

J’ai, dans l’espoir de me procurer des observations, interrogé, soit directement, soit par l’intermédiaire de mes amis, 500 personnes environ, toutes suffisamment instruites et intelligentes pour comprendre le sens de la [p. 70] question, et pour la plupart âgées de moins de 35 ans ; il y en a largement la moitié qui ont affirmé qu’elles connaissaient les phénomènes par expérience.

D’autre part, pendant deux mois à la consultation de mon regretté maître, le docteur Auguste Voisin, à la Salpêtrière, j’ai interrogé indistinctement tous les malades à qui leur état de santé physique et mentale permettait de répondre. Mais là, je me suis heurté à des difficulté insurmontables. Sauf de rares exceptions, ces malades ne comprenaient pas que ce n’était pas sur leur maladie qu’ils étaient interrogés, et faisaient des réponses incohérentes. Aussi, sur une soixantaine de sujets, n’en ai-je pas trouvé six dont on put affirmer qu’ils connussent le phénomène.

Néanmoins, mon impression générale est que, quoique un peu faible peut-être, le chiffre proposé par Lalande, est celui qui se rapproche le plus de la vérité.

Le sexe, la race, la condition sociale, paraissent absolument sans influence, mais il n’en est pas de même de l’âge.

Wigan et Lalande considèrent la fausse reconnaissance comme beaucoup plus fréquente chez les enfants que chez les adultes. C’est une assertion que je crois exacte, mais qu’il est à peu près impossible de vérifier. Il est seulement certain que le plus souvent le phénomène se manifeste pour la première fois antérieurement à la puberté.

Sur 26 personnes qui ont répondu avec quelque précision à la 3e question, 2 pensent avoir observé le phénomène dès l’âge de 6 ans, 2 pour la première fois vers 8 ans. 1 vers 9 ans, 2 vers 10 ans, 4 vers 12 ans, 3 vers 15 ans. Soit 14 personnes à 15 ans, ou au-dessous. 2 vers 16 [p. 71] ans, 1 vers 17 ans, 3 vers 18, 2 avant 20 ans. Soit en tout 22 personnes qui l’ont observé avant d’avoir dépassé la 21e année. On peut donc légitimement considérer comme exceptionnelles les 4 personnes restantes qui ne l’avaient pas observé avant 29 et 30 ans. .

Plusieurs sujets disent que la plus grande fréquence a coïncidé plus ou moins exactement avec la puberté. Il semble que ce soit une loi assez générale, mais nullement absolue.

L’influence de la fatigue, physique ou intellectuelle sur l’apparition du phénomène, a été admise par la plupart des auteurs : « L’illusion, disait déjà Wigan (1845, p. 85) survient seulement quand l’esprit a été épuisé par une excitation, ou est languissant par suite d’une indisposition ou pour tout autre cause. » Selon Havelock Ellis (1897,p. 285) la fausse reconnaissance ne se produirait jamais que quand le cerveau se trouve dans un état d’épuisement et d’anémie cérébrale occasionnant une notable faiblesse mentale ; Elle se rencontrerait surtout chez les individus chloro-anémiques ou surmenés. Le meilleur exemple que l’on puisse citer à l’appui de cette thèse est la célèbre auto observation de Wigan lui-même (obs. 1).

Wigan était incontestablement surmené lorsque, à l’enterrement de la princesse Charlotte, il ressentit d’une façon si violente cette impression inattendue : il avait passé plusieurs mauvaises nuits, et la dernière nuit, il n’avait pas reposé du tout, il était en outre épuisé par l’affliction, le manque de nourriture, et le fait d’être resté debout pendant 4 heures.

Nous trouvons en outre deux cas où le symptôme} a pris [p. 72] un caractère inquiétant à la suite de surmenage chronique : Ce sont les observations de Ferel et d’Anjel, Dans cette dernière, l’étiologie, est particulièrement nette puisque le malade semble n’avoir jamais eu de fausses reconnaissances avant la période de surmenage, et n’en avait plus eu après.

Mais il semble que ce soit là des cas exceptionnels ; il résulte de mon enquête personnelle que 7 ou 8 personne seulement, pensent qu’en général, un certain état de dépression physique intellectuelle, ou une certaine fatigue favorise l’apparition du phénomène et encore s’agit-il chez eux d’un étal passager et peu profond, nullement comparable à celui où se trouvait Wigan, car un seul, B. G., (obs. 51) prononce le mot de surmenage. 37 autres, ou bien n’ont rien remarqué ou bien nient formellement toute liaison entre la fausse reconnaissance et la fatigue.

L’influence des intoxications, aiguës ou chroniques. (Acool, opium, etc.) paraît sensiblement nulle, celle des infections est, sinon douteuse, du moins irrégulière : aucun de nos correspondants n’a dit avoir observé le phénomène dans le cours, ou la convalescence d’une maladie. Dans certains cas, néanmoins, (obs. 36) l’infection paraît avoir favorisé indirectement l’apparition du symptôme, en créant un état de dépression mentale,

On pourrait penser également que l’état émotionnel du sujet eut une certaine influence : il n’en est rien :

Sans doute un ou deux cas nous ont été rapportés où les sujets se trouvaient dans une situation grave, c’est-à-dire dans un état évident de tension émotionnelle. Mais il semble que ce soit là un jeu du hasard, les mêmes [p. 73] personnes ayant eu un grand nombre d’autres accès dans les circonstances les plus banales de la vie quotidienne.

L’Epilepsie parait avoir une influence assez nulle [rare] sur le phénomène, du moins, ai-je pu réunir six observations où l’on observe un parallélisme marqué entre les manifestations de cette névrose et l’apparition de l’illusion. (obs. 3, 7, 8, 18, 19, et 22).

L’observation due à Huglings Jackson est particulièrement remarquable, parce que la fausse reconnaissance y apparaît comme un aura précédant l’accès.

Il ne faudrait pas en tout cas exagérer l’importance du rapport que je viens de signaler : Sur 98 épileptiques interrogés à la Salpêtrière dans les services de M. Jules Voisin et Auguste Voisin, et choisis parmi ceux que je jugeais assez intelligents pour comprendre mes questions, aucun n’a paru connaître le phénomène. On pourrait donc, en se fixant à cette statistique soutenir que la fausse reconnaissance est plus rare chez les épileptiques que chez les sujets normaux.

Des enquêtes que j’ai faites à la consultation de la Salpêtrière, il résulterait également que la fausse reconnaissance n’est pas plus fréquente chez les sujets communément appelés névropathes (neurasthéniques, hystériques, déséquilibrés de toutes sortes sans déliré systématisé) que chez les sujets normaux.

On remarquera que les quelques vésaniques proprement dits dont les observations sont signalées dans le présent travail sont tous des malades atteints de délire de persécution. Malheureusement ces observations ne sont point assez détaillées pour que l’on puisse juger s’il s’agit [p. 74] de délire chronique à évolution systématique. Il faut excepter cependant l’observation de M. Arnaud dont le malade est manifestement un dégénéré atteint d’idées de persécution.

De nouvelles observations mettraient peut-être en lumière des rapports intéressants entre la fausse reconnaissance et les diverses formes d’aliénation mentale.

Ce serait d’autant plus intéressant qu’en somme nous sommes obligés d’avouer qu’actuellement nous ne savons rien, ou à peu près rien de l’étiologie de ce curieux phénomène.

Et l’on conçoit facilement combien cette absence de données étiologiques complique l’étude de sa pathogénie et de son mécanisme. [p. 75]

CHAPITRE VIII

INTERPRÉTATION DU PHENOMENE DE FAUSSE-RECONNAISSANCE.

Le caractère éminemment inquiétant des phénomènes de fausse-reconnaissance peut faire penser a priori que les anciens, s’ils les connurent, durent rattacher des idées superstitieuses, et en faire le soutien de croyances religieuses ou métaphysiques, telles par exemple que la croyance à une existence antérieure. Malheureusement, nous n’avons sur ce point aucun document précis ; on sait que les pythagoriciens affirmaient qu’il était arrivé à leur maître de se rappeler dans le cours de sa vie des souvenirs datant d’avant sa dernière incarnation. Saint-Augustin prit la peine de réfuter ces affirmations en disant qu’il ne s’agissait pas là de souvenirs véritable mais de faux souvenirs (falsas memorias)… suscités par le diable, pour tromper le pauvre genre humain (7). Quelques vagues que soient ces allusions, il semble qu’elle puissent se rapporter à la fausse-reconnaissance. Quoi [p. 76] qu’il en soit d’ailleurs, la doctrine de la transmigration aurait été insuffisante à expliquer la fausse-reconnaissance. Il aurait fallu comme le fait remarquer M. Lalande (1893, p. 493) admettre avec Héraclite et les Stoïciens le renouvellement intégral du monde, et la grande période éternelle dont parle Virgile : « Alter erit tum Tiphys et altera quæ vehat Argo delectes heroas. »

Les psychologues modernes ont proposé un grand nombre d’interprétation. Beaucoup d’entre eux ont considéré la fausse-reconnaissance comme un jugement faux, c’est-à-dire comme une interprétation erronée de données d’ailleurs normales de la conscience ; d’autres ont voulu l’expliquer par des hypothèses anatomo-physiologiques et quelques-uns par la télépathie, tandis que la grande majorité s’efforçait d’analyser le mécanisme même de la reconnaissance normale, afin de déterminer en quelle manière son fonctionnement pouvait être troublé.

I

On peut ranger dans une première catégorie les explications qui consistent à nier purement et simplement l’existence de la fausse-reconnaissance en tant que phénomène psychologique spécial : leurs auteurs font de la [p. 77] fausse-reconnaissance une erreur, un jugement faux, elle n’implique selon eux aucun dérangement dans le mécanisme même de la reconnaissance, mais seulement, de la part du sujet, une interprétation erronée des données qui lui sont fournies par ce mécanisme. Toutes se fondent en principe sur ce fait que chez l’homme adulte, ou même chez l’adolescent, il serait bien difficile, probablement même impossible, de constater une perception absolument nouvelle.

M. Lapie (1893, p. 351 et 352) pense que la fausse reconnaissance se produit lorsque par hasard se réalisent des combinaisons formées par la rêverie ou le rêve : « pourquoi, dit-il, parmi toutes ces combinaisons imaginaires, quelques-unes ne se rencontreraient elles pas avec la réalité ? Pourquoi certains rêves ne seraient-ils pas vérifiés par la veille ?… Certains faits imaginaires sont devenus des faits historiques. Tel détail de Germinal inconnu des mineurs de Montceau-les-Mines, semble le récit anticipé du meurtre de l’ingénieur Watrin… Les paramnésies sont, au sens strict de l’expression des hallucination vraies, ou plutôt, ce sont des illusions qui deviennent vraies. »

Il est inutile, je crois, d’insister longuement sur cette théorie : jamais les rêves, jamais les rêveries, ne se réalisent de point en point, avec une exactitude dans le moindres détails suffisants pour donner au sujet cette impression d’identité absolue ressentie constamment dans la fausse reconnaissance. D’ailleurs, pour expliquer le retour de pareils phénomènes avec une fréquence aussi grande que celle qu’ils affectent chez certaines personnes [p. 78] (M. P. Bourget, par exemple) ; il faudrait invoquer autre chose qu’un pur jeu du hasard : un véritable don prophétique.

D’après M. Bourdon (1893, p. 630 et 631), « la fausse reconnaissance dépendrait principalement de deux conditions : 1° on reconnaît quelquefois ce qui n’est que semblable, et même que peu semblable, à quelque chose d’antérieurement perçu ; 2° on tend à reconnaître ce qui provoque l’attention, ce qui est intéressant, ce qui, pour des raisons inexplicables, par suite d’un état physiologique momentané, est plus fortement perçu que le reste. »

La deuxième proposition tend à rien moins qu’à raire de la reconnaissance une conséquence de l’attention, alors qu’il est d’observation courante au contraire que l’attention facilite la discrimination et tend en général à rectifier les erreurs de mémoire.

Quant à la première, d’une part, elle est en contradiction manifeste avec certaines observations où les sujets racontent avoir reconnu une situation, alors qu’il était matériellement impossible qu’ils se fussent trouvés auparavant dans une situation analogue, et d’autre part, elle tend à confondre avec la fausse reconnaissance des états qui n’ont avec elle aucun rapport, même au point de vue subjectif.

Voici une pièce où je me trouve tous les jours ; trouvais hier, et où je me suis trouvé presque tous les jours depuis longtemps. Entre la disposition des meubles, l’éclairage, la température d’aujourd’hui et d’hier, je ne trouve pas de différences sensibles. Mon état d’esprit est aussi le [p. 79] même ;  c’est le même entrain à me remettre au travail après une nuit de repos. Bref, même en cherchant bien, je ne trouve aucune différence appréciable entre la situation d’aujourd’hui et celle d’hier. En réalité je me trompe, des différences existent certainement, mais elles sont trop faibles pour que je m’en rende compte nettement, ou bien je ne les voyais pas quoiqu’elles soient relativement considérables, parce que je me rappelle mal mon état d’hier. En un mot, je prends l’analogue pour l’identique, et cependant, cette erreur n’a au point de vue subjectif, rien qui se puisse comparer à la fausse reconnaissance. Si la fausse reconnaissance n’était qu’un jugement inexact de ce genre, elle n’impressionnerait guère les sujets, et les observations qu’on a recueillies n’auraient probablement pas été jugées dignes d’être publiées.

Sander a proposé une explication, qui n’est en somme que la précédente, exposée sous une forme un peu plus compliquée, et M. Ribot, sans paraître connaître celle de Sander en propose une à peu près identique, comme pouvant « suffire pour les cas très simples » (1881, p. 150).

« L’impression reçue, dit-il, évoque dans notre passé des impressions analogues, vagues, confuses, à peine entrevues, mais qui suffisent à faire croire quel état nouveau en est la répétition. Il y a un fond de ressemblance rapidement senti, entre deux états de conscience, qui pousse à les identifier. C’est une erreur, mais elle n’est que partielle, parce qu’il y a, en effet, dans notre passé quelque chose qui ressemble à une première expérience. » Il est évident que les « cas très simples » que ce mécanisme suffit à expliquer, ne sont pas des cas de fausse [p. 80] reconnaissance, dans le sens restreint que nous avons cru devoir donner à ce mot.

Il n’y aurait donc pas lieu d’insister autrement sur cette hypothèse, si elle n’en contenait en puissance une autre beaucoup plus spécieuse, et que l’on peut énoncer ainsi :

L’impression fausse de reconnaissance est due à ce que l’état émotionnel accompagnant la représentation actuelle, est identique à celui qui est associé à une représentation quelconque antérieurement perçue.

Cette explication a été proposée pour la première fois par M. le professeur E. Boirac dans la note citée plus haut (1876). « On peut admettre, dit-il, que toute sensation, toute représentation spéciale, surtout quand l’esprit n’est pas encore habitué, est accompagné d’un sentiment propre, d’une saveur (en anglais relish), et ce qu’on pourrait nommer aussi un timbre, une masse [nuance]-affective. Dans le cas qui nous occupe, un objet nouveau existe peut-être dans l’esprit, le même sentiment indéfini, innommé, qu’un objet ancien qui ne lui ressemble pas nécessairement et qui est depuis longtemps oublié : d’où la reconnaissance d’une disposition mentale déjà connue en effet, et l’effort impuissant pour ressusciter la perception primitive dont elle faisait partie ».

Cette théorie repose en somme sur une donnée parfaitement exacte, quoi qu’elle ne fût pas encore, je crois, couramment admise à l’époque où M. Boirac publia sa note, — à savoir que toute sensation ou représentation, est pour ainsi dire doublée d’un certain état émotif. Mais l’application de cette donnée à l’interprétation des phénomènes [p. 81] de fausse reconnaissance présente des difficultés sérieuses.

Et d’abord, la dernière proposition de M. Boirac, est manifestement inexacte : On s’expliquerait mal, dans son hypothèse, l’impuissance da sujet à réssuciter l’impression primitive, il est aujourd’hui admis qu’un état émotionnel donné tend à faire renaître les idées ou les images auxquelles il fut primitivement associé. M. Ribot en particulier a insisté sur ce rôle des états affectifs dans la succession des idées:: « plus d’une fois, dit-il (1894 p. 5) il arrive qu’une idée en évoque une autre, non en vertu d’une ressemblance qui leur serait commune en tant que représentation, mais parce qu’il y a un menu fait, affectif qui les enveloppe et qui les réunit ».

Une autre erreur est de croire qu’à chaque sensation, à chaque représentation, corresponde une nuance affective spéciale différente de celles qui correspondent aux images voisines, ne se fondant pas avec elles et susceptible de revivre isolément. En fait, ces états émotifs, souvent peu distincts déjà sur le moment même, se fondent, s’amalgament rapidement, et il en résulte, pour une période donnée de la vie (M. Ribot prend comme exemple un voyage) un sentiment général et prédominant. Ce sentiment général, ajoute M. Ribot (1897 p. 4) est un extrait de la masse des impressions particulières ; il s’est formé par la fusion et la prédominance des états affectifs les plus fréquemment répétés dans l’expérience. C’est un caractère émotionnel général et un résumé. Remémoré plus tard, il ressuscite en nous la marque sentimentale que le pays nous a laissé. Il peut même chez ceux [p. 82] qui ont une bonne mémoire affective susciter l’émotion complète.

II

Les premières tentatives d’explication vraiment dignes de ce nom, étaient à base anatomo-physiologique :

Ces explications reposent sur l’hypothèse de l’indépendance psychologique des deux hémisphères. Le cerveau droit et le cerveau gauche, pensent chacun pour son propre compte.

Cette hypothèse avait avant tout pour objet d’expliquer les phénomènes de dédoublement de la personnalité, les fugues, et les actes subconscients en général, nous la croyons actuellement abandonnée complètement que je crois tout à fait abandonnée actuellement, avait avant tout pour objet d’expliquer les phénomènes de dédoublement de la personnalité et d’amnésie périodique.

Accessoirement on l’avait considérée comme seule capable d’expliquer l’existence de deux représentations simultanées ou successives, ne différant que par leur intensité, et par conséquent, la fausse reconnaissance.

Wigan, dans son livre sur la dualité cérébrale (1847), p. 84 et 85) est le premier qui ait tenté cette application d’une théorie à cette époque tout à fait nouvelle. II suppose qu’au moment qui a précédé le phénomène, un seul hémisphère était en activité, l’autre étant plongé dans le sommeil, ou dans un état très analogue, il ne peut se produire ainsi qu’une image faible. Mais, si l’instant d’après, les deux hémisphères sont éveillés, la perception [p. 83] de la même scène donnera lieu à une image forte, qu’apparaîtra comme présente, alors que la première sera rejetée dans un passé indéterminé.

Il est évident que le côté anatomique de cette hypothèse est au moins inutile : car elle ne vient là en somme que pour expliquer la succession d’une sensation forte à une sensation faible.

Jensen (1868) p. 50 et 51) en a certainement tiré un meilleur parti :

Il admet que toutes nos sensations sont doubles (une pour chaque hémisphère), mais que normalement, elles ont rigoureusement superposées, si bien qu’elles paraissent uniques ; si pour une raison quelconque, cette superposition se fait incomplètement, il en résulte un trouble qui est au cerveau ce que la diplopie est à la vision. L’une des deux images est perçue comme actuelle, et l’autre est prise pour une image ancienne.

On peut considérer la théorie de Jensen comme une combinaison de métaphores curieuses (« Superposition exacte des images » — « Diplopie ») mais non comme une explication scientifique.

Maudsley (1889) qui paraît ne connaître le phénomène que par l’article de Huglings-Jackson (1889) incline à penser également qu’il résulte d’un désaccord entre les deux hémisphères (dissentientaction  of the hemispheres). Il en est de même de plusieurs autres auteurs.

Il serait superflu de discuter ici cette théories, l’hypothèse de la dualité cérébrale étant aujourd’hui universellement abandonnée.

Fût-elle acceptable d’ailleurs dans son ensemble, [p. 84] qu’elle ne pourrait être d’aucun secours pour l’interprétation psychologique de la fausse-reconnaissance.

Il est en général impossible, dans l’état actuel de nos connaissances de fonder une interprétation satisfaisante de faits de conscience donnés, sur des hypothèses à tendances purement physiologiques et, dans le cas présent (comme presque toujours d’ailleurs), les hypothèses à forme anatomique de Wigan et de Jensen, n’étant pas vérifiables directement (c’est-à-dire anatomiquement) ne représentent qu’une traduction en langage imagé, un schéma, en quelque sorte, de théories psychologiques qui seront exposées plus loin.

III

On peut considérer comme faisant preuve des tendances diamétralement opposées M. Lalande cherchant un élément d’explications dans le fonctionnement de ces facultés mystérieuses qui, selon quelques auteurs, tendraient à établir sans l’intermédiaire des organes sensoriels actuellement connus, des communications entre les consciences. Quelle que soit la nature de la « présentation télépathique », dit M. Lalande (1893 p. 496), si l’on admet que par accident une excitation plus ou moins vive de l’esprit vienne à la mettre en jeu, elle doit vraisemblablement avoir pour résultat de nous faire percevoir deux fois le même objet, en un temps qui sera souvent très restreint. C’est ainsi que nous voyons venir un coup, on croit le sentir d’avance. Prenons un exemple pour fixer [p. 84] les idées : « Je me promène avec un ami ; il pense une phrase qu’il va prononcer. Une sensation télépathique se produit, et perçois directement la parole intérieure par laquelle il a pensé sa phrase. Mais cette perception, à laquelle je ne suis pas habitué, reste inconsciente si la phrase n’est pas réellement prononcée. S’il la prononce immédiatement au contraire, la sensation auditive éveillera dans le fond obscur de mon esprit la perception identique que je viens d’avoir à l’instant même ; je croirai donc la reconnaître, ou plutôt, je la connaîtrai réellement. La seule illusion sera de projeter mon souvenir dans un passé plus ou moins lointain, pour en expliquer le caractère confus, qui vient seulement de son origine ». Cette hypothèse avait l’avantage, dans la pensée de son auteur d’expliquer non seulement la fausse reconnaissance pure et simple, mais encore le sentiment de prévision qui l’accompagne souvent.

Il n’y a pas lieu de discuter ici la réalité des phénomènes dits télépathiques ; quoi qu’on puisse en penser, il est certain que, dans l’espèce, l’hypothèse d’une communication télépathique entre deux interlocuteurs ne pourrait expliquer la reconnaissance du décor, des circonstances extérieures, et par conséquent serait sans valeur dans la plupart des cas. Quant au sentiment de prévision, on a vu (chap ) qu’il se ramenait en somme à une illusion fort curieuse, mais sans aucun rapport avec les diverses formes de la « connaissance mystique ».

D’ailleurs l’hypothèse de M. Lalande, proposée par son auteur sous toutes réserves, n’a jamais, que je sache, été reprise depuis. [p. 86]

IV

Tout autre a été la fortune de l’hypothèse suivante qui, proposée pour la première fois par Anjel (1878, p. 60-62), fut soutenue depuis par différents auteurs, avec quelques modifications.

Selon Anjel, la sensation et la perception, qui normalement se superposent l’une à l’autre de telle façon qu’on ne peut les distinguer, peuvent dans certaines circonstances être séparées par un laps de temps relativement considérable, si bien que la sensation est réellement ancienne par rapport à la perception, et quand cette dernière se produit, elle apparaît comme déjà connue d’où l’illusion.

Il est assez difficile de se rendre compte de ce qu’Anjel entend par sensation. II fonde en effet en grande partie sa distinction entre la sensation et de la perception sur le passage suivant de Flourens : « Il y a une expérience qui sépare nettement la sensibilité de la perception. Quand on enlève le cerveau proprement dit (lobes ou hémisphères cérébraux) à un animal, l’animal perd la vue. Mais par rapport à l’œil, rien n’est changé : les objets continuent à se peindre sur la rétine, l’iris reste contractile, le nerf optique parfaitement sensible, est cependant, l’animal ne voit plus ; il n’y a plus vision quoique tout ce qui est sensation subsiste : il n’y a plus vision parce qu’il n’y a plus perception. Le percevoir, et non le sentir, est donc le premier élément de l’intelligence. La perception est partie de l’intelligence, car [p. 87] elle se perd avec l’intelligence, et par ablation du même organe, les lobes ou hémisphères cérébraux, et la sensibilité n’en est point partie, puisqu’elle subsiste après la perte de l’intelligence et l’ablation des lobes ou hémisphères. » Ce passage n’établit pas autre chose que la distinction banale entre la perception, phénomène psychologique, et l’ensemble des modifications provoquées par une excitation extérieure dans un organe des sens et dans le nerf périphérique correspondant ensemble de modifications très improprement appelé par Flourens « sensation ». Il est très probable qu’Anjel a voulu faire illusion [allusion ?] à une distinction tout autre, fort mal connue d’ailleurs à cette époque, mais bien mise en lumière depuis par Pierre Janet (1889, p. 185, § III, IV, V et VI), il s’agit de la distincion entre la sensation brute, impersonnelle (M. Pierre Janet dit inconsciente) et la perception devenue, grâce au mécanisme de la synthèse mentale, parfaitement consciente et personnelle, connue du sujet pensant.

Les conditions de la fausse reconnaissance seraient donc celles-ci : un spectacle donné, produit une sensation, on plutôt un ensemble de sensations qui, par suite d’un état particulier du sujet, (défaut de synthèse mentale) reste d’abord inconscient ; quelques instants après seulement, ces sensations entrent dans le champ de la conscience, et comme elles sont en réalité anciennes, elles apparaissent au sujet comme déjà connues.

Ainsi comprise la théorie d’Anjel ressemble beaucoup à ce que Wigan et Jensen avaient ensevelis sous des allégories anatomiques, et elle ressemble beaucoup aussi, à quelques différences de terminologie près, à celle que [p. 88] M. Arnaud a proposé récemment (1896). M. Arnaud suppose l’existence de deux perceptions « formées à peu près simultanément » et identiques sauf en ceci que la première (qui n’est autre chose en somme que la sensation de Anjel) resterait inconnue du sujet, jusqu’à ce que, par suite de la durée ou de l’intensité de l’impression, elle finit par être imposée à la conscience. L’illusion consiste à croire que les deux représentations sont séparées par un laps de temps considérable. Cette hypothèse paraît identique également à celle que M. Dugas (1894 p. 41) avait imaginée, sans l’adopter, d’ailleurs. « Soit, disait-il, un paysage qu’on regarde sans voir son image flottante traverse l’esprit sans laisser de traces. On ne l’entrevoit que pour l’oublier. Mais il n’y a pas d’oubli absolu, tout état mental, si faible qu’il soit, si inaperçu qu’il ait été, peut toujours renaître et renaître avec une intensité que primitivement il n’avait pas. Supposons que l’esprit s’éveille de sa torpeur : le paysage que tout à l’heure, comme disait Leibnitz, on percevait sans l’apercevoir, maintenant on l’aperçoit en éprouvant la sensation étrange de l’avoir déjà perçu. Le souvenir surgit des ténèbres de l’inconscient et dissipe ces ténèbres. La contiguïté et la similarité de la perception primitive objet du souvenir et la perception actuellement éprouvée qui est le prolongement de la première expliquent la fausse mémoire : ces deux perceptions s’associent sans pouvoir se fusionner ; de là un souvenir qui fait l’effet d’une perception, et une perception qui fait l’effet d’un souvenir ».

J’aurai à examiner plus loin la valeur de fond de ces interprétations, et la façon dont elles s’accordent avec [p. 89] les faits, mais de prime abord, elles paraissent manifestement incomplètes, insuffisantes :

En premier lieu parce que leurs auteurs paraissent ne s’être inquiétés que d’un seul côté de la question. Ils ne prétendent expliquer que la reconnaissance des objets extérieurs, du spectacle objectif.

Or, nous avons vu que ce qui frappait le plus la plupart des observateurs, était moins la reconnaissance de ce spectacle lui-même, que celle des impressions, sentiments, émotions dans lesquels il lui semble qu’il s’est déjà trouvé une fois : au moment illusoire de la première perception.

En second lieu, parce qu’ils n’expliquent nullement pourquoi c’est dans un passé toujours indéterminé et relativement lointain qu’est rejetée la date de la perception illusoire. Pourquoi l’impression du sujet n’est-elle pas comme le voudrait la logique d’avoir vu, ou entendu la même chose deux fois, coup sur coup ?

On remarquera enfin, que, contrairement à ce que dit Anjel, la perception consciente ne se produit jamais qu’après la sensation brute : jamais les deux phénomènes ne sont simultanés, superposés comme le dit Anjel. L’intervalle entre les deux, normalement imperceptible, peut, il est vrai, être plus ou moins grand, la perception consciente peut être en retard, mai le retard constitue un fait d’observation courante, qui ne paraît guère avoir de rapport avec la fausse reconnaissance. M. Lalande fait remarquer que, tel que le décrit Anjel, ou le rencontre journellement chez les gens distraits. On leur parle, ils n’entendent pas, quelquefois répondent aussitôt « comment ? » Mais d’une façon purement [p. 90] automatique. Un instant après, la synthèse mentale ayant eu le temps de se faire, ils répondent parfaitement, sans qu’on ait eu besoin de répéter la phrase. Mais, je n’ai pu recueillir aucun cas de fausse reconnaissance survenue dans des circonstances de ce genre. Il faut donc admettre qu’il y a dans la fausse reconnaissance quelque chose de plus qu’un simple ralentissement dans le jeu de l’attention normale, ct l’hypothèse d’Anjel ne fait en somme que reculer la difficulté, sans la résoudre.

Pour résoudre cette difficulté, M. Lalande (1893, p. 495) qui admet comme les auteurs précédents la succession de deux sensations, l’une consciente, et l’autre inconsciente, s’appuie d’autre part sur une donnée, qui depuis Taine, je crois est à peu près indiscutée, à savoir que l’esprit peut se présenter en quelques secondes des séries d’états de conscience qui valent subjectivement plusieurs heures (H. Taine, 1876. T. I, p. 400, 404).

Voici d’ailleurs comment il décrit le mécanisme du phénomène :

« Vous arrivez devant un nouveau paysage et vous en éprouvez un bloc d’images que votre esprit ne distingue pas tout d’abord consciemment, mais qui n’en entre pas moins tout entier dans l’intelligence. Supposez alors une distraction d’un dixième de seconde, pendant laquelle vos pensées vont ailleurs et remplissent une durée subjective un peu plus grande, ne fût-elle que d’un quart d’heure. Que va-t-il se passer au retour ? Vous retrouverez sous vos yeux ce que vous avez un instant abandonné, vous le reconnaîtrez, et vous ne localiserez pas la première impression à sa vraie place, d’abord à cause du caractère [p. 91] inconscient des images perçues, mais surtout à cause de la longueur apparente de la distraction qui jette une contradiction dans le processus mental par lequel nous comptons le temps ».

Si les choses se passaient ainsi, la fausse reconnaissance s’accompagnerait toujours d’une illusion relative à la durée du temps, c’est-à-dire qu’elle serait précédée une période de distraction ayant une durée subjective d’un quart d’heure au moins. Or, dans aucune observation il n’est fait allusion à quoique ce soit de ce genre.

La fausse reconnaissance frappe le plus souvent d’une façon brusque, au milieu d’une conversation, par exemple, parfois au milieu d’un geste commencé. Nulle part il n’est question d’erreurs notables commises dans l’appréciation de la durée, pendant la période qui a immédiatement précédé la fausse reconnaissance, non plus que de la durée du phénomène lui-même : toutes les réponses à la question 22 sont négatives. Il est bien difficile de mettre de telles omissions au compte d’oublis ou de défauts d’observation: On n’aurait guère oublié de mentionner une distraction survenue par exemple au milieu d’une conversation, et ayant eu une durée subjective d’un quart d’heure, chiffre que M. Lalande paraît considérer comme un minimum.

D’ailleurs, M. Lalande ne prétend pas moins qu’expliquer un fait mal connu, par un fait moins connu encore :

Autant le phénomène de fausse reconnaissance est fréquent, banal même, autant sont rares ces illusions portant sur l’évaluation du temps. Je ne crois pas même qu’on les ait signalées à l’état de veille, chez des sujet [p. 92] non intoxiqués. En revanche, on les observe sans cesse chez certains morphinomanes et surtout chez les haschishins. Chez ces derniers, en particulier, elles paraissent ne manquer presque jamais ; Moreau de Tours (1845 et surtout Wood (1869) qui en ont donné de bonnes descriptions, les considèrent presque comme pathognomoniques de l’ivresse haschistique. Nous n’avons trouvé chez aucun de ces observateurs la moindre allsion à la fausse reconnaissance. Il y a donc manque de parallélisme aussi complet que possible entre les deux phénomènes, ce qui est bien peu favorable à l’hypothèse d’un lien entre eux aussi étroit que le suppose M. Lalande.

Toutes les hypothèses précédentes, en somme ne sont que les variations d’un même thème. Toutes s’appuient sur l’existence d’une distraction séparant l’un de l’autre deux phénomènes intellectuels plus ou moins identiques

Pour ce qui est de la distraction, M. Dugas, faisant lui-même la critique de sa propre théorie, fait remarquer que l’hypothèse d’une distraction, même pure et simple (c’est-à-dire sans l’illusion du temps imaginée par M. Lalande) est manifestement incompatible avec certains faits : « On ne peut parler en effet d’une absence d’esprit, dit-il, quand le sujet soutient une conversation passe un examen. L’esprit devrait alors s’échapper et se ressaisir à tous moments ; car se n’est pas la conversation, prise en bloc, qui est rejetée dans le passé, ce sont toutes les phases de la conversation que le sujet reconnaît à mesure » et même dans les cas ordinaires, cette hypothèse d’une absence n’est-elle pas purement [p. 93] gratuite, imaginée pour les besoins de la cause, sans que rien l’autorise dans le récit du sujet, et comment faire pour intercaler cette période préparamnésique dans des récits où il n’en est pas fait la moindre mention, et qui ont cependant minutieusement détaillés (ceux de A. C. par exemple (obs. 40) ?

M. Fouillée, dans ses études sur la mémoire publiées pour la première fois dans la Revue des Deux Mondes, et M. Ribot, dans son livre sur les maladies de la mémoire proposent des hypothèse où l’on retrouve, comme dans les précédentes, le même jeu de deux images successives, mais sans que ces auteurs aient vu nécessité de supposer qu’un état particulier de l’esprit s’interposât entre elles.

Pour M. Fouillée (1885, p. 154), la cause de la fausse reconnaissance doit être cherchée dans « un phénomène maladif d’écho et de répétition intérieure » analogue à celui qui a lieu dans le souvenir véritable : toutes les sensations nouvelles se trouvent avoir un retentissement et sont ainsi associées à des images consécutives qui les répètent ; par une sorte de mirage, ces représentations consécutives sont projetées dans le passé. C’est une diplopie dans le temps. Quand on voit double dans l’espace, c’est que les deux images ne se superposent pas ; de même quand on voit double dans le temps, c’est qu’il y a dans les centres cérébraux un manque de synergie et de simultanéïté, grâce auquel les ondulations similaires ne se fondent pas entièrement ; il en résulte dans la conscience une image double ; l’une vive, l’autre ayant l’affaiblissement du souvenir ; le stéréoscope intérieur étant dérangé, les deux images ne se confondent plus de manière à ne former qu’un objet» [p. 94] je ne discuterai pas les métaphores de M. Fouillée, parce que je ne les comprends pas, et retiendrai seulement ceci c’est qu’en somme pour lui, il y a deux images se suivant à très court intervalle, et que c’est la seconde image qui paraît de beaucoup antérieure à la première, uniquement parce qu’elle est beaucoup plus faible. C’est là une hypothèse qui ne résiste pas à un examen un peu attentif. Il est fréquent (on pourrait peut-être dire même : il est constant) qu’une image soit suivie à court intervalle d’une image identique, à l’intensité près. Ces répétitions n’engendrent aucune illusion du temps.

M. Ribot (1881, p. 132) admet également l’existence de deux images se produisant successivement à court intervalle et parfaitement conscientes toutes deux. La première image est réelle, la seconde est hallucinatoire ; « elle s’impose comme une réalité, parce  que rien ne rectifie cette illusion. Par suite, l’impression réelle se trouve rejetée au second plan avec le caractère effacé des souvenirs… Cet état hallucinatoire en effet, quoique très vif, n’efface pas l’impression réelle, mais comme il s’en détache, comme il a été produit par elle après coup, il doit apparaître comme une seconde expérience. »

Il me semble que cette hypothèse est infiniment plusi satisfaisante pour l’esprit que les précédentes. Mais, pas plus que celle d’Anjel, elle ne nous explique pourquoi c’est dans un passé relativement lointain et indéterminé qu’est rejetée la première image. [p. 95]

J’ai cru devoir pour la commodité de la discussion, réserver jusqu’ici l’examen de l’hypothèse même de l’existense d’une double représentation, double représentation dans laquelle la plupart des auteurs paraissent considérer à priori la reconnaissance vraie ou fausse comme inexplicable.

Ce me parait être une pure construction logique qui ne repose sur aucun fait réel : au moment où nous reconnaissons, il n’y a dans notre esprit qu’une seule image, l’image actuelle. Cette image ne fait renaître en aucune façon ce qu’il pouvait y avoir dans les image antérieurement perçues d’identiquement semblable à elle. L’évocation de ces traits identiques serait d’ailleurs inintelligibles : ils se confondraient forcément avec ceux que le sujet a déjà sous les yeux : deux perceptions, ou deux représentations identiques ne peuvent pas coexister dans l’esprit. (8)

Plus tard, après que l’image (ou le groupe d’images) a été reconnue, elle évoque ordinairement (dans le cas d’une reconnaissance vraie) une ou plusieurs de celles qui lui furent contiguës lors de la première existence, et qui constituent précisément les différences entre la situation ancienne et la situation actuelle. Alors seulement nous pouvons par le raisonnement dédoubler en [p. 96] quelque sorte l’image unique en la considérant successivement dans deux cadres différents. Mais c’est là une opération logique qu’il faut bien se garder de confondre avec la reconnaissance elle-même ! « Au moment où on reconnaît une chose, ou ne la connaît qu’une fois, on n’a pas alors deux perceptions ou représentations simultanées, on n’en a qu’une seule, mais on sent néanmoins quelque chose de particulier qui n’existe pas là où il n’y a pas reconnaissance (B. Bourdon 1895, p. 163) (9).

La reconnaissance n’a jamais été je crois ainsi étudiée au point de vue purement psychologique, c’est-à-dire indépendamment des conditions logiques de son apparition a nécessité de se placer à ce point de vue paraît même n’avoir été aperçue nettement que par M. Bourdon. La légitimité de ce point de vue paraît même n’avoir été nettement comprise que par M. Bourdon : « La reconnaissance, dit-il, est une sorte de sentiment qui s’associe intimement au phénomène reconnu, plutôt qu’un jugement, qu’une comparaison de deux représentations » (1893, p. 630).

On remarquera que c’est la deuxième fois qu’il est question ici des sentiments intellectuels. Dans le chapitre [???] j’ai déjà tenté d’expliquer l’illusion de dépersonnalisation par l’apparition anormale d’un de ces états émotifs. Je ne puis que proposer la même explication.

V. — Reste à savoir ce que peut être ce quelque chose de particulier et dans quelle mesure, en adoptant une [p. 97] conception purement psychologique du phénomène qui constitue la reconnaissance des souvenirs, on peut expliquer la fausse reconnaissance d’évènements nouveaux.

Il est aujourd’hui communément admis que les principales opérations logiques, ou, d’une façon plus générale, les opérations intellectuelles quelconques, sont accompagnée de modifications circulatoires, sécrétoires et musculaires. Ces modifications sont consciemment aperçues par le sujet : elle se traduisent par des états de conscience très analogues aux états émotionnels proprement dits, mais en général extrêmement difficiles à analyser. Les quelques auteurs qui les ont étudiés les désignent sous le nom de sentiments intellectuels (10).

On a déjà décrit, ou du moins signalé, dans cet ordre d’idées l’attention (11), la surprise (12), l’étonnement (13) les sentiments de savoir ou de ne pas savoir, de comprendre [p. 98] ou de ne pas comprendre, la certitude, l’incertitude, l’interrogation (14) le doute, etc.
Pour la fausse reconnaissance, mais pas plus dans un cas que dans l’autre, je ne puis donner les raisons qui font surgir brusquement et contre toute logique apparente de semblables impressions.

Je me conterai de faire observer qu’on n’ignore pas moins les véritables causes d’un grand nombre d’autres émotions anormales susceptibles de se manifester également d’une façon plus ou moins chronique, je veux parler notamment de celles qui donnent lieu aux diverses phobies. [p. 99]

 

Résumé de 38 observations publiées antérieurement
au présent travail.

Observation I
A. L. Wigan. 1844. P. 85-87.

« Le cas le plus intense de cette illusion que j’aie observé sur moi-même, survint à l’occasion des funérailles de la princesse Charlotte (15). Les circonstances qui accompagnèrent cet événement constitueraient à tous les points de vue une curiosité physiologique des plus extraordinaires, un exemple instructif d’impressions morales envahissant une nation entière et se montrant sans crainte ni dissimulation. Il n’y a peut-être pas dans l’histoire, d’exemple d’une sympathie aussi intense et aussi universelle,… Personne, parmi les gens âgés de moins de 35 ou 40 ans ne peut se faire idée de l’universel paroxysme de chagrin qui annula alors tout autre sentiment,

« J’avais obtenu la permission d’assister aux funérailles [p. 100] comme étant de la suite de Lord Chamberlan. Les jours qui avaient précédé la cérémonie, j’avais passé plusieurs nuits troublées et, pendant la dernière nuit, je ne m’étais pour ainsi dire pas reposé du tout, ce qui avait mis mon esprit dans un état d’extrême irritabilité nerveuse (hysterical irritability) encore augmentée pas l’affliction, et par l’épuisement provenant du manque de nourriture (car depuis le déjeuner, jusqu’à minuit, heure de l’enterrement, il régna dans la ville de Windsor une confusion telle qu’à aucun prix on ne pouvait trouver à se restaurer.

« J’étais resté debout pendant 4 heures, et lorsque je pris ma place à côté du cercueil, dans la chapelle St-Georges, ce fut uniquement l’intérêt du spectacle qui empêcha que je ne m’évanouit… Soudain, le pathétique « miserere » de Mozart cessa et un silence absolu régna. Le cercueil, qui était placé sur une sorts d’autel recouvert d’un drap noir (réuni à celui qui couvrait le sol) s’enfonça à travers le plancher, si doucement qu’on ne pouvait s’apercevoir du mouvement qu’en prenant comme point de repère quelque objet brillant du voisinage.

« J’étais tombé dans une sorte de rêverie torpide, lorsque je fus rappelé à la conscience par un paroxysme de violent chagrin qu’exprima le mari au moment où il s’aperçut que le cercueil s’enfonçait dans la tombe… A cet instant, j’eus, non pas seulement l’impression mais la conviction que j’avais déjà assisté à toute cette scène dans quelqu’occasion antérieure, même que j’avais entendu exactement les paroles que m’adressa Sir George Naylor. [p. 101]

OBSERVATION 2
(Neumann 1859, p. 111).

Jeune homme (époque de la puberté) sujet à des accès d’aliénation périodiques. A son entrée à l’asile, dit reconnaître la maison, y avoir été déjà interné. Reconnaît sa chambre, la nourriture etc. Sort guéri.

OBSERVATION 3
(Neumann 1859, p. 112).

H. Epilepsie avec troubles mentaux consécutive à des excès vénériens (?)

En outre idées délirantes que Neumann considère comme fondées sur des fausses reconnaissances: Lorsqu’elle lisait des récits historiques, les faits relatés lui paraissaient déjà connus d’elle, et elle en concluait qu’elle vivait depuis des siècles, et était parente du Juif-Errant.

OBSERVATION 3
(Jensen 1868, p. 53).

Jeune fille soignée depuis 5 ans dans la clinique de Jensen. Sujette à des hallucinations diverses, sans être à proprement parler aliénée, car elle reconnaît la fausseté de ses hallucinations et lutte encore contre elles. [p. 102]

Cette malade tient des propos qui sont assez difficiles à interpréter : « je crois, dit-elle, que j’ai vécu des jours et des semaines dont je n’ai aucune connaissance : j’entends des paroles et des remarques impliquant que j’ai dû faire telle ou telle chose dont je n’ai nul souvenir. J’ai donc dû faire ces chose sans en avoir conscience. De façon inconsciente ».

Elle se plaignait en outre de ce que les visages changent sans cesse autour d’elle, sans d’ailleurs consentir à donner de plus amples explications à ce sujet, lorsque le 25 mai, elle s’exprima comme il suit :

Quand je regarde autour de moi, (elle tenait presque constamment ses yeux baissés), j’ai toujours l’impression d’avoir déjà vu les mêmes personnes et les mêmes figures et je me demande nécessairement où et quand cela a pu m’arriver. Comme ces gens qui sont ici, ne peuvent pas avoir été chez moi, à la maison, c’est donc que leurs figures ont changé (16) ».

Le 3l mai, elle fait aux environs de la clinique une promenade dont elle revient très mécontente. « Ah Dieu ! dit-elle, le pays également change sans cesse : Quand j’ai regardé la contrée, il m’a semblé que je l’avais déjà vue, que j’avais dû m’y trouver déjà, chez des parents, et de même en revenant, il me semblait que j’étais déjà allé là une fois, et que tout était comme auparavant. Mais je n’y ai jamais été, c’est donc que la contrée est changée (17).

OBSERVATION 5
(Jensen 1868, p. 52).

Mécanicien, aliéné, mais parfaitement sociable en dehors de ses idées délirantes et capable de travailler.

Jensen lui, donne a réparer une montre dont le verre étai intact,

Le malade la lui rend avec le verre cassé, et malgré tous les efforts que fait Jensen pour le détromper, soutient qu’il a VU LE VERRE CASSÉ DÉJA, quand la montre fut donnée à réparer.

OBSERVATION 6
(Jensen 1868).

H. 30 ans. Célibataire.

Habitudes d’onanisme depuis la jeunesse. Malade depuis le mois de janvier. Etat d’excitation extrême, hallucinations. Pas de délire systématisé.

Entré à l’asile en février. Depuis, son exaltation a fait place à un état de dépression. Hallucinations de l’ouïe, de la sensibilité [p 104] générale, et de la sensibilité génitale. Pas d’hallucinations de la vue.

Depuis son entrée, cet état de dépression est allé en augmentant. Actuellement, le malade est tout à fait inactif. Quand on l’interroge, répond par un murmure incompréhensible, pendant que la salive s’écoule de sa bouche.

Vers le 15 mai, époque à laquelle il pouvait encore se faire comprendre il disait « être souvent comme s’il savait d’avance ce que les malades de son entourage font, et feront ».

OBSERVATION 7
(Jensen 1868, p. 57).

H. 23 ans.

Paysan. Intelligent.

Depuis 9 ans, accès de vertige épileptique. Accès épileptiques complets, rares.

Ses accès de vertige s’accompagnent d’un extrême sentiment de bien-être.

Quelque fois délire, hallucinations de l’ouïe…

Le 11 avril. — Il vient se plaindre au médecin d’une impression étrange qu’il ressent : Docteur, dit-il, c’est étrange, il me semble que je vous ai déjà vu tel que vous êtes maintenant, que le gardien, et tout le reste, a été déjà comme je le vois maintenant, et il me semble que je sais ce qui va se passer ». Cette impression troublait extrêmement le malade : il se sentait comme au moment de ses vertiges. D’ailleurs immédiatement après avoir raconté à Jensen ce qui précède, il eut un accès de vertige. [p. 105]

Jensen regrette d’avoir négligé d’observer l’état des pupilles, pendant le phénomène.

OBSERVATION 8
(W. Sander, 1873, p. 244).

P… N… H. Agé de 25 ans.

Epileptique depuis l’âge de 13 ans (attaques tout-à-tait caractéristiques) .

Faible d’esprit, hypochondriaque, nature perverse.

S’est développé très lentement, est resté très petit, sa voix a conservé le timbre caractéristique de la puberté.

Pas d’autres anomalies.

Rien qui puisse faire croire à une inégalité des hémisphères cérébraux.

Ce malade décrivit un jour spontanément à Sander l’état extraordinaire dans lequel il s’était trouvé quelque temps auparavant. Etat qui s’était déjà dissipé quand il fit son récit. Voici ses propres paroles :

«  Lorsque je causais avec quelqu’un, ou que je voyais quelque chose, il me semblait que je l’avais vu déjà une fois : Tu as déjà (se lisait-il à lui-même) vu, ou entendu, ou plus souvent encore fait cela. Cela me rendait anxieux au point que je n’osais plus parler, car je croyais que tout cela était déjà arrivé une fois. Mais maintenant je me suis convaincu que cela ne peut pas être, de sorte que j’ai recommencé à parler comme il convient.

« Par exemple, causant avec quelqu’un d’une chose que [p. 106] j’ai lue dans le journal, relativement à la guerre, ou à l’invasion, j’ai l’impression d’avoir déjà lu la même chose une fois : dans le même journal, les circonstances me semblent les mê­mes, j’ai déjà vécu tout cela une fois », Il cite encore l’exemple suivant : « J’étais couché, lorsqu’on vint me dire : « K’ Muller est mort ». « Muller est mort ! Seigneur Jésus ! Mais il ne peut pas être mort une seconde fois ! » Il lui semblait en effet qu’il avait déjà vécu la même situation ; que la même personne lui avait annoncé la même nouvelle dans les mêmes circonstances.

Le malade dit que chez lui, cet état est permanent : ce n’est pas seulement tel ou tel fait particulier, mais toute son existence, qui lui apparaît comme une répétition.

Il s’est trouvé pour la première fois dans cet état il y a deux ans, et cela a duré deux mois. Un an après rechute qui dura également deux mois ; et enfin un troisième accès dura 8 à 10 semaines. Pendant ces périodes, les accès de vertige (petit mal) sont plus fréquents.

Quoique le malade ne soit pas dupe de ces impressions, il en est néanmoins gêné.

OBSERVATION 9
(A. Pick, 1876, p. 568).

E. S…, H. Né en 1840. fils d’un fourreur.

Antécédents héréditaires Ni psychoses ni maladies nerveuses. Mère un peu nerveuse (hémicrânie).

Antécédents personnels. — Par d’anomalies physiques. Pas d’asymétrie. Très bonne mémoire. Instruction moyenne. [p. 107] Mis en apprentissage chez un fourreur, s’y distingue, et on l’envoie travailler à Berlin, à Copenhague et à Celle.

Il était sujet à des céphalées, nerveux et susceptible. Eprouvait des faussas reconnaissances mais ne cherchait pas à les expliquer.

En 1868, fièvre typhoïde. Quatre semaines couché. L’irritabilité augmente, fausses reconnaissances plus fréquentes : il commence à y réfléchir, mais sans chercher encore à les interpréter.

En 1869, s’établit, commence à avoir des idées de persécutions : se plaint de ses voisins. La nuit on pénétra chez lui, on remplace ses bonnes marchandises par de mauvaises. C’est à cette époque qu’il trouve une interprétation à ses fausses reconnaissances qui le tourmentent toujours. Très excité. Après quelque temps de repos chez son père, il reprend se affaires, dans un nouveau local. A peine installé il commence à soutenir qu’il a déjà habité cet endroit, et personne ne peut lui faire abandonner cette idée.

Les idées de persécution reparaissent, il a peur qu’on ne veuille l’empoisonner. Illusion du goût.

Continuellement occupé de ses idées délirantes, il néglige ses affaires, et est obligé de retourner chez son père. Devient violent.

Cependant, l’année 1874 est plus calme : le malade se rend compte de la fausseté de ses idées délirantes. Ses parents lui fournissent alors les moyens d’aller s’établir en Amérique. Il part, mais ne va plus loin qua Hambourg, d’où il revient très excité, toujours avec les mêmes idées da persécution. Se parents le gardent quelque temps avec eux, puis, il est interné en septembre 1874. [p. 108]

Dès le deuxième jour de son internement, il croit s’être trouvé déjà une fois dans le même asile (se croit emprisonné par ses ennemis). A la première visite de Pick, il se figure avoir été déjà soigné par lui. Dans une sorte de journal relatif à ce qu’il appelle sa « vie double » il écrit ce qui suit : « Déjà pendant ma jeunesse, j’avais souvent l’impression d’avoir déjà vécu une fois les faits qui se passaient ; ensuite, en réfléchissant bien, je voyais que je m’étais trompé. Mais le même phénomène s’étant répété plus tard et d’une façon plus précise, je fus amené à y réfléchir plus sérieusement. Ces réflexions me conduisirent à cette conclusion que je devais avoir une existence double, de telle façon que ma vie se partageait en périodes des récurrentes formées d’évènements semblables.

Le malade était naturellement forcé d’admettre en même temps le renouvellement des évènements extérieurs, etc. Mais seulement des faits qui avaient quelque rapport avec sa vie à lui. Car il considère son cas, comme unique quelque répugnance que son esprit eut d’abord à accepter une pareille hypothèse dont il n’avait, comme il le dit, jamais entendu parler, et qu’il n’avait trouvé mentionné dans aucun livre. « Mais, dit-il, je me croyais justifié par le souvenir clair de presque chaque fait que j’ai vécu………… « Ce fut, dit-il en automne 1868 à Saint-Pétersbourg que j’eus pour la première fois la connaissance claire de ma double existence. Mais cela n’arrivait que par occasion, par exemple, lorsque je visitais des lieux de plaisir, ou de grandes fêtes ou lorsque je me rencontrais avec plusieurs personnes, les circonstances environnantes me paraissaient tellement connues, que je croyais fermement m’être trouvé déjà au même endroit, et y avoir rencontré les mêmes personnes [p. 109] exactement dans les mêmes circonstances, à la même époque de l’année, par le même temps, les gens se trouvent aux même places exactement de la même manière. C’était tout à fait la même conversation qui avait été tenue. Cette impression je réprouvais dès le jour même, mais elle devenait plus claire le lendemain, lorsque j’avais le loisir d’y réfléchir.

A partir de 1870, tous les travaux que j’entreprenais me semblaient connus, comme si j’avais fait exactement les mêmes autrefois, dans les mêmes circonstances et non seulement cela, mais encore que chacune de mes rencontres avec quelqu’un et en général chaque évènement qui survenait auprès de moi étaient accompagnés de cette même impression. L’impression survenait soit au moment même de la perception, soit quelques minutes ou quelques heures après, souvent le lendemain.

OBSERVATION 10
(Anjel , 1878).

C… H. 38 ans, Fonctionnaire d’état.

Antécédents héréditaires. — Père et mère vivants, ne sont pas nerveux.

Antécédents personnels. — Pas de tares névropathiques, pas de stigmates physiques. Santé physique bonne. Jamais d’excès alcooliques ou vénériens,

C… ayant eu à jouer un rôle actif dans un procès intenté à une grande maison de banque, s’était soumis, pendant tout le temps qu’avaient duré les débats qui furent fort longs, à un [p. 110] surmenage intellectuel intense (notamment il avait du se mettre au courant de sciences qui jusqu’alors lui étaient restées complètement étrangères.

Le malade présenta alors le tableau complet de ce que l’on a décrit sous le nom de neurasthénie cérébrale- (l8) :

Sommeil, trouble, digestions mauvaises, vertiges, sentiment de pesanteur dans la tête, mouches volantes.

Entre dans un établissement hydrothérapique pour s’y faire soigner et là il raconte les faits suivants :

« Trois jours avant la fin du procès, au moment où le défenseur lui adressait une question sans grande importance, il eut tout à coup l’impression d’avoir déjà vu toutes les personnes qui se trouvaient dans la salle dans les mêmes situations, tandis qu’on lui adressait la même question, dans les mêmes circonstances. Le malade eût alors une telle impression de terreur, que la sueur lui perla sur le front, et qu’il dut demander une suspension d’audience.

« La même chose lui arriva le dernier jour, lorsqu’après avoir terminé son discours, il écoutait celui du défenseur. Cette fois, cet état dura plus longtemps, et s’accompagna d’un vague sentiment d’angoisse. »

Il éprouva encore le même phénomène plusieurs fois, notamment dans des réunions amicales. Toujours à ce moment, sa face devenait extrêmement pâle, et il était obligé de s’éloigner,

Ne pouvant s’expliquer ce phénomène, il craignit que ce ne fut le prodrome d’une maladie mentale.

C… se rétablit vite, grâce au repos intellectuel complet, et actuellement, il a repris ses fonctions. [p. 111]

De temps en temps, encore, quand il est fatigué, il éprouve encore l’impression de fausse reconnaissance, mais sans angoisse, et il ne s’en tourmente plus.

OBSERVATION 11
(Anjel , 1898, p. 60, 63 et 64).

Anjel a éprouvé lui-même cette impression, mais exclusivement en voyage, notamment lorsque, récemment arrivé dans une ville il sortait le matin de bonne heure et va marcher sans but et sans guide. « Dans ces promenades qui duraient plusieurs heures, dit- il, en regardant un monument, place, la façade d’un palais, j’eus souvent l’impression d’avoir déjà vu et regardé la même chose dans des circonstances analogues. Cette impression s’accompagnait d’un sentiment de malaise vite dissipé »…

Un jour, à Venise, dans la galerie de l’Académie, après avoir visité avec attention la troisième et la quatrième salle, il entra dans la cinquième (pinacotheca Contarini) et examina les tableaux qui s’y trouvaient « j’eus alors, dit-il, devant chaque tableau, l’impression de l’avoir vu déjà étant dans la même salle, entouré des mêmes tableaux, mais je savais parfaitement qu’en réalité il n’en était rien ; j’entrai dans la salle suivante, et la même impression persista ». Sentiment de malaise. Il rentra chez lui, et ne retourna au musée que deux jours après. Après avoir passé 4 ou 5 heures dans le musée, il éprouva encore la même impression, mais cela cessa aussitôt qu’il eut mangé quelques provisions qu’il avait emporté. [p. 112]

OBSERVATION 12
(H. F. Osborn, 1884, p. 476).

X… H. répondant au questionnaire de H. F. Osborn (cf. p.13) écrit :

« Je n’ai jamais eu cette impression relativement à un lieu, mais il m’est souvent arrivé de croire reconnaître comme m’étant arrivées auparavant, soit des circonstances nouvelles dans lesquelles je me trouvais, soit mes propres pensées. C’est une chose qui m’arrive communément. Il y a quelque temps, j’étais à l’église, lorsque soudain les paroles du prédicateur son « ton », le moment, et les circonstances environnantes, tout me sembla avoir eu lieu déjà, exactement dans les mêmes circonstances.

OBSERVATION 13
(H. F. Osborn, 1884, p. 4796).

X…, B. répondant au questionnaire de H. F. Osborn (cf. p. ) écrit :

« J’ai éprouvé cette impression très fréquemment. Quelquefois ce que je rêve me semble sur le moment familier, et cependant, je n’ai fait aucun rêve analogue auparavant. La seule explication tout à fait satisfaisante est que j’ai dû voir quelque chose d’analogue en péril. [p. 113]

OBSERVATION 14
(H. F. Osborn, 1884, p. 483).

X…, H. étudiant.

« Quelquefois, en rêve, je me vois dans un certain entourage et dans une certaine situation ; le matin, je me rappelle vaguement le rêve pendant un instant, puis je l’oublie. Dans le courant du mois, ou peu après, il m’arrivera de me tromper dans une situation qui ne me paraîtra pas tout à fait nouvelle, quoique je sois sûr de ne m’y être jamais trouvé. Le souvenir de mon rêve me revient alors, et je me rend compte de la ressemblance, quoique le souvenir du rêve son loin d’être distinc ».

OBSERVATION 15
(H. F. Osborn, 1884, p. 479).

X … , H. répondant au questionnaire de H. F. Osborn (cf . . p. 13) écrit :

« Il y a un peu plus d’un an, je visitai la prison municipale de Manathan à Mexico. Elle se compose d’une cour à ciel ouvert sur trois côtés de laquelle ouvrent des cellules. Le 4e côté est fermé par un mur élevé. On entre par un passage voûté fermé par trois grilles. La cour pavée, l’entrée, les salles, toute la disposition intérieure, me paraissent aussi familiers que ma propre maison. Aucune partie de l’extérieur ne me produisit la même impression. [p. 114]

«  Avant ce voyage, je n’étais jamais approché de cet endroit à moins de 3000 milles ».

OBSERVATION 16
(Forel, 1885 p. 44).

D…, H. Né le 7 août l856.

Commerçant, célibataire.

Mère nerveuse. Un frère nerveux, emporté, a eu la chorée.

Le malade lui-même a eu la grande chorée pendant six mois, à l’âge de 12 ans 1/2. Depuis, caractère très impressionnable.

Il fréquenta le lycée, avec l’intention d’étudier la philologie. Il travaillait beaucoup, dormant très peu, (parfois 1 ou 2 heures seulement) notamment au moment de passer son examen, vers 16· ou 17 ans. A la suite de cela, survint chez lui une incapacité complète pour le travail intellectuel, et une très grande fragilité de la mémoire. Il ne pouvait plus lire, et oublia en peu de temps ce qu’il avait déjà appris, Amélioration rapide, sous l’influence du grand air et de l’hydrothérapie.

Néanmoins B…, n’osa pas retourner au lycée ; il prit des leçons particulières, apprit l’italien et l’anglais, et alla passer quelque-temps à Mailand comme commerçant.

Le début de la maladie actuelle paraît remonter au commencement de l’année 1878. Déjà quelque temps auparavant, cependant, B…, s’était montré étrange, faisant preuve, notamment d’un orgueil excessif, croyant tout savoir mieux que les autres etc… Il est probable qu’il se masturbait. En 1878, il [p. 115] commença à avoir des idées de persécution ; il se figurait que tous les gens qui l’entouraient parlaient mal de lui.

Le 18 décembre 1879, il entre à l’asile de Burghozli. Aussitôt qu’il y fût, il soutint qu’il y avait déjà été un an auparavant ; « il reconnaissait tout : c’était la même chambre, la même nourriture, le même directeur, les mêmes malades, qui avaient tenu, mot pour mot les mêmes propos. Faisant une promenade avec un autre malade, il vit clairement qu’il était déjà allé, autrefois sur la même route, avec cette même personne, et le gardien ».

Les situations tout entières, les positions et les paroles de ses compagnons lui apparaissaient comme la reproduction exacte jusque dans ses détails d’un original ancien. Ce fait engendrait chez le malade l’idée qu’il avait réellement vécu déjà toutes les situations présentes, qu’il avait déjà notamment fait un séjour dans l’asile, mais qu’à sa sortie, après ce premier séjour, on l’avait abruti pour lui voler le souvenir de ce qui s’était passé ce qui fait qu’il ne se l’était rappelé qu’en voyant les évènements se reproduire.

Il concluait en outre de là que l’on était à l’année suivante, et écrivait avec persistance 1880 au lieu de l879.

Les idées de persécutions coexistaient d’ailleurs avec ces illusions : le malade se plaignait notamment qu’on lui fit respirer des gaz nuisibles, surtout du gaz des marais, de mots obcènes qu’on lui disait par des tuyaux acoustiques, de tentatives faites pour engourdir sa pensée, et d’effacer le souvenir du passé.

Le 1 janvier 1880. — B…, quitta Burgozlli. Plus tard il rencontra dans la rue M. Bleuler, et lui adressa la parole pour lui dire que le lac de Zurich (qui en réalité était gelé [p. 116] cette année-là pour la première fois depuis 25 ans) avait été gelé l’année précédente de la même façon, et que les gens avaient patiné, par le même temps de brouillard.

OBSERVATION 17
(Ludwig, c. p. Kraepelin, 1897, p. 428-429).

M…, H. Né le 28 janvier 1845. Paysan.

Antécédents héréditaires. — Rien.

Antécédents personnels. — Rien pendant la jeunesse. Marié en 1874, a une fille.

Buveur. En octobre 1874, étant ivre, première convulsion épileptique. La deuxième survint trois mois après, puis, toutes les trois ou quatre semaines, il eût des attaques survenant par séries de trois ou quatre à une heure d’intervalle ; surtout quand il était ivre.

Le 8 octobre 1883. — M…, tombe ivre dans un fossé, et on le trouve, glacé par le froid ; il avait l’air tout à fait fou, hallucinations de la vue et de l’ouïe. Depuis cette époque, jusqu’au mois de juin 1884, accès maniaques de violence variable : hallucinations de la vue et de l’ouïe ; le malade croit qu’il va mourir, il crie et chante des cantiques ; plusieurs fois on dût le camisoler. Plusieurs convulsions épileptiques.,

Entre à l’asile de Piagwits, dans un état de tranquilité relative.

Tremblement de la langue ; traces de cicatrices sur cet organe.

Etat physique normal, d’ailleurs. [p. 117]

Le malade travaille avec application, mais présente un certain degré d’épuisement intellectue1.

Il n’a aucun souvenir de ses états d’excitation.

Accès convulsifs se répétant d’abord à intervalles réguliers de huit ou dix jours, puis par séries. Le plus souvent convulsions toniques.

Après les accès, ou dans leur intervalle quand ils étaient peu espacés le malade était distrait, ne pouvait se rappeler différentes choses auxquelles il pensait souvent à l’état normal ; Céphalée.

Dans le courant de la journée, ces symptômes disparaissaient plus ou moins complètement.

Traitement. — K. Br. Le nombre des attaques diminue considérablement.

Le malade commence à dire qu’il a été déjà traité à Plagwitz il y a 2 ou 3 ans pour la même maladie. Il ajoute qu’il ne se rappelle rien de précis sur ce prétendu séjour, mais que probablement il fut entouré à cette époque pour les mêmes gens, car ils lui paraissent connus. Il dit de même qu’il a reconnu le magistrat qui avait prononcé son interdiction.

Il est impossible de le convaincre de la fausseté de cette idée.

OBSERVATION 18
(Kraepelin, 1887, p. 429).

B… H. Né le 19 août 1867. Célibataire.

Antécédents héréditaires. — Parents bien constitues. Mère nerveuse (migraines), Tante hystérique. [p. 118]

Antécédents personnes. — En 1875. Scarlatine. Rhumatisme articulaire, péricardite, néphrite, hydropysie. A conservé une lésion cardiaque.

Depuis la scarlatine, B… devient moins intelligent. Travaille mal à l’école. Céphalées.

En 1877 attaques de petit mal (que l’on attribue au surmenage intellectuel) : Le malade devenait soudainement pale, inclinait la tête, fermait les yeux, et s’évanouissait. Il ne revenait à lui qu’après une ou deux minutes

A Pâques 1878, attaque d’épilepsie franche (le malade avait pris auparavant tous les jours 3 gr. de K. Br.),

En septembre 1878, 2e attaque. A partir de 1884, nombreuses attaques (tous les 8 jours) troubles cérébraux vagues,

Interné à Burghozli le 24 février 1885. Etat de démi-stupeur.

Le malade est calme ; il sait où il se trouve, et ne cherche pas, à le savoir, mais il croit y avoir été déjà une fois, entouré des mêmes personnes etc. Cette impression persista jusqu’à sa sortie (31 mars) malgré une sensible amélioration de l’état mental. Le 31 mars il reconnut qu’il s’était peut-être trompé.

OBSERVATION 19.
(Kraepelin 1887 p. 410 et 411).

Description que Kraepelin fait du phénomène, d’après ce qu’il a éprouvé lui-même.

Kraepelin a observé le phénomène surtout lorsque se trouvant au milieu de personnes qui l’intéressaient peu, son attention se détournait pour quelques moments de ce qui se passait [p. 119] autour de lui pour se reporter sur son propre état intérieur, à ce moment tout ce qui l’entoura lui apparaît comme quelque chose de lointain et qui ne le regarde nullement, et tout à coup, le phénomène de fausse reconnaissance se produit.

Il est accompagné d’une impression de prévision, et d’un sentiment de malaise qui persiste après la disparition de la fausse reconnaissance.

En outre la réalité cesse de lui apparaître avec la clarté habituelle et semble un rêve, une ombre. A ce point de vue, l’état d’esprit rappelle ce qui se passe à l’occasion d’un phénomène tout différent, c’est-à-dire lorsqu’on perd le fil de ce que l’on dit, dans un discours public : Ici aussi, l’entourage nous apparaît comme éloigné, comme couvert par un voile.

Enfin, s’ajoute à tout cela l’effort que le sujet fait pour comprendre distinctement des choses qui semblent toujours s’échapper, ce qui produit une impression de vanité intellectuelle.

OBSERVATION 20.
(F. Bonatelli, 1888 p. 161).

Auto-observation de M. Bonatelli (fragment).

« La nuit dernière, je rêvai que j’occupais avec ma famille une partie d’une certaine maison située dans je ne sais quelle ville. Je discutais avec ma femme la disposition des meubles et l’assignation à différents usages, des chambres de ce nouveau logement. Je me souvenais très nettement d’avoir habité le même appartement plusieurs années auparavant et d’avoir dit de même où serait placé notre lit, où serait la salle d’étude, [p. 120] et ainsi de suite. Au réveil, je me rappelai très nettement de mon rêve, et je commençai à me demander à quelle époque de ma vie j’avais occupé une telle maison dans une telle ville. L’énergie du souvenir était telle que même à l’état de veille, je n’eus d’abord pas le moindre doute que je m’étais rappelé une chose qui était réellement arrivée.

OBSERVATION 21
(Huglings-Jackson, 1889, p. 300-207) (19)

Auto-observation de « Quarens ».

Médecin.

Antécédents personnels et héréditaires ne sont pas indiqués.

Premiers symptômes du petit mal en 1871, en quittant l’Université.

Premier accès, survenu sans cause appréciable : « J’étais au bas d’un escalier du collège, en plein air, attendant un de mes amis qui devait me rejoindre. Je regardais nonchalamment autour de moi, regardant passer le monde etc. lorsque mon attention fut soudainement attirée par mon propre état mental, dont je me rappelle seulement ceci : il me produisait l’impression d’un souvenir vif et inattendu, souvent de [p. 121] quoi, je n’en sais rien (20) ! Mon ami me trouva, une minute ou deux après, adossé à la muraille, plutôt pale et me sentant inquiet et stupide, ce qui dura un moment.

Au bout d’une minute ou deux, je me sentis de nouveau tout à fait normal ; je fus très amusé, ainsi que mon ami lorsque je m’aperçus que je ne pouvais faire aucun récit distinct de ce qui était arrivé, ou de ce don je m’étais « souvenu ».

Pendant les deux années qui suivirent, j’eus quelques attaques semblables, mais plus légères, accompagnées d’états mentaux qui me frappèrent par leur ressemblance avec le premier, mais dont je ne me rappelle aucun détail, je pris une consultation médicale, mais on ne me donna ni explication ni traitement : la chose fut regardée comme plaisante, et sans importance pratique.

« J’ai toujours eu l’habitude de rêver fort peu, mais pendant ces deux années, je remarquai qu’il m’arrivait quelquefois de m’éveiller la nuit, avec l’impression que j’étais parvenu à me rappeler une chose que je voulais me rappeler ; mais j’étais trop somnolent pour y faire attention, et il ne m’en restait le matin, aucune idée nette. Ces impressions étaient légèrement désagréables, et ordinairement, je crois, accompagnées d’une légère émission involontaire ge salive, dont je trouvais la trace le matin sur l’oreiller. Une ou deux fois je sentis en outre sur le bord de la langue une douleur due je crois à une légère morsure. Ces accès cessèrent vers 1875 ». [122]

En 1874, premières attaques de haut mal, précédées du même état mental que les attaques précédentes.

Il octobre 1815, pneumonie grave pleurésie, et peut-être empyème. Longue convalescence (décembre 1815, mars 1876).

Les accès deviennent plus fréquents. La forme des accès du petit mal devient de plus en plus stéréotypée ; de 1876 à 1886 elle a fort peu varié.

Description de l’accès type :

Etat mental. — Dans la grande majorité des cas, le symptôme fondamental est mental, et consiste en un sentiment de

souvenir (recollection), c’est-à-dire dans l’impression que ce qui occupe actuellement mon attention est ce qui l’a occupé antérieurement et m’a été familier, a été pendant un certain temps oublié, mais est maintenant retrouvé, avec un léger sentiment de satisfaction, comme si je l’avais cherché. Ma mémoire normale est mauvaise, et j’éprouve fréquemment un sentiment analogue de reconnaissance soudaine, d’un fait oublié, mais d’une façon beaucoup moins intense. Dans les états anormaux, la reconnaissance est beaucoup plus instantanée, beaucoup plus absorbante, plus vive, etc., sur le moment, s’accompagne de beaucoup plus de satisfaction, comme si elle faisait disparaître un vide qu’antérieurement j’avais vainement essaye de combler. En même temps (peut-être serait-il plus exact de dire : immédiatement après) ! je me rends vaguement compte que la reconnaissance est fausse, et mon état anormal. La fausse reconnaissance est toujours « mise en marche » par le son de la voix d’une autre personne, ou bien par l’expression verbale de ma propre pensée ou de ce que je suis en train de lire, et je crois que tant que dure cet état je prononce [p. 123] mentalement quelque phrase exprimant simplement l’étonnement, telle que : « Oh oui ! je vois. Certes, je me rappelle. etc. » J’ai une minute ou deux après, je ne me rappelle plus ni les mots ni la pensée qui ont donné naissance à l’impression de reconnaissance, je sens seulement avec force, qu’elles ressemblent à quelque chose que j’ai déjà éprouvé antérieurement dans des circonstances identiquement semblables. »

Le retour à, l’état normal est rapide (quelquefois 10 à 16 secondes).

Quelquefois, à la suite des accès, et pendant une ou deux minutes, perte de la mémoire des noms et faits habituels, alors que d’ailleurs la conscience semble redevenue normale.

« Deux ou trois fois, des attaques de petit mal survinrent pendant que je lisais de la poésie à haute voix. La ligne que je suis en train de lire ou que je suis sur le point de lire, me semble alors en quelque sorte familière ou me semble être exactement ce que je m’efforçais de me rappeler (21), quoique) en réalité je passe ne l’avoir jamais lue ou entendue auparavant. Je me rends compte de mon état pathologique et je m’arrête, quoi que j’aie généralement assez de présence d’esprit pour finir la ligne ou même la phrase. »

Quelquefois des attaques sont survenues pendant que le malade était en train d’écrire, et il lui est arrivé de continuer volontairement à écrire pendant l’attaque (il s’agissait bien entendu d’attaques de petit mal, très peu intenses). En écrivant, « j’étais, dit-il, occupé surtout par l’impression de souvenir mais je me rendais confusément compte que j’étais dans [p. 124] un état anormal, et je m’efforçais de critiquer ce que j’étais en train d’écrire. J’avais en écrivant l’impression que les mots et le sens étaient tout-à-fait raisonnables. J’avais trouvé, pensais-je, exactement les mots que je cherchais. Une minute ou deux après, je pouvais voir que quelques-uns de ces mots étaient grotesquement impropres, quoique, il me semble, les formes grammaticales fussent toujours respectées, »

ETAT PHYSIQUE. — Pâleur de la face. Mouvements de la langue. Hypersécrétion urinaire. Pas d’hallucinations. Pas de perte de l’équilibre.

Attaques de haut mal.

Ces attaques sont toujours précédés de l’« aura de reconnaissance » (recollection). Mais le souvenir de ce phénomène est beaucoup moins vu dans la mémoire du sujet qu’il ne l’est pour les attaques de petit mal.

Durée moyenne de la perte de connaissance : 5 à 10 minutes.

Pas de cri initial.

Secousses musculaires légères, généralisées.

Pendant les 4 derniers mois de l’année 1887, il s’est produit des modifications dans la forme des attaques de petit mal.

Voici la description d’une des attaques survenues pendant cette période :

Le malade voyageait sur le chemin de fer métropolitain avec l’intention de descendre à la 4e station. Il se souvient distinctement d’avoir passé la 2e station, et l’aura ne commença qu’après : il consista en ce fait que la conversation de deux étrangers qui étaient dans le wagon parut au malade être la répétition de quelque chose qu’il avait « déjà vu [p. 125] antérieurement ». Il n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé ensuite, jusqu’au moment où il se rappelle avoir monté l’escalier de la maison où il allait et qui était située à environ une demi mille de la 4e station.

OBSERVATION 22
(A. Lalande, novembre 1803, p. 486)

Bo… B.

Paramnésies très fréquentes. En éprouve un sentiment d’ennui, et trouve fastidieux de revivre toujours les mêmes sensations.

« Faisant souvent des paramnésies visuelles, ce qui est chez moi la catégorie d’images dominantes. En passant devant une maison, un coin de rue, je pense y avoir déjà passé à la même heure, par le même temps : et surtout sous l’influence de sentiments identiques à ceux que j’éprouve actuellement : j’ai notamment reconnu Amsterdam, en y allant pour la première fois.

« Mais voici le fait de fausse mémoire le plus complet et le plus énergique que j’ai éprouvé : en passant rue Vavin, je rois venir une femme, dans l’éloignement, sur le même trottoir que moi. Avant de pouvoir distinguer ses traits, car je suis assez myope, je reçois le choc, et je sens que je l’ai déjà vue, je ne puis comparer ce que j’ai ressenti qu’à la brusque fermeture d’une sonnerie électrique, j’ai éprouvé un sentiment d’attente très troublant jusqu’au moment où j’ai pu distinguerses traits et sa toilette, qui m’ont semblé parfaitement connu, [p. 126] je vois encore le chapeau et cette robe, je l’ai regardée d’un œil tellement troublé qu’elle a dû me prendre pour un fou, je me suis retourné pour la voir, toujours sous les mêmes impressions, j’y ai songé toute la journée, avec un sentiment très pénible qui s’est renouvelé plusieurs fois pendant un mois.

Depuis en y songeant, je pense l’avoir vue en rêve, car je suis absolument sûr que je la rencontrais ce jour-là pour la première fois.

OBSERVATION 23.
(A. Lalande. 1893, p. 487).

T… H. jeune (?)

Se trouvait en chemin de fer, lisant un roman qu’il reconnaissait pas auparavant : « Tout à coup, dit-il, je fus saisi par l’idée que je l’avais déjà lu, et en même temps il se produisit dans men esprit un tel tourbillon de souvenirs et d’images que j’ai cru devenir fou. Cela a duré 5 minutes pendant lesquelles j’ai horriblement souffert. Le même phénomène s’est produit plusieurs fois, sans que je me souvienne bien à quel propos, mais, toujours accompagné d’une grande souffrance. »

OBSERYATION 24.
(A. Lalande) 1893 p. 486).

De L… H.

A traversé, étant enfant, une période où il était presque [p. 127] malade d’ennui, parce que tout ce qu’il faisait, tout ce qui lui arrivait lui semblait déjà connu, et qu’il lui paraissait très fatigant de revoir toujours les mêmes choses.

« M. de L… continue à avoir des paramnésies, mais elles ont perdu ce caractère pénible ».

OBSERVATION 25 (A. Lalande. 1893, p. 487).
Gr…, H.

« Quand j’éprouve cette double mémoire, ce qui m’arrive fréquemment, il me semble toujours que je vais prévoir la suite mais je ne pourrais pas l’annoncer réellement. Cependant, dès que les évènements se produisent ils me semblent également être déjà connus ».

OBSERVATION 26
(André Lalande, 1893, p. 487-488) .

S… H. Physicien.

Paramnésies très fréquentes.« Surtout quand il est un peu excité par la fatigue ».

« Assistant pour la première fois à la représentation de Ruy Blas, qu’il n’avait même jamais lu, il reconnaissait tous les détails, tous les jeux de scène, et même il sentait quelques minutes d’avance les péripéties qui allaient s’accomplir.

Il se rappelait ce qui devait suivre « comme on se rappelle [p. 128] un nom qui est sur le bord de la mémoire ». L’illusion a duré tout le temps de la pièce ».

OBSERVATION 27
(A. Lalande, 1893, p. 488).

X…, H.

Très sujet aux paramnésies.

« Prétend avoir déjà vu vécu une autre vie où il a fait les mêmes choses qu’en celle-ci : il soutient même énergiquement que cette expérience antérieure lui rend plus faciles les actes ainsi recommencés ».

OBSERVATION 28
(A. Lalande, 1893, p. 488).

Sc… , H.

« Quand en regardant un ensemble d’objets, il éprouve une paramnésie, tous les détails lui paraissent familiers, ce qui est le phénomène ordinaire ; mais, souvent il y a plus : il est frappé de l’idée qu’il doit y avoir en tel ou tel endroit tel détail dont il se souvient bien, quoiqu’il ne lait pas encore remarqué cette fois-ci ; et portant ses yeux à l’endroit en question, il y retrouve en effet l’objet imaginé, qu’il reconnait comme le reste ». [p. 129]

OBSERVATION 29
(A. Lalande, 1893, p. 488).

L… H. médecin.

Bon observateur, et très psychologue.

« Il était deux heures du matin, raconte-t-il, je jouais aux cartes ; c’était une partie de Poker qui durait depuis longtemps déjà. Un de mes partenaires joue et dit : « Cinq plus cinq ». A ce moment, malgré la banalité de la formule, je sens subitement que je la lui ai déjà entendu prononcer, assistant au même coup, au même endroit, avec tout le consensus total des mêmes sensations. Un autre joueur réplique : « Tenu plus cinq ». L’impression que je ressentais s’accentue, et je prévois, avec un sentiment d’angoisse, que le troisième partenaire va répondre : »Ah ? il a le full des as ? » Et en effet, à peine avais-je fini de penser cette phrase, qu’il s’écrie : « Ah ! il a le full des as ! » précisément avec le ton, le timbre de voix et l’expression que j’avais imaginés. « J’ai remarqué tout cela immédiatement, et avec une impression pénible qui s’est rapidement dissipée. Je ne puis dire à « quel moment le phénomène s’est terminé ».

OBSERVATION 30
(André Lalande, 1893, p. 488),

J…, H. Médecin militaire.

Paramnésies très fréquentes. Parfois deux ou trois dans la même journée. [p. 130],

« Etant un jour au théâtre, où l’on donnait Ferdinand le Noceur, il sentit qu’il reconnaissait à la pièce, et comme l’acteur commençait une tirade, il en dit immédiatement les premières phrases à un ami qui était avec lui et qui s’écria : « Tu as donc déjà vu jouer la pièce ? » Mais en réalité, il ne la reconnaissait pas du tout auparavant ».

OBSERVATION 31
(L. Dugas, 1894, p. 35 et 42).

A…, H.

« Il m’est arrivé un jour, me promenant à la campagne, de m’arrêter stupéfait en constatant que j’avais déjà vécu identiquement l’instant qui venait de s’écouler. Même paysage autour de moi, même heure de la journée même état d’esprit. Notez bien qu’il ne s’agit pas d’un ressouvenir, d’une analogie avec une situation où on se serait déjà trouvé : c’est une identité, et je ne saurais trop le souligner » (p. 35).

« L’effort que je fis pour fixer la date du souvenir chassa l’hallucination, qui d’ailleurs ne dure jamais qu’une fraction de seconde » (p. 42).

OBSERVATlON 32
(L. Dugas, 1894, p. 38).

Ant.., H.

« Raconte qu’à l’âge de 8 à 10 ans, entrant pour la première fois à Châteauneuf, il eut la sensation très nette d’avoir vu [p. 131] déjà l’église, la place, la disposition et la forme des maisons ; ce qui rend le fait plus étrange, c’est qu’il avait toujours soutenu à ses parents qu’il connaissait Châteauneuf avant d’y aller. Depuis, Ant… n’a jamais eu de fausse mémoire. ».

OBSERVATlON 33
(L. Dugas, 1894, p. 42-43).

C…, H.

Pendant qu’il assiste a une conversation à laquelle il prend part, a « conscience d’avoir entendu déjà cette conversation dans les mêmes circonstances, entre les mêmes personnes, débitée du même ton, etc.

« A son examen d’histoire, au baccalauréat, il lui semblait s’être entendu poser déjà les mêmes questions, par le même professeur, parlant dans la même salle, avec la même voix. Ses propres réponses, il lui semblait qu’il les avait déjà faites, il se réentendait lui-même…

« C’est au cours des entretiens que la fausse mémoire complète se produit le plus souvent. Chez C… l’illusion dure à peu près cinq minutes.

« Le même sujet raconte qu’invité à dîner chez une personne, il eut la sensation très nette de reconnaître la maison où il n’était jamais entré, le couloir qui accède au salon, avec sa table carrée et ses livres posés dessus, et de réentendre la conversation qui se tint-là.

C… s’exprime à peu près ainsi, commentant le récit de sa fausse mémoire à l’examen : « j’écoutais ma voix comme j’aurais écouté celle d’une personne étrangère, mais en[p. 132] même temps, je la reconnaissais comme mienne, je savais que c’était moi qui parlais, mais ce moi qui parlait me faisait l’effet d’un moi perdu, très ancien, et soudainement retrouvé.

OBSERVATION 34
(L. Dugas, 1894, p. 40).

T… ; H.

« Cette sensation (La fausse mémoire) a toujours été assez fugitive, laissant après elle une impression de tristesse qui peut s’expliquer à la rigueur par le je ne sais quoi de troublant et de surnaturel que fait au premier abord ce genre d’impressions ; cela me cause aussi un léger agacement comme tout ce qui intrigue et qu’on ne peut complètement expliquer. Peut-être d’ailleurs ne faudrait-il voir dans l’impression de tristesse dont je parle, qu’un fond de mélancolie inhérente à ma nature » p. 40.

OBSERVATION 35
(T. Vignoli, 1894, p. 179, 180).

Cet auteur rapporte avec beaucoup de détails, plusieurs cas personnels de fausse reconnaissance, parmi lesquels nous choisissons les suivants : [p. 133]

  1. — Un soir d’hiver, il se trouvait dans un salon près d’une petite chambre, avec diverses personnes, sa mère, une jeune sœur, et d’autres amis de la maison. Aucune espèce d’excitation anormale. Tout à coup, il ressentit instantanément que tout ce qui l’entourait, le lieu où il se trouvait, la petite chambre, les meubles, les personnes présentes, et les paroles que l’on disait à ce moment, avaient été déjà perçus.
  2. — Un jour d’été, à 18 ans environ, étant à la campagne, près d’un de ses amis, dans une salle du rez-de-chaussée, il causait de chasse tranquillement assis près d’une large fenêtre qui permettait de jouir d’une superbe vue sur la campagne.

A un certain moment, regardant distraitement, et en causant, parci-parla, il eut l’impression d’avoir vu exactement dans tous ses détails, le même spectacle, à une époque lointaine et indéterminée…

OBSERVATION 36
(Arnaud, 1896, page 456-463).

Louis ; H. 34 ans.

Officier. Entre à la maison de santé de Vanves, en juillet 1894.

Antécédents héréditaires. — Mère passe pour nerveuse.

Etat physique. — De taille moyenne, vigoureux, bien conformé. Oreilles mal ourlées ; aucun autre stigmate de [p. 134] dégénérescence. Neurasthénie manifeste ; fréquents maux de tête survenant d’ordinaire après les repas ; sensations de serrement autour du front, de compression à la nuque ; zones douloureuses à la pression le long de la colonne vertébrale, plaque sacrée bien nette ; troubles digestifs, insomnie, irritabilité, etc.

Etat moral, nature rêveuse et concentrée. Il a toujours eu le goût de la solitude et du vagabondage. Fort intelligent, ayant une très bonne mémoire (au lycée il avait tous les an le prix de récitation), il est entré second à Saint-Cyr, et son avancement a été rapide.

A éprouvé quelquefois dans son enfance l’impression de « déjà vu ». « Il croit qu’il se trompait alors, tandis qu’aujourd’hui il a la certitude que son impression est réellement fondée. »

Plusieurs fois fièvre paludéenne au Tonkin.

Un accès pernicieux très grave le force à rentrer en France en juillet 189l.

A cette époque ; état physique alarmant : « amnésie généralisée, à la fois rétrograde et antérograde : il avait oublié la plupart des évènements de sa vie, et de plus les faits actuels s’effaçaient de sa mémoire au fur et à mesure, à ce point qu’il répétait la même question 5 ou 6 fois en quelques minutes. L’amnésie n’était cependant pas absolue, quelques souvenir surnageaient » (p. 457).

Après 6 ou 7 mois les forces étaient redevenues à peu près normales, mais la mémoire restait affaiblie, surtout pour les faits postérieurs au retour du Tonkin. Symptômes de neurasthénie.

En janvier 1893, 18 mois après sa fièvre paludéenne, « Louis [p. 135] affirme reconnaître, pour les avoir lus antérieurement certains articles de journal. Il dit même qu’il doit avoir écrit plusieurs de ces articles ».

L’illusion était intermittente, et resta quelque temps limitée aux lectures.

A la même époque, grand maux de tête.

S’inquiétait de son état.

S’emportait et récriminait sans motifs.

Peu après : « Assistant au mariage de son frère, il déclara tout à coup qu’il était très sûr d’avoir assisté l’année précédente et dans des conditions identiques aux mêmes cérémonies ; qu’il en reconnaissait tous les détails, et ne comprenait pas pourquoi on recommençait tout cela » p. 457.

En 1893, il s’éprend d’une jeune fille qu’il veut épouser. En raison de son état de santé, les parents s’opposent-au mariage.

Très affecté de cette opposition.

Depuis ce moment, ses illusions se multiplient avec une grande rapidité.

Bientôt, idées de persécution.

« Attribue ses maux de têtes à des drogues que ses parents lui administrent pour lui faire oublier ses projets de mariage, ou pour le consoler de son chagrin en l’abrutissant. Il interprète dans le même sens les faits les plus naturels. Colères, violences.

On renvoie dans un établissement d’hydrothérapie ; il en

sort au bout de quarante-huit heures, en disant qu’il y était déjà venu l’année précédente et qu’il en était parti de la même manière. Enfin, sur les instances de son père qui lui remontrait la nécessité d’un traitement suivi, du calme et de [p. 136] l’isolement, il vient à Vanves volontairement et seul (juillet 1894).

A peine entré dans la maison, il reconnaît successivement tout ce qu’il voit : la cour, le salon avec ses sièges et ses tentures, le parc dans ses moindres détails ; les personnes qui le reçoivent ont déjà fait les mêmes gestes, prononcé les même paroles ; lui-même a fait les mêmes réponses. C’est l’année dernière, dit-il, à pareille époque, qu’il est déjà venu ici et il veut s’en aller, comme l’année dernière.

L’auteur l’aborde : « il répond à mon salut d’une façon absolument correcte et de l’air de quelqu’un qui se trouve en présence d’un inconnu. Quelques paroles sont prononcées, et sa physionomie change, il me dit en souriant : « Je vous reconnais maintenant, docteur ! C’est bien vous qui m’avez adressé les mêmes questions et je vous ai répondu de même. Tout cela est très net pour moi. Vous jouez fort bien la surprise, mais il est inutile de continuer. » Malgré mes dénégations les plus énergiques, Louis reste inébranlable dans sa conviction ».

Quelques instants après, scène identique avec M. Falret.

Toute cette première journée se passa ainsi en reconnaissances successives de tout ce que Louis découvrait dans la maison. La reconnaissance, toujours très rapide, n’était jamais instantanée.

Le lendemain, Louis écrivait la lettre suivante.

« 5 heures matin, juillet 1894.

« Mon cher frère,

“Je me rends de plus en plus compte que la sciedes drogues me poursuit. Je vois pourquoi on m’a renvoyé dans cette [p. 137] maison où je suis déjà venu l’an dernier. Comme toujours, pas d’esprit de suite. D’abord des drogues pour, ensuite les drogues contre. De telle sorte que quand, comme cette nuit, très exactement, minute par minute, je retrouve ce que j’ai fait l’an dernier, je n’ai affaire qu’à une carafe d’eau qui me détraque la tête et va forcer à quitter la place demain, à la première heure. Vous vous obstinez à me mettre des bâtons dans les roues au moment où je sens que cela va aller bien. Je vais repartir pour B… , où vous pourrez me droguer à votre aise et achever de m’abrutir. Quoi qu’il arrive, je vous serai toujours très reconnaissant de ce que vous avez fait.

« Pour mon compte personnel, ce que je vois de plus terrible, c’est surtout cet empêchement cérébral qui fait que, dans les mêmes circonstances, je fais, je dis ou je ne fais pas, je ne dis pas les mêmes choses. C’est ce qui fait qu’en arrivant ici j’ai exactement dit au docteur ce que je lui avais dit l’année dernière ; c’est ce qui fait que, comme l’an dernier, je n’ai pas parlé à Mlle X…, l’autre jour, chez les Z…

« Il s’agit maintenant de m’en aller d’ici, où je n’ai pas dormi de la nuit et où je n’ai eu pour me rafraîchir que de l’eau empoisonnée, comme l’an dernier, toujours comme l’an dernier.

« En d’autres termes, ma maladie qui, évidemment, existe, est ceci : placé dans les mêmes conditions, je refais les mêmes choses, bonnes ou mauvaises. Qu’en faut-il conclure ? J’affirme avec plus d’énergie que jamais, que Mlle X… peut me guérir et que, encore une fois, si je pouvais la voir huit jours de suite, je serais exactement ce que j’étais avant de tomber malade.

Et là-dessus, je t’embrasse très affectueusement, désolé [p. 138] que vous soyez décidés à m’empêcher de faire ce mariage que je me sens capable de faire à partir de maintenant.

« LOUIS »

Evolution depuis l’entrée à l’asile :

IDEES DE PERSÊCUTION :

Aucune apparence d’évolution.

Jamais d’hallucinations.

N’a jamais trouvé aux aliments de goût ou d’odeur suspects : « Il reconnaît les drogues à leurs prétendus effets, d’ailleurs variables, tantôt excitants, et tantôt déprimants. Il ne peut expliquer pourquoi on lui donne ainsi des drogues contraires, pourquoi surtout on choisit pour l’abrutir le moment précis où il va mieux ».

D’ordinaire bienveillant et doux, se plaint sans aigreur de son internement et de son empoisonnement continuel. Il admet que tout cela est fait pour son bien. Mais on fait fausse route puisque ces mêmes moyens ont échoué déjà l’année dernière.

Moments d’exacerbation où il frappe, menace, brise les meubles etc.

ILLUSION DE DÉJA VU.

« A conservé ses caractères de généralité et d’apparente continuité. Elle embrasse les évènements subjectifs comme les faits objectifs… La reconnaissance illusoire est affirmée avec d’autant d’énergie que l’on attire davantage sur le fait l’attention du malade », p. 460.

« Louis n’a jamais cessé d’affirmer que son existence actuelle répète exactement sa vie de l’an dernier. Dans les six mois que je viens de passer ici (janvier 1895). Il n’y a pas deux minutes qui diffèrent de mon premier séjour ». [p. 139]

Reconnaît sans hésitation, non seulement les faits quelconques de la vie quotidienne, mais aussi tous les évènement publics dont on lui parle, ou qu’il apprend par les journaux.

De chaque nouvelle reconnaissance, il tire une preuve nouvelle et chaque fois décisive de son précédent séjour dans la maison de santé. Sans paraître se douter qu’il nous avait dit la même chose la veille, il répétait chaque jour : « Hier encore, je n’étais pas très sûr ; je pouvais avoir des doute sur mon séjour antérieur ici. Mais, à présent, c’est très net, je suis absolument certain d’avoir connu le fait de tout à l’heure ici même, l’année dernière et dans des circonstances identiques.

Au commencement d’octobre 1895, nous conduisons le malade voir l’enterrement de Pasteur. Il était à un balcon, en compagnie de deux inconnus, un homme et une femme. Qu’il a d’ailleurs très vite reconnus, comme il a reconnu la maison, la, rue, la foule et le cortège dans tous ses détails. Le lendemain, nous reparlons plusieurs fois de cet enterrement, et suivant son habitude, Louis affirme que, plus il y pense, plus clairement il revoit tout cela : il a particulièrement gardé le souvenir très précis des deux personnes qui étaient auprès de lui. « Je les vois aussi nettement que hier. » On lui demande, alors de rappeler leurs physionomies, la couleur et la forme de leurs vêtements. Le description qu’il en fait est aussi éloignée que possible de la vérité ; il prête au Monsieur un Chapeau haute forme gris, alors qu’il portait une casquette anglaise, — une redingote noire au lieu d’un veston gris. Il coiffe la dame d’un chapeau rouge, tandis qu’elle avait un chapeau noir, etc.

Non seulement, il revoit, réentend, refait les mêmes choses [p. 140]

« jour par jour », mais il éprouve aussi « les mêmes sentiments », il traverse « les mêmes états d’âme », il fait « les mêmes rêves » : ce qui résume dans cette formule nette et concise : « Je vis deux années parallèles »,

Interprétation de l’illusion par le malade, et déduction qu’il en tire :

1° La répétition de sa vie intérieure l’impressionne beaucoup plus que la reconnaissance des faits extérieurs : « J’ai la certitude d’avoir séjourné ici l’an passé, non pas tant grâce à mes souvenirs que par l’identité des pensées qui me viennent à l’esprit, de mes rêves, de mes dispositions intérieures. Je ne vous cache pas que cela m’ennuie beaucoup. Recommencer, dans le même ordre, les mêmes pensées et les mêmes rêves, cela est évidemment maladif. »

2° Erreurs de chronologie :

Il en vient à croire qu’il a séjourné trois dans la maison de santé, parce que, dit-il, « le souvenir de mon séjour de l’an dernier se présente lui-même à mon esprit comme un souvenir antérieur, comme un souvenir déjà vécu ».

Il suppose d’abord, puis il affirme « que nous sommes en 1895 », puisque tous les journaux qu’on lui donne, et qu’il a « lus l’année dernière », portent la date de 1894. Naturellement, le ler janvier 1895 devient pour lui le ler janvier 1896, et ainsi de suite.

3° Négation de faits :

Le malade écrivait à son frère, en octobre 1894 : « J’ai suivi jour par jour mon séjour précédent dans cet établissement. J’y ai retrouvé au fur et à mesure les mêmes articles de journaux. Vous m’y avez envoyé les mêmes fausses nouvelles :  mort de Mlle…, le mariage de Mlle Z… Je ne puis écrire [p. 141] Mme X…, ne sachant pas exactement si c’est vrai ou faux. Il me semble bien pourtant que c’est faux, puisque je suis sûr d’avoir lu la même chose l’an dernier, ainsi que le mariage de Mlle Z… J’ai beau avoir la tête malade, il y a. évidemment des choses qui se fixent, et celles-là en sont… Je n’écrirai pas à Mme X…, malgré la parfaite occasion que me donne pseudo mort de sa fille. J’agirai exactement de la même façon que la première rois, et je suis sûr de ne lui avoir pas écrit l’an dernier, je le sens à la netteté avec laquelle je prends la résolution de ne pas lui écrire. »

ETAT DE MEMOIRE :

Affaiblie ; l’amnésie porte principalement sur la période qui a suivi la fièvre paludéenne, et sur les faits actuels.

Acquisitions nouvelles très difficiles et très instables. Dans cette amnésie, il faut faire une part assez importante à la distraction qui résulte des préoccupations habituelles du malade. Toujours absorbé par la pensée de sa maladie, ne parlant guêre d’autre chose, Louis est indifférent à tout ce qui se passe autour de lui. Mais si on réussit à attirer son attention à l’intéresser, les souvenirs se fixent assez bien. [p. 142]

Série de 49 observations inédites

OBSERVATION 37

  1. J…, F. 27 ans.

Artiste peintre. Très intelligente, très cultivée, très nerveuse, ayant à un très haut degré la passion de l’observation intérieure.

l et 2. — Oui ; c’était une impression portant sur la totalité de la perception.

  1. — Vers l’âge de 8 ans. — 4. – Aujourd’hui, 30 avril 1897). — 5 – Non. — 6. – Mémoire très bonne autrefois, actuellement, mauvaise. — 7. – J’ai surtout la mémoire des détails, et non celle de l’ensemble.

8, 10, 15 et 16. – Dans des circonstances banales.

  1. – Très difficile à préciser,
  2. – Plutôt quand l’esprit est dans un état de tension, mais de tension passagère.
  3. – Très souvent, surtout dans l’enfance. Par exemple, je rêve que je passe au coin d’une rue de Moscou où il y a la [p. 143] boutique d’un épicier ; un dvornik en chemise rouge, et chaussé de bottes, balaye le trottoir ; or, je rêve que j’ai déjà rêvé pareille chose. Ceci me frappe tellement, que j’en prend note le matin au réveil.

Il m’est arrivé même de rêver que j’ai accompli un acte identique, dans des circonstances analogues plusieurs fois dans un passé de rêve. Il y a ici une distinction assez délicate à établir. Ai-je rêvé un rêve réellement vu dans le passé, ou bien, était-ce une véritable paramnésie hypnagogique. J’incline vers cette dernière hypothèse, puisque jamais à mon réveil je ne m’étais souvenu d’avoir rêvé pareille chose.

  1. – Environ trois secondes j’ai pu vérifier cette durée aujourd’hui même en répétant l’acte pendant laquelle phénomène est survenu. J’avais des points de repère fixes où il commença, et d’autres où il finit.

J’étais allé dans un coin de ma chambre pour y chercher un objet, et ce faisant, je déplaçai le pied d’un appareil photographique à ce moment, j’eus l’impression d’avoir accompli jadis le même acte, exactement, dans des circonstances identiques (je pensais à ce moment à la nécessité d’apprendre les langues étrangères aux enfants). Mais aussitôt que j’eus conscience que c’était une paramnésie, le phénomène cessa. J’eu fis immédiatement la relation à une personne qui se trouvait dans la chambre avec moi.

« Une particularité à noter : Il me sembla avoir accompli cet acte dans des conditions identiques, non pas une seule fois mais plusieurs fois dans le passé.

  1. – Non. — 24. – Curiosité, plaisir, désir de voir plus loin. — 25. – Jamais. — 27. – Non. — 28. – Oui, mais je n’en ai jamais eu l’envie. — 29. – Elles s’accompagnent de ce sentiment [p. 144] de prévision ; c’est même un des caractères les plus nets du phénomène. Ce sentiment porte surtout sur les circonstances extérieures.
  2. – La prévision portait sur des actes tellement ordinaires qu’elle ne pouvait en rien les faciliter.
  3. – Je me sentais réellement actrice de mes actes.
  4. – Je ne me sens nullement isolée pendant la durée du phénomène.
  5. – Tous les objets conservent leur aspect ordinaire, mais semblent acquérir une importance particulière.
  6. – Oui : Distractions, obsessions, arythmomanie agoraphobie, frayeurs irraisonnées, manie du doute. Mais tout cela d’une façon assez légère, et sans me porter à des actes anormaux.

« Ni absences, ni tics convulsifs »

OBSERVATION 38
A. D… , H. 20 ans.

Licencié en philosophie.

Intelligent, très bon analyste, bien doué pour l’observation psychologique.

  1. – Oui. — L’impression de « déjà vu » est tout à fait« « sui generis » et ne peut pour moi se confondre avec aucune autre.
  2. – Je n’ai jamais observé la seconde forme ; mais j’ai éprouvé des formes différentes, dont le cas du 3 avril 1896 décrit plus bas, est le seul exemple dont j’ai gardé un souvenir précis. [p 145]
  3. – Il y a 18 mois ou 2 ans, enriron, mais je ne puis fixer de date précise: il est possible, et même probable que j’ai eue des cas de paramnésie auparavant, mais je ne m’y étais probablement pas attaché, et n’en ai pas conservé le souvenir.
  4. – [sic] Pour la dernière fois il ya quatre [ours.et pour l’avant­dernière fois, il y a environ un mois et demi ou deux mois.
  5. – Médiocre. — 7 – Mémoire excellente pour ce qui m’intéresse (un livre, lu par moi! qui sans m’avoir passionné. m’a simplement plu, me demeure présent indéfiniment; je n’ai pas connaissance d’avoir oublié un seul livre lu par plaisir). Mémoire visuelle bonne. Auditive, très médiocre. Musculaire (larynx), bonne. Mémoire d’orientation (topographique), très mauvaise. Mémoire de l’odorat, bonne. Mémoire du toucher, assez bonne. Mémoire des noms, des chiffres, mauvaise. Mémoire des mots, des phrases (citations, vers, etc.), très médiocre. Je me rappellerai très bien le sens d’une phrase, jamais la phrase elle-même. Dégoûtt pour apprendre par cœur. Mémoire affective (c. à d. faculté de ressusciter une émotion éprouvée antérieurement) presque nulle.

En résumé, la dominante de ma memoire me semble être de ne conserver que ce qui m’intéresse, ce qu’il y a pour moi de vivant, de suggestif, d’intéressant dans un souvenir Je n’ai en aucune façon la mémoire du petit fait, du détail, en tant que détail”.

  1. – Rien remarqué d’anormal, clans un sens ni dans l’autre.
  2. – Non. — 10. –  Plutôt cela, mais sans rien de rigoureux, à ce qu’il me semble.

11 et 12. – Non.  — 13 et 15. – Dépression ou fatigue physiques ou intellectuelles, excitation physique. Non. [p. 146]

Excitation intellectuelle. Oui. A ce propos, je ferais rernarquer que I’excitation intellectuelle, dans les cas de panamnésie les plus nets éprouvés par moi, a toujours été causée par cela mène an sujet de quai j’ai éprouvé le phénomène de fausse reconnaissance, Ce n’était donc pas pendant un état véritable d’excitation intellectuelle c’était à la suite et pendant une excitation intellectuelle de durée relativement courte (1/2 lieure ou l heure). De plus, à l’excitation intellectuelle se joignait presque toujours une réflexion profonde sur une question dëlicate. Enfin, j’ai remarqué que dans certains cas, si, cette excitation intellectuelle et à cette réfexion profonde, se joignait le désir de donner une réponse sérieuse à un inlerlocuteur (ceci me semble avoir chez moi une certaine importance).

  1. – Non. Dans des circonstances mettant en jeu mon intelligence, mais sans me passionner prafondément.
  2. – Voir plus loin la description du rêve.
  3. – Je ne prends jamais d’alcool; je fume, mais modérément. Les cas de paramnésie se sont produits indlfféremment, tandis que je fumais, ou non. Je ne prends aucun narcotique ou aucune substance analogue (sauf tabac.).

20 et 21. – Impossible de donner une réponse,

  1. – Je n’ai jamais remarqué d’erreur de ce genre. — 23 – Non.
  2. – Sentiment d’étonnement, et désir d’en trouver la raison et l’explication. — 25 et- 27. – Non.
  3. – Je n’ai jamais essayé, m’efforçant au contraire de le faire durer pour pouvoir l’étudier. Par conséquent, pas de réponse à donner. Je croirais cepenant que c’est en essayant [p. 147] de confronter l’état actuel avec des états passés que je pourais faire cesser la paramnésie.
  4. – Peut-être, mais rien de net à ce sujet. — 30 et 31. – Non.
  5. – J’ai éprouvé très légèrement cette impression mais sans rien de net. — 33 et 34. – Non.
  6. – Distractions. Rarement (plutôt oublis). Dans l’enfance, erreurs nocturnes dues à des cauchemars qui se répétaient chaque nuit.

36 : I. – J’ai éprouvé l’impression de fausse reconnaissance . à plusieurs reprises (2 ou 3 fois) dans des circonstance sanalogues, qui sont les suivantes:

Je suis adossé à une cheminée. Tenant de la main gauche élevée à la hauteur du mamelon, une cigarette, causant d’une question qui m’intéresse vivement et pour laquelle je cherehe une solution satisfaisante. Mon intelligence est excitée; je suis absorbé. De plus, je suis préoccupé de la réponse que j’ai à faire.

J’ai éprouvé pour la dernière fois l’impression de fausse reconnaissance dans ces conditions il y a environ 3 mois. Auparavant, je l’avais éprouvée l ou 2 fois. L’impression de déjà éprouvée porte sur ma position, sur mon inteelocutenr; beaucoup moins sur les autres personnes, car le monde extérieur existe fort peu pour moi à ce moment: je suis, absorbé,

Il n’y a pas de prévision. La fausse mémoire consiste plutôt dans un état affectif spécial que dans une reconnaissance très nette du caractère passé et déjà ressenti de mes représentations. Cependant, dans las cas ci-dessus, mes représentations et mes idées sont nettement marquées du caractère de déjà vu. Je n’ai rien remarqué d’autre. [p. 148]

  1. — « J’ai eu, il y a environ 2 mois, une impression très fugitive de déjà vu en traversant la place de la Concorde, sur l’impériale du tramway. Cette impression était tout à fait différente de l’impression d’« ordinaire », d’« habituel » que j’éprouve en voyant un objet, un lieu, une personne familiers, J’étais dans un état d’excitation intellectuelle, je réfléchissais. à une question qui m’intéressait.

III. — « Le phénomène de déjà vu s’est présenté chez moi en rêve, sous la forme suivante:

Il s’agit d’un rêve, qu’en réalité j’avais déjà eu une fois; je ne me suis souvenu du premier rêve qu’une fois réveillë à demi, et d’autre part, il y avait entre le premier et le second rêve des différences de détail assez notables. Or, pendant-le second rêve, j’éprouvais nettement l’impression de « déjà vu » je ne sais si cette impression avait accompagné également le premier.

Ce rêve était en lui-même, assez complexe, et ne pouvait être la reproduction d’un fait antérieur réel de ma vie: je ne promenais d’abord dans un chemin bordé de murs très élevés. Terrain plat, puis descente rapide. Je me trouve aussitôt dans une plaine absolument plate.

Le chemin par lequel je suis venu a disparu. Une auberge, je reconnais les aubergistes, leurs nombreux enfants : de 20 à 25 ans, une mare, etc.

L’auberge est au bord de la route. Impression d’un horizon très lointain, comme si on était au bord de la mer. Puis, je pars (La chasse est le but de mon voyage) je me trouve, après avoir suivi un chemin en pente dans des prés marécageux et voillonnés. Nous sommes plusieurs chasseurs. Des bécassinnes [p. 149] « partent ». Après une chasse assez longue, nous nous préparons à rentrer… Tout finit là ».

IV.- « D’autre part, j’éprouve quelquefois en rêve une impression très étrange : quelque chose comme un « tourbillon » indéfinissable, vient sur moi grondant d’une façon étrange, s’approche, et ne m’atteint jamais (je ne puis exprimer ce que j’éprouve que d’une façon très vague). Ce rêve était assez fréquent dans mon enfance de 7 à 11 ans, à peu près. Depuis cette époque, je ne l’ai éprouvé que très rarement; dans ces quatre dernières, je n’ai eu ce rêve une seule fois (il y a un an environ). Il survient quand je suis à demi éveillé, je sais alors très nettement que je l’ai déjà eu, mais comme il est absolument indéfinissable et inexprimable, l’impression de souvenir que j’ai alors, n’est nullement intellectuelle, elle, est pour ainsi dire purement organique, purement émotive, il n’y a pas d’image ancienne nettement différenciée de l’état actuel, ni s’opposant à lui. Cet état ressemble assez à la fausse reconnaissance ».

OBSERVATlON 39
C.B…, H. 25 ans,

Licencié en droit, étudiant err médecine. S’occupe spécialement de psychologie experimentale.

I.- Il m’est arrivé plusieurs fois d’éprouver une subite impression d’étonnement, précédant ou accompagnant cette impression, que j’avais déjà, soit vu tel décor, soit éprouvé tel [p. 150] ensembte de sensations soit pensé telle chose, dans les mêmes termes ».

Dans tons les cas de panaannésie que j’ai éprouvés, mon impression de recennaissanoe n’a été acoempagnée d’aucune tentative de localisation. Je reconnaissais les circonsiances actuelles comme une pcssibilité déjà prévue, et non comme un passé déjà vécu. Dans un moment de ma vie antérieure, semblait-il, j’avais imaginé un ensemble de sensasions possédant une saveur spéciale, ensemble que j’avais totalement onblié, et qui se reproduisait aujourd’hui. Mais, à quel moment de ma vie j’avais eu cette prévision, et si en imaginant jadist cet ensemble de sensations j’avais eu conscience quelles se ne produiraient pas jour, bref, si elles avaient été conçue cerame possibles, ou comme futures, l’idée de le chencher ne m’est jamais venue au moment de la paramnësie. Je sentais seulement que j’avais du pouvoir, puisque je reconnaissais.

Il m’a presque toujours été impossible de me représenter de nouveau, tel qu’il était au moment de l’impression morbide, le complexus que j’avais cru reconnaître. Si j’avais « reconnu» le décor extérieur, c’est vainement que je cherchais ensuite à le revoir avec l’aspect qu’il avait eu sur le moment; si j’avais reconnu une phrase, même très mnémotechnique par sa structure, deux minutes après il m’était impossible de la retrouver.

2 – L’impression de reconnaissance était immédiate ou immédiatement consécutive à l’impression d’étonnement, la perception d’une identité s’imposait à moi.Quand rai pu maintemr mon attention sur l’objet de la fausse reconnaisance, Je n’ai jamais pu isoler un élément de la réalité que je reconnusse en particufier; bref, tout jugement était étranger [p. 151au phénomène. Je ne décrirai donc ici que des fausses reconnaissances de la forme la plus spontanée.

L’impression de reconnaissance a presque touiours porté sur la totalîtë des sensations actnelles: État physiologique, nuance d’àme, pensée du moment et décor extérieur, sans qu’il me fut possible de démêl,; ni au moment de l’impression première, ni après coup, quel de ces élémnets en particulier avait donné naissance au pénomène.

D’autre part, il m’est arrivé fréquemment (une dizaine de fois en tout) d’observer en moi le retour nettement perceptible d’une sensation, ou plutôt d’un ensemble de sensations qu’il me semblait avoir déjà éprouvé.Ce fait qu’une impression, ou plutôt un ensemble d’impressions, possède une saveur, ou, si l’on veut, un timbre propre est parfaitement isolable, quelque part il peut être reconnu, indépendamment de ses éléments et du souvenir de ces éléments, me semble avoir une grande importance pour l’explication du mécanisme des fausses reconnaissances.

  1. – Mon premier souvenir net remonte à l’âge de 15 ans je croirais volontiers que vers huit – 10 ans, lorsque, à plusieurs reprises j’ai cru éprouver des pressentiments, ces pressentiments n’étaient que la suite de fausses reconnaissances, telles que j’en décrirais une au § 29.
  2. – Ma dernière impression de ce genre remonte au mois de juillet dernier, je venais d’avoir 25 ans. Elle présentait ceci de particulier qu’elle s’est produite dans une période de santé et dans un moment de bien-être.
  3. – Je n’avais éprouvé ce phénomène depuis l’âge de 18 ans. Par contre, dès 15 à 18 ans, je crois l’avoir éprouvé une dizaine de fois d’une façon nette. [p. 152]

6 et 7. –  ma mémoire était et est encore bonne.

« J’ai eu des l’enfances la mémoire visuelle, développée et cultivée par les circonstances ; de plus, j’ai toujours retenu avec facilité les détails des conversations.

« Depuis l’âge de 13 ou 14 ans, j’ai eu du goût pour les idées générales, dans quelque ordre d’études que ce soit, pour la généralisation et la classification.

« Enfin, je crois ma mémoire plus apte que beaucoup d’autres à retrouver dans leur totalité et avec leur saveur, les impressions, ou même les états d’âme d’autrefois, m’imposant ainsi des comparaisons que je n’ai pas cherchées, ou m’aidant à  prévoir des émotions qui vont venir (attente, appréhension, regret, tristesse).

  1. -Ma mémoire ne présentait aucune particularité dans la période où j’éprouvais les fausses reconnaissances.
  2. – Pour deux des cas que je me rappelle nettement, je me trouvais dans des décors et des circonstances connus.

« Pour le troisième, je rue trouvais dans un milieu nou­ -veau.

« Mais des deux premiers cas dont je parle, l’un s’était présenté lorsque le décor extérieur était modifié quant à sa physionomie générale; dans le troisième, la nouveauté du milieu n’a pas été l’objet de la fausse reconnaissance.

11 et 12. – La solitude est chez moi favorable à l’apparition des fausses reconnaissances. Ellès surviennent au cours de méditations ou de contemplations.

« Une fois seulement, j’ai éprouvé cette impression au milieu d’une conversation animée ».

  1. – Dans tous les cas que je me rappelle, sauf le dernier, je me trouvais déprimé au physique et au moral par l’étude, [p. 153] l’absence de satisfactions, désirées ou non, et les préoccupations philosophiques ou religieuses (de 15 à 18 ans).
  2. – Je n’ai jamais éprouvé en rève l’impression de fausse reconnaissance; si plusieurs fois des passages de rêve m’on inspiré de l’étonnement, c’était par leur étrangeté. D’autres fois, un jugement modifié me les faisait reconnaitre, dans la suite de mon rêve.

18.- La morphine ne m’a jamais procuréde fausses reconnaissances, mais seulement des rêveries très variées et généralement optimistes. Je ne me suis piqué d’ailleurs qu’une dizaine de fois au plus et pour motifs médicaux.

  1. – J’estime que la fausse reconnaissance, avec la surprise qui l’accompagne, dure de 3 à 10 secondes ce dernier chiffres étant le plus grand auquel l’attention puisse l’amener. Passé ce temps, la fausse reconnaissance n’est plus qu’un jugement sur lequel l’intelligence travaille (ou bien qui s’efface en entier).

Mes récits indiquent les points de repère sur lesquels j’établis mes appréciations.

  1. – Non les erreurs que j’ai pu faire à ce sujet (mais que je n’ai pas constatées) n’offraient rien de spécial.

23.- Non.

24.- L’impression qui accompagne le phénomène. est toujours chez moi primitivement et presque uniquement la surprise; sans aller jusqu’à la stupeur, elle est toujours assez forte pour ne laisser percevoir aucune autre nuance de sentiment ni gaie, ni triste. — La sensation consécutive serait plutôt une sorte d’inquiétude, mais je n’ai éprouvé ni angoisse ni oppression. Jamais d’impression d’ennui, ni de bien-être à l’occasion de la paramnésie. [p. 154]

27.- Il me semble que je puis prolonger de quelques secondes l’impression de fausse mecotmaissance par une sorte inhibition portant sur le cours de mes idées et sur les perceptions extérieures; il en est de rnême chez moi pour toutes les impressions subjectives.

En provoquer I’apparttion, me semble tout à fait impossible.

  1. – Je n’ai jamais essayé de les faire cesser.

29·et 30. – Souvent le second stade de la fausse reconnaissance a été-chez moi l’illusion que je savaîs ce qui allait m’arriver.

C’est-a-dîre que, après l’impression de reconunissance, l’idée d’un évènement prêt à survenir, avec vison nette de cet évènement, s’est quelquefois imposée à moi. Il ne s’agissait pas de faits devant survenir immédiatement, mais d’évènemennt prochains, susceptibles d’influer sur toute ma destinée. J’en donne plus loin un exemple. D’autres fois aussi, je n’ai éprouvé qu’une sensation d’attente, pouvant s’exprimer ami: “que va-t-il survenir ? Toutefois, j’attendais, non pas un évênement, mais la seule prévision de cet événement : Puisque j’avais prévu jadis un fait, une sensation, et que ce fait ou cette sensation s’étaient réalisés. Les autres faits ou sensations que j’avais pu prévoie en même temps devaient se réaliser aussi et sans effor de recherche, j’attendais que le reste de mes prévisions passées apparut ; très souvent, rien ne s’est présenté. Je présente ici sous forme de raisonnementrl les pensées qui se présentaient en réalitè à moi, d’une façon instantanée et en apparence spontanées, le mécanisme de son apparition ou restant inconscient.

En somme ces pressentiments me semblent liés chez moi à [p.  155] l’idée d’avoir prévu les evénements actuels et ne se seraient peut-être pas produits si j’avais cru simplement les avoir vécus.

Les pressentiments ne portaient pas sur des évènements devant survenir Iimmédiatement, mais sur des évènements prochains susceptibles d’influer sur toute ma destinée, j’en donne plus loin un exemple.

Les événements ultérieurs n’ont jamais justifié mes prévisons.

31, 32, 33 et 34. – Non.

32 bis. – Quelquefois j’ai éprouvé cette impression que le choses avaient un air étrange; mais je ne puis ni définir plus longuement cette impression, ni l’expliquer, ni surtout la rattacher aux phénomènes de reconnaissance, vraie ou fausse.

  1. – Je ne suis sujet à aucun des phénomènes morbides énumérés, je suis seulement assez distrait, et quelquefois hanté d’une façon irritante par un air de musique (qui me plaît, ou qui m’a toujonrs déplu), par une strophe, ou par un vers isolé.
  2. — Le cas le plus ancien dont j’aie un souvenir net, est celui-ci: A l’age de 15 ans, et me trouvant au collège, je suivais on jour mes camarades, allant du -réfectoire à la cour de récréation ; je marchais avec quelqu’ennui tout en développant une pensée, mais sans perdre pour cela, ni la notion du camarade qui était devant moi, ni du temps, qui était brumeux, ni des bâtiments environnants, quand tout à coup, je fus frappé de surprïse, et m’aperçus que mes pensées actuelles avec cette dose exacte d’ennui, et cet arnangemsnt précis des lignes perspectives, m’étaient déjà connues, et que je m’étais vu déjà à cette même place, suivant la file de mes [p. 156] camarades, et voyant aux choses cette physionomie. Immédiatement, j’eus l’impression que j’échouerais l’année suivante à mon baccalauréat et que un an après, je mourrais. Pendant tout cela, je m’étais arrêté, et j’eus à faire deux ou tros mètres, pas plus, pour attraper mon chef de file. Le décor m’était bien connu, et je le revoyais tous les jours depuis plusieurs mois.
  3. — Entrant dans ma chambre écartée et déserte, la fenétre étant ouverte je suis arrêté sur le seuil par l’impression d’avoir déjà prévu cet aspect particulier de la chambre, ce silence du dedans, ces bruits du dehors, mon recueillement, le sentiment que j’ai à ce moment de l’inulité de ma vie actuelle, ou de la vie en général. Sentiments que je n’avais pas encore au moment où je mettais le pied dans la pièce. J’espérais que j’allais prévoir, ou plutôt que j’allais retrouver le souvenir d’autres prévisions jadis faites en même temps que celle du décor actuel: et rien n’est venu. J’ai éprouvé plusieurs fois des phénomènes construîts sur le même type (de 10 à 18 ans).

III — Dernièrement, je me trouvais à déjeuner dans une famille peu connue de moi, mais selon mes goûts, et à ce moment là fort gaie. Je me trouvais moi-même dans des dispositions heureuses, lorsque j’émis à un certain moment une phrase qui me frappa comme ayant été pensée par moi plusieurs années auparavant (il me semblait pouvoir dire 10 ans) et non seulement pensée, mais pensée comme devant être redite plus tard, dans les circonstances et l’état d’esprit actuel, je suis convaincu que la phrase était pour moi absolument nouvelle, d’autant plus qu’elle s’appliquait de tous points aux circonstances. Je fis tous mes eüorts pour la retenir et me la répétai [p.157] a plusieurs reprises, comptant l’écrire dès que je serais seul, mais je cessai ce travail après quelques minutes, et une heure après la phrase m’avait complètement échapppé. C’est le seul cas de paramnésie survenue à un moment de bien-être.

OBSERVATION 40
A… C, H. Né le 12 mars 1871.

Docteur en mëdecine. S’occupe de psychiatrie et de psychologie expérimentale.

  1. – Oui, et cette impression qui se produisait chez moi avec une grande vivacité et une grande netteté m’avait déjà frappé beaucoup, même avant que je me fusse occupé des sciences psychologiques.
  2. – Il me semble que dans tous les cas dont j’ai gardé quelque souvenir, l’impression de déjà vu portait sur le contenu tout entier du champ de conscience à un instant donné.
  3. – Je connaissais déjà le phénomène à l’âge de 10 ans, et l’avais insuffisamment remarqué pour en parler aux personnes qui m’entouraient. Peut-être l’avais-je éprouvé bien plus jeune.
  4. B. – Mes plus anciens souvenirs d’enfance remontent à l’âge de 2 ans.
  5. – Les cinq derniers cas que j’ai observés sont survenus : le 5 décembre 1896, le 16 mars 1897, en avril 1897. Le 18 mai 1897 et le 20 juin 1897.

Je suis sûr qu’il n’y en a pas d’autres : depuis le cinq décembre 1896. [p. 158]

  1. – Fréquence manifestement plus grande (jusqu’à trois fois par semaine en moyenne) de 13 à 20 ans.

3 et 7- Mémoire visuelle : bonne pour la couleur; médiocre pour la ligne, Mémoire des physionomies, très mauvaise.

Mémoire des paysages et des tableaux : Le dessin en est toujours très déformé ; quand je revois un paysage après plusieurs années d’absence, je suis toujours surpris de voir que l’image que j’en avais gardée, image ordinairement fortement colorée et très intense, différait profondément de la réalité. Surtout quant à la ligne, car les couleurs sont plutôt « tranposées » avivées et enrichies, qu’elles ne sont inexactes, à proprement parler. Le fait m’a été particulièrement facile à, vérifier pour les tableaux. Il résulte de ce processus constant de déformation automatique, que jamais, il me semble, je n’éprouverais si j’étais réellement placé pour la seconde foi dans des circonstances identiques, une impression de reconnaissance totale susceptible d’être mise en parallèle avec les phénomènes auxquels se rapporte ce questionnaire.

Mémoire auditive. Peut-être un peu an-dessus de la moyenne. Mémoire olfactive. De même.

Mémoire des positions segmentaires. (Mémoire musculaire) très mauvaise, au point par exemple que je ne puis écrire qu’eu suivant constamment des yeux le bec de ma plume. Mémoire motrice verbale très mauvaise également : après une douzaine d’auditions, je suis incapable après une douzaine d’anditions de chanter intérieurement un air, alors que je retiens souvent (mémoire auditive) à première ou deuxième audition des fragments symphoniques importants, que je suis capable de me rejouer intérieurement.

D’une façon générale, ma mémoire est, surtout depuis [p. 159] quelles années, extrêmement abstraite, présente deux caractère principaux.

  1. a) Elle est extrêmement abstratte ; c’est-à-dire que je me rappelle très difficilement les faits, beaucoup plus facilement les théories, et les classifications (du moins celles que j’ai faites moi-même). Ma mémoire n’est pas, comme celle de certaines personnes, une collection de photographies, mais bien un catalogne, une collection de fiches, si l’on veut.
  2. b) Elle est en quelqua sorte aymbolique : je ne pense habituellement ni avec des mots articulés ni avec des mots entendus, ni avec des images visuelles ressemblant à des objets réels, mais au moyen d’une sorte d’algèbre mentale, à la fois visuelle et auditive, dont les éléments, susceptibles de se combiner de mille manière sont des signes, ordinairement dépourvus de toute ressemblance avec les choses concrètes qu’ils schématisent.

9 et 10. – Pour ce qui est des lieux et des circonstances, il me semble que leur nouveauté favorise bien nettement l’apparition du phénomène.

« Quant à la nouveauté des actes, elle n’a chez moi aucune influence. Dans tous les cas dont j’ai gardé quelque souvenir, les actes que j’accomplissais étaient absolument banals et habituels ».

  1. – Je crois ne l’avoir jamais éprouvé dans de telles circonstances.
  2. – Peut-être l’ai-je éprouvé dans la solitude, mais je n’ai de cela aucun souvenir précis. Dans tous les cas dont je me ouviens, il y avait avec moi une ou plusieurs personnes.

13-14-15 et 16. – Je n’ai remarqué aucune relation nette entre les états énumérés et l’apparition de la fausse reconnaissance. [p. 160]  Je serais cependant tenté de croire que chez moi elle serait favorisée par un certain état d’excitation (Exposition ou discussion d’idées particulièrement intéressantes pour moi devant 5 ou 6 personnes).

17-18 et 19. – Non.

20 et 21. – 30 secondes en moyenne. Au maximum une minute, (cas de l’avenue Marceau, le plus long dont je me souvienne. Là, les points de repère étaient fournis par ma propre conversation, et celle des personnes qui m’entouraient).

  1. – Je ne m’en suis jamais aperçu.
  2. – Vers 13 ans, deux ou trois séries de 4 ou 5 cas sépares par des intervalles variant de 3 à 18 heure.
  3. – Un peu d’inquiétude autrefois, (entre 13 et 20 ans). Actuellement, il me semble qu’il n’y a plus d’état émotionnel particulier, (peut être quelquefois un peu d’inquiétude) et je me mets tout de suite à analyser le phénomène.
  4. – Je suis sujet à des accès d’inquiétude très courts (30 secondes au maximum} je crois qu’ils ont débuté vers l’âge de 20 ans. Il me semble qu’ils sont toujours sous la dépendance d’une idée sub-consciente pénible. Le plus souven ils sont de faible intensité, à peine gênants, et depuis un an sont devenus extrêmement rares.
    Toutes mes tentatives pour faire naître le phénomène ou le prolonger, ont été vaines.

28-29-30 et 31. – Non.

  1. – Oui, mais cette impression est loin d’être constante, et je crois ne l’avoir éprouvée que dans quelques cas où la fausse reconnaissance était survenue pendant que j’étais en train de parler.

33, 34 et 3l bis. – Non, ou du moins pas sans l’impression 32. [p. 161]

32 bis. – Oui, peut-être une demi-douzaine de fois. Ordinairement dans un état d’excitation légère, par exemple, discutant avec des amis, après un repas copieux. L’impression me paraît bien difficile à décrire : elle est, à proprement parler, inintelligible. Elle survient chez moi brusquement, sans aucune espèce de prodromes, et sans cause apparente, au milieu d’une phrase et d’un geste. Elle consiste, en ce que pendant un temps-très court, l’ensemble de mes états de conscience est accompagné du sentiment particulier et indéfinissable que donnent d’ordinaire seulement les choses anormales, ou les choses dont nous n’avons jamais rencontré l’analogue ; ma voix me fait alors la même impression que si je ne l’avais jamais entendue auparavant, mes raisonnements et mes pensées me paraissent inattendus, le monde extérieur est lointain et étrange, je me parais à moi-même étrange et étranger à moi-même, autant (et même plus en un certain sens) que si j’étais un autre. Cela peut durer, il me semble, de 30 secondes à une minute.

33 bis. – J’ai éprouvé plusieurs fois (3 ou 4 foist) cette impression avant de m’endormir, mais mes souvenirs sur ce point sont extrêmement vagues. Je crois me rappeler que cela n’était nullement lié à une fatigue plus grande, ni à aucune espèce d’état anormal.

  1. – Je suis peu distrait, et assez rebelle à l’obsession. Il est rare qu’un mot ou un air me « poursuivent » et quand cela arrive, c’est toujours parce que je les ai volontairement répétés un grand nombre de fois pour les graver dans ma mémoire. L’obsession ne dure d’ailleurs jamais plus d’une heure, elle n’est jamais bien gênante et cesse toujours dès que le dois réfléchir à quelque chose de sérieux ou d’intéressant. [p. 162]

Il me semble que je suis actuettement assez bien équilibré au point de vue nerveux.

Vers 19-20 ans, à la suite de surmenaçe physique, j’ai été pendant près d’un an assez prorondement neurasthénique : céphalées, hyperesthésie du cuir chevelu, rachialgie, diminution considerable de la mémoire, etc… phobie, ce qui signifie que je redoutais extrêmement la vue de ma propre image réfléchie dans une glace, cette phobie ne fut pas très intense ; j’arrivais souvent à la surmonter, et n’éprouvais alors que de l’inquiétude et un peu d’oppression, sans angoisse proprement dite. Elle a totalement disparu. Pendant cette période de neurasthénie, les fausses reconnaissances ne furent pas plus fréquentes qu’elles n’avaient été avant, et qu’elles ne furent après.

  1. – I. – 5 décembre 1896. — Etat physique et état mental absolument normaux et ne présentant rien ne spécial. J’étais dans une maison où je me trouvais pour la première fois (nouvellement construite d’ailleurs), dînant avec trois personnes que j’avais vu pour la première fois environ une heure auparavant, et dans des circonstances qui étaient pour moi d’un genre tout à fait nouveau. La conversation était assez peu anmée ; on parlait depuis quelques minutes, de villégiatures, et quelqu’un ayant parlé de Cabourg, je commençai à raconter diverses choses, assez banales, d’ailleurs, et peu intéressante sur ce pays ; je parlais ainsi depuis une minute peut-être, quand soudain, j’eus, d’une façon extrêmement intense, l’impression d’avoir dit exactement les mêmes choses dans les mêmes circonstances, -notamment dans le même décor, la même suspension à gaz en simili-bronze, dont la structure prétentieuse et inharmonique me causait une impression de [p. 163] gêne permanente, répandant sa lumière jaune sur la figure de la personne qui me faisait vis-a-vis, ayant devant moi dans la même assiette blanche le même morceau de veau que je mangeais sans sauce et sans pain, par très petites bouchées. Cette impression dura environ une minute. Personne autour de moi ne s’aperçut de quoique que ce soit (Rédigé d’après des notes prises trois heures après).

II — 16 mars 1898. – Entre 8 heures 1/2 et 9 heures du matin. État absolument normal. Circonstances banales : j’étais en tramway, et habituelles, car je faisais le même traje de la mème façon presque tous les matins depuis six semaine. Je lisais dans l’ « Echo de Paris » le compte-rendu de la dernière séance de la Cbambre. Je lisais vite, mais avec assez de soin, et étais suffisamment absorbé pour ne prêter aucune attention à ce qui pouvait se passer autour de moi. Comme toujours, lorsque je lis un dialogue, j’entendais intérieurement chacun des interlocuteurs avec une voix différente : « M. le ministre des affaires étrangères. — Les choses s’arrangeraient sans vous assurément (il s’agissait des affaires de CRÈTE). Mais elles s’arrangeraient sûrement contre vous. (Nouveau bruit sur les mêmes bancs). Je me demande si il y a ici une majorité, en présence d’une difficulté d’ordre relativement restreint, alors que toutes les puissances sont d’accord et que nous subordonnons toujours notre adhésion à leur accord unanime… » En entendant ce dernier fragment de phrase, ici mis en italique, j’eus l’impression soudaine de l’avoir déjà entendu intérieurement à une époque indéterminée, exactement dans les mêmes termes et avec le même timbre, ayant sous les yeux le même journal. L’illusion ne porta pas sur le « décor» (c’est-à-dire lien où je me [p. 164] trouvais, personnes qui m’entouraient, etc.). Cela tient uniquement, je crois, à ce qu’à ce moment, ce décor n’existait pas pour moi, toute mon attention étant absorbee par la lecture du journal. Je n’interrompis pas ma lecture ; les dix lignes suivantes furent rapidement lues, fans incident, mais la fausse reconnaissance recommença avec le passage suivant : « Dans un langage très correct, sans viser à de grands effets de tribune, il a très habilement cherché à établir qu’on pouvait rester dans le concert européen… » Là, elle cessa définitivement. Je fus dupe de cette illusion, quelques secondes seulement.

III. — Mercredi 18 mai 1897, 4 heures 15 de l’après-midi. -— (Rédigé d’après des notes prises le soir même, vers 9 heures).

Le 17 mai 1897, j’avais fait visiter à mon camarade H… le service où je travaille, à la SALPÊTRIÉRE. Arrivé à l’entrée d’une salle dans laquelle se trouvait couchée une malade intéressante (atteinte du délire de persécutions), j’avais arrêté H… pour lui exposer le cas, avant de nous rendre auprès d’elle. Le lendemain, causant avec Mlle T… de cette même malade, je voulus raconter la visite que je lui avais faite la veille : Cherchant à me la rappeler, j’évoquai inférieurement le tableau de ce qui s’était passé et notamment ma station avec H… sur le pas de la porte. J’eus tout à coup l’impression d’avoir eu exactement les mêmes souvenirs. Je ne dis pas de les avoir déjà eus dans les mêmes circonstances, parce que, tout à fait absorbé à ce moment-là dans ma recherche, je revivais pour ainsi dire mes souvenirs, tandis que les circonstance présentes n’existaient pour ainsi dire plus pour moi. Cette impression ne dura qu’un instant (au plus trois secondes), mais me fit une impression suffisamment profonde pour que [p. 165] je me demandasse encore pendant les quelques minutes qui suivirent, si la situation de la veille n’avait pas été réellement la répétition d’une situation antérieure ….

OBSERVATlON 41.
Paul Adam, H. né le 7 décembre 1862.

Romancier.

  1. – Oui, fréquemment.
  2. – Oui, le premier cas.
  3. – A six ou sept ans.
  4. – Il y a 2 ans.
  5. – Non.
  6. – Bonne.
  7. – Elle évoque très nettement les couleurs et les gestes. Voir G. Saint-Paul, (1892).

8 et 9. – Non.

  1. – Non plus.

11 et 12. – L’un et l’autre.

  1. – Aucune remarque de ce genre : j’ai été affecté dans les uns et les autres cas. 14, 15 et 16. – Oui.
  2. – Souvent.
  3. – Non.
  4. – Surprise intéressée.
  5. – Oui.
  6. – Toujours,
  7. – Non. [p. 166]
  8. – Je ne tiens pas à les faire cesser.
  9. – A. Peu. – B. – Oui.
  10. – Toujonrs.
  11. – Oui.

32 et 32 bis. – Mais cela m’est très fréquent, même à l’ordinaire et sans fausse reconnaissance. De ce phénomène en effet, M. Paul Adam a mis dans la bouche d’un de ses personnages I’excellente description qui suit : « Le bruit de nos pièces, écrit-il, celui des pierres écroulées, les cris fous des artilleurs, les ordres émis à voix furieuse dans l’ombre blanche des fumées, nous étourdirent plus que la peur… Je perdis moi­même toute personnalité. Les injonctions du capitaine frappèrent mon oreille de telle sorte que je m’imaginais ne pas être désigné par elles. J’assistais moi-même à mes gestes, à mes efforts pour paraître calme et froid, pour détacher avec soin les syllabes de mes commandements. Je fis traîner un arbre sur le corps de mes deux artilleurs. Ma conscience s’étonna de l’acte, loua ma prudence, comme si un autre eût prescrit cette mesure (22) ».

OBSERVATION 42.
Emile Zola. Né le 12 avril 1840.

Homme de Lettres,

  1. — On lit dans l’index du Dr Toulouse sur E. Zola, le passage suivant (1896 p. 195). [p. 167]

« Parmi les erreurs de mémoire, il est une variété de paramnésie qui prète à des choses nouvelles une fausse impression de déjà vu. C’est ainsi que M. Zola est poursuivi par deux ou trois paysages qu’il croit souvent retrouver dans des milieux où il va pour la première fois. Les personnes lui causent rarement la même impression. En revanche, il lui arrive parfois de croire reconnaître dans des conversations nouvelles d’autres causeries identiques de mots et d’allures. Il n’a pa cette impression à propos des phrases qu’il écrit ».

Il est fait allusion dans ce passage à deux phénomènes que M. Toulouse parait avoir quelque peu confondus, mais qui sont bien distincts : D’une part, des paysages nouveaux évoquent souvent, chez M. Zola les souvenirs parfaitement consctents de paysages anciens bien définis, et très connus de lui. C’est ainsi que, lorsqu’il est allé à Rome, il y a trois ou quatre ans, pour la première fois, la vue de la campagne romaine a évoqué en lui avec une précision extraordinaire les souvenirs du petit coin des environs d’Aix où s’est passée son enfance. Il lui semblait que la ville de Rome elle-même fût Aix, démesurément grandie. C’est là un phénomène à peu près automatique, mais en somme purement intellectuel, et qui n’a rien à voir avec l’objet de notre étude (23).

D’autre part, M. Zola est sujet aux fausses reconnaissances, à l’impression de déjà vu. Il a souvent ressenti cette impression, mais saus y avoir jamais prêté une grande attention, les faits de ce genre étant, dit-il, trop flous, trop peu positifs, [p. 168] et renfermant à première vue trop d’inconnaissable pour séduire son intelligence essentiellement logique. « Je n’aurais, ajoute-t-il, été probablement plus frappé, s’il avait été plus manifestement impossible que les faits faussement reconnus, ne fussent qu’une répétition. Il se rappelle avoir éprouvé cette impression spécialement pour des paysages, des conversations, des inflexions de voix.

3, 4, et 5. – Ne peut fournir aucune réponse précise.

6 et 7. – Voir : Saint-Paul (1892) et E. Toulouse (1896).

Chap. 4. – 4 : Mémoire, p. 130 et Sq.

9, 10, 1l, 12, 13, 14, 15 et 16. – Rien remarqué.

20 et 21. – Toujours extrêmement fugitif.

  1. – Non. — 32 bis. – Oui, assez fréquemment, en parlant :

Il lui arrive alors, entendant sa voix, de la trouver étrange, étouffée, il lui semble que personne ne peut l’entendre, qu’elle ne porte pas ; et en même temps, il éprouve une très nette impression d’automatisme. Il a ressenti cet ensemble de symptômes d’une façon particulièrement vive l’an deinier, prononçant un discours à l’inauguration du monument de Maupassant au parc Monceaux.

OBSERVATION 43
Paul Bourget. Romancier.

1, 2, 3, 4 et 5. – « J’y suis sujet d’une manière si constante, que je l’ai tonjours considéré comme normal. Il ne s’est pas passé je crois de semaine, depuis ma plus lointaine enfance, sans [p. 169] que j’aie éprouvé cette impression de déjà vu, à propos de toutes sortes de choses et de gens. »

  1. – Ma mémoire a toujours été très bonne.
  2. – « Ces deux. (cf. plus bas) phénomènes se produisent également lorsque je suis fatigué ou reposé. »
  3. – « Je n’ai jamais usé, même à faible dose, des substances toxiques énumérées dans le questionnaire. »

24, 25, 30, 31, 32, 33 et 34. – L’impression de déjà vu « ne s’accompagne pas de dédoublement, mais d’une espèce de sentiment inanalysable, que la réalité est un rêve. J’éprouve le même sentiment, lorsque, dans le sommeil, autre phénomène constant chez moi, je revois un mort avec la certitude qu’il est mort, quoiqu’il m’apparaisse vivant et agissant.

  1. – « Je n’ai jamais constaté chez moi de nervosités anormales. »

Il ne nous paraît pas évident que ce soit au phénomène de fausse reconnaissance qu’ait fait allusion M. Paul Bourget dans les vers suivants, jolis mais obscurs :

Etait ce dans un rêve. ou dans un autre monde ?
Car bien souvent aux jours d’émotion profonde
Comme un resouvenir me tourmente, et je sens
Mon âme s’en aller en des pays absents,
Et d’ou ce vague élan vers des fleurs ignorée
Si notre âme jamais ne les eut respirées- ?
HÉLÈNE, poème.

OBSERVATION 44
B. O. H. 33 ans.

Prêtre catholique, Professeur de philosophie dans une université libre. [p. 170]

1 et 2.- Oui. — 3. – 29 ans. (?) — 4. – 33ans. — 5.- Oui, pendant l’été, après le travail de l’année scolaire. Et cela coïncide avec un état de fatigue nerveuse géuérale, surtout mentale.

  1. – Mémoire médiocre. — 7. – Particulièrement mauvai pour les noms propres. —  8. – Plus msuvais, surtout pour les noms propres.
  2. – Fatigue physique et intellectuelle, oui.

18.- Je ne suis pas habitué au café ni à l’alcool ; j’en fais usage seulement pendant les vacances.

  1. – Même après que la raison ou le témoignage lui ont démontré son erreur, il conserve toujours l’impression de « déjà vu. »
  2. – Rien de particulier. — 27 et 28. – Non.
  3. Cas de reconnaissance partielle : « Au retour des vacances, un baromètre m’a fait l’impression de déjà-vu » j’ai affirmé qu’il était là, à cet endroit, l’année précédente. Or il n’y était qua depuis quinze jours, et j’étais partie depuis deux mois. Quatre ou cinq fois j’ai éprouvé des impressions semblables, et maintenant, un mois après les vacances, je n’éprouve plus rien. »
  4. O. nous apporte en outre les curieuses illusions de mémoire que voici :
  5. Cas vacances. je disais à ma mère et à ma sœur aînée que je me souvenais d’avoir vu bâtir une partie de la maison que je désignais. Je me rappelais avoir vu les ouvriers sur le toit et avec ce détail très précis qu’on leur envoyait des figues d’un figuier voisin, et qu’ils les recevaient dans la bouche. Or ma sœur m’a assuré que cette partie de la maison [p. 171] était bâtie lorsque je suis né, et ma mère elle-même, l’a toujours vue bâtie.
  6. « Le puits de la maison. Il me semblait que je l’avais vu creuser, mais sans détail bien précis : des hommes y descendaient… »

OBSERVATION 45.
(médite. Recueillie par M. le Dr Mario Pilo professeur à l’université de Bologne).

  1. U… , F…, 32 ans.

Professeur de littérature Italienne à l’Ecole normale de jeunes filles de Belluno (Italie).

  1. – Oui, avec une vague localisation dans un passé très éloigné, voire même dans une vie antérieure.
  2. – Reconnaissance immédiate et totale portant, surtout sur des faits extérieurs, des discours entendus ou prononcé des lieux, des gestes vus ou faits, des sons, des voix nettement perçues; presque pas sur des émotions ou des états d’âme. sinon purement intellectuels.

3, 4 et 5. – Fréquence assez grande de 9 à 13 ou 14 ans, plus rare. jusqu’à 15 ou 16, jamais depuis.

6, 7 et 8 – Mémoire médiocre. Etait plutôt meilleure à l’époque où j’étais sujette aux fausses reconnaissances.

9 et 10 – Le plus souvent dans des circonstances banales.

11 et 12 – Dans la solitude, ou en famille, ou en compagnie de quelques amis; jamais dans le monde.

13, 14, l5, et 16 – Peut-être dans un état de légère fatigue le soir après une journée de travail intellectuel ; quelquefois pendant une promenade, à la campagne. [p. 172]

20, 21. – Durée très courte : quelques secondes, une minute au plus.

  1. – Etat un peu pénible, malaise causé par l’impossibilité de s’expliquer le phénomène. A. V… se souvient de l’extraordinaire impression que lui fit, étant jeune fille, la lecture du roman « Malombra » de Fogassaro dont le clou est précisément un phénomème de paramnésie ; bien que cette lecture ait eu lieu l ou 2 ans après qu’elle eût cessé d’être sujette aux fausses reconnaissances.

25, 26 et 27. – Non. — 28. – Peut-être oui.

  1. – Oui, spécialement pour B. — 30 et 31. – Non.
  2. – Distractions et obsessions. Oui.

D’ailleurs très bonne santé habituelle, esprit parfaitement sain et norma1.

  1. – Aucun souvenir suffisamment précis.

OBSERVATION 46 (personnelle, inédite),
A. B. .. H. 36 ans.

Docteur en médecine.

l et 2. – Oui. Reconnaissance totale. Impression très intense et très profonde, quelque rapide qu’elle fût.

  1. – Peut être vers 12 ans,
  2. – Y est encore sujet actuellement, et croit qu’il n’y a pas plus d’un an qu’il ne l’a éprouvée.
  3. – A. B…, n’a rien remarqué de bien net au sujet des variations de fréquence. Peut être cette fréquence fût-elle un peut plus grande entre le début de la puberté et 22 ans.

6, 7 et 8. – Mémoire médicere. Distrait, oublie vite. [p. 173]

9 et 10. – De préférence en des circonstances nouvelles.

Cependant ne l’a jamais observé en voyage.

11 et 12. – Le plus souvent, c’était chez lui, dans son domicile ordinaire, et plutôt dans la solitude que dans une assemblée nombreuse.

13, 14, 15 et 16. – Aucune des circonstances mentionnée : n’a paru avoir la moindre influence. L’état intellectuel et moral étaient toujours absolument insignifiants.

20 et 21. – Durée toujours trop courte pour pouvoir être évaluée. — 22 et 23. – Non.

  1. – Ni terreur, ni ennui, ni oppression, ni vertige. Pas non plus d’angoisse à proprement parler, mais malaise, inquiétude, impatience. En somme, état comparable à celui où l’on se trouve lorsqu’on cherche un mot qui échappe .
  2. – A. B … , éprouve quelquefois, mais seulement, en dehors des phénomènes de paramnésie, un sentiment vague d’oppression, s’accompagnant de cette impression qu’« un malheur va arriver ». Il se trouve ainsi, pendant un temp plus ou moins long, très oppressé, très inquiet, très angoissé même.
  3. – Il ne peut établir entre les deux phénomènes aucune relation, même dans le temps. L’impression d’angoisse est d’ailleurs beaucoup plus fréquente chez lui que la paramnésie.

27 et 28. – Sa volonté est sans action sur le phénomène qui s’impose absolument à lui.

29, 30, 31 et 32. – Kon.

33 et 33 bis. – A. B…, connait parfaitement l’impression d’isolement. Il a même inventé pour la désigner l’expression « Isolement cosmique ». Jamais chez lui cette impression n’a [p. 174] accompagné la paramnésie. Il la considère comme une chose très différente, qu’il voudrait classer tout à fait à part. Cette impression est souvent chez lui très angoissante. Aussi loin que remontent ses souvenirs, il y a toujours été sujet. Elle survient sans cause apparente. Il se souvient entre autres un cas où elle survint alors que seul dans une pièce, et occupé à regarder dans un microscope, il répondait à une personne qui lui adressait la parole, de la pièce voisine.

  1. – Très distrait. Aucune tare névropathique.

OBSERVATION 47
A. L…, H. 20 ans.

Elêve à l’École Polytechnique.

  1. – Il m’est arrivé quelquefois d’éprouver le sentiment constituant le phénomène dit « fausse reconnaissance » mais jamais il n’a pris chez moi des proportions inquiétantes et a été en général très fugitif… Les rares fois que je l’ai éprouvé, je m’y suis Intsressé… et j’ai cherché à l’analyser…
  2. – « C’est plutôt chez moi une impression immédiate de reconnaissance portant sur le total des perceptions. Il me semble avoir éprouvé parfois, étant dans un salon, ou ailleurs. que je reconnaissais le milieu et les circonstances où je me trouvais, et jusqu’à mes actions et à mes paroles, cette impression ne durait qu’une fraction de seconde, je me souviens de l’avoir éprouvée au moins deux fois, mais sans me rappeler les conditions précises de son apparition. J’ai plus souvent cru reconnaître mes propres pensées, sans en séparer néanmoins le monde extérieur qui semblait comme en faire partie… Le phénomène paraissait porter sur le total des [p. 175] perceptions, et je n’ai jamais cru reconnaitre un objet tout seul, ce qui serait un jugement de ressemblance partielle.
  3. – Probablement entre 10 et 14 ans .
  4. – Il y a un an. – 5. — Non. — 6 . Ma mémoire est plutôt bonne, quoiqu’elle ne soit pas exceptionnelle.
  5. – Non. — 32 et 32 bis. – La question n’a pas été comprise. — 36 :
  6. — Il y a de cela deux ans, j’étais en mathématiques spéciales. C’était un soir que je venais de faire une visite à mon professeur de physique, du côté de la rue de Courcelles ; et je rentrais à la maison à pied, marchant vite, selon mon habitude, à travers les rues déjà sombres ; j’habitais non loin de l’Arc de Triomphe. Je passai à côté d’une voie de chemin de fer, il y avait partout de petites lumières… et le ciel était d’une belle couleur de coucher de soleil, il me semblait que j’avais vu tout cela à une époque très lointaine ; je ne reconnaissais pas Paris, et je croyais être dans une autre ville que j’avais connu autrefois, mais cette impression était un peu vague… ; j’étais, non pas oppressé, mais impressionné ; la lune était pleine; je me retournai plusieurs fois pour la regarder. Enfin, j’arrivai à la maison, je montai les quatre étages, et j’entrai dans l’ antichambre. C’est a ce moment que j’éprouvai le sentiment de fausse reconnaissance ; de la façon la plus intense : je remarquai particulièrement le lustre, dont un bec était allumé à peine ; il n’y avait personne à la maison, la salle étaié sombre ; je regardai, et je trouvai tous les objets étranges. Il me semblait que j’entrais pour la première fois dans cette maison, que je connaissais pourtant depuis bien des années, et je l’examinats comme si j’avais été en voyage, mais avec une insistance particulière ; j’éprouvais une espèce [p. 176] de serrement de cœur, et il me semblait que j’avais vu tout cela en un temps très ancien, et il me semblait que je m’étais étonné autrefois, comme ce jour même de ne pas reconnaitre des objets que je connaissais.

J’assistais en même temps à mes mouvements et à mes pensées ; je m’analysais et je trouvais rues impressions étranges, et je crois pourtant qu’elles ont persisté une dizaine de minutes en s’affaiblissant. J’avais regardé machinalement ma montre en entrant ; je la regardai de nouveau, et c’est ainsi que je me rendis compte de la durée du phénomène…

« Rien ne m’avait particulièrement frappé dans la journée, et je n’étais ce soir-la ni gai ni triste, mais dans un état d’esprit normal. »

Il. — « J’ai éprouvé l’impression de fausse reconnaissance deux fois, dans une certaine région du boulevard Haussmann, entre l’aveuue Friedland et la place Shakespeare :

« La première fois, c’était il y a deux ans, j’allais passer dans quelques mois sur les examens d’admission à l’Ecole Polytechnique. J’avais peut-être l’esprit un peu fatigué ce jour-là. Il me sembla subitement que j’avais passé en cet endroit plusieurs siècles auparavant. J’analysais en même temps cette impression qui s’affaiblit beaucoup, mais tant qu’elle dura, j’eus le sentiment que j’assistais à mes actions commises ; elles étaient inévitables, et l’impression vague que je prévoyais ce qui allait arriver, mais sans qu’aucun fait précis se présentât a ma pensée.

« Une autre fois, au même endroit, j’eus les mêmes impressions, mais considérablement affaiblies. C’était l’année suivante, à peu près dans les mêmes conditions.

« Quelques mois plus tard, je passai au même endroit, et je [p. 177] songeai à mes deux premières impressions ; je voulus les renouveler, mais cela me fut impossible.

OBSERVATION 48.
Mario PlLO, H. 38 ans.

Professeur d’histoire naturelle au lycée de Belluno (Italie) et professeur libre d’esthétique à l’Université de Bologne.

  1. – Oui. Pas de localisation à une époque plutôt qu’à une autre.
  2. – « Reconnaissance immédiate et totale, portant surtout sur des faits extérieurs, des discours entendus ou prononcés, les lieux, des gestes vus ou faits, des sons, des voix très nettement perçus. Presque pas sûr des émotions ou des états d’âme, sinon purement intellectuels.

« J’ai plusieurs fois cru reconnaître des fragments de lectures, des discours mentaux, des raisonnements intérieur, comme s’ils avaient été faits autrefois dans les mêmes circonstances, et déterminés par les mêmes perceptions extérieures ».

3, 4 et 5. – Ne sait pas à quel âge il a éprouvé cette impression pour la première fois.

Fréquente pendant l’adolescence.

Rare actuellement quoique cela n’ait pas complètement cessé.

6, 7 et 8. – Mémoire mauvaise « avec des étranges éclipses et des exaltations partielles et éphémères ».

« A l’époque où les paramnésies furent le plus fréquentes chez moi, ma mémoire était encore pire, mais les accès d’hypermnésie sensorielle et émotionnelle sont plus fréquents ». [p. 178]

9 et 10. – De préférence, il me semble, dans des circonstances ordinaire.

11 et 12. – Dans la solitude, ou en famille, ou entouré d’amis peu nombreux, un ou deux au plus ; jamais dans le monde.

13, 14, 15 et 16. – Peut-être dans un état de fatigue légère, le soir après une journée de travail intellectuel ; quelquefois pendant une promenade à la campagne ; souvent, en lisant, en l’écoutant lire, en écrivant, ou en prenant part à une discussion littéraire ou philosophique.

  1. – Oui ; il arrive souvent, en rêve, encore aujourd’hui de me dire que les mêmes choses me sont arrivées déjà, dans les mêmes circonstances, avec une exactitude absolue de détail souvent aussi, il ne s’agit que de ressemblances, ou de continuation de rêves commencés une nuit précédente. Ma mauvaise mémoire fait que je ne puis décrire aucun de ces rêves ; mais il s’agit presque toujours de scènes de voyage (Trains ou bateaux manqués, tickets perdus, embarras pour les bagages…) ou des discussions d’art ou de science.

18 et 19. – A l’époque où la paramnésie était la plus fréquente chez moi (pas plus de 3 ou 4 fois par an) je prenais presque tous les jours du café ou du thé ; à présent je n’en prends plus que par exception.

20 et 21. – Durée très courts, que je ne saurais préciser : de quelques secondes à une minute au plus.

  1. – Peut-être que oui ; mais je n’en garde qu’un souvenir très vague et obscur.
  2. – Etat un peu pénible, malaise, résultant du doute où je suis d’abord si c’est un souvenir réel plus ou moins altéré, ou si c’est une erreur de mémoire, ainsi que de l’inexplicabilité du phénomène. [p. 179]

25 et 26. – Il me semble que non.

  1. – Absolument non. Tout effort en ce sens n’a produit que l’effet contraire.
  2. – Peut-être oui.
  3. – Oui, spécialement pour B…

30 et 31. – Non. – 32, 33, 34. – OUÏ.

32 bis, 33 bis et 34 bis. – Oui; cela m’arrive souvent, encore à présent, surtout à l’école, en parlant ou en interrogeant mes élèves. et en écoutant le son de ma voix. Quelquefois aussi, lorsque je songe à mon nom, à sa forme graphique, à sa sonorité, il me donne l’impression de quelque chose de très. nouveau et d’étrange, comme si ly découvrais quelque sens mysterieux, inconnu et symbolique,

  1. – Distractions. Oui souvent : il m’arrive d’écouter machinalement quelqu’un qui me parle, et de n’en entendre mot bien que rien d’extraordinaire ne m’occupe à ce moment ; de rencontrer dans la rue et de regarder d’un œil indifférent et muet des personnes que je connais bien, et de ne pas les saluer ; de mettre à la poste des lettres sans adresse, etc.

Obsessions. — Oui. si on peut appeler ainsi la persistance dans la conscience d’un mot, on d’une phrase littéraire ou musicale pendant des heures, ou des demi-journées.

Je suis d’ailleurs sain de corps et d’esprit.

  1. – Impossible de donner de description exacte d’aucun cas particulier.

OBSERVATION 49
Fernand Gregh, 24 ans. Homme de Lettres.

1 et 2. – Oui. Voici d’ailleurs comment M. F. Gregh parlait [p. 180] de ce phénomène dans un curieux article intitulé « Mystères » :

« C’est un phénomène qui a été observé par beaucoup, quoiqu’il n’ait jamais été entièrement décrit, je ne sais même pas s’il a reçu un nom des spécialistes en psychlogie. Voici : Vous vivez, vous allez et venez, vous dites des mots, vous faites des gestes, et soudain, vous sentez que vous avez déjà fait ces gestes, dit ces mots, dans le même ordre, de la même façon, sans qu’il vous soit possible de dire où ni quand. Vous sentez que vous vivez identiquement une minute que vous avez déjàa vécue. Mais vous ne pouvez la situer dans votre passé. Il y a des gens bien heureux que ces incidents de leur vie mentale laissent parfaitement tranquilles. Moi j’en deviendrais fou s’ils se prolongeaient trop longtemps» (24).

  1. – Vers 16 ou 17 ans. — 4. – Je ne l’éprouve guère depui 2 ans. — 5. – Oui, de 17 à 22 ans, et surtout de 19 à 21 ans. — 6. – Assez bonne. — 7. – Non. — 8. – Plutôt meilleure.

9 et 10. – Le phénomène se produisait quand j’étais dans un état de fatigue physique et d’excitation intellectuelle.

  1. – Non. — 15. – Plutôt. — 16. – Parfois. — 17.- Non. — 18. – Peut-être le tabac a-t-il eu quelqu’influence, car je fumais beaucoup.
  2. – Non.

20 et 21. – Une demi minute, moins même, souvent quelques econdes.

  1. – Non. — 23. – Ils ne se présentent pas par série. [p. 181]
  2. – « C’était exactement un vertige. » Dans l’article cité plus haut, M. Gregh disait: « C’est une crise, d’abord mentale, mais qui me bouleverse tout entier, âme et corps » (p. 259) et plus loin.

« C’est horrible. L’angoisse que j’éprouve à ce moment est indicible ; je me sens devenir fou. et j’en défaille, non-métaphoriquement, mais littéralement ; ma tête tourne, mon cœur bat à se rompre, et je tomberais à la renverse si un bras ami ne me soutenait.

« Je ne sais pas s’il n’y a pas dans mon angoisse les frayeurs d’une catastrophe métaphysique. Vous connaissez le principe « des indiscernables de Leibnit ?

.    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .

« Eh bien, dans les crises, la minute présente est en tout point semblable à la minute passée. Aujourd’hui, devient autrefois, une chose est aussi une autre chose. J’ai peut­être dans ce moment la stupeur foudroyée qu’aurait un mathématicien en voyant tout à coup 2 et 2 faire 5. A moins qu’il ne faille voir dans mon vertige le sentiment effroyable de notre automatisme, la vision trop soudaine de ce qu’il y a de mécanique et de fatal dans l’esprit, la révélation que nous ne sommes pas libres, que nous ne sommes que de merveilleux appareils d’horlogerie qui se déroulent, inéluctablement, et qu’en détournant le rouleau, en le mettant à un point déjà passé, tout recommence de nouveau dans le « même ordre » (p. 263).
M. Gregh nous a affirmé que cette description était exacte et nullement exagérée ; la fausse reconnaissance n’est bien comme il l’écrivait (p. 260) « que le commencement d’une [p. 182] série de phénomènes qui accaparent et bouleversent tout son être pendant des minutes entières. »

20, 26 et 21. – « Non. »

  1. – « Je pouvais les faire cesser, mais par un effort pénible dont l’effet s’ajoutait à celui du vertige initial. Cet effort tendait à fixer la date du souvenir, mais je n’y réussissais jamais complètement. Son résultat était de transformer l’impression de reconnaissance identique, en un jugement de ressemblance, »

D’autre part, M. Gregh avait écrit ceci, dont il nous garantit l’exactitude : « Le plus souvent, sentant venir la crise, je l’arrête par un effort de volonté en consacrant toute ma pensée sur n’importe quoi, là, devant mes yeux, un livre, une fleur) (p. 259).

29 et 30. – Oui, sur A et sur B. Je sentais, je prévoyais que j’allais faire tel geste, tourner la tête de tel côté, et je fe faisais.

  1. – Non.
  2. – Oui, voici comment, dans « Mystères » est décrite cette impression d’automatisme :

« J’agissais comme un automate conscient ; tout ce que je faisais ou pensais, m’apparaissait aussitôt comme ayant pu être prévu d’avance ; ma vie se déroulait seconde par seconde, j’étais un revenant qui recommencerait a vivre en se souvenant de sa première existence, j’assistais en simple spectateur à ma propre vie. »

33, 34, 32 bis, 33 bis, 34 bis. – Oui.

  1. – Je suis sujet à des distractions ; mais d’ailleurs parfaiteement normal.

36 – Le fait rapporté dans « Mystères» est un fait réel [p. 183] déformê en ce sens que le décor a été changé mais au point de vue purement psychologique, il est exact ; voici les partie essentielles du recit : « Nous nous promenions V…, et moi dans le grand parc au matin de Pâques. Des cloches, loin, sonnèrent… et songent à l’antique légende : « Les cloches sont revenues de pèlerinage, dis je en me tournant vers V…, je m’arrêtai étonné, presqu’effrayé de l’expression de son visage. Il semblait avoir perdu connaissance, et très pâle, un peu chancelant, reçardait tixement devant lui. « soutenez­ moi » ,me dit-il. Et tandis que je lui prenais le bras : « Ne vous effrayez pas, ajoutat-il, ce n’est rien, je vous expliquerai Oh! quel étrange vertige… Ce n’est rien, encore une fois, cela s’en va! (25) », (p. 259).

« …Les cloches ont sonné… Avais-je eu de pareilles circonstances, dans le même décor d’un beau parc, par un semblable matin radieux dans une allée pareille, près d’un même banc de pierre et de mousse, entendu jadis sonner les cloches de Pâques ? Je ne sais… Toujours est-il qu’au bruit des cloches, il s’est produit, j’ai senti se produire en moi une sorte de déclanchement qui a supprimé tout le passé entre cette minute d’autrefois et la minute où j’étais. »

« J’ai senti que j’avais déjà fait toutce que je faisais, éprouvé tout ce que j’éprouvais, parlé intérieurement tout ce que je me disais à moi-même dans un moment semblable ; que j’avais déjà fait cee gestes, tous exactement, dans le même ordre, en entendant sonner des cloches, touché une branche, poussé un caillou, tourné la tête, tandis que les cloches sonnaient avec la même succession de notes sous [p. 184] un ciel du même bleu profond, dans un air aussi vif et ausi vague… » (p. 969)

OBSERVATION 50.
A. K…, H. 28 ans.

Docteur en médecine. Préparateur adjoint d’histologie à la Faculté de médecine.

1 et 2. – Oui, assez fréquemment. C’était une reconnaissance totale, j’ai eu quelquefois des reconnaissances partielles, c’était toujours au théâtre, ou dans un lieu public ; il me semblait alors que les acteurs, tous les exécutants, (orchestre) avaient des figures. « L’âge est difficile à préciser. En tout cas, jamais qui m’étaient connues ; cette reconnaissance partielle, loin de s’effacer, s’accentuait par un examen plus attentif. Tout ce qui suit s’applique exclusivement aux reconnaissances complètes. »

  1. – L’âge est difficile à préciser. En tout cas, jamais dans l ‘enfance.
  2. – J’éprouve cette impression encore maintenant. — 5. – Non.

6 et 7 (Mémoire). — Médiocre dans l’acception générale, c’est-a-dire de mémoire abstraite.

J’ai surtout là « mémoire figurée,» ou pour mieux dire imagée. Je n’ai pas la véritable mémoire dite visuelle (mémoire des caractères d’imprimerie, de la page, des procédés mnémotechniques) mais la mémoire du lieu, de la scène, de la représentation figurée. Dans cette dernière acception, ma mémoire est bonne.

  1. – Pas de corrélation. [p. 185]

9 et 11. – Jamais. Toujours dans les lieux que je fréquente habituellement,

14 et 15. – Dans des circonstances des plus banales. — 16. – Mon état d’âme n’était « pas insignifiant, mais passif ». — 17-18-19. – Non. — 20. – « Deux secondes ».

  1. – « Toujours la même durée. Le phénomène apparaît instantanément, il m’intéresse vivement, mais dès que je cherche à l’analyser, et surtout à sentir avec netteté et à prévroir ce qui va arriver il cesse. Il m’est arrivé une fois de compter les secondes pour évaluer la durée du phénomène. Je n’ai pas été au delà de deux, parce que le fait de compter implique déjà une analyse, c’est-à-dire la cessation de la reconnaissance. »

23.- Toujours isolés, et à des intervalles irréguliers.

24.- Je me sens très vivement intéressé, et porté à analyser le phénomène ; curiosité alliée peut-être à une inquiétude.

25, 26 et 27. – Jamais. — 28. – Je puis la faire cesser par un effort volontaire d’attention (voir la rép. 21)..

29 et 30. – Je prévois nettement les actes que je vais accomplir, ceux des personnes qui m’entourent, leurs paroles, et les évènements qui vont en découler. Il me semble par exemple que la porte va s’ouvrir, que telle personne entrera et dira ceci, etc. Mais, je ne puis dire qu’il y ait jamais eu de véritable prévision réalisée, mes par amnésies étant en quelque sorte instantanées, quoique très complètes.

  1. – Jamais, vu la rapide disparition du phénomène.
  2. – « Mes fausses reconnaissances sont accompagnées d’une véritable sensation de dédoublement : l’une des indivinalités ne fait qu’agir, tandis que l’autre voit l’acte, et éprouve les sentiments afférents à cet acte. Ce sentiment de [p. 186] dédoublemet n’existe que dans la sensation, et non pas dans l’espace : les deux personnes ne font qu’un au point de vue matériel.
  3. – Non.
  4. – Tous les objets conservent leur aspect normal, bien plus, prennent une valeur extrinsèque plus grande, comme si je sentais plus nettement leur raison d’être, leurs rapport réciproque.
  5. – Je suis assez bien équilibré au point de vue nerveux, mais de souche nëvropathique. La seule phobie dont je suis atteint est celle du vide obscur : il m’est extrêmement désagréable de sentir derrière mon dos une chambre non éclairée, ou, encore plus, une enfilade de chambres non éclairées, sur­tout quand je me trouve moi-même dans l’obscurité.
  6. – Je ne me rappelle aucun fait avec une netteté suffisante.

OBSERVATION 50.
Dr Laupts. H.

Docteur en médecine, auteur de différents travaux de psychologie normale et pathologique.

l et 2. – J’ai éprouvé à différentes reprises, entre 6 et 16 ans le phénomène curieux de « déjà éprouvé. » Il consistait en ceci que l’instant vécu, avec tout son ensemble de sensations, paraissent avoir été déjà vécu antérieurement ; dans l’enfance le fait m’avait frappé, et j’ai lu avec plaisir, qu’il était commun à beaucoup de personnes.

3 et 5. – J’ai éprouvé souvent cette impression entre 6 et 16 ans, presque toujours en conversant, surtout avec des personnes [p. 187] ennuyeuses. Quand j’ai quitté la France pour l’Algérie, beaucoup plus tard, j’ai trouvé l’Algérie et la vie Algérienne telle que je la prévoyais d’après les descriptions, mais à aucun moment, ni à Alger, ni à Constantine, ni dans le désert, ni à Tunis, ni dans les palais, ni durant les nuits passées sur les routes ou dans les Douars avec des inconnus, je n’ai éprouvé le « déjà vu. »

  1. – « La dernière fois, à 16 ans, je causais avec un professeur de musique, l’archet aux doigts ; pendant 4 ou 5 secondes j’éprouvai avec une intensité extraordinaire l’impression de déjà Vu. Depuis lors, j’ai éprouvé surtout des souvenirs de « déjà vu » mais tellement rapides, 1/2 seconde peut-être, que je ne puis les comparer aux sensations de l’enfance : plus explicitement, depuis l’àge de 16 ans, il m’est arrivé de traverser de très courts états qui m’ont semblé être des souvenirs des états de « déjà vu »et non des états de « déjà vu » eux-mêmes. »

6 et 71. – Mémoire des faits bonne — Mémoire des noms. Quasi nulle : de même mémoire des physionomies.

Au point de vue du langage intérieur, voir G. St… Paul. 1892, p. 34.

  1. – « La même ; pour moi, la qualité de la mémoire n’a pa beaucoup de relations avec le phénomène. »
  2. – Avec des personnes nouvelles, inconnues ouenuyeuses ; quand je m’ennuyais ; en allant pour la première fois chez quelqu’un.

11 et 12. – Non.

  1. – Je crois à l’influence de l’anémie, de la fatigue et du surmenage intellectuels ; plus le corps et l’esprit sont bien portants, moins ces phénomènes sont fréquents. [p. 188]

14 et 15. – Non. — 16. – Plutôt — 18 et 19. -Pas du tout. — 20. – 3 a 4 secondes (plutôt rroins). — 22. – Je ne sais pas. — 24. Etonnement mais plutôt satisfaction. — 25. – Non.

  1. – J’ai essaye mais je n’ai jamais pu. Il faut que cela vienne à l’improviste .m. 28. – Ces états cessaient spontanément. 29, 30. 31 et 33. – Non.

34 – Jamais ; quelquefois des mots me paraissent comiques et stupéfiants ; ce sont toujours des mots tout à fait usuels et qu’on emploie constamment et sans penser à les examiner, qui me font cet effet , de même par fois des habitudes tout à fait normales, me paraissent extraordinairement gaies : l’idée que nous portons des chapeaux hauts de forme, ou qu’un militaire a un pantalon rouge, un prêtre une soutane, etc. Ces idées ne me viennent pas en voyant un prêtre, ou un officier, ou un monsieur en chapeau haut-de-forme ; elles me viennent parfois sans raison, et me paraissent délicieusement comiques ; elles sont en dehors de toute idée philosophique, théoriques. etc.

  1. – « DISTRACTIONS. Quand je travaille cérébralement, le reste du monde n’existe pas pour moi ; delà parfois des distractions fâcheuses, si l’idée d’un travail me poursuit.

« OBSESSIONS. – Non.

« Phobies – Non.

« Frayeurs : A l’état de veille depuis l’âge de seize ans, je ne pense pas avoir eu peur de quoi que ce soit, étant générament très phlegmatique ; j’ai passé de vrais dangers. En rêve, il m’arrive encore rarement, il est vrai, des terreurs épouvantables survenant pour des choses, qui, si j’étais éveillé, ne me causeraient aucune crainte, ou même m’amuseraient ; je me réveille tout couvert de sueur ; l’objet de la peur est {p. 189]  insignifiant ou comique : bataille de chevaux, ou de serpents, ete.

ABSENCES; TICS. Non.

Pas d’AUDITION COLORÉE.

OBSERVATION 51.
B… G… H.

Prêtre catholique. Directeur d’une institution de jeunes gens.

  1. – Oui. Mais ajoute-t-il, en dehors du cas décrit plus bas, « je ne retrouve rien d’assez net pour l’écrire. Plusieurs fois j’avais eu cette vague impression (sorte d’éclair traversant mon esprit) qu’une situation, neuve en réalité avait déjà été vécue. Qu’une phrase inédite avait été déjà prononcée : je le répète, ces incidents rapides n’ont laissé en moi qu’un vague souvenir : il me serait impossible d’en déterminer le nombre, ni d’en donner le détail. »
  2. – N’a pas compris la question.
  3. – J’ai eu un sentiment de ce genre, il y a quelques jours, mais très rapide.

6 et 7. – Médiocre mémoire, mauvaise même pour les noms propres et pour les nombres.

13 et 16. – Ces états vont toujours pour moi avec la fatigue et les ennuis.

  1. – Le fait que je raconte plus bas m’avait produit un état de douloureuse angoisse : j’en a vais la tête toute fatiguée.
  2. – J’ai éprouvé plusieurs fois (8 ou 10 fois peut-être dans les 8 ou 10 dernières années environ), toujours la nuit, un sentiment d’anéantissement, de néant avec (pour toute [p. 190] représentation ou image), une impression de vide noir. Sentiment très douloureux. Il m’arrive aussi, et assez souvent, la nuit, quand je viens d’entreprendre quelque œuvre, ou quelque travail important de concevoir à son endroit des craintes qui vont jusqu’à l’angoisse. Ce qui dans le jour m’avait paru réalisable, me semble alors, absurde, téméraire, voire à l’insuccès. Je voudrais n’avoir jamais conçu le plan de cette entreprise. Le jour dissipe toutes ces appréhensions et ces terreurs. »
  3. – Le fait de paramnésie le plus saillant dont j’aie gardé le souvenir, est le suivant :

« Il y a 4 ans, j’étais chargé de travail, surmené même. Un soir, après une journée pleine de fatigues, je me suis mis à écrire (vers 10 heures ou 11 heures) une lettre que je tenais à expédier de bonne heure le lendemain matin. C’était une lettre importante, à laquelle je donnai une grande attention. Le lendemain, j’en donnai lecture à un de mes amis et je me souviens que vers la fin de cette communication j’eus une impression, assez vague encore, que j’avais dû déjà écrire cette même lettre, et dire ces mêmes choses à mon correspondant. Si je me souviens bien, l’impression fut assez forte pour me retenir de mettre aussitôt la lettre à la poste, je m’y résolus pourtant, mais toute la journée, et la lettre étant déjà hors de mes prises je fus poursuivi, torturé même, par cette idée que mon correspondant allait trouver plus qu’étrange cette seconde édition d’une missive déjà adressée à lui. Je me creusais l’esprit pour me rappeler comment l’avais pu être amené à lui écrire déjà une première fois les mêmes choses que ce jour; à lui exprimer les mêmes sentiments, à lui faire les mêmes représentations. J’en souffrais beaucoup, ne [p. 191] pouvant en aucune manière répondre à cette troublante question. Il me semble que vers le soir je fus moins préoccupé. Les jours suivants, je fus repris par mes travaux, et j’acquis la conviction que jamais je n’avais écrit ni expédié de lettre semblable.

OBSERVATlON 52
A… R…,_ H. 26 ans).

Licencié en philosophie. Professeur au collège libre des sciences sociales.

  1. – Oui, très fréquemment ; certainement beaucoup plus de 100 fois depuis 7 ou 8 ans.

Il ne me semblait pas que les faits se fussent présentés pour la première fois il y a longtemps (comme le dit Dickens), mais récemment. TOUJOURS. Cette impression est toujours très forte, si bien que l’effet peut en être remarqué par autrui.

  1. – C’était toujours et uniquement une impression immédiate de reconnaissance d’un ensemble des perception présentes et aussitôt le sentiment de reconnaissance, très vif sur le moment, s’évanouissait.
  2. – Vers 18 ans, je crois. — 4. – Il y a quelques jours. — 5. – Non.
  3. – Bonne en général, A surtout la qualité d’être très logique, très impérieux, d’où l’impression d’agacement dont nous parlerons plus loin.

8, 9 et 10. – Non.

  1. – A quelques reprises, mais pas de préférence. — Surtout dans des circonstances « ordinaires »,
  2. – Non, certainement, car je l’aurais remarqué. [p 192]
  3. – Quelquefois, mais en général, c’est dans l’état normal absolument. — 15. – JAMAIS.
  4. – Non, mais j’ai l’idée spontanée que les états primaires ont eu lieu dans un rêve de la nuit précédente, ou de la nuit d’avant (Est-ce pour avoir fait de longues études sur le rêve ?) (26) ». — 18. – Aucunement.

20 et 21. – Impression très vive, mais aussitôt disparue. — 22 et 23. – Non.

  1. – Uniquement, mais toujours un sentiment d’agacement très vif, mais qui porte surtout sur l’impossibilité de localiser les perceptions primaires, ce que ma mémoire cherche toujours à taire. Et aussi, dans certains cas très frappants, un premier mouvement d’inquiétude légère causée par l’étrangeté du fait.
  2. – J’ai éprouvé très souvent le même agacement (et le même commencement d’inquiétude, mais dans des cas très rares, pour tout fait psychique dont la solution naturelle m’échappe, au moins dans certains cas. — 27 – Non.
  3. – Ils cessent d’eux-mêmes, sitôt parus… Après coup, je cherche, je fais effort pour retrouver, mais l’impression de reconnaissance s’évanouit instantanément.
  4. – Non, jamais, et d’ailleurs, l’impression s’efface trop vite.
  5. – Certainement une impression d’étrangeté. —34 bis. – Oui, en particulier dans les cas du n° 25. — 35. – Jamais.
  6. – Ils sont très nombreux, trop « de la vie courante » pour que j’en aie conservé autre souvenir que les grands traits.

Voici le dernier : Lundi soir, 26 avril, en rentrant vers [p. 193] 2 heures du matin, après une journée de fatigue, mais dans un moment de conversation très reposante, nous entrons dans une salle de boulangerie que je connaissais de vieille date, avec un poète que j’avais vu et lu depuis longtemps, mais avec qui je me trouvais pour la première fois personnellement et un peintre que je voyais pour la première fois, et dont j’ignorais même le nom. A peine installé j’ai l’impression, très vive, violente même que j’ai déjà vu toute la scène, et que ce doit être en rêve, la nuit précédente ou l’autre.

Agacement habituel, recherche pour localiser le souvenir, abandonnée à cause de la conversation, mais vaguement reprise en sortant seul, et les jours suivants.

OBSERVATION 53.
A. P…, F.

Etudiante en philosophie.

  1. – Depuis quelque temps j’ai cessé d’éprouver ces phénomènes. Je ne me les rappelle qu’avec ce caractère de rêve qu’ils avaient alors pour moi.

2 – C’était nettement une impression de reconnaissance, portant sur le total des perceptions, sur l’Empûndungston, sans rien d’un jugement, les opérations de l’esprit semblant alors engourdies. La paramnésie s’accompagnait d’un bouleversement de la notion du temps, l’ordre de succession perdent tout sens. A. ces altérations toutes subjectives de la notion de temps, de succession, très obscures, et sur lesquelles se porte depuis longtemps mon attention, me semblent pouvoir se rattacher les paramnésies. [p. 194]

3 et 4. – Entre 18 et 24 ans, mais je crois que j’éprouverai encore ces impressions.

  1. – Je crois que cela s’est produit aux époques de moindre activité intellectuelle régulière, et de plus grande méditation, c’est-à-dire aux époques où te pensais plus que je ne travaillais d’une façon presque méthodiquement réglée.
  2. – Ma mémoire est moyenne : elle a eu un temps d’éclipse, Elle s’est profondément modifiée à mesure de mon développement intellectuel : diminution apparente, sorte de sélection, les seuls souvenirs conservés étant ceux qui ont été parfaitement exposés par M. Bergson. « Mémoire consciente perd en étendue ce qu’elle gagne en pénétration… ». Je n’ai à aucun degré la mémoire spontanée, je suis à l’antipode de la « desultory memory » de James, je suis incapable de retenir trois mesures d’un morceau par cœur, après avoir jusqu’à l’âge de 18 ans pu retenir sans difficulté des fugues de Bach. C’est après la perte de cette « mémoire motrice automatique » que j’ai commencé à éprouver des paramnésies. Ma mémoire était donc auparavant, surtout autre (plutôt motrice que représentative, pour conserver la distinction de Bergson).
  3. – C’était lorsque l’uniformité de ma vie était interrompue (cessation brusque d’un long travail, etc.).
  4. – Les phénomènes se produisaient dans un état de dépression entraînant distraction après tension intellectuelle.
  5. – Jamais éprouvé en rêve. D’ailleurs je ne rêve jamais, (ou mieux, je n’ai jamais au réveilles souvenirs de mes rêves).
  6. – Cela s’accompagne d’un sentiment pénible : difficulté de comprendre le phénomène éprouvé, certitude que mes efforts ne serviront à rien pour le saisir, au contraire,
  7. – J’éprouve quelque chose d’analogue quand-je prévois [p. 195] quelque chose qui peu à peu se produit (anticipation, trouble dans l’ordre de succession).
  8. – Je n’ai jamais essayé de provoquer volontairement ces phénomènes.

28.J’avais surtout le sentiment de prévision portant sur ce qui allait être dit par d’autres jamais sur ce qui me concernait.

  1. – Ce sentiment fut parfois justifié, mais il ne s’agissait que de réponses insignifiantes.
  2. – Oui.

35.· Tempérament nerveux, sans troubles bien déterminé.

  1. – Aucun souvenir bien net : les faits étaient insignifiants portant sur des passages lus, la direction que prenaient les entretiens, les réponses de mes interlocuteur…

OBSERVATION 54 (Personnelle inédite).

B. C…, H. 24 ans 1/2.

Etudiant enu médecine. Licencié ès-science.

l et 2. – « Oui, portant sur le total des perceptions. »

  1. – Elle est bonne. —7. – Elle me permet d’apprendre beaucoup en peu de temps, mais elle s’use assez vite.
  2. – Il me semble qu’elle n’a pas varié.
  3. – Oui, de préférence, mais non d’une façon absolue.
  4. – Non. —12. Non oui, de préférence. — 13. – Je ne l’ai pas remarqué. — 14 et l5. – Non. — 16 – Oui. — 17, 18 et 19. – Non.

20 et 21. – « Le phénomène m’a paru très passager, mais je ne saurais indiquer de durée. » [p. 196]

  1. – Je ne crois pas. — 24. – Je crois n’avoir éprouvé aucun de ces phénomènes pendant la fausse reconnaissance.
  2. – Oui, vertige. — 28. – Oui, de la manière indiquée en c.

29,31, 33 et 34. – Non,

  • – Distraction, Oui ; Obsessions, phobies etc., non.
  • – Il m’est arrivé plusieurs fois, étant seul sur une grande route, et monté à bicyclette, de me dire : je me suis déjà trouvé exactement au même endroit (même par rapport à l’axe de la route) les circonstances extérieures, de température, de lumière, etc., étant les mêmes, ayant le même paysage sous les yeux, et dans son ensemble, et cela m’avait frappé. Peut-être étais-je déjà passé en cet endroit, ruais, l’uniformité des circonstances était certainement paramnétique .

… Je me souviens aussi d’avoir éprouvé ce sentiment en conversant dans la rue avec une personne étrangère.

OBSERVATION 55.
B. N…, F. 25.

Mariée, sans profession. Intelligente et instruite.

Extrêmement nerveuse, mais sans troubles systématisés autres que ceux que nous rapportons §35:

l et 2. – Oui, surtout en présence de paysages. J’ai eu l’impression de reconnaître exactement des paysages que je n’avais jamais vus. J’avais l’impression de m’être trouvée dans cet endroit absolument dans les mêmes circonstances.

  1. – De très bonne heure, étant enfant.
  2. – Le dernier cas dont j’ai gardé le souvenir est survenu il y a 3 ans. Peut-être y en a-t-il eu depuis de moins nets.
  3. – Plus fréquemment étant enfant, qu’à présent. [p. 197]

9 et 7. – Mauvaise. A peu près incapable d’apprendre quoi que ce soit par cœur.

Langage intérieur : appartient nettement au type visuel typographique, des idées abstraites, en outre, se présentent spontanément comme des mots imprimés. Rien ne paraît révéler la moindre tendance auditiviste. Lit la musique, mais ne peut se la représenter que par le chant intérieur.

9, 10, 1l et 12. – Toujours devant des paysages nouveaux, mais en des circonstances banales. Seule, ou presque seule.

13, 14, 15, 16. – Etat absolument normal, quelconque, sauf cependant dans le cas qui est rapporté (§ 30). — 17, 18 et 19.

– Non ».

  1. – « Durée très courte. Peut-être 6) secondes, mais le phénomène est suivi d’une période plus ou moins longue de recherche, quelquefois obsédante et pénible ».
  2. – Non.
  3. – « Rien pendant la durée du phénomène proprement dit.

Cette impression ne m’est nullement pénible, c’est seulement après que je suis agacée de ne pas comprendre.

  1. – Non .
  2. – Le phénomène dure trop peu pour que j’aie pu rien tenter de ce genre.

29, 31, 32, 33 et 34. – Non.

32 bis. – Il m’arrive, quand je suis fatiguée, et que je soutiens une conversation, de continuer à parler, tout en me sentant comme étrangère à moi-même, à ce que je dis et à ce que j’ignore.

  1. – Pas distraite.

Redoute la vue des objets longs et pointus tels que les épingles à chapeau par exemple. Une épingle ordinaire, une [p. 198] aiguille, un couteau ne lui produisent aucune impression particulière, mais elle ne peut voir une épingle à chapeau sans être tentée de « se jeter dessus» de se la passer au travers du corps. Elle ne sait même si elle pourrait résister, si l’expérience se prolongeait.

En outre la vue d’une grande feuille de papier blanc sur laquelle il n’y a aucune caractère de tracé lui cause une sorte de vertige, une impression très pénible. Une feuille de papier à lettres de dimensions ordinaires (in-12) ne lui produit pas cette impression.

Frayeur sans causes raisonnables, mais non systématisées, surtout la nuit. Etant enfant, ces terreurs étaient souvent très violentes. Jamais elles n’ont été accompagnées d’hallucinations.

  1. – B. N. Se souvient très clairement d’un cas survenu il a 3 ans, qui la frappa beaucoup, et qu’elle croit être le dernier. C’était vers le mois de février dans la campagne, aux environs de Paris, en compagnie d’une autre personne. La nuit tombait rapidement ; au détour d’un chemin, il veut un aperçu de paysage, et à ce moment, B N eut l’impression soudaine d’avoir vu exactement les mêmes choses à la même heure, dans des circonstances identiques. Son état était d’ailleurs absolument normal, elle était seulement préoccupée par la crainte de ne pas retrouver son-chemin, le pays lui étant inconnu, et de rentrer tard chez elle, ce qui eût inquiété sa famille. [p. 199]

OBSERV ATION 56
B… F…. 22 ans. Née 1er juin 1875.

Sans profession.

Malade de la policlinique du service de M. le Dr Voisin, venue pour la première fois, le 13 juillet 1895 pour douleurs violentes et anesthésie totale du membre supérieur gauche consécutives à l’écrasement brusque d’un kyste synovial du poignet ;

Diagnostic : Hystérie traumatique mono-symptomatique. Etat mental.absolument normal.

Interrogatoire du 18 juillet 1897.

1 et 2. – « Oui. et cela m’arrive plusieurs fois par an. Ordinairement dans des circonstances analogues à celle-ci : Plusieurs personnes sont réunies et causent : il me semble m’être trouvée déjà dans cette société là et avoir entendu ce qu’on était en train de raconter ; il me semble que j’ai déjà pensé ce moment-là.

L’impression de fausse reconnaissance n’est jamais survenue tandis qu’elle parlait elle-même.

  1. – N’en sait absolument rien. Peut dire seulement qu’elle y est sujette depuis plus de deux ans.
  2. -~ Le 25 mars 1897.
  3. – Croit y être plus sujette depuis 2 ans (ce qui coïnciderait arec le début de son anesthésie.
  4. – Bonne, apprend facilement par cœur.
  5. – Toujours égale.

9 et 10 – Toujours dans des endroits connus, en accomplissant des actions habituelles (le plus souvent conversation sur [p. 200] un sujet quelconque, dans une société de cinq ou six personnes). Quelquefois les personnes présentes étaient vues pour la première fois.

  1. – Jamais. 15. De préférence quand on racontai quelque chose qui l’intéressait vivement.
  2. – Non. Prend fréquemment de la morphine, mais cette substance n’a aucune influence sur l’apparition de la fausse reconnaissance.
  3. – Durée très courte, mais appréciable : le temps de se poser la question ; « Où et quand me suis-je donc trouvée exactement dans ces mêmes circonstances. » — 23. – Non.  — 24. – Agacement accompagnant l’effort de localisation, et pouvant aller jusqu’à l’oppression. — 29. -Non.

32 bis. – Connaît cette impression de dédoublement pour l’avoir éprouvé quelquefois, surtout en discutant quelque chose et cherchant à être persuasive.

  1. – Obsessions souvent.

Souvent aussi sentiment d’oppression très désagréable avec cette impression « qu’il va arriver quelque chose de fâcheux. »

  1. – Le jour de la mi-carême 1897, B. F… déjeûnait chez un parent avec plusieurs autres personnes. Il  était arrivé au dessert, et elle avait peu mangé et bu. Un jeune homme qu’elle n’avait guère vu qu’une ou deux fois auparavant racontait diverses aventures qui lui étaient arrivées pendant son service militaire, quand tout à coup B. F… eut l’impression d’avoir entendu raconter les mêmes choses identiquement dans les mêmes circonstances.

Quelques minutes après, tandis qu’on prenait le café, elle se « trouva mal », mais sans perdre complètement connaissance. Ce qui lui arrive assez souvent. [p. 201]

OBSERVATION 57
C. D … H. 44 ans.

  1. – Oui. — 2. – Impression immédiate, etc. — 3. – A 30 ans. — 4. – Récemment. — 5. – Non. — 6 – Bonne. — 9. – Non. — 11. – Oui. — 12. – Non. — 13. – Etat ordinaire. — 14 et 15. – Non. —16. – Oui. — 17. – Non. — 20. – Fugitif.  — 21.­ Une ou deux secondes. — 24. – Etonnement.
  2. – Ces cas se présentent assez fréquemment, sans que j’aie cherché à en conserver le souvenir cependant :
  3. – Je me rappelle, étant à Rambouillet pour la première fois, avoir éprouvé quelques secondes, en descendant du train, l’impression que j’avais déjà vu le quartier qui s’offrait à mes yeux.
  4. – Aux obsèques du maréchal Mac-Mahon, j’ai de même éprouvé l’impression que j’avais déjà assisté à la même cérémonie.

OBSERVATION 58
C. G… F. 49 ans. Femme de lettres.

  1. – « Oui, absolument et textuellement, ainsi que l’exprime Dickens. »

2a. – « C’était chez moi, une impression rapide et immédiate de reconnaissance portant sur le total des perceptions.

2b. – « Ce n’a jamais été un simple jugement de ressemblance partielle, plus ou moins étendue et plus ou moins parfaite .

  1. « Je pense à 12 ans, mais jen e puis l’affirmer.
  2. – « Il y a deux ans. — 5. – Non.
  3. – Ma mémoire a été parfaite. Aujourd’hui, j’oublie [p. 202] parfois absolument certains faits peu importants, et toujours les endroits où je range mes affaires, mais j’ai un souvenir réel et durable des livres actuellement lus et lus autrefois ».
  4. – « Elle est merveilleuse, relativement aux visages. J’ai reconnu du premier coup des gens quittés depuis vingt ans, alors que moi, j’atteignais à peine ma dixième année.
  5. – « Absolument normale ».
  • 9. – « Plutôt, quand je me trouvais dans des lieux nouveaux, plutôt, cependant, cela m’est arrivé partout.

10 et 11. – Non. — 12. – Plutôt dans la solitude

  1. – Dans mon état de tous les jours, très sain et très pondéré.

14 et 15. – Non. —16. – Parfaitement insignifiant, oui !

  1. – Oui, mais je ne me souviens plus, cela m’est arrivé très rarement en rêve.

18 et 19. – Non,

20 et 21. – Je ne puis préciser : je crois quelques secondes bien que quelquefois j’aie cru que cela avait duré des minutes. — 22. – Oui. —  23. – Non.

  1. – Etat parfaitement normal quand cela commence, mais à mesure que le phénomène, si rapide soit-il, prend de l’acuité, il me semble que je vais… percer le mystère… savoir… arriver enfin, je suis hors de moi-même; puis, brusquement, telle une flamme que l’on souffle, cela meurt, et j’ai beau me marteler le cerveau, rien ne peut me rendre, même de loin, de très loin, l’impression ressentie,
  2. – Non, jamais,
  3. ~ Non, je ne puis absolument les provoquer, et, malgré mon ardent désir, je ne peux pas plus en prolonger la durée. — 28. – Je n’ai jamais essayé, cependant je ne le crois pas. [p 203]

29a. – Oui.

  1. – Certes, j’étais à Asnelles, dans la Manche, il y a deux ans. J’arrive dans la maison où mes deux filles m’attendaient. Je ne reconnaissais ni le pays ni la demeure, je n’étais jamais venue là. Elles me disent : Tu sais, c’est bien laid, mais en haut c’est un peu mieux, monte. Je monte seule, j’ouvre la porte du cabinet de toilette, je regarde, rien d’extraordinaire ne se passe en moi. Deux jours après, je faisais ma toilette là, tout à coup, le phénomène m’envahit avec une intensité extratraordinaire… Oui, oui, c’est bien cela, je connais, j’ai vu, je sais, et par la fenêtre, oui, le même paysage, j’étais grand-mère comme à l’heure actuelle. Jacques, mon petit-fils va venir. Jacques entre, dans la chambre… Tout s’efface, comme si un rideau s’était tiré, pas une PARCELLE ne demeure, pas une.
  2. – Oui, seulement l’acte que j’accomplissais une fois et que j’avais prévu finir comme ceci, d’après un phénomène semblable à celui que je viens de décrire, a fini comme cela.
  3. – Oui, à peu près.
  4. – En rêve, une fois. — 34. – Id.

32 bis, 33 bis, 34 bis. – Oui, en réalité, c’est-à-dire dans la vie, —pas du dédoublement, pas de l’isolement, seulement de l’étrangeté du monde extérieur.

35, – Non, absolument à rien, je suis admirablement. équilibrée.

  1. – En outre du cas rapporté à l’appui de la Rep. 30, C. G. nous communique le cas suivant, comme s’étant accompagné également de l’impression de prévision, mais de prévision non réalisée, cette fois : « J’allais faire une démarche ennuyeuse auprès de quelqu’un. Sur le boulevard, je me sens envahie par le phénomène : je suis déjà allée ainsi chez cette même [p. 204] personne, je la connais, je vais être bien reçue comme jadis, on va me faire entrer dans un bureau que je vois, asseoir en face de lui, que je vois, dans un fauteuil que je vois. Le voile se tire, je vais allègrement au but. Non seulement je n’ai pas été reçue, mais je n’ai jamais vu cette personne depuis, et je ne la verrai probablement jamais ».

OBSERVATION 59
B. B…, F. née en 1874.

  1. – Oui, portant sur l’ensemble des perceptions : Elle reconnaît tous les objets environnants.
  2. – Vers 15 ans probablement, mais ce n’est pas certain.

Certainement pas avant.

  1. – Il y a un an 1/2. -— 5. – Non.
  2. 7, 8. – Bonne, prédominance de la mémoire visuelle. Typographique. Imagination créatrice assez développée.

9 et 10. – Plutôt dans des circonstances et lieux habituels, ne présentant rien de particulier.

11 et 12. –Jamais. A plusieurs fois au contraire la fausse reconnaissance portait sur les propres réflexions du sujet à des moments où il n’y avait dans le champ de conscience que ces réflexions.

13 et 14. – Non.

  1. – A observé le phénomène dans des circonstances de ce genre, mais pas avec une fréquence particulière.
  2. – Le plus souvent.

20, 21 et 22. – L’impression passe comme un éclair.

  1. – Non. — 24. – Aucune émotion bien vive. Etonnement.

Recherche. [p. 205]

  1. – Terreurs nocturnes, non systématisées ni liées à des hallucinations.

27 et 28. – Non. — 29. – Une fois. — 31 et 32. – Non. — 33. – oui.

  1. – Se souvient nettement de 2 cas : I. L’un à Zurich, il y a environ 4 ans, au moment où B. B. passait sur une place publique, qu’elle connaissait déjà d’ailleurs, elle eût l’impression de reconnaître non seulement la place, les monuments, etc., mais encore les gens qui passaient, et qu’il lui semblait avoir vus dans les mêmes situations (notamment deux messieurs dont elle se souvient encore). II. L’autre est plus récent, il fut observé pendant un cours de littérature historique : à un moment donné, il sembla à B. B. que le professeur avait déjà prononcé exactement les mêmes paroles, dans les mêmes circonstances.

OBSERVATION 60 (Personnelle. Inédite).
B…, H… 57 ans.

Agrégé de l’Université, Professeur de mathématiques dans un lycée de garçons en province.

  1. – Oui. Souvent.
  2. – C’était une impression immédiate de reconnaissance de très courte durée.
  3. – Depuis l’adolescence Et depuis, en tout temps.
  4. – Il n’est pas impossible de préciser : il y a peut-être six mois, peut-être plus, peut-être moins.
  5. – Nullement.
  6. -Trés bonne dans ma jeunesse, médiocre plus tard.

Mauvaise aujourd’hui. — 7. – J’ai la mémoire des formes beaucoup plus que celle des noms. » [p. 206]

8 – J’ai éprouvé ce phénomène dans toutes les conditions.

9 et 10. – Non. — 11 et 12. – Plutôt dans la solitude, ou en présence de peu de personnes. — 13, 14 et 15. – Non — 16. – Oui, le plus souvent — 17. -Non.

  1. – Je suis très sobre, je ne bois pas, je n’ai jamais fumé et même étudiante n’ai jamais fumé, pour ainsi dire.
  2. – Non. — 20 et 21. – Très court, au plus une minute. — 22 et 23. – Non. — 24. – Aucune autre impression que celle de la surprise. — 25, 27 et 28. – Non. — 29. – Oui. — 31. – Jamais. — 32. – Question mal comprise. — 34 – Non. — 32 bis, 33 bis et 34 bis. – Oui.
  3. – Distractions fréquentes. Obsessions quelquefois.
  4. – Tout est resté vague dans mes souvenirs, aucun des phénomènes n’ayant eu la moindre influence sur mes actes ou mes sentiments.

OBSERVATION 61
A… O…, H. 28 ans. Licencié en droit.

1, 2, 3, 4. – J’ai éprouvé surtout cette impression dans ma jeunesse : depuis l’âge de 20-25 ans, je l’ai beaucoup moins fréquemment éprouvée. J’ai constaté d’ailleurs qu’en avan­çant en âge vers cette époque et depuis les impressions de fausse reconnaissance que je ressentais perdaient de leur vivacité.

  1. – Ma mémoire est médiocre, plutôt mauvaise.
  2. – Ma mémoire n’a pas varié.
  3. – Les circonstances extérieures, et mon état d’âme étaient insignifiants. [p. 207]
  4. – Le phénomène durait un temps relativement court, mais je ne puis rien préciser.
  5. – Je crois pouvoir le faire cesser par un effort tendant à fixer la date du souvenir.
  6. – En général mes fausses reconnaissances s’accompagnaient de ce sentiment que je prévoyais ce qui allait arriver à l’instant prochain, Ce sentiment de prévision portait plus spécialement sur les circonstances extérieures, j’avais surtout le sentiment de savoir ce qui allait être dit, et plus rarement fait.
  7. – « Il me semble que ce sentiment de prévision a été justifié dans certains cas, sans que je puisse rien préciser.
  8. – « La fausse reconnaissance s’est parfois accompagnée de ce sentiment que j’assistais comme simple témoin au déroulement inévitable et involontaire de mes actes, comme à ceux d’une personne étrangère ».

32 bis. – « Cette impression m’est arrivée quelquefois pendant de très courts espaces de temps, en dehors de la fausse reconnaissance ».

OBSERVATION 62
A. F… , H. 17 ans.

Elève assez bon de philosophie dans un lycée de Paris.

  1. – « Je suis, et surtout j’ai été fort sujet aux phénomènes de paramnésie ; j’ai ressenti la triple impression dont parle Dickens ».
  2. –  « C’était chez moi une impression immédiate de reconnaissance portant sur le total des prescriptions à l’instant [p. 208] considéré, et je ne me rappelle pas avoir jamais eu une fausse reconnaissance incomplète »,
  3. – « J’ai commencé à éprouver ce phénomène il y a quelques mois seulement, huit ou neuf peut-être ».
  4. – M. A. F…, est encore actuellement sujet aux fausses reconnaissances. Le dernier fait est survenu 4 jour avant qu’il fît sa réponse au présent questionnaire.

6 et 7. – « J’ai une bonne mémoire. Elle est cependant beaucoup plus rapide que fidèle. Je me rappelle que l’année dernière. je lisais mes leçons en allant au lycée, et je les savais toujours, même s’il s’agissait d’apprendre du latin ou du grec ; j’aurais été incapable de les répéter sans les relire le lendemain matin, voire même une heure après. Je ne retiens que ce qui m’intéresse : quand bien même j’aurais étudié un sujet à fond, si ce ~sujet m’est indiffèrent ou désagréable, je l’oublie très facilement. Au contraire, je retiendrai indéfiniment une chose qui m’aura intéressé, même ne l’ayant lue ou vue qu’une fois. La mémoire la plus développée en moi, est la mémoire des images visuelles. »

  1. – « C’est en janvier dernier que j’ai été le plus sujet aux phénomènes de paramnésie. »
  2. – A. F…. n’a remarqué aucune variation des qualités de sa mémoire parallèle à la fréquence plus ou moins grande des phénomènes de paramnésie.

9 et 10. – « C’est en exécutant des actes habituels, dans des lieux familiers que le phénomène s’est produit chez moi le plus souvent. »

11 et 12. – « C’est dans les soirées et dîners de cérémonies que la fausse reconnaissance se produit le plus souvent chez moi, cependant je l’ai observé aussi dans la solitude. [p. 209]

13 et 15. – « La fatigue physique n’occasionne jamais chez moi de fausses reconnaissance » un léger surmenage physique, chez A. F., s’accompagne ordinairement d’hypermnésie).

J’ai observé des cas de fausse reconnaissance coïncidant avec de la fatigue intellectuelle ou de l’excitation intellectuelle. Surtout, lorsque, dans la solitude, il se livre à un travail quelconque de composition, en particulier diversification.

Au mois de juin 1896, et surtout eu juillet, c’est-à-dire peu de temps avant de passer son baccalauréat, et dans une période de travail très assidu, il a noté une fréquence particulière des phénomènes de paramnésie.

14, 15, 16 et 17. – Jamais le phénomène ne s’est présenté dans des circonstances graves pour moi, ni en rêve, autant que je puis m’en souvenir,

18 et 19. – Rien.

20 et 21. – Durée extrêmement variable.

  1. – Non.
  2. – Les faits seront présentés tantôt isolément, tantôt en séries « dont tous les termes étaient étroitement juxtaposées et se succédaient sans solution de continuité. » Il cite une de ces séries, qui aurait duré trois heures sans interruption, mais dont le diagnostic est trop douteux pour qu’il y ait lieu d’en tenir compte.

24, 25 et 26. – C’est dans les moments de spleen intense que j’éprouve le plus de phénomènes de paramnésie. Cependant il peut se faire que je sois attristé sans que ces phénomènes se produisent… c’est le cas de beaucoup le plus fréquent ».

27 – J’ai essayé en vain de provoquer apparition du [p. 210] phénomène ; je n’y suis jamais arrivé ni directement ni indirectement.

  1. – J’ai fait cesser le phénomène en m’efforçant de fixer la date du souvenir, mais le plus souvent cet effort ne m’a donné aucun résultat, et l’attention que j’apportais à l’examiner semblait au contraire lui donner de la force et de l’intensité » Il n’a jamais essayé de le faire cesser autrement.
  • – Quelquefois, mais rarement.
  • – Cette prévision m’a parue toujours justifiée, mais il me serait impossible de donner à ce sujet des renseignements précis.

31, 32, 33 et 34. – Non.

  1. – Fréquemment distractions. Rarement obsession jamais de phobies ni de terreurs sans motifs. En somme, sujet bien équilibré au point de vue nerveux.
  2. – I. Un jour j’avais passé mon après-midi à composer une pièce de vers assez longue, je fus interrompu au milieu de mon travail par un visiteur importun, mais je restai dans un état d’excitation intellectuelle ; la conversation que j’eus avec le visiteur me parut ancienne ; je l’avais déjà eue, avec la même personne, dans le même milieu. Or, cela était matériellement impossible (je voyais cette personne pour la troisième fois). Lorsque, après son départ, je voulus me soumettre à l’œuvre, je ne le pus pas : je relus ce que j’avais fait, et il me sembla le reconnaître :  j’eus l’expression d’avoir déjà écrit cette même pièce longtemps au paravent. Pour me convaincre, je fus obligé de chercher dans mes manuscrits antérieurs. II. Il y a une quinzaine de jours, au milieu d’un dîner je causais de la Crète : tout à coup, il me sembla que j’avais dit déjà ce je venais de raconter, et la réponse de mon [p. 211] interlocuteur me parut également connue ; il me semble même prévoir ce qu’il dit réellement ensuite; puis tout disparut. »

OBSERVATION 63.
A. A…, H…, 17 ans.

Elève de philosophie dans un lycée de Paris.

l et 2. – A…, a fréquemment ressenti l’impression de fausse reconnaissance. Cette impression survient, brusquement : « Tout à coup, dit-il, je me revois dans le même état, entouré des mêmes personnes, prenant part à la même conversation, mais à partir du moment où j’éprouve cette impression. La perception de ce qui m’entoure devient graduellement moins nette. Tout me semble estompé « . Sur cette scène RÉELLE ainsi entrevue confusément, viendrait d’après lui se projeter une deuxième scène identique, mais beaucoup plus nette, et IMAGINAIRE. De telle sorte que dans ce singulier tableau, « le réel n’est que l’ombre du faux ». C’est en somme l’impression que la réalité n’est qu’un rêve dont nous parle également l’auteur de l’observation A…, A.. , traduit encore autrement cette même impression dans les lignes suivantes : « il me semblait que ce que j’entendais était ce qui allait être dit ou fait ». La reconnaissance passait porter plus fréquemment sur les sensations proprement objectives, que sur les propres actes de A. A. En effet, pour ce qui est par exemple de ses paroles, une fois seulement il lui arriva de dire une petite phrase qu’il crut reconnaître pour l’avoir déjà dite de la même façon, et exactement dans les mêmes circonstances, à une époque indéterminée, mais très lointaine. [p. 212]

  1. – Dans tous les cas, la reconnaissance est complète.
  2. – La première fois, (je m’en souviens), que j’éprouvai cette impression, j’avais six ans ; je fus frappé de ce fait que je ne pouvais expliquer, et qui dès lors resta à jamais fixée dans ma pensée.
  3. « La dernière fois fut pendant les dernières grandes vacances (Eté 1800). J’étais à Tours, dans un quartier qui m’était, comme toute la ville) du reste, totalement inconnu… »

5.- « A observé le phénomène depuis l’âge de 6 ans, jusqu’à présent, sans qu’il y eut de variations appréciables dans sa fréquence.

6 et 7. – « Mémoire médiocre. Beaucoup de peine à retenir une chose en détail, mais ne l’oubliant plus une fois que je suis atrivé à la savoir. »

9, 10, l3, 14, 15, 16. – Ni l’état intellectuel, moral ou physique de A. A., ni sa connaissance ou son ignorance des lieux ni aucune circonstance extérieure ne paraisses avoir eu d’influence sur la fréquence du phénomène.

11 et 12. – A. A. n’a éprouvé de paramnésies que dans deux catégories de circonstances : a) Etant en conversation arec quelques camarades ; b) Reconnaissance d’un lieu inconnu (surtout lorsqu’il était seul).

  1. « Oui, plusieurs fois. »

18 et 19. – Jamais.

20, -21. – Durée à l’état de veille : une, deux, trois secondes au maximum. En rêve, cette durée est plus longue ; peut-être atteint-elle un quart d’heure.

  1. – Non.
  2. – Chez moi, les fait de fausse reconnaissance sont [p. 213] isolé, et je ne sais exactement l’intervalle qui les sépara. A coup sûr plusieurs semaine.

27 et 28. – La volonté parait absolument sans influence.

  1. – Oui. Je me sens agir, mais il me semble que toute ini-tiative m’est enlevée.
  2. – Pas de tares névropathiques.
  3. – A l’âge de 9 ans. A. A. rêva qu’il lisait dans un ouvrage qu’il voyait nettement, des vers latins dont il ignorait le sens, étant à cette époque dans une ignorance absolue de cette langue. Cette lecture s’accompagnait d’une impression de reconnaissance totale, mais sans localisation dans le temps.

Il lut ainsi plusieurs pages, il trouva par hasard dans une armoire un livre qu’il n’avait vu. C’étaient les œuvres de Virgilius Naso. L’ayant ouvert, il vit avec surprise que les pages constituant le début de l’Enéide étaient absolument identiques à celles qu’il avait lues en rêve la nuit précédente. A. A. est absolument certain de n’avoir jamais vu le livre antérieurement au rêve, mais il ne peut en faire la preuve. Il nie également que le rêve ait été une construction spontanément édifiée à l’occasion d’une fausse reconnaissance survenue lors de la lecture réelle (La discussion de cette observation se trouve p.    ) [sic] .

OBSERVA TION 64.
C. I…, 30 ans. Homme de lettres.

l et 2. – Les paramnésies, rares chez moi, portent généralement sur le total des perceptions… Elles affectent plus spécialement la vue et l’ouïe « surtout l’ouïe. C. L. donne le cas [p. 214] cité plus bas comme un exemple de cas où ces deux sens ont été intéressés en partie égale.

3, 4 et 5. « Le phénomène s’est surtout produit en moi au cours de ces dernières années. Depuis trois semaines que je connais le présent questionnaire, je me suis surveillé rigoureusement, mais depuis ce temps, je n’ai éprouvé aucune fausse reconnaissance.

  1. – Ma mémoire ordinaire retient plus les idées que les détails,elle garde mieux par exemple l’impression psychique d’un tableau, que l’arrangement des couleurs dont il est composé.

9, L10, 11, 12. – Ces phénomènes de paramnésie se sont toujours produits dans un milieu familier, où cependant je n’avais pas confiance d’un acte semblable survenu déjà dans de semblables circonstances bien que la rencontre des mêmes actes et des mêmes circonstances fût à la rigueur possible. Le souvenir qui m’en reste, me les situe en général dans un cadre de solitude, de calme, de rêverie.

13-14. – Je n’ai pas remarqué qu’elles fussent le résultat d’une exaltation ou d’une dépression morale.

17, 18. – Ai-je éprouvé des paramnésies en rêve ? Je ne m’en souviens pas. En tout cas jamais sous l’influence des substances toxiques ou médicamenteuses.

20, 21, 22. – Généralement, cette impression de reconnaissance est pour moi extrêmement fugitive. En quelques secondes, ma pensée se rend compte qu’elle a été dupe d’une illusion ; et jamais il ne m’est arrivé d’avoir le moindre doute sur la durée exacte du phénomène que j’ai toujours su de courte durée, ce qui est la vérité.

  1. – Pendant toute la durée du phénomène, un seul état [p. 215]

émotionnel, toujours le même : l’étonnement. Un étonnement résigné, avec une sensation lointaine, comme ouatée ; un peu l’état où l’on se trouve dans un rêve, quand un évènement heureux vous y arrive.

  1. – Je n’ai jamais eu réellement le sentiment que je savais ce qu’allait arriver, ce qui allait être dit. Mais quand les mots étaient prononcés, je trouvais qu’ils étaient semblables à ceux que j’attendais.

32, 33, 34 et 32 bis. – Non.

33 bis. – J’ai parfois à certains moments de demi-veille la sensation d’un grossissement progressif de mes membres, de tout mon être, qui deviennent ainsi peu à peu gênants, énormes, gros comme un monde, et isolés comme lui dans le vide de l’espace. Cet état s’accompagne d’une joie lourde un peu torpide.

34 bis. – Non.

  • – Non. Aucune tare nerveuse.
  • – Voici le fait le plus précis dont j’ai gardé le souvenir, Je suis assis à une extrémité, dans le salon de mon ami G. A l’autre extrémité, des visiteurs, des amis assis également, [sic] sont également, sont tournés vers moi, leurs faces éclairées par les lampes. Au milieu d’eux, H. parle, je 1e regarde, j’écoute, et à une phrase qui certainement n’a jamais été prononcée par H. d’une façon semblable, puisqu’il s’agit d’un évènement récent, j’ai tout à coup la sensation d’avoir entendu les mêmes choses déjà dites par la même voix, dans le même cadre : entre ces faces éclairées de lumière blonde, et tournées, attentives, vers celui qui parle. Dans ce cas, l’impression, quoique fugitive, pénétra tellement profondément en moi, que je n’ai jamais pu la traiter complètement d’Illusion. [p. 216]

OBSERVATION 65 (Personnelle, inédite).
Jules Lemaitre. H.

Homme de Lettres,

  1. – M. J. L. a éprouvé plusieurs fois l’impression en question. A propos de vers de Verlaine qu’il citait, il écrivait en 1888 : « Le poète veut rendre ici un phénomène mental très bizarre et très pénible, celui qui consiste à reconnaître ce qu’on n’a jamais vu. Cela vous est-il arrivé quelquefois ? On croit se souvenir, on veut poursuivre et préciser une réminiscence, très confuse, mais dont on est sur pourtant que c’est une réminiscence, elle fond et se dissout à mesure, et cela devient atroce. C’est à ces moments-là que l’on se sent devenir fou. Comment expliquer cela ! Oh, que nous nous connaissons mal ! C’est que notre vie intellectuelle est en grande partie inconsciente ; continuellement, les objets font sur notre cerveau des impressions dont nous ne nous apercevons pas et qui s’y emmagasinent sans que nous en soyons avertis. A certains moments sous un choc extérieur, ces impressions ignorées de nous se réveillent à demi, nous en prenons subitement conscience, avec plus ou moins de netteté mais toujours sans être informés d’où elles nous sont venues, sans pouvoir les éclaircir ni les ramener à leur cause, et c’est de cette ignorance et de cette impuissance que nous nous inquiétons… Nous souffrons de sentir que ce qui se passe en nous à cette heure indépendant de nous, et que nous ne pouvons point comme à l’ordinaire nous faire illusion là-dessus ». ( Les contemporains. T. IV, p. 105, Paris,1889, in-18°).
  2. Lemaître n’a éprouvé cette impression qu’un petit nombre [p. 217] de fois, une demi-douzaine peut-être. Ses souvenirs relativement à ce qui est des circonstances extérieures exactes, sont très incomplets.
  3. – Dans tous les cas, c’était une reconnaissance complète, portant au moins autant sur l’état d’âme, que sur les faits extérieurs. « En général, dit-il, cela s’est produit à l’occasion d’une phrase que j’entendais, ou il laquelle je pensais tout-à-coup ; j’avais l’idée de l’avoir déjà dite en rêve ». (Cette localisation dans un rêve supposé, serait, d’après M. Lemaitre, immédiate et ne résulterait pas d’une construction postérieure de l’esprit) « Alors, malgré moi, je cherche à me rappeler ce rêve, — je cherche si c’est bien en rêve que la chose s’est bien passée… cette recherche m’affecte et m’angoisse ».
  • – Vers 18 ans ?
  1. – ?

8, 10, 11 et 12. – « Plutôt dans la solitude, rarement en présence du monde ; le plus souvent hors de la maison, c’est indifféremment dans la campagne ou dans la rue.

  1. – Je n’ai pas remarqué d’influence de la fatigue physique ou intellectuelle. Cependant l’impression survenait peut-être de préférence après un travail assidu.

17, 18 et 19. – Non.

20 et 21. – « La durée de l’impression elle-même est fort courte, inappréciable, la durée de la recherche consécutive fort longue. »

22 et 23. – Non.

  1. – La recherche consécutive m’affecte et m’angoisse, mais ce sentiment d’angoisse n’est pas primitif, il ne survient que lorsque commence la recherche ». Lorsque la recherche devient obsédante, apparait la « crainte de devenir fou. » [p. 218]
  2. – « Une angoisse semblable est tirée chez J. Lemaître aux obsessions.
  3. 28, 29, 30 et 31. – Non.
  4. – Pas d’impression de dédoublement à proprement parler, mais « impression qu’il y a quelque chose qui se passe en vous, sur quoi on ne peut agir. »

33, 24, 32 bis, 33bis, 34 bis. – Non.

  1. – Assez nerveux, sujet à des obsessions très longues et très -pénibles débutant brusquement et portant sur des choses tout à fait dépourvues d’intérêt,
  2. – Aucun souvenir suffisamment précis.

OBSERVATION 66 .
A. Q… H. 25 ans.

Interne des hôpitaux de Paris.

  1. – Oui, et selon les termes exacts de Dickens.
  2. – L’impression de reconnaissance est immédiate, brusque, et portant sur la totalité des perceptions et états affectifs ; mais elle est durable, et ne disparaît que par un effort de volonté, déraisonnement.

C’est toujours subitement qu’elle apparaît. et sans que je puisse m’en expliquer la cause. Parmi les choses ou les personnes que je reconnais, aucune ne me semble avoir éveillé plus qu’une autre le souvenir : le tableau est reconnu d’emblée dans sa totalité, perceptions et états effectifs. Il me semble alors que je me suis déjà trouvé dans la même situation, frappé des mêmes impressions : Cette personne qui passe me fait une impression, aussitôt, je suis vivement ému que cette même [p. 219] sensation m’ait été déjà provoqué par la même personne déjà rencontrée ; ce n’est pas tant la perception de la personne (traits de physionomie, taille, allures), que je reconnais, que mon impression ressentie lors d’une première perception (illusoire). J’ai même quelquefois l’impression que plusieurs fois les mêmes associations de faits et de gens sont déjà présentés à moi : je reconnais cette situation comme ayant été vécue déjà, non pas une fois, mais plusieurs fois, et il m’est alors impossible de me rendre compte si réellement cette fausse reconnaissance s’est présentée à moi plusieurs fois dans les mêmes conditions, ou si je suis le jouet d’une illusion en quelque sorte multipliée, comme une image répétée par une série de miroir.

  1. – Il m’est impossible de me rappeler l’âge où pour la première fois j’ai observé ce phénomène. — 4. – Certainement deux ou trois mois.
  2. – Je n’ai pas remarqué que ces fausses reconnaissances soient arrivées plus communément à une époque déterminée, mais-elles se reproduisent généralement à des intervalles assez rapprochés, puis disparaissent pour longtemps.
  3. – D’une manière générale, mauvaise, ou tout au moins médiocre.
  4. – Plutôt visuelle qu’auditive, ma mémoire n’emmagasine que les choses qui m’ont demandé un certain effort personnel de compréhension : c’est ainsi que je me rappelerai plutôt des théories ou des faits qui m’auront frappé par leur complexité ou leur étrangeté, que les choses de pure mémoire, en quelque sorte, telles que pièces de vers, faits historiques ; ma mémoire est particulièrement réfractaire à certaines catégories de choses, telles que les chiffres, sous toutes leurs formes [p. 220] pratiques (prix, mesures, dates, anniversaires), les noms, l’étude des langues étrangères. Si cette distinction a quelque légitimité physiologique, je dirai que ma mémoire est plutôt intellectuelle que sensorielle : je me rappelle plutôt l’impression que j’ai éprouvé à la vue d’un tableau, à l’audition d’une musique, que l’image de ce tableau, les sons de cette musique.
  5. – Je ne crois pas que ma mémoire ait jamais subi quelque variation.

9 et 10. – C’est toujours dans des circonstances plus que banales, à un moment de la vie, que se produit ce phénomène.

11et 12. – Sans être aussi affirmatif que dans la réponse précédente, je crois bien et je suis généralement seul lorsque les reconnaissances m’arrivent, non seul, mais je dirai même isolé de moi-même, ma personnalité consciente étant distraite, jamais quand je travaille, pense, ou agis d’une manière quelconque. Je ne crois pas que cela me soit jamais arrivé dans une chambre, dans un lieu de travail, mais toujours je crois, dans la rue : c’est lors de l’engourdissement psychique produit par la marche en rue, que je me réveille soudain de ma distraction, sous l’empire de cette impression ou de fausse reconnaissance.

  1. – Il m’est impossible de répondre à cette question.

14, 15 et 16. – Les circonstances extérieures et l’état d’âme sont alors parfaitement insignifiants.

  1. – Je ne peux pas répondre d’une manière certaine. — 18 et 19. – Jamais.

20 et 21. – Je crois que le phénomène dure une dizaine de minutes, mais je n’ai pas vérifié cette durée, approximative. — 22. – Je ne pense pas. [p. 221]

  1. – Ces faits se présentent par séries, mais je ne puis fixer l’intervalle séparant chaque fait du suivant ; tout ce que je puis dire, c’est qu’il s’évaluerait bien plutôt par semaines ou  par mois que par jours.
  2. – Mon sentiment est alors exactement le même que l’ennui provoqué par une observation telle qu’un air de musique désagréable ou monotone.
  3. – Oui, à l’occasion précisément d’obsessions, telles que celles que je viens de citer.
  4. – Je ne vois aucun rapport de dates à établir entre les deux ordres de faits.
  5. – Je ne pourrais pas provoquer l’apparition du phénomène : la preuve en est dans ce fait que depuis trois semaine je l’essaie pour fournir des réponses aussi exactes que possible, et c’est en vain. Mais je crois qu’il me serait possible, s’il se manifestait d’en prolonger la durée, en n’essayant pas de le faire disparaître volontairement. Je ne puis cependant l’affirmer.
  6. – Je crois pouvoir faire cesser la fausse reconnaissance et cela, en me prouvant par le raisonnement que cette reconnaissance est fausse, que je suis le point de cette illusion que je connais bien. Mais n’est-ce pas là une illusion et ne disparaît-elle pas en réalité d’elle-même ? Je n’oserais rien affirmer.
  7. – Je crois en effet prévoir très nettement les impressions que je vais éprouver, — c’est comme la suite d’un rêve que je connais bien ; mais voici ce qui se passe en réalité : je -suis dans la rue ; je reconnais ce groupement de maisons d’hommes de couleurs, de mouvements dont l’ensemble me donne une impression de « déjà vu », je comprends alors que [p. 222] je suis dupe d’une fausse reconnaissance, et je sais que, les impressions qui vont se succéder, je les reconnaîtrai, que ce qui va être dit ou fait autour de moi, je l’aurai déjà entendu ou vu… »

32 et 33. – Question mal comprise. — 34. – Non.

33 bis et 34 bis. – Ces impressions d’isolement et même alors, d’étrangeté du monde extérieur, je les ai ressenties en dehors de tout phénomène de paramnésie.

  1. – Distractions et obsessions très fréquemment, jamais de frayeurs. Aucune autre tare nerveuse qu’un certain degré d’exagération du pouvoir excito-réflexe de la moelle, et un léger tic convulsif des paupières (mouvements répétés d’occlusion de fente palpébrale) survenant surtout à la suite de travaux d’écriture prolongés.
  2. – Mon dernier cas est trop ancien pour être nettement rapporté maintenant.

OBSERVATION 67 •
B. K. H., 30 ans (né le 10 juin 1867).

Docteur en médecine.

l et 2. – Oui ; impression d’identité. — 3. – Depuis la puberté. — 4. – Il y a plusieurs années. — 5. – Vers l6· ans ces impressions ont été extrêmement fréquentes.

6 et 7. – Mémoire médiocre sauf cependant la mémoire des physionomies et des attitudes qui est remarquablement développée. D’ailleurs d’une façon générale, la mémoire visuelle est meilleure que les autres.

11 et 12. – Le plus souvent, se trouvant avec quelques personnes. — 13. – Rien à noter. [p. 223]

OBSERVATION 68

G… Q…, H. 27 ans.

Licencié en droit. S’occupe actuellement de psychologie physiologique.

1 et 2. – Oui, reconnaissance totale.

  1. – Avant 21 ans. Le cas le plus ancien dont j’ai conservé un souvenir quelconque survint quand j’avais 21 ans. — 4. Y est encore sujet.
  2. – Non. Ces états n’ont aucune influence appréciable. — 9, 10, 11, 12, 14, 15 et 16. – Circonstances quelconques.
  3. – J’ai rêvé, il y a quelques jours que quelqu’un me lisait un passage d’un livre que je voyais d’ailleurs moi-même. Je revois encore maintenant les caractères très nets, hauts, étroits, bien gravés, les lignes très espacés, courtes, avec de larges marges, ressemblant à de la poésie, sans majuscules, toutefois en tête des lignes. Le papier teinté de jaune. Je croyais (toujours eu rêve) me rappeler avoir déjà vu ce passage et je faisais les plus grands efforts pour localiser ce souvenir. J’ai réussi, pour tout résultat, à me réveiller (2 heure du-matin).

Il est intéressant de noter qu’en rêve je me disais à moi-même : ce n’est qu’une paramnésie.

G … Q…, croit d’ailleurs avoir eu des fausses reconnaissances en rêve, assez fréquemment, mais ses souvenirs sur ce point sont assez vagues. Ses rêves surviennent d’ailleurs toujours dans un état de demi-sommeil.

  1. – Oui (cf. Rep. 36 II).
  2. – A eu jadis de l’agoraphobie. A encore peur de l’obscurité. Rien d’autre à signaler. [p. 224]
  3. – I. — Etant un jour assis à la terrasse d’un café, j’eus la sensation de m’être déjà trouvé au même endroit, dans les mêmes circonstances : c’était une impression d’ensemble : mon souvenir ne se précisa que pour un seul détail. Je reconnais parfaitement une personne assise à côté de moi ; laquelle m’était d’ailleurs inconnue.

Il. — J’étais assis devant une table, occupé à écrire, et je venais d’exécuter toute une série d’actes habituels et insignifiants tels que prendre un papier, un crayon, ouvrir un livre etc., quand tout-à-coup, j’eus nettement l’impression d’avoir déjà exécuté ces actes dans le même ordre, me trouvant identiquement dans les mêmes circonstances, toutefois, dans mon souvenir, cette série se terminait par rentrée d’une certain personne dans ma chambre. J’avais à peine fait cette constatation que la porte s’ouvrait et que la personne entrait.

III. — Le 23 août 1897, j’étais couché dans mon lit, quand un ami vint me voir. Dès qu’il fut entré, je crus me souvenir d’avoir déjà éprouvé la même série d’impressions : sa vue, le bruit de sa voix, des gestes, étaient identiques. Je croyais me souvenir notamment de l’avoir vu si approcher de mon lit de la même façon, à gauche, ce qui était impossible, vu que je venais de faire retourner mon lit, qui sans cela n’était abordable qu’à droite. Je suis d’ailleurs sûr que cet ami n’était jamais venu me voir.

OBSERVATION 69.
Boirac, docteur ès-lettres.

  1. – Voici ce que disait M. Boirac dans la note citée p. 1876. « Il m’est arrivé, voyant pour la première fois un mouvement, [p. 225] un paysage, une personne de porter tout à coup et malgré moi ce jugement : j’ai vu ce que je vois. Impossible de dire en quel lieu ni en quel temps, la reconnaissance et comme la sensation du déjà vu n’en était pas moins très vive et très nette. Elle ne disparaissait pas à la réflexion, mais au contraire semblait s’accroître. Je les ai principalement observées en moi lorsque j’arrivais, pour y demeurer, dans une ville qui m’était encore inconnue. Je l’ai encore éprouvée dans mes lectures : subitement, sans raison apparente, je me rappelle avoir lu cette page, ces lignes, ces mots même, imprimés avec ces caractères et la saveur particulière de l’état mental où je me trouvais alors, me revient encore toute fraîche…

D’autres fois, assistant à une conversation d’ailleurs tout à fait insignifiante, il m’arrive de reconnaître à faux, par une sorte de réflexion soudaine, une combinaison de paroles, de mouvements, de sentiments dont je crois être témoin pour, la seconde fois (1876, p. 430).

  1. Boirac se rappelle avoir ressenti cette impression, notamment en visitant pour la première fois la ville de Poitiers (il y a une douzaine d’années). Il croit n’y être plus sujet depuis assez longtemps.

OBSERVATION 70
B. L… H. 25 ans.

Etudiant.

1 et 2. – Oui. — 3. – Vers 15 ans. — 4. – J’y suis encore sujet. — 5. – Non.

6 et 7. – Médiocre en général. Mémoire topographique et [p. 22] mémoire des noms mauvaises. Mémoire des paysages et des scènes vues moins mauvaise.

8, 9 et 10. – Non. — 11. – Peut-être. — 12. – Non. — 13. – Fatigue intellectuelle : oui. — 14 et 15. – Non. —16. – Oui. — 17, 18 et 19 – Non.

  1. – Un éclair ; mais c’est une impression forte qui laisse, la croyant dans l’esprit, des traces qui ne sont pas dissipée par ce fait que l’erreur apparaît immédiatement comme évidente, mais seulement par le raisonnement.

23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 31. – Non. — 32. – Oui. — 32 bis. – Oui. — 33 et 34. – Non.

  1. – Distractions et obsessions. Oui. Phobies, etc. Non.

OBSERVATION 71
B. X… F. Née en 1872. – Employée de bureau.

l et 2. – La première forme, oui, pas l’autre. — 3. – Déjà dans l’enfance. — 4. – Encore actuellement. — 5. – Non. — 6. – Médiocre. — 7. – Non. — 9 et 10. – Dans les deux cas indifféremment. — 11 et 12. – Idem. — 13. – Non. — l4 et 15. – Non. — 16. – Oui.

17-18 et 19. – Non. — 20 et 21. – Environ une demi-minute.

— 22 et 23. – Non. — 24. – Oppression et inquiétude. — 25. – Oui. – 27 et 28. — Non. — 29. – Oui. Particulièrement B. — 30 et 31. – Non. — 32. – Oui, un peu vague. — 33. – Non. — 34. – Non. — 34 bis. – Oui, mais toujours sans que cette impression accompagnât une fausse reconnaissance : c’est un sentiment très curieux, comme si l’âme s’était enfuit, et que le corps [p. 227] fut resté seul, je l’ai souvent observé en écoutant de la musique ou en assistant à une représentation théâtrale.

  1. – Non.

OBSERY ATION 72.
A. Z… H. 32 ans.

Préparateur au Muséum d’histoire naturelle.

  1. – Oui.
  2. – Impression immédiate portant sur un ensemble de circonstances dans lesquelles je crois avoir été placé antérieure ment.

3 et 4. – Je n’ai éprouvé ce phénomène que deux fois, il y a au moins dix ans.

6 et 7. – Bonne. Mémoire des lieux des chiffres. — 17. – Non.

OBSERV ATION 73 (personnelle inédite).
C. D… H. 44 ans.

L et 2. – Oui, impression immédiate. — 3. – A 30 ans. — 4 – Récemment. — 5. – Non. — 6. – Bonne. — 7. – Mémoire de physionomies. — 9. – Non. — 11. – Oui. — 12. – Non. — 13.­ Etat ordinaire. — 14 et 15. – Non. — 16. – Oui. — 17. – Non. — 20 et 21. – Fugitif. Une ou deux secondes au plus. —- 24. Etonnement.

  1. – Ces cas se présentent assez fréquemment sans que j’aie songé à en conserver le souvenir. Cependant :
  2. — Je me rappelle, étant à Rambouillet pour la première fois, avoir éprouvé pendant quelques secondes, en descendant du [p. 228] train, l’impression que j’avais déjà vu le quartier qui s’offrait à mes yeux.
  3. — Aux obsèques du Maréchal Mac Mahon, j’ai de même éprouvé l’impression que j’avais déjà assisté à la même cérémonie.

OBSERVATION 74
A. L…, H. 26 ans.

Etudiant en médecine (4e année).

  1. L…, dit avoir éprouvé quelquefois un sentiment correspondant à ce dont parle Dickens mais ses souvenirs à ce sujet, ne sont pas très nets.

Le phénomène s’est présenté quelquefois par exemple comme il suit : « Je suis dans un salon, avec plusieurs personnes qui ont assises ou debout, et causent entre elles : tout-à-coup, quelqu’un prononce un mot : aussitôt, je tressaille, et il me semble que je me suis déjà trouvé identiquement dans les mêmes circonstances : le décor est le même, les personnages aussi, leurs attitudes sont les mêmes, le sujet de la conversation, les mots qu’ils prononcent, les sentiments qui m’agitent, tout me semble avoir existé déjà d’une façon identiquement semblable.

  1. – ?
  2. – Y est encore sujet actuellement, à des intervalles éloignés.

6 et 7. – Mémoire moyenne, surtout visuelle.

  • – « Je ne crois pas l’avoir jamais éprouvé dans des endroits que je voyais pour la première fois, ou avec des personnes que je n’avais jamais vues. » [p. 229]

13, 14, 15 et 16. – « Je n’étais certainement pas dans un étatd’esprit anormal… »

« Le phénomène, — je l’ai remarqué assez souvent, avait pour point de départ soit un mot, soit une simple impression visuelle. »

« Les circonstances étaient toujours banales. »

20 et 21. – L’impression est très fugitive et il me serait difficile d’en évaluer la durée, autrement que par l’expression vulgaire : « Un clin d’œil. »

27 et 28. – Le phénomène est absolument indépendant de ma volonté.

OBSERVATION 75
Inédite. Recueillie par M. Robert Talamon, licencié en philosophie.
A. E…, H. 29 ans. Comptable.

Bien portant. Pas d’antécédents névropathiques. Boit par jour, un verre à liqueur d’eau-de-vie au minimum, trois verre au maximum. Apéritifs, d’une façon intermittente, mais plutôt fréquente. Quelquefois, (rarement) excès alcooliques.

Intelligence banale, très débrouillard, très gai. A fait ses études jusqu’à la 4e.

1 et 2. – Oui. Impression immédiate. — 6. – Plutôt bonne. —

  • – Autant qu’on en peut juger, rien d’anormal. Mémoire des chiffres, bonne, des noms, médiocre ; des physionomies, bonne ; mémoire topographique (d’orientation) bonne. Les images qui paraissent prédominer, sont les images visuelles. Les souvenirs se présentent de façon concrète. [p. 230]
  1. – Plutôt meilleure. — 9. – Oui. —10. -Non, — 1. – Pas particulièrement. — 12. – Pas particulièrement.
  2. – Dépression, physique ou intellectuelle, fatigue physique ou intellectuelle, excitation physique : Non ; ou du moins n’a rien remarqué à ce sujet. Excitation intellectuelle. Oui.
  3. – Oui. — 15. – Oui, surtout dans ce dernier cas. — 16, 17, 18 et 19. – Non.

20 et 21. – D’abord réponses vagues : 2 ou 3 minutes (?) Puis, dans le cours de l’interrogatoire, dit que « c’est une impression très rapide, c’est électrique, c’est instantané. — 23. – Pas de séries : cas isolés et rares. — 24. – Etonnement léger saisissement. — 28. – A, B et C. Oui. .

29, 30, 31, 32 et 33. – Réponses trop vagues et trop peu sûres pour qu’il y ait lieu d’en tenir compte. — 35. – Non.

OBSERV ATION 76
B. R… , F.

Sans profession.

  1. – « J’ai éprouvé très souvent le phénomène de fausse reconnaissance.

2 – c’’était quelquefois l’impression de reconnaissance portant sur le total des perceptions, parfois seulement un simple jugement de ressemblance partielle plus ou moins étendue et plus ou moins parfaite. Dans ce dernier cas le phénomène n’était accompagné chez moi d’aucune sensation ni d’aucun sentiment particulier ; je le laisserai donc de côté.

  • – Je ne sais. Peut-être vers 10 ou 12 ans.
  1. – Peut-être y a-t-il quelques jours. [p. 231]
  2. – J’y fus également sujette, à toutes les époques de ma vie.

7, 8. – Ma mémoire est bonne, et ne présente aucune particularité. Elle fut toujours ainsi.

  • – Je ne me souviens pas avoir remarqué le phénomène se produisant lorsque j’étais dans le monde, ni même au théâtre…

12, 13, l4 et 15. – « Le phénomène ne se produit pas davantage lorsque je suis dans un état de tension intellectuelle. Mon état d’esprit est normal, et les circonstances sont, sinon banales, du moins éloignées des préoccupations de la vie intérieure et proches au contraire des actes habituels de la vie journalière. »

  1. – Jamais en rêve. — 18. – Je ne vois rien de tout cela. — 19. – Non. — 20. – Je ne sais, peut-être une demi-minute. —22. – Non. — 23. – Jamais par série. — 24. – Un sentiment de bien-être assez complexe. — 25 et 26. – Peut-être, mais, ce serait trop long à expliquer. — 27. – Je ne peux ni provoquer le phénomène, ni en prolonger la durée.
  2. – Parfois il m’est arrivé de dissiper cette impression de réminiscence lorsqu’elle était vague et flottante : elle fuyait devant l’observation précise.
  3. – Je prévois ce qui va être dit et répondu , cette prévision porte non seulement sur les actes et les personnes, mais sur le décor …
  4. – Toujours. — 31. –  Cette prévision n’a jamais porté que sur des actes insignifiants qu’il m’aurait alors semblé impossible de ne pas faire. Je sentais une impression de dédoublement, mais vague.
  5. – Non. [p. 232]
  6. – « Au moment du phénomène je me sens passive, comme subordonnée à des lois que j’oublie d’ordinaire, ce qui me permet davantage de me placer « hors cadre », hors du monde, qui m’apparaît alors souvent comme un spectacle entaché d’irréalité ».
  7. – « Les objets ne me semblent pas d’un aspect surnaturel, mais d’un aspect essentiel. Tout à coup, je les vois au lieu de les regarder comme aux heures ordinaires ; comme les traits d’un visage banal qui s’idéalise sous une flamme intérieure.
  8. – Je ne crois pas avoir de tics, mais je suis très distraite.
  9. – Décrire ? Je craindrais d’inventer malgré moi.

OBSERVATION 77 (Inédite).
Recueillie par M. Darlu, agrégé de philosophie.

BD…, F… 40 ans.

Mariée. Sans profession.

l et 2. – « Oui. – Comme si j’avais déjà vécu ce moment de ma vie, dans une vie antérieure.

  1. – Très souvent depuis ma jeunesse, et pour la première fois il y a très longtemps.
  2. – L’autre jour encore, mais plus légèrement.
  3. – De moins en moins souvent.
  • – Assez bonne. — 7. – Bonne mémoire des choses vue, très médiocre des choses lues.
  1. – Dans les circonstances les plus familières. — 11. – Au contraire. —12. – Plutôt. —13. – Rien remarqué. — 15.- [p. 233]

Non. —16. – Plutôt oui. ·—11, 18 et 19. – Non. — 20. -Extrêmement rapide. — 23. – Non. — 24. – Etonnement et curiosité, simplement (après le phénomène).

  1. – Non. — 28. – Peut-être par un petit effort qui vient à la suite de l’étonnement. — 29 et 31. – Non.
  2. – L’action est suspendue. Non. — 33, 34, 32 bis, 33 bis 34 bis. – Non. —·35. – Non. — 36. – Cette description serait pour moi extrêmement difficile, et je ne me rappelle aucun de ces états en particulier.

OBSERYATIOX 78
C…, E… , F…, 26 ans.

Mariée sans profession.

1 et 2. – Oui, reconnaissance totale. Très rarement cette impression a porté sur des paroles prononcées par le sujet, ou entendues par lui ; le plus souvent, paysages, situations et scènes quelconques.

  1. – 12 ans.
  2. – C. E…, éprouve ces impressions beaucoup moins fréquemment maintenant qu’autrefois, et croit qu’il y a assez longtemps que cela lui est arrivé, mais n’en est pas sûre.
  3. – Oui, entre 12 et 20 ans, et surtout entre 18 et 20 ans.

Epoque pendant laquelle, elle fut interne au lycée. Le dimanche quand elle allait en promenade, il lui arrivait fréquemment de croire s’être déjà trouvé dans les mêmes circonstances, devant tel monument ou tel paysage qu’elle voyait.

6 et 7. – Médiocre, rien de bien particulier. — 9, 10, 11 et 12. – N’a rien remarqué de particulier. — 13. – Tous ces états sont sans influence. [p. 234]

14 et 10. – Non. — 17. – Oui. — 18 et 19. – Non. — 20 et 91. – Non. — 22. – Jamais. — 23. – Non. — 24. – Avant d’être habituée au phénomène, elle en était complètement dupe. Actuellement, il s’accompagne d’une impression un peu désagréable à celle qui accompagne la recherche obsédante d’un mot qui échappe.

27, 28, 29, 30, 31, 32, 32 bis, 33, 33 bis, et 34. – Non. — 34 bis. – Oui, quelquefois. — 35. – Aucune tare névropathique. — 36. – C. F. n’a gardé de souvenir un peu précis que de deux cas : I. Etant âgé de quinze ans environ, elle éprouva cette impression devant un paysage d’hiver, plaine s’étendant indéfiniment jusqu’à l’horizon, arbres dépouillés, ciel bas, de maisons et des étangs verdâtres et bleuâtres. C’était en réalité la première fois qu’elle se trouvait à cet endroit, et elle était dans un état parfaitement normal. II. A Paris, à 19 ans, elle se trouvait dans un salon, à un moment donné, une dame entra, quelqu’un alla la chercher, et la conduisit au piano, et avant de jouer, elle dît quelques paroles insignifiantes. A ce moment C. E…, éprouva l’impression de fausse reconnaissance.

OBSERYATION 79
A. S… F.,  24 ans.

Célibataire. Etudiante en médecine (2e année).

l et 2. – « Oui. C’était une impression immédiate de reconnaissance portant sur le total des perceptions de l’instant considéré. Je n’ai jamais éprouvé l’autre forme. L’impression était courte, mais très nette ».

  1. – « « Mes souvenirs ne sont pas très précis. Vers 15 ans, je [p 235] crois. -— 4. – « il y a six mois ». — 5. – « Cela m’arrive plus rarement à présent qu’autrefois »,
  2. – « Méiliocre ». — 7. – « Je suis auditiviste ».
  3. – « Non, au contraire, c’est toujours dans des circoustances absolument banales que j’ai éprouvé cette impression à n’importe quel moment, et sans raison ». — 11. – « Non ». — 12. – « Dans la solitude ; pourtant j’ai eu souvent cette impression au milieu de personnes bien connues de moi : je revivais une scène déjà vécue ».
  4. – « Plutôt d’excitation intellectuelle, cependant je n’oserais pas affirmer ce point ».
  5. – Nullement. Aucun état spécial ne précédait le phénomène.
  6. – Je n’ai jamais observé cette coïncidence.
  7. – Je le croirais plutôt, cependant je n’ai jamais ressenti cette impression quand ma vie était très active, très remplie.
  8. – Je me souviens qu’avant de partir pour un long voyage dans lequel je devais faire la connaissance de personnes dont j’avais souvent entendu parler, et dont je connaissais bien la vie, j’ai rêvé que je me trouvais dans, ce pays, au milieu de ces personnes inconnues, qui pourtant me semblaient familières. Mais en somme, j’avais l’impression que je continuai une vie qui était la mienne, et non celle de repasser par un état déjà vécu. Ce n’est donc pas le phénomène en question, je crois.

20, 21 et 22. – Pas même une minute, il me semble, une seconde ! C’était très court et très net, et aussitôt je m’apercevais que j’étais victime de cette illusion connue de moi.

  1. – J’ai remarqué que lorsque j’avais éprouvé un de ces [p. 236] phénomènes, les jours suivants, j’en éprouvais d’autres, qu’ils venaient ainsi par séries de trois ou quatre, à trois ou quatre jours d’intervalle, ou même de deux ou trois dans une même journée, puis, c’est fini pour plusieurs mois.
  2. – Aucun phénomène particulier autre qu’un sentiment d’étonnement. Puis, immédiatement l’idée de rechercher si véritablement je n’ai pas vécu déjà cet instant.

27 et 28. – Non.

  1. – Oui, j’ai le sentiment que je sais ce qui va arriver, ce qu’on va dire, ce que je vais faire. Cela fait partie du phénomène, et pour moi, c’est ce qui est déjà arrivé dans ces circonstances passées que je crois retrouver.
  2. – Non. — 32. – Oui, c’est toujours ce sentiment qui domine. — 33. – Oui. — 34. – Oui, absolument. Les objets les plus familiers deviennent étranges, nouveaux.
  3. – Je suis assez distraite, rien d’autre à noter.
  4. – Il y a six mois, étant en tramway devant l’école militaire, je me rappelle avoir assisté à un accident de voiture, et avoir éprouvé à cet instant le sentiment très net que je ne faisais que revivre une scène déjà vécue ; non pas une scène analogue mais bien la même, le cadre, les acteurs, la scène : tout était semblable.

OBSERVATION 80
B. E… H .25 ans.

Journaliste.

1 et 2. – Oui, a eu cette impression deux ou trois fois dans sa vie et de telle façon qu’il se demandait : Comment se fait [p. 237] il que j’aie rêvé il y a plusieurs années cette même situation où je me trouve actuellement (27).

C’était une impression de reconnaissance totale, portant sur l’état d’âme lui-même.

11 et 12. – Le plus fréquemment dans un salon, avec quelques personnes. Pas pendant qu’il parle lui-même,

Quelquefois devant un paysage, à la campagne. A eu souvent aussi cette impression, mais d’une façon moins nette en voyage lorsqu’il visitait une ville,

20-21. – Très court.

  1. – Pas d’émotion vive. Simple étonnement.
  2. – Tic convulsif.

OBSERVATION 81
C. A…, F. 30 ans.

Institutrice.

1 et 2.- Oui, impression totale ; c’est l’impression d’avoir déjà vécu exactement le moment actuel ; c’est une impression ou de recommencement. Survient brusquement et en même temps C. A. est prise d’une sorte de vertige, comme si brusquement un abime s’ouvrait devant elle.

  1. – A. 15 ans peut-être. — 4.- L’éprouve encore actuellement.  — 5. – Oui. — 6. – Bonne. Particulièrement visuelle typographique.
  2. – Plutôt dans les circonstances peu habituelles. [p. 238]
  3. – Oui. — Souvent. Mais le plus souvent, c’est en société quand elle parle.
  4. – Excitation intellectuelle. — Oui et particulièrement dans les discussions ardues.
  5. – Un éclair. — 21. – Quelques secondes. — 22. – Non. — 23. – Quelquefois, séries de plusieurs cas survenant le même jour.
  6. – Vertige (cf. rep. 1 et 2) surtout quand l’impression de fausse reconnaissance se prolonge. Inquiétude également.
  7. – A. et B. Oui. — 28 – Oui. — 29, 30, 31, 32 et 33. – Non. — 32 bis. – Oui fréquemment.

33 bis. – Non, mais éprouve quelque chose d’analogue, quelquefois en lisant, il lui semble que ce qu’il lit est éloigné à l’infini.

34 bis. – Oui.

  1. – Obsessions. — Oui. Pas de terreurs nocturnes, pas de troubles névropathiques.
  2. – Aucun souvenir bien précis. Le dernier cas, fut, il y a quelques jours, pendant une conversation et l’avant-dernier, étant dans la rue du Louvre, seule, et pensant à ses études.

OBSERVATION 82

B . V…, H. 18 ans.

Élève de philosophie dans un lycée de Paris.

  1. – Oui, souvent. — 2. – C’était toutes les fois une impression immédiate. — 3. – Après 12 ans, je crois (?).
  2. – J’e l’ai éprouvé pour la dernière fois il y a 2 ou 3 ans.

6 et 7. – Très bonne. Je retiens des faits très petits arrivés [p. 239] il y a très longtemps, et dont mon entourage ne se souvient nullement. Par exemple je me souviens de pièces de théâtre et de livres que j’ai vus dans mon enfance.

Je n’apprends pas par cœur avec une grande facilité, mais une fois que je sais quelque chose, je l’oublie difficilement.

  1. – La même probablement. — 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et
  2. – Circonstances tout à fait quelconques, sans rien de particulier.
  3. – Au moins une fois (Cf. rep. 36). —18 et 19. Non.

20 et 21. – Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « durée d’une fausse reconnaissance » : pour les cas que je rapporte plus bas par exemple, quoique je sois obligé de reconnaître qu’il était impossible que les faits se fussent déjà présentés une fois ainsi, je n’en ai pas moins toujours l’impression que je les avais déjà vus.

  1. – Non. — 23. – Je ne crois pas. — 24. – Aucun de ces états ; j’étais comme à l’ordinaire.
  2. – Non. — 27. – Je n’ai jamais essayé et ne le pourrais pas probablement. — 29 et 30. – Non.

32, 33, 34, 32 bis, 33 bis et 34 bis. – Non. — 35 – Rien à signaler au point de vue névropathique.

  1. – I. – En passant il y a 2 ans dans une rue toute nouvelle de Paris, il m’a semblé l’avoir déjà vue dans mon enfance : maisons hautes et basses, je croyais toutes les revoir, un chantier de bois, et un mur se présentèrent à moi en tous points pareils à l’image que je m’en étais faite. Or, il est certain que je n’ai jamais passé dans mon enfance par cette rue, pour la bonne raison qu’elle n’existait pas encore.
  2. — C’était un matin, je dormais encore, je rêvais même mais un tel rêve qu’il me semblait le connaître déjà, l’avoir [p. 240] déjà rêvé je me réveillai de moi-même, et au réveil je songeai qu’il était ridicule d’avoir ainsi fait deux fois le même rêve. Repassant alors dans mon esprit tout le rêve, je le trouvai concordant en tous points avec celui que je me figurais avoir rêvé autrefois ; cette idée ne me laissa pas de repos toute la journée ; enfin, à force de réfléchir, je parvins à me convaincre que je n’avais jamais fait de rêve semblable auparavant.

OBSERVA TION 83
C. K…, H. Né le 5 novembre 1872.

Licencié en droit.

1 et 2. – Oui. Impression complète. L’a éprouvé dans un grand nombre de circonstances diverses, le plus souvent, peut-être, en entendant de la musique : il lui est arrivé fréquemment, entendant un morceau pour la première fois, d’avoir l’impression de l’avoir entendu déjà dans les mêmes circonstances.

3 et 4. – Ne peut répondre, n’ayant jamais attaché d’importance au phénomène. Il croit que depuis fort longtemps déjà, il ne l’a pas éprouvé.

  • – Furent particulièrement fréquentes dans l’adolescence.

6 et 7. – Mauvaise. Au point de vue du long âge intérieur, parait appartenir au type visuel typographique. Mémoire auditive relativement assez développée.

  1. – A toujours été sensiblement égale. — 9. – Non. —10.- Oui, circonstances tout à fait banales, actes tout à fait journaliers.
  2. – Non. — 16. – Oui. — 20. – Très rapide. — 29 – Non. [p. 241]

OBSERVATION 84.
A. V…, H. 23 ans.

Elève à l’école normale supérieure.

J’ai souvent éprouvé ce sentiment de fausse reconnaissance, portant le plus souvent sur le total des prescriptions à l’instant tant considéré.

3, 4 et 5. – Particulièrement entre 12 et 20 ans.

  1. – Le phénomène se produisait de préférence dans des lieux nouveaux pour moi.
  2. – Plutôt dans un état de fatigue.
  3. – Sentiment d’ennui très pénible, provenant, me semble-t-il, de la peine que j’avais à localiser les souvenirs, et il durait jusqu’à ce que l’effort fait pour en fixer la date eut triomphé complètement de l’illusion.
  4. – Il me semble qu’il m’est arrivé de provoquer le phénomène en me laissant aller à une sorte de rêverie. Me trouvant, par exemple, au milieu de gens causant à haute voix…
  5. – Le phénomène était souvent accompagné d’impression d’étrangeté du monde extérieur, et d’une illusion d’optique consistant en ce que les objets placés devant moi semblaient s’éloigner considérablement, comme vus par le gros bout d’une lorgnette.

Cette impression d’éloignement était surtout très nette pour les objets placés immédiatement sous mes yeux, comme le livre que j’étais en train de lire, ou la feuille de papier sur laquelle j’écrivais. Je crois même pouvoir dire que l’illusion se produisait surtout dans ces cas, c’est-à-dire lorsque j’avais fixé avec une certaine attention l’objet en question, qui [p. 242] m’apparaissait alors diminué, mais toujours aussi net. J’ai certainement éprouvé cette illusion, sans que la paramnésie se produisit.

OBSERVATION 85
C. F…, H., 18 ans.

Etudiant en droit et en philosophie.

1, 29 et 30. – « Il m’est arrivé, à l’état de veille et sans que je le sollicite en aucune façon, d’avoir comme l’image d’un fait qui ne s’était jamais produit. Presque toujours cette image devenait pour moi une réalité. Après un intervalle de temps plus ou moins long, j’assistais réellement au fait que j’avais vu jadis en imagination. La similitude entre l’image passée et la perception présente était parfaite. Les paroles que j’avais prêtées illusoirement à une personne, m’étaient répétées par elle-même ; avec les mêmes gestes, la même intonation : en un mot, le fait actuel se produisait dans le même ordre et tel que je l’avais imaginé autrefois.

« Le sentiment qui accompagne ordinairement en moi la deuxième partie du phénomène est un étonnement très grand, presque craintif… »

OBSERVATION 86
A. Z…, F. célibataire.

Sans profession.

1, 2, 3, 4 et 5. – « Oui, très souvent et de la manière la plus variée, en écrivant, et avant tout dans la solitude, quand les [p. 243] impressions d’une journée d’une lecture, repassent devant ma vision mentale.

Autrefois ces fausses reconnaissances étaient plus fréquentes chez moi ; je les ai observées du temps où j’étais encore enfant, et leur fréquence n’a fait que croître jusqu’à ma 20e année, puis a été en diminuant.

  1. – En général ces fausses reconnaissances sont accompagnées d’un sentiment agréable : je n’ai eu de frayeur et d’angoisse que dans le cas ci-dessous :
  2. – Dans ce cas, la douleur a été presque « physique » : Je venais de perdre ma grand-mère, après l’avoir soignée jour et nuit, et je me trouvais dans un état d’épuisement physique et intellectuel. Notre médecin qui était présent demande un verre de vin, et je vais moi-même le chercher. Un escalier mène à l’office ; sur les dernières marches, je m’arrête subitement, j’ai l’impression que je me suis trouvée déjà dans la même situation, avec la même tristesse, et cette impression surgit si subitement, que je me demande ce qui va arriver.

J’ai en même temps l’impression très nette qu’il y a derrière moi une main qui me saisit et cherche à me pousser.

 

NOTES

(1) M. Godfernaux (Le sentiment et la pensée) emploie le mot « sentiment » au singulier, et précédé de l’article défini, « le sentiment » pour désigner ce que les philosophes du milieu de ce siècle appelaient « la sensibilité » ; ce sens, parfaitement légitime, n’est nullement incompatible avec celui que je donne ici.

(2)  «Hale you come suddenly upon an entierly new scere et while certain of its novelty, felt inwasdly that you had seen itbefore, with a conviction that y ouwere revisiting a dimly familiar locality ? Mention, if you can, an instance or two in which theses occured. Has any satisfactory explanation of this experience ever suggested itself to you (H. F. Osborn, 1884, p. 418).

(3) Les personnes qui seraient disposées il répondre à ce questionnaire, peuvent le faire encore à présent:: elles sont priées de faite parvenir Ienrs réponses (accompagnées de leur nom et de leur adresse) au docteur Eugène Bernard Leroy, 30 rue Miromesnil, Paris. Ces réponses pourront être utilisées dans un prochain travail, en particulier celles qui seraient relatives aux §§ 32 bis, 33 bis et 34 bis.

(4) We have all experience of a feeling that comes over us occasionaliy, of what we are sayng and doing having been said and donebefore, in a remote time, of our having been surrounded, dim ages ago by the same faces, objects. and circumstances, Ch. Dickens: David Coperfield ; Tauehnitz Ed. T. Il Ghap. XIX p. 354 (Leipzig 185o, in-12).

(5) « Feeling of our knowing perftectly what will be said next as if we  suddenly remembered it » (Dickens, op. cit., p. 354).

(6) C’est également d’un rêve de ce genre que parle l’auteur de l’observation 79.

(7) Non enim acquiescendum eis qui Samiun Pythagoram ferunt recordatum fuisse talla nonnullos quae fuerat expertus cum alio jam fuisset in corpore, et alios nonnullos narrant alti ejus modi aliquid in suis mentibus passos quas falsas fuisse memorias quales plerumque experimur in somnis, quando nobis videnus reminisci [p. 76] quasi egerimns aut viderunus, quod nec egimns onnino, nec vidimus et eomodo affectas esse illorum mentes etiam vigilantmm, instinctu spirituum malignorum atque fallacium, quibus eurae est de revolutionibus animarum falsam opinionem ad decipiendos hommes firmare vel serere. » (Sancti A. Augustini, De trinitate lilbri quindecim ; L. XII, Cap. XV, § 24. Patrologie de P. Migne, T. XLll ; 1. 1012. Paris, 1848, in-8).

(8) « La reconnaissance totale des détails suppose nécessairement une double représentation actuelle… » Lalande (1893, p. 493). « Reconnaître son souvenir, c’est superposer les deux images ; comme un géomètre superpose deux figures, et avoir conscience de leur identité », Fouillée (1885, p. 153).

(9) Cf. également : B. Bourdon (1893, p. 630) ; B. Pérez, 1888, p..22 et Delboeuf (1880).

(10) Th. Ribot. La psychologie des sentiments. 2e partie, chap. Xl, p. 36., 2e éd. Paris 1897, in-8.

(11) Maudsley. Physiologie del’Espritt chap. V.
Carpentier. Mental physiology, chap. III.
Lewes. Problème of lite et Mind, T. I, p. 184.
Horwicz. Psychologische Analysen. T. 1.
Volkman von Volkmar. Lehrbuch der Psychologie. T. II, § 114.
Th. Rihot. Psychologie de l’attention. Chap. I et II p. 11 à 113, et plus particulièrement p. 32 et sq. 2e éd. Paris, 1894, in-18.
(12) Tb. Ribot. Psychologie de l’attention. Chap. II, § 3, p. 39-16, (2e éd. Paris, 1894), in-18 et Psychol. des sentiments, 2e partie, chap. XI, p. 370. 2e éd., Paris 1897 in-8.

(13) Th. Ribot. Psychol. de sentiments. 2e partie, chap. XI. p. 370. (2e éd. Paris 1897, in-8)

(14) Th. Ribot. Psychol. de sentiments. 2e partie, chap. XI. p. 370. (2e éd. Paris 1897, in-8)

(15) Il s’agit de Charlotte d’Angleterre, princesse de Galles, et héritière de la couronne, morte en conches en 1817.

(16) « Die Leute hier konnen aber zu Haus bei mir gewesen sein. Iso mussen sich die gesichter doch verandern » (p. 55).

(17) « Aeh Gott ! Auch die Gegend verandert sten ja immer. Tenu ich die Gegend ansah, war mir, als batte ich sie senon einmal gesehen, als müsste ich schon hier gewsen sein, vielletcht bei [p.103]Verwand tien, und als ich zurückkam, war es wenn so da war mir auch als war ich sehon sinmal da gewesen, als wäre alles wie früher. Aber eh bia doch niemalss hier gewesen, da muss sich die Gegend ùoch verändert haben .

J’avoue ne pas comprendre du tout le raisonnement de cette malade.

(18) Archiv. f. Psychiatrie. T. VI. fasc. 3.

(19) Huglings-Jackson indique (p. 184-185) une étude de Quaerens lui-même sur son cas, intitulée : A pronostic and thérapeutical indication in epilepsy et publiée dans le Practiornner, où il m’a été impossible de la rétrouver.

(20) … My own mental state, of wich I know no more than that, it seemed to me to be a vivid and unexpected « recollection », — of what I do not know. »

(21) The line… seems somehow familiar, or just what I was trying to recollect …, »,  p. 203.

(22) Paul Adam. Le fer siffle, le Journal, mardi 14 septembre 1897. 6e année, n° 1813.

(23) Ce phénomène est sans doute en rapport avec la netteté et 1’intensitè extraordinaire que gardent chez E. Zola certains souvenirs concrets. — Voir à ces sujet l’observation d’E. Zola dans le livre précité de Saint-Paul. (1892).

(24) F. Gregh Mystères. — Rev. Blanche,15 septembre 1896. 7e année, t. XI, n°73, p. 259 et 260. Paris 1876, in-8.

(25) Exact. (Note de M. F. Gregh).

(26) Avec Egger, à Nancy.

(27) B. E. dit avoir eu d’autre part des rêves qui se seraient véritablement réalisés. Mais dans ces cas, la réalité n’était nullement identique au rêve ; il y avait seulement ressemblance de fond.

[p. 244]

BIBLIOGRAPHIE

Sur la fausse reconnaissance.

SANCTI AUGUSTlNI. — De Trinitate, libri quindecim, Lib. XII. Cap. XV. § 24. — Pathologie de Migne, tome XLII. Col. 1012. Paris, 1815, in-8°.

1823. MAINE DE BIRAN. — Considérations sur les principes d’une division lies faits psychologiques et physiologiques à l’occasion du livre de M. Bernard intitulé « Doctrine des rapports du physique et du moral », Paris, 1823. Œuvres philosophiques de M. de D… publiées par V. Cousin, tome Ill, p. 259-260. Paris, 1841. in-8°.

1841. WIGAN. — The duality of the Mind. Ch.IX, p. 84-88. London, in-8°.

1845. FEUCHSTERSLEDEN. — Lehrbuch der actzlichen seehenkund p. 245. Wien, 1845, in-8°.

1859. H. NEUMANN. — Lehrbuch der Psychiatrie, §§ 199 et 200, p. 111 et 112. Cf. également § 85 et sq. Erlangen, 1859, in-8°.

1868. JENSEN. — Ueber Doppelwabrnehm ungen in der gesun len wie in der kranken Psycho (Bericht über die psychiatrischen Versammtongen zu Dresden im September 1868). Allgem. Zeitschr. f. Psychiatrie, T. 25. Supplemet Hef. T. I, p. 48. Berlin, 1868. in-8°.

1869. MAX HUPPERT. — Doppelwahrnehmungen und Doppel­ vorstellungen. Allgem Zeitschr. f. Psychiatrie, T. 26, p. 529-550. Berlin, 1868, in-8°. [p. 245]

1871. MAX HUPPERT. — Ueber das Vorkommen von Doppelvorstellungen, eine formale Elementarstörunz. Archiv. f. Psychiatrie, T. III, p. 66-100. 1er fasc. Berlin, 1872, in-8°.

1872. MAX HUPPERT. — Capillaire apoplexie den linken Insula Reilii. Arch. f. Psychiatrie, T. Ill, p. 330-337. Berlin, 1872, in-8°.

1872. W. SANDER. — Berliner medicinisch psychologische Gesellschaft. — Sitzung vom, 19 dec. l871. Archiv. f. Psychiatrie, T. III, p. 504-505. Berlin, 1872, in-8°.

1873. W. SANDER. — Ueber Erinnerungstäusehungen. Archiv. f. psychiatrie und Nervenkrankheiten, T. IV, p. 244-254. Berlin. 1874, in-8°.

1875. OSCAR EYSELEIN. — Ueber Erinnerungstäusohungen. Arch. f, Psychiatrie, T. V. p. 575-577. Berlin, 1875, in-8°.

1875. HORWICZ. — (Note sans titre). Rev. Philos. T. I, p. 230. Paris, 1876, in-8°. [voir à BOIRAC E.] [en ligne sur notre site]

1876. E. BOIRAC. — (Note sans titre). Rev. Philos. T. I, p. 2. Paris, 1876, in-8°. [en ligne sur notre site]

1876. ARNOLD PICK  — Zur Kasuistik der Erinnerungstäuschungen, Archiv. f. Psychiatrie. T. 6, p. 568-574. Berlin, 1876, in-8°.

1877. ANJEL. — Beitrag zum Capitel über Erinnerungstäuschungen. Archiv, f. psychiatrie. T. 8. p.57-64, 1er fasc. Berlin, 1878. in-8°.

1879. KRAFFT-EBING. — Lehrbuch der Psychiatrie. Band. 1. Cap. 5, II. 1 ; (e), p. 58. Berlin, 1879, in-8° (1re éd.). Même ouvrage, 3e éd. 1er Buch. Cap. 3, (e) p.77. Stüttgart, 1888, in-8°.

1881. TH. RIBOT. — Maladies de la mémoire. Chap. IV. Les exaltations de la mémoire ou hypermnésies, § Il. p. 149, 1re éd. Paris, 1881. in-8°. [p. 246]

1881. JAMES SULLY. — Illusion, A psycological study. London, 1881, in-8°.

Mai 1884. OSBORN. — Illusions of Mermory. North American review, T. 138. p. 476-786. Boston, 1884, in-8°.

1885. FOREL. — Das Gedæchlniss und Seine Abnortnitæten. Zurich, 1885, in-8°.

1885. FOUILLÉ (Alfred). — La mémoire et la reconnaissance de souvenirs, p.131-162. Revue des Deux Mondes LVe année, 3e période, T., 70, Paris 1885, in-8°.

1886-1887. KRAEPELIN. — Ueber Erinnerungsfâlschungen. Archiv, f. Psychiatrie. T. 17, p. 830-843 ; T. 18. p. 199-239 et p. 395-436. Berlin 1886 et Berlin 1887, in-8°.

Février 1888. BONATELLI (Francesco). — Il fenomeno della ricordenza illusoria, Rendlcourti della Reale accademia del Lincei, vol. IV, fasc. 4, p. 161. Roma, 1888. in-4°.

Juillet 1888. J. HUGLINGS JACKSON. — On a particular variety of épilepsy (« intellectual aurad »). One case with symtom l of organic brain disease, Brain. T. XI. p. 178-207. London, 1889, in-8°.

Avril 1889. — MAUDSLEY. — The double brain, Mind, T. XLV, n° 54, p. 160-187 (il n’est [pas] que question de la fausse reconnaissance dans cet article p. 187).

Mai 1889. W. H. BURNIIAM. — Memory historicallv et experimentally considered, IIIl. Paramnesia. The American journal of psycology. T. II, n° 3, p. 431-464. Baltimore, 1889.

1890. M, GUYAU. — La genèse de l’idée de temps. Chap. V. Les illusions du temps, normales et pathologiques, p. 81-120. Paris 1890 in-18.

1892. PAUL SOLLIER. — Les troubles de la mémoire chez les aliénés, p. 13 et 14. Paris 1892 in-18. [p. 247]

Novembre. 1893. A. LALANDE. — Sur les Paramnésies. Rev. philos. T. 36, p. 485-497. Paris 1893, in-8°. [en ligne sur notre site]

Décembre. 1893. B. BOURDON. —- La reconnaissance des phénomènes nouveaux. Rev. philos. T. 36, p. 629. Paris, 1893, in-8°. [en ligne sur notre site]

Janvier, 1894. DUGAS. — Observations sur la fausse mémoire. Rev. Philos. T. 37, p. 34. Paris 1891., in-8°. [en ligne sur notre site]

Février. 1894. J. LELORRAIN. — A propos de la paramnésie, Rev. philos. T. 37, p. 208. Paris 1894, in-8°.

Mars. 1894. P. LAPIE. — Note sur la paramnésie. Rev. philos. T. 37, p. 351. Paris 1894, in-8°. [en ligne sur notre site]

Juillet. 1894. DUGAS. — Observations et documents sur les paramnésie. . L’impression du toujours nouveau, et celle du déjà-vu. [en ligne sur notre site]

Juillet. 1894. J.-J. VANBIERVLIET. — La paramnésie ou fausse mémoire. Rev. philos. T. 38, p. 47-49. Paris 1894, in-8°. [en ligne sur notre site]

1894. T. VIGNOLI. — Sulla paramnesia ofalsa memoria. Preale instituto lombardo di scienze e lettere. Rendiconti, Milana 1894, in-8°

1894. J. SOURY. — La paramnésie d’après T. Vignoli. Rev. philos. T. 38, p. 50, Paris 1894, in-8°. [en ligne sur notre site

1896. ARNAUD. — Un cas d’illusion de « déjà-vu » ou « fausse mémoire ». Comm. à la sco, méd. psycho., 24 fév. 1896. Annales médic. psychol. LIVe année. Mai-juin 1896. 8e série. T. III. n° 3, p. 445. Paris 1896. in-8°.

Avril. 1897. HAVELOCK ELLlS. — A note on Hypnagogic paramnosia. M. ind (April 1891). New. series n° 22, p. 283. London 1897, in-8°.

1897. A. GUILLON. — Essai sur les hypermnésies, p. 96, Paris, 1898, in-8°. [p. 248]

II. — Phénomènes anormaux analogues à la fausse reconnaissance, l’accompagner dans certains cas.

1845. — J. MOREAU (de Tours). — Du Hachisch et de l’aliénation mentale. Paris, 1845, in-8°.

1873.  C. WOOD. — Thérapeutics, its principles and practice, p. 197 et sq. London, 1888, in-8°.

1873.  — KRISHABER. — De la névropathie cérébro-cardiaque, Paris, 1873, in-8°.

1876.  — H. TAINE. — Rev. Philos. T. 1. p. 289. Paris, 1876, in-8°.
Cet article a été adjoint à la 3c éd. de l’intelligence, T. II, note.

1878.  — H. TAINE. – De l’intelligence. T. II, p. 464-474,. Paris, 1878, in-16. 3e éd. et T. I, p. 400~404.

1892.  — JANET (Pierre). — Etat mental des hystériques : Les stigmates mentaux. Chap. III : Les aboulies. § 1. Description et classification, p. 141-143. Paris, (sans date) in-12.

1897.  — BERNARD-LEROY (Eugène). — Un cas singulier d’illusion de dédoublement. Rev. de l’hypnotisme 12e année, n° 5, p. 148-151. Paris. 1898. in-8°.

Mai 1898. DUGAS. — Un cas de dépersonnalisation. Rev. Philos. T. 45, n° 5, p. 501 -507. Paris, 1898, in-8°. [en ligne sur notre site]

Août 1898. BERNARD-LEROY (Eugène). — A propos de l’illusion dite « dépersonnalisation ». Rev. Philos. T. 45, n° 8, Paris 1898, in-8°.

III. — Sur la reconnaissance des souvenirs et sur la mémoire en général.

1866. A. GRATACAP. — Théorie de la mémoire. Montpellier 1866 in 8°. (Th. doctorat ès-Lettres de Paris). [p. 249]

1878. H. TAINE. — De l’intelligence, t. II. L. Ill, ch. 1. § VI, p. 193 Paris, 1870, in-8°

1885. F. RABIER. — Leçons de philosophie, t. I. Psychologie. 2. éd. Paris, 1886 in-8°.

1892. G. SAINT-PAUL. — (Dr Laupts). Essais sur le langage intérieur. Paris et Lyon. in-8°.

1895. BOURDON. — Observations comparatives sur la reconnaissance, la discrimination et l’association, Rev. Philos. T. 40, p. 153-185. Paris, 1895, in-8°.

1896. H. BERGSON. — Matière et mémoire. Chap. II. De la reconnaissance des images. p. 73, 243. Paris 1896. In-8°.

IV. — Un grand nombre de littérateurs ont fait, dans des œuvres d’imagination, des descriptions plus ou moins précises de la fausse reconnaissance. Voici l’indication de quelques passages de ce genre, en outre de ceux qui sont cités dans le cours du volume.

LOTI (P.). — Le roman d’un enfant, p. 1e et p. 29, Paris, in-18.

SPIELBAGEN. — Hammer und Ambos. T. II, p. 70.

TOLSTOï. — La guerre et la paix. T. II, 4e partie, chap. IX, p. 382-383. Moscou 1887, in-16. (Edition russe ; le passage n’a pas été traduit intégralement dans les traductions françaises).

ZSCROCKE Julius, oder die Bibliothek’ des Oheims. — Gesamt. Scbriften,1851. T. 14, p. 226.

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