Ania Teillard. L’essence du rêve. Article paru dans la revue « Le Disque vert » consacré à Carl Gustav Jung. (Bruxelles), Le disque vert, 1955, pp. 359-367.

TEILLARDREVE0001Ania Teillard. L’essence du rêve. Article paru dans la revue « Le Disque vert » consacré à Carl Gustav Jung. (Bruxelles), Le disque vert, 1955, pp. 359-367.

Ania Teillard (1889-1978). Au lendemain de la guerre, Ania Teillard, élève de Klages et de Jung, donne à la graphologie une dimension nouvelle en la reliant à la psychologie des profondeurs, et à l’œuvre de Jung en particulier. Ms elle développe une technique d’une grande finesse de l’interprétation des rêves, en émettant l’hypothèse de plusieurs couches superposées du conscient. En 1948, elle publie un ouvrage resté célèbre : L’Âme et l’écriture dans lequel elle expose les notions jungiennes les plus utiles, l’interprétation du symbolisme de l’espace et la graphologie.
Quelques publications :
—  Le symbolisme du rêve. Avec 13 illustrations. Deuxième édition. Paris, Stock, 1944. 1 vol. in-8°, 248 p., 2 ffnch., 10 planches hors texte. Dans la série «  Psychologique ».
—  L’âme et l’écriture. Préface de Maurice Delamain. Paris, Stock, 1948. 1 vol.
—  Le rêve, une porte sur le réel. Paris, Stock, 1951. 1 vol. 12/19, 158 p., 1 fnch. Dans la série « Psychologique ».
—  La dimension inconnue. Editions de La Baconnière, 1960.
—  Ce que disent les rêves. Paris, Stock, 1979. Reprise des thèses émises dans les 2 livres précédents.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. — L’ image a été rajoutée par nos soins. — Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

L’ESSENCE DU RÊVE

La Psychologie des Profondeurs et particulièrement la psychologie analytique de C. G. Jung ne peut pas être transmise par la lecture seule, par une voie purement intellectuelle. L’expérience vécue, le choc analytique, est indispensable pour la comprendre vraiment. Un seul rêve interprété et assimilé en apprend plus sur l’essence même de cette psychologie que tous les livres et toutes les conférences.

Les temps sont révolus où l’on souriait à la science des rêves. Les mondes scientifique et religieux, à l ‘heure actuelle, ont fini par prendre les rêves au sérieux. C’est un des grands mérites de Freud d’avoir redécouvert dans le rêve un élément révélateur des données les plus secrètes de l’âme humaine et d’avoir élaboré une technique valable pour les interpréter.

Les conceptions de Jung diffèrent de celles de Freud sur des points essentiels. Tandis que Freud voyait avant tout dans le rêve un accomplissement de désirs refoulés en mettant l’accent sur la vie sexuelle et le « drame familial », Jung donne des interprétations plus riches et plus complexes. Ses « amplifications » des motifs du rêve puisent dans le symbolisme universel. Il exige de l’analyste une connaissance solide de la mythologie, du folklore et de l’histoire des religions qui lui permettent d’ajouter au sens personnel d’un symbole rêvé le sens collectif plus vaste qu’il peut posséder. Il distingue les « petits rêves » qui sont proches du seuil du conscient et qui traitent des problèmes personnels du rêveur, et les « grands rêves » avec leurs symboles archétypiques. Ces rêves surgissent à des moments décisifs de la vie : première enfance, puberté, sommet de la vie, l’heure de la mort. Des symboles archétypiques se font jour également à certaines étapes d’un traitement analytique. Les archétypes ne sont pas des données venant de l’expérience personnelle du rêveur, mais des éléments universels qui appartiennent à l ‘humanité toute entière. Nous conservons dans les couches les plus profondes de l’inconscient la « mémoire du monde ».

La différence entre Freud et Jung réside dans leur compréhension de la vie en général, dans leurs prémisses philosophiques et religieuses beaucoup plus que dans la technique de l’analyse même. Jung considère l’esprit comme un facteur aussi impérieux que le [p. 360]

la différence entre les deux maîtres en donnant à Jung l’épithète de « spiritualiste ». Jung se dit au contraire « réaliste ». Il insiste, comme Freud sur la nécessité de résoudre les conflits pratiques de l’existence. II dit même que les rêves s’occupent en premier lieu du problème actuel du rêveur et non du passé. Contrairement à Freud, il ne voit pas le but à atteindre dans une « sublimation des instincts », mais dans un équilibre des contrastes inhérents à tout être humain. Cette notion des polarités agissant dans le psychisme (masculin – féminin, conscient – inconscient, tendances spirituelles et instinctives), est une conception de base chez Jung qui influence, fortement ses interprétations de la vie onirique.

Il est difficile de donner une définition précise du rêve ; les notions des chercheurs, médecins et psychologues diffèrent à ce sujet ; mais il existe une documentation riche et solide quant à sa phénoménologie. Nous possédons des observations et des expériences de toutes sortes datant de la plus haute antiquité et allant jusqu’à nos jours. Nous connaissons l’activité du rêve, son symbolisme et ses répercussions sur le rêveur.

La psychanalyse (terme qui englobe en France les trois écoles(Freud, Jung, Adler), a dépassé le stade purement médical et thérapeutique.

Elle est devenue un facteur considérable dans la vie des peuples, en Europe et aux Etats-Unis surtout. Elle influence toute, notre culture, la philosophie, la littérature, le théâtre, le cinéma. Il est évident que la psychanalyse est ainsi l’avant-garde de la science des rêves, sauf chez les Adlériens, qui utilisent peu les rêves et s’intéressent à l’adaptation sociale d’un sujet et à des buts éducatifs plus qu’au sondage de l’inconscient.

Une petite digression me sera permise ici : les littérateurs aiment inventer des rêves, mais ils tombent presque toujours à faux. La supériorité du rêve authentique sur le rêve inventé est évidente. Jamais le rêve artificiel n’atteint la richesse et la profondeur du rêve authentique avec ses couches superposées de significations et avec ses ramifications multiples dans la vie quotidienne du rêveur.

La psychanalyse, qui avait débuté par des expériences faites sur des sujets névrosés, s’est donc élargie et englobe actuellement la psychologie de l’individu sain. Elle est considérée comme un moyen efficace pour la connaissance des hommes. Il y a des personnes qui se soumettent à une analyse par un intérêt aussi bien objectif que subjectif. A mon avis, tout psychologue, éducateur et meneur d’hommes devrait passer par cette expérience. Quel changement dans la vie politique, si les hommes d’Etat et les politiciens [p. 361] écoutaient la voix de leur inconscient à travers leurs rêves, au lieu d’être dirigés à leur insu par leurs complexes et leurs projections !

Quels sont les mobiles qui incitent une personne à se soumettre à une analyse et à étudier ses rêves ?

En général, ce sont des symptômes et des états tels que l’agoraphobie, l’angoisse, l’impuissance sexuelle, la frigidité, l’incapacité de passer un examen, une émotivité incontrôlée, des inhibitions de toutes sortes, des perversions dont le sujet voudrait se débarrasser, l’impossibilité de supporter la solitude, le vide que laisse la perte d’une personne aimée ou — le vide tout court. Enfin, le désir de se connaître et d’évoluer.

Dans les entretiens analytiques menés suivant la méthode de Jung, l’analyste et l’analysé se trouvent face à face. L’analysé n’est pas couché et l’analyste n’est pas assis derrière lui comme c’est l’usage dans les traitements freudiens. Car Jung considère l’analyse comme un processus dialectique où le conscient est aussi bien en jeu que l’inconscient. Jung donne une importance fondamentale à l’activité du conscient qui doit comprendre et assimiler les données de l’inconscient. Si cette compréhension souvent difficile et pénible n’a pas lieu, l’inconscient produit en vain toute son imagerie. Le but suprême de l’analyse est justement d’intégrer l’inconscient dans le conscient, ou mieux d’assimiler le Moi à une personnalité plus étendue qui se forme pendant le processus évolutif provoqué par l’introspection.

Comme il s’agit ici d’une présentation dé l’expérience vécue de l’analyse des rêves, il me sera permis de parler d’expériences faites par moi-même pendant une longue pratique analytique avec de nombreuses personnes, hommes et femmes. Ces personnes appartiennent à des nations et croyances différentes : Français,.

Allemands, Américains, Hollandais, Suisses, Indiens, de religion catholique, protestante, juive et brahmanique, ou sans religion.

Les expériences faites sur ces personnes si diverses se produisaient non d’une manière identique, car les problèmes personnels. étaient très différents, mais les suites de rêves prenaient quand même une tournure très apparentée et les résultats me confirmaient toujours davantage la justesse des notions de C. G. Jung.

Après le récit de la vie qui devient en général une vraie confession, vient le récit de rêves, même de la part de personnes qui. prétendaient ne jamais rêver. Car dès qu’une introspection est ébauchée, des rêves surgissent, souvent abondamment. Pendant le traitement, par contre, il y a souvent un blocage passager de l’activité onirique. J’ai pris l’habitude de reprendre des rêves antérieurs pendant ces périodes de sécheresse, pour trouver des [p. 362] motifs rêvés qui se répètent et pour enchaîner les rêves les uns aux autres. Car c’est la suite de rêves et non le rêve isolé qui importe.

C’est l’une des découvertes capitales de Jung d’avoir trouvé le fil conducteur dans les séries de rêves (des centaines parfois), et de mettre en évidence l’activité admirable de l’inconscient. Cette activité apparemment alogique, chaotique et infantile est en réalité intentionnée et souvent supérieure à l’entendement du conscient.

Chaque exploration de l’inconscient est nouvelle et unique et doit être conduite par l’analyste sans idée préconçue et sans la volonté de la mener d’une manière déjà expérimentée ou vers un but précis. L’analyste et l’analysé se trouvent ensemble sur une terre neuve qu’ils explorent.

Pourtant, il y a une voie qui se dessine d’une façon autonome, des symboles typiques qui réapparaissent et un ordre chronologique dans la suite de ces symboles. Parallèlement à ces apparitions d’images et de situations symboliques, se fait une évolution de la personne et une vraie métamorphose de l’être entier.

Ces symboles éternels qui apparaissent dans les rêves à un certain stade de l’évolution du sujet, Jung les appelle archétypes, en s’inspirant des idées de Platin et de Saint Augustin, et l’évolution elle-même est nommée l’individuation.

Quelle est l’action particulière des rêves au cours de ces expériences ?

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La Dormeuse.

Les rêves jouent un rôle complémentaire par rapport au contenu du conscient : ils apportent les matériaux psychiques nécessaires à la compréhension d’une situation ou d’un conflit et qui manquent à la compréhension consciente. Mais, une autre action est plus importante encore. Le rêve apporte une sorte de compensation à l’attitude unilatérale, exagérée, incomplète ou erronée du conscient. Plus la conception éthique et morale d’un individu est étroite, plus l’inconscient déborde d’images sensuelles et vicieuses. L’inconscient aspire à rétablir l’équilibre dérangé par la névrose ou par une attitude unilatérale et à créer l ‘harmonie de la personnalité et les associations libres qui s’y rattachent.

La première étape d’un traitement analytique est donc la confession (purification, catharsis).

Au cours de cette première étape, les contenus du conscient se révèlent successivement. Ils sont nourris par les données inconscientes qu’apportent les rêves.

Cette confession continue au cours de tout le traitement, car le sujet relate à chaque séance ce qu’il a fait, pensé et senti dans l’intervalle. Il raconte en même temps les rêves des nuits passées. [p. 363] Le lien entre sa vie consciente et inconsciente se produit donc d’une façon toute naturelle : à la vie diurne, consciente, se joint une vie nouvelle, nocturne, qui s’avère d’une richesse inouïe, d’une force inattendue et d’un dynamisme bouleversant.

Ce bouleversement se traduit dans les rêves par des images typiques : écroulement de la maison natale, catastrophe cosmique comme inondation, incendie, éruption volcanique. Le personnage extérieur, le masque social, que Jung appelle la « personna », s’écroule.

A ce moment critique, une Hollandaise rêve que la Reine Wilhelmine est conduite au bûcher et brûlée solennellement. C’est la projection du personnage extérieur de la rêveuse même sur la reine qui est détruite par le feu, image archétypique de la connaissance.

Ce personnage extérieur était extrêmement rigide, tout en cachant un tempérament passionné. Le rêve montre par l’image collective de la reine la force et l’importance de cette « persona ».

Très souvent, au début d’une analyse, l’analysé se sert de véhicules, auto, bateau, carrosse, train, tramway, pour se mettre en route. La décision de quitter l’état actuel et de chercher une nouvelle voie est ainsi représentée.

Un autre symbole typique pour ce stade d’évolution est la traversée d’un fleuve, le passage par des porches, des portes, des tunnels. C’est l’illustration de la transition d’un état psychique à un autre.

La descente dans des caves, des grottes et des cavernes ou dans le métro exprime la descente dans l’inconscient. Ce sont également des images caractéristiques de cette étape. Beaucoup de personnes se voient en chemise, sans souliers, dans des situations pénibles et honteuses qui expriment ainsi leur incertitude à ce moment d’évolution.

Nous voyons que le rêve dramatise d’une façon imagée et mouvementée les sentiments et les pensées du rêveur ; souvent il y ajoute des éléments qui dépassent d’une façon étonnante tout ce que le rêveur a pu concevoir.

Jung a tenu compte plus que tout autre de la différence structurale des psychismes masculin et féminin. Cette différence se montre clairement dans le processus évolutif.

Au début, l’évolution chez les deux sexes a une certaine ressemblance.

Le sujet est submergé par des rêves pénibles, par des images de son ombre. Toutes les expériences désagréables de la vie, tout ce qui est refoulé et non admis par le conscient est condensé dans les rêves dans des personnages particuliers : mendiants, prisonniers, [p. 364] geôliers, etc., chez les hommes, prostituées ou méchantes femmes de chambre, maîtresses d’écoles détestées, etc., chez les femmes.

L’ombre de la personne qui rêve est du même sexe que le rêveur.

Ces apparitions de l’ombre continuent dans les suites de rêves parfois pendant des mois et des années, même quand de grands symboles archétypiques ont surgi. Ces apparitions prouvent que des restes psychiques infantiles ne sont pas transformés et assimilés ou conscient. Car c’est une lourde tâche d’accepter de n’être pas seulement une personne consciente et civilisée, mais aussi un être primitif et destructeur.

Cette expérience faite, des images d’un autre ordre apparaissent.

A ce moment, la différence structurale entre les psychismes masculin et féminin devient évidente. Il s’agit alors du grand problème

« Anima – Animus », de la féminité inconsciente dans l’homme et de la masculinité inconsciente chez la femme. Je n’ai jamais suivi une évolution où l’expérience de l’image de l’âme, Anima – Animus, n’ait pas été de la plus grande importance.

Jung a spécialement développé ses notions sur l’image de l’âme, dans son livre Le Moi et l’Inconscient. Ses conceptions sont le fruit d’une longue expérience dans sa pratique analytique. Car la projection de l’image de l’âme sur l’analyste joue également un grand rôle entre analyste et analysé et fait partie du stade évolutif qui suit la confession, la « mise en lumière ». La dissolution de ce « transfert affectif » sur l’analyste et la réintégration de l’image de l’âme dans le psychisme du sujet est une des tâches essentielles de cette étape. Enfin, l’analysé passe à la réalisation de ses expériences et à la « métamorphose », dernier échelon sur ce long chemin évolutif.

Je ne peux que donner ici un seul exemple de la transformation de l’image de l’âme, exprimée dans un grand rêve qui fut décicif pour la rêveuse.

Il s’agit d’une jeune fille de 29 ans, professeur de philosophie et de langues. Depuis sa première jeunesse, elle est fascinée par des hommes âgés, successivement par son directeur de lycée et ses professeurs à l’Université. Elle est incapable de s’intéresser à des hommes de sa génération, elle ne les remarque même pas. De, [p. 365] plus en plus, elle se déssèche psychiquement et souffre de sa solitude.

Il est évident que l’image de l’âme chez elle est uniquement formée par l’homme âgé, son père qui est lui-même directeur d’école. Comme elle n’a pas de frère, cette image n’est pas modifiée par cette expérience et elle n’a pas constellé en elle l’image d’un Animus jeune.

Au cours de l’analyse, elle se débat désespérément avec l’image du père qui apparaît dans ses rêves sous des formes diverses, entre autres incarné par Staline, le tyran. et par d’autres images collectives.

Le père personnel, c’est-à-dire la représentation qu’elle se fait de lui, est transformée par des images archétypiques qui lui confèrent des qualités démoniaques et divines. Ce mélange d’éléments hétérogènes explique l’attirance magique que les hommes âgés exercent sur elle : elle projette sur eux l’image de l’âme avec toute sa puissance surhumaine.

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 Giorgio de Chico – The Double Dream of Spring (1915)

Enfin, après quelques mois d’analyse, elle m’apporte le rêve suivant. Elle descend une pente à bicyclette, attirée irrésistiblement par la profondeur (son inconscient). Elle arrive dans une caverne sombre où se trouve un vieillard et un jeune homme assis sur un banc.

Tout à coup elle se dissout en trois personnes, trois hommes, tous jeunes. Le premier est spectateur du drame qui va se dérouler. Il lit dans un livre ancien tout ce qui va se passer. Le deuxième lève un bâton qui porte quelques feuilles vertes et frappe le jeune homme en conversation avec le vieillard. Le jeune homme tombe sous le coup et perd connaissance, mais il ne meurt pas. Alors, le troisième lève une hache et tue le vieillard. Au moment où le vieil homme tombe mort, la caverne devient rouge. Toute l’ambiance est comme enflammée par la couleur rouge sang (couleur· de la vie, du sentiment, de la passion).

A ce moment, la mère de la jeune fille, plus grande qu’elle n’est en réalité, d’une allure archaïque et étrange, apparaît et dit : « N’oublie jamais que tu dois à ton frère d’être ici. »

Sa féminité, exprimée dans l’image de la mère, lui rappelle qu’elle ne doit pas rejeter l’Animus d’un bloc avec une élimination violente du vieil homme. Car, en réalité, elle doit au principe masculin, esprit et action, de se trouver dans la caverne, c’est-à-dire dans son inconscient, et de subir une transformation qui conduit à une nouvelle vie.

Au réveil, la jeune fille se sent soulagée et sereine. L’action brutale de tuer le « Père », c’est-à-dire le complexe père, qui avait entravé son évolution de femme, montre la quantité considérable [p. 366] mère, avec son allure archétypique, exprime des possibilités d’évolution sur la voie féminine et maternelle.

Nous ne pouvons qu’effleurer les autres motifs de ce rêve, symboles archétypiques ; le bâton avec ses feuilles vertes, les nombres 2 et 3, la bicyclette qui comportait pour la rêveuse le sens de la roue et qui surgissait souvent dans ses rêves, le livre ancien.

Ce rêve est d’ailleurs bien construit avec ses étapes classiques ; exposition, action, péripéties et dénouement.

La répercussion de cette expérience sur la rêveuse était grande ; elle commença vraiment une nouvelle vie.

Quand l’Animus chez la femme et l’Anima chez l’homme sont compris et transformés (au moins jusqu’à un certain point), les symboles oniriques changent de nouveau. Des figures géométriques apparaissent, telles le triangle et le cercle, enfin des « Mandalas », constructions qui ressemblent aux images votives répandues dans tout l’Orient. Ces figurations archétypiques se cachent souvent sous des images apparemment banales ; une table ronde, une horloge, une tarte aux fruits. Mais le rêveur ressent une harmonie jusqu’ici inconnue et qui l’encourage dans son travail sur lui-même.

D’autres symboles de cette étape de transformation sont le cygne, la fleur, les joyaux, surtout la perle, la coupe ; des situations hors du temps qui sont de vrais mythologèmes. Ces symboles du Soi ou Moi Supérieur sont des archétypes bien connus, des images collectives qui se répètent dans les mythes, dans les rites des religions de tous temps, le Yoga, ainsi que dans 1’Alchimie médiévale.

Jung, dans « Psychologie et Alchimie » et dans sa « Psychologie du Transfert », a établi ces rapports d’une façon magistrale. Le processus évolutif qui se manifeste par les rêves est lui-même archétypique.

Mais il ne faut pas croire qu’il s ‘établit une paix absolue quand cette étape est atteinte. Les symboles de tous les stades de l’évolution réapparaissent de temps en temps, comme l’ombre et l’image de l’âme. Les stades d ‘évolution s ‘enchevêtrent constamment. Mais il y a quand même un nouveau rythme dans les rêves et une prédominance des symboles de paix et d’harmonie.

Ce processus d’évolution ne s’achève jamais. L’essentiel est de garder contact avec l’inconscient et de continuer patiemment l’analyse de ses propres rêves. La fonction d’autocritique et de compensation est un guide incomparable, le plus sûr et le plus objectif qui puisse exister, aussi bien pour la vie intérieure que [p. 367] pour la vie extérieure. Ce qui est préformé dans l’inconscient aspire à se réaliser dans l’existence.

En résumé, nous pouvons dire :

Le rêve a la faculté autonome de produire des symboles.

Les rêves jouent un rôle complémentaire et compensatoire en rapport au contenu du conscient. Leur compréhension conduit à une centralisation et à un élargissement de la personnalité.

Le sens des symboles du rêve est souvent ignoré du rêveur, souvent opposé à ses intentions conscientes. Les rêves sont indépendants du conscient, mais pas inaccessibles à celui-ci. Il se produit par leur compréhension une nouvelle fonction, appelé par Jung la fonction transcendentale.

Lorsqu’on étudie une suite de rêves, on constate qu’il s’en dégage petit à petit une intention.

Les « rêves initiaux », c’est-à-dire les rêves qui apparaissent au début d’une analyse, ont souvent un sens prospectif. Ils devancent l’évolution qui va suivre.

Les rêves répondent à certaines questions, quand le rêveur est en contact étroit avec sa vie onirique. Ces réponses ne sont pas obscures comme des oracles, mais d’une clarté étonnante.

Les rêves ont une fonction d’autocritique et ont un sens éducatif.

Ils ne servent pas seulement à établir l’équilibre d’un individu, mais essayent également de l’intégrer dans la collectivité.

Si les rêves ont une tendance destructrice, ils visent à détruire pour ensuite reconstruire.

Les rêves sont créateurs. Ils constituent la matière brute d’une œuvre d’art, des rites d’initiation, des dogmes religieux. On peut retrouver la trame du drame classique dans un rêve bien construit.

Les rêves visent à la plénitude de la personnalité, ils incitent le rêveur à atteindre son maximum. Les éléments psychiques épars et souvent contradictoires se groupent et se regroupent autour d’un nouveau centre impersonnel, le Soi, à qui le Moi personnel cède sa place.

ANNA [sic] TEILLARD

 

NOTES

(1) Voir aussi « Psychologie de l’Inconscient », « La Guérison psychologique », (Librairie de l’Université, Genève, 1951).

  1. Teillard, « Le Symbolisme du Rêve» et« Le Rêve, une Porte sur le’

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2 commentaires pour “Ania Teillard. L’essence du rêve. Article paru dans la revue « Le Disque vert » consacré à Carl Gustav Jung. (Bruxelles), Le disque vert, 1955, pp. 359-367.”

  1. vincent MompletLe mardi 30 août 2016 à 22 h 20 min

    Merci Michel,pour le partage et les commentaires sur l’oeuvre de toutes ces belles âmes en quêtes de connaissance.Toute mon estime et tout le bien-être souhaité.
    Vincent

  2. colette de belloyLe samedi 31 décembre 2016 à 12 h 44 min

    Bonjour,

    Je suis surprise que, sur Internet, il ne soit quasiment pas fait état du livre d’Ania Teillard : L’Oeuf d’Emeraude (1981).
    Je cite la première page : « Il s’agit donc ici, plus encore que dans la Dimension Inconnue, d’une sorte de reportage comme après un voyage dans des continents lointains et inexplorés. Ce contact avec d’autres sphères n’était pas sans danger.
    …Un appel mystérieux me force à dévoiler ces expériences.
    … Il me paraît plus important que le cosmomaute Mitchell ait réussi une liaison télépathique de la lune avec un homme médiale sur la terre que le fait de rapporter du sol lunaire des sacs pleins de pierres, même si ces pierres ont une incontestable valeur scientifiques. D’après mes informations, Mitchell se consacre entièrement à des recherches de cet ordre et sur une échelle importante. »

    Ce livre étrange, dont l’authenticité de l’auteur est incontestable, est un jalon dans la recherche spirituelle actuelle.

    Bien sincèrement. CB