Boissier de Sauvage de La Croix. Éphialtes ; Cochemar. Extrait de la « Nosologique méthodique ou distribution des maladies en classes, en genres et en espèces, suivant l’Esprit de Sydenham, et la Méthode des Botanistes », (Lyon), chez Jean-Marie Bruyset, tome quatrième, 1772, pp. 263-273.

Boissier de Sauvages de La Croix. Éphialtes ; Cochemar. Extrait de la « Nosologique méthodique ou distribution des maladies en classes, en genres et en espèces, suivant l’Esprit de Sydenham, et la Méthode des Botanistes », (Lyon), chez Jean-Marie Bruyset, tome quatrième, 1772, pp. 263-273.

 

François Boissier de Sauvages de La Croix (1706-1767). Médecin et botaniste bien connu pour les nombreuses éditions de sa Nosologie méthodique.

Autres articles :
Nymphomanie. Extrait de la « Nosologie méthodique ou distribution des maladies en classes, en genres et en espèces suivant l’esprit de Sydenham, & la méthode des botaniste par François Baissier de Sauvages,… traduite sur la dernière édition latine, par M. Gouvion, docteur en médecine ». 10 volumes. Tome septième, A Lyon, Chez Jean-Marie Bruyset, 1772. pp. 255-261. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons mis le texte en français moderne pour rendre le texte plus lisible.– Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 263]

ORDRE PREMIER
ANHELATIONES SPASMODICÆ

En français, Souffle convulsifs. Passiones spiritualium ou partium, Gordon. Expirationis vitia, Ettmuler. Lésions de l’expiration ; Essouflements convulsifs.

Ce sont des maladies, ou plutôt des symptômes légers, passagers, mais réitérés, dont la plus grande partie consiste dans des expirations sonores et spasmodiques ; car le hoquet seul fait du bruit pendant l’inspiration. Ces maladies tiennent des spasmodiques et des essouflements ; et la plupart, comme la toux, le bâillement, le ronflement, l’éternuement accompagne ses autres [p. 264] maladies, et par conséquent n’en font point des symptômes essentiels.

Duret dans ces annotations sur Hollier, de asthmate & tussi, a donné une théorie de cette classe vraiment mécanique et fondée sur la doctrine d’Hippocrate, laquelle, quoique simple, l’emportent sur les étiologies des modernes.

I. EPHIALTES ; Cochemar.

Ce mot est grec, et est composée de deux autres epi et allomai, je saute dessus, par ce que ceux qui sont attaqués de cette maladie s’imaginent qu’un animal leur saute sur la poitrine pour les étouffer.

Thémison l’appelle pnigalion, à cause de la suffocation dont elle est accompagnée, & pnigamon ;  Cælius Aurelianus, épibole,  je presse dessus, parce que les malades s’imaginent avoir sur eux un poids qui les étouffe. Dioscoride, pnigmon upo ephialton ; Pline, ludibria Fauni, par ce que les Romains l’attribuaient au Faunes. Les Modernes croient qu’elle est causée par certains esprits mal-faisants qui errent la nuit ; les anciens l’attribuaient à des Démons [p. 265] lascifs qu’ils appelaient incube et succube, d’où vient qu’on donne les mêmes noms à cette maladie. Les Français l’appelaient incube ; les Lyonnais, chauchevieille ; Galien et d’autres, épilepsie nocturne, asthme nocturne, etc

C’est un genre de maladie périodique qui attaque les personnes qui dorment, et dont le principal symptôme est une dyspnée pendant laquelle on s’imagine avoir sur la poitrine un corps qui étouffe.

Cette maladie attaque principalement ceux qui dorment sur le dos ; elle se manifeste par une respiration plaintive, gémissante et inquiète, et le malade n’est pas plutôt réveillé, que son songe et sa maladie disparaissent.

L’âme veille, dit Hippocrate, pendant que nous dormons, et s’acquitte de toutes les fonctions corporelles, comme cela paraît dans l’éphialte ; car, comme l’âme, avertit en dormant de l’acrimonie de la semence qui est dans les vésicules, joint à cette sensation les idées accessoires qui l’accompagnent ordinairement et emploient les moyens nécessaires pour satisfaire sa passion, de même, lorsqu’il se trouve dans les [p.266] organes de la respiration quelque obstacle qui la gêne, séduite par son imagination, elle joint à cette sensation l’idée d’un démon mal-faisance, d’un chat ou d’un chien qui l’étouffe en se mettant sur sa poitrine, ou d’une vieille sorcière qui l’étrangle, et cette idée l’effraie si fort, qu’il s’agite, sue, crie autant que le sommeil dans lequel il est plongé peut lui permettre ; mais il n’est pas plutôt réveillé qu’il reconnaît son erreur, et tous ces accidents s’évanouissent.

Dans le cas dont parle Hippocrate, le songe est déterminé par l’obstacle qui gêne le mouvement de la poitrine ; mais il est certain que la suffocation est quelquefois causée par le songe qui a précédé. Je me souviens qu’étant jeune j’ai changé plusieurs fois qu’un chat montait sur mon lit, mais je ne me sentais suffoquer que lorsque je m’imaginais qu’il s’était jeté de mes pieds sur ma poitrine ; par où l’on voit que c’était le songe qui causait ma suffocation, et que c’est à celle-ci n’influait en rien sur mon songe, comme on le croit pour l’ordinaire ; et le suivi de cette observation, qu’encore qu’il n’y ait aucun vice [p. 267]  dans la poitrine, l’imagination seule peut causer une dyspnée considérable accompagnée de fièvre, de sueur et d’angoisse beaucoup plus violente, que si la cause qui affecte notre imagination agissait réellement sur nous.

  1. Ephialtes pléthorique ; Ephialtes plethorica, Craanen. P.

Il est causé par une pléthore émue, par la chaleur du lit, la pesanteur des couvertures, lors surtout qu’il règne avant du Midi, et il attaque ceux qui dorment sur le dos, surtout si la pléthore augmente par la bonne chère, et par la suppression des flux de sang auquel on est sujet. Dans ces circonstances, le sang venant à se porter au cerveau, occasionnent des songes qui sont accompagnés dans les uns de terreur panique, dans d’autres d’un écoulement de semence, dans d’autres du cochemar, surtout si les poumons se trouvent déjà affaiblis et que le sang à peine à circuler.

On peut le prévenir par la saignée, la sobriété, en s’abstenant de souper, et en dormant sur le côté, la tête un peu élevée.

  1. Ephialtes stomachiques ; Ephialte [p. 268] stomachica, Riviere, appelé par quelques-uns Epilepsi nocturne. P.

Cette espèce est causée par le ventricule, qui se trouve en remplie d’aliments qui n’ont pas eu le temps de se digérer, pèse sur le diaphragme, aussi bien que par l’engorgement du cerveau, occasionné par chyle épais et abondant qui épaissit le sang. Ceux qui s’éveillent dans l’accès, pour la langue sale, des rapports, des nausées et des pesanteurs de tête. Les personnes crapuleuses qui se couchent aussitôt après avoir mangé, y sont fort sujettes, lors surtout qu’elles dorment sur le dos, la tête de niveau avec le corps. Les enfants y sont plus sujets que les adultes, et ceux qui mangent beaucoup, plus que les autres. À l’égard des songes, ils varient suivant les mœurs des malades. Ceux que les servantes entretiennent de contes de lutins, de lemures, de faunes,  et d’autres contes de vieilles, s’imaginent en être maltraités en dormant ; ceux qui craignent les chiens, les chats et autres animaux mal-faisants pendant le jour s’imaginent en être attaqués pendant la nuit.

La cure exige l’émétique, les cathartiques, [p. 269] la sobriété, l’abstinence du souper, du vin, des viandes noires, des liqueurs spiritueuses. Au cas que la digestion languisse, on emploiera les stomachiques amers, le quinquina, le Rhapontic, l’aloès.

Cette espèce provient de l’ivresse de la bonne chair, et surtout des débauches nocturnes, d’où vient qu’elle est plus fréquente que les autres. Les songes et les sièges des symptômes varient selon le caractère des malades. Les libertins adressent aux femmes, les gens de guerre, comme le soldat dont parle Tymée,  qu’un ennemi les égorge ; un de mes amis s’imaginait qu’il montait un escalier, et qu’il était pressé entre deux murailles.  L’accès est passager, et ne demande qu’une cure prophylactique.

  1. Ephialtes causé par un hydrocéphale ; Ephialtes ex hydrocephalo, Lotichii, obs. lib. 4. observ. 3. Bonet, Sepulchret. Tom. I. pag. 180. obs. I. Lower. De Corde, cap. I, C.P.

Un jeune homme mélancolique, sujet au vertige et qui avait la vue basse, mourut après avoir eu plusieurs terreurs nocturnes, et diverses attaques de [p. 270]  cochemar. On l’ouvrit, et on lui trouva le cerveau parsemé de veines noirâtres, couvert de sani, et le sinus gauche rempli de mucosité. Le malade penchait toujours la tête du côté gauche. Bonet rapporte deux autres observations d’éphialtiques dont les sinus du cerveau étaient remplis d’eau, et c’est ce qui a donné lieu à l’opinion que l’éphialte a son siège dans le quatrième sinus du cerveau, et que cette sérosité s’écoulant lorsqu’on a la tête basse, occasionne cette maladie. Je suis persuadé que cette cause est extrêmement rare, rien n’étant plus ordinaire que de trouver de la sérosité dans les sinus du cerveau, lorsqu’on tarde à ouvrir le cadavre, e et plus on tarde et plus cette sérosité est abondante.  On parle d’un Académicien d’Oxford qui était affligée d’une hydropisie de poitrine et du cochemar, et dans ce cas il est plus aisé d’avoir les signes de cette espèce. Les hydragogues, les setons, les diurétiques, sont les remèdes qui lui conviennent. Lower se trompe lorsqu’il croit que les éphialtiques ont toujours un hydrocéphale.

  1. Ephialtes vermineux ; Ephialtes verminosa, Ettmuller, de incubo. P. [p. 271]

cette espèce a son siège le ventricule même, et l’enfant dont l’estomac est rempli de vers peut aisément songer qu’il a dans l’épigastre quelque chose qui l’épouvante. La frayeur que cause une pareille imagination, excite un vrai éphialte, et l’on voit tous les jours des gens à qui une frayeur subite cause une suffocation.

L’indication curative est manifeste.

  1. Ephialtes tertianaria, Forestus, lib. 10. obs. 52. P.

La frayeur et certain symptôme extraordinaire qui tenaient de l’incube et de l’épilepsie, revenait tous les soirs, et durait depuis neuf heures jusqu’à onze. Une jeunes filles de neuf ans avaient tous les trois jours une espèce d’accès de fièvre ; son ventre et sa poitrine se resserraient,  elle respirait avec peine, elle avait les yeux ouverts et toujours tournée du même côté, elle saisissait tout ce qu’elle trouvait sous sa main pour respirer plus aisément, elle répondait aux questions qu’on lui faisait, et elle paraissait être dans son bon sens, elle ne pouvait dormir, elle soupirait sans cesse, son ventre s’enflait, elle avait une grande oppression de la [p. 272] poitrine, elle respirait avec peine, elle prenait souvent son haleine, elle était oppressée, et elle ne pourrait parler.

  1. Ephialte hypocondriaque ; Ephialtes hypocondriaca, Ettmuler, de aëris inspiratione. Voyez Schenckius, Incube des personnes éveillées ; Incubus vigilantium, Rhodius, censur. I. observ. 54. P. L.

On prétend que l’éphialte est familier aux hypocondriaques et aux mélancoliques, et jamais de ce nombre à certains Prêtres qui s’imaginait fermement qu’une vieille femme de sa connaissance allait le trouver toutes les nuits, et le pressait dans ses bras jusqu’à l’étouffer. Vous retrouverez dans Forestus, lib. 10,  une histoire approchante est fort curieuse. Les émétiques sont très contraires à cette espèce ; lors surtout qu’elle est compliquée de vapeur, de  flatuosités et de sécheresse des intestins. Ces flatuosités peuvent comprimer le diaphragme ; et si le cerveau est disposé au délire, si le sujet est craintif et d’un esprit faible, lui causer un délire, qui commence la nuit, et dure plusieurs jours. Les remèdes qui conviennent à cette espèce, [p. 273] sont les anti épileptiques, surtout la graine de pivoines,  le cinabre et la semence d’anis.

Cette espèce ne présente pas toujours des idées fâcheuses. Raimond Fortis dit avoir traité une jeune fille qui s’imaginait en dormant avoir un commerce charnel avec son amant, et qui se réveillait avec un sentiment de pesanteur dans la poitrine, sans voix, sans respiration, le visage couvert de sueur, et une grande pesanteur de tête. Craanen rapporte un cas tout semblable, et on peut en voir d’autres dans Heurnius, Forestus, etc.

Un nommé Silimachus rapporte que quantité de personnes moururent autrefois à Rome de cette passion, qui s’était répandue comme une contagion. Cælius Aurelianus rapporte la même chose de l’incube, qu’il met au nombre des maladies chroniques ; mais cette espèce n’est point assez constatée.

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