Emile Ernault. Les noms du diable. II. En Breton. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 64-66.

Emile Ernault. Les noms du diable. II. En Breton. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 64-66.

Plusieurs articles sur les Noms du diable parus dans Mélusine :
— Eugène Rolland. Les noms du Diable. Partie I. Extrait de la revue « Mélusine. Recueil de Mythologie, littérature populaire, traditions et usages, publié par MM. H. Gaidoz et E. Rolland », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonnes  29 et 30. [en ligne sur notre site]
— Emile Arnault. Les noms du diable. II. En Breton. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 64-66. [en ligne sur notre site]
— Henri Gaidoz. Les noms du diable. III. En gallois (1). Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome VI, 1892-1893, colonne 79-81.
— H. G. [Henri Gaidoz]. Les noms du diable. IV. Le rapporteur. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome X, 1900-1901, colonne 19-20.
— H. G. [Henri Gaidoz]. Les noms du diable. V. A propos du « Le rapporteur ». Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome X, 1900-1901, colonne 67-68.
— Lazare Sainéan. Les noms du diable. VI. En roumanie. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome X, 1900-1901, colonne 256-258. [cet article est marqué par erreur IV dans la revue]
— H. G. [Henri Gaidoz]. Les noms du diable. VII. Dans les dialectes anglais. Extrait de la revue « Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions & usages », (Paris), tome X, 1900-1901, colonne 282.

Émile Jean Marie Arnault (1852-1938). Linguiste et écrivain qui s’est en particulier attaché à l’étude de tout ce qui concerne les bretons et la Bretagne.  Il a été l’élève de Henri Gaidoz et de Henri d’Artois de Jubainville, deux célèbres folkloristes, et conjugua donc ces deux spécialités. Quelques publications parmi une copieuse bibliographie :
— Glossaire moyen-breton, P., Bouillon, 1895-1896.
— Étude sur la langue Bretonne. Notes d’étymologie, Saint Brieuc, 1901.
— Mots et expressions celtiques dans le gallon des Hauts-Bretons dans Revue celtique, tome V, 1883.

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LES NOMS DU DIABLE

II

En breton.

Diaoul, dyoul, pluriel diaoulou, diaulou, breton moye ; du latin diabolus. Sur une forme diabl-, que je crois de sens différent, voir Revue celtique, Xl, 363.

Diaoul, diaul, giaoul, dièul, breton moderne ; pluriel -ou, -o, -aou, -èu, -ed, à Sarzeau diôliet, à Batz (Loire­ Inférieure) diaouli, en Tréguier diaoulienn Rev. Celt. I, 128, diaoulien IX, 162, 188, 352, Buez ar pévar mab Emon Morlaix, 1866 p. 210, diaulyen P. GRÉGOIRE DE ROSTRENEN, etc., forme suspectée à tort, Rev. Celt. V, 226.

An Diaul m’en argarz, (le Diable — je le déteste —) ; on ajoute cette sorte d’épithète pour atténuer l’effet de ce nom odieux. Le P. Grégoire donne aussi : An DiaulBenedicite pater, formule qui n’a pas dû être si populaire.

Diaoul bras,(grand diable) breton moyen, Sainte-Barbe 790 ; an Diaul bras bret. mode (P. Grég.).

An diaoul kôs (le vieux diable), à Trévérec (petit Tréguier).

An diaoul kam (le diable boiteux), ibid.

Ar pot kôs (le vieux, le bonhomme), ibid.

An tonton (l’oncle, le maître), ibid.

Ar c’honsort (le compagnon) ibid. ; provenu sans doute de l’expression du catéchisme, an diaoul ag i gonsortet, le diable et ses compagnons. Cf. Rev. celt. IX, 190, vers 460. Je crois que Kounsorted iffernal, dans le mystère breton Sainte Tryphine et le roi Arthur, publié par M. Luzel, Quimperlé 1863, p. 34, veut dire démons (littéralement compagnons) infernaux, plutôt que « mes frères de l’enfer ») (c’est une sorcière qui parle).

Azrouant (démon, proprement « ennemi »), moy. bret,

Aeraouant, érouant, bret. mod,

Aerouant ann ifern (le démon de l’enfer), TROUDE, le P. Grégoire donne comme ancien azroüand an ivern, « l’adversaire qui est en enfer. »

Tra infernal (être infernal), pluriel treo infernal, Tragedien sant Guillarm, Morlaix 1815, p. 90, cf. Sainte Tryphine 34 ; moyen breton infernalet démons, êtres infernaux.

Sathan, Satanas moy. bret, et bret. mod.

Lucifer, bret. moy. et modo ; Lusufer, Tréguier.

Lucibel, nom du démon avant sa chute, Rev. celt. IX, 162, 174, etc. Hanuet voan Lusibel , Luciffer on breman. « J’étais nommé Lucibel , je suis maintenant Lucifer », La resurection de Jesus-Christ en forme de tragedy, ms. de 1728, à M. L. Bureau, fo 3, vo. Vieux français Luciabel.

Guïlhou-goz (le vieux Guillaume), nom burlesque, GRÉG.

Paol-gornek (Paul le cornu), nom burlesque, TROUDE ; Pol, (Paul) et Pol-goz (le vieux Paul), Barzas-Breis p. 102 ; SAUVÉ, Proverbes 337, 339.

Grippy nom burlesque, GRÉG., haut-breton Grippi, cf. SÉBILLOT, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne, I, 178. Ce mot, peut se rattacher au-vieux français, gripe, grippe, griffe, croc, cf. les proverbes « on [colonne 65] conoist le diable à ses griffes » ; « paroles dangelot, ongles de diablot. » Le breton ur gribieres une sorcière, Gwersiou Breiz-Izel, II, 512, rappelle à la fois Grippy et les vieux mots français gripier « homme de peine qui sur les quais aide au chargement et au déchargement des bateaux » ; gripperie « avidité », Godefroy.

Qinard nom burlesque Grég. ; Kinard, J. MOAL, Supplément au dictionnaire de Troude, Landerneau 1890. Cf. v. franç. quin, singe ; quine, membre viril.

Herepin nom burlesque, Grég., TROUDE, cf. haut-breton Le Harpi, id., SÉBILLOT, Trad. et sup. I, 178. Cf.

  1. franç, herper accrocher, s’attacher.

Bich argot trécorois de La Roche-Derrien, QUELLJEN.

Kubik (veut dire aussi « père »), ibid.

Kornik (l’encorné),Kornik koz (le vieil encorné), ibid.

Ar c’hornecq (l’encorné), nom burlesque, GR,ÉG.

Al loezn du lostecq (la bête noire à queue), nom burlesque, GRÉG.

Droucq-spered (esprit malin) Grég. pluriel drouc speredou, bret. moy. ; drouk. sperejou, bret. mod., cf. Sperejou malin, LE BRIS, Refïexionou profitabl, (1719) Quimper p. 170 ; vannetais er Goal-Spérétt, Dictionnaire de l’A. (CILLART), pluriel goal speredeu, Timothe Vannes 1876, p. 64.

An drouc Eal (le mauvais ange), moy. bret.

Ar goal-æl (le mauvais ange) GRÉG., TROUDE; cf. plur, en ælèd fal, Timothé, 58.

An æl du (l’ange noir), nom burlesque, GRÉG., TROUDE.

An æl cornecq (l’ange cornu), nom burlesque, GRÉG., TROUDE.

Ar gruk (le scorpion), dans l’expression ke gant ar gruk ! que le diable t’emporte ! TROUDE.

Eguile (l’autre), dans l’expression injurieuse map -equile fils de l’autre, moy. bret.

Diantre ! interjection, se dit dans la belle humeur, J. MOAL •

Chantre ! morbleu ! chantre-stolikenn ! morbleu ! corbleu ! sabre de bois ! TROUDE, du français diantre.

laoul dans petiaoul que diable (a-t-il ?) = petra ann diaoul, J. MOAL ; pitiaoul ! Feiz ha Breiz 1880, p. 324.

Yol dans l’expression an tan yol certes ! = le feu du diable  » ? Cf. Mémoires de let Société de Linguistique, VII, 487.

Voal pour foeltr, juron qui équivaut à diaoul dans l’exclamation négative usitée en petit Tréguier voel gar = diaoul gar, qui elle-même provient, je crois, du vieux français Dieu gard ! Dieu m’en garde (voir Rev. celt. XIII, Etudes, bretonnes VIII, 21). Une substitution semblable a lieu dans jarni-diaoul ! sac à mille bombes ! de jarni­ goa ! MOAL (goa = Dieu ; on sait que jarni = je renie).

Viltanç (saleté) désigne en général « les malins esprits, les sorciers et leurs sortilèges » en bas Léon, selon D. LE PELLETIER ; viltans, viltansou diables, généralité des démons, MOAL. « En passant comme un sylphe, auprès des paysans, la nuit, il peut leur crier en breton des paroles magiques qui évoqueront dans les genêts le souvenir des Korrigans ou des Viltansoux », Petit Journal du 8 sept. 1891, p. 1, col. 1.

Uc’hel-cwezet « est un des noms que nos bonnes gens donnent au Diable, n’osant pas prononcer celui qui marque si bien ce malin esprit accusateur de ses frères… J’ai déjà parlé de la raison pour laquelle nos Bretons n’appellent pas par leur nom, mais par des épithètes moins dures, les créatures indignes ; c’est de [colonne 66] crainte, que s’entendant nommer par leur propre nom, elles ne viennent, croyant qu’on les appelle, et qu’elles ne fassent quelques malices » D. LE PELLETIER. L’auteur explique ce nom par « tombé de haut » ; il dit qu’on « nomme ainsi particulièrement les esprits folets ou aériens, surtout en Cornwaille, où l’on prononce Uc’hel-c’hwedet. » Ce dernier mot signifierait « vomi de haut ».

Elemant doit rendre l’idée de « démon, » Gwerziou Briez-lzel II, 514. M. Luzel dit, p. 515 : « Le mot Elément , chez nos paysans, signifie ordinairement quelque chose d’infernal, de diabolique. Ma chanteuse me disait que trois couleuvres enlacées constituent un Elément ; — de même, une vipère et un crapaud accouplés. » Mais ici il s’agit de trois animaux : un serpent, un crapaud et une vipère, que la chanson qualifie successivement de « trois éléments, » tri elemant, et de « trois mauvais esprits », tri drouk-speret ; ce n’est donc pas leur assemblage qui constitue un aélémant. » Du reste , en petit Tréguier eun élemant veut dire « homme brutal ».

Saltin « démon », mot familier, MOAL ; peut-être le mot n’a-t-il pas réellement ce sens, et ne s’emploie-t-il qu’en parlant de gens qui ont le diable au corps. Le même auteur donne eur saltin, un homme brutal et grossier. C’est le trécorois zaltin avare, regardant, Rev. celt. IV, 170, qui répond au breton moyen certen certain, sûr, qu’on prononçait aussi çarten comme l’indiquent les rimes intérieures (Mém. de la Soc. de Ling. VII, 97).

Le P. Grégoire cite comme suranné en breton drus, pluriel drused, « diable, démon ». Mais en ce qui concerne ces vieux mots, le savant capucin donnait trop facilement comme des faits ce qui n’était que la conséquence d’étymologies fantaisistes ; aussi, lorsqu’il n’y a pas d’autre garant, devons-nous nous réserver, et appliquer la sage maxime de l’Imitation (l. I, ch. IV) : Non est credendum omni verbe.

E. Ernault.

 

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