Edme-François Mallet et Aumont. Extase. Extrait de « l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers… par Diderot et D’Alembert », (Paris), Tome 6, 1751, pp. 324-32

Edme-François Mallet et Aumont. Extase. Extrait de « l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers… par Diderot et D’Alembert », (Paris), Tome 6, 1751, pp. 324-325.

 

Edme-François Mallet (1713-1755). Abbé, théologien et encyclopédiste français.

Arnulphe Aumont (1721-1800). Médecin français.

[p. 324]

EXTASE, s. f. (Théolog.) ravissement de l’esprit hors de son assiete naturelle, ou situation dans laquelle un homme est transporté hors de lui-même, de maniere que les fonctions de ses sens sont suspendus.

Le ravissement de S. Paul jusqu’au troisieme ciel, étoit ce que nous appellons extase. L’histoire ecclésiastique fait foi que plusieurs saints ont été ravis en extase pendant des journées entieres. C’est un état réel, trop bien attesté pour qu’on puisse douter de son existence.

Mais comme le mensonge & l’imposture s’efforcent de copier la vérité, & d’abuser de choses d’ailleurs innocentes, il est bon d’observer que les faux mystiques, les enthousiastes, les fanatiques ont supposé des extases, pour tâcher d’autoriser leurs rêveries ou leurs impiétés. Le faux prophete Mahomet persuada aux Arabes ignorans que les accès d’épilepsie auxquels il étoit sujet, étoient autant d’extases où il recevoit des révélations divines. (G)

Extase, s. m. (Medecine.) Ce terme, dérivé du grec, est employé sous différentes significations par les auteurs ; Hippocrate s’en sert en plusieurs endroits de ses ouvrages, pour marquer une aliénation d’esprit très-considérable, un délire complet, tel que celui des phrénétiques, des maniaques. Voyez les coaques, text. 486. lib. II. les prorethiques, XVI. 12. 13. 14.

Sennert, prax. medic. lib. I. part. II. cap. xxx. parle aussi de l’extase en différens sens ; il lui donne entr’autres, avec Scaliger, celui d’enthousiasme, quoique très-impropre. Voyez Enthousiasme.

L’usage a prévalu d’appeller extase une maladie soporeuse en apparence, mais mélancolique en effet, dans laquelle ceux qui en sont affectés, sont privés de tout sentiment & de tout mouvement, semblent morts, & paroissent quelquefois roides comme une statue, sans l’être, autant que dans le tetane & le catochus ; ils n’ont par conséquent pas la flexibilité des cataleptiques : ils en sont distingués d’ailleurs, en ce qu’ils avoient avant l’attaque, l’esprit fortement occupé de quelqu’objet, & qu’ils se le rappellent souvent après l’accès extatique. Ils ont cependant cela de commun, que s’ils sont debout, ils restent dans cette situation immobiles, & de même de toute autre attitude dans laquelle ils peuvent être surpris par l’attaque. Voyez Catalepsie.

Nicolas Tulpius, Henri de Hers & autres, rapportent des observations, par lesquelles ils assûrent avoir vû des filles & de jeunes hommes passionnément amoureux tomber dans l’extase, par le chagrin de ce qu’on leur refusoit l’objet de leur passion, & n’en revenir que parce qu’on leur crioit qu’on la satisferoit. La dévotion produit aussi quelquefois cet effet, comme il en conste par l’observation du Capucin, dont parle le même Henri de Hers. M. de Sauvage dit dans ses classes de maladies, avoir vû en 1728 à Montpellier, un homme qui ayant oüi dire qu’on devoit le faire prendre pour le traduire en prison, en fut si frappé de peur, qu’il en perdit le mouvement & le sentiment : on avoit beau crier, l’interroger, le pincer, il ne bougeoit ni ne disoit mot ; il tenoit les yeux à demi-ouverts, retenant toûjours la même attitude dans laquelle il avoit été saisi d’épouvante.

Les saignées, les émétiques, les clysteres acres, irritans ; les sternutatoires, les cauteres actuels ; tous ces remedes employés avec prudence, séparément ou conjointement, selon que le cas l’exige, peuvent remplir toutes les indications dans cette maladie. On doit avoir attention de ne faire d’abord usage que des moins violens, en passant par degrés aux plus actifs. (d)

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