Debongnie . Essai critique sur l’Histoire des Stigmatisations au Moyen âge. Extrait de la revue « Études carmélitaines – Douleur et stigmatisation », (Paris), 20 e année, Vol. II., octobre 1936, pp. 22-59.

Debongnie . Essai critique sur l’Histoire des Stigmatisations au Moyen âge. Extrait de la revue « Études carmélitaines – Douleur et stigmatisation », (Paris), 20 e année, Vol. II., octobre 1936, pp. 22-59.

 

Pierre Debongnie C. SS. RR. Nous n’avons trouvé aucune donnée biographique sur ce prêtre.

Autre publication :
Les confessions d’une possédée,
Jeanne Fery (1584-1585). Article parut dans les « Etudes carmélitaines », numéro spécial « Satan » », (Paris), 1948, pp. 386-419. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. Par commodité nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins – La vignette du titre est une photographie de Marthe Robin.. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 22]

ÉSSAI CRITIQUE SUR L’HISTOIRE DES
STIGMATISATIONS AU MOYEN ÂGE

Après plus de quarante ans, les deux volumes du Dr lMBERT-GOURBEYRE sur La stigmatisation, l’extase divine et les miracles de Lourdes, constituent encore la contribution la plus importante à l’histoire des stigmatisés (1). C’est le résultat de vingt-cinq ans et plus de recherches patientes et obstinées. Comme le fait finement remarquer le R. P. Gemelli, « tous les écrivains plus récents l’ont tranquillement pillé » (2).

lMBERT-GOURBEYRE, enchérissant sur tous ses prédécesseurs en ce genre de travaux, était parvenu à grouper dans son premier volume, trois cent vingt-et-un cas numérotés, plus que le double du total atteint par l’écrivain hollandais Riko, dont l’ouvrage avait paru trois ans auparavant (3). [p. 23]

Devant cette liste et devant ces faits étranges multipliés comme à plaisir, le lecteur se sent interdit. Que penser de tous ces cas, de tous ces personnages ? Quelle est la valeur de cet ouvrage, au point de vue médical, au point de vue critique ?

Au point de vue médical et psychiatrique, si nous en croyons le R. P. Gemelli, elle est assez maigre (4). Au point de vue critique, un autre maître nous dira sa pensée, dans une formule péremptoire. « Le Dr lMBERT-GOURBEYRE, écrit le R. P. Thurston, était un homme à qui, en matière historique, manquait totalement le sens critique (5) ».

Il va sans dire que nous n’avons à l’égard du parfait chrétien et du vaillant travailleur que fut le Dr lMBERT-GOURBEYRE aucune espèce d’animosité. Mais quiconque aborde le problème des stigmatisés dans l’histoire se heurte à son gros ouvrage. Avant toute chose, il s’impose d’en faire le tour, pour y pénétrer ensuite et en examiner les matériaux. L’ambition de l’auteur du présent essai n’est autre que d’apprécier la valeur historique de cet ouvrage, déterminer de façon générale le crédit qu’on peut lui accorder en matière historique, et refaire sur un certain nombre des cas cités par lui, et, le cas échéant, sur quelques autres ignorés de lui, une enquête critique.

Dans ce travail, une précieuse note du R. P. Thurston nous servira de fil d’Ariane. « Le Dr lMBERT-GOURBEYRE, écrit le savant Jésuite, énumère 321 cas de stigmatisation ; mais il est à noter 1° qu’il y a inclus un nombre considérable de stigmatisés qui, s’ils ont éprouvé les souffrances, n’ont pas montré les signes extérieurs des plaies, et 2° que les témoignages sont souvent insuffisants là où l’on nous parle des cinq plaies visibles (6) ».

Voilà notre tâche marquée, dessinée notre méthode. Nous écartons d’emblée, comme hors de question, tous les cas de « compatients », c’est-à-dire, d’âmes qui éprouvent de façon surnaturelle les souffrances de la Passion, sans en porter les marques visibles, et ceux-là mêmes qui ont porté les stigmates invisibles, pour nous borner aux cas de stigmates visibles et constatés par d’autres. Il ne s’agit pas ici seulement d’un déblaiement de terrain quelque peu arbitraire. On voit bien que d’autres méthodes s’imposent dans ces deux cas si différents. Les stigmates sont-ils prétendus visibles, la critique historique nous fournit pour le vérifier ses règles ordinaires, ses méthodes propres sont ici d’application. Les stigmates invisibles, au contraire, et les « compassions » [p. 24] surnaturelles, relèvent d’autres disciplines. Quand la critique a établi l’authenticité des témoignages que ces âmes privilégiées, —ou illusionnées, —se rendent à elles-mêmes, quand elle a, dans la mesure possible, rétabli le cadre concret de cette vie, le caractère, l’attitude et les actions du compatient, la qualité morale et l’atmosphère de son milieu, elle a terminé sa tâche propre. Aux théologiens, aux ascètes, aux mystiques, et d’abord aux psychologues, aux psychiatres, d’exercer sur les données fournies par l’historien leurs investigations et de prononcer leur jugement.

Le tri des stigmates extérieurs d’une part et des stigmates invisibles et des souffrances intérieures d’autre part, sera tôt fait. Il nous suffira de nous référer aux données traditionnelles fournies par IMBERT-GOURBEYRE. On peut tenir pour assuré que la tradition hagiographique n’a pas réduit le merveilleux visible dans la vie de ses héros. Son penchant la porte à embellir.

Nous retiendrons pour examen critique les seuls cas de stigmates visibles signalés par IMBERT-GOURBEYRE ou découverts ailleurs. Notre enquête, à ce coup, deviendra moins facile. Un premier principe est acquis déjà, par le jugement si ferme et si autorisé du R. P. Thurston : on ne peut se fier sans plus au témoignage d’IMBERT-GOURBEYRE. Il a rassemblé une quantité considérable de documents, mais il n’a pas su en peser la valeur. Étudier des faits merveilleux, c’est glisser sur la corde raide. Ou bien on risque de s’endurcir dans un scepticisme sommaire, ou l’on sombre dans une crédulité que rien n’alerte. Notre docteur de Clermont-Ferrand penche, c’est assez clair, de ce côté. Ses préoccupations apologétiques s’affirment d’ailleurs dès le titre de son grand ouvrage. Il tente de fournir des preuves expérimentales du surnaturel. Les récits merveilleux qu’il a lus en nombre ont exercé sur lui leur contagion.

Fils plus soumis que l’Église ne demande, il accorde aux bulles de canonisation, aux leçons du bréviaire et aux fêtes de la liturgie une valeur de preuve qu’elle-même ne leur reconnaît pas. « Rien de plus authentique, dit-il, que la vie des saints, appuyée sur des investigations à nulle autre pareilles et sur le témoignage suprême de l’Église. » Et plus loin : « Ces espèces de mentions honorables sont des reconnaissances positives de l’origine divine de tous ces faits extraordinaires (7). » Inutile de discuter ces critères devant les lecteurs des Études Carmélitaines. Ils se rappellent l’enseignement authentique de l’Église exposé ici avec assez de force, lors des controverses autour des faits de Beauraing, par le R. P. Al. Janssens. [p. 2] Qu’il suffise de remettre sous leurs yeux le texte capital de Pie X : « L’Église ne se porte pas garante… de la vérité du fait ; simplement elle n’empêche pas de croire des choses auxquelles les motifs de foi humaine ne font pas défaut (8). »

Au point de vue plus purement critique, c’est une imprudence grave de s’appuyer sur des légendiers d’ordres religieux, composés par des écrivains uniquement soucieux de la plus grande gloire de leur famille religieuse. Or, nous voyons cités sans méfiance aucune Thomas de Cantimpré, le Menologium cisterciensede Chrysostome Henriquez, les Sancti Belgii Ordinis praedicatorumde Choquet, L’année dominicainede Souèges, le bien nommé Legendario francescanode Mazzara, le Diario domenicano de Marchese, et d’autres recueils de même genre et de même valeur. En faut-il beaucoup plus pour discréditer l’ouvrage aux yeux des historiens ?

Certaines maladresses trahissent l’homme étranger au métier. Appeler par exemple Christine de Noyonune Christine de Nimègues (Noviomagis) à qui s’adresse Denys de Rickel, chartreux à Ruremonde, et la tenir pour stigmatisée en s’appuyant sur une allusion fugitive du même, c’est commettre une double bévue (9). Plus fort encore peut-être, citer parmi les stigmatisées une Madeleine Lorger de Hadamar, sans autre témoignage que celui des révélations faites à Catherine Emmerich ; c’est faire une preuve de ce qui n’est qu’une piste (10).

Le Dr IMBERT-GOURBEYRE avait eu l’occasion et la curiosité d’examiner par lui-même certaines stigmatisées contemporaines, comme Louise Lateau, Marie-Julie Jahenny, Palma Matarelli d’Oria (11). Dans ces deux derniers cas, il s’est laissé abuser. Sur Jahenny, il déclarait : « Il n’y a pas de fraude à La Fraudais. » C’était trop s’avancer, faute de contrôler les témoignages et de surveiller d’assez près les phénomènes. Le cas de Jahenny est fort suspect, au jugement du R. P. Thurston (12). Quant à celui de [p. 26] Palma d’Oria, Pie IX lui-même s’en est expliqué avec assez de force, il y voyait tromperie et œuvre du démon (13). Il ne suffit pas d’avoir recueilli des témoignages contemporains et immédiats —ce dont IMBERT-GOURBEYRE ne s’est pas toujours assez soucié dans ses recherches historiques, —il est nécessaire de les contrôler de près. Des témoignages émanant des amis, de l’entourage immédiat, des âmes dévouées qui font au stigmatisé une garde du corps fidèle et trop souvent aveugle, ne peuvent appuyer une conviction scientifique. Ces témoignages doivent être contrôlés et recoupés par des éléments et des observations venues de personnages étrangers au milieu, échappant à l’ambiance enthousiaste et fervente qui y règne ; faute de ces recoupements, aucune certitude ordinairement n’est possible (14).

Quelle est, en définitive, notre dessein ? Le lecteur ne pense pas à une révision des 321 cas alignés dans l’ouvrage d’IMBERT-GOURBEYRE. Des volumes n’y suffiraient pas. Plus modestement, proposons-nous ici de vérifier les listes qu’il nous donne pour les XIIIe, XIVe et XVe siècles, selon les facilités de la documentation et du contrôle critique. On se borne ici au point de vue historique, content si on a pu présenter aux spécialistes de la psychiâtrie ou de la mystique quelques matériaux éprouvés.

*
*    *

L’enquête du Dr IMBERT-GOURBEYRE se borne à l’Église catholique. La question n’a sans doute pas effleuré son esprit de savoir s’il s’est produit des phénomènes comparables aux stigmatisations, en dehors de l’Église catholique romaine, ou de l’Église latine. Elle se pose cependant, et voici les réponses que nous avons reçues de deux spécialistes particulièrement qualifiés.

Y-eut-il des stigmatisés dans l’Église orthodoxe ? « Ce que je puis vous dire, écrit Mme M. Lot-Borodine, c’est ceci : non seulement l’Église orthodoxe d’Orient ne connaît pas de stigmatisés parmi ses saints, —elle n’accepte pas le principe même de ce phénomène surnaturel : il lui paraît être une déviation de la ligne directe de sa théologie mystique. J’en ai touché un mot [p. 27] dans mon premier article sur la « Déification dans l’Église grecque »… Le climat spirituel n’est pas le même ici qu’en Occident, l’adoration de la sainte Humanité de Jésus… restant inconnue à l’orthodoxie grecque qui n’adore jamais que l’hypostase une. En général, la douleur y est transfigurée, non méritoire comme telle, malgré l’ascèse très sévère —tradition des Pères du désert. Cela, d’accord avec la croyance dogmatique en la « pneumatisation » de la chair —d’où les charismes physiques de lévitation, luminosité et même l’incorruptibilité, relative au moins, des corps des justes, scripturairement fondée. D’où le culte des reliques (15) ».

Peut-on concevoir quelque phénomène parallèle chez les musulmans ? « Si vous définissez la stigmatisation, répond M. Émile Dermenghem, une conformation au Christ crucifié, elle ne peut guère avoir de raison en Islam, ni par rapport au Christ en qui l’on voit l’envoyé et Ia « Parole de Dieu », mais non pas le Sauveur par son sacrifice, —ni par rapport au prophète Mohammed, qui transmet seulement la parole révélée. Il y a bien par rapport au Prophète une conformation en un sens, mais purement juridique et pratique, une imitation plus exactement. C’est-à-dire que la conduite du Prophète et de ses compagnons, la suma, est une des règles de la conduite des musulmans. Il est bon de faire ce qu’ils ont fait, mauvais de faire ce qu’ils ont évité, permis de faire ce qu’ils ont toléré. Des dévots pourront donc s’efforcer de s’habiller, de se coiffer, de se laver, de manger, de prier, de jeûner, de se parfumer, de boire, etc., comme Mohammed. J’ai vu un dévot à Fez qui s’était teint la barbe au henné parce qu’il avait trouvé un hadith attribuant cet usage au Prophète ? Je crois aussi avoir lu l’histoire d’un saint qui s’était cassé volontairement une dent pour ressembler sur ce point au Prophète qui eut une dent cassée à la bataille d’Ohod… Tout cela est assez loin de la stigmatisation proprement dite (16). »

Il y a surtout, ajouterons-nous, cette différence que la stigmatisation est de sa nature, phénomène mystique, d’ordre passif. C’est pourquoi nous excluons de notre étude les cas de stigmatisation procurée. Il nous suffira, s’il s’en présente, de dénoncer la fraude. [p. 28]

TREIZIÈME SIÈCLE

IMBERT-GOURBEYRE y compte trente-deux stigmatisées (17). Mais si on examine sa liste, on a tôt fait d’en éliminer la plupart. De ces trente-deux cas, il y en a seize que nous écartons pour la raison qu’il ne s’y agit pas de stigmatisés au plein sens du terme (18). D’autres se présentent avec des titres historiques trop faibles pour retenir notre attention, comme ces trois stigmatisés qui n’ont d’autre garant que le trop crédule Thomas de Cantimpré (19) ou celle dont parle Pierre de Dace (20), ou Marguerite de Hongrie qu’IMBERT-GOURBEYRE lui-même rejette (21), d’autres encore (22)•

Pour une raison diamétralement opposée, saint François d’Assise ne prendra pas rang dans notre enquête. Le centenaire de ses stigmates a rappelé encore plus vivement, il y a quelque dix ans, l’attention des historiens et des publicistes sur le premier et le plus célèbre des stigmatisés (23). Ce n’est pas ici le lieu de refaire ces travaux : qu’il suffise d’y renvoyer (24).

Après un rapide examen de cas sur lesquels nos renseignements sont assez maigres, ceux d’Élisabeth de Spalbeek ou d’Herken¬rode et de la bienheureuse Ida de Louvain nous retiendront davantage. Au XIIIe siècle encore se rattachent Christine de Stommeln et Lukarde d’Oberweimar. IMBERT-GOURBEYRE renvoie la première au XIVe siècle, quoique ses stigmates s’arrêtent, semble-t-il, vers 1288, parce qu’elle est morte en 1312 ; il ne connaissait pas la seconde, décédée en 1309. Remettons-la de même.

Le Bienheureux DODON D’HASKE est revendiqué par les prémontrés à meilleur titre, semble-t-il, que par les dominicains. Les Bollandistes ont publié sa Vie, sans parvenir à donner à ce document [p. 29] une date ni rien qui en établisse la valeur. De plus, les stigmates qu’on lui attribue n’apparaissent qu’à sa mort et dans des circonstances plutôt étranges. Il fut écrasé, dit-on, sous l’écroulement de son ermitage. Quand on vint le relever, on lui trouva aux mains et aux pieds des blessures qui rappelaient celles du Christ en croix. Étaient-elles différentes de celles que lui avait causé sur tout le corps la chute des pierres de son abri (25) ?

MARGUERITE COLONNA appartenait à la grande famille romaine qui joua un si grand rôle dans l’histoire de la papauté. Ses attraits la menèrent ailleurs que sur la scène tumultueuse des élections et des compétitions pontificales. Elle se retira du monde, coupa sa chevelure et se consacra au service de Dieu dans la pratique de toutes les vertus. Wadding, sans citer ses sources, raconte qu’elle eut une vision du Crucifié à qui elle put palper les mains ouvertes. Une telle douleur la saisit au cœur qu’elle put croire qu’un des clous l’avait percée. Trois jours durant, elle ne put remuer le corps ni se tourner dans un sens ou dans l’autre, comme si une flèche l’avait fixée au sol. Il lui survint aussi et subitement au côté droit un abcès qui ouvrit la peau et la chair, en faisant couler abondamment de la sanie et du sang… Elle passa sept années dans cette souffrance et mourut en 1284 (26).

Sur les deux stigmatisées du couvent dominicain d’ Adelhausen nous sommes renseignés sobrement par Anna de Munzingen, prieure qui fit la chronique du monastère (27).

GRUNBURG DE KASTELBERG était fort dévote à la Passion. Elle s’appliquait à « la méditer avec tant de ferveur de cœur qu’elle fut honorée des cinq plaies avec de grandes souffrances aux mains et aux pieds. »

LUGGI LÖRSCHERIN, du même couvent, éprouvait si vivement les douleurs du Crucifié, « que son cœur devint une plaie fraîche d’où coulait le sang. Elle porta aussi fort longtemps les stigmates, et quand elle se préoccupait de quelque chose passagère, une peau se formait sur les plaies ; se dégageait-elle de tels soucis, ses plaies redevenaient fraîches. »

Les pieux récits de la prieure ont un charme touchant, leur poésie naïve nous émeut. Les critiques et les médecins n’y trouveront peut-être pas de quoi établir une étude scientifique. [p. 30]

Nous arrivons à deux cas mieux fournis à notre point de vue, ceux d’Élisabeth de Spalbeek et d’Ida de Louvain.

ÉLISABETH DE SPALBEEK. Si l’on excepte saint François d’Assise, voici le seul cas du XIIIe siècle sur lequel nous sommes largement et sûrement documentés. La notice qu’IMBERT-GOURBEYRE lui consacre est insuffisante et inexacte. Il lui a manqué d’avoir pris connaissance de la Vie d’Élisabeth écrite par Philippe, abbé de Clairvaux, et publiée quelques années avant son grand ouvrage, en 1885 (28). Il aurait ainsi évité plusieurs erreurs. Élisabeth n’était pas une cistercienne, tout au moins elle ne l’était pas quand Philippe de Clairvaux rédigeait sa notice, vers 1270.

Élisabeth de Spalbeek, dite aussi d’Herkenrode, était ainsi nommée du lieu de sa naissance et de son domicile, à quelques kilomètres de Curange ou Herkenrode, au diocèse de Liège, dans le Limbourg belge actuel. Ce monastère d’Herkenrode était « fille » de Clairvaux. C’est ainsi qu’en y faisant sa visite régulière, vers 1270, Philippe fut mis au courant des merveilles qu’on racontait sur la stigmatisée. Son premier mouvement fut de n’en rien croire, malgré tout ce que lui en rapportaient des témoins, jusqu’à ce qu’il eût vu. Il vit, examina de près toutes choses avec ses compagnons de visite, et fut convaincu. Peu après, il rédigeait ses souvenirs, sans prétendre écrire une vie complète de la stigmatisée, qui vivait encore. On voit l’autorité de ce témoignage, qui émane d’un étranger au cercle qui entoure la stigmatisée, d’un homme habitué, par ses fonctions de visiteur de couvents d’hommes et de femmes, à étudier les consciences, compétent d’ailleurs en matière spirituelle, et peu porté, on le constate, à admettre facilement le merveilleux (29).

Voici en bref son témoignage. Cette vierge d’une pureté admirable résidait, non dans un monastère, mais dans sa maison paternelle. Philippe signale près d’elle sa mère et ses sœurs. Mais elle était en relations suivies et intimes avec les cisterciennes d’Herkenrode, ses voisines. L’évêque de Liège avait confié la stigmatisée aux soins de Guillaume Ier, abbé de Saint-Trond, à qui la [p. 31] rattachaient des liens de parenté. L’abbé lui avait aménagé une chambre et, contiguë à cette chambre, une chapelle munie de tout ce qu’il fallait pour y célébrer la messe. De son lit, par une petite fenêtre ou un guichet, la patiente pouvait apercevoir l’autel.

Philippe de Clairvaux fut encouragé par l’abbé de Saint-Trond à la visiter et à examiner à l’aise les stigmates et extases, et il n’y manqua point, il prit tout son temps. Chose remarquable, il semble bien avoir accordé plus de prix —en tout cas, il consacre plus de pages —aux extases, d’ailleurs fort dramatiques d’Élisabeth, qu’à ses stigmates.

Il les décrit cependant avec soin : « Il faut savoir, dit-il, que la jeune fille susdite porte dans son corps, de la manière la plus manifeste, les stigmates de Notre-Seigneur Jésus-Christ. En effet, à ses mains et ses pieds et aussi à son côté, sans qu’on puisse soupçonner aucune espèce de simulation ou de fraude, apparaissent clairement des plaies fraîches qui souvent, et surtout les vendredis, émettent un flot de sang. Aux membres, les plaies sont de forme ronde, celle du côté est oblongue : celles-là représentent les empreintes des clous, celle-ci l’empreinte de la lance (30). » Le témoin passe ensuite à la description minutieuse des extases que chaque jour, aux heures canoniales, éprouve la stigmatisée et pendant lesquelles elle mime et reproduit tour à tour les circonstances de la Passion, depuis l’arrestation jusqu’à la sépulture. Ces scènes, toujours fort décentes et pieuses, les douleurs poignantes de l’extatique l’ont profondément ému, c’est visible et il ne s’en cache pas. Elles portent pour lui un caractère de sincérité et de vérité qui l’établissent dans une conviction (31).

Pour nous, certains détails nous chiffonnent. Elle se frappe violemment la poitrine jusqu’à cent fois de suite. Il se manifeste dans ces reproductions mimées des scènes de la Passion une telle [p. 32] virtuosité d’équilibriste que nous en sommes quelque peu déconcertés. Gardant les pieds rivés l’un sur l’autre, comme ceux du Christ percés d’un seul clou, et y ressentant les souffrances de la crucifixion, elle arrive, « d’une manière que je peux m’expliquer », dit le bon abbé, « se roulant sur la poitrine et le dos, à changer de place ». Puis, toujours appuyée sur ses pieds ainsi fixés, elle mime la descente de croix, en s’inclinant de côté et se laissant aller à terre (32). Que penser ? Nous ne sommes pas là pour nous édifier comme les spectateurs de la scène, au spectacle de cette décence merveilleuse qu’elle gardait parmi des gestes si étranges. Le plus sage sera, sans doute, de nous conformer au sentiment de ce témoin d’abord prévenu, puis convaincu.

Ne nous attardons pas à le suivre dans cette longue description, et contentons-nous de quelques autres détails qui se rapportent de plus près à notre sujet. Philippe et ses compagnons, aux matines nocturnes et à d’autres heures, ont pu constater des écoulements de sang : « il sortait par les yeux et bouillonnait aux mains et aux pieds. Certain vendredi, à none, par une ouverture de sa robe, faite à la hauteur des seins, ils purent voir couler un sang, non pas tout à fait rouge, mais comme mêlé d’eau. Et le vêtement de laine qui adhérait à la chair leur apparut aussi taché de sang. Et non seulement, continue-t-il, le vêtement extérieur qui couvre la chair de la vierge, mais ils ont vu aussi le vêtement intérieur, cette chair même, aspergé et teint de sang aux mains, aux pieds et au côté. Nous avons vu aussi ses joues fortement tachées du sang qui coulait des yeux. Quelquefois même, sous nos regards, le sang s’est mis à couler de l’extrémité des doigts entre les ongles et la chair : ce qui a pu se produire dans la personne du Sauveur par suite de l’angoisse et du resserrement excessif des bras et des mains (33) ».

Philippe note encore le jeûne presque total de la vierge. On lui présente une fois par jour un peu de lait dans une cuiller; elle en prend avec une répugnance visible, et si peu, ajoute-t-il, [p. 33] qu’une colombe en prendrait davantage en une seule gorgée (34).

L’abbé de Saint-Trond racontait que le Vendredi-saint de l’an 1266, Élisabeth éprouva les douleurs de la couronne d’épines. « C’était dans l’intervalle entre deux heures canoniales, au moment où d’ordinaire ses douleurs font trêve ; elle fut prise de douleurs de tête, au point de ne pouvoir la tenir longtemps immobile sur son oreiller; elle la roulait de droite et de gauche à plusieurs reprises. Ce que remarquant sa mère et ses sœurs, elles firent de la lumière, et considérant de plus près et avec plus d’attention la tête de la vierge, elles virent et montrèrent aux assistants tout autour de la tête virginale comme une couronne de piqûres d’épines, rouges de gouttes de sang, et reproduisant l’image de la couronne du Seigneur (35). »

Ces événements sont datés par le passage qu’on vient de lire. Ils duraient encore, semble-t-il, vers l’époque du deuxième Concile de Lyon (1274) et c’est peut-être bien à notre extatique limbourgeoise que faisait allusion un mémoire composé en vue de ce concile (36) A l’époque où Philippe de Clairvaux rédigeait sa notice, Élisabeth vivait encore dans la maison où il l’avait vue. Rien ne prouve qu’elle soit entrée ensuite dans les rangs des cisterciennes, et c’est par erreur, pour avoir lu précipitamment Philippe de Clairvaux, et aussi dans le désir d’attribuer à leur ordre une si belle gloire —la première stigmatisée, saint François étant un homme, —que les hagiographes de Cîteaux l’y ont placée. Si la conjecture de Stroick est exacte, elle serait morte après 1274 (37). [p. 34]

IDA DE LOUVAIN termine le XIIIe siècle dans la liste du Dr IMBERT-GOURBEYRE, pour la raison qu’on ne connaît pas la date exacte de sa mort (38). Les Bollandistes lui avaient consacré une notice étendue, et c’est là qu’IMBERT-GOURBEYRE est allé puiser les éléments de la sienne (39). Papebroch était assez fier de son œuvre et des documents qu’il avait exhumés, et qu’il jugeait dignes de tout respect (40). Ida, si l’on en croit son biographe, semait les miracles avec générosité; elle fut stigmatisée de bonne heure, et l’ « annaliste de l’ordre de Cîteaux affirme que le fait eut lieu du vivant de saint François et peu de temps après lui » (41). Nous savons déjà la valeur d’Henriquez et de son Ménologe, inutile de nous y arrêter. Quant à la vie publiée par les Bollandistes, elle mérite une critique rapide. C’est la Vita ex mss schedis Hugonis confessarii ab auctore anonymo compilata, dont nous ignorons et l’auteur et aussi la date, mais qui est en tout cas fort postérieure à la mort de la vierge louvaniste. L’auteur, il est vrai, se réclame des manuscrits qu’il a découverts et qu’il attribue au confesseur de la stigmatisée. C’est le cas de se rappeler le conseil du R. P. Delehaye : « Surtout se défier de nos auteurs lorsqu’ils prétendent avoir trouvé des tablettes (42) ». D’autant plus qu’il ne peut nous dire l’année ni le jour où mourut Ida, et qu’il n’a sur l’emplacement de son tombeau que des renseignements fort incertains. Dans une bonne étude publiée dernièrement et qui l’amène à examiner Ida de Louvain, A. Stroick constate la fragilité de ce récit (43). Écartons-le sans plus ample examen.

Les cas de faux stigmatisés relatés par l’histoire ne nous retiendront pas davantage. Il suffira de signaler en passant le stigmatisé condamné au Concile d’Oxford de 1222, et Robert, dauphin d’ Auvergne, marquis de Montferrand, mort très âgé en 1234, ce qui ferait croire que ses stigmates remontent à une date antérieure à ceux de saint François d’Assise (44).

[p. 35]

QUATORZIÈME SIÈCLE

« Le XIVe siècle n’a donné que vingt-deux stigmatisés, sur lesquels trois hommes seulement; mais il y a trois saintes insignes, Gertrude, Claire de Montefalco et Catherine de Sienne. » Ainsi IMBERT-GOURBEYRE (45).

De ces trois grandes saintes, pour nous tenir à notre point de vue, il faut écarter d’emblée Gertrude, de qui la blessure au cœur fut purement spirituelle, et Catherine de Sienne, aux stigmates invisibles (46). D’autres les rejoignent hors du champ de nos recherches et pour la même raison (47). Dorothée de Prusse présente un cas plus singulier. Elle portait des plaies hors des lieux d’élection, les unes étaient d’ordre simplement naturel, d’autres, prétend son biographe, avaient une origine divine (48). Impossible et vaine serait la tâche de discerner aujourd’hui les unes des autres.

D’autres encore sont écartés, faute d’attestations acceptables en bonne critique, et parmi eux, saint Roch (49).

Les cas retenus pour examen présentent un grand intérêt. Sainte Claire de Montefalco n’est pas précisément une stigmatisée ; mais son cœur ouvert après sa mort apparut orné de figurines et d’empreintes représentant la croix et les autres instruments de la Passion. Marguerite de Citta di Castello (n° 39) avait dans le cœur trois pierres mystérieuses. Sur Christine de Stommeln (n° 38) les Bollandistes nous offrent un opulent dossier. Marguerite Ebner (n° 45), Gertrude d’Oosten (n° 47) et Philippe d’ Aiguière [p. 36] (n° 49) présentent un vif intérêt. Nous devrons compléter la liste d’IMBERT-GOURBEYRE en y ajoutant Lukarde d’Oberweimar.

CLAIRE DE MONTEFALCO. —Les Bollandistes se sont réduits à publier sur elle une vie composée trois siècles après sa mort par Mosconius (50). Il existait un récit contemporain, œuvre du vicaire général de Spolète, Bérenger de Saint-Affrique, signalé par Wadding (51). Ce document de première valeur n’a été édité qu’en 1885 (52). C’est là que nous irons nous renseigner sur les mystérieuses reliques trouvées dans le corps de la sainte.

Née à Montefalco en 1275, Claire avait été mise, toute petite encore, au couvent que dirigeait sa sœur. Des siècles durant, franciscains et ermites augustins se sont disputé l’honneur de rattacher à leur obédience la sainte et son couvent. Il semble que ce monastère, du vivant de la sainte, se rangea dans la grande famille des augustins (53). A la mort de sa sœur, Claire en devint prieure et le resta jusqu’à sa mort. On nous dit qu’elle fut très dévote à la Passion, qu’elle « obtint d’assister visiblement à toutes les scènes du drame rédempteur et de participer aux souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (54). Quand elle mourut, en 1308, ses religieuses décidèrent d’embaumer son corps et l’une d’elles se chargea de l’ouvrir. Le cœur apparut de dimensions exceptionnelles, et l’on devina dans la vésicule biliaire desséchée, des corps durs. Le lendemain, quand la même religieuse, sœur Françoise-Ermane de Foligno, ouvrit le cœur, elle et ses compagnes y [p. 37] découvrirent un crucifix formé de chair et de nerfs, un fouet de la flagellation, la colonne, la lance, le roseau portant l’éponge, la couronne d’épines, les clous, bref, tous les instruments de la Passion formés de chair et de nerfs. On conservait encore, découpées et disposées dans un reliquaire, ces précieuses figurines, achéropites d’un genre que les anciens n’avaient pas imaginé, quand Papebroch et Henschenius visitaient, en 1660, l’église de Montefalco (55). On les montre encore aujourd’hui.

Bérenger de Saint-Affrique nous permet, tant son récit est circonstancié et sa description minutieuse, d’assister à la découverte de ces reliques. Qui voudra lire le texte latin que nous mettons in extenso en note admirera la précision de son rapport (56). Quelques [p. 38] remarques faciles remettront, croyons-nous, toutes choses au point.

La dissection du cœur a été faite par une religieuse en présence [p. 39] d’autres religieuses aussi peu versées qu’elle en matière anatomique. Qu’elle n’ait pas vu la cloison qui divise le cœur en deux ventricules et qu’elle n’ait pu se rendre compte de la division des deux oreillettes, rien d’étonnant et il n’y a pas lieu d’insister. Ayant ouvert le cœur, les témoins découvrirent ce dont elles n’avaient pas l’idée : ces colonnes charnues qui règlent le jeu des valves, libres dans leur longueur, et attachées à la paroi interne du cœur par leurs extrémités. Les différences de coloration se retrouvent dans le cœur normal ; mais peut-être y avait-il là des adhérences blanchâtres de fibrine, peut-être des embolus, et c’est ainsi que des yeux mal formés à l’examen anatomique, mais aidés d’une imagination complaisante, ont pu discerner une croix et la figure d’un crucifié attaché à cette croix. Il est clair, par le récit même qu’on nous en donne, que ce ne fut là qu’une interprétation. En effet, les uns distinguaient dans ce côté blanchâtre, qui représentait à leurs yeux le Crucifié, jusqu’au dessin des membres de son corps, « mais ni les religieuses ni moi-même, dit l’enquêteur, qui ai examiné et palpé à plusieurs reprises, n’avons reconnu les formes réduites des membres, mais seulement la croix et l’aspect général d’un corps humain ». On saisit ici sur le vif, l’effort d’interprétation plus ou moins complaisant selon le tempérament des uns et des autres.

Ce premier point acquis, une fois obtenue la figure d’un crucifix, on ne pouvait s’arrêter en si belle voie et le reste n’était plus qu’un jeu. En face on découvrit le bâton armé de courroies noueuses, l’une de ces colonnes qui s’épanouissent en cordages tendineux, un autre terminé en tendons ayant le vague aspect d’une éponge. Rien de plus facile que ces interprétations, et l’on sait que Vésale et les premiers anatomistes trouvaient dans les éléments du corps humain toutes sortes de ressemblances qui font la joie des étudiants d’aujourd’hui.

Que la vésicule biliaire se soit trouvée sèche et contenir trois [p. 40] calculs, cela n’étonnera pas le médecin (57). Ils étaient trois, parfaitement égaux de masse et de poids, —comment n’y pas voir une image de la Trinité? On ne s’arrêta pas en si beau chemin, —parodiant un peu les vers de Musset, nous chanterions avec autant de vérité :

Légende, légende, quand tu nous tiens,
On peut bien dire : adieu … bon sens.

On racontait plus tard à Montefalco que l’une quelconque de ces trois pierres mise en balance avec les deux autres, était toujours de poids égal. Cette fois, la figure de la Trinité devenait éloquente. En 1560, une de ces pierres se rompit. Ce malheur public figurait la division de l’Église par l’hérésie luthérienne. Ainsi du moins en jugea-t-on à Montefalco. (58)

Durant sa dernière maladie, Claire avait répété cinq fois qu’elle avait une croix dans le cœur. On se rappela ces propos et l’on y vit l’annonce surnaturelle de ces stigmates figuratifs. Ne souffrait-elle pas du cœur, en vérité, elle qui avait ce que les anatomistes appellent —sit venia verbo—un cœur de bœuf, et qui menait une vie affective si ardente ? N’est-ce pas du cœur qu’elle est morte, n’ayant qu’à peine dépassé les trente ans ? Questions sans réponse ferme, mais qui peuvent se poser. Quoi qu’il en soit, on voulut [p. 41] voir dans ces propos, embellis par une mémoire complaisante, un sens et une force qu’on n’y avait pas trouvés quand ils furent prononcés (59).

Pour conclure, il n’y eut dans cette découverte merveilleuse, que l’effet d’une interprétation imaginative —tranchons le mot —puérile des éléments incompris de l’anatomie du cœur. Le cas de sainte Claire est le premier de ce genre dans l’histoire. Personne de ceux qui savent un peu comment vont les choses ne s’étonnera qu’il se représente dans la suite (60).

On ira plus loin encore, et IMBERT-GOURBEYRE cite des cas de stigmatisés à qui le cœur avait été surnaturellement enlevé, dès leur vivant. Il s’agit de Pudentienne Zagnoni aînée, morte en 1608, de Passidée de Sienne, morte en 1615, et de la Bienheureuse Jeanne-Marie Bonomi, qui termina ses jours en 1670, toutes, on le voit, en pleine période moderne. L’intrépide docteur qui les rapporte, doit cependant y ajouter cette restriction : << quoique, avoue-t-il, la réalité n’en soit pas parfaitement démontrée dans les trois faits qui viennent d’être cités », Contentons-nous de cette défaite (61).

Le cas de MARGUERITE DE CITTA DI CASTELLO se rapproche fort de celui que nous avons étudié en Claire de Montefalco. Il s’agit encore de reliques miraculeuses découvertes, après sa mort, dans le cœur de la mystique (62) On nous raconte sur son compte des histoires merveilleuses … qui mettent en défiance et qu’on peut difficilement contrôler. Elle mourut en 1320, peu d’années après Claire de Montefalco. Les témoins de sa vie se rappelèrent que Marguerite avait souvent dit : « Oh l si vous saviez ce que j’ai dans le cœur ! » On ouvrit donc son cœur, comme on avait ouvert celui de Claire. « A la première incision, nous dit IMBERT-GOURBEYRE, trois petites boules brillantes et polies s’en échappèrent, semblables à des perles artistement travaillées. Sur l’une de ces pierres était [p. 42] gravée l’image d’une femme couronnée et vêtue avec majesté, représentant la Sainte Vierge si honorée par Marguerite durant sa vie. Sur la seconde on voyait l’Enfant Jésus étendu dans sa crèche, entouré de deux animaux qui semblaient le réchauffer de leur souffle. Sur la troisième, c’était un vieillard vénérable dans lequel il était facile de reconnaître saint Joseph, et une tertiaire dominicaine en adoration; de l’autre (sic), une colombe, symbole du Saint-Esprit. »

Ce beau style ecclésiastique et pieux nous porterait à admettre sans défiance cette belle histoire. Il y a un mais… On nous dit expressément que lors de l’autopsie du corps, en vue de son embaumement, on en avait retiré le cœur et les autres viscères, qui furent déposés dans un vase de verre. Peu de jours après, on se rappela les paroles de Marguerite et on fit l’ouverture du cœur et la découverte des trois perles imagées. C’est ce qu’on peut lire dans la Vita primigenia, comme dans IMBERT-GOURBEYRE (63). A supposer l’autorité de cette Vita, dont on ignore l’auteur et la date, —on sait seulement qu’elle est antérieure à la fin du XIVe siècle, —les doutes surgissent immédiatement, les inquiétudes et des soupçons, qui n’ont rien d’extravagant. Ce cœur laissé plusieurs jours, ces pierres qui s’échappent à la première incision —était-ce bien du cœur ? —qui donc admettra une expérience faite en de pareilles conditions, en dehors de tout contrôle sérieux, et répétant point par point les étapes de la découverte faite, peu d’années auparavant, à Montefalco ?

Ces perles sont conservées encore, sauf une qui s’est perdue, dans l’église des dominicains de Citta di Castello. Les empreintes n’y sont plus visibles (64).

L’histoire que nous abordons est des plus intéressantes, et nous avons sur elle un document des plus précieux. Il s’agit de LUKARDE D’OBERWEIMAR, stigmatisée qui a échappé aux recherches du Dr IMBERT-GOURBEYRE, et nous ne lui en ferons pas un grief, car sa vie n’a été publiée par les Bollandistes qu’en 1899 (65). Ce récit sera plus loin l’objet d’un examen du Dr Le Grand, il nous suffira ici de quelques remarques.

Comme le disent dans leur introduction (66) les Bollandistes, [p. 43] Lukarde est totalement ignorée dans les fastes hagiographiques, et nous n’avons sur elle d’autres documents que la Vie anonyme qu’ils ont publiée. L’auteur nous en est inconnu, on ne peut dire s’il était cistercien ou mendiant, clerc sans nul doute, et qui s’était informé avec soin auprès des religieuses du couvent d’Oberweimar sur les phénomènes étranges dont cette vie avait été pleine. Il les attribue à Dieu, en toute bonne foi. Libre à nous d’en juger autrement, mais nous ne pouvons pour cela récuser son témoi-gnage et celui des moniales. Manifestement, ni lui ni elles n’ont pu inventer ces cas étranges —l’arc de cercle hystérique si nettement décrit —, et s’il y a quelques exagérations naturelles à des récits de ce genre, il est aisé de les réduire à leur juste valeur. Lukarde a subi ou agi comme les témoins prétendent avoir vu, elle a raconté les visions et faveurs divines sans témoin qu’ils nous rapportent. Aux psychiatres d’en étudier la nature vraie.

Selon la coutume déplorable des hagiographes du moyen âge, l’auteur de cette Vita néglige les indications chronologiques si précieuses à l’historien. On peut cependant conclure de certains indices que Lukarde était née en 1276 (67) à Erfurt. A douze ans, elle entra chez les cisterciennes d’Oberweimar et sans tarder se manifestèrent les phénomènes où l’on crut voir l’action surnaturelle de Dieu : maladies, guérisons subites, accès de catalepsie, visions et paroles divines, et cette ardeur étrange à se frapper du doigt dans les paumes (68), les stigmates et les traces de la flagellation, enfin des miracles accomplis par elle. On trouve en elle ce phénomène que nous avons noté dans la vie d’Élisabeth de Spalbeek : elle se tenait longtemps debout, les bras en croix, sur une pointe des pieds comme cloués l’un sur l’autre 69). Elle avait sur la vie du Christ des lumières surnaturelles. Elle sut ainsi l’heure exacte de la résurrection et de la nativité, elle vit jouer l’Enfant divin avec sa mère, et l’Enfant lui donnait à manger… du poulet grillé.

Tous ces phénomènes ne laissent pas d’étonner, et elle-même en concevait parfois quelque inquiétude. Elle consulta donc un spirituel renommé, Henri de Mulhusen, prémontré. On n’aurait pu s’adresser plus mal; c’était lui-même un visionnaire, friand de phénomènes extraordinaires; il s’arrangea pour la voir dans ses extases où elle figurait la croix, seul avec elle dans une chapelle. [p. 44] Prosterné devant l’autel, il priait Dieu de manifester ses prodiges en elle. Pouvait-elle s’y refuser (70) ? D’autres confirmations surnaturelles lui furent données (71). On respirait une atmosphère miraculeuse.

Elle mourut, après tant de merveilles, le 22 mars 1309.

Nous n’avons pas à faire l’histoire complète de CHRISTINE DE STOMMELN. Elle serait passionnante. « On s’y trouve en face d’un problème de psychologie mystique auquel tous nos souvenirs hagiographiques offrent à peine un parallèle. » Ainsi s’exprime le R. P. Thurston, en tête d’une étude qu’il lui consacre (72). Renan s’est laissé tenter par ce riche sujet (73), IMBERT-GOURBEYRE y recourt souvent (74), Papebroch en a rempli près de deux cents pages des Acta Sanctorum (75). La richesse des documents vaut l’intérêt prodigieux de ce cas, nous avons d’elle et sur elle des relations et des lettres qui permettent de suivre presque au jour le jour l’évolution de ses phénomènes mystiques, diaboliques, et … hystériques. Pour corser encore l’intérêt une idylle s’y mêle, sa liaison toute pure, toute pieuse, avec Pierre de Dace, son intime et son biographe (76).

Christine était née à Stommeln, village situé à cinq lieues [p.45] nord-ouest de Cologne, en 1242. Dès ses dix ans, elle eut en son sommeil une vision du Christ; à treize ans, fugue : elle s’enfuit à Cologne pour se faite béguine. Elle erre sans abri, finit par se faire recevoir, des phénomènes étranges s’annoncent. A quinze ans commencent les sévices du démon. Elle rentre chez ses parents, sans laisser de rester béguine ; c’est là qu’elle vit sous la direction de son curé, entourée de béguines comme elle, centre d’un cercle qui subit son influence et vit d’elle et pour elle, dans une admiration et un culte sans cesse renouvelés par les événements étranges, tour à tour exaltants et terribles, qui se succèdent sans trêve (77).

Ce qui confond le lecteur d’aujourd’hui, c’est le caractère spécialement répugnant des interventions diaboliques. Un démon stercoraire prend un affreux plaisir, semble-t-il, à l’asperger de matières innommables et malodorantes, et non seulement elle, mais aussi les personnes de son entourage et quelquefois les fidèles rassemblés à l’église. Ces faits ont des témoins nombreux, étrangers au cercle immédiat de Christine, qu’il est bien difficile de récuser. Toute part faite à l’exagération naturelle à des gens en émoi, on ne voit pas comment rejeter la réalité, au moins partielle, du phénomène étrange qu’ils racontent. C’est l’avis du R. P. Thurston (78)

Christine avait vingt-cinq ans lorsqu’entra dans sa vie un jeune dominicain suédois, Pierre de Dace, âme rêveuse qui aspirait à contempler une sainte âme. D’emblée, ils furent conquis l’un à l’autre. Pierre a raconté le charme de cette rencontre, la douceur de cette nuit de veille passée en si sainte compagnie et des pre¬mières confidences échangées. C’est fort touchant, très pur (79). Ne nous laissons pas trop émouvoir, il y aura profit à y regarder de plus près.

Une béguine a prévenu Pierre de la merveille qui l’attendait, —c’était Alice, une des compagnes de Christine. Il entre, voit une jeune fille assise, la tête voilée. Elle se lève pour saluer le prêtre que Pierre accompagnait et, dans ce mouvement, le démon bruta¬lement la rejette en arrière, la tête contre le mur; on s’assied, on cause, le bon père tient des discours pieux, et sept fois encore au cours de cette conversation, ce même mouvement brutal la projette à droite ou à gauche, elle donne de la tête avec un grand bruit, mais sans une plainte, si bien que Pierre, touché de compassion, s’avise de disposer un coussin pour amortir les chocs. [p. 46]

Elle gémit… puis après un intervalle, le temps d’un Miserere, elle glisse la main sous ses habits et retire un énorme clou humide et chaud d’un sang vif et chargé de chair. Le diable l’a ainsi cruellement blessée, dit-elle, à la jambe. Elle gémit une deuxième fois : un deuxième clou sanglant… Et Pierre reçoit ces deux clous, reliques chères, baignées du sang de sa bien-aimée, premier gage de leur sainte liaison.

Qu’en pense le lecteur ? Voilà une intimité bien vite nouée, voilà des cadeaux qui lient pour la vie et plus que des confidences parlées. Deux jeunes cœurs se sont compris, deux âmes fraîches, fondues l’une en l’autre. Jusqu’à la mort de Pierre en 1288 (nous sommes en 1267), ils vivront dans une exaltation de tendresse pure. Loin ou près, par lettres ou dans de délicieuses entrevues, leur mutuel amour s’épanchera sans contrainte, et Pierre, avec un soin pieux, transcrit et conserve lettres et souvenirs. Tout cela nous donne de merveilleux documents, au point de vue psychologique, mais la critique n’en usera qu’avec prudence, quand il s’agira d’établir posément les faits.

Ces chutes convulsives, ces clous sanglants, ce sont des faits, cette harmonie subitement découverte entre ces jeunes cœurs, c’est un fait encore. Mais il est sage d’y voir autre chose encore que l’œuvre du mauvais ou de la grâce divine. Toute cette scène nocturne n’a-t-elle pas été plus ou moins inconsciemment jouée par une jeune femme hystérique en présence d’un jeune cœur qui souffre vaguement ? Il y avait là un autre dominicain, ce prêtre d’un âge plus mûr qui tient à la vierge de pieuses homélies. Ce n’est pas à lui, tout admirateur fervent qu’il soit, que les clous seront donnés.

Qu’elle soit hystérique, —au sens général de ce mot, s’entend, —c’est l’avis très ferme du R. P. Thurston, et maints phénomènes le montrent à l’évidence (80). Cette fugue d’enfant que nous avons notée n’est pas la seule. L’année qui suivit cette entrevue, elle est jetée « par le démon » dans une citerne (81) ; on la trouve plusieurs fois, en chemise, ou toute nue, pendue par les pieds à un arbre, par la malice des démons, dit-elle (82). A l’en croire, ils [p. 47] s’acharnent en troupe sur elle, 100, puis 1.000, 10.000 en 1281 ; elle en compte une nuit 40.050. Ils la torturent de mille manières, lui arrachent les entrailles, la coupent en morceaux, et des apparitions célestes les rassemblent et lui rendent la vie. Tout cela, de nuit en nuit, sans témoin (83). Détail plus clair, nous savons par son secrétaire, maître Jean, en deux textes, que Christine racon-tait dans ses extases – disons dans ses transes hystériques – des choses dont elle n’avait plus conscience dans son état normal (84).

Sans doute, nous n’expliquons pas ainsi ces phénomènes extérieurs et constatés par d’autres encore que ses intimes, ces aspersions de matières fétides. Mais ses stigmates n’auront plus pour nous de profonds mystères.

Ils se produisent de façon variée. Elle les cache, mais il est assez facile de les voir, certains mouvements la trahissent. « Elle ouvrit, raconte Pierre, sa main gauche, et je vis cette chose que j’avais désiré voir dès mon enfance… Je vis dans cette main d’une blancheur virginale la croix du Seigneur, rouge d’une couleur de sang… Elle n’était pas seulement peinte de couleur ou de sang, mais imprimée dans cette chair avec une plaie visible. Elle n’était pas simplement tracée, mais ornée de fleurs gracieuses et très belles. D’une si belle ordonnance que l’art humain n’aurait jamais pu la reproduire, quand même il y aurait mis tout son effort (85). »

Une autre fois, il put voir des stigmates un peu différents. « Au milieu de la paume de chaque main… , une plaie; la chair vive était découverte, sur la largeur d’un sterling et sous une forme ronde. Ce n’était pas une peinture, mais une blessure sans grande profondeur. Elle dura huit jours environ, tout en diminuant progressivement chaque jour (86). »·

Pierre ne doute pas un instant que ce ne soit d’origine divine; l’idée ne lui vient pas qu’on pourrait utilement contrôler la formation [p. 48] de ces stigmates. Il a vu le fait, et nous l’en croyons. Nous ne lui reprocherons pas d’ignorer tout de la dermographie.

Un jour de Pâques, la mère du curé lui avait dit que le visage de la vierge était livide, comme s’il avait été frappé de coups de bâton. On se rend près d’elle. On la trouve au lit, la tête couverte de son voile, à dessein, pour cacher son visage. Pierre se place à ses pieds, et tandis que le curé lui parle lentement, « non par hasard, pensa-t-il, mais par nécessité de nature et par une disposition de la Providence, elle dut cracher, elle leva le voile dont sa face était couverte, et… il put voir sous le voile cette face, non comme la face d’un ange, mais plus semblable que toute autre à la face du Pontife Souverain (c’est-à-dire du Christ)… Elle était toute livide et comme noirâtre… comme frappée de toute part à coups de bâton (87) » Est-ce vraiment la pure Providence qui amène Christine à lever son voile ? … Serait-il impie de soupçonner que cette pieuse femme savait ménager ses effets ?

D’autres phénomènes sont constatés par Pierre : le front et le voile de Christine humides d’une rosée mystérieuse (88), et une autre fois, en soulevant ce voile, il découvre sur ce front « trois filets de sang coulant d’un même point vers les tempes et vers le nez » (89) Tandis qu’elle est en extase, il fait découvrir le pied droit, et ses compagnons et lui voient dessus et dessous une plaie un peu plus large qu’un sterling, d’où coulent quatre ruisseaux de sang, et cette vue les jette en larmes (90). Il apprend des femmes qui entou-rent Christine que ses vêtements intimes portent une tache de sang, large comme une paume, à la hauteur du cœur (91).

Et lui-même se trouve avoir dans la main une ligne rouge qui persiste des années (92).

Dans la suite, les sévices démoniaques prennent plus d’impor-tance dans l’imagination de Christine et dans les relations que son secrétaire, maître Jean, adresse à Pierre retenu dans son pays natal. L’auteur d’une Vie composée peu après nous apprend que ces phénomènes prirent fin en 1288, et met cela en relation avec la [p. 49] bataille de Woeringen qui se livra cette année. C’était dans la région et tout le pays y était intéressé. « Ce qui eut peut-être plus d’importance que la bataille de Woeringen pour la guérison de Christine, remarque Ernest Renan, c’est qu’elle eut cette année-là quarante-six ans et surtout qu’elle venait probablement d’apprendre la mort de Pierre (93). » Elle lui survécut un quart de siècle et mourut en 1312.

GERTRUDE D’OOSTEN était ainsi nommée, non pas du lieu de sa naissance, —elle était originaire de Voorburg non loin de Delft, —mais parce qu’elle avait accoutumé de chanter un cantique thiois qui commençait par ces mots :

« Het daghet in den Oosten, »
A l’Orient le jour point (94)

Fiancée répudiée, elle prit refuge au béguinage de Delft. On rapporte sur son compte des miracles, des visions et la curieuse histoire de ses stigmates. Une sœur du même béguinage, appelée Lielt, lui prédit un jour qu’avant un an, elle, Gertrude, serait favorisée des stigmates. Gertrude se récria sur son indignité, mais le Vendredi-Saint qui suivit, tandis que Gertrude méditait fort dévotement la Passion, « toute transformée en amour ou en compassion de son bien-aimé Seigneur Jésus-Christ, Dieu qui est admirable en ses saints accomplit en elle avec une grâce admirable des choses si admirables, qu’elle reçut de façon vraiment admirable (ce mirabilisest ainsi répété dans le texte latin) les stigmates de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans les cinq membres (sic)de son corps virginal. Ayant reçu les cinq stigmates, ou plutôt les cinq blessures, passant de la contemplation divine à l’humaine, elle cria à la béguine qui habitait avec elle, de toute sa voix : Diverdis, viens et vois quelle grâce Dieu vient de me faire à moi sa pauvre servante, non pour mes mérites, mais par sa bonté surabondante (95 ) ».

Ce fait s’était produit au cours de la nuit du Vendredi-Saint ; il persista le matin, et se reproduisit plusieurs fois dans la suite pendant un certain temps. « Il coulait de ses sacro-saintes blessures, sept fois le jour, c’est-à-dire aux heures canoniales, un sang très beau, de couleur rouge, et ce sang qui coulait des stigmates, on le recevait sur des linges que la même Gertrude avait eu soin de préparer. » Cette nouvelle se répandit rapidement, et l’on accourut [p. 50] de Delft et des environs. Ce qui déplut à Gertrude, désormais souvent dérangée dans ses exercices spirituels. Elle pria Dieu de lui enlever ces stigmates, de peur d’être éloignée de lui par la vaine gloire ou par quelque fraude diabolique. Elle fut exaucée, le sang cessa de couler, elle ne garda dans la suite et jusqu’à la mort, que les stigmates, —entendons, sans doute, les cicatrices sèches. En même temps elle fut privée des consolations intimes dont elle jouissait, si bien qu’elle se remit à désirer et à redemander avec de grandes instances à Dieu que les plaies sanglantes lui fussent rendues. Elle disait, nous rapporte son biographe : « J’accepterais d’être exposée en spectacle à tout le monde sur la boule du clocher à la grand’place, de façon que tous puissent voir les signes des divines merveilles et qu’en les voyant ils louent et glorifient Dieu (96) ».

Gertrude vécut encore environ dix-huit ans après la soustraction de ses stigmates, qui se produisit vers l’Ascension de 1340 (97). Elle était faible de santé et obèse au point que pour se rendre à l’église elle était contrainte de s’arrêter plusieurs fois en chemin. Il ne semble pas que les stigmates sanglants lui aient été rendus.

Tel est le récit que nous livre son biographe anonyme. Il est étrange, à plus d’un titre. Cette stigmatisée qui n’a rien de plus pressé que de montrer ses stigmates, qui a soin de préparer des linges pour en recueillir le sang, qui les désire, qui les réclame, prête à les exposer aux regards de tous, nous change de ceux que nous connaissons et des règles ordinaires de l’humilité. Qu’en eût dit saint Jean de la Croix ?

On nous parle du sang qui en coule, puis des traces qu’ils ont laissées, mais sans un mot qui les fasse voir, dans leur forme, dans leur couleur ; il n’est pas question de la douleur qu’ils devaient causer, au contraire, Gertrude ne parle que de la consolation qu’elle en éprouvait.

Et la biographie, que vaut-elle, au point de vue critique ? Nous ne savons rien de son auteur ; il ne se vante même pas d’avoir été témoin des faits qu’il raconte, ni confident de la vénérable béguine, ni d’avoir consulté les témoins de cette vie. Était-il ce cellite à qui apparut une autre Gertrude, béguine du même béguinage (98) ? Il [p. 51] écrivait plusieurs années, « multis annis », après la mort de Gertrude d’Oosten (99). Tout cela met en doute la valeur historique de cette vie. Mais d’autre part celle-ci se présente avec des traits originaux, des noms propres, des naïvetés qui fleurent bon le béguinage. Cela donne à croire que son auteur avait recueilli, quelques années après, les souvenirs encore vivants et embellis, comme il arrive, dans le béguinage de Delft, et confère à son œuvre, dans l’ensemble, une autorité sérieuse.

Tout compte fait, ce cas reste douteux, peu clair, il ne peut servir à une enquête scientifique.

Les stigmates de PHILIPPE d’AIGUIÈRE présentent plusieurs étrangetés (100). C’est au chroniqueur Wadding que nous devons tous nos renseignements sur ce saint homme, et sans doute Wadding est un historien de valeur, mais il ne nous donne pas l’occasion, en citant ses sources, de les vérifier (101). C’est à Wadding qu’IMBERT¬GOURBEYRE emprunte sa notice, il traduit presque mot à mot, sauf un court passage, mais important, qu’il a omis.

Philippe était né à Aiguière en Provence. Devenu frère mineur, il quitta la terre natale, appelé en Italie, où il passa la majeure partie de sa vie. Méditant assiduement la Passion du Christ, il éprouva le désir de participer à ses douleurs. Le Christ crucifié lui apparut un jour, « il émettait un grand flot de sang, comme des flèches, aux mains, aux pieds et au côté de Philippe et il les ensanglanta de façon merveilleuse. » On aimerait une description plus précise. Ce qui suit ne l’est pas davantage. « De ce jour, il porta les douleurs de la Passion du Sauveur, et l’image du Christ crucifié si intimement (ita.:. interne) imprimée en lui, qu’il le contemplait sans cesse des yeux de l’esprit à l’intime de lui-même (interius), et que, tout comme s’il (quasi) était percé des clous et de la lance, il endurait les souffrances propres des cicatrices ; il avait accoutumé de les irriter davantage par des tortures qu’il s’infligeait en ces endroits. » IMBERT-GOURBEYRE a omis ce dernier trait, cependant bien significatif (102).

Philippe fut pris de diverses maladies. Il eut des ulcères qui [p. 52] s’ouvrirent, les chairs rongées. Il en mourut le 15 juin 1369 (103). Toutes ces données mises ensemble : imprécision du narrateur, insistance à parler de l’intérieur, la part active prise par le patient qui irrite et peut-être provoque ses plaies, empêchent de le tenir pour un stigmatisé authentique.

Il nous faudrait, pour achever l’examen critique du quatorzième siècle, étudier les renseignements que nous donne IMBERT-GOURBEYRE sur deux mystiques allemandes, Mechtilde de Stanz et Marguerite Ebner (104). Mais il n’a pas été possible d’atteindre les documents cités. Force nous est donc de clôturer ici notre étude sur ce siècle.

Le butin recueilli dans ce XIVe siècle est notablement plus maigre qu’il ne nous était promis par notre guide enthousiaste. Que reste-t-il de stigmatisés authentiques ? Le lecteur a pu s’en faire une idée : peut-être pas un.

QUINZIÈME SIÈCLE

Des vingt-cinq stigmatisés qu’IMBERT-GOURBEYRE attribue à ce siècle, très peu résisteront à l’examen (105). Si nous écartons les personnages qui n’eurent, si on en croit la tradition, que des souffrances surnaturelles sans stigmates visibles (106), et ceux qui se présentent sans preuves historiques suffisantes (107), et Julienne de Bologne, qui n’est pas du XVe, mais du Ve (108), il nous restera peu [p. 53] de cas à traiter, moins encore à retenir. Des quatre saintes plus notables de ce siècle et qu’allègue notre auteur, sainte Lidwine semble bien n’avoir pas eu les stigmates; sainte Françoise Romaine éprouva les douleurs stigmatiques et un écoulement mystérieux au côté ; sainte Colette ressentit seulement les souffrances sans traces extérieures, et la biographie de sainte Rita n’a aucun fondement historique (109). Il faudra cependant revenir sur les deux premières.

Voyons d’abord les cas de stigmates figuratifs découverts dans les cœurs de certains, —à l’instar de sainte Claire de Montefalco, —tels Lucie de Norcie, Luc de Pontecorvo et Ugolin de Mantoue.

LUCIE DE NORCIE (Italie), du Tiers-Ordre de Saint-François, était morte depuis plus de deux siècles (1430), quand on ouvrit sa tombe et découvrit son corps incorrompu. On fit l’extraction du cœur et l’on y trouva une plaie, et à l’intérieur un crucifix en chair (110). L’histoire se présente sans grande garantie critique, et ce qu’elle rapporte ressemble fort au crucifix trouvé dans le cœur de sainte Claire de Montefalco (111).

LUC DE PONTECORVO, dominicain, portait sur sa poitrine une rose faite miraculeusement de sa propre chair (112). Le corps d’UGOLIN DE MANTOUE, augustin, mort en 1471 et exhumé vers 1540, fut trouvé alors incorrompu, avec une plaie au côté d’où sortait un sang frais et parfumé. Une question vient aussitôt à l’esprit et détruit d’un coup le charme de cette légende : cette plaie au côté, comment ne l’avait-on pas vue lors de l’ensevelissement ? IMBERT-GOURBEYRE ne semble pas s’être fait cette simple réflexion (113). Nous [p. 54] n’avons pas d’objection au miracle. Encore faut-il qu’il ait un sens et qu’il présente ses preuves. Dans ces deux cas, comme dans beaucoup d’autres, il n’y a que des récits de loin postérieurs et beaucoup moins candides que le chant des cigales célébré par Ernest Lamy.

La vie de la bienheureuse Betha, nommée aussi Élisabeth Bona,. que nous appellerons selon l’usage ÉLISABETH DE REUTE, « fut écrite six mois après sa mort par Konrad Kügeli, son confesseur, comme on écrivait au Moyen âge, en toute simplicité, bonne foi et piété ». Pour s’exprimer ainsi, avec quels yeux IMBERT-GOURBEYRE a-t-il lu les Vitaedes saints de cette époque (114) ? Rien de plus conventionnel et souvent de plus prétentieux que le genre hagio-graphique dans ces siècles de foi (115). Mais revenons à Élisabeth et à son confesseur. A vrai dire, celui-ci mérite cet éloge, mais son discernement n’égale peut-être pas sa bonne foi.

Il n’a pas été possible d’atteindre cette biographie à laquelle notre auteur se réfère. Force sera de nous borner à quelques remarques critiques sur le texte qu’il reproduit. Cette vie n’est pas sans ressemblance avec celle de Christine de Stommeln : on y retrouve les mauvais tours d’un diable scatologique et excrémentiel, des descentes au purgatoire, des stigmates imprécis, qui ne sont pas décrits avec assez de détail, qu’il semble qu’on n’ait pas regardés.

Le bon curé de Reute en était peut-être quelque peu responsable. Il prêchait la méditation des souffrances du Christ. « Élisabeth arriva à une telle compassion… qu’elle fut prise d’une longue et grave maladie, si intense, qu’on entendait souvent dans son corps un bruit sourd et des craquements, comme si on lui eût brisé les os. Elle éprouvait souvent des douleurs si terribles qu’on la croyait sur le point de mourir… Un jour qu’on l’avait communiée, la Mère qui la servait aperçut sur son visage une lumière surnaturelle, comme angélique ; elle comprit alors que la maladie de la chère Élisabeth n’était pas naturelle et venait de Dieu. » Les médecins qui lisent cette page seront tentés de formuler un autre diagnostic.

« Longtemps après, il se forma une plaie, d’abord sur le côté gauche, puis sur le côté droit. » (S’était-elle aperçue un peu tard que la tradition met la blessure plus souvent au côté droit ?) Il en [p. 55] sortait du sang tout rose, comme celui d’un petit agneau qu’on aurait tué », (Ecce Agnus Dei… ) « ce que j’ai souvent vu avec des prêtres très honorables et des personnes des deux sexes. Comme l’amour d’Élisabeth pour Jésus-Christ devenait de plus en plus vif, j’ai vu souvent ses mains et ses pieds ouverts ; il en sortait du sang en grande quantité. J’ai vu souvent aussi sa tête couverte de plaies, comme si elle avait été couronnée d’épines. Très souvent, j’ai vu avec d’autres que son corps était pitoyable de la tête aux pieds, comme si elle avait été frappée de verges… on ne voyait pas une seule partie saine. » A cette absence de tout contrôle, de tout soupçon, admirons la simplicité du moyen âge. Il ajoute : « On était obligé de la laver et de la sécher aux mains, aux pieds, au côté et à la tête. Les plaies s’ouvrirent souvent jusqu’à six fois et plus par jour. C’était surtout le vendredi que les pieds, les mains, le côté et la tête saignaient fortement; en temps de carême, c’était tous les jours. » Ce bon Kügeli est agaçant. Quand on s’attend à le voir enfin décrire ces plaies, leur aspect, leur forme, leur profondeur… il n’a vu que le sang qui coule et que les Mères essuient pieusement.

Nous aimerions un témoignage plus précis, plus objectif ; nous recherchons un recoupement, l’attestation d’un étranger à ce groupe pieux du curé et des béguines, unis dans une même admi¬ation de leur « chère Élisabeth ». Pour toute assurance, un psychiatre devrait passer par Reute. D’un mot, il est impossible de conclure, le cas n’est pas clair.

Élisabeth mourut en 1421 ; elle avait trente-quatre ans.

Sainte LIDWINE DE SCHIEDAM fut-elle favorisée des stigmates, la question ne trouve pas ses biographes unanimes, et qui plus est, le principal d’entre eux n’est pas d’accord avec lui-même (116). Ce problème critique a été succinctement traité et résolu par le R. P. H. Meuffels (117) ; en voici les éléments.

Il existe quatre vies de la sainte, composées au XVe siècle, la première de Jean Gerlac, publiée en 1487 et 1490, mais écrite vers 1440. Le franciscain Jean Brugman (+1483) n’en composa pas moins de trois, d’abord une courte notice, une ébauche, puis une Vitadite prior, antérieure à 1448, et uneVita posterior, peu avant 1456. Thomas a Kempis, l’auteur de l’Imitation, vint ensuite et récrivit en son style harmonieux la Vita priorde Brugman, à laquelle il ajouta quelques compléments et quelques [p. 56] témoignages venus d’ailleurs (118). Brugman avait particulièrement soigné sa Vita posterior, à la fois comme un traité mystique et un morceau d’éloquence. C’est dire que ce chef-d’œuvre, à son goût, nous inspire moins de confiance. Or c’est précisément dans cette Vita posterioret dans elle seule que nous trouvons mention des stigmates. Thomas a Kempis, qui devait connaître cette Vita et l’histoire des stigmates, l’a omise. Ce discret silence est un désaveu, il sera sage de nous tenir au récit plus sobre de la Vita prioret des autres biographes. L’admirable et sainte patiente de Schiedam a souffert pour le Christ et avec lui, mais rien n’établit sûrement qu’elle ait été honorée des stigmates.

Sainte FRANÇOISE ROMAINE en a-t-elle ? Quelque chose, si nous en croyons IMBERT-GOURBEYRE (119) qui raconte : « Quand elle méditait la plaie sacrée du côté, il sortait du sang de son propre côté. » IMBERT-GOURBEYRE a lu trop précipitamment le récit de Mattiotti, confesseur de la sainte, auquel il se réfère ; celui-ci parle d’un écoulement, non de sang, mais d’eau, et qui dura jusqu’à la Noël suivante —mais il ne nous dit pas quand ce phénomène commença (120).

Mme Berthem-Bontoux, le plus récent des biographes, parle aussi d’écoulement de sang, mais des mains et des pieds, et s’appuie sur les actes manuscrits du Procès de canonisation de 1451 (121) Il nous faudrait le texte de cette déposition, et une critique serrée de son sens et de sa valeur. Mme Berthem-Bontoux nous refuse l’un et I’autre (122). On nous parle, dans ces dépositions et dans le récit de Mattiotti, de douleurs stigmatiques aux mains et aux pieds, de cette « liqueur mystérieuse » qui coula de son côté, mais personne ne nous décrit cette plaie du côté, personne ne semble l’avoir vue.

Nous ne sommes pas rassurés. Ni Mattiotti, dont les derniers traités sur les luttes de la sainte avec les démons et ses visites aux enfers sont, nous dit un bon juge, le fruit de son imagination, ni [p.57] Cepari, l’hagiographe universel du XVIIe siècle, ni Mme Berthem-Bontoux (123) ne nous sont des garants suffisants d’un phénomène imprécis, qui semble avoir suscité plus d’admiration dans l’entou-rage de la sainte, que de curiosité.

La vie de Pirone ou PÉTRONILLE HERGODS a été composée par son confesseur, Jean Taye de Bruxelles, carme (124). Il eut soin de la faire enregistrer, le 12 avril 1477, cinq ans après la mort de sa fille spirituelle, par devant le notaire impérial Pierre Gorijs, dans l’église des Carmes de Malines, en présence de Jean van V elthoven et Reynier van Scoeten, bourgeois de la ville, qui lui servirent de témoins. Il attestait solennellement que l’écrit qu’il présentait, « en cent vingt-cinq chapitres, était vrai en tout point et clair de toute ombre de mensonge (125)

Pétronille s’était faite recluse près l’église Saint-Nicolas, hors les murs de Malines, sous la règle de saint François mais sous la direction du frère Jean susdit, qui résidait au couvent des Carmes tout proche. Elle fut favorisée de visions, elle visitait en esprit les villes, fort agitées en ces temps troublés, de Liége, de Dinant, elle en contemplait les événements politiques. Sa piété prenait des formes étranges. Comme on lui apportait l’Extrême-onction, elle se mit à rire de façon ostensible, et son confesseur dut expliquer au prêtre : « Elle a pour habitude, chaque fois qu’il lui arrive de recevoir un sacrement de l’Église, de se réjouir ainsi. » Elle communiait presque chaque jour —ce qui était rare de ce temps —et « souvent elle s’avançait vers le vénérable sacrement en rampant à la façon d’un reptile, genoux nus sur la terre nue; or, la plupart du temps, elle était hydropique et arthriti-que. (126) »

« Quelque temps avant sa mort, Pétronille avait porté les stigmates et son confesseur les vit très souvent de ses yeux de chair… Ils étaient gris, noirâtres, et convenablement placés au milieu et sur le dos des mains ; ils lui étaient donnés d’en-haut de par Dieu, mais ils ne pénétraient pas à la manière des blessures du Christ et n’émettaient pas de sang. Elle eut cependant et y éprouva une souffrance très grande, tant qu’elle les porta dans sa vie, et les [p. 58] conservant jusqu’après la mort, elle les garda dans le tombeau (127). »

Ce bon confesseur nous console de plusieurs autres témoins, il a observé, et nous voyons avec lui ces stigmates superficiels, plutôt dessins que plaies. Le suivrons-nous dans sa conviction de leur origine divine ? Qu’il nous suffise d’apporter ici les pièces du procès. Elles ne nous permettent pas une pareille assurance.

Nous achevons l’examen des stigmatisés du XVe siècle. Il est assez décevant. IMBERT-GOURBEYRE alignait cinquante-cinq cas, dont il retenait vingt-cinq comme stigmatisés. Un seul nous échappe, faute d’avoir pu atteindre les documents ongmaux, Madeleine Beuttler (128). Si nous le réservons, que nous reste-t-il ? Pas un cas assuré.

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*    *

Arrêtons ici notre enquête. L’examen sommaire ou approfondi, selon leur valeur, des soixante-dix-neuf cas attribués par IMBERT-GOURBEYRE aux XIIIe, XIVe et XVe siècles nous a pris assez de temps, et assez de pages à cette revue. S’il fallait pousser l’étude jusqu’au trois cent vingt-et-unième stigmatisé de notre auteur, et jusqu’au dernier des stigmatisés dont il n’a pas eu connaissance, où cela nous mènerait-il ? Nous voilà d’ailleurs à l’aube des temps modernes. Avec le XVIe siècle, les investigations critiques deviennent de plus en plus compliquées, la critique du témoignage plus délicate aussi (129) Depuis le siècle dernier, les médecins se mêlent régulièrement de ces affaires, et leurs enquêtes demandent une [p. 59] compétence spéciale. Est-il nécessaire d’étudier tous les cas ?

Laissons-leur la parole sur les stigmates d’hier et d’aujourd’hui. Mieux que notre enquête sur un passé souvent mal décrit, souvent mal établi, leurs descriptions attentives serviront à discerner, parmi tant de phénomènes suspects ou mal éclaircis, I’œuvre émouvante du Crucifié.

PIERRE DEBONGNIE C. SS. R.
Docteur ès Sciences historiques de Louvain

Notes

(1) Dr Antoine IMBERT-GOURBEYRE, professeur à la Faculté de Médecine de Clermont-Ferrand, La stigmatisation, l’extase divine et les miracles de Lourdes. Réponse aux libres-penseurs. Clermont-Ferrand, 1894. T. I, Les faits ; T. II, Analyse et discussion. Au T. I, pp. XXI-XLI, Imbert-G. donne sa « Liste des stigmatisés, par ordre chronologique, avec indications bibliographiques ». Cette liste est numérotée de 1 à 321, c’est à elle que nous nous référerons en mettant près du nom des stigmatisés dont nous aurons à étudier le cas, le numéro d’ordre qu’Imbert-G. lui attribue.
Il avait publié, vingt ans auparavant, un autre ouvrage sur le même sujet : Les stigmatisées, 1873, Louise Lateau. —II. Palma d’Oria. Paris, 1873. Plus tard : L’hypnotisme et la stigmatisation (Science et Religion, 47), Paris, 1901.

(2) A. GEMELLI, O. F. M., Le stimate di san Francesco, dans Vita e pensiero, oct., 1924, 589.

Bel exemple de ces citations implicites : Koeniger, article : Stigmatisierte, dans Die Religion in Geschichte und Gegenwart, 2e éd. Tubingue, 1931, V, 807, évalue à environ 330 le nombre des stigmatisés à ce jour. Calcul fort simple : les 321 du Dr Imbert-G. et quelques cas plus récents.
Cf. aussi Georges DUMAS, La stigmatisation chez les mystiques chrétiens. Revue des Deux Mondes, 1907. [en ligne sur notre site]

(3) A.-J. RIKO. Louise Lateau en andere mystieken. Met afbeeldingen en volledige lijst der gestigmatiseerden van 1186 tot op onze dagen. Il donne, pp. 207-236, une liste de 155 cas de stigmatisation. Remarquons qu’Imbert-G. a été en relations avec lui et s’est certainement aidé de cette liste. Cf. dans lMBERT-GOURBEYRE, I, pp. XI ss., d’autres ouvrages et d’autres listes du même genre. RAYSSIUS comptait 26 stigmatisés, et non 25, comme le rapporte inexactement Imbert-G. —J. BESSMER, S. J., Stigmatisation und Krankheitserscheinungen, dans Stimmen aus Maria Loach, LXIX, 1905, 292, évalue à 80 le nombre des stigmatisés. Cf. aussi H. THURSTON, S. J. Some physical phenomena of mysticism. Stigmatization, dans The Month, CXXXIV, 1919, 39 ss., 144 ss., 289 ss.

(4) L. c.

(5) Stigmatization, The Month, CXXXIV, 1919, 149.

(6) Ibid., 149, n. I.

(7) Supplément, juin I933, p. (5) et Les faits mystérieux de Beauraing, p. 93.

(8) Thomas DE CANTIMPRÉ, Bonum universale de apibus, Douai, 1628. « Nimis … credulus » dit HURTER, Nomenclator literarius, II, 357. Chrysostome HENRIQUEZ, Menologium cisterciense, Anvers, 1630. Un spécialiste de l’histoire cistercienne m’écrit à son sujet : « Il a décerné les titres de Bienheureux et Bienheureuses avec une libéralité sans égale… les récits légendaires abondent et surabondent. » CROQUET, Sancti Belgii Ordinis Praedicatorum, Douai, 1618. « Ses écrits prouvent qu’il était trop crédule » ainsi le bibliographe PAQUOT, XV, 98, qui renvoie à QUÉTIF-ÉCHARD,ScriptoresO. P., II, 543. Quétif relève une forte bévue de Choquet qui fait un martyr d’un apostat, Robert l’Inquisiteur. Ces exemples peuvent suffire.

(9) N° 73, I, p. 109 s. Autre cas : de Philippe de Aqueriis, Philippe d’Aiguière, il fait un Philippe d’Aix, n° 49, p. 65.

(10) N° 293, p. 445. (Nous renvoyons, sauf indication contraire, au T. I).

(11) N° 317, p. 558 ; préface, p. XVIII ; n° 320, p. 567.

(12) THURSTON,The stigmatisée Marie-Julie Jahenny, dans The Month, CLVII, 1931 234 ss.

(13) THURSTON, Stigmatization, ib., CXXXIII, 1919, 402 et A famous eucharistie miracle, CL, 1927, 135.

(14) C’est en s’appuyant sur cette observation que l’auteur de ces pages a pu établir une critique purement historique du cas de Teresa Higginson, stigmatisée :angliase contemporaine ignorée d’Imbert-Gourbeyre, critique dont les résultats se sont trouvés conformes à ceux de bons juges cormme les RR. PP. Thurston, dans ses articles cités, et  Al. Jensscens, Ons Geloof, XVIII., Bruxelles, 1933, 231 ss. Cfr Revue d’histoire ecclésiastique, XXXII, 1936, 447 ss.

(15) Cfr M. LOT-BORODINE, Les mystère du « don des larmes », dans l’Orient chrétien, dans La Vie spirituelle, XL VIII, 1935-6, Suppl., 65 ss. Dans l’Église ukrainienne, catholique-unie, signalons un cas récent de stigmatisation qui s’y est produit, celui de Naszti Voloszen, étudié par le Dr G. Costelnek. Cfr un article publié avec photographies, dans Christos Nasza Sela, du 12 avril 1936.

(16) M. Louis MASSIGNON, spécialiste éminent ès-choses musulmanes, est d’accord sur ce point avec M. Dermenghem. Les musulmans ne présentent pas de stigmatisés, car ils ont une doctrine tout opposée à des phénomènes de ce genre. (Communication faite au R. P. Bruno de J. M.)

(17) I, 27.

(18) Ce sont Marguerite d’Ypres (n° 6, p. 13), sainte Lutgarde (n° 8, p. 14), Walter dominicain (n° 10, p. 15), Béatrice de Nazareth (n° 11, p. 16), Emilie Bicchieri (n° 15, p. 17), Conrad d’Ascoli (n° 18, p. 18), Hélène Brumsin (n° 17, p. 20), Benvenuta de Boianis (n° 19, p. 23), sainte Marguerite de Cortone (n° 20, p. 23), les dominicaines Gertrude de Bruck, Agnès de Blotzenheirn (n° 22 et 23, p. 20) et celles d’Adelhausen (n° 26, 27 et 28, p. 21 ss.), Sophie de Klingnau (n° 30, p. 22) et sainte Mechtilde (n° 31, p. 24),

(19) N° 3, 4, 5, p. 10 s., « Le bon Dr Imbert-Gourbeyre », comme dit le P. H. Thurston,

tente de rétablir la réputation de Thomas de Cantimpré devant les historiens. Peine perdue. (20) N° 21, p. 22. Nous aurons à revenir à Pierre de Duce.

(21) N° 14, p. 17.

(22) Telles Catherine Perez de Carvalho, cistercienne, et Hélène de Hongrie, dominicaine (n° 12 et 13, p. 16), qui n’ont d’autres témoins que le Ménologe cistercienou le Diario domenicano.

(23) IMBERT-GOURBEYRE, n° I, pp, l ss,

(24) Cfr les travaux de !’Abbé L. LE MONNIER et du Dr R. VAN DER ELST dans le Dictionnaire apologétique, IV, 1492 ss. ; de BIHL, dans l’Archivum franciscanum hist., III, 1910, 393 ss. ; du R. P. A. GEMELLI, dans Vitae pensiero, ott. 1924, l’Appendicede Paul SABATIER à sa Vie de saint François d’Assise, 10e éd. Paris, 1894, et l’article cité du P. THURSTON, Stigmatisation, dans The Month, CXXXIV, 1919, spécialement p. 144 ss.

(25) N° 2, p. 10 s, Vita, éd. dans les AA. SS. mart, III, 848 ss. Cfr. J.-.~.-F. KRONENBURG,Neerlands heiligen in de middeleeutaen, III, 146 ss. FRUYTIER, dans Nieuui Nederlandsch BiographischWoordenboek, VI, 407.

(26) IMBERT-GOURBEYRE, n° 16, p. 17 s. L. WADDING, Annales Minorum, ad an. 1284, Lyon, 1628, II, p. 501 ss.

(27) IMBERT-GOURBEYRE, n° 24 et 25, p. 21. Die Chronik der Anna von Munzingen, éd.

D KÖNIG, dans Freiburger Dioc. Archiv, Fribourg-en-Br., XIII, 1880, pp. 167 et 168.

(28) IMBERT-GOURBEYRE, n° 9, p. 15, Cfr THURSTON, Some physical… Stigmatisation, dans The Month, CXXXIV, 1919, 47. Vita Elizabeth sanctimonialis in Herkenrode, Ordinis Cisterciensis, Leodiensis dioecesis, Ed. dans le Catalogus codicum hagiographicorum Bibliothecae regiae Bruxellensis, des Bollandistes, Bruxelles, 1883-1890, I, 362 ss. Le titre, qui donne à Élisabeth la qualité de moniale, n’est pas de l’auteur, il contredit son récit.

(29) « Quae quidem mirabilia Domini opera cum audissern, ego frater Philippus de Claravalle, circa partes illas officium visitationis exercens, non credebam narrantibus, donec ipse veni et vidi oculis meis, et probavi quod dimidia pars mihi non fuerat nuntiata … De multis igitur pauca decerpens, iuxta meae parvitatis arbitrium teste conscientia notabiliora et mira¬biliora describam, ab ils incipiens quae oculata et sic indubitata fide percepi, post hacc adnectens quae ab aliis multis et fide dignis accepi : ut sic auditae rei fidem coadiuvet certi¬tudo visorum et per maiora visa credibiliora reddantur audita minora. » P. 378.

(30) « Sciendum igitur est quod praefata puella manifestissime stigmata Domini notri Iesu Christi in corpore suo portat : in cuius scilicet manibus et pedibus necnon et latere absque simulationis ambiguo aut fraudis scrupulo evidentissime patent plagae recentes, frequenter et maxime sextis feriis sanguinis irriguum evomentes. Vulnera membrorum rotunda sunt, lateris est oblongum : ut illa clavorum, hoc lanceae significent impressuras. » P. 378.

(31) « In persona etiam eiusdem virginis, tanquam purissimae et quadam singulari praero¬gativa dilectionis electae, sponsus virginum, forma prae filiis hominum speciosus, praeter stigrnata supradicta septenis horis singulis diebus, in matutinis scilicet; prima, tertia, sexta • . nona, vesperis et completorio, mirabili modo repraesentationem suae beatissimae et beati¬ficae passionis ostendit. Media siquidem nocte surgit ad confitendum mirifice principia passionis Dorninicae, videlicet quomodo captus extitit et distractus et irnpiorum manibus crudelissime pertractus, Illud tamen non aestimo praetermittendum, quod tam bac quam aliis horis antequam surgat rapitur, et in eodem statu in quo rapitur non modico spatio ut imago quaedam ligni aut Iapidis sine sensu et motu et flatu tota rigida perseverat, ita quod de ipsa nihil tangi aut moveri potest, nec etiam minor digitus, quin tota machina moveatur. Post quem raptum, quasi ad se reversa, surgit et exit de lecto velociter, et incedit per cameram suam mirabili et composito gressu, angelica ut creditur manu ducta. » P. 363. s.)

(32) Ed. c., p. 370. Cfr. THURSTON, l. c.

(33) « Illud etiam hic arbitrer inserendum, quod ego et socii mei, abbates et monachi, in nocturnis et aliis quibusdam horis vidimus sanguinem per ipsius oculos exeuntem et ves-tem lineam qua superinduitur guttis inde fluentibus intingentem. Item per manuum et pedum vulnera sanguis, nabis videntibus, pluries ebullivit. De latere etiam ipsius quadarn feria sexta, hora nona, per aperturam vestimenti sui, factam circa mamillam, sanguinem non omnino rubeum, sed quasi admixtum aquae, vidimus defiuentem. Et vestimentum laneum quod adhaeret carni, vidimus eodern sanguine inquinatum… Nam non sclum indumcntum exterius quod tegit carnem virginis, sed etiam indumentum interius, quod est caro virginis, sanguine aspersum conspeximus et intinctum. Maxillas etiam sanguine ab oculis decurrente vidimus non modicum maculatas. Item aliquotiens per interungues et carnem, nobis intuentibus, fiuxum sanguinis evomit extremitas digitorum : quod forsitan in persona Salvatoris nostri contingere potuit ex angustia et angustiosa brachiorum et ma-nuum ligatura. » (P. 371.)

(34) PHILIPPB DE CLAIRVAUX signale d’abord deux traits que voici pour la curiosité des médecins : « De ore ipsius nec saliva nec sputum, nec de naribus eius aliqua emunctionis materia aut humor aliquis emanavit. De cibo autem et potu ipsius, expertus hoc scribo, Semel hora debita, si bene memini, inter sextam et nonam, attulit mater eius eidem modi¬cum lactis in quadam scutella : et tune quidam socius et coabbas noster de Valle Clara coclear Iacte plenum applicuit ori eius. Quo cocleari tribus interpolatis hiatibus satis ut videbatur difficulter exhausto, fastidire coepit et quasi abhorreret cibum oblatum. Et statim oblatum est ei poculum vini lymphati; et cum gustasset, noluit bibere. Et bona conscientia audeo dicere quod plus bibendo semel hausisset de gurgite vel de fonte columba, quam puella de cypho. Ad hoc enim, ut creditur, manducat et bibit, ut hominum satisfaciat voluntati, magis quam suae voluptati vel etiam necessitati. » (P. 378.)
Pour finir, ce trait de désintéressement : « Et notandum quod ipsa aut parentes aut familia domus suae ad accipiendum aliquod munus aut donum aut quodcumque exenium quacum-que importunitate seu instantia flecti non possunt. Satis enim habenr, ut asserunt. » (lb.)

(35) « Narravit mihi et sociis meis praefatus abbas quod in die Parasceves anno MCCLXVI0 praedicta puella in quodam intervallo horarum, id est inter duas boras, quando more solito quiescere solebat a poenis, coepit dolere caput suum, et non potuit illud super pulvinar in eodem statu diutius retinere; sed per varias vicissitudines volvebat bine inde. Quod euro adverterent mater et sorores praedictae, accenso lumine, caput virginis propius et attentius i ntuentes, viderunt et assistentibus ostenderunt in circumferentia capitis virginalis ad mo-dum coronae quasi spinarum puncturas, guttis sanguineis rubricatas, spineam coronam Domini figurantes. » (P. 376.)

(36) A. STROICK, O. F. M. Wer ist die Stigmatisierte in einer Reformschrift Jür das ztoeite Lyoner Konzil ?dans Historisches Jahrbuch, 1930, L, 342-349.

(37) L’abbé de Saint-Trend chargé de la conduite d’Élisabeth est Guillaume ler, qui régit l’abbaye de 1248 à 1272. Cfr Gesta abbatum Trudonensium, éd. Koepke, dans Mon. Germ. hist., Script. X, 396 ss. Sur Philippe de Clairvaux, + 1273, cfr Gallia christiana, IV, 807.
Le R. P. DE GAIFFIER, Bollandiste, a découvert dans une vie qu’il se propose d’éditer prochainement, De sancto Conrado conf. monacho Cist. ord. une allusion inattendue à une Élisabeth, stigmatisée, « in civitate quae ad Sanctam Drudam est nuncupata », qui fut consultée sur la gloire céleste de ce Conrad par Rycolphe, abbé cistercien d’ Arnesburch, en Hesse. Ce lointain témoignage semble bien viser notre Élisabeth. Cfr l’article à paraître dans les An. Boil., LIV, 1936, fasc. 3-4, sous le titre Le martyrologe et le légendier d’Hermann Greoen.Le révérend Père soit ici remercié de son aimable communication.
Le R. P. THURSTON donne 1275 comme date de la mort d’Élisabeth, sans indiquer ses sources. Dans Studies, juin 1933, 228 ss.

(38) IMBERT-GOURBEYRE, n° 32, pp. 25 ss.

(39) Vita ex Mss, schedis Hugonis confessarii ab auctore anonymo compilata. Éd. AA. SS.,

apr. II, 158 ss.

(40) Op. cit. c., 158.

(41) Cité par IMBERT-GOURBEYRE, l. c.

(42) Les légendes hagiographiques, 2° éd. Bruxelles, 1927, p. 67.

(43) Op. c., p. 345.

(44) THURSTON, Stigmatization, p. 40 ss. Le R. P. PFUELF, S. ], signale également une stigmatisée douteuse, Gulielma de Milan, morte en 1281, Kirkenlexicon, 2e éd. XI, 816.
Sur les deux cas cités dans le texte, cfr THURSTON, Stigmatization, 40 ss. Les stigmates, même faux, de Robert d’Auvergne paraissent fort invraisemblables. Ils ne sont rapportés que par Étienne DE BOURBON, dans un recueil d’exemples pour prédicateurs. Tractatus de diversis materiis praedicabilibus, éd. Lecey de la Marche, Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés du recueil d’Etienne de Bourbon, Paris, 1877, 277, Ce qu’on sait d’ailleurs de ce personnage, de mœurs assez légères et troubadour plein de talent, ne s’harmonise guère avec cette histoire de stigmates, Cfr Histoire littéraire de la France, XVIII, 608 ss., par Émeric DAVID, Le récit d’Étienne de Bourbon n’est sans doute qu’une simple historiette pour prédicateurs.

(45) P. 80.

(46) Sainte Gertrude, n° 33, p. 31. Sainte Catherine de Sienne, n° 50, p. 66.

(47) Sainte Angèle de Foligno, n° 37, p. SI. Marguerite de Faenza, n° 42, p. 58. Bienheureuse Claire de Rimini, n° 43, p. 58. Flore de Maurs, n° 44, p. 58 s.

(48)  N° 53, p. 78. Vita auct, Joanne Marienwerder, éd. AA. SS.oct. XIII, 508 ss. Il est dit dans cette vie : « Qualiter seipsam castigavit et vulneravit » (c. XV), et « Vulnera sua rebus mordacibus plus exasperavit », (c. XVI). Il faut toute la candeur du Dr Imbert-Gourbeyre pour admettre l’origine surnaturelle de stigmates présentés dans des conditions pareilles, et hors des lieux d’élection. Cfr Jean MARIENWERDER, Septilium B. Dorotheae, éd. Franc. Hipler, dans Analecta bollandiana, II, 1883, 425 ss. Spécialement L. I…, « De caritate », c. XI, « de lanceatione et vulnerum dulcore », où l’auteur renvoie à la Vitaet la complète un peu.

(49) Jeanne d’Orvieto, n° 34, p. 33. S. Roch, n° 41, p. 57. Agnès de Bavière, n° 46, p. 60, Villana de Bottis, n° 48, p. 63. Bse Brigide de Hollande, n° 51, p. 77 s. Jeanne de Verceil, n° 52, p, 78. Les titres de Nicolas de Ravenne n’ont pu être examinés, n° 54, p. 79 s.

(50) 1. IMBERT-GOURBBYRB fait fête à Ste Claire de Montefalco : il lui consacre seize pages (n• 36, pp. 35-50), et une gravure, La Vie, par MoscoNIUS, Bologne, 1601, a été reproduite dans les AA. SS., aug. III, 766 ss.

(51) W ADDING, Annales Minorum, ad an. 1308, n° 77, reproduit dans les AA. SS., t, c. 666 signale les Vies de Claire, et en premier lieu, celle de Bérenger de Saint-Affrique. Faloci Pulignani, cité ci-dessous, p. 24 ss., donne une liste plus complète des vies de la sainte.

(52) BÉRBNGER DB SAINT-AFFRIQUE, Vita sancte Clare de <ruce. Éd. chan. Michele FALOCI PULGNANl, Vita di santa Chiara da MonteJalco, scritta da Berengario di Sant’Africano e publicata per la prima volta. Foligno, 1885. L’édition est précédée d’une bonne introduc tion, où nous lisons que Bérenger composa sa vie de sainte Claire en s’aidant des dépositions que lui-même avait recueillies en vue d’engager le procès de canonisation, et avant que la cause fût portée à la cour pontificale, donc entre 1315 et 1316 our 317. Le cardinal Napo¬léon Orsini, chargé par le Pape de mener l’enquête pontificale, composa de même un résu-mé ou Summarium de la vie. Ce sommaire fut traduit en italien et publié par Augustin de Montefalco, ermite augustin, sous le titre de Vita ; Miracoli et Reuelationi della Beata Chiara de Monte Falco: de lordine di Sancto Augustine. Examinate da. xii Cardina/i. Venise, 1515. Ce sommaire, trop bref, ne vaut pas celui de Bérenger.

Si l’introduction du chan. Faloci Puignani est bien documentée, le texte qu’il reproduit semble l’être de façon parfois fautive. Nous n’entreprendrons pas de le corriger. Le lecteur sache que les (sic) semés dans le texte ne sont pas tous de l’éditeur italien.

(53) Sur ce point, nous adoptons l’avis du R. P. Lucidius Verschueren, dans sa préface â une vie toute récente de la sainte: OLAV BoT, O. E. S. A., Klara van MonteJalco, Hilver¬sum, 1936, L’auteur et le préfacier ont une opinion plus favorable que la nôtre sur la réalité des stigmates figuratifs de Claire. Nous citerons largement nos sources, le lecteur pourra juger. Ajoutons que cette Vie se rattache fâcheusement au genre des biographies romancées.

(54) IMBERT-GOURBEYRE, p. 35, d’accord avec la Vita de BÉRANGER, p. 47 s.

(55) Itinerarium Romanum, cité dans les AA. SS., t. c. 675,
Le dessin représentant les stigmates figuratifs du cœur est reproduit deux fois par IMBERT-GOURBEYRE, I, 45 et II, 49, et de façon différente dans les AA. SS., t. c., 673. Comme bien on pense, ce sont des dessins faits de chic.

(56) L’autopsie du cœur fut faite le lendemain des funérailles.
FALOCI, p. 112. « In sero die dominicae crastinae subsequentis fuit apertum cor Clarae Virginia, in quo thesaurus crucis sicut ipsa praedixerat, quamvis verba ipsius intellecta non essent, et passionis Christi cuncta insigna erant reposita sed occulta. Habebat enim haec virgo legis evangelicae renovatrix signa omnia Christi passionis in corde et in loco fellis quod durum et aridurn dominae corpus aperiendo repererant insigna Trinitatis, Nam in corde praedictae virginis erant in nervorum durorum carnea similitudine, ex una parte cru. », tres clavi, lancea, spongia et rundo, ex altera vero columna frusta seu flagellum cum V funiculis et corona. In fellis autem loculo nullus liquor remanserat, sed ibi erant tantummodo tres lapides rotundi spirici (sferici ?) per omnia similes coloris fusci sicut credo indesignabilis, et nullius specialis coloris mixti, quodam modo inter omnes colores, qui lapides repraesen-tabant verisimiliter Trinitatern.
Similitude vero praedictorum insignum talis erat. Cor ipsius virginis grossum quasi caput alicuius pueri parucchini ex parte anteriori sic erat pinguedine coopertum quod nil macre carnis intrinsece videbatur. Et in parte interiori concavum erat et vacuum, et quod habent corda alia, ullum intermedium carnis habens, nisi quod in ipsa concavitate praedicta insigna continebat. In cuius cordis aperitione, unum valde miraculosum adparuit quod, illa domina quae cor ipsum aperuit nequisset rasorium ad dexterarn vel sinistram etiam per unius crossi turonensis (p. 113) spissitudinem deviare, aut profundius mittere quin aliquod de praedictis insigniis destruxisset (Sic).
Crux vero in similitudine tam facta pedern seu stipitem habebat quasi similem pollici digito virili in grossitudine et longitudine muliebri. Et crucis brachia subtiliora praedicto stipité alicui mediocri digito in grossitudine aequabantur. Et unum quodque ipsorum habebat longitudinem duorum digitorum cor in intranverso. Pes autem et brachia supra¬dicta ea parte qua insimul iungebanturetcirca, erant grossiora sed subtiliora in extremitati .. bus et inter ipsa crucis brachia de super in stipitis crucis, oppositum caro aequalitatem brachiorum transversalium excedebat quasi caput dornini morientis inclinatum ad partem dexteram designaret, Sed ipsa brachia inter se aequalitatern omnimodam non habebant sed incipientes a stipite extremitates eorum mediocriter in altum et dexterum brachium grossius erat sinistre, Sinistrum vero subtilius dextrus (sic)et longius, sed non multum. Insuper etiam. ipsa crux a summo usque ad pedem erat divisa per medium in colore, et pars dextera erat rubea quasi bruna, pars vero sinistra ad colorem albedinis adtrahebat. Et fratres hoc testimonium perhibentes illam partem dexteram esse intelligunt non crucem ipsam, imm.o verius species humani corpusculi crucifixi quae sub coniunctione brachii in latere quamdam aperturam habebat quasi repraesentaret Christi plagam vulneris lateralis. Et pensatis omnibus crucis illius circumferentiis, potius videbatur crux illa repraesentare Christi crucifixi cum cruce similitudinem, quin tantum modo lignum crucis. Et dominus Tedericus de Urbe veteri tune miles et paulo post ordinem praedicatorum {p. 114) ingressus et dominus Bar-tolus de Perusio et testes alii fide digni mirati dixerunt se vidisse et cognovisse in illa cruce formam humani corporis crucifixi et etiam humanorum lineamenta membrorum. Quamvis dominae monasterii de hoc non deposuerint sic distincte, nec ego qui inspexi pluries et palpavi membrorum minutorum lineamenta cognovi, sed tantum crucem et formam humani corporis crucifixi, Crux etiam ipsa ceteri carni cordis ipsius in aliqua sui parte nullatenus iungebatur, nisi quod ex una parte illius seu cellulae in carne cordis stabat reposita et im- pressa, ac si in aliqua cassa sibi consimili et conformi reposita extitisset. Quae e qualitate carnis cordis et crucis ac si (sic) cellulae ac dispositione superficiei et soliditatc facillime poterat deprehendi et ad oculorum se adspectum (p. 115) manifestissime adparebat. Habebat tamen crux ipsa in inferiori sui parte nerviculum quoddam subtilissimum quasi filum per quem inferiori parti cordis tantummodo iungebatur, Creverat etiam crux ipsa tantum in corde virginis supradictae quod sumrn.itates crucis et transvcrsalium brachiorum voltam superiorem cellulae cordis invaserat, etiam in carnem superiorem cordis ipsius stabant repositae et cor ipsum in totum perforatum extiterat ab altero brachiorum. Pes crucis sive stipes partim discoopertus partim in longum repositum infra carnem et concava cordis cellula existebat.
Ex crucis autem opposito stabat quidam nervus rotundus et durissimus quem ego ipse palpavi stringcndo digitis nec videbatur de facili posse flecti et ille nervus partim erat repositus infra carnem partimque cord.is concavitate derentus, et erat unius communis digiti virilis in longitudine et grossitudine quasi minus grossae pennae anseris seu minoris digiti pueritii. Nervi autem illius summitas habebat V nerviculos divisos ab invicem et nodatos, non quod in ipsis nodi manualiter essent facti, sed quia caro in aliquibus locis aequalitatem communem nerviculorum illorum subtilium in grossitudine ad modum nodi aliquantulum excedebat ac si nodi in alicuius flagelli seu frustae funiculis essent facti. Ex quibus nervis illa frustam (sic)qua Christus fiagellatus extitit repraesentare per omnia videbatur. Frusta autem huiusmodi in sui parte inferiori carnern habebat mollem latam et tenuem ac si caro illa repraesentaret corrigiam per quam frusta aliqua consuevit adpendi. Funiculi etiam frustae seu flagelli ipsius in parte superiori cordis sicut et crucis sununitas stabant absconsi repositi et reflexi. Quorum color brunus quasi rubedinem adtingebat, ac si fuissent percus¬sionibus sanguine rubefacti. Color vero nervi seu baculi supradicti quasi esset lignum ad albedinem adtrahebat. In nulla autern sui parte frusta seu flagellum praedicta alteri cami cordis in aliquo se tenebat, sed stabat ipsa reposita et partim discooperta quasi in aliqua cassa sibi consimili sicut de cruce superius est praedictum.
(P. 116). In (inter?)crucem autern et frustam praedictas sed propinquius ipsi frustae quidam nervus durissimus et aequalis grossitudinis minoris digiti puerilis bruni coloris quasi ad nigrum adtraheret stabat recrus, columnam illam ad quam Christus ligatus et flagellatus extitit ut videbatur per omnia repraesentans. Cuius infirmitas (sic)parti inferiori cordis ipsius firmiter se tenebat, summitas vero quasi essct ligata funibus superiori carni ipsius cellulae iungebatur. Erat enim in summitate columnae quaedam nerviculorum subtilium adunata congeries per quos ipsa columna parti superiori cellulae iungebatur. In partibus intermediis columna praedicta expedita et libera existebat, et nulli carni alteri iungebatur.
Ad pedem vero columnae ipsius quidam nervus subtilior ad modum semicerculi adparebat coronam quae Christi capiti fuit imposita rcpraesentans. Nam circa se undique ha be bat nerviculos nigros subtiles et breves sibi contiguos, spinas ex sui dispositicne et omnibus circumstantiis repraesentantes. Et hoc etiam nervi illius forma rotunda et dispositio ostendebat. Corona tarnen huiusmodi non erat a carne columnae separata, sed nervus ille aequa¬litatem carnis alterius in spineae coronae similitudinem excedebat,
Ex parte vero crucis erant tres clavi nigri, carnei quidern ut creditur, sed durissimi, voltae seu testudini scilicet carni suprastanti cordis cellulae sic adpensi, quod ipsorum capita rotunda oblonga grano frumenti aliquantulum grossiora, rei alicui non coniuncta pendendo versus partem inferiorem ipsi cellulae existebant, Et pars clavorum subtilior, scilicet punctae ipsorum, quibusdam filis carneis subtilissimis quasi essent fila huiusmodi clavi per punctas existebant adpensi : non quod singuli clavi filis singulis sint vel essent adpensi, sed unus¬quisque clavorum duobus filis discretis ab invicem, sibi tamen invicem propinquissimis pendebatur. Per claves autem praedictos clavi quibus Christus extitit crucifurus nobiliter designatur (sic). Nam et unus eorum clavum peduum (sic)significans erat et est grossior et exsistens remotus ab aliis fi.lis longioribus pendebat, sed alii duo clavi minores tertio filis adpensi brevioribus sibi invicem viciniores existunt. Ex quibus verisimiliter creditur (p. 117) quod ille maior et remotior clavum pedum et isti duo viciniores clavos manuum repraesentant.
Et iuxta subtusque fila clavorum, quidam nervus durissimu et acutus ita quod flecti non poterat de carne cordis egredi videbatur. Et habens in puncta colorem nigridinis sicut fer-rum, per concavitatis cordis medium quasi in imum declinans transversaliter tendebatur. Ex cuius dispositione et forma potest facile dcprehendi quod lancea cum qua Christus extitit vulneratus designat,
Ex latcrc vero crucis et in parte inferiori cordis ipsius erat quidam quasi grossitudinis unius calami pene amseris (sic), carni cordis coniunctus et carnis ceterae aequalitatem ad modum baculi vel arundinis erecti in altum excedens, et in ipsius arundinis summitate quadam subtilium nerviculorum quasi in forum (informium ?) congeries existebat, spongiam aliquam super immissam arundini ex sua dispositione et colore designans. Ex quibus cognescitur quod ista significant spongiam et arundinem quibus Christus fuit portatus (sic : potatus) in cruce.
In fellis autem loculo tres lapides fuerunt reperti quorum quilibet grossitudinis unius avellanae mediocris seu pollicis mulieris, Forma eorum rotunda sperica (spherica ?) color rnedius inter obscurum et pallidum qui colori alicui speciali ut aestimo assimilari non potest, Ex quorum forma numero similitudine, et colore divinarum personarum Trinitas idonee designatur, praesertim quoniam praedicti lapides tanta similitudine sibi ad invicem adaequantur quod vix aliqua differentia discernitur inter eos.Dequibus etiam post prolixum stu¬dium medicorum et naturalium talis sentcntia emanavit, quod nullo modo potuerant per naturam sed solum hoc faciente divina potentia generari. » Tout ce passage est reproduit dans la Revue de l’Art chrétien, nouv, sér., VI, 1888, 248 ss.

(57) « Praedicta insigna in Clarae corde et corpore per dominas ex proposito non fuerunt quaesita, sed statim post Clarac transitum in mentem omnium et singularium monasterü dominarum quaedam cum fervore maximo inspiratio supervenit, ut corpus Clarac, pcr quod tot sancta opera erant facta, si passent penitus conservarent. Et ideo exteriora (sic: interiora) extrahere voluerant. Cor autem eius in quo tot inspirationes divinae, tot sanctae considera¬tiones, et proposita fuerant, corruptioni tradere noluerunt, sed potius conservare. Et dum pro conservando ea corpus et cor praedicta parabant, sine sua proposito in corde passionis mysterium in praedictis insignis Christi et post modum in loculo quo fel secundum naturam esse debuerat, praedictos tres lapides reppererunt , Nam quarnvis ante cordis incisionem loculurn fellis durum et aridum a iecore primitus avulsissent quoniam tamen Dei virtute, et quod ibi latebat mysterium ignorabant; per plures dies lapides in loculo integro ex negli¬gentia dimiserunt, donec post publicata cordis insigna, de medici consilio aperuerunt loculum et lapides reppererunt, Ipsi autem lapides extracra de loculo insimul se tenebant, sed dum vino per dominas lavabantur absque tamen omni violentia ab invicem (seiuncti sunt). » P. 118.

(58) Joh. JOBRGENSEN s’est heurté à cette légende des trois pierres et de leur poids miraculeux. Comme à Papebroch et Henschenius en 1660 (cfr. AA. SS., t. c., 675) on lui montra en 1895 le corps incorrompu de sainte Claire, « les instruments de la Passion qu’avait contenus le cœur … et la prétendue croix lui parut être tout simplement le muscle qui sépare l’un de l’autre les ventricules du cœur. Les trois boules aussi étaient là; mais lorsque le professeur en arriva à elles et assura que chacune d’elles avait le même poids que les autres, mais que deux d’entre elles ne pesaient pas plus qu’une seule, alors Giovanni fixa longuement les yeux bruns-clair de cet homme, et puis se retourna brusquement, et ne put s’empêcher de murmurer, dans sa langue maternelle : « Quel odieux mensonge ! » Le livre de la route, trad. T. DE WIZRWA, 4e éd. Paris, 1912, 232 ss. On sait que cette légende entrava quelque temps cette âme loyale en quête de la vérité. Il est revenu dix ans plus tard sur se sujet, après un entretien avec Mgr Faloci, qui lui fit voir que cet embellissement légendaire ne se trouve pas dans Bérenger de Saint-Affrique. Pèlerinages franciscains, trad. du même, 8° éd. Paris, 1911, 191 ss. C’est à la fin du XV8 siècle qu’on en trouve trace dans un recueil de biographies franciscaines édité à Vicence en 1497. Pèlerinages franciscain, 194 ss.

(59) « Exsistens autem verisinùliter creclitur Claram virginem cognominatem de cruce, crucem et cuncta passionis mysteria Christi insigna ex tune in sui corporis corde non solurn imaginatione contemplando sed etiam corporaliter et sensibiliter habuisse. Et quia alterum crucis quem in corde gerebat brachium transversalitcr cor ipsum transfixerat et perforaverat usque exterius sicut post mortem Clarac cunctis volentibus cernere fuit notum. Ipsa etenim Clara in infirmitate qua transivit de hoc mundo, dixit quinquies se Christi crucem habere in corde. Christi autern adparitione cum cruce et verba Christi praescripta duabus dominabus sibi secretioribus et alias suo confessori diu ante suum ohiturn revelavit, sed de immissione sibi facta non retulit nisi hoc tempore quod circa obitum de cruce expressit. » P. 59 s.

(60) IMBBRT-GOURBEYRE, II, ch. IV, 37 ss. Il cite sainte Thérèse, sainte Claire de Monte-falco, sainte Véronique Giuliani, Florida Cevoli, disciple de cette dernière. On peut en rapprocher aussi Marguerite de Città di Castello, qui viendra plus loin. Le cœur de sainte Thérèse sera étudié plus loin par le R, P. Gabriel de Sainte Marie-Madeleine.
Le Dr Van Landschoot a bien voulu nous accorder, dans l’examen de ce cas, les lumières de sa haute compétence. Qu’il en soit ici remercié.

(61) N° 154, p. 196; n° 164, p. 199 ; n° 238, p. 316, et t. II, 61 ss.

(62) IMBERT-GOURBBYRE, n° 39, p. 56.

(63) Sur cette Vita primigenia, cfr An. Boll., XIX, 1900, 27, et XXXVIII, 1920, 451. Se trouve dans un manuscrit de Thomas de Sienne, fin du XIVe siècle ; l’invention des perles est racontée au ch. VIII de cette Vita.

(64) DE GANAY, Les Bienheureuses Dominicaines, Paris, 1913, p. 142 s.

(65) Vita felicis recordationis sororis Lukardis sanctimonialù in Superiori Wimar, éd. dans les Analecta Bollandiana, XVIII, 1899, 310 ss. M. WIELAND, Die selige Lukardis zu Oberweimar, dans Cisterciender Chronik, X, 1898, 193 ss.

(66) T. c.,306.

(67) T. c.,310, n° 3,

(68) Ch. IX et X, p. 315. Les descriptions que nous en donnent les témoins contiennent d’amusantes exagérations : le médius qui frappait la paume opposée avait comme la dureté du métal, et ce choc faisait tant de bruit qu’il s’entendait dans toute l’étendue du cloître. Ainsi, à Beauraing un témoin de la fameuse chute simultanée des enfants au moment de l’apparition ne pouvait mieux en caractériser le bruit qu’en le comparant à « un coup de canon ».

(69) Vita, ch. XXXV, p. 327.

(70) Vita, ch. XXXVIII, p. 330 s.

(71) Vita, ch. LX, p. 345; ch. LXIII, p. 347; ch. LXVI, p. 349 ; ch. LXXV et LXXVI,

  1. 355; ch. XCVI, p. 365.

(72) The case of blessed Christina of Stommeln, dans The Month, CLII, 1928, 289 ss. et ,425 SS.

(73) Une idylle monacale au XIIIe siècle. Christine de Stommeln, dans Nouvelles études d’histoire religieuse, Paris, 1884, 353 ss.

(74) N° 38, p. 51 ss. ; il écrit Christine de Stumbele, d’après la forme latine. GÖRRES,I, 169.

(75) Jun. IV, 270-454; 3e ed, jun, V, 231 ss. Bollandus avait pris copie des actes ; elle fut reproduite par PAPEBROCH. On n’y a pas suivi l’ordre de l’original, et de nombreuses fautes et coquilles déparent cette édition, sans altérer sa fidélité générale. Cfr J. PAULSON, Jülicher-handskriften till Petrus de Dacia, Göteborg, 1894. Le même, ln tertiarn partem libri Iuliacensis annotationes, Göteborg, 1896. PAULSON a édité l’œuvre de Pierre de Dace dans Scriptores latini Medii Aevi Suecani, Göteborg, 1896. Cfr An. Boll., XVI, 1897, 532 ss.

(76) THURSTON (art. cité, 290 s.) groupe comme suit les documents de Pierre de Dace, que les Bollandistes ont disposés autrement et divisés en six livres, t. c. :
1° Une vie dictée par Christine en 1270 à son curé Jean. AA. SS., Prologus, 275 ss. ;
2° Récit de Pierre de Dace de ses relations avec elle en 1267-1269. Son récit est sincère.

  1. SS., L. I, 279 ss.
    3° Correspondance de 1269-1277, du départ de Pierre à la mort du curé Jean, qui servait de secrétaire à Christine. Jean est un secrétaire fidèle, fort crédule, mais qui a été témoin de certains faits extérieurs. AA. SS., L. II, 300 ss. ; L. III, 323 ss. ; L. V, 409 ss.
    4° Correspondance de 1277 à 1288 (mort de Pierre de Dace); un autre Jean, maître d’école, tient la plume pour Christine et couche par écrit toutes ses extravagances. AA. SS.,
  2. IV, 344 ss.
    Notons encore que Pierre composa un panégyrique de son amie, si abscons qu’elle ne s’y reconnut pas, et que Bollandus renonça à le recopier. Il n’en donna que l’introduction. AA. SS., L. VI, 429 ss.
    Suit dans les AA. SS.,431 ss., une vie anonyme, d’un contemporain, faite sur les actes rassemblés par Pierre et continuée sommairement jusqu’à la mort de Christine.
    QUÉTIF-ÉCHARD ont fait des observations critiques sur l’édition des AA. SS., dans Script. O.P.,I, 407 ss.
    Le lecteur n’aura pas confondu Christine de Stommeln, dont le culte a été reconnu en 1908 par Pie X, avec son homonyme Christine de Brusthem, dite I’ Admirable, morte en 1224, sur laquelle on sait très peu de choses… assurées. Cfr L. MASSlGNON, L’apostolat de la souffrance et de la compassion réparatrice au XIJJe siècle. L’exemple de sainte Christine l’Admirable, dans La Cité chrétienne, V, Bruxelles, 1931, pp. 188 ss. et 233 ss. Christine I’Admirable n’entre pas dans le cadre de notre travail.

(77) AA. SS., 276.

(78) Art. c.,292 et 432. PAPEBROCH disserte sur ce cas et lui trouve des pendants plus récents, AA. SS., 272 ss.

(79) AA. SS., 279 ss.

(80) THURSTON,Art. c. 428 s, 433 S. et passim.

(81) AA. SS., 289.

(82) AA. SS., 320 B. Ces fugues ont des témoins, elle est détachée par d’autres qui la découvrent dans cet état et lui délient les pieds. On pourrait citer de nombreux textes où se dévoile sa hantise du nu. Tous les sévices démoniaques s’exercent sur son corps dépouillé, elle se voit ainsi découverte par des voleurs (AA. SS., 388 ss. et tout le livre IV). Ceci est imaginaire et sans témoin. Mais un jour, étant avec le frère Gérard elle avertit que le démon menace de la dépouiller, et demande qu’on se retire, Gérard demeure, et le démon arrache et déchire manteau et tunique, sans la déshabiller complètement. AA. S., 314 F, Le bon frère Gérard n’y voit goutte ; un psychiatre comprendra.

(83) L. IV, passim, spécialement 385.

(84) AA. SS., 334 F et 340 E. La remarque est du curé Jean.

(85) « Dum sic occupata erat spiritu, aperuit manum sinistram : et rem vidi ab infantia desideratarn, et nescio si usque ad illam horam rem adspexi tam devotam, et tam decoram, quae cor meum tantum laetificavit et aedificavit, Vidi enim in manu virginea candida crucem dominicam colore sanguineo rubentem. Erat enim crux illa, non colore nec cruore tantum depicta, sed carni ipsi cum vulnere manifesto impressa, non simpliciter formata, sed decen-tibus et pulcherrimis floribus adornata, et adeo mirabiliter ordinata quod cuilibet adspicienti patuit, quod eam ars humana nunquam effigiasset, quamvis in hoc totum studium suum expendisset. » AA. SS., 284 B C.

(86) «  In medio palmae utriusque manus vidi vulnus, caro enim nuda adparuit ad latitudi-nem unius sterlingi, forrnam habens rotundam ; non pictam, sed carni absque notabili pro-funditate impressam : quod et per octo dies perseveravit, licet successive et paulatim per singulos dies minueretur. » AA. SS., 286 A B.
D’autres cas de stigmatisation des mains sont rapportés par Pierre. AA. SS., 290 (il s’agit alors d’une croix principale entourée de deux autres plus petites), 297, 299, 325, etc. D’autres cas semblables sont décrits par le curé Jean, et par maitre Jean, qui donne moins confiance, AA. SS., 313, 314, 321, etc., 351, 354, et passim.

(87) « Non puto casu, sed natura cogente, et Dei providentia procurante, euro dicta persona debuit spuere, peplum quo facies recta erat elevavit : et quia ad pedes sedi, intuitus sum sub peplo vultum eius, urique non vultum angeli, sed tanquam nullum similiore m vultui summi pontificis [id est Christi], quo quis adspecto poterat mente vulnerari. Erat enim totaliter Iividus, et quasi ad nigredincm de.clinans, quale m faciem humanam nunquam adspexi; quasi cum baculo totus fuisset concussus. » AA. SS., 285 A.

(88) AA. SS., 297 C D.

(89) Cum autem anteriorem partem capitis discooperuisset, invenimus tres rivas quasi de uno fonte sanguinis defiuere, quorum quilibet tenebat latitudincm duorum digitorum : ex quibus duo extremi tendebant ad ipsa [tempora]; medius medium iter adversus nasum tcnebat, AA. SS., 299 A.

(90) AA. SS., 298 E.

(91) AA. SS., 299 B.

(92) AA. SS., 290 A.

(93) Ch. X.AA. SS., 454 D. RENAN, o. c., 393.

(94) IMBERT-GOURBEYRE, n° 47, p. 62. AA. SS., jan. I, p. 348 ss. Le vers thiois est cité dans les I., p, 349.

(95) Vita, c, IV, 351.

(96) « Potius enim desiderarem sustineremque me· poni spectaculum cunctis hominibus in cupa supra foricarnpum, ut omnes homines cernere passent insignia divinorum mirabi-lium, et cernentes laudarent ac glorificare nt Deum. » L. c.

(97) IMBERT-GOURBEYRE dit que les stigmates saignèrent tous les jours. Je ne sais si on peut tirer sûrement cela du texte : « Nam non solum nocre Parasceves illa, verum etiam clara die, sed et deinceps diebus multis ex sacrosanctis vulneribus profluxit sanguis pulcherrimus rubicundi coloris septies in die, per singulas scilicet boras canonicas : qui quidem cruor de stigrnatibus profluens, receptus est in peplis eiusdern Gheertrudis sollicitudine praeparatis. » L. c.

(98) Vita, c.V, 351; elle mourut le 6 janvier 1358, c, VIII, 353.

(99) Vita, c.VII, 353

(100) IMBBRT-GOURBEYRE, n° 49, p. 65. Il dit par erreur : Philippe d’Aix (Aqueriis),

(101) Annales minorum, ad. ann. 1369, XV.

(102) Voici le texte latin : ‘Assidua contemplatione Christi recogitanti passionem, eidem compati et dolores participare cupienti, Christus adparuit cruci adfixus, ex vulneribus copio-sum sanguinern tanquam sagittas emittens ad manus, pedes, et latus Philippi, quae miro modo cruentavit. Ab hoc tempore Dominicae passionis dolores tulit, et Christi crucifixi ita ei interne impressa effigies, ut ipsum interius mentis oculis assidue cerneret, et quasi clavis, lanceaque perfossus dolores ipsos pateretur cicatricum, quos quibusdam cruciatibus in ipsis illis lacis solebat efficacius irritare : super haec yariis coepit languoribus contcri… ), L. c.

(103) On ajoute que ses plaies, infectes jusque-là, commencèrent à embaumer quand il fut mort. Cela fleure … la légende.

(104) Mechtilde de Stanz, n° 35, p. 34. Marguerite Ebner (+ 1351), n° 45, p. 60. Les stigmates de la première sont plutôt invisibles, et toute l’histoire, telle qu’IMBERT-GOURBEYRE nous la livre, a l’allure d’une belle légende. Sur Ebner, Görres dit qu’elle n’eut que les stigmates invisibles (La mystique divine, II, 180), Imbert-Gourbeyre lui attribue des stig-mates visibles, reçus en 1339. Les textes traduits en mauvais français par la Contesse Marie DE VlLLERMONT. Un groupe mystique allemand. Étude sur la vie religieuse au moyen âge, Bruxelles, 1907, p. 358, 375, 401, font croire à des stigmates invisibles. Un psychiatre devrait étudier ce cas.

(105) IMBERT-GOURBEYRE, 112.

(106) Jeanne de Maillé, n° 55 p. 83 ; Marie de Massa, n° 62, p. 93 ; Christophe Crivelli, n° 69, p. 108 ; Françoise de Pérouse, n° 70, p. 108 ; Eustochium Colonna, de grande famille nous dit lMBBRT-GOURBEYRE, n° 78, p. 111, mais il néglige de noter que c’était la fille d’une religieuse séduite, Madeleine Calvacabo. Cfr H. THURSTON, A Cinderella of the cloister, dans The Month, CXLVII, 1926, 134 ss. Bienheureuse Véronique de Binasco, n° 79, p. 111. Alain de la Roche, n° 76 p. 110.

(107) Faute de preuves ou d’attestations suffisantes, nous écartons : Robert Malateste, n° 58, p. 86 ; Stiva de Hamm, n° 63, p. 93 ; Luc de Pontecorvo, n° 67, p. 108 ; le stigmatisé inconnu de Wadding, n° 68, p. 108 ; Matthieu Carreri, n° 71, p. 109 ; Ugolin de Mantoue, n° 72, p. 109 ; Christine de Nimègue, dont IMBBRT-GOURBEYRE fait une Christine de Noyon, comprenant mal le « Noviomagis », de Denys le chartreux, qui fait une allusion rapide à ce cas de stigmates inconnu d’ailleurs, n° 73, p. 109 ; Marie de Aïofrin, n° 77, p. 110.

(108) Curieuse distraction d’IMBERT-GOURBEYRE : « Le 7 février 1435, mourait à Bologne la bienheureuse Julienne veuve ; on trouva une croix imprimée dans son cœur. Elle vécut dix années dans le mariage ; son fils se fit prêtre, et sa fille, religieuse. » (P. 91.) Et p. XXIV n° 60, il allègue les Bollandistes, au 7 février. Si nous nous y reportons, nous trouvons, en effet, fevr. II, 48 ss., De sancta Juliana oidua Bononiae in Italia. Elle consacra ses filles à la virginité et son fils au service des autels, et les Bollandistes ajoutent : « cuius cordi Crucem impressam aiunt visam fuisse ». C’est donc bien la même, sauf ce détail… que S. Ambroise a fait l’éloge de cette veuve dans un discours dont les Bollandistes reproduisent le passage intéressant, et qu’elle mourut, selon le calcul qu’ils rapportent, le 7 février vers 435. Comment IMBBRT-GOURBEYRE l’a-t-il rajeunie de mille ans, on se le demande. Peut-être parce qu’il a vu citée une bulle de Sixte IV de 477… Quoi qu’il en soit de cette distraction, la tradition de la croix imprimée dans le cœur, que les Bollandistes rapportent sans se donner la peine d’en rechercher l’origine et la valeur, mérite de notre part le même détachement. Cette Julienne de Bologne ne se retrouve, sauf erreur, dans aucune autre liste de stigmatisés.

(109 Se Colette, n° 64, p. 94 ss.; Se Rita, n° 65, p. 103. Il a été publié ces derniers temps de nombreuses biographies de sainte Rita, aussi légendaires les unes que les autres, par exemple : D. C. BORDONI, La perla del’ Umbria. S. Rita de Cascia. Foligno, 1934. L. VANUTELLI a fait un effort d’objectivité, comme son titre l’indique : Richiamo alla storia. Vita di S. Rita da Cascia, Pérouse, 1928. Cfr La Civiltà cattolica, 1928, 1, 157.

(110) IMBBRT-GOURBEYRE, n° 57, p. 86. Cfr AA. SS., jan. I, 1109, parmi les praetermissi.

(111) Nous avons déjà écarté Julienne de Bologne et son crucifix dans le cœur.

(112) IMBERT-GOURBBYRE, n° 67, p. 108. Pas d’autre source que le légendier de Marchese.

(113) IMBERT-GOURBEYRE, n° 72, p. 109. Comme source : « ex scriptoribus et hist, augustinianis ».C’est vague. On porrat chercher, mais cette légende n’en vaut pas la peine.

(114) IMBERT-GOURBEYRE, n° 56, p. 83 ss. Wunderbares Leben der Seligen Elisabeth Bona, Klosterfrau in Reute, beschrieben von ihrem Beichtuater Konrad Kügeli. Ravensburg, 1867. Élisabeth mourut en 1430, à l’âge de trente-quatre ans. Reute est dans le diocèse de Constance.

(115) Cfr H. DELEHAYE, bollandiste, Les légendes hagiographiques, 2e éd, Bruxelles, 1926.

(116) IMBERT-GOURBEYRE, n° 59, p. 86.

(117) Hubert MEUFFELS, C. M. Sainte Lidwine de Schiedam(1380-1433). Coll. « Les Saints », 2e éd. Paris, 1925, p. 74.

(118) Cfr H. MEUFFELS, op. c., ch. II, p. 15 ss.

(119) N° 61, p. 91 ss. Sainte Françoise romaine, morte en 1440, est fêtée le 9 mars.

(120) AA. SS., mart. II, p. 94.

(121) BERTHEM-BONTOUX, Sainte Françoise Romaine et son temps(1384-1440), Paris, 1931, p. 63 ss.

(122) Dans son avertissement, l’auteur écrit : « Chaque fois que cela nous a été matériellement possible, nous en appelons aux pièces manuscrites et irréfutables celles-là, des divers Procès de canonisation… » (P. LIX,) Irréfutables ?… Les documents rassemblés dans ces Procès sont autant que tous autres relevables de la critique du témoignage. Les serments qui les accompagnent nous sont garants peut-être de la sincérité des déposants, ils n’assurent pas que leur mémoire est sûre et leur interprétation objective. Nous voyons d’ailleurs Mme BERTHEM-BONTOUX citer pèle-mêle et avec un égal respect les actes du Procès, le confesseur Mattiotti, et les biographes les plus récents, comme Dom RABORY, Vie de sainte Françoise Romaine, Paris, 1886. Cfr BERTHEM-BONTOUX, p. 164, n. 3.

(123) Cfr la recension du livre de Mme Berthem-Bontoux dans les An. Bolland., L, 1932, 214 ss., par le R. P. B. DB GAIFFIER.

(124) IMBERT-GOURBBYRE, n° 74, p. 109, n’a pas connu cette vie, mais seulement les notices de Rayssius, Auclarium ad natale sanciorum Belgii, 15 mars, et des AA. SS., mart. II, 416, qui la rangent parmi les praetermissi. Mais Ravssius s’était inspiré de la vie par le confesseur.

(125) Vita Pironae seu Petronillae Hergods reclusae, éd. des Bollandistes. Anecdota ex codi-cibus hagiographicis Joannis Gielemans, Bruxelles, 1895, p. 420 ss. La Copia Iiterae testimonialis cuiusdam notarii .. se trouve en tête de cette vie, p. 421.

(126) Ch. L, 429 et XXXVIII, 428.

(127) Ch. CXVIII, 433. « Pirona stigmata Christi portaverat per aliquantum tempus ante mortern, et eadem conf essor eius corporeis oculis saepius viderat… Erant grisea et seminigra ac in media manuum eius exterius decenter collocata ; quae insupcr divinitus sunt sibi collata, nec tamen penetrabant ad modum vulnerum Christi nec sanguinem emanabant. Habuit tamen ipsa et sensit in eis poenam satis grandern, quamdiu ea in vita gestabat ; quae et post mortem reservans etiam secum in sepulcrum d eferebat. »

(128). lMBERT-GOURBEYRE, n° 66, p. 108.

(129) A notre point de vue, le XVIe siècle est presque aussi décevant que le XVe lMBERT-GOURBEYRE y relève complaisamment soixante-dix stigmatisés, en réalité, c’est soixante-et-un (n° 80 à 140), mais nous savons déjà qu’il inclut sous ce terme bien des mystiques à qui les stigmates visibles ne furent pas donnés (p. 190). Des stigmatisés proprement dits, bon nombre peuvent être renvoyés dès un rapide examen, faute de garanties historiques. Nous renvoyons de plus au travail du R. P. Gabriel DE SAINTE-MARIE-MADELEINE, qu’on pourra lire plus loin, sur le cœur de sainte Thérèse. Resteraient à étudier une demi-douzaine de cas, dont voici la liste : la bienheureuse Lucie de Narni (+ 1547), Philippa de Gueldre, clarisse (+ 1547), Dominique de Paradis, dominicaine (+ 1555), sainte Catherine de Ricci (1590), Archangèle Tardera, tertiaire de Saint-François (+ 1599) et Françoise de Serrone (+ 1600) (n° 99, 100, 103, 125, 136, 144). Il est à craindre qu’une étude plus approfondie de ces histoires merveilleuses nous amènerait à en reléguer plus d’une parmi les légendes. Mais les éléments et les sources font défaut, l’hagiographie est souvent plus difficile à traiter scientifiquement aux temps modernes qu’au moyen âge. Nous n’avons donc fait ici que dresser une table de matières et indiquer des pistes.

 

 

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