Dugald Stewart. Application des principes précédens [De l’esprit] aux phénomènes des songes. Extrait de « Élemens de philosophie de l’esprit humain. Traduit de l’anglois par Pierre Prévost », 1808, tome second, pp. 80-111.

Dugald Stewart. Application des principes précédens [De l’esprit] aux phénomènes des songes. Extrait de « Élemens de philosophie de l’esprit humain. Traduit de l’anglois par Pierre Prévost », 1808, tome second, pp. 80-111.

Dugald Stewart (1753-1828). Philosophe écossais formé à Edinburgh, d’inspiration spiritualiste. Mathématicien, historien il fit partie de la Royal Society, de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, etc.
Quelques publications :
— Éléments de la philosophie de l’esprit humain (Elements of the Philosophy of the Human Mind) (1792-1827, 3 vol.), trad. P. Prévost, Genève, 1808
—  Philosophie des facultés actives et morales de l’homme (The Philosophy of the Active and Moral Powers of Man) (1828), trad. L. Simon, Paris, 1834

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article en français. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire des originaux, mais avons rectifié plusieurs fautes de composition.
 – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 80]

Application des principes précédens aux phénomènes du rêve.

Les phénomènes des songes donnent lieu à trois questions différentes. Premièrement : quel est l’état de l’âme dans le sommeil ? ou en d’autres termes , quelles sont les facultés qui alors continuent d’être en activité ; et quelles sont celles qui sont suspendues ? Secondement : jusqu’à quel point nos songe paroissent-ils être soumis à l’influence des sensations qui affectent notre corps ; et comment varient-ils en conséquence de l’état de santé ou de maladie où le corps se trouve ? Troisièmement : quel est le changement produit par le sommeil dans les parties du corps avec lesquelles les opérations de l’âme sont le plus immédiatement liées, et comment ce changement agit-il, pour établir une différence si remarquable, entre les, phénomènes que présente alors notre esprit et les phénomènes que nous savons avoir lieu pendant la veille ? De ces trois questions la première appartient à l’esprit [p. 81] humain ; et c’est à l’éclaircir que se borne presque exclusivement la recherche que nous allons entreprendre. La seconde question intéresse plus particulièrement le médecin, et n’est pas proprement de notre ressort. La troisième me semble liée à un sujet, placé au-delà des bornes de nos facultés.

Si en étudiant l’état de l’âme pendant le sommeil , nous pouvions parvenir à réduire tous les phénomènes des songes à un petit ‘nombre de principes, même à un seul, nous aurions fait faire un pas à la science de l’esprit humain : et cette généralisation seroit utile, lors même que nous ne pourrions pas aller au-delà ; lors même qu’il nous seroit impossible de dire comment le sommeil agit, ou comment les changemens qu’il opère dans le corps sont liés à ceux qui affectent en même tems notre esprit. Un tel pas satisferoit, au moins jusqu’à un certain point, ce penchant qui nous porte à remonter des faits de détails aux lois générales, penchant qui est le principe et le fondement de toutes les recherches philosophiques. Et dans ce cas particulier, je suis porté à croire que cette espèce de travail est la seule qui puisse [p. 82] nous conduire au but, et qui soit assortie aux bornes étroites de nos facultés.

Dans cette recherche, où il s’agit de reconnoîre l’état de l’âme pendant le sommeil, il semble raisonnable d’espérer que l’on pourra tirer quelque lumière d’un examen attentif des circonstances qui retardent le sommeil ou qui l’accélèrent. En effet, il est naturel de croire, que lorsque nous sommes enclins à dormir, l’état de notre esprit approche plus de celui qu’il revêt en dormant, que lorsqu’il est enclin à la veille et que nous nous sentons dans un état de vie et d’activité, capables en un mot d’appliquer nos diverses facultés aux objets qui sont propres à chacune d’elles.

On remarque en général que l’approche du sommeil est accélérée par toutes les circonstances, qui diminuent ou suspendent l’exercice de nos facultés mentales ; et qu’elle est retardée par tout ce qui a une tendance contraire. Lorsque nous cherchons le sommeil, nous tâchons d’écarter autant que nous le pouvons, toutes les occasions de déployer l’activité de notre esprit ; et pour cela nous nous efforçons de dégager notre attention de tout ce qui pourroit la fixer et l’intéresser [p. 83] fortement. Lorsqu’au contraire nous avons envie de nous tenir éveillés, nous fixons notre attention sur quelque sujet propre à donner de l’emploi à nos facultés intellectuelles, ou à exciter notre activité et à lui donner de l’exercice.

On sait très-bien, que certaines suites de sons disposent au sommeil. Le bourdonnement des abeilles, le murmure d’un ruisseau, la lecture d’un discours dépourvu d’intérêt, produisent souvent cet effet, ou ont du moins une tendance remarquable à le produire. Si l’on examine de plus près cette classe de sons, on verra qu’ils sont tous du nombre de ceux, qui distraient l’attention que l’esprit est porté à donner à ses propres pensées, et qui cependant n’ont point assez d’intérêt pour occuper cette attention qu’ils ont distraite.

On remarque aussi que les enfans et les hommes peu accoutumés à réfléchir s’endorment facilement. Occupés habituellement d’objets sensibles, dès qu’ils n’en sont plus affectés, leurs facultés intellectuelles tombent dans l’inactivité. Ils ont bien de la peine à résister au sommeil, lorsqu’ils restent désœuvrés et privés de leurs travaux ou [p. 84] de leurs délassemens ordinaires. On observe la même chose chez les sauvages. Leur tems, comme celui des animaux brutes, est presqu’entièrement partagé entre le sommeil et les actions relatives aux besoins du corps (1).

Ces faits semblent conduire à ce résultat, que dans le sommeil, il y a suspension des facultés qui dépendent de la volition. Car s’il est certain, que pour nous endormir, il faut que nous écartions, autant que nous le pouvons, l’exercice de nos différentes facultés ; il est difficile de croire, qu’à l’instant où le sommeil commence, ces facultés reprennent leur activité. Il est bien plus probable que, lorsque nous avons dessein de nous procurer le sommeil, nous mettons l’esprit et le corps, dans l’état le plus voisin de celui où ils doivent être pendant le sommeil. La seule différence, qu’il y ait entre ces deux états, est [p. 85] qu’avant Je sommeil, quoique nos facultés soient suspendues, nous avons encore le pouvoir de les mettre en jeu, s’il nous plaît ; au lieu qu’à l’instant où le sommeil s’est emparé de nous, notre volonté perd son influence et sur l’esprit et sur Je corps. Ce phénomène a lieu sans doute en conséquence de quelque changement physique dans le système organique ; mais il est probable que la nature de ce changement restera toujours inexpliquée.

Pour jeter sur cette conclusion quelque nouvelle clarté, il est à propos de remarquer, que si l’on admet comme un fait la suspension de nos facultés volontaires pendant le sommeil, il n’y a que deux suppositions à faire sur la cause de cette suspension. La première, c’est que la faculté même de vouloir est suspendue. La seconde, que la volonté perd son influence sur les facultés de l’esprit et sur les membres du corps, qui, pendant la veille, sont soumis à son empire. Si donc on fait voir que la première supposition n’est pas conforme aux faits, il paroît que la seconde doit être nécessairement admise.

  1. Les efforts que nous faisons dans le sommeil, [p. 86] et dont nous avons la conscience, font assez voir que la faculté de vouloir n’est pas suspendue pendant que nous sommes dans cet état. Ainsi dans un rêve, nous nous croyons en danger, et nous voulons appeler du secours. Ce désir, il est vrai, est d’ordinaire sans effet. Les sons de voix qu’il produit sont foibles et indistincts. Mais c’est ce qui confirme la supposition à laquelle nous nous sommes attachés de préférence ; ou plutôt c’est ce qui résulte immédiatement de cette supposition ; c’est une suite de l’interruption qu’éprouve la liaison, établie pendant la veille, entre la volonté et les facultés qui lui sont soumises. L’effort que nous faisons prouve que la volonté continue d’agir, quoique son action soit inefficace.

De même encore, dans le cours d’un rêve qui nous alarme, nous sentons que nous faisons effort pour nous dérober par la fuite au danger qui nous presse. Mais en dépit de nos efforts, nous restons couchés dans notre lit. Le plus souvent, dans, ces cas-là, nous rêvons que nous tentons d’échapper au péril, mais que quelque obstacle nous arrête. Le fait est qu’alors probablement le corps n’est pas soumis à l’action de la volonté. Pendant [p. 87]

le sommeil troublé, qui a lieu quelquefois, dans l’état de maladie, il semble que la volonté conserve quelque empire sur le corps. Mais alors même les mouvemens que le corps exécute résultent plutôt d’une agitation générale de tout le système, que d’une action régulière, imprimée à quelque membre particulier dans le but de produire un effet déterminé. D’où il est raisonnable de conclure que, dans un sommeil profond et paisible, l’esprit qui, comme on vient de le voir, conserve la faculté de vouloir, ne conserve point l’influence qu’il exerce pendant la veillé sur les organes du corps.

Dans cette disposition particulière du système, que l’on désigne par le nom de cauchemar (2), on a la conscience de l’impuissance où l’on est d’agir sur le corps. Il me semble même, que, selon l’opinion commune, c’est cette impuissance d’agir, qui distingue le cauchemar des autres modifications du sommeil. Mais il est plus naturel de supposer, que dans toute espèce de sommeil, il y a suspension de la faculté d’exécuter des mouvemens volontaires ; et que ce [p. 88] qui est propre a celle-ci, c’est que des sensations désagréables, produites par une attitude incommode, qu’il nous est impossible de changer, nous avertissent que nous sommes incapables de nous mouvoir, et nous donnent la conscience distincte de cette espèce de foiblesse. Ce qui est sûr au moins, c’est que, quelle que soit la nature de ce sommeil, l’instant même où nous en sortons est celui où nous recouvrons, la faculté d’agir sur nos organes.

  1. On est conduit aux mêmes résultats, en envisageant le sujet sous un autre point de vue. Il est probable, disions-nous tout-à-l’heure, que lorsque, nous cherchons à nous procurer le sommeil, notre esprit revêt naturellement un état voisin de celui dans lequel il se trouvera lorsque le sommeil sera pleinement établi. Or il est manifeste, que les moyens dictés par la nature pour amener le sommeil ne tendent pas à suspendre la faculté de vouloir, mais bien l’exercice des facultés qui dépendent de la volonté. S’il falloit qu’avant de nous endormir, la faculté de vouloir fût suspendue, il nous seroit impossible, par aucune espèce d’effort, de hâter le moment de ce profond repos. La [p. 89] supposition même d’un tel effort est absurde. Ce seroit dire que la volonté est dans une activité soutenue pour suspendre les actes de la volonté.

En admettant la théorie que je viens d’exposer sur l’état de l’âme pendant le sommeil, on voit que l’effet du sommeil sur les opérations de nos facultés mentales a la plus parfaite ressemblance avec celui qui se manifeste sur le corps. Ce que nous avons dit fait assez voir que, pendant le sommeil, le corps est peu ou point soumis à l’empire de la volonté. Mais les mouvemens involontaires et vitaux ne souffrent point d’interruption. Ils continuent, pendant le sommeil, comme pendant la veille, par l’action de quelque cause qui nous est inconnue. De même, il semble que les opérations de l’âme qui dépendent de la volonté demeurent suspendues ; tandis que quelques autres opérations continuent de s’exécuter, au moins occasionnellement. Cette analogie suggère naturellement la pensée, que toutes les opérations de l’esprit, qui sont indépendantes de la volonté, peuvent avoir cours pendant le sommeil ; et que les phénomènes des songes peuvent être produits par ces opérations [p. 90]  involontaires, diversifiées dans leurs effets apparens, en conséquence de la suspension de nos facultés volontaires.

Si les phénomènes qu’offre l’esprit dans le sommeil se trouvent expliqués par ce principe général, celui-ci aura en sa faveur l’espèce de preuve que comporte la nature du sujet.

J’ai fait voir ci-dessus que la suite des pensées, qui se succèdent dans notre, esprit, ne dépend pas immédiatement de la volonté, mais que cette suie est réglée par certaines lois générales d’association. On a vu en même tems que dans cette multitude de sujets, qui s’offrent d’eux-mêmes à notre contemplation, il dépend de nous de fixer celui sur lequel nous voulons nous arrêter ; et dont nous voulons faire l’objet particulier de notre attention. Par cet artifice, non-seulement il ne tient qu’à nous d’arrêter une suite, qui sans cela auroit passé rapidement ; mais encore nous pouvons souvent détourner le cours de nos pensées de sa pente naturelle et lui donner une direction nouvelle. Nous n’avons pas négligé de faire remarquer en outre la faculté dont nous sommes doués, et qui peut croître par l’exercice, de rappeler [p. 91] d’anciens souvenirs, par un effort de mémoire roumis à la volonté.

L’influence indirecte que ces moyens donnent à l’esprit sur la suite de ses pensées est si considérable, que, pendant tout le tems où nous sommes éveillés, si l’on excepte ces momens de rêverie où nous laissons à nos pensées un libre cours, l’ordre dans lequel ces pensées se succèdent est toujours plus ou moins réglé par la volonté. La volonté sans doute, lorsqu’elle s’occupe à diriger la suite de nos pensées, ne peut agir, comme on l’a fait voir, qu’en s’aidant des lois auxquelles l’association est soumise. Mais il n’en est pas moins vrai qu’elle a le pouvoir de modifier cette suite, et de la rendre fort différente de ce qu’elle auroit été, si les lois d’association eussent agi seules et sans sa participation.

En combinant ces principes avec le fait général que nous avons établi relativement à l’état de l’âme pendant le sommeil, on en inférera les deux conséquences suivantes : Premièrement ; que lorsque nous sommes livrés au sommeil, la succession de nos pensées, en tant qu’elle dépend des seules lois d’association, peut avoir, lieu par [p. 92] l’action des mêmes causes inconnues, qui la maintiennent pendant la veille. Secondement ; que l’ordre de nos pensées, dans la veille et dans le sommeil, doit être fort différent ; puisque dans le sommeil, cet ordre dépend des seules lois d’association, et que dans la veille, il dépend de ces lois, combinées avec les actes de nos facultés volontaires.

Afin de reconnoître jusqu’à quel point ces résultats s’accordent avec les faits, il faut les comparer avec les phénomènes connus des songes. Je vais en conséquence m’appliquer à établir les deux propositions suivantes : Premièrement ; que la succession de nos pensées, pendant le sommeil, est réglée par les mêmes lois générales d’association, auxquelles elle est soumise pendant la veille. Secondement ; que les circonstances qui distinguent les pensées qui nous occupent dans le sommeil, de celles qui nous occupent quand nous sommes éveillés, sont telles, qu’elles doivent nécessairement résulter de la suspension de l’influence de la volonté.

  1. Que la succession de nos pensées pendant le sommeil est réglée par les mêmes lois générales d’association, qui gouvernent [p. 93] notre esprit pendant la vieille ; c’est ce que prouvent les considérations suivantes.
  2. Nos songes nous sont souvent suggérés par les sensations qu’éprouve le corps. Or nous savons très-bien que, pendant la veille, il y a souvent des idées particulières, qui se trouvent fortement liées à de telles sensations. Un ami m’a conté, qu’à l’occasion de quelque légère indisposition, il mit à ses pieds en se couchant une bouteille pleine d’eau chaude ; et qu’en conséquence il rêva qu’il faisoit le voyage au sommet du mont Etna, et qu’il y trouvoit le sol sur lequel il marchoit, d’une chaleur insupportable. Un autre homme, s’étant fait appliquer un vésicatoire sur la tête, songea qu’une troupe de sauvages lui enlevoit la chevelure avec la peau du crâne. Je crois que tous ceux qui sont sujets à rêver en dormant, n’auront pas de peine à trouver, dans leurs propres rêves, des exemples de même nature.
  3. Nos songes se ressentent de l’influence du caractère et des dispositions particulières de l’esprit. Ils varient dans leur espèce, selon que nos habitudes nous portent à la tristesse ou à la gaîté. Cette règle n’est pas sans exception. Mais elle est assez générale, pour nous [p. 94] convaincre que la disposition de l’âme a quelqu’effet sur nos songes, comme elle en a sur les pensées de la veille. Dans ce dernier cas, il est vrai, tout comme dans le premier, l’effet peut être contrebalancé, ou modifié , par diverses circonstances.

Si l’on s’endort à la suite d’un danger éminent auquel on a eu peine à échapper, il arrive que le sommeil est troublé et qu’on est disposé à s’éveiller en sursaut. On rêve aors qu’on est en péril, ou de se noyer, ou de tomber dans un précipice. Un grand malheur, qui affecte l’âme profondément, a sur nos songes à peu près la même influence. Il nous suggère l’idée d’une multitude d’evénemens analogues à celui qui cause notre chagrin. Tels, selon Virgile, étoient les rêves de Didon abandonnée (3).

Quelquefois, dans l’horreur des songes de la nuit,
Elle croit voir Énée ; elle l’appelle, il fuit.
Il fuit ! et, seule, en proie à ses inquiétudes,
Elle croit traverser d’immenses solitudes,
Croit chercher ses sujets dans de lointains déserts. [p. 95]

  1. Nos songes sont affectés de l’influence des habitudes d’association, qui nous dominent pendant la veille.

Nous avons déterminé, dans un article précédent, l’étendue du pouvoir qu’exerce l’esprit sur la suite de ses pensées. J’ai fait remarquer que les différences que l’on observe entre les intelligences humaines, et que l’on attribue à leur génie naturel, peuvent se rapporter, au moins en grande partie, à la différence de leurs habitudes d’association. L’un est doué d’une imagination brillante, qui est toujours aux ordres de sa volonté. L’autre a une mémoire si prompte, qu’il peut, en un instant, rassembler tous les résultats que fournissent l’expérience et la réflexion sur le sujet qui l’occupe. Un troisième concentre, sans effort, son attention sur les questions les plus abstraites démêle en un clin d’œil le moyen d’arriver à la vérité ; écarte les idées étrangères, que suggèrent des associations casuelles, et qui tendroient à le distraire ou à égarer son jugement. Un quatrième réunit tontes ces facultés diverses, et jouit, par ce moyen du don d’apercevoir la vérité d’une manière rapide et presque intuitive ; ou peut-être de [p. 96] déployer toutes les ressources de l’éloquence, en faisant usage des trésors de l’imagination et de la mémoire, pour éclairer ou pour orner son sujet. Lorsque des hommes, doués de ces divers talens, les développent dans quelque occasion particulière, on peut dire en un certain sens qu’ils le font sans préparation et sans étude. Mais ces talens eux-mêmes attestent des habitudes studieuses et méditatives, aussi sûrement que la célérité dans le calcul, ou dans l’exécution musicale supposent des études analogues.

Il résulte de ce qui précède, qu’une suite de pensées, qui pourroit exiger chez l’un de l’étude et un effort pénible, peut chez l’autre être facile et presque spontanée. Et l’on ne sauroit douter, que les rêveries des hommes studieux, même lorsqu’ils laissent à dessein leurs pensées errer sans guide, ne se ressentent de l’influence des principes d’association, qu’ils mettent le plus en jeu et que fortifient par-là même leurs occupations habituelles.

L’influence de ces mêmes habitudes se manifeste dans le sommeil. Il y a peu de mathématiciens peut-être, qui n’aient rêvé quelquefois à la solution d’un problème [p. 97] intéressant, et qui n’aient cru, dans un tel songe, s’en occuper avec succès. Ceux qui aspirent à l’éloquence, font en rêvant des discours, et s’étonnent eux-mêmes de la facilité avec laquelle ils s’expriment. Le poète vole en songe aux champs élysées, et quitte cet humble séjour, pour planer dans les lieux qu’a créés et embellis l’imagination du Tasse ou de Virgile :

« Là Morphée envoya ses songes rians,
Là fit naître un monde d’une teinte plus gaie,
Sur lequel les rayons de l’Élisée répandoient une
clarté mêlée d’ombres,
Et par d’heureux accidens de lumière,
Sembloient exprimer le sourire de la Nature.
Jamais le pinceau du Titien n’a pu réussir
A revêtir un ciel pur de nuages aussi légers,
Jamais Il n’est parvenu à créer des formes aussi douces
Que- celles qui reposent ici sur des lits de fleurs.
Brillantes illusions ! fantômes séduisans ! Non,
Ma muse n’entreprendra pas de décrire ces lieux enchantés.
Elle manque de couleurs pour vous peindres,
Vos grâces échappent à ses crayons. » (4) [p. 98]

On peut encore remarquer, comme une preuve de l’influence qu’ont sur nos songes nos habitudes d’association, que les objets qui nous occupent le plus pendant le sommeil, sont les scènes de la jeunesse et de l’enfance. A cette époque de la vie, l’association des idées s’opère avec beaucoup plus de facilité que dans un âge plus avancé. Dans l’activité de la veille, le souvenir des événemens associés de si bonne heure dans notre pensée est écarté par les objets sensibles, ainsi que par les recherches et les travaux qui en dépendent. Mais ce souvenir n’en est pas moins présent ; il est plus durable que celui des faits observés plus tard, ou des acquisitions de l’âge mûr. Semblable à la connoissance que nous avons de notre [p. 99] langue maternelle, il est entrelacé et incorporé avec toutes nos habitudes, en particulier avec celles qui sont une partie essentielle de notre existence. En conséquence on observe que les vieillards, retirés du monde, oublient les événemens qui les ont frappés pendant leur Age mûr, et qui alors avoient pour eus le plus d’importance. Leur esprit revient, comme par une espèce de rêve, sur les plaisirs de leur enfance et sur les amis qui les ont partagés.

Je n’ajouterai qu’une seule observation à l’appui des précédentes. Dans nos songes, ainsi que pendant la veille, nous employons souvent les mots comme un instrument de la pensée. Toutefois ces sortes de rêves nous affectent moins vivement, que ceux dans lesquels l’imagination s’occupe d’objets sensibles. Nous avons eu occasion de remarquer que les études philosophiques, en accoutumant l’esprit à faire de cet instrument de la pensée un usage presque continuel, tendent à diminuer la force de l’imagination. On peut, si je ne me trompe, retrouver dans les rêves l’influence de cette cause. Dans la jeunesse, l’imagination y est plus dominante, et l’esprit en est plus vivement [p. 100] affecté, qu’à une époque de la vie où nos facultés s’appliquent à des recherches abstraites et à des méditations dont l’objet est très-général.

  1. De ces diverses observations, il résulte, que les mêmes lois d’association, qui règlent le cours de nos pensées pendant que nous sommes éveillés, continuent de le diriger pendant le sommeil. J’en viens à examiner, jusqu’à quel point les circonstances, qui distinguent nos songes des pensées de la veille, s’accordent avec celles que doit faire naître la suspension de l’influence de la volonté.
  2. Si l’influence de la volonté est suspendue pendant le sommeil, toutes nos opérations volontaires, telles que le rappel volontaire, le raisonnement, etc. doivent aussi être suspendues.

La preuve qu’il en est ainsi se trouve dans l’extravagance de nos songes et dans les contradictions qu’ils présentent. Souvent en songe nous confondons des tems et des lieux séparés par de grands intervalles. Dans le cours d’un même rêve, nous nous représentons la même personne, comme existant en différentes parties du monde. Quelquefois nous croyons avoir un entretien avec un ami [p. 101] mort. Nous oublions qu’il est mort, quoique, peut-être il y ait peu de jours, que nous l’avons perdu, et quoique sa perte nous ait vivement affecté. Tout cela prouve clairement que les sujets qui occupent alors nos pensées, sont ceux qui s’offrent d’eux-mêmes à notre esprit ; que nous n’avons pas le pouvoir d’employer notre raison à comparer entr’elles les différentes parties de nos rêves ; que nous ne pouvons même faire aucun acte de rappel volontaire, qui nous mette en état de juger si, dans de tels rêves, tout est d’accord ou possible.

Les procédés de raisonnement, dans lesquels il nous semble quelquefois que nous nous engageons pendant le sommeil, ne font point exception à cette observation générale ; car quoiqu’un tel procédé soit dans l’origine un acte volontaire, quoiqu’il exige entr’autres qu’en formant la conclusion, on rappelle volontairement les prémisses ; toutefois lorsqu’on a souvent envisagé quelques vérités comme liées entr’elles, cette suite peut se présenter de nouveau et passer dans l’esprit en vertu des lois communes d’association, sans qu’il y ait de notre part plus d’effort ou d’activité que dans la succession des pensées [p. 102] incohérentes, dont la liaison nous semble lâche et fortuite. Ce n’est point là une pure théorie. J’en appelle au souvenir de tout homme sujet à rêver et je demande s’il n’est pas vrai que les raisonnemens qu’il fait pendant le sommeil lui paroissent naître sans aucune action de la volonté ; s’il ne lui semble pas qu’il les compose avec une facilité qu’il n’a jamais éprouvée en veillant. C’est ce qu’observe Addison, dans une des feuilles du Spectateur. Son témoignage a ici d’autant plus de poids, qu’en le donnant il n’avoit en vue aucune théorie particulière. « Il n’y a, dit-il, aucune opération de l’esprit, qui soit plus pénible que l’invention. Cependant en songe, l’esprit travaille avec tant d’aisance et d’activité, que lorsqu’il invente nous ne nous apercevons pas même que la faculté d’inventer soit mise en jeu. Par exemple, il n’y a personne peut-être, qui, une fois ou une autre n’ait rêvé qu’il lisoit des papiers, des livres, ou des lettres. Dans ces cas-Ià, la faculté d’invention opère avec tant de promptitude que l’esprit en est deçu, et qu’il prend ses propres pensées pour des compositions d’autrui (5). [p. 103]

  1. Si, pendant le sommeil, l’influence de la volonté est suspendue, l’esprit doit être, aussi passif, tandis que ses pensées changent de cours pour passer d’un sujet à l’autre, qu’il l’est pendant la veille, lorsqu’il reçoit les impressions d’une suite d’objets sensibles. Il est peu nécessaire de multiplier les preuves, de cet état passif de l’âme dans les songes ; puisque c’est une circonstance qui a frappé de tout tems par sa singularité. Si dans les songes la volonté avoit sur nos pensées le même empire que dans la veille, n’y a-t-il pas lieu de croire, que, dans un des cas, comme dans l’autre, nous réussirions à bannir les idées qui nous troublent, et à retenir celes qui nous sont agréables ? Mais tant s’en faut que ce pouvoir s’exerce, qu’au contraire nous sommes souvent livrés, en dépit de nos efforts, à des songes qui nous affectent de la manière la plus pénible. C’est même une remarque commune, que nos songes sont toujours involontaires de notre part, et qu’ils s’offrent à nous comme étant l’effet d’une cause extérieure. Ce phénomène sembloit si inexplicable à Baxter, qu’il le conduisit à cette bizarre théorie, par laquelle il attribuoit les songes à l’influence immédiate de certains esprits sur notre âme. [p 104]
  2. Si, l’influence de la volonté est suspendue pendant Je sommeil, les conceptions ou images des objets sensibles, qui s’offriront alors à notre esprit, seront accompagnées de la persuasion de l’existence réelle des objets qu’elles rappellent, précisément comme la perception de ces objets, pendant la veille est accompagnée de la persuasion qu’ils existent.

En traitant de la conception mentale, nous avons indiqué l’origine de la persuasion que nous avons de l’existence séparée et indépendante des objets qui affectent nos sens. Elle est le résultat de l’expérience, qui nous apprend que l’impression, reçue ne dépend pas de notre volonté. Quand j’ouvre les yeux, je ne puis pas faire que je ne voie point les objets qui sont devant moi. Il en est autrement de nos conceptions, ou de nos simples souvenirs. Tant que ces images occupent seules notre esprit, elles sont toujours accompagnées de la persuasion que ces objets existent. Mais comme, pendant la veille, nous pouvons les écarter et les faire disparoître à notre gré, et comme la persuasion momentanée qu’elles produisent est continuellement détruite par l’impression des objets sensibles qui nous environnent, nous [p. 105] apprenons à ne voir dans ces conceptions ou images, que des fictions de notre propre création ; et, à l’exception de quelques cas accidentels, nous n’y donnons aucune attention dans la conduite de la vie. Si cette doctrine est juste, et s’il, est vrai que le sommeil suspende l’influence de la volonté sur la suite de nos pensées, nous en conclurons naturellement que la même persuasion qui, pendant la veille, accompagne nos perceptions ou les impressions des objets sensibles, doit, pendant le sommeil, accompagner les conceptions ou images qui s’offrent à nous dans nos songes. Il est inutile de m’arrêter à faire observer combien celle conclusion est d’accord avec les faits observés.

Ne pourroit-on pas considérer le fait suivant comme un argument en faveur de cette théorie ? Lorsque l’opium ne produit pas le sommeil, il produit au moins d’ordinaire un des effets du sommeil ; il suspend l’action de la volonté, et jette dans la rêverie. Dans cet état, il arrive souvent que nos conceptions ou images nous affectent à peu près comme pourroient faire les objets sensibles (6). [p. 106]

Il y a une autre circonstance, relative aux conceptions ou images qui s’offrent à nous pendant le sommeil, qu’il convient de faire remarquer. Comme les sujets qui occupent alors notre pensée, l’occupent d’une manière exclusive, comme l’attention n’est point détournée par les sens extérieurs ; on doit naturellement supposer, que ces conceptions ou images seront plus vives et plus fixes que durant la veille. Il n’est personne qui n’ait éprouvé qu’en fermant les yeux, on rend plus nettes et plus vives les images des objets absens ; et qu’en général la vivacité de ces images est d’autant plus grande, que nous réussissons mieux à suspendre l’exercice de tous nos sens. C’est en partie à cette cause, qu’il faut attribuer l’effet des ténèbres sur l’âme de quelques personnes qui se livrent à des craintes vaines, dont elles sentent elles­ mêmes le ridicule. Et c’est encore ce qui explique l’effet qu’a, pour les rassurer, l’impression de quelqu’objet sensible. De là aussi le remède que la nature nous indique, quand nous nous sentons subjugués par une imagination qui s’égare. Si tout se tait autour de nous, nous faisons nous-même quelque bruit, ou en élevant la voix, ou en frappant [p. 107] du pied ; c’est-à-dire que nous tâchons de distraire notre attention des objets imaginaires, en lui en présentant qui frappent les sens. La conclusion que je tire de tou ceci, c’est que, comme le sommeil est l’état où la faculté de percevoir par les sens est le plus complètement suspendue, il est tout naturel, que ce soit aussi l’état dans lequel ce que nous concevons et imaginons fait sur l’esprit l’impression la plus forte, et où les imagea qui l’occupent l’affectent le plus.

Ces principes peuvent aussi fournir l’explication la plus simple et, je crois, la plus satisfaisante d’un phénomène, que quelques écrivains ont représenté comme la plus mystérieuse de toutes les circonstances qui caractérisent les songes ; je veux parler de la manière inexacte dont en songe on a coutume d’estimer le tems. L’erreur va au point de donner à un court instant la durée de quelques heures, ou même de quelques jours. Un bruit soudain, par exemple, suggère un songe lié à cette perception. Le moment d’après ce bruit nous éveille, et pendant ce court intervalle notre imagination nous a présenté une longue suite d’événemems. Peu s’en faut qu’en ces cas-là on ne voie se vérifier [p. 108] l’anecdote rapportée par Addison, d’après les contes turcs, dans laquelle un docteur mahométan fait un miracle pour convaincre un sultan infidèle (7).

On explique assez généralement ces erreurs sur l’estimation du tems, en disant qu’en songe, la pensée est plus rapide que dans l’état de veille. Mais il n’est point nécessaire d’avoir recours à cette supposition. La rapidité de la pensée est telle, en tout tems , qu’en un clin d’œil notre esprit peut avoir une multitude d’idées qui, pour être exprimées, exigeroient un long discours ; et dans ce même tems on peut concevoir une suite d’actions , qui pour être faites demanderoient une suite de jours. Mais dans le sommeil, les conceptions de l’esprit sont prises pour des réalités. Il doit donc arriver naturellement que nous estimions le tems, non d’après ce que nous apprend l’expérience sur la rapidité de la pensée, mais sur ce qu’elle nous enseigne relativement à la lenteur avec laquelle les choses conçues s’exécutent. Il se passe quelque chose de semblable dans les perceptions du sens de [p. 109] la vue. Si je regarde une optique mal faite, je n’y vois que des morceaux de carton barbouillés qui ont quelques pouces de longueur. Mais si ce petit spectacle est bien exécuté, s’il me suggère l’idée d’une vue étendue ; aussitôt chaque objet acquiert de plus grandes dimensions et se proportionne exactement à la place qu’il occupe. Ce qui tout-à-l’heure me sembloit renfermé dans les étroites limites d’une petite caisse de bois s’aggrandit tout-à-coup dans ma pensée, et devient un vaste paysage orné de forêts, de montagnes et de rivières.

,Les phénomènes que nous avons expliqués ont lieu lorsque le sommeil paroit complet ; c’est-à-dire lorsque l’esprit perd son influence sur toutes les facultés dont l’exercice dépend de la volonté. Mais il y a bien des cas, dans lesquels le sommeil semble n’avoir lieu qu’en partie, c’est-à-dire où l’esprit perd son influence sur quelques facultés volontaires et la retient sur d’autres. Dans le cas du somnambulisme, l’esprit conserve son pouvoir sur quelques membres, mais il  n’a plus d’influence sur sa propre pensée, et n’en a presque sur le corps, que pour mouvoir les jambes et marcher. Dans la folie, le [p. 110] pouvoir de la volonté sur Je corps n’est point diminué; mais son influence pour régler la suite des pensées est en grande partie suspendue. Quelquefois c’est l’effet d’une idée particulière, qui occupe l’attention, à l’exclusion de tout autre, et qu’aucun effort ne peut écarter. Quelquefois cela vient de ce que nos pensées se succèdent avec tant de rapidité, qu’il nous est impossible de les tenir arrêtées. Dans ces deux genres de folie, il est digne de remarque que, comme les conceptions ou l’imaginations de l’esprit deviennent indépendantes de la volonté, elles sont prises par celui à qui elle s’offrent pout de véritables perceptions ou impression des objets sensibles, et l’affectent de la même manière.

Au moyen de la supposition d’un sommeil partiel, toutes les exceptions apparentes aux principes établis ci-dessus que peut fournir l’histoire des songes, deviennent aisément explicables.

En soumettant ces observations à un nouvel examen, il ne me semble pas que j’aie transgressé les règles de philosophie, qui, depuis Newton, sont envisagées généralement comme propres à nous guider dans nos recherches. En premier lieu, je n’ai [p. 111] supposé aucune cause, dont l’existence ne soit pas d’ailleurs reconnue. Secondement, j’ai fait voir, que les phénomènes dont je me suis occupé sont des conséquences nécessaires des causes auxquelles je les ai rapportées. Je n’ai pas supposé que l’esprit acquière, dans le sommeil, aucune faculté dont, pendant la veille, nous n’ayons pas la conscience. J’ai admis seulement un fait assez constaté, savoir, que dans cet état l’esprit conserve quelques-unes de ses facultés, tandis que l’exercice de quelques autres demeure suspendu. Et j’ai déduit ensuite synthétiquement les phénomènes des songes de l’opération d’une certaine classe de nos facultés, privée du concours d’une autre classe. En conséquence j’espère que cette, recherche peut non-seulement répandre quelque lumière sur l’état de l’âme pendant le sommeil, mais qu’elle n’est pas inutile pour indiquer l’espèce de liaison ou de dépendance mutuelle, de nos diverses facultés, dans l’état où nous en jouissons pleinement.

Notes

(1) « La manière d’être des esclaves nègres en Amérique semble tenir plus de la sensation, que de la réflexion. Il faut attribuer à cette cause le penchant au sommeil, qui les domine lorsqu’ils sont privés de leurs plaisirs et qu’ils ne sont pas forcés au travail. Un animal, dont le corps est en repos, et qui ne sait pas réfléchir, doit être disposé à dormir. » Remarques sur la Virginie, par M. Jefferson, p. 255.

(2) Incubus.

(3) Agit ipse furentem,
In somnis, frus Aeneas ; semperque relinqui
Sola sibi, semper longam incomitata videtur
Ire viam, et Tyrios deserta quœrere terra.

AEN. IV

(4) And hither Morpheus sent his kindest dreams
Raising a world of gayer tinct and grace,
O’er which were shadowy cast Elysian gleams,
That play’d, in waving lights, from place to place [p. 98]
And shed a roseats smile on Nature’s face.
Not Titian’spencil ever could array,
So fleece with cloug-ds the pure etherical space :
Ne could it e’sr such melting forms display,
As loose on flowery beds all languisshingly ly.
No, fair illusions ! artful phantoms, no !
My muse will not attempt your faurly land ;
She has no colours, that like your’s can glow ;
To catch your vivid scenes, too gross her hand !
Castle of Indolence.

(5) N°. 487.

(6) Voyez ce que dit le Baron de Tott des effets de l’opium sur ceux qui en font un usage habituel.

(7) (1) Spectateur, N°. 94.

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