Charles Dufay. Contribution à l’étude du somnambulisme provoqué à distance à l’insu du sujet. Extrait de la « Revue Philosophique de la France et de l’Étranger », (Paris), treizième année, tome XXVI, juillet à décembre 1888, pp. 301-312.

Charles Dufay. Contribution à l’étude du somnambulisme provoqué à distance à l’insu du sujet. Extrait de la « Revue Philosophique de la France et de l’Étranger », (Paris), treizième année, tome XXVI, juillet à décembre 1888, pp. 301-312.

Jean François Charles Dufay (1815-1898). Médecin et homme politique. – Maire de Blois en 1871, député et membre du Conseil général du Loir et Cher en 1877. S’est spécialisé dans l’hydrothérapie. Quelques publications :
— Des Indications et des effets du traitement hydrothérapique, mémoire présenté à la Société médicale d’Indre-et-Loire (séance du 7 avril 1864). Blois, impr. de Lecesne , 1864. 1 vol. in-8° , 28 p.
— Eaux minérales ferrugineuses iodées de Saint-Denis-lez-Blois (Loir-et-Cher). Établissement hydrothérapique. Compte-rendu médical, année 1862. Blois, impr. de Lecesne , 1863. 1 vol. in-8° , 15 p.
— Lettre médicale sur l’hydrothérapie. Blois, impr. de Lecesne , 1862. 1 vol. in-8°, 14 p.
— Charles Dufay. La notion de la personnalité. Extrait de la « Revue Scientifique », (Paris), deuxième série, tome XI, tome XVIII de la collection, 6année, 1er semestre, juillet à janvier 1876, pp. 69-71. [en ligne sur notre site]
La notion de la personnalité. Extrait de la « Revue Scientifique », (Paris), deuxième série, tome XI, tome XVIII de la collection, 6année, 1er semestre, juillet à janvier 1876, pp. 69-71. [en ligne sur notre site]

 

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyer les notes de bas de page de l’article originale fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nous avons corrigé plusieurs fautes de composition. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

 

[p. 301]

CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU SOMNAMBULISME
PROVOQUÉ A DISTANCE ET A L’INSU DU SUJET

M. le professeur Ch. Richet a donné communication à la Société de psychologie physiologique d’une série d’expériences entreprises dans le but de vérifier celles de MM. Gibert et Janet, du Havre, sur le fait du sommeil magnétique provoqué à distance et à l’insu du sujet qui s’endort (1).

Les expériences de M. le Dr Richet ont été faites sur la même personne que celles du Havre, qu’elles ont parfaitement confirmées (2). Elles ont été très nombreuses et très variées. Le sagace expérimentateur, très peu crédule par nature, s’est appliqué avec le plus grand soin à n’être pas le jouet d’une simulation même inconsciente, et à faire en sorte que le sommeil ne soit pas l’effet de l’auto-suggestion, ou de ce que les Anglais appellent l’expectant attention.

M. Ch. Richet cherche toutes les hypothèses qui peuvent être faites pour expliquer cette action à distance et, n’en admettant aucune, laisse la question en suspens.

« Ou bien, dit-il avec bonne foi, il y a eu de ma part observation très incomplète et très infidèle, ou bien il y a eu réellement action à distance. » Et, renonçant à traiter théoriquement cette question spéciale, il termine par cette réflexion, que l’action à distance — l’attraction universelle — s’observe à chaque instant dans la nature.

Mais d’ailleurs, outre l’attraction. — universelle, n’y-a-t-il pas des influences multiples réciproques s’exerçant à distance entre tous les corps de l’univers, et d’où résulte, par exemple, l’acclimatement des êtres vivants, la transformation des espèces (3) ? [p. 302]

L’électrisation par influence n’est-elle pas une action à distance ? Le sommeil hypnotique ne résulte-t-il pas d’une action à distance, de même que le sommeil magnétique déterminé par des passes sans contact, ou seulement par un ordre verbal (4) ?

Les sensations consécutives aux impressions visuelles et auditives ne sont-elles pas l’effet de causes plus ou moins éloignées ?

Oui, l’influence à distance est un fait incontestable, généralement parlant; mais en est-il de même dans le cas spécial qui nous occupe, c’est-à-dire d’homme à homme, lorsque le sujet de l’expérience ignore la tentative faite sur lui (5) ?

Malgré ce qu’il a vu, malgré les précautions prises pour bien voir et n’être pas trompé, M. Ch. Richet reste perplexe; il ne regarde pas la démonstration comme absolument convaincante, et il fait appel à de nouveaux expérimentateurs, dans le but de faire disparaître les doutes les plus logiquement fondés.

Or, je retrouve dans mes notes le récit de certains faits qui ont trait à cette question. Ils datent de loin déjà vingt-cinq, trente et même quarante ans. Pourquoi ne les ai-je pas publiés à l’époque où j’en étais témoin ? C’est qu’alors tout médecin qui parlait de magnétisme passait pour un charlatan.

Ce n’est pas sans hésitation que j’ai livré à la publicité, en 1876 (6), une observation de somnambulisme spontané, offrant un type remarquable de double personnalité, ou double conscience ; encore ne m’y suis-je décidé qu’à l’exemple de M. le Dr Azam, qui venait de faire connaître l’histoire de Félida, laquelle présentait tant d’analogie avec celle de Mlle R. L., sujet de mon observation. Et puisque je rappelle cette somnambule si extraordinaire, je puis aujourd’hui compléter son histoire en constatant que tout phénomène hystérique a cessé chez elle lorsqu’elle a atteint l’âge de la ménopause. Depuis lors, son sommeil est tout à fait normal. Mais, — commettrai-je cette indiscrétion ? — quoiqu’elle soit seulement septuagénaire, elle est dans un état d’affaiblissement, de dépérissement tel qu’elle quitte à peine son fauteuil, n’a plus d’appétit, et semble avoir plus de cent ans, comme si ses quarante années de somnambulisme, c’est-à-dire d’activité cérébrale incessante, devaient compter double (7).

Ce cas de somnambulisme spontané avait excité ma curiosité scientifique, et je ne pus résister au désir d’essayer à provoquer le sommeil magnétique lorsque j’en trouverais l’occasion. Je ne fis pas cette expérience [p. 303] sur Mlle R. L., dans la crainte d’aggraver son affection nerveuse. Je dois avouer cependant que j’eus deux ou trois fois la pensée de l’endormir en faisant simplement acte de volonté, et sans l’en prévenir, mais ce fut sans succès. Peut-être, il est vrai, ma volonté était-elle trop hésitante.

*
*    *

Cette expérience me réussit un jour sur une autre personne, chez laquelle j’avais l’habitude de provoquer, avec son consentement, le sommeil magnétique.

A ma cliente Mme A., nerveuse à l’excès, j’avais conseillé d’éliminer de son régime tous les excitants, et notamment le vin de Champagne. Je n’étais pas seulement le médecin, j’étais aussi l’ami de la maison, où j’étais souvent invité à dîner. Un soir, je m’aperçus que ma cliente avait laissé verser du champagne dans sa coupe, et qu’elle allait la porter à ses lèvres. Je craignis d’être indiscret en lui rappelant qu’elle violait la consigne, et, la regardant fixement, — sans qu’elle s’en aperçût, je crois, — j’eus la volonté énergique qu’elle s’endormît, afin qu’elle ne pût boire. Elle resta, en effet, le bras tendu dans un état de raideur cataleptique, et, les yeux ouverts, mais sans regarder de mon côté, prononça d’un ton de reproche ces paroles : « Ah, docteur, vous êtes cruel ! » Puis, elle s’endormit tout à fait, et, lorsqu’au bout de quelques minutes je la réveillai, elle déclara qu’elle avait oublié ma prohibition ; qu’au moment seulement où elle levait sa coupe, elle avait senti que je lui défendais de boire; que cela l’avait beaucoup fâchée, mais qu’elle n’avait pas pu désobéir… ici la mémoire lui manquait.

On pourrait se demander si la crainte que je ne l’empêchasse de boire son champagne n’avait pas suffi pour produire chez cette dame l’autosuggestion d’où résulta l’incident que je viens de raconter; mais comme ni l’auto-suggestion ni l’attention expectante n’étaient connues alors, je trouve ce fait intitulé, dans mes notes somnambulisme provoqué à distance, et sans que le sujet en fût averti. Aujourd’hui, je partagerais le doute de M. Richet, si je n’avais une entière confiance dans la déclaration de Mme A., répétée par elle en état de somnambulisme, à savoir qu’elle n’avait nullement songé à ma prohibition.

Qu’on me permette, à propos de cette cliente, une digression qui ne manque pas d’un certain intérêt. C’est un exemple du développement extraordinaire de la mémoire qu’on observe pendant le somnambulisme — soit spontané, soit provoqué.

Mme A. était à la fin d’une grossesse survenue après plusieurs années de mariage, et qui, tout en la rendant très heureuse, la fatiguait beaucoup aussi gardait-elle le lit jusqu’à midi. Un matin, comme j’arrivais pour prendre de ses nouvelles, je trouve le mari dans la consternation, la femme en pleurs, et tellement secouée par les sanglots qu’il lui était impossible de prononcer une parole intelligible. Je lui présentai un crayon et une feuille de papier, en la priant de m’écrire ce qui lui était [p. 304] arrivé. La main toute tremblante, elle écrivit : « La mère demeure à Blois… un fils… grande joie ! Le croup, monstre hideux, se ruant sur le pauvre petit, le saisit à la gorge… »

Là, elle poussa un cri déchirant et fut prise de violentes convulsions. Je m’empressai de lui appliquer la main sur le front, pour amener le sommeil et le calme, et empêcher, s’il en était temps encore, de redoutables accidents. Des sanglots, de plus en plus espacés, persistèrent quelques minutes, et la crise se termina.

Dans les mots tracés par Mme A. j’avais reconnu des lambeaux de vers de Victor Hugo, et je ne tardai pas à découvrir sur le pied du lit le volume des Contemplations, que le mari avait apporté, une heure auparavant, sans l’avoir lu lui-même. Par un malheureux hasard, les yeux de la pauvre femme étaient tombés sur la pièce intitulée le Revenant, dont la lecture lui causa une émotion d’autant plus vive que la scène se passe à Blois et que son imagination lui suggérait, depuis qu’elle était enceinte, les inquiétudes les plus vives relativement à la santé de l’enfant si ardemment désiré.

Enfin, la tempête était apaisée, la respiration lente et régulière; les yeux restaient fermés, profondément enfoncés dans l’orbite et entourés d’une large zone bistrée.

La main droite était agitée de mouvements continus, qui nous firent supposer que la dormeuse rêvait qu’elle écrivait (8). L’idée nous vint de nous en assurer je lui remis le crayon entre les doigts, et, son mari ayant posé une feuille de grand papier sur la couverture cartonnée d’un cahier de musique, en guise de pupitre, je lui demandai si, maintenant qu’elle avait recouvré son sang-froid, elle serait capable d’écrire, du premier vers jusqu’au dernier, — il y en a 102, — le petit drame qui l’avait tant bouleversée.

Alors, les yeux toujours fermés, elle se mit à l’œuvre, non sans que les lignes chevauchassent parfois les unes sur les autres, malgré le soin que nous prenions de diriger le papier, car son avant-bras reposait immobile, les doigts seuls conduisant le crayon; mais il n’y avait aucune erreur de mesure ni de rime, la ponctuation seule faisant complètement défaut.

« Combien de fois avez-vous lu ces vers ? demandai-je à Mme A., lorsqu’elle eut terminé.

— Une seule fois je n’aurais pas eu le courage de recommencer. » Et je n’en ai pas douté, car si les personnes en état de somnambulisme [p. 305] peuvent quelquefois refuser de répondre aux questions qui leur sont adressées, il leur est impossible de mentir.

Lorsque, deux heures plus tard, je vins la réveiller, elle nous répéta qu’elle n’avait pas lu une seconde fois les 102 vers qu’elle avait écrits de mémoire en dormant et dont elle ne pouvait se rappeler quatre de suite maintenant qu’elle était réveillée.

Déjà, l’année précédente, la même personne, excellente musicienne, m’avait rendu témoin d’un fait analogue. Une dame de ses amies avait reçu la partition d’un opéra nouveau et était venue la lui communiquer. Ma cliente se mit à déchiffrer l’ouverture, qui la séduisit beaucoup, puis elle parcourut des yeux le premier acte, et, au bout d’une heure, l’amie remporta sa partition, promettant de la rendre dans quelques jours. Le lendemain, je fus accueilli avec l’exclamation suivante : « Ah ! docteur, si vous étiez venu hier soir, vous auriez entendu quelque chose qui vous aurait fait plaisir » ; et l’incident me fut raconté.

« Eh bien, dis-je, puisque vous avez joué cette ouverture que vous avez trouvée charmante, je vous serai reconnaissant de me la faire entendre.

— Mais je vous ai dit que je n’avais plus la partition ; croyez-vous qu’on puisse se rappeler huit ou dix pages de musique après une seule exécution ? Ah, oui, je devine : c’est encore une expérience que vous voulez faire. J’y consens ; attendez seulement que je fasse appeler mon mari, pour qu’il soit témoin de votre échec et se moque de vous.

— J’en suis, s’écria-t-il en entrant, et nous allons rire. »

Comme à l’ordinaire, une simple application de la main sur le front provoqua un sommeil immédiat; la tête penchait sur la poitrine, mais une main ayant porté sur les touches du piano, la tête se redressa tout à coup, et des accords vigoureusement frappés annoncèrent le début du morceau. Du commencement jusqu’à la fin pas une seule hésitation. Le mari et moi, nous nous regardions avec stupéfaction. Jamais, dans la suite, avec la musique sous les yeux, l’exécution ne fut plus parfaite.

Lorsque, au moyen de quelques passes de dedans en dehors, derrière la tête, j’eus fait cesser le sommeil, l’artiste se retourna vers nous avec un air moqueur : « Eh bien, dit-elle en riant, j’étais bien sûre que votre expérience ne réussirait pas. » Nous eûmes beau lui affirmer qu’elle avait eu un plein succès, elle ne voulut pas le croire. Elle n’en convenait que lorsqu’elle était endormie de nouveau (9). [p. 306]

Mais revenons à notre sujet, c’est-à-dire au sommeil provoqué à distance.

A une époque où j’étais médecin du théâtre de Blois, j’eus occasion de donner des soins à une jeune actrice chez laquelle se produisaient très fréquemment les manifestations protéiformes de la passion hystérique. Je laisse de côté les considérations purement médicales qui m’entraîneraient à une nouvelle digression, et je n’emprunte à mes notes que ce qui touche à la question spéciale qui m’occupe.

La première fois que je fus appelé près de Mlle B., je la trouvai assise sur un tapis, près d’un grand feu, les vêtements déchirés, prête, me dit-elle, « à se jeter dans le foyer, si je ne réussissais pas à calmer la fureur qui la transportait ». Je la questionnai sur la cause de cet accès de colère ; elle resta muette, les mâchoires serrées, les globes oculaires convulsés en haut, les membres rigides ;… puis une secousse brusque l’étendit sur le parquet, d’où je la transportai sur son lit, dans un état de roideur tétanique et d’anesthésie générale.

A peine ma main était-elle depuis une minute sur son front que la contracture musculaire disparut ; un déluge de larmes et une succession de profonds soupirs mirent fin à la scène, et la pauvre fille put se glisser dans son lit, en me faisant mille excuses et m’assurant de sa reconnaissance. Quant à la cause de sa grande fureur, elle n’en connaissait aucune. Elle chercha alors ma main et la reporta à son front, disant en éprouver un bien-être délicieux : puis elle tomba dans un assoupissement que je laissai durer quelques heures, sous la surveillance d’une de ses camarades.

Je fus témoin de semblables accès sept ou huit fois pendant les deux mois que la troupe séjourna à Blois ; mais, dès la troisième visite, [p. 307] il me suffit d’ordonner à Mlle B. de dormir, ou même de fixer mes yeux sur les siens, pour amener immédiatement un calme parfait ; de plus, les accès devenaient de moins en moins violents. Ils avaient été s’aggravant depuis deux ans, et Mlle B. avait remarqué, me déclara-t-elle, en dormant, que l’exacerbation avait commencé à la suite d’un moyen de traitement qui, à la vérité, mettait fin à l’accès, mais la laissait dans un état de prostration et d’anéantissement qui durait deux ou trois jours. — Je compris qu’il s’agissait du procédé de Forestus. — Au contraire, elle se trouvait forte et reposée après une heure de sommeil magnétique.

J’ai dit tout à l’heure que j’étais arrivé à hypnotiser Mlle B. par la parole ou le regard, mais je pensais que cela ne pouvait réussir que si, sans contact à la vérité, j’étais cependant près d’elle; et comme j’avais toujours observé que l’intelligence est beaucoup plus développée dans l’état de somnambulisme, il m’est quelquefois arrivé d’hypnotiser la très médiocre soubrette rien qu’en lui disant, au moment de son entrée en scène, qu’elle allait dormir, ce qui lui assurait un succès extraordinaire auprès du public. C’est même une circonstance de ce genre qui va la faire entrer dans mon sujet.

Un soir, j’arrivais tard au théâtre. Le directeur m’attendait avec anxiété au contrôle; il avait interverti l’ordre des pièces et renvoyé le Caprice à la fin du spectacle, parce qu’un télégramme venait de lui annoncer que sa grande coquette avait manqué le train pour se rendre de Tours à Blois. Mais il comptait sur mon intervention pour lui substituer Mlle B., sans que la représentation en souffrit.

« Sait-elle au moins le rôle ? lui dis-je.

— Elle l’a vu jouer plusieurs fois, mais elle ne l’a pas répété.

— Lui avez-vous manifesté l’espoir que je pourrais venir à son aide ?

— Je m’en serais bien gardé un doute sur son talent aurait suffi pour lui donner son attaque.

— Eh bien, qu’elle ignore ma présence. Je vais profiter de cette occasion pour faire une expérience intéressante.

— Je m’en remets complètement à vous, M. le docteur. »

Je ne me montrai pas sur le théâtre et me plaçai dans une loge grillée du fond de la salle, qui se trouvait inoccupée, et dont le grillage resta levé. Puis, me recueillant sérieusement, j’eus la volonté énergique que Mlle B. s’endormît. Il était alors dix heures et demie. J’appris, à la fin de la représentation, qu’à cette même heure la jeune artiste, interrompant sa toilette, s’était affaissée subitement sur le divan de sa loge, priant l’habilleuse de la laisser reposer un moment. Après quelques minutes de somnolence, elle se releva, acheva de s’habiller et descendit au théâtre. Quand le rideau se leva, je n’étais pas très rassuré sur le succès de l’expérience, ignorant à ce moment ce qui s’était passé dans la loge de l’actrice ; mais je ne tardai pas à être édifié, rien qu’à voir la démarche et l’attitude de mon sujet. Elle avait dans la mémoire ce rôle qu’elle n’avait pas appris, mais seulement vu jouer, et elle s’en acquitta [p. 308] merveilleusement. Je me demandai même si ce n’était pas mon souvenir qui lui suggérait la façon dont j’avais vu remplir par Mlle Plessy ce rôle de Mme de Léry si plein de finesse, d’esprit et de cœur. Était-ce plus impossible que de l’avoir endormie à distance et à son insu (10) ? Il y avait d’ailleurs une autre suggestion que j’avais dû lui imposer inconsciemment en lui ordonnant mentalement de jouer la comédie, c’était de se mettre en rapport avec les autres personnages de la pièce, puisque sans cela les somnambules ne voient et n’entendent que la personne qui les a endormies. Quoi qu’il en soit, je dus réveiller Mlle B., pour qu’elle pût prendre part au souper offert par le directeur enchanté (11). Elle se rappela alors s’être jetée, au moment où elle venait de mettre un de ses gants, sur le divan où elle se retrouvait, et crut qu’on venait lui annoncer que le rideau se levait pour le Caprice. Ce n’est qu’en voyant ses camarades l’entourer et la féliciter de ses progrès qu’elle comprit ce qui s’était passé et me remercia du regard (12).

Dira-t-on qu’elle avait espéré mon arrivée, puis soupçonné ma présence ou au moins mon influence qui avait été d’autres fois si favorable à son talent, et que l’auto-suggestion avait encore là déterminé le somnambulisme ? — Je n’ai vraiment rien à répondre.

*
*    *

Parmi mes autres malades auxquelles le somnambulisme provoqué causait un soulagement incontestable, il en est une dont l’histoire trouve ici sa place.

Mme C. était une brune de trente-cinq ans, d’un tempérament nervoso-bilieux, un peu rhumatisante. Elle avait été mère une fois, et, [p.309] depuis lors, à chaque époque menstruelle, elle était prise d’une migraine horrible qui lui arrachait des cris et des lamentations, et était accompagnée de vomissements de bile durant une journée entière (13)

Que faire en pareil cas lorsque les agents thérapeutiques habituels ont été impuissants ?… Je n’hésitai pas, dès ma première visite, à tenter la magnétisation. Au bout de cinq minutes les souffrances disparaissaient et les vomissements s’arrêtaient. De légères douleurs abdominales persistaient un peu plus longtemps, mais l’application de ma main loco dolenti y mettait fin.

Et chaque mois ensuite il en fut de même.

Si mon arrivée tardait, les accidents continuaient ; mais à peine avais-je tiré la sonnette que Mme C., avant même que la porte de la maison fût ouverte, s’endormait dans le plus grand calme. Il en était tout autrement lorsque c’était une autre personne qui sonnait la malade se plaignait vivement de ce bruit qui lui avait brisé la tête.

Plus tard, il arriva même que mon approche se fit sentir depuis l’extrémité de la rue : « Ah, quel bonheur, disait la malade, voilà le docteur qui arrive, je me sens guérie ! » M. C. ouvrait la fenêtre pour s’en assurer et m’apercevait dans le lointain. Et jamais sa femme ne s’est trompée. Si parfois il cherchait à la faire patienter en lui affirmant qu’il me voyait venir : « Ce n’est pas vrai, répondait-elle avec emportement, vois plutôt. » et un flot de bile emplissait la cuvette.

En pareille occurrence, comment aurais-je hésité à tenter l’influence à distance ? J’y fus d’ailleurs contraint par les circonstances. Au plus fort d’une migraine mensuelle, M. C., qui était déjà venu deux fois pour me chercher, s’informa où il pourrait me trouver. J’étais près d’une malade que je ne pourrais quitter que dans plusieurs heures peut-être. J’affirmai à M. C. — sans en être bien sûr — que sa femme serait endormie et guérie lorsqu’il rentrerait chez lui. C’est ce que j’eus la satisfaction de constater, trois heures plus tard, et je laissai durer jusqu’au lendemain un sommeil profond qui réparait les fatigues de la matinée. « La possibilité de la magnétisation à distance n’est donc pas douteuse, » disent mes notes. Mais aujourd’hui se présente l’objection de l’autosuggestion j’étais attendu ; M. C. avait promis de me ramener avec lui.

Vais-je trouver un exemple plus probant ? Oui, certainement. Ce fut d’abord un acte de simple curiosité, sans but thérapeutique. On était au milieu du mois et Mme C. était en parfaite santé. Son nom venant à être prononcé devant moi, l’idée me vint de lui ordonner mentalement de dormir, sans qu’elle le désirât, cette fois, et sans qu’elle s’en doutât. Puis, une heure après, je me rendis chez elle et demandai à la servante qui m’ouvrit la porte si l’on n’aurait pas trouvé dans la chambre de Mme C. un instrument de ma trousse que j’avais égaré.

« N’est-ce pas la voix du docteur que j’entends ? demanda M.C. du haut [p. 310]  de l’escalier. Priez-le donc de monter. —Figurez-vous, me dit-il, que j’allais vous envoyer chercher. Il y a près d’une heure que ma femme a perdu connaissance sa mère et moi ne pouvons parvenir à lui faire reprendre ses sens. Elle ne parait pas souffrir, mais elle ne nous entend pas. Sa mère, qui voulait l’emmener à la campagne, est désolée. Je n’osais pas m’avouer coupable de ce contre-temps, mais je fus trahi par Mme C., qui me tendit la main en disant : « Vous avez bien fait de m’endormir, docteur, car j’allais me laisser entraîner, et je n’aurais pas pu finir ma tapisserie.

— Vous avez donc entrepris une nouvelle tapisserie ?

— Mais oui : un dessus de cheminée. pour votre fête. N’ayez pas l’air de le savoir quand je serai réveillée, car je désire vous faire une surprise.

— Soyez tranquille ; vous me verrez aussi surpris que reconnaissant, le jour où me ferez ce précieux cadeau. Mais pourquoi m’en parlez-vous en ce moment ?

—  Il faut bien que vous sachiez pourquoi je suis contente de n’avoir pas pu partir.

J’expliquai alors au mari et à la mère que je m’étais permis une expérience, et il fut bien convenu entre nous que Mme C. n’en serait pas instruite. Je la réveillai comme à l’ordinaire au moyen de quelques passes de dedans en dehors devant les yeux, et on lui affirma qu’elle s’était assoupie après le déjeuner, en lisant son journal, ce qui ne l’étonna nullement.

Voilà bien, ce me semble, le sommeil provoqué à distance et à l’insu du sujet. Mais que faut-il entendre par le mot distance ? S’agit-il d’un mètre, de cinq ou six mètres, d’un demi ou d’un kilomètre? Jusqu’ici, c’est à ces diverses distances que j’ai opéré sur Mme A., sur Mtle B. et sur Mme C. (14).

Je renouvelai l’expérience plusieurs fois sur cette dernière, et toujours avec succès, ce qui m’était d’un grand secours lorsque je ne pouvais pas me rendre à son premier appel. J’avais même complété l’expérience en la réveillant aussi à distance, par un seul acte de volonté, ce que je n’aurais pas cru possible auparavant. La concordance des heures était si parfaite que le doute n’était plus permis (15).

Enfin, en dernier lieu, j’étais sur le point de prendre des vacances de six semaines ; je serais donc absent au moment d’une période menstruelle. Il fut bien arrêté entre M. C. et moi que, dès le début de la [p. 311] migraine périodique, il me préviendrait par un télégramme ; que je ferais de loin ce qui réussissait si bien de près ; qu’après cinq ou six heures je provoquerais le réveil, et que M. C., par un second télégramme, me ferait savoir si le résultat avait été satisfaisant. Lui n’en doutait pas ; j’avais moins d’assurance. Mme C. ignorait que j’allais m’absenter. Des plaintes et des nausées, entendues de sa chambre, annoncent, un matin, à M. C. que le moment est arrivé ; sans entrer chez sa femme, il court au télégraphe, et je reçois sa dépêche à dix heures. Il rentrait chez lui à cette même heure et trouvait sa femme endormie et ne se plaignant plus. A quatre heures, j’avais la volonté qu’elle se réveillât, et, à huit heures du soir, je recevais ce second télégramme : « Résultat satisfaisant, réveil à quatre heures. Merci. »

Or, j’étais aux environs de Sully-sur-Loire, à 28 lieues — 112 kilomètres — de Blois.

Tout cela est-il possible ? Non certainement, si l’on n’admet comme possible que ce que l’on peut expliquer. Cette explication, je l’attendais avant de publier mes observations, écrites au jour le jour, sans but préconçu, mais je n’ai pu résister à l’invitation de M. Richet, et je me suis exécuté, sans avoir la prétention de fournir un apport bien important à la science psycho-physiologique moderne.

On pourra m’objecter que, dans ma dernière observation surtout, j’ai été dupe d’une supercherie; qu’on s’est joué de ma crédulité en m’annonçant que les choses s’étaient passées comme je l’avais presque prédit. Je répondrai que ma crédulité est loin d’être exagérée; que M. C. était un homme sérieux, incapable d’avoir eu la pensée de me tromper, et trop inquiet de la santé de sa femme pour ne m’avoir pas sollicité de venir immédiatement à son secours, comme cela avait été convenu avant mon départ, -si les accidents, qui l’enrayaient au plus haut degré, avaient continué après le temps normal qu’il supposait nécessaire pour que je reçusse son premier télégramme.

Je ne mettais donc pas en doute la réalité de l’action à distance, — peut-être illimitée, — lorsque j’ai pris note de ce fait, il y a vingt-cinq ans environ. Aujourd’hui, j’admettrais plutôt, tant l’invraisemblance du récit me choque moi-même, que Mme C., au moment où la migraine et les nausées ont commencé, a pensé que son mari avait entendu ses gémissements et s’était hâté d’aller réclamer mon intervention, — puisqu’elle ignorait mon absence ; — que la persuasion où elle était que j’allais la soulager comme à l’ordinaire a suffi pour déterminer le sommeil par auto-suggestion, et que le réveil a eu lieu sous la même influence, après un temps sensiblement égal à celui pendant lequel je la laissais dormir habituellement. La concordance des heures serait une simple coïncidence, explicable d’ailleurs par l’hypothèse ci-dessus et par l’heure de départ du premier télégramme, sans rapport certain de cause à effet. Je regrette de n’avoir pas renouvelé l’expérience en la modifiant, c’est-à-dire en faisant croire à Mme C. que j’étais en voyage et ne pouvais être prévenu. [p. 312]

Quoi qu’il en soit, ces faits, comme tant d’autres non moins authentiques, peuvent-ils légitimer la croyance à la réalité d’un savoir non acquis par l’étude, ou, pour spécifier la question, une personne en état de somnambulisme peut-elle, par exemple, porter un diagnostic médical et donner des conseils thérapeutiques basés sur ce diagnostic ? Non certainement, si elle n’a pas fait d’études médicales. L’état somnambulique développe les facultés cérébrales, — probablement en les soustrayant à toute distraction intérieure et extérieure, — mais il ne les crée pas (16).

Le sujet magnétisé ou hypnotisé n’invente rien. Quand on le questionne, on constate qu’il se souvient mieux qu’à l’état normal de ce qu’il a vu, entendu, étudié et ressenti antérieurement ; que ses impressions sont plus vives et plus sincèrement manifestées. Sa supériorité consiste dans l’exaltation de sa mémoire, lien est de même chez le somnambule naturel (17). Mais celui-ci a, comme l’aliéné, des illusions et des hallucinations spontanées, tandis qu’à l’hypnotisé elles doivent être suggérées. Dans le somnambulisme naturel l’imagination joue le principal rôle c’est un rêve en action. L’hypnotisé est un automate, entièrement passif; l’autre est inspiré par sa propre imagination, sans qu’il soit besoin d’une influence étrangère, mais exposé aussi à la subir. Tel est le diagnostic différentiel que mes observations me permettent d’établir.

Maintenant, quel est le mode d’action des divers procédés au moyen desquels on réussit à produire l’état somnambulique ou hypnotique? Est-ce une radiation nerveuse, une influence électro-magnétique, un effet de polarisation ? Ces diverses causes n’en constituent-elles pas une seule ? L’avenir l’apprendra peut-être. Mais pour les cas d’influence à distance, exercée à l’insu du sujet, quel est le conducteur qui relie la personne agissante à la personne passive ? Comment cette influence atteint-elle le sujet visé et non tout autre ? Il est douteux que ce problème ait jamais une solution.

Je me suis borné à exposer des faits, abandonnant forcément leur explication théorique à l’évolution progressive de la science. Les conséquences graves qui en découlent, au point de vue philosophique et au point de vue juridique, n’échapperont à personne, surtout si l’on tient compte des suggestions à longue échéance, — dont je n’ai pas eu à m’occuper ici.

Dr DUFAY.

Blois, mai 1888.

Notes

(1) Voir Revue philosophique, avril 1888, p. 435.

(2) Le compte rendu des expériences de M. le Dr Gibert et M. Pierre Janet se trouve dans la livraison de février 1886 de la Revue philosophique, p. 190. (Communication à la Société de psychologie physiologique.)

(3) Lire dans la Revue des Deux Mondes, livraison du 1er mars 1888, un travail de M. de Saporta sur les Associations forestières ; et, dans la Revue scientifique du 21 avril dernier, une conférence de la Société d’anthropologie : les Microbes et le Transformisme, par M. le Dr Bordier.

(4) On a hypnotisé par correspondance (Bernheim), par téléphone (Liégeois).

(5) Au point de vue physique la chose est bien certaine les expériences de transfert de la sensibilité d’un membre à l’autre par l’approche — sans contact — d’un aimant caché à la vue du sujet en ont donné la preuve.

(6) Revue scientifique, 15 juillet 1876, p. 69, t. XI de la 2e série, t. XVIII de la collection.

(7) Au moment où je corrige l’épreuve de cet article, j’apprends la mort de Mlle R. L., qui s’est éteinte doucement sans souffrance.

(8) C’est ce qui arrive, du reste, dans l’état ordinaire, lorsque, dans un demi-sommeil, le cerveau continuant automatiquement le travail du jour, on songe à modifier une phrase déjà décrite, ou à achever une page commencée. La main droite devient le siège de légères contractions plutôt fibrillaires que musculaires, et qui ébauchent les mouvements des doigts nécessaires pour former les lettres et les mots exprimant la pensée du moment. Ce phénomène corrélatif, quoique très fréquent, passe souvent inaperçu.

(9) La mémoire musicale est souvent très développée même à l’état normal, c’est-à-dire hors de l’état somnambulique. J’en trouve dans mes souvenirs deux exemples remarquables. J’ai été le camarade d’études médicales et je suis resté l’ami du Dr C., ancien chirurgien de l’Hôtel-Dieu et membre de l’Académie de médecine. Étudiants, nous avons habité ensemble une maison de la rue de Savoie. Il nous arrivait quelquefois d’assister à une première représentation d’opéra ou d’opéra-comique. En rentrant, je m’arrêtais chez mon ami, dont la chambre était située au-dessous de la mienne, puis il se mettait au piano et chantait la plupart des morceaux des rôles d’hommes que nous venions [p. 306] d’entendre, transformant la musique d’orchestre en accompagnement de piano. — J’avoue que la plupart du temps je n’avais pas entendu, au théâtre, la moitié des paroles.
C’est encore dans le monde médical que je rencontre mon second exempte. Me trouvant un jour de passage à Vichy, je fus invité à dlner chez M. le Dr D. F. en compagnie de plusieurs confrères de divers départements. Après le diner, le café et les cigares furent servis sur la terrasse italienne de la maison, au grand amusement du fils de notre confrère, — aujourd’hui médecin distingué, qui pouvait avoir alors une huitaine d’années.
« Vous ne vous figurez pas, disait son père, combien cet enfant a de dispositions pour la musique. Il n’a jamais pris de leçons, mais il a l’oreille si juste que, si sa sœur fait une fausse note en étudiant son piano, il se met à crier, comme si on lui marchait sur le pied. A force d’entendre faire des gammes, il a appris naturellement à en solfier les notes ; c’est tout ce qu’il sait. Eh bien, si l’un de vous, chers confrères, veut bien lui chanter une chanson de son pays, n’importe en quelle langue, notre bonhomme chantera ensuite les notes de l’air entendu. »
Un convive méridional prit l’enfant sur ses genoux et lui chanta, en patois provençal, une chanson de l’autre siècle ; ce que le père avait annoncé se produisit l’enfant se mit à solfier les notes de l’air entendu, — le piano nous en donna la preuve.
M. le Dr D. F. fils est devenu, parait-il, un violoniste de grand talent.

(10) Après réflexion, j’admettrais plus volontiers que l’intelligence étant, comme la mémoire, très augmentée dans l’état de somnambulisme, Mlle B. n’a pas eu besoin du secours de mes souvenirs.

(11) Toutes les personnes que j’ai vues en état de somnambulisme, soit spontané, soit provoqué, étaient dans j’impossibilité d’opérer les mouvements de déglutition. Si c’est une règle générale, elle a au moins une exception, car la Félida de M. le Dr Azam ne passerait pas des mois en situation seconde sans prendre de nourriture.
Si j’avais connu alors la possibilité de la suggestion, il est probable que j’aurais obtenu de mes malades qu’elles mangeassent. Il doit être aussi facile de faire cesser une anesthésie pharyngienne que de déterminer sur la peau, comme on l’a fait, l’apparition de stigmates sanglantes et de vésications.

(12) A propos de l’oubli de ce qui s’est passé pendant l’accès de somnambulisme, j’ai publié. dans le n° du 1er décembre 1883 de la Revue scientifique, l’observation d’une jeune domestique qui, ne trouvant pas en sûreté les bijoux de sa maitresse dans le tiroir ou elle les déposait, les cacha dans un autre meuble où ils lui paraissaient plus en sûreté. Accusée de les avoir volés, et malgré ses dénégations, — bien sincères, — elle fut incarcérée. Je la reconnus un jour, en faisant ma visite médicale à la prison, pour l’avoir vue en service chez un confrère. Sachant qu’elle était somnambule, je l’endormis, et elle me raconta ce qu’elle avait fait en dormant, se désolant de n’en avoir aucun souvenir lorsqu’elle est éveillée. Je lui fis répéter sa déclaration devant le juge d’instruction, qui, après vérification, la fit remettre en liberté.

(13) La cause de la dysménorrhée consistait dans un rétrécissement avec induration du col de l’utérus.

(14) M. le Dr Gibert a provoqué le sommeil, chez un sujet non prévenu, d’une extrémité de la chambre à l’autre, puis d’une chambre à une autre, et enfin de Graville au Havre : distance, deux kilomètres.
M. le Dr J. Hericourt a plusieurs fois, provoqué le sommeil d’une maison à une autre plus ou moins éloignée, toujours à l’insu du sujet. (15) M. Ch. Richet, étant interne a Beaujon, endormait à distance une malade de son service, et la réveillait également a distance, sans la voir et sans être vu d’elle ; de plus, il lui suggérait mentalement un acte qu’elle exécutait.

(16) On a dit que le génie touchait à la folie. Il y a cette analogie entre l’homme de génie et l’aliéné que l’un et l’autre sont doués de la faculté créatrice l’un par un don naturel, par une organisation supérieure congénitale, l’autre par suite d’une modification de l’harmonie organique, qui le porte à imaginer un monde nouveau, des rapports erronés entre les choses et entre les êtres.

(17) Mlle R. L. exprimait ainsi ce fait, en dédoublant sa personnalité, et dans le langage nègre qui lui était habituel en état de somnambulisme : « Moi ne comprend pas pourquoi la fille bête (c’est-à-dire à l’état normal) ne se souvient pas de cela ; moi le sait pourtant bien, moi en est tout à fait sûre. »

 

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