Arnaud. Un cas d’illusion de « déja vu » ou de « fausse mémoire ». Article part dans la revue les « Annales médico-psychologiques », (Paris), huitième série, tome troisième, cinquante-quatrième année, 1896, pp. 455-471.

Arnaud. Un cas d’illusion de « déja vu » ou de « fausse mémoire ». Article part dans la revue les « Annales médico-psychologiques », (Paris), huitième série, tome troisième, cinquante-quatrième année, 1896, pp. 455-471.

François-Léon Arnaud (1858-1927). Après avoir fait ses études de médecine à Toulouse, il est nommé nommé interne des asiles de la Seine en 1885. Il prend un poste chez Charles Vallon  à Villejuif, et termine son internat dans le service de Benjamin Ball  à Sainte-Anne.
Publications :
Recherches cliniques sur la paralysie générale chez l’homme. 1888.
Les psychoses constitutionnelles, qui constitue le livre IV du Traité de pathologie mentale de Gilbert Ballet (1903).

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images sont celles ont été ajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 455]

Un cas d’illusion de « déja vu » ou de « fausse mémoire ».

M. ARNAUD. — On a décrit sous le nom de fausse mémoire ou de paramnésie une illusion qui consiste à croire que l’on a déjà connu, et par conséquent à reconnaître un fait entièrement nouveau. L’illusion porte sur l’ensemble et sur les détails, sur le fait lui-même comme sur l’impression qu’en éprouve le sujet, et le sentiment de la reconnaissance est si énergique que le faux souvenir est affirmé comme une certitude.

Je crois qu’il vaut mieux abandonner ces mots de fausse mémoire et paramnésie, qui ont le double inconvénient d’être vagues et d’être inexacts — car il n’est pas sûr du tout qu’il s’agisse ici d’un phénomène de mémoire — pour conserver l’expression très claire, n’impliquant aucune théorie, d’illusion de déjà vu.

Signalé en Angleterre par Wigan, Mandsley, James Sully, etc., cet état a été étudié. principalement en Allemagne, par Jensen, Sander, Arnold Piek, Anjel, Ferel, Kræpelin, etc. En France, il ne semble guère avoir attiré l’attention. M. Ribot (Maladies de la mémoire) décrit brièvement la fauss. mémoire d’après les Anglais et les Allemands. MM. Lalande et Dugas lui ont consacré dernièrement deux études dans la Revue philosophique (novembre 1893 et janvier 1894). Je crois que c’est à peu près tout ; et je ne connais aucun travail [p. 456] médical français sur ce sujet. Dans sont livre si documenté sur « les troubles de la mémoire », notre collègue, M. Sollier, se borne à définir la fausse mémoire.

La plupart des auteurs pensent que cette lillusion est très fréquente dans l’état normal, à ce point que toute personne cultivée doit en avoir l’expérience personnelle ; elle serait, au contraire, assez rare chez les aliénés.

Il me parait vraisemblable qu’on a exagéré la fréquence de l’illusion de déjà vu, parce qu’on l’a confondue avec certaines erreurs qui ont avec elle certaines analogies : souvenirs obscurs, réminiscences vagues et lointaines, etc. La véritable et complète illusion de déjà vu présente deux caractères fondamentaux qui la différencient absolument : c’est d’abord l’intensité du sentiment illusoire, intensité qui entraîne la certitude ; c’est ensuite et surtout l’identité des états subjectifs en rapport avec la situation prétendue double. Au moyen de ces deux caractères on pourra toujours reconnaître cette illusion très spéciale et la distinguer de ce qui n’est pas elle.

On peut eu admettre deux formes ; 1° une forme légère, compatible avec l’état normal, et dans laquelle l’illumination a une durée très courte, cesse brusquement, et se trouve aussitôt rectifiée ; 2° une forme grave, d’une plus longue durée, et dans laquelle la rectification est incomplète on nulle. Cette dernière forme est évidemment pathologique.

J’ai en l’occasion d’observer à Vanves un cas particulièrement grave, puisque l’illusion dure depuis plus de trois ans, qu’elle s’étend à la plus grande partie de la vie mentale, et que la rectification fait complètement défaut. Notre malade est un neurasthénique avéré, sa mémoire est notablement affaiblie et il présente des idées de persécution assez développées. C’est à la suite d’accès répétés de fièvre paludéenne que sont apparus les symptômes actuels. Voici le cas.

Louis, âgé de trente-quatre ans, officier, entré à la maison de santé de de Vanves en juillet 1894.

Sa mère passe pour nerveuse ; c’est tout ce que l’on sait de positif sur ses antécédents héréditaires.

De taille moyenne, bien conformé. Oreilles mal ourlées ; aucun autre stigmate de dégénérescence, Neurasthénie [p. 457] manifeste ; fréquents maux de tête, survenant d’ordinaire après les repas ; sensations de serrement autour du front, de compression à la nuque ; zones douloureuses à la pression le long de la colonne vertébrale, plaque sacrée bien nette ; troubles digestifs insomnie, irritabilité, etc.

Au moral, nature rêveuse et concentrée. Il a toujours eu le goût de la solitude et de vagabondage. Fort intelligent ayant une très bonne mémoire (au lycée il avait tous les ans le prix de récitation), il est entré second à Saint-Cyr, et son avancement a été rapide.

Nous trouvons dans son passé un détail intéressant à notre point de vue : Louis dit avoir éprouvé quelquefois, dans son enfance cette impression de déjà vu qui le poursuit sans cesse maintenant ; il croit qu’il se trompait alors, tandis qu’aujourd’hui il a la certitude que son impression est réellement fondée.

Son histoire pathologique commence au Tonkin. Il y passe près de cinq ans et il a, plusieurs fois, la fièvre paludéenne. Un accès pernicieux extrêmement grave le force à rentrer en France en août 1891. A ce moment, avec un état physique des plus alarmants, il présentait une amnésie généralisée, Il la fois rétrograde et antérograde : il avait oublié la plupart des événements de sa vie et, de plus, les faits actuels s’effaçaient de sa mémoire au fur et à mesure, à ce point qu’il répétait la même question cinq ou six  fois en quelques minutes. L’amnésie n’était cependant pas absolue, quelques souvenirs surnageaient.

L’état physique s’améliora graduellement et, après six à sept mois, les forces étaient redevenues à peu près normales : mais la mémoire restait affaiblie, surtout pour les faits postérieurs au retour du Tonkin. Il existait aussi des symptômes neurasthéniques : douleurs en calotte, irritabilité, troubles digestifs, etc.

C’est en janvier 1893, dix-huit mois après sa fièvre paludéenne, que l’on constate les premiers symptômes caractéristiques du déjà vu : Louis affirme reconnaître, pour les avoir lus antérieurement, certains articles de journal ; il dit même qu’il doit avoir écrit plusieurs de ces articles. Il importe de retenir que l’illusion était alors intermittente et que, pendant quelque temps, elle resta. limitée aux lectures du malade.

Louis souffrait alors cruellement de ses maux de tête, il s’inquiétait de son état, s’emportait et récriminait sans aucun motif. Il eut peu après une illusion absolument typique et et très impressionnante pour les siens ; assistant au mariage de son frère, il déclara tout à coup qu’il était très sûr d’avoir assisté, l’année précédente et dans des conditions identiques, aux mêmes cérémonies ; qu’il en reconnaissait tous les. détails et qu’il ne comprenait pas pourquoi on recommençait tout cela.

Quelques mois se passent ensuite sans incidents notables, les [p. 458] illusions se reproduisant de temps à autre, lorsque, en juin 1893, Louis s’éprend d’une jeune fille et déclare qu’il veut l’épouser. En raison de son état de santé, les parents s’opposent su mariage.

Louis est très affecté de cette opposition, et, depuis ce moment, ses illusions se multiplient avec une grande rapidité. Bientôt apparaissent des idées de persécution : le malade attribue ses maux de tête à des drogues que ses parents lui administrent pour lui faire oublier son projet de mariage on pour le consoler de son chagrin, en l’abrutissant. Il interprète dans le même sens les faits les plus naturels, il a de fréquents accès de colère, il se livre à des actes de violence. On l’envoie dans un établissement d’hydrothérapie ; il en sort au bout de quarante­huit heures, en disant qu’il y était déjà venu l’année précédente et qu’il en était parti de la même manière ; Enfin, sur les instances de son père qui lui remontrait la nécessité d’un traitement suivi, du calme et de l’isolement, il vient à Vanves volontairement et seul (juillet 1894). .

A peine entré dans la maison, il reconnaît successivement tout ce qu’il voit : la cour, le salon avec ses sièges et ses tentures, le parc dans ses moindres détails ; les personnes qui le reçoivent ont-déjà fait les mêmes gestes, prononcé les mêmes paroles ; lui-même a fait les mêmes réponses. C’est l’année dernière, dit-il, à pareille époque, qu’il est déjà venu ici, et il veut s’en aller, comme l’année dernière.

Quand je l’aborde, voici exactement ce qui se passe : il répond à mon salut d’une façon absolument correcte et de l’air de quelqu’un qui se trouve eu présence d’un inconnu. Quelques paroles sont prononcées, et sa physionomie change, il me dit en souriant : « Je vous reconnais maintenant, docteur ! C’est bien vous qui m’avez reçu l’an dernier, à cette même heure, dans ce même salon. Vous m’avez adressé les mêmes questions et je vous ai répondu de même. Tout cela est très net pour moi. Vous jouez fort bien la surprise, mais il est inutile de continuer. » Malgré mes dénégations les plus énergiques, Louis reste inébranlable dans sa conviction,

Quelques instants après, scène identique avec M. Falret.

Toute cette première journée se passe ainsi en reconnaissance successives de tout ce que Louis découvrait dans la maison, La reconnaissance, toujours très rapide, n’était jamais instantanée. Nous reviendrons plus longuement sur ce point d’une grande importance,

Le lendemain de son arrivée, Louis écrivait à son frère la lettre suivante qui caractérisé parfaitement son état ;     ,

«  5 heures matin, juillet 1894.

«  Mon cher frère,

« Je me rends de plus en plus compte que la scie des drogues [p. 459] me poursuit. Je vois pourquoi on m’a renvoyé dans cette maison où je suis venu l’an dernier. Comme toujours, dans l’esprit de suite. D’abord des drogues pour, ensuite, des drogues contre. De telle sorte que quand, comme cette nuit très exactement, minute par minute, je retrouve ce que j’ai fait l’an dernier, je n’ai affaire qu’à une carafe d’eau qui me détraque la tête et va me forcer à quitter la place demain à la première heure. Vous vous obstinez à me mettre des bâtons dans les roues au moment où je sens que cela va aller bien. Je vais repartir pour B…, où vous pourrez me droguer à votre aise et achever de m’abrutir. Quoi qu’il arrive, je vous serai toujours très reconnaissant de ce que vous avez fait.

« Pour mon compte personnel, ce que je vois de plus terrible, c’est surtout cet empêchement cérébral qui fait que, dans les mêmes circonstances, je fais, je dis ou je ne fais pas, je ne dis pas les mêmes choses, C’est ce qui fait qu’en arrivant ici j’ai exactement dit au docteur ce que je lui avais dit l’année dernière ; c’est ce qui fait que, comme l’an dernier, je n’ai pas parlé à Mlle X…, l’autre jour, chez les Z…

« Il s’agit maintenant de m’en aller d’ici, où je n’ai pas dormi de la nuit et où je n’ai eu pour me rafraîchir que de l’eau empoisonnée, comme l’an dernier, toujours comme l’an dernier.

«  En d’autres termes, ma maladie qui, évidemment, existe, est ceci : placé dans les mêmes conditions, je relais les mêmes choses, bonnes ou mauvaises. Qu’en faut-il conclure ? J’affirme avec plus d’énergie que jamais, que seule Mlle X… peut me guérir, et que, encore une fois, si je pouvais la voir huit jours de suite, je serais exactement ce que j’étais avant de tomber malade.

« Et, là-dessus, je t’embrasse très affectueusement, désolé que vous soyez décidés à m’empêcher de faire ce mariage que je me sens capable de faire à partir de maintenant.

«  LOUIS. »

Dans cette lettre apparaît, avec toute la netteté possible, la sensation de déjà vu, de déjà vécu, Les idées de persécution s’y montrent aussi étroitement liées aux illusions et avec ce caractère très particulier que le persécuteur est considéré comme bienveillant par l’intention s’il est malfaisant en fait.

Depuis ce premier jour de l’arrivée, l’état du malade ne s’est pas sensiblement modifié dans son ensemble.

Les idées de persécution, dont nous parlerons d’abord, n’ont présenté aucune apparence d’évolution. Louis n’a jamais eu d’hallucination d’aucune espèce ; jamais il n’a dit avoir trouvé aux aliments une odeur ou un goût suspects. Il reconnaît les drogues à leurs prétendus effets, d’ailleurs variable, tantôt excitants et tantôt déprimants. Il ne peut s’expliquer pourquoi [p. 460] on lui donne ainsi des drogues contraires, pourquoi, surtout, on choisit pour l’abrutir le moment précis où il va mieux.

D’ordinaire, il est de disposition bienveillantes et d’humeur douce ; il se plaint sans aigreur de son internement, de son empoisonnement continuel ; il admet que tout cela est fait pour sou bien, tout en protestant que l’on se trompe, que l’on fait fausse route, puisque ces mêmes moyens, ont échoué déjà l’année dernière. Mais, dans les moments d’exacerbation douloureuse, il s’emporte, il menace, il frappe, il bouscule et brise les meubles. Il dit ensuite que nous avons, au moyen des drogues, volontairement provoqué ces violences qui, seules, peuvent légitimer sa maintenue dans la maison de santé. Très défiant, il interprète dans le sens de la persécution tout ce qui est pour lui, dans la vie de tous les jours, un ennui ou une difficulté.

L’illusion de déjà vu, que nous allons étudier maintenant, a conservé ses caractères de généralité et d’apparente continuité. Elle embrasse les événements subjectifs comme les faits objectifs. Tous ou presque tous les faits nouveaux de conscience affectent la double physionomie du souvenir et de l’actualité. La reconnaissance illusoire est affirmée avec d’autant plus d’énergie que l’on attire davantage sur le fait l’attention du malade.

Louis n’a jamais cessé d’affirmer que son existence actuelle répète exactement sa vie de l’an dernier : « Dans les six mois que je viens de passer ici (janvier 1895), il n’y a pas deux minutes qui diffèrent de mon premier séjour ». Il reconnait les faits quelconques de la vie quotidienne. Il reconnais aussi, sans hésitation, tous les événements publics dont on lui parle ou qu’il apprend par les journaux : la mort de M. de Lesseps (décembre 1894) ; la démission de M. Casimir-Perier et l’élection de M. Félix Faure (janvier 1895) ; l’expédition. de Madagascar (1895) et ses diverses phases ; les fêtes de Kiel (juin 1895), la mort de Pasteur (septembre 1895), l’accident de la gare Montparnasse (octobre 1895), etc. etc.

De chaque nouvelle reconnaissance, il tire une preuve nouvelle et chaque fois décisive de son précédent séjour dans la maison de santé. Sans paraître se douter qu’il nous avait dit la même chose la veille, il répétait chaque jour : « Hier encore, je n’étais pas très sûr ; Je pouvais avoir des doutes sur mon séjour antérieur ici. Mais, à présent, et c’est très net, je suis absolument certain d’avoir connu le fait de tout à l’heure ici même, l’année dernière et dans des circonstances identiques. »

Non seulement, il revoit, réentend, refait les mêmes choses « jour après jour », mais il éprouve aussi « les mêmes sentiments », il traverse « les mêmes états d’âme », il fait « les mêmes rêves » ; ce qu’il résume dans cette formule nette et concise : « Je vis deux années parallèles ». [p. 461]

La répétition de sa vie intérieure l’impressionne beaucoup plus que la reconnaissance des faits extérieurs : « J’ai la certitude d’avoir séjourné ici l’an passé, non pas tant, grâce à mes souvenirs que par l’identité du pensées qui me viennent à l’esprit de mes rêves, de mes dispositions intérieures. Je ne vous cache pas que cela m’ennuie beaucoup. Recommencer, dans le même ordre, les mêmes pensées et les mêmes rêves, cela est évidemment maladif. »

Ces illusions répétées entraînent, pour le malade des conséquences bien faites pour troubler sa chronologie. C’est ainsi qu’il en vient à croire qu’il a séjourné trois fois dans la maison de santé, parce que, dit-il, « le souvenir de mon séjour de l’au dernier se présente lui-même à mon esprit comme un souvenir antérieur, comme un souvenir déjà vécu ». Une autre conséquence erronée est une confusion de dates qui a été également observée, sous la même forme, chez des malades de Pick et de Forel. Louis suppose d’abord, puis il affirme « que nous sommes en 1895 », puisque tous les journaux. qu’on lui donne, et qu’il a « lus l’année dernière », portent la date de 1894. Naturellement, le 1er janvier 1895 devient pour lui le 1er janvier 1896, et ainsi de suite.

Dans d’autres cas, un raisonnement non moins logique aboutit à la négation des faits. Le malade écrivait à son frère, en octobre 1894 ; « J’ai suivi jour par jour mon séjour précédent dans cet établissement. J’y ai retrouvé au fur et à mesure les mêmes articles de journaux. Vous m’y avez envoyé les mêmes fausses nouvelles : la mort de Mlle X…, le mariage de Mlle Z… Je ne puis écrire à Mme X…ne sachant pas exactement si c’est vrai ou faux. Il me semble bien pourtant que c’est faux, puisque Je suis sûr d’avoir lu la même chose l’an dernier, ainsi que le mariage de Mlle Z…, J’ai beau avoir la tête malade, il y a évidemment des choses qui se fixent, et celles-là en sont. Je n’écrirai pas à Mme X… malgré la parfaite occasion que me donne la pseudo-mort de sa fille. J’agirai exactement de la même façon que la première fois, et je suis sûr de ne lui avoir pas écrit l’an dernier, je le sens à la netteté avec laquelle je prends la résolution de ne pas lui écrire. »

Il est inutile d’accumuler les exemples du même genre qui trahiraient tous le même mécanisme intellectuel : l’impression de déjà vu est en désaccord avec les apparences ; un raisonnement plus ou moins voulu, plus ou moins conscient, veut rétablir la concordance ; suivant les intimes préférences du malade, le raisonnement aboutit tantôt à une erreur de dates et tantôt à la négation pure et simple, mais toujours il est logique, logique jusqu’à l’absurde.

Remarquons ici que Louis distingue fort bien ses anciens [p. 462] souvenirs de ses reconnaissances actuelles. Il a évidemment conscience que son esprit ne fonctionne plus comme autrefois, et chose singulière, il semble avoir une confiance plus grande dans le nouveau mécanisme. Il disait souvent qu’on le ferait douter plutôt de sa réception à Saint-Cyr que de la réalité de son séjour antérieur à Vanves. Ceci ne doit évidemment pas être pris au sens absolu, et Louis n’avait pas le moindre doute sur son entrée à Saint-Cyr. Il entendait seulement exprimer avec force l’intensité de son impression de déjà vécu. Un malade observé par Sander semblait pousser plus loin encore la conviction : « J’ai peur, disait-il, que le fait actuel ne soit qu’une apparence, n’existe que dans ma pensée, tandis qu’en réalité, il se serait produit antérieurement ». Ce malade en venait donc jusqu’à presque nier l’existence de sa perception présente, au profit de son faux souvenir.

Pour compléter l’étude de l’état mental de Louis, il est nécessaire d’examiner l’état général de sa mémoire. Nous savons qu’elle est affaiblie. L’amnésie porte principalement sur la période qui a suivi la fièvre paludéenne et sur les faits actuels. Les acquisitions nouvelles sont très difficiles et très instables. Le malade oublie au fur et à mesure les choses dont il est le témoin. Il a toujours fort mal apprécié la durée de son séjour à Vanves ; il lui est presque impossible de retenir les noms des personnes qu’il voit tous les jours, etc. Dans cette amnésie, il faut faire une part assez importante à la distraction qui résulte des préoccupations habituelles du malade. Toujours absorbé par la pensée de sa maladie, ne parlant guère d’autre chose, Louis est indifférent à tout ce qui se passe autour de lui. Mais si l’on réussit à attirer son attention, à l’intéresser, les souvenirs se fixent assez bien.

Après avoir exposé les faits, nous devons chercher à déterminer le mode de développement et les caractères de l’illusion chez notre malade.

Pour cela, nous pouvons recourir soit à son propre témoignage, soit au témoignage direct des faits. Or, ces deux témoignages ne concordent pas toujours. De plus, les affirmations du malade, à propos d’un fait donné, varient suivant le moment où, on les recueille. En notant, d’une part, les circonstances de l’événement et les dires du malade à ce moment précis pour les comparer, d’autre part, aux appréciations qu’il en donnait quelques heures ou quelques jours après, j’ai acquis la certitude que le témoignage ultérieur du malade, en dépit de son absolue sincérité, ne mérite aucune confiance. Il faut [p. 463]

Donc lui préférer, chaque fois qu’elle est possible, l’observation directe seule valable et probante.

Ceci posé, nous allons chercher à résoudre les questions suivantes, dont la solution est indispensable à l’exacte appréciation du singulier état qui nous occupe.

1° Y-a-t-il un intervalle appréciable entre la perception réelle et le souvenir illusoire ? Cet intervalle s’il existe est-il petit ou grand, est-il fixe ou variable ?

2° La réflexion rend-elle l’illusion plus claire et plu précise ?

3° En quoi consiste exactement l’illusion, quels en sont les caractères primitifs ?

4° L’illusion est-elle chez notre malade réellement continue ?

1. — Nous savons déjà que le malade se plaignait de ne pas reconnaître assez vite les choses qu’il affirmait ensuite avoir déjà connues autrefois. D’après lui, la reconnaissance ne se produisait que le lendemain ou les jours suivants, ou même beaucoup plus tard. Voici, par exemple, ce qu’il pensait de son arrivée à Vanves, trois mois après : « Ce n’est que deux ou trois jours après mon arrivée ici que j’ai commencé à soupçonner mon séjour précédent ; au bout d’une quinzaine, j’en avais la presque certitude; depuis ces derniers jours, la certitude est complète, absolue. » Or, si l’on se reporte à ce que j’ai dit de l’entrée du malade à Vanves, de sa promptitude à reconnaître tout ce qu’il voyait pour la première fois, on se rendra compte de l’étendue de son erreur. Il attribuait une durée de plusieurs semaines à une gradation qui avait demandé tout au plus quelques minutes. — J’ai choisi cet exemple, parce qu’il est particulièrement caractéristique. Mais cette erreur d’appréciation se reproduit pour les faits de tous les jours. Et il n’est pas nécessaire d’attendre plusieurs semaines, pas même plusieurs jours, pour le voir se contredire. Quelques heures après une fausse reconnaissance, il ne manque jamais de dire que tout à l’heure il l’avait des doutes, mais que maintenant il est tout. à fait sût. Le lendemain, à propos du même fait, il dit que la veille, il avait seulement des présomptions, mais qu’aujourd’hui sa certitude est absolue. Et il est toujours fort surpris quand [p. 464] on lui rappelle ses affirmations successives, toutes également énergiques.

En fait, la reconnaissance illusoire suit de très près la perception qui lui donne naissance. J’ai souvent essayé de mesurer l’intervalle qui les sépare ; Je l’ai toujours trouvé d’environ une minute, avec de légères variations suivant l’importance du fait, suivant aussi 1e degré d’attention du malade. Quand on a soin l’éveiller et de fixer son attention, toujours très faible, la reconnaissance paraît en général, plus rapide, mais l’intervalle reste bien apparent, Quand l’illusion se produit spontanément, l’intervalle semble parfois plus considérable. Mais ce n’est là qu’une apparence, et il ne faut pas confondre le moment où le sujet avoue son illusion avec le moment où elle se produit. — On peut dire, en résumé, que la reconnaissance ne se produit pas à la façon d’un instantané photographique, son élaboration exige un certain temps de pose.

2. — Sur un second point, qui n’est qu’une consé­quence de celui que nous venons d’examiner, le malade se trompait encore. Il prétendait que ses souvenirs illusoires devenaient d’autant plus clairs, d’autant plus précis, qu’il y réfléchissait, davantage ! « Je retrouve alors, disait-il, jusqu’aux moindres détails. » On a pu voir, par les faits déjà rapportés, qu’avant toute réflexion l’affirmation de reconnaissance était aussi catégorique, aussi absolue que les jours suivants. Voici maintenant la preuve que, malgré la réflexion, l’illusion perdait rapidement toute netteté.

En décembre 1894, je présente à Louis une même personne deux fois, à dix joute d’intervalle et dans des circonstances différentes. Comme d’ordinaire, il reconnaît chaque fois la personne pour l’avoir vue, l’an dernier, dans des circonstances identiques. Mais, la seconde fois, malgré tout ce que nous pouvons lui dire, il refuse absolument d’admettre qu’il l’ait vue il y a quelques jours seulement.

Un deuxième fait est encore plus démonstratif. Au commencement d’octobre 1895, nous conduisons le malade voir l’enterrement de Pasteur. Il était à un balcon en compagnie de deux inconnus, un homme et une femme, qu’il a d’ailleurs très vite reconnus, comme il a [p. 465] reconnu la maison, la rue, la foule et le cortège dans tous ses détails. Le lendemain, nous reparlons plusieurs fois de cet enterrement, et, suivant son habitude, Louis affirme que, plus il y pense, plus clairement il revoit tout cela ; il a particulièrement gardé le souvenir très précis des deux personnes qui étaient auprès de lui. « Je les vois aussi nettement que hier. » On lui demande alors de rappeler leurs physionomies, la couleur et la forme de leurs vêtements. La description qu’il en fait est aussi éloignée que possible de la vérité ; il prête au Monsieur un chapeau haute forme gris, alors qu’il portait une casquette anglaise, — une redingote noire au lieu d’un veston gris. Il coiffe la dame d’un chapeau rouge, tandis qu’elle avait un chapeau noir, etc.

Il me serait facile de multiplier les faits de ce genre ; ceux-ci me semblent suffire. Il s’ ensuit jusqu’à l’évidence que, en dépit de la conviction du malade, la réflexion n’éclaircit ni l’illusion, ni le souvenir réel qui s’y rattache. Nous aurions pu le supposer à priori, connaissant la faiblesse de la mémoire et de l’attention chez Louis. Il n’en fallait pas moins donner la preuve directe de son erreur. Mais, cependant, comment expliquer une conviction si sincère et, en même temps, si contraire à la réa­lité ? Je crois que l’accumulation des fausses reconnaissances renforce l’impression déjà acquise antérieurement. Chaque nouvelle reconnaissance est pour le malade une preuve de la vérité des précédentes, qu’il affirme dès lors avec une conviction d’autant plus profonde. Ici, nous arrivons à notre troisième question, celle des vrais caractères de l’illusion.

III. — C’est la question la plus importante, celle qui commande l’interprétation du phénomène. Il est caractérisé, à mon avis, par une très forte impression de souvenir, qui s’impose comme telle au malade ; mais il n’y a pas souvenir complet, véritable.

En effet, des trois éléments qui constituent le souvenir complet : conservation, reproduction, localisation dans le passé ou reconnaissance, les deux premiers, nous venons de le montrer, sont très instables, très imparfaits et le troisième est toujours insuffisant. Le fait est bien reporté dans le passe, mers il est fort mal situé dans le temps comme dans l’espace, il n’a pas sa place [p. 466] individuelle entre un antécédent et un conséquent. Il est conçu comme déjà éprouvé dans des conditions identiques aux conditions actuelles, et si, comme nous l’avons fait, l’on modifie ces conditions, l’impression de déjà connu s’adapte immédiatement aux conditions nouvelles, sans rien perdre de sa vivacité. La localisation dans l’espace est donc toujours celle de la perception présente. Pour la localisation dans le temps, ce n’est qu’à la faveur d’un raisonnement que le malade arrive à une certaine précision. Louis localise ses prétendus souvenirs à une année en arrière au moyen des journaux. Un malade de Forel est persuadé qu’il a déjà vu le lac de Zurich entièrement gelé, et il en conclut qu’il l’a vu l’hiver précédent, etc. Le seul élément primitivement fixe et énergique dans l’illusion qui nous occupe est donc la reconnaissance sans localisation. réelle. Or, la reconnaissance est l’élément subjectif par excellence, celui qui d’après l’expression de M. Ribot « représente l’apport de la conscience dans le fait de la. mémoire ».

La comparaison des souvenirs illusoires avec les vrais souvenirs du malade va nous montrer encore des différences profondes. Nous savons que les souvenirs antérieurs à la maladie sont bien conservée, Quand un de ces souvenirs reparaît dans la conscience, il s’accompagne immédiatement, comme à l’état normal, des souvenirs accessoires qui s’y rattachent. Si Louis rencontre des personnes de sa connaissance, il les reconnaît tout de suite, dès qu’il les aperçoit, et il se rappelle aussitôt leur nom, leur profession, les circonstances dans lesquelles il les a connues, l’impression qu’il en avait éprouvée, etc. En un mot, quand il s’agit d’un vrai souvenir, la perception actuelle évoque tout un ensemble de souvenirs partiels en rapport avec elle, mais qui la dépassent et la complètent. Au contraire, le souvenir illusoire ne diffère en rien de la perception actuelle, il ne contient rien de plus, ni rien de moins, il lui est rigoureusement superposable, il en est la reproduction photographique de grandeur naturelle. Si Louis voit une personne de dos il la reconnaît parfaitement, mais seulement de dos et il ne peut rien dire de son visage, etc. L’illusion de déjà vu n ‘est donc rien autre chose que la perception elle-même rejetée dans le passé, antériorisée. Ou pourrait [p. 467] l’appeler une perception rétroactive ou rétrospective.

3. — Un dernier point à examiner est la question de savoir si l’illusion est réellement continue, si la reconnaissance s’étend à tous les faits, comme l’affirme Louis quand il dit : « Je vis deux années parallèles dans mes deux : séjours ici, il n’y a pas deux minutes qui diffèrent, etc. » Je n’hésite pas, en m’appuyant sur l’observation des faits, à répondre par la négative. Nous avons eu souvent de longues conversations avec le malade sans le voir manifester d’aucune manière une fausse reconnaissance. Mais il suffisait de lui demander à un moment quelconque, s’il reconnaissait la conversation, pour obtenir aussitôt une réponse affirmative. Assez souvent, et ce sont là les cas particulièrement instructifs, l’impression de déjà vu se produisait après une période normale, et, à partir de ce moment, tout était reconnu, non seulement ce qui suivait l’impression, mais aussi ce qui l’avait précédée. Enfin, il est avéré qu’au début l’illusion était intermittence et qu’à la longue seulement elle a paru devenir continue.

Il me paraît légitime de conclure que la continuité de l’illusion n’est qu’apparente, qu’elle est le résultat d’une sorte d’entraînement, d’une habitude ayant déterminé un faux pli de l’esprit et un véritable délire.

Par quel mécanisme psychologique peut-on maintenant expliquer l’illusion de déjà vu ?

Chaque auteur propose sa théorie et la question ne s’en trouve ni éclaircie , ni simplifiée. On a invoqué la dualité fonctionnelle du cerveau, la télépathie et même la métempsychose ! Parmi les théories plus accessibles nous citerons celle d’Anjel (de Gräfenberg) qui explique l’illusion par un retard de la perception, analogue au retard de la sensation observé dans le tabes ; — celle de M. Ribot, qui suppose une hallucination très vive, effaçant en quelque sorte la perception et la refoulant dans le passé ; — enfin, la théorie indiquée, puis rejetée par MM. Lalande et Dugas, et d’après laquelle l’illusion résulterait d’une courte distraction survenant entre deux perceptions du même objet ou du même fait.

La discussion de ces diverses théories nous entraînerait trop loin, je la réserve pour un travail plus complet. L’explication qui me semble plausible, analogue à [p 468] celles d’Anjel et de MM. Lalande et Dugas, repose sur l’existence, incontestable chez notre malade, de l’anesthésie et de la distraction habituelle.

L’analyse attentive du phénomène montre qu’il consiste essentiellement en ceci : à un événement unique et actuel correspondent deux images ou représentations mentales, dont l’une conserve les caractères de l’actualité tandis que l’autre prend l’apparence d’un souvenir. Ces denx représentations sont liées et, des états de conscience absolument identiques, cela suppose qu’elles se sont formées à peu prés simultanément, sans quoi elles seraient rapportées à des états de conscience plus ou moins analogues mais distincts, il y aurait illusion de ressemblance ou d’analogie et non point illusion d’identité. L’analyse psychologique, remarquons-le, concorde ici pleinement avec l’observation qui nous a montré le faux souvenir suivant toujours de très près la perception. L’illusion consiste donc à croire que deux représentations mentales s’ont séparées par un laps de temps considérable, alors qu’en réalité elles sont contemporaines. Et ce qu’il faut expliquer, c’est comment une perception actuelle peut donner lieu à la fois à sa représentation normale et à une autre représentation qui a l’apparence d’un souvenir .

Il me semble que la distraction profonde, chez un sujet atteint d’amnésie continue, peut aboutir à ce résultat. En effet, dans l’état de distraction, les perception se produisent passivement, elles restent en dehors de la personnalité du sujet, jusqu’à ce que, par leur durée même ou par leur intensité, elles finissent par s’imposer à la conscience. Alors, la distraction cesse. Si le sujet est normal, il se rend parfaitement compte de ce qui vient de se passer ; par exemple, voyant tel ou tel objet, il se souvient que ce même objet était tout à l’heure devant ses yeux et qu’il ne le voyait pas. La perception devenue consciente réveille sa première phase inconsciente, la mémoire les fusionne et rétablit la continuité de la vie psychologique. Mais si la mémoire est à peu près incapable, comme-chez Louis, d’acquérir de nouveaux souvenirs, il y aura discontinuité psychologique ; les deux phases de la perception resteront séparées par une sorte d’hiatus, et la première, de beaucoup la plus [p. 469]

faible, sera tout naturellement reportée dans un passé plus on moins lointain.

J’avoue que cet essai d’explication ne me satisfait pas complètement. On peut lui opposer plusieurs objections. D’une manière générale on peut dire que le domaine de la distraction est infiniment plus étendu que celui du déjà vu. Cette objection perdrait une partie de sa valeur s’il était vrai que l’illusion fût aussi fréquente que le soutiennent certains auteurs. Mais, surtout, je réponds que la distraction n’est que l’occasion, une forme particulière d’amnésie devant intervenir pour donner la raison du phénomène.

On peut objecter encore que cette explication n’est plus admissible dans les cas où l’illusion se prolonge, quand le malade dit reconnaître toutes les phases, tous les mots d’une conversation.

Ici, je répéterai qu’à mon avis l’illusion de déjà vu n’est ni continue, ni réellement prolongée à tous les détails d’un ensemble, à toutes les parties d’un tout. Elle apparait à propos de tel ou tel fait limité, tel ou tel détail, et le sujet étend ensuite à l’ensemble l’impression produite par cette illusion limitée. Cette interprétation s’impose dans les cas cités plus haut où l’on assiste au développement récurrent. de l’illusion, où on la voit s’étendre à ce qui l’a précédée comme à ce qui la suit.

Il est évidemment difficile de donner une explication satisfaisante de phénomènes aussi délicats et aussi complexes. Celle que je hasarde peut rendre compte, dans une certaine mesure, de ce qu’il y a d’essentiel dans l’illusion de déjâ vu. Elle a au moins le mérite de ne pas sortir des données de l’observation, de ne pas exiger d’extraordinaires hypothèses. Il est possible, d’ailleurs, que tous les cas ne relèvent pas d’une explication univoque. Cependant, les diverses observations que j’ai retrouvées sont étrangement semblables, et j’ai la conviction que la théorie de ce curieux état doit être cherchée dans les modifications apportées par l’état de la mémoire et de l’attention an mécanisme de la perception.

Je ferai remarque, en terminant, l’intérêt que présente notre observation au point de vue étiologique ; le [p. 470] rapport de cause à effet entre le paludisme et les troubles de la mémoire y est évident. Ces, faits ne paraissent pas fréquents : puisque l’infection paludéenne n’est pas signalée par les auteurs parmi les causes de l’amnésie ou des autres troubles de la mémoire. M. le professeur Raymond insistait récemment (janvier 1896) sur la rareté de ces cas, en présentant un malade atteint de névrite périphérique liée an paludisme et compliquée d’amnésie des souvenirs anciens. Par ce côté encore, notre observation méritait d’être rapportée.

DISCUSSION

  1. PIERRE JANET. — Je pense que l’état désigné sous le nom de fausse mémoire est plutôt un fait de perception que de mémoire ; les objets ne se présentent pas avec leurs caractères habituels. J’ai observé chez certains sujets, principalement des neurasthéniques ou des hystériques, l’illusion de jamais vu. Chez d’autres la perception paraît être un souvenir; c’est l’illusion de l’anciennement vu.
  2. PAUL GARNIER. — l’expression fausse mémoire peut paraître erronée ; pourtant je suis d’avis de conserver le mot. En réalité, ces faits ne se produisent guère que chez les invalides de la mémoire. Il y a amnésie relative à la notion du temps.
  3. PIERRE JANET. — M. Mayers a publié un article sur ce sujet : il se sert du mot promnésie.
    Les amnésies localisées dues à une lésion cérébrale, ne coexistent pas avec ces phénomènes.
  4. PAUL GARNIER. — Le malade est-il quelquefois allé au-devant d’une personne inconnue, spontanément et croyant la connaître ?
  5. ARNAUD. — Jamais.
  6. CHARPENTIER. — Le malade de M. Arnaud, prétend que toutes les impressions ont été déjà éprouvées par lui. On pourrait tâcher de contrôler son dire à l’aide de points de repère véritables.
    Je me rappelle un persécuté qui avait donné un coup de couteau à sa femme ; il soutenait que c’était lui qui avait reçu la blessure et montrait une cicatrice.
  7. BRIAND. — Dans le cas d’un événement anormal on pourrait demander au malade quel a été le dénouement. [p. 471]
  8. ARNAUD. — J’ai essayé. Il s’en tire en répondant : je ne me souviens pas ; ma mémoire est mauvaise.

 

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