Alfred Maury. Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et au moyen âge. Partie 1. Extrait de la « Revue Archéologique », (Paris), 1ère Année, No. 2, 15 octobre 1844 au 15 mars 1845), pp. 501-524.

Alfred Maury. Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et au moyen âge. Partie 1. Extrait de la « Revue Archéologique », (Paris), 1ère Année, No. 2, 15 octobre 1844 au 15 mars 1845), pp. 501-524.

 

Louis-Ferdinand-Alfred MAURY  (1817-1892). Très tôt, dès 1836, il se consacre à l’étude de l’archéologie des langues anciennes et modernes, de la médecine et du droit. Son poste officiel à la Bibliothèque nationale, puis à la celle de l’Institut, lui permet d’être au centre du dispositif de ses recherches. Dès l’origine membre de la Société des Annales médico-psychologiques, bien de non médecin, il sera un contributeur zèlé de celles-ci. Ses travaux sur le sommeil et les rêves, en particulier l’analyse de ses propres rêves, en font un précurseur, sur bien des points, des théories que développa la psychanalyse, ainsi que la neuro-psychologie. Freud y fait d’ailleurs plusieurs fois référence dans son Interprétation des rêves. L’ensemble de ses travaux sur la question sont réunis dans un ouvrage qui connu plusieurs édition : Le sommeil et les rêves. Etudes psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent, suivies de recherches sur le développement de l’instinct et de l’intelligence dans leurs rapports avec le phénomène du sommeil. Paris, Didier et Cie, 1861. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., VII p., 426 p

Mais ce polygraphe érudit, a couvert un plus vaste champ de recherches et, hors ses très nombreux arroches nous avons retenu ces quelques titres :
— EXTASE. Extrait de la “Nouvelle Encyclopédie, ou  dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et inductriel, offrant le tableau des connaissances humaines au dix-neuvièmesiècle par ne société de savans et de littérateurs, sous le direction de P. Leroux et J. Reynad”, (Paris), tome V, EPI-FORC, 1843, pp. 183, colonne 1 – pp. 192, colonne 2. [en ligne sur notre site]
— Recherches sur l’origine des représentations figurées de la psychostasie ou pèsement des âmes et sur les croyances qui s’y rattachaient. Premier article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie» , (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1844, pp. 235-249. [en ligne sur notre site]
Ces recherches comprennent 2 articles distribués en 4 parties, comme suit :
— Recherches sur l’origine des représentations figurées de la psychostasie ou pèsement des âmes et sur les croyances qui s’y rattachaient. Deuxième article. Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et au moyen âge. Article paru dans la « Revue d’Archéologie », (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1844, pp. 291-307.
Deux autres articles vient compléter cette première recherche:
— Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et le moyen âge. Premier article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie », (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 octobre 1844 au 15 mars 1845, pp. 501-524. [en ligne sur notre site]
— Des divinités et des génies psychopompes dans l’antiquité et le moyen âge. Deuxième article. Article paru dans la « Revue d’Archéologie », (Paris), Presses Universitaires de France, 1ère année, n°1, 15 octobre 1844 au 15 mars 1845, pp. 657-677.
— De l’Hallucination au point de vue philosophique et historique ou examen critique de l’opinion émise par M. Brierre de Boismont, touchant les caractères auxquels on doit reconnaître l’hallucination chez certains personnages célèbres de l’histoire. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), 1845, tome V, pp. 317-338. — Suivi par la Réponse de M. Brierre de Boismont à la critique de M. Maury. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), 1845, tome V, pp. 339-341. [en ligne sur notre site]
— Sur un miroir magique. Extrait de la « Revue archéologique », (Paris), 2e année, n°1, 15 avril au 15 septembre 1846, pp. 154-170. [en ligne sur notre site]
— Sorcier, Sorcellerie. Article extrait de « Encyclopédie moderne. Dictionnaire abrégé des sciences, des lettres, des arts, de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. Nouvelle édition entièrement refondue et corrigée de près du double, publiée par MM. Firmin Didot frères sous la direction de M. Léon Renier », (Paris), vol. XXV, 1847, colonnes 592-596. [en ligne sur notre site]
— Histoire des Grandes Forêts de la Gaulle et de l’ancienne France. Précédée de recherches sur l’histoire des forêts de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Iatlie, et de considérations sur le caractère des forêts des diverses parties du globe. Paris, A. Leleux, 1850. 1 vol. in-8°, VI p., 328 p.
De certains faits observés dans les rêves et dans l’état intermédiaire entre le sommeil et la veille. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), 3esérie, tome III, avril 1857, pp. 157-176.
—Histoire des religions de la Grèce antique, depuis leur origine jusqu’à leur complète constitution. Tome premier: La religion héllénique depuis les temps primitifs jusqu’au siècle d’Alexandre. – Tome II. Paris, De Ladrange, 1857. 3 vol. in-8°, (XII p., 608 p.) + (2 ffnch., 551 p.) + (2 ffnch., 548 p.).
— Fragment d’un mémoire sur l’histoire de l’astrologie et de la magie dans l’Antiquité et au Moyen Age. Extrait de la « Revue archéologique », (Paris), 16e année, n°1, avril 1859 à septembre 1859, pp. 1-24.
— De certains faits observés dans les rêves et dans l’état intermédiaire entre le sommeil et la veille. Extrait des « Annales médico-psychologiques », (Paris), 3esérie, tome III, avril 1857, pp. 157-176.[en ligne sur notre site]
— La Magie et l’Astrologie dans l’antiquité et au moyen-age ou étude sur les superstitions païennes qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours. Paris, Didier et Cie, 1860. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., 450 p. [Plusieurs réédition, augmentées]
— Songe. Article extrait de « Encyclopédie moderne. Dictionnaire abrégé des sciences, des lettres, des arts, de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. Nouvelle édition entièrement refondue et corrigée de près du double, publiée par MM. Firmin Didot frères sous la direction de M. Léon Renier », (Paris), vol. XXV, 1847, collines 584 à 592.  [en ligne sur notre site]
— Des Hallucinations du mysticisme chrétien. Extrait de la « Revue des Deux Mondes », 2e série de la nouvelle période, tome 8, 1854 (pp. 454-482). [en ligne sur notre site]
— Fragment d’un mémoire sur l’histoire de l’astrologie et de la magie dans l’Antiquité et au Moyen Age. Extrait de la « Revue archéologique », (Paris), 16e année, n°1, avril 1859 à septembre 1859, pp. 1-24. [en ligne sur notre site]
— Croyances et Légendes de l’antiquité. Essais de critique appliquée à quelques points d’histoire et de mythologie. Paris, Didier et Cie, 1863. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., 412 p., 2 ffnch.
— Croyances et légendes du moyen-âge. Nouvelle édition des fées du moyen-âge et des légendes pieuses publiée d’après les notes de l’auteut par MM. Auguste Longnon et G. Bonet-Maury. Avec une préface de M. Michel Bréal. Paris, Honoré Champion, 1896. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., LXII p., 1 fnch., 459 p., portrait de l’auteur.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé quelques fautes de typographie.
– Par commodité nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 501]

DES DIVINITÉS
ET DES GÉNIES PSYCHOPOMPES
DANS L’ANTIQUITÉ ET AU MOYEN AGE.
PREMIER ARTICLE

En exposant l’origine du sujet de la psychostasie, j’ai fait voir que saint Michel, l’ange psychopompe par excellence des chrétiens, avait été substitué au Mercure de l’antiquité, dans les représentations du pèsement des âmes. Je me suis peu étendu sur ce rapprochement, car je me proposais d’y revenir plus en détail, et de démontrer toute l’étendue de l’analogie existant entre les idées païennes et celles qu’adopta le peuple au moyen âge. Maintenant je vais suivre avec attention l’enchaînement des croyances qui se liaient à celte doctrine de génies, d’anges psychopompes. Examinée avec soin, la trace des traditions antiques sera moins méconnaissable ; le rapprochement paraîtra moins étrange, moins hasardé peut-être. On verra que l’homme a toujours conçu de la même manière tout ce qui touche à la vie future ; car l’impuissance où est son intelligence de se figurer une existence foncièrement distincte de la sienne, le contraint de tourner dans le même cercle d’idées, de s’en prendre aux mêmes hypothèses grossières et matérielles.

Il est sans doute extraordinaire, presque inconcevable que le messager de l’Olympe soit devenu le chef des légions de Jéhovah. Comment s’expliquer qu’un dieu qui, pour les premiers chrétiens, n’était qu’un démon s’arrogeant sous un nom mensonger les adorations des hommes qu’il égarait (1), ait été métamorphosé en une de ces pures intelligences, ennemies déclarées et incessantes de ce démon lui-même ? Pour le comprendre, il ne faut pas opposer la sévère orthodoxie [p. 502] de certains fidèles à la stupide idolâtrie de païens ignorants. Il faut porter les regards sur ces sectes nombreuses qui se groupent autour du christianisme naissant, sur cette grande famille du gnosticisme où viennent se mêler et se confondre toutes les doctrines mystiques, allégoriques de l’Orient, et les fables poétiques et gracieuses de la Grèce. C’est là que s’opérait un syncrétisme immense, tantôt ingénieux et profond, tantôt désordonné et puéril. Là les divinités des différentes religions étaient échangées, accouplées, défigurées ; là , tous ces dogmes chrétiens et ces mythes antiques qui se heurtaient ailleurs, opéraient une bizarre alliance. Les gnostiques étaient à moitié païens, à moitié chrétiens ; ils formaient un parti mixte qui exerçait sur les partis extrêmes une grande influence. Ils présentaient toutes les nuances, depuis les Valentiniens, le Basilidiens, si ennemis de la foi du Christ, jusqu’aux Ptoléméens, qu’on pouvait considérer comme quelques-unes de ses brebis indociles, et mutines parfois, mais qui cependant suivaient le pasteur. Une foule d’écrits chrétiens, que le catholicisme lui-même a adoptés pour son enseignement dogmatique, portent l’empreinte irrécusable des idées de ces sectes (2). Et comme il n’existait pas entre les diverses communions chrétiennes une séparation aussi prononcée que certains historiens l’ont fait croire, comme chaque Église gardait ses observances particulières et ses interprétations à elle, suivant les opinions des évêques et du clergé, les idées gnostiques pénétraient plus ou moins chez les orthodoxes, c’est-à-dire chez ceux qui se ralliaient, sur les points principaux, à l’opinion générale (3). Ainsi c’est par le gnosticisme, que les croyances païennes pénétraient dans la masse des chrétiens; elles y étaient apportées par ceux qui abandonnaient cette secte et rentraient dans le sein de la société orthodoxe, tout en conservant encore le fond de leurs croyances et de leurs idées. L’homme croit souvent abandonner ses idées, mais ses idées ne l’abandonnent guère ; elles tiennent à la nature même de son esprit qui garde toujours son premier moule. Les croyances, les dogmes païens arrivaient donc aux chrétiens, déjà transformés, ayant perdu une partie de leur vêtement primitif; les néophytes les acceptaient alors d’autant plus aisément qu’ils y retrouvaient moins les traits qui auraient pu trahir leur [p. 503] origine. C’est ainsi qu’est entré dans le mythe chrétien de la psychostasie, le Mercure, l’Hermès, le Thoth des religions expirantes. Une pierre gravée publiée dans Chiffiet (4), dans le cabinet Gorlée (5) et dans le recueil d’inscriptions de Gori (6), va venir appuyer notre conjecture.

Cette gemme offre Mercure assis sur un rocher, ainsi qu’il est fréquemment représenté sur les pierres gravées antiques. Il est coiffé du pétase ailé et porte un grand caducée; devant lui est. un coq qui chante. On lit sur la pierre le nom de MICHAEL. Dans le champ on a tracé deux· lettres hébraïques : un aïn et un thau, ce qui forme le mot ‘Ath (prononcez ‘Eth), et qui signifie le temps (7). Ce mot semble donc être une allusion au jugement futur. Le coq, emblème de la vigilance et des exercices de la palestre et du gymnase, figure comme symbole habituel de Mercure, inventeur des jeux gymnastiques (8), mais il est probable qu’on a attribué à cet oiseau un sens nouveau; Mercure étant devenu l’archange Michel, le coq est sans doute représenté comme un emblème du jugement dernier, jour où la trompette nous éveillera du tombeau, comme à l’aurore le chant de cet oiseau domestique rappelle l’homme à la vie active et l’arrache au sommeil.

C’est Prudence qui nous donne l’explication de cet emblème,  lorsque sa lyre sacrée fait entendre ces accents :

Ales diei nuncius
Lucem propinquam prœcinit,
Nos, excitator mentium

Jam Christus ad vitam revocat (9).

Et il ajoute pour compléter en quelque sorte le commentaire de notre figure :

Vox ista qua strepunt aves
Paullo ante quam lux emicet
Nostri figura est judicis.

Saint Bucher nous tient un langage analogue : Galli nomine designantur, dit-il, prædicatores sancti qui inter tenebras vitæ præsetuis [p. 504] student venturam lucem prædicando quasi cantando nunciare ; dicunt enim, nox præcessit, dies autem appropinquavit, abjiciamus ergo opera tenebrarum (10).

L’origine de cette pierre gravée n’est pas douteuse, c’est une de ces nombreuses pierres gnostiques monuments curieux de l’association de toutes les divinités et de tous les symboles religieux que je rappelais tout à l’heure. Il est clair ici que l’archange a été substitué au dieu antique. M. Matter, j’en conviens, a jeté quelques doutes sur l’authenticité de cette gemme, qui est à ses yeux l’œuvre d’un faussaire italien du moyen âge (11). Le savant auteur se fonde, dans son opinion, sur le peu d’analogie qu’il y a, dans les doctrines gnostiques, entre Mercure et saint Michel. Mais cette objection perd toute sa force, actuellement que nous avons fait voir l’extrême connexité qui existe entre les deux personnages (12). Frappés de l’accord du sujet de cette pierre et des faits auxquels nous avons été conduits par une tout autre voie, comment négligerions-nous une si curieuse confirmation de nos idées? comment s’expliquer, si c’est ici l’œuvre d’un faussaire, ce rapprochement singulier ? Et même une main moderne eût-elle fabriqué cette gemme dans le but d’abuser les amateurs, au moins doit-on croire qu’elle avait pour modèle une pierre gnostique analogue, autrement pourquoi aurait-elle inventé un pareil sujet ?

Le signe de la planète Mercure qui se voit sur cette pierre, indique l’assimilation de l’ange au génie de l’astre, assimilation qui n’a rien que de très-conforme aux habitudes. gnostiques, aux idées astrologiques qui y étaient si souvent associées (13).

L’Hermès égyptien était d’ailleurs regardé comme un messager de la Divinité, comme une sorte de Christ, de Logos, émanation de l’intelligence suprême, envoyée pour instruire les hommes. Le livre mystique attribué à Pœmander, et qui .est certainement l’œuvre de quelque gnostique, représente ce personnage comme enseignant aux [p. 505] hommes les dogmes de la vraie religion et comme venu pour leur annoncer le règne de la piété : Ηργμαι χηρύσσειν τοϊς άνθρώποις τό τής εύσεζείας χαί τήί γνώσεως χλέος (14). C’est dans cette même idée qu’il faut chercher le sens d’une inscription trouvée jadis à Argos et dont M. Osann a démontré l’origine chrétienne (15). Elle forme le distique suivant :

Έρμής δίχαός είμ(ι) χαί με…υ
Έστησ’ έλεγχον τών διχαίων χάδίχων

Cette inscription nous donne à supposer que celui qui la composa regardait Hermès comme un des agents de la rémunération future.

Les pandémons planétaires des gnostiques représentés avec des ailes aux épaules et aux hanches et tenant une balance ou plutôt une romaine, pandémons que M. Malter explique comme ayant une signification psychostasique, avaient certainement une analogie avec l’Hermès psychopompe qui a aussi quatre ailes et porte également une balance. A l’époque du néoplatonisme et du gnosticisme, la plupart des divinités étaient assimilées aux étoiles. Mercure avait alors cela de commun avec ces pandérnons, ces génies panthées, qu’il était regardé ainsi qu’eux, comme présidant à la marche d’un astre. Winckelmann, dans sa description des pierres gravées du cabinet de Stosch (16), cite une gemme représentant Mercure debout, tenant de la main droite le caducée et de la gauche une balance. Devant lui on voit le cancer et derrière lui les poissons et le scorpion. Celte pierre a évidemment une signification astrologique; elle se rapporte peut-être au voyage zodiacal, si la date en est assez récente pour qu’on puisse la rattacher à l’époque du néoplatonisme. On ne peut s’empêcher de la rapprocher de la pierre gnostique publiée par M. Matter (17),Iet sur laquelle on voit un génie panthée à quatre ailes, un calice de lotus sur la tête, placé entre deux rames mystiques, tenant de la main gauche une balance romaine et de la main droite un scorpion. Cet ensemble d’attributs est fort analogue, on le voit, à ceux du Mercure de cabinet du Stosch. Le nom d’Iao qui se lit au bas de la pierre gnostique est celui du génie de la lune. D’un autre côté le planisphère de Bianchini d’accord avec Julius Firmicus [p. 506] Maternus (18), indique la lune comme le premier des décans qui correspond à la planète ou signe de la balance; de plus , celle-ci , dans l’ordre des signes, précède immédiatement le scorpion , un des attributs de Mercure sur un grand nombre de pierres gravées. Enfin Thoth, qui est le même qu’Hermès, présidait à la lune (19). Quoiqu’on ne puisse pas démêler le sens astrologique de ces pierres, il est impossible de ne pas reconnaître entre elles une grande analogie, analogie qui peut nous faire très-légitimement supposer que Mercure était adopté par les gnostiques comme un génie panthée sidéral, rôle qu’ils attribuaient aussi à Michel. Dès lors l’échange a été facile entre les deux personnages. Il est d’ailleurs assez remarquable que le nom de Michel se lise encore précisément avec celui de trois autres anges, au revers de l’abrasas en question, nouvelle preuve de l’analogie entre Iao, génie de la lune, identifié à Thoth-Hermès , génie de la même planète chez les Égyptiens, et l’archange Taxiarches, comme disaient les Grecs (20).

Ces considérations suffiront pour faire comprendre comment eut lieu l’étrange substitution de saint Michel à Mercure; elles montreront, je l’espère, que c’est chez les gnostiques que s’est opérée sur ce point la fusion des idées juives, grecques et égyptiennes. La balance donnée à la fois à Mercure, comme dieu du commerce, garde des mesures et des poids (21) et comme futur peseur de nos actions, passa entre les mains de l’archange protecteur spécial d’Israël. Emblème de l’inflexible équité de la mort (22), elle contribua , une fois adoptée sur les monuments chrétiens, à nourrir dans l’imagination populaire une fable dont l’explication tout entière est dans la traduction littérale du terrible Thecel (23). [p. 507]

Nous l’avons vu, pour les chrétiens. des premiers siècles et du moyen âge, saint Michel était le conducteur des âmes, c’est lui qui les portait au sein de Dieu. Mais il n’est pas toujours le seul auquel ces fonctions aient été dévolues ; saint Gabriel et l’armée tout entière des anges les partagent avec lui: À).)..’ oi /1-èv !i.nûo, -rnv ~uxnv r.a:pa:Àa:~6v¬reç cèmxyoucnv, nous dit saintEphrem (24). Dans certains rites chrétiens, voilà quelles étaient les paroles qu’on prononçait, après avoir donné l’extrême onction au malade: « Te supplices deprecamur ut suscipi «jubeas animam famuli lui permanas sanctorum angelorum (25). » On pourrait produire un grand nombre de passages où se trouve énoncée la même idée, nous nous contenterons d’en citer quelques-uns et des plus anciens. On remarquera qu’ils sont empruntés aux livres apocryphes des premiers siècles, livres composés la plupart par des sectes hétérodoxes dont les doctrines étaient infiniment plus empreintes que celles des orthodoxes, des idées orientales. Écoutons la prière que l’histoire arabe de la vie du charpentier saint Joseph, place dans sa bouche, en le faisant entrer dans le temple de Jérusalem : << Si ma vie est consommée ;·ô Seigneur, si voici le moment où je dois sortir de cc monde, envoie-moi Michel, le prince de tes saints anges. Qu’il demeure près de moi, pour que ma pauvre âme sorte en paix, sans peine et sans crainte, de ce corps de douleur (26). » Et le Christ suppliant le Tout-Puissant pour celui qu’il nomme son père (27), s’écrie dans un autre endroit du même livre : « Envoie Michel , le prince de tes anges, et Gabriel qui annonce la lumière et tous les anges de lumière, et que leur troupe accompagne l’âme de mon père Joseph, jusqu’à ce qu’ils l’aient conduit vers toi. » Et on ajoute que Michel et Gabriel vinrent vers Joseph et reçurent son âme dans un linceul éclatant (28); et que deux autres anges vinrent ensevelir son corps. Nous allons retrouver une légende racontée d’une manière plus circonstanciée encore dans l’histoire des communautés religieuses fondées par saint Pacôme (29). « Lorsqu’un homme de bien vient à mourir, y lit-on, quatre anges se rendent auprès de lui, et ces esprits célestes sont toujours d’un rang [p. 508] analogue à la condition de la personne qui vient de succomber. Si son rang était élevé, les anges occupent également des places distinguées dans la hiérarchie céleste ; si son rang n’était que secondaire, ces anges sont pareillement d’une classe inférieure. Dieu veut par là que ses messagers, en allant visiter l’homme, opèrent la séparation de l’âme et du corps avec douceur et avec bonté. L’un de ces anges se tient debout, près de la tête, l’autre auprès des pieds du mourant, dans l’attitude d’hommes qui de leurs mains frotteraient son corps d’huile jusqu’à ce que l’âme s’élève dégagée des liens du corps. Un autre tend un linge immense et d’une substance incorporelle, pour y recueillir cette âme sainte qui, elle-même, s’y précipite. Un des anges prend les deux extrémités de ce linge par-derrière, un autre saisit celle de devant, de la même manière que sur la terre, les hommes disposent un corps qu’ils veulent transporter. Un troisième ange le précède, chantant des hymnes dans une langue inconnue ….. Le cortège qui accompagne l’âme s’élève avec elle au travers des airs et se dirigeant vers l’orient. La démarche des anges ne ressemble point à celle des mortels, qui sont obligés d’agiter leurs membres pour se transporter d’un lieu à un autre. Ils s’élancent avec l’âme confiée à leurs soins vers les régions de l’atmosphère. »

L’auteur de l’assomption de Moïse dit que : « Josué étant sur la montagne où Moïse mourut, vit deux Moïses, l’un au milieu des anges qui montait au ciel, et l’autre sur la terre où il fut enterré. Le premier Moïse était son âme, et le second était sa dépouille mortelle (30). »

Cette croyance que nous voyons exposée ici dans ses moindres détails, est aussi indiquée dans les livres orthodoxes, par quelques passages, et les vies de saints acceptées par l’Église romaine, renferment nombre de légendes qui y ont trait. Un des évangiles (31) nous dit que l’âme du pauvre Lazare fut portée par les anges dans le sein d’Abraham. Saint Antoine rencontra sur son chemin l’âme de saint Paul, ermite, qui montait au ciel au milieu des anges, des prophètes et des apôtres (32). Le même solitaire vit, au dire du ménologe grec de l’empereur Basile, l’âme de saint Amoun portée au ciel par la main des anges (33). On lit dans l’histoire de saint Pierre [p. 509] et de saint Marcellin, attribuée à Éginhard (34), qu’on aperçut leurs âmes s’élever dans les airs, sous la 6gure de jeunes filles parfaitement belles, ornées de pierreries et portées par la milice divine : « Forma quasi virginali tectos vere fulgida, a uro quoque radiantes ac gemmarum lumine, angelorum coruscantum circumdatos agmine lætabundos cum immensa lucis affluentia, supra cuncta penetrando, celsa mundi sidera sublevatos ad æterna cœli regna scandere. » D’après le ménologe grec que nous venons de citer (35), l’empereur Maximin aperçut l’âme de saint Alexandre de Thessalonique portée au ciel par quatre anges. Saint Benoît vit l’âme de saint Germain, évêque de Capoue, que des anges emportaient au ciel, dans une sphère de feu (36). Quand sainte Madeleine de Pazzi mourut, on vit son âme entourée d’une foule innombrable d’anges qui la portaient au ciel, puis la revêtirent d’une robe dorée et placèrent sur sa tète une couronne de pierreries (37). Plusieurs faits de ce genre sont rapportés dans le Gyneceum sacrum et d’autres hagiologies. On lit dans la vie de saint Bernard qu’au moment où ce saint homme expira, on vit près du lit sur lequel il reposait, la mère de Dieu, sa patronne, à la tête d’une grande troupe d’anges qui vinrent chercher son âme et l’enlevèrent aux cieux, en faisant entendre les chants les plus harmonieux (38).

Ces chants que faisaient entendre les esprits célestes, en conduisant l’âme du saint abbé de Clairvaux, nous rappellent les hymnes entonnées par les anges dans une langue inconnue, dont il est parlé ci-dessus, dans l’histoire des communautés de saint Pacôme. Et cette particularité d’anges chantant n’a rien ici d’insolite ni de particulier. Au moyen âge c’était une opinion très-généralement répandue que l’âme du juste s’élevait aux cieux aux accords de la musique céleste. « Il fàut savoir, dit saint Grégoire dans ses Dialogues (39), qu’il arrive souvent que les esprits bienheureux chantent agréablement les [p. 510] louanges de Dieu, lorsque les âmes des élus sortent de ce monde, afin qu’occupées à entendre cette harmonie céleste, elles ne sentent pas la séparation d’avec leur corps. » On raconte dans le même ouvrage (40), que les anges enlevèrent en chantant l’âme de saint Romule au ciel. Juvenal, patriarche de Jérusalem, qui vivait dans le Ve siècle, écrivait à l’empereur Marcien et à l’impératrice Pulchérie, que les apôtres se relevaient les uns les autres, passant le jour et la nuit avec les fidèles, au tombeau de la Vierge et qu’ils mêlaient leurs voix et leurs cantiques à ceux des anges qui, durant trois jours, ne cessèrent de faire entendre la plus céleste mélodie. On lit dans les Bollandistes que l’âme de saint Domitien, évêque d’Utrecht, fut conduite au ciel par des anges qui chantaient des hymnes célestes : « Affuerunt ejus transitui chori angelorum hymnidici qui animam ipsius cum laudibus detulerunt ad prœmium gaudii (41). » Quand le bieuheureux Silvestre, camaldule, mourut, les anges chantèrent sur son corps et enlevèrent en chantant son âme au paradis (42). Saint Jean Silentiaire vit l’âme d’un pèlerin que des anges conduisaient au ciel, « cum divina quadarn hymnodia et suaveolentia (43). » Au moment où les martyrs expiraient, en confessant la foi, les anges portaient au sein de Dieu leurs âmes victorieuses et chantaient des chants de triomphe qu’entendirent les bergers carmanites, d’après ce que disent les actes des martyrs captifs (44).

Cette croyance poétique rappelle le rôle qu’on attribuait aux sirènes, génies psychopompes qui, d’après les doctrines antiques, menaient au ciel les âmes des justes en les accompagnant de leur chant mélodieux, aux accords de la voix, de la flûte et de la lyre (45); elles conduisaient dans les régions de l’éther le souffle qui s’échappe du mourant. « Les sirènes, dit Platon (46), inspirent aux âmes expirantes l’amour des choses célestes et divines et l’oubli des choses mortelles. Elles racontent dans les enfers tout ce qui se passe dans les cieux ; elles sont filles de Phorcus qui veille à l’exécution des loix d’Hades. » Placées comme les anges, dont les différentes hiérarchies occupaient, [p. 511] d’après certains théologiens du moyen âge (47) chacun des neuf cieux, elles étaient assises sur chacun des huit. cercles célestes, mêlant leur voix à celle des trois Parques (48).

De même que les démons de l’antiquité, les génies des Grecs, qui étaient d’abord les âmes elles-mêmes et qui sont devenues plus tard leurs génies tutélaires (49), les sirènes, après avoir été les âmes elles-mêmes chez les Égyptiens, symboles de la sagesse et de la science, filles du Simurgh ou Sirengh de la Perse, sont devenues les conductrices des âmes, leurs guides mélodieux dans l’infernal séjour (50). Et c’est un trait de ressemblance que ces génies ont avec les anges, esprits tutélaires qui enseignent la sagesse et la vertu à l’âme et la dirigent après la mort vers le céleste séjour, L’âme pieuse, à l’ombre de leurs ailes, s’élève aux cieux comme elle s’y élevait, au temps d’Euripide, sur les ailes d’or des sirènes.

Χρύσεαι δή με πτέρυγες περί νώτῳ.
Τά Σειρήνων έρόεντα πέδιλα άρρόζεται. Βάσομαι.
Δ’ές αίθέρα πολύν άερθείς, Ζηνί προςμίξων.

Euripid. Fragm. ap. S. Ctem, Alex. tom. IV, p. Ma. Fragm. ed. Mus grave, t. II, p. 1lM.

On retrouve encore ailleurs d’autres monuments antiques de celle même idée que l’âme se rend à l’heureux séjour, aux accents de la musique. Sur le bas-relief qui décore l’urne funéraire de Flavia Sabina, au musée du Louvre (51), on voit les deux divinités psychopompes, le génie et le triton qui charment les âmes qu’ils conduisent aux îles fortunées, le premier par les accords mélodieux de sa lyre, le second par les sons modulés de sa flûte. Sur un autre bas-relief du même musée, on observe également des génies accompagnant des sons de ces deux instruments le cortège d’une âme (52).

La musique était envisagée comme l’occupation des bienheureux et [p. 512] des anges, d’après cette autre idée antique qui faisait regarder cet art comme divin. Maneros dans lequel était personnifié la musique, était fils de l’Éternel, ainsi que l’indique son nom (53). Apollon, accompagné , des Muses, charmait l’assemblée des dieux par les accords de sa lyre (54). Dans le ciel hindou, les Gandharbas enchantent Indra et les habitants des sept swargas ou sphères célestes, par leurs mélodieux accents (55). Les âmes qui habitaient l’Empyrée chantaient dans des concerts de louange leur bonheur et celui des immortels. On lit dans les oracles chaldéens qui portent le nom de Zoroastre : Τό λόγιόν φησι τάς ψυχάς άνγόμενας τόν παιάνα άδειν (56) et Pindare a dit :

Ψυχαί δ’άσεζέων ύπουράνιοι
Ί’αία πωτώνται έν άλγεσι φονίοις
Ύπό ζεύγλαις άφύχτοις χαχών.
Εύσεζέων δ έπουράνιοι νάοισαι.
Μολπαίς μάχαρα μέγαν άείδοντ’ έν ύμνοις

Fragm. ap. ed, Bœckh, t. II, p. 623.

C’est encore le langage que tiennent, seize siècles plus tard, les poètes du moyen âge, c’est la même croyance qui fait placer par les artistes italiens des instruments de musique entre les mains des anges ; c’est celle qui suggère cette réflexion à saint Bernard : « Osi quis habrret oculos apertos quos orando propheta puero revelavit, videret proculdubio quemadmodum præveniunt principes conjuncti psallentibus, in medio juvencularum tympanistriarum. Videret, inquam, qua cura, quove tripudio intersunt cantantibus (57). »

Nous avons cité un grand nombre de textes à l’appui de l’existence de la croyance à des anges psychagogues dans le christianisme, nous parlerons maintenant des monuments dans lesquels cette croyance se peint aux yeux et auxquels les passages cités servent véritablement de commentaire. A Saint-Trophime d’Arles (58), dans un des entre-colonnements du portail, on a représenté deux ange qui tirent de la bouche de saint Étienne son âme, tandis que ses persécuteurs sont occupés à le lapider; ces anges conduisent cette âme à Dieu qui est figuré par un buste [p. 513] placé dans la partie supérieure. Sur la pierre sépulcrale de saint Goar, on voit ce saint qui tient dans sa main un château, image abrégée de la ville d’Allemagne qui porte son nom, et qui foule aux pieds le dragon. Deux anges le portent aux cieux (59). Au portail de l’église de Saint-Gilles, on retrouve l’âme portée pat les anges; elle est de plus couronnée par eux. Dans la Bible moralisée, manuscrite, de la Bibliothèque royale, cotée 6829, fol. 31, 39, in-fol. (60), on voit un auge recevant l’âme qui, sous la forme d’un petit personnage nu, s’échappe de la bouche d’un mourant.

A l’abbaye de Cadouin dans le Périgord, parmi les sculptures qui décorent le cloître, on retrouve cette âme portée aux cieux par les anges. Sur un lit composé de roses et de fleurs, repose l’homme juste qui va recevoir la récompense de ses vertus. Les anges aux ailes déployées le soulèvent de sa couche mortelle pour l’enlever vers la Divinité qui, sous l’image du Christ, attend l’âme bienheureuse au milieu d’un concert exécuté par les glorieux habitants des cieux, tandis qu’en regard et pour former le pendant du premier tableau, l’artiste a figuré la mort du pécheur. Sur un lit funèbre, entouré de femmes en longs habits de deuil, le corps est enseveli. Deux démons à la face horrible cherchent à s’emparer de ce cadavre, et déjà le bras de la victime disparut dans la gueule béante d’un de ces monstres. Le lit est surmonté d’un dais au-dessus duquel est représentée une scène de l’enfer (61).

Dans une <les miniatures d’un manuscrit latin du XIIe ou XIIIe siècle, miniature due au pinceau d’un peintre italien de l’école grecque, on voit le diable emportant l’âme du mauvais riche et l’ange celle de Lazare (62). Dans une peinture sur bois de Barnabé de Modène représentant le crucifiement, on voit au-dessus de la croix du bon larron deux anges enlevant dans un linceul son âme qui prie, et les diables qui viennent chercher celle du mauvais (63). (V. la Pl. ci-après.) Ce linceul nous rappelle le linceul dans lequel les archanges Michel et Gabriel reçurent l’âme de saint Joseph, et cet autre linceul, figuré sur le mausolée de Dagobert et dans lequel est portée l’âme de ce monarque par saint Denis, saint Martin et saint Maurice, tandis que [p. 514] des anges l’encensent (64). Nous le voyons figurer dans le passage de l’histoire des communautés de saint Pacôme dont nous avons parlé

plus haut on y lit : Après quoi Michel saisit les deux bouts d’un tapis de soie de grand prix, Gabriel prit les deux autres extrémités et embrassant de leurs étreintes l’âme de mon père Joseph, ils la placèrent

[p. 515]

dans ce tapis (65). Cette âme, portée dans un linceul par des anges, reparaît encore dans une foule de représentations, dont nous ne citerons que quelques-unes à titre d’exemples. On la voit dans l’exaltation de saint Edmond gravée sur le sceau de Bury saint Edmond ( V. la Planche pag. précéd.) (66) ; c’est ainsi qu’est portée au ciel l’âme d’Alphonse II, comte de Provence, sur son tombeau à Aix (67). Un des anges l’encense, et l’autre le couronne. Dans le tombeau de l’évêque Maurice, à la cathédrale de Rouen (68), tombeau qui date du XIIIe siècle environ, on remarque l’âme du prélat portée dans ce même linceul et entourée de six anges qui tiennent dans leurs mains des flambeaux et des encensoirs. Sur le second panneau du reliquaire de Mauzac dont la confection est attribuée à Pierre V, abbé de Mauzac et rapportée à l’année t 298, on a représenté sainte Namadie portée par des anges. Sur le troisième panneau est figurée semblablement l’âme de saint Calmin (69). Ce sujet a été reproduit, même par des peintres modernes, à une époque où déjà l’expression, portée aux cieux par les anges, ne recevait plus du plus grand nombre qu’un sens allégorique. Par exemple, dans l’apothéose de saint Philippe, par Murillo, on voit l’âme de l’apôtre, figurée par un petit homme nu, emportée aux cieux par les anges. Sur certains tombeaux modernes on a substitué un cœur à l’âme, ici l’on voit commencer l’idée d’une pure allégorie qui succède à la croyance matérielle. C’est ce que l’on observe notamment sur des monuments chrétiens de la Géorgie d’une époque peu ancienne (70).

Quelquefois l’âme est portée par un seul ange sur la main duquel elle est assise (71) ; elle tend alors les bras vers le ciel; c’est ce que l’on observe dans une fresque du XIIIe siècle de l’église des Trois Fontaines, et dont le sujet est la mort de saint Anastase (72). Cette représentation rappelle la représentation égyptienne d’Horus offrant le petit Horus à Ammon ou au dieu Nil. Horus étend la main droite sur le plat de [p. 516] laquelle est assis le jeune dieu, tandis que de la gauche il semble le bénir ou adorer. le dieu Nil qui tient les trois croit ansées ou signes de vie (73). Cet ange unique est l’ange gardien de l’âme, celui qui a veillé sur elle durant sa vie ici-bas, c’est le Σνζυγος ldes gnostiques qui forme avec chaque homme un couple mystique et entre avec lui dans le Plérome (74).

Ces sujets sont très-nombreux ; je ne poursuivrai pas davantage leur examen, il serait facile de multiplier les exemples (75).

La fonction de psychagogues, dévolue aux anges, est aussi rappelée dans certaines inscriptions sépulcrales, témoin celle-ci rapportée par Orelli (76).

SEVERO FILIO DVL // CISSIMO LAVRENTIVS PATER
DENEMERENTI QVI BI // XIT ANN. IIII. MC. Vlll. DIES. V //
ACCERSITVS AB ANGELIS. VII IDVS IANVA.

Nous avons vu dans les poésies populaires des allusions au rôle
de saint Michel, comme psychopompe, nous trouvons également des
allusions aux fonctions semblables exercées par les anges
On lit dans le roman de Garin le Lohérain (77).

Saint Lou de Troles nous ont iluec ocis
La teste enprenent devant le duc Hervi
L’ame emporterent li angle en paradis. [p. 517]

On récitait ces vers dans le mystère du martyre de saint Denis et de ses compagnons qu’on mettait dans la bouche de Jésus (78).

Mes anges. en France volez
Quant Denis sera décolez
Lé conduisiez à Letrée.

Dans une épître farcie qu’on chantait le jour de Saint-Étienne, on trouve (79) :

Le esperit de Juy issy
Droit en paradis l’emporterent
Les anges qui le coronnerent
Et à Dieu puis le présentèrent,

Quelquefois ce n’étaient pas les anges, mais Dieu lui-même qui venait chercher l’âme de celui qui expirait. C’était une marque d’une haute faveur donnée par le Tout-Puissant, et qu’il accorda entre autres à la Vierge (80). C’est nu moins ce qu’on a représenté Jans deux diptyques, sur lesquels on a gravé l’assomption, ou, pour nous servir de l’expression grecque, la Κοίμησις de la Vierge. On y voit le Seigneur qui reçoit entre ses mains l’âme de sa sainte mère; et ce trait est, au reste, conforme à la légende copte de la mort de la Vierge (81). Dès qu’elle eut dit amen, rapporte cette légende, la sainte mère de Dieu se plaça sur les linceuls avec des parfums. Elle tourna. le visage vers l’orient, et, se signant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, elle rendit le dernier soupir. A l’instant même le Seigneur vint à elle, monté sur le char des chérubins et précédé par des anges. li vint; et, se tenant au-dessus d’elle, il lui dit : « Ne crains pas la mort, ô ma mère I celui qui est la vie tout entière est devant toi. Il faut que tu la voies seulement une fois de tes propres yeux, et je lui prescrirai de ne pas t’approcher. » Le Souverain ordonna en disant : « Accours, ô toi qui viens du côté du Midi et qui résides dans un lieu caché. » Et aussitôt, dès que la Vierge l’aperçut, son âme s’élança dans le sein de son Fils qui l’étreignit de ses embrassements célestes.

La croyance à des génies psychopompes, à des esprits qui venaient recevoir l’âme dès qu’elle s’échappait du corps, n’était pas particulière aux chrétiens. Nous avons déjà constaté chez les juifs l’existence [p. 518] de saint Michel psychopompe ; l’étude de leurs livres établit que tous les anges étaient encore pour eux des esprits psychagogues. On lit dans le Targum du Cantique des Cantiques, que ceux-là seuls iront dans le paradis, qui auront mené une vie pieuse, et qu’ils y seront conduits par les anges ; tandis que Je Zohar (82) dit que les âmes des impies seront emmenées par l’ange nommé Douma; ce Douma est, d’après les rabbins (83), le roi des enfers. Le rabbin Eleasar enseignait qu’au mo¬·ment où le juste quitte le monde, trois chœurs d’anges l’accompagnent (84). A ces fonctions se rattachait aussi le soin d’appeler au son de la trompette les morts de leur tombeau, au moment de la résurrection; la croyance à ce singulier appel, qu’on trouve formellement exprimée dans l’Apocalypse , passa chez les musulmans, qui chargent de ce soin l’ange Azrafiel.

Non-seulement aux yeux des Hébreux, les anges sont des divinités psychagogues, ce sont encore des esprits léthifères, des ministres de la mort ; plusieurs d’entre eux reçoivent du Tout-Puissant la mission de frapper certains hommes du coup mortel. Cet ange homicide est l’ange de la mort, Malach Hammaveth (85), iJ l’épée duquel furent livrés les Israélites murmurateurs et l’armée de Sennachérib, cet ange à l’existence duquel nous trouvons diverses allusions dans l’Ancien Testament. « Quand il y aurait mille anges de mort, dit le livre de Job (XXXIII, 23), nul ne le frapperait, s’il pensait dans son cœur à retourner au Seigneur. » Et ailleurs (XXXVI, 14) le même livre dit : « Si le pécheur n’écoute pas le Seigneur, la vie lui sera ôtée par les anges. — Le méchant, est-il écrit dans les Proverbes (XVII, 11), ne cherche que la division et les querelles, et l’ange cruel sera envoyé contre lui. » Le Zohar, les rabbins, tiennent encore le même langage et parlent de ce redoutable ministre du trépas. « Lorsque l’homme, disent-ils, au moment de quitter ce monde, vient à ouvrir les yeux, il aperçoit dans sa maison une lueur extraordinaire, et devant lui l’ange du Seigneur, vêtu de lumière, le corps tout parsemé d’yeux et tenant à la main une épée flamboyante ; à cette me, le mourant est saisi d’un frisson qui pénètre à [p. 519] la fois son esprit et son corps. Son âme fuit successivement dans tous ses membres, comme un homme qui voudrait changer de place; mais volant qu’il lui est impossible d’échapper ; il regarde en face celui qui est là devant lui, et se met tout entier en sa puissance. Alors, si c’est un juste, la divine présence se montre à lui, et aussitôt l’âme s’envole loin du corps. » Suivant d’autres traditions consignées dans le Talmud, à l’heure suprême l’ange de la mort se tient avec son glaive à la main, au-dessus de la tête du mourant et dans la bouche duquel il fait tomber une goutte de fiel. Le moribond pâlit et expire à l’instant. L’ange exterminateur frappait donc le coupable, et saint Michel conduisait son âme au Seigneur, comme dans la mythologie antique, le génie de la mort exécutait l’arrêt de la destinée, et Mercure conduisait l’âme au tribunal du juge des enfers. C’est ce que nous voyons dans le célèbre bas-relief de Prométhée au Capitole (86).

Les musulmans ont reçu des juifs les mêmes croyances ; ils admettent aussi un ange psychopompe par excellence ; mais, pleins de défiance pour saint Michel, auquel ils trouvent une prédilection trop marquée pour le peuple juif, ils transférèrent ses fonctions à Azrael (87). Ils ont aussi leur ange de la mort; chez les Arabes il se nomme Ahou-Iahia, ou bien c’est Azrael lui-même; chez les Persans, c’est Mordad. « L’ange de la mort, dit le Coran (88), vous ôtera d’abord la lie, puis vous retournerez à Dieu. » Le même livre dit ailleurs (89) : « Lorsque les deux anges chargés de recueillir les paroles de l’homme se mettent à le recevoir, l’un s’assied à droite et l’autre à gauche ; » ces deux anges sont Monkir et Nekir substitués à Michel et Gabriel, que nous avons vus jouer un rôle identique dans les légendes coptes rapportées plus haut. C’est le Beedat et le Gourat des Nazaréens (90): Ces deux mêmes anges se retrouvent expressément dans les croyances juives. Voici ce que disent les rabbins (91) : « A peine le mort est-il enfermé dans le sépulcre, que l’âme vient de nouveau s’unir à lui; et, en ouvrant les yeux, il voit à ses côtés deux anges venus pour le juger. Chacun d’eux tient à la main deux verges de [p. 520] feu (92), d’autres disent des chaînes de fer, et l’âme et le corps sont jugés en même temps pour le mal qu’ils ont fait ensemble. » Ces deux anges pourraient fort bien être ceux que ·les saintes femmes rencontrèrent au tombeau du Christ, et qui leur apprirent la résurrection de celui-ci (93). Quoi qu’il en soit d’ailleurs, ils ont évidemment une origine juive, et par conséquent orientale; car leur type se trouve dans Mithra aux proportions colossales, aux dix mille yeux, comme les chérubins de la vision d’Ézéchiel, comme l’Indra hindou, et dans Raschné¬Rast, divinités qui s’emparent toutes deux de l’âme, à la sortie du corps.

Chez les Égyptiens, nous avons reconnu dans Thoth le type de Mercure (94) et de Michel psychopompe; nous retrouvons dans Anubis et dans Horus le type des deux anges qui reçoivent le mort de Monkir et de Nekir. Sur une pierre gnostique, rapportée par M. Malter (95), on voit ces deux divinités debout sur la caisse d’une momie, et paraissant s’entretenir de la destinée de l’âme du défunt. Nous pensons que ces dieux nécropompes que les Gnostiques avaient empruntés aux Égypliens, doivent. être identifiés avec Michel et Gabriel, considérés comme les anges chargés de recueillir l’âme du mort. On a sans doute, observé, que dans les légendes que nous avons extraites des livres apocryphes (96), ces deux esprits célestes jouent absolument le même rôle qu’Anubis et Horus; que Monkir et Nekir. Ce doit être encore par le gnosticisme qu’ils seront passés dans le christianisme avec les fonctions psychagogiques.

Au reste, pour les Égyptiens, Thoth, Anubis, Horus n’étaient pas les seules divinités psychopompes. Il y en avait une troupe aussi [p. 521] nombreuse, plus nombreuse que celle des anges. Qu’on jette les regards sur un rituel funéraire égyptien, on en verra une foule qu’invoque le mort ou qu’on invoque pour lui. Les divinités des portes de la contrée occidentale, de la demeure de Siou, des régions de Matos, étaient notant de puissances célestes auquel le défunt demande, dans ces papyrus funèbres, de le faire admettre dans le ciel avec les esprits des dieux grands, de le conduire dans les régions de Masdj où sont tous les dieux et toutes les déesses de la région supérieure. Toutes ces invocations se mêlaient à celles adressées à Thoth auquel on demandait de foire auprès de l’âme les mêmes fonctions qu’il a remplies auprès du dieu Osiris, lorsque celui-ci mourut dans sa manifestation sur la terre; à celles adressées à Anubis, gardien des gardiens des portes de la demeure des âmes, pour qu’il lui plût de les ouvrir (97).

Les diables nous apparaissent aussi dans les idées chrétiennes du moyen âge , comme des génies psychopompes. De même que les anges emportent aux cieux les âmes des justes, ils emmènent en enfer celles des méchants. Nous avons dit pins haut qu’une pareille doctrine était enseignée par les juifs, lorsqu’ils racontent que le démon Douma conduit en enfer l’âme des méchants. Duns les légendes coptes, s’offrent des idées toutes sembla hies. Une histoire copte des dits et faits de l’abbé Moïse, évêque de Cleft, manuscrit dont le savant Zoega nous a donné l’analyse (98), on met dans la bouche de Jean, disciple de Pisentius, un dialogue qu’il prétend avoir entendu entre un mort nommé Oriundus et un inconnu qui interrogeait ce mort dans le cimetière où il reposait . cet Oriundus, natif d’Her¬monthis, racontait qu’au moment d’expirer, comme il avait été élevé dans le paganisme par ses parents qui adoraient Neptune, les génies du monde (99) se présentèrent à lui et lui reprochèrent ses coupables actions; ils arrachèrent alors l’âme de son corps , et l’attachèrent à la queue d’un cheval noir immatériel, qui la conduisit en enfer. Ce cheval psychopompe, sur lequel nous reviendrons bientôt, est la monture habituelle des diables, et joue un grand [p. 522] rôle dans les légendes de la même famille. Nous rappellerons , par exemple, celle-ci, consignée dons la Chronique de Richer (100).

« L’an mil cinquante-deux, raconte ladite Chronique, Humbert, cardinal, ayant obtenu congé du pape, s’accompagna de bonne escorte, et se remit en chemin pour revoir son pays; en sorte qu’étant parvenu ès Alpes, il rencontra une grande compagnie de chevaucheurs (car ils sembloient être montez sur des chevaux noirs), lesquels regardant de plus près, luy semblèrent flamboyans et environnez de feu. Puis s’armant du signe de la croix, dit à ses compagnons: Destournez-vous et les laissez passer, car vous ne les connoissez. Ce qu’étant fait, ledit Humbert, désireux de sçavoir d’où venoit telle et si grande trouppe de gens à cheval, regarda sur la queue, en opperceut trois sur chacun un cheval plus flamboyant que les autres, auxquels il vint à dire : Par l’indicible puissance de Dieu, je vous adjure de me dire d’où part ceste grande trouppe de chevaucheurs, qui vous êtes et d’où vous venez ? Auquel l’un des trois répondant : Regarde, dit-il, tous ceux-cy ; nous sommes tous les messagers de Sathan ! — Et d’où venez -vous ? Il répondit : Nous venons de la cité de Châlons. — Et quoy faire ? répliqua le cardinal. — Nous venons de quérir l’évêque Gebuyn lequel nous emmenons. »

Nous ne rapporterons pas le reste du dialogue, nous dirons seulement que le cardinal eut grand hâte de s’informer du crime qu’avait commis l’évêque, ce qui lui fut dit. Il nous suffit de rapprocher le cheval des diables de celui que nous avons vu plus haut traîner à sa queue l’âme d’Oriundus. Guillaume-le-Breton rapporte une légende analogue (101).

Quelquefois, ainsi que nous verrons par la suite, en rappelant des idées païennes analogues, les élus sont. portés· dans le ciel par des chevaux célestes, sur des chars mystérieux et éthérés. Ces chevaux psychopompes n’étaient, au reste, que la figure symbolique des anges, du moins pour la partie éclairée des fidèles. C’est ce que nous rappelle le passage suivant de saint Bonaventure (102) : « Angeli in figura equorum sœpius describuntur. Nam sicut equus circum ducitur freno, sic ipsi divino imperio circumaguntur.”

Saint Bernard faisant allusion à cette croyance populaire l’explique ainsi par une éloquente interprétation allégorique : « Equi quibus ad [p. 523] cœlum evehimur, tres sunt : Dolor ex pœnitudine, fervor ex religione, desiderium ex amore (103). » C’est le langage d’une superstition grossière, qu’il emprunte pour rendre une magnifique idée.

Nous ne continuerons pas davantage les citations; les légendes dans lesquelles il est question de diables emportant des âmes coupables, sont trop nombreuses pour qu’on ne le trouve pas à chaque pas dans l’étude du moyen âge. Nous rappellerons uniquement la célèbre vision d’un soldat manceau qui vit par une fenêtre la légion infernale qui accourait se saisir de l’âme de Gervais , archevêque de Reims, mais qui s’en .revint bien désappointée, parce que saint Denis et saint Nicaise leur avaient ravi leur proie (104). Nous noterons aussi ces deux hideux esprits, ces Zabuli que saint Godric, ermite, voyait, à sa dernière heure, venir chercher son âme, avec un petit berceau dans lequel ils s’apprêtaient à la placer, mais que le solitaire mit en fuite avec un signe de croix. Nous n’oublierons pas non plus le miracle de saint Letard qui contraignit les diables à rendre l’âme d’une femme morte en travail d’enfant et qu’ils conduisaient au plus vite en enfer (105).

Les poésies populaires n’abondent pas moins que les hagiologies et fables semblables, auxquelles plus d’un vers fait de directes allusions.

On lit dans la chanson de Roland, au sujet de Marsilie (106) :

Si cum pecchet l’encumbret
L’anme de lui as vifs diables dunet.

et ailleurs dans la même chanson (107 :

Li paiens chet cuntreval à un quat ;
L’anme de lui emportet sathanas ! aoi !

Dans le mystère du martyre de saint Pierre et de saint Paul, les diables accourent s’emparer de l’âme de Néron en criant (108):

Ha ! ha ! ha ! Neron, Neron
Ou puis d’enfer te porteron.

Dans un mystère de la passion du XVe siècle, dont M. Vallet de Viriville a donné une intéressante analyse, ou voit les diables [p. 524] s’emparer d’Hérode qui, pincé dans son lit, expire frénétique, en apprenant que son propre fils a été tué dans le massacre qu’il a ordonné (109). Dans le mystère représenté sur les curieuses tapisseries de la ville de Reims, la scène XXVIe, figurée sur la IXe toile, offre pour sujet le bon larron rendant l’âme entre les mains de. Gabriel, et le mauvais entre celles de Satan (110). Dans le mystère de la vengeance (111), les diables armés de croix et de rateaux s’élancèrent pour aller recueillir l’âme damnée de Pilate; celui-ci enfermé dans un cachot, s’est brisé la tête contre les barreaux. Nous avons cité plus haut des peintures dans lesquelles des sujets du même genre ont été traités: peinture, sculpture, légende et chanson populaire , tout nous reflète la même croyance, tout respire la même espérance dans l’ange qui porte au ciel, la même crainte du démon qui conduit aux enfers.

ALFRED MAURY.

Notes

(1) On sait que tous les premiers chrétiens regardaient les divinités païennes comme autant de démons, et s’imaginaient même que ces démons habitaient en personne dans les idoles. C’est une opinion en faveur de laquelle témoignent presque tous les Pères et un grand nombre de vies de saints. La manière si différente dont la; mythologie grecque et latine est envisagée par les antiquaires modernes, même les plus orthodoxes , démontre a quel point les opinions ont changé sur cc point; on en pourrait dire autant de bien d’autres idées !

(2) Cf. l’excellente Histoire du Gnosticisme de M. Malter, qui nous n été d’un si utile secours, et dans laquelle tous ces-faits sont démontrés avec évidence.

(3) Voyez les Histoires du Christianisme de MM. Neander, Malter, Gfrörer, et en général celles qui appartiennent, par les opinions de leurs auteurs, a l’Église évangélique.

(4) Chifftet, Tab. XXI, fig. 85.

(5) Cabinet des pierres gravées de Gorlée et autres cabinets célèbres de l’Europe. T. II, pl. CCXVIII, n° 435.

(6) Gori, Inscript, antiq., I, p. L. Tab. III, 1.

(7) Cf. Osann, Commentat. de Gemma sculpta Christiana. Gissæ , 1843, p. 16 et 19.

(8) Cf. Creuzer, Zur Gemmenkunde, p. 56 et 57.

(9) Cathemer. I.

(10) De laud., spir. form., c. b.

(11) Cf. Atlas de la première édition de l’Hist. du Gnosticisme, explication de la pl. IX , p. 95.

(12) Un fait curieux a noter, et qui vient encore a l’appui de notre rapprochement, c’est que certains temples de Mercure ont été remplacés dans les Gaules par des églises sous l’invocation de saint Michel. Ainsi près du Puy en Velay, l’église de Saint-Michel, élevée en 965, au sommet d’un pic des plus escarpés, celui de l’Aiguille , a été construite sur les restes d’un temple de Mercure, dont quelques débris se voient, dit-on , encore.

(13) Voyez ce que nous disons plus bas du rapport des anges avec les astres.

(14) Casaubon, Exercit. ad Baronii Annal. Francof. 1805, p. 57 et suiv

(15) Osano, Syllog. inscr. græc.

(16) De script. des pierres gravées de Stosch, p. 91.

(17) Atlas cité, pl. I, fig. 9.

(18) Cf. Letronne , Observ. sur les représent. zodiac., p. 98-99.

(19) Champollion, Panth. égyptien, pl. 30.

(20) Cf. sur ce surnom Arundell, Discoveries in Asia minor. T, II, p. 176.

(21) C’est pour celle raison qu’on trouve des balances dont les poids représentent une tête de Mercure. Cf. Mus. Florent. T. Il, p. 153, Fabretti, lnscr. c. 6. a.

(22) Sur une sardoine antique, rapportée par Ficoroni, Gemmæ. antiq, uuer, Tab. VIII, fig. 2, on voit une tête de mort au-dessus de laquelle est une balance, au-dessous de celle-ci est une roue. Cette balance figure ici, comme un emblème du pèsement des âmes, ou plutôt comme une image de la mort dont la loi est égale pour tous, c’est l’Omnia mors œquat de Claudien.
La roue a aussi une signification funéraire. Cf. sur la roue, de Witte, Catalogue de la Collect. du vicomte Beugnot, p. 26 et suiv.

(23) Les livres rabbiniques ont reproduit souvent celle comparaison de pèsement : Comme les mérites et les péchés de l’homme sont pesés à l’heure de la mort Hischolh Tchuvah, ch. 3, 3, celui qui commet un seul péché, fait pencher pour son propre compte et pour celui du monde entier, le plateau de la culpabilité (en [p. 507]  hébreu caph, plateau, bassin) ; celui qui commet une seule bonne action fait trébucher, en faveur de lui-même et du monde entier, la balance du mérite. lb. ch. 3, 4.

(24) De secund. advent. ap. Opera ed. Assemani. T. Ill, ·p. 273.

(25) Gori , Symbol. litterar, ord. baptiz. infirm. ap. Oper,. T. IX, p. 220.

(26) Cap. 13. Ap. Thilo, Cod. Apocryph. Nov. Testam. T. I, p. 23.

(27) C. 22.

(28) C. 23.

(29) Dulaurier, Fragment des révélations apocryphes de saint Barthélemy et de l’Histoire des communautés religieuses, fondées par saint Pakhome. Paris, 1835, p. 16 et suiv.

(30) Ap. Clem. Alex. Stramat., 1. 6, Evod. ad August., Ep. 259, ap. S. Augustin. Oper.

(31) Luc. XVI, 22. Cf. Amphiloch. episcop. lcon. Orat. de Lazar, ap. Opera. Paris. 1644, p. 62 et sq. Arnob. adv. gentes, lib. 2, c. 17.

(32) Bolland. Act. Jan. T. I, p. 606.

(33) Menologium Grœcorum. Ed. Annib. Albani, pl. 1, p. 94, 4 octob. (Urbini, 1727 , in-fol.)

(34) Bolland. Act. jan. T. Il, p. 176. Cf. Œuvre d’Éginhard, éd. Teulet, T.ll, p.312.

(35) Pl. l, p. 17G. Novemb.

(36) Cf. S. Gregor., Diatog., lib. 2, c. 35; S. Bernard, Serm. XIII, 1, 21 mars, ap. Oper., tom. 1, p. 864, et Tractatus anonymi de remunerat. meritorum non dilata ap, script. veter. nov. collect. e codic. Vatic. Ed. A. Maio, T. VII, p. 270.

(37) Vincent. Pazzini, Vit. Beatœ Mariœ a Pazzis. Part. 1, c. 61.

(38) Bolland. Act. XX, Aug., c. 51, p. 220. On pense bien que ce n’est que comme exemple que nous avons cité les faits précédents. Nous ne prétendons nullement avoir reproduit tous cens de celle nature; on en rencontre presque à chaque page dans les Bollandistes.

(39) Lib.14, c. 14.

(40) Lib. 4, c. 15.

(41) Act. sanct. V maii, p. 58.

(42) Cecinerunt angeli supra in campanili et in egressu susceperunt animam. Bolland. Act. IX Jun., p. 258, col. 2.

(43) Assemani, Act. Martyr. orient. Pars I, p. 139, 206.

(44) Bolland. Act. Xlll maii, p. 256, col. 1.

(45) Sirenes secundum fabulam parte virgines fuerunt, parte volucres : harum uma voce, altera tibiis, alia lyra canebal. Servius ad Æneid. Vers. 864.

(46) Ap. Quœst. symp. L., IX, 146.

(47) Je renvoie pour ce sujet au travail que je publierai incessamment sur les idées populaires du moyen âge relatives au ciel.

(48) Platon. Repub, X. Cf. Euripid. Helen. Act. I. v. 166-170,

(49) Je développerai ce fait intéressant de la mythologie antique dans un grand travail sur l’histoire des croyances relatives à la vie future, et dont ce mémoire ne forme en quelque sorte qu’un épisode.

(50) Cf. sur les Sirènes, Platon, Cratyl. 403. Proclus in Tim. 259. Creuzer, Ægyptiaca, p. 240-352. Millingen, Anc ined. Monum. Part. 16, J. 14. Panofka, Mus. Bartholdian. 62. Cabinet Pourtalès, p. 76. Annal. de l’Inst, archéol. de Rome. T. I, p. 286. Art. de M. de Laglandière.

(51) Comte de Clarac, Mus. de Sculp. anc. et mod. T, II, Pl. I, p. 384. Pl. 167- 251, n° 60,

(52) Ibid., p. 502, Pl. 207, n° 404.

(53) Hérodot. II, 79. Creuzer, Relig. de l’Antiquité, trad. Guigniaut, T. I, p. 476.

(54) Hesiod. Asp. Herc., v. 202 et suiv.

(55) Cf. Moor, the hindu Pantheon, p. 65, 96, 215.

(56) Coray, Ancient fragments, 2e édit. p. 255. Olymp. in Phædr.

(57) Saint Bernard, Epist. 78 ad Suger. ant. med., c. G, col. 80, ap, Oper. T, I.

(58) Millin, Voyage dans le midi de la France, atlas, pl. LXX, n° 16. Alex. de

Laborde, Monum. de la France. T. l, II. XXIV.

(59) Bolland. Act. Jul. T. II, p. 332.

(61) Cf. Catalog. des Manusc. franç. de la Bibl. royale, par M. P. Paris, T. II, p. 18.

(61) Charrière, Cloître de Cadouin, p. 31. Paris, 1839.

(62) D’Agincourt, Hist. de l’Art, Peint. Pl. CIII.

(63) lbid., pl. CXXXll.

(64) Alex. Lenoir, Mus. des Mon. franç. T. I, p. 115.

(65) Dulaurier, Fragm. des révélations apocryphes de saint Barthélemy et de l’Histoire des communautés religieuses, fondées par saint Pachome, p. 29.

(66) Dugdale , Monasticon anglican. T, III, pl. XVII.

(67) Millin, Voyage dans le midi de la France. T. II, p. 288.

(68) Deville, Tomb. de la cathédrale de Rouen, p. 37.

(69) Mallay, Essai sur les Églises romanes et romano-byzantines du Puy-de-Dôme. Pl. XXI, XXII, p. 26. Moulins, 1826.

(70) Cf. Je Mémoire de M. Brosset sur des Inscrip. tumul. georgien., p. 477 du tome IV des Nouv. Mém. de l’Acad. des Sciences de .Saint-Pétersbourg.

(71) « Angeli, via finita, nos in manibus tollunt » Saint Bernard. serm. XIII, l, col. 864, T. II Aper. Le même Père dit allleurs : « Arbitror sane velut duabus quibusdam manibus ejusmodi homines interdum abiaogelis supportari. » Serm, XII, 10, ibid. col. 864.

(72) D’Agincourt, Peint. PI. XCVIII, n° 1,

(73) Roselllni, Monuments dell’ Egitto e della Nubia, atlas, T. II, pl. XXXIX.

(74) Matter, Risi. du Gnosticisme, T. II, p. 389, 2e édit. Nous pensons que c’est à cette croyance qu’il faut rapporter le sujet d’une pierre gnostique donnée dans Gorlée, T. II, pl. CCXVIII, 430. Au-dessous de la figure du père commun représenté comme le dieu Terme, on voit deux personnages nus qui paraissent être des âmes. Ils sont l’un et l’autre accompagnés d’un génie ailé en adoration comme eux devant l’Éternel. Sous leurs pieds est figurée la voûte constellée et les sphères célestes. Je pense que ce sont les Σύζυγοι, qui conduisent les âmes dans le sein du Plérome. Je ne puis, au reste, parvenir à découvrir un sens à la légende dont les caractères grecs sont évidemment fort altérés.

(75) Ces représentations exerçaient incontestablement une grande influence sur l’imagination populaire, et y entretenaient puissamment cette croyance. Comment, par exemple, ne pas reconnaître dans la représentation si commune de l’âme portée par un ange, sous la figure d’un enfant, la source de cette vision de sainte Gertrude, qui vit son âme que son ange gardien présentait à Dieu, la portant dans ses bras sous la figure d’un petit enfant ? Cf. sanct. Gertrud. Vit. Et revel., lib, III, c. 23. De même le sujet de la psychostasie avait enfanté dans l’esprit halluciné de sainte Rose-de-Marie la vision suivante : Elle vit Jésus-Christ se montrer à elle ; sur deux arcs-en-ciel éclatants, et tenant à la main une balance d’or, avec laquelle il pesait d’un côté les douleurs que les hommes pouvaient endurer, et de l’autre les grâces et les récompenses infinies qu’il leur premettait. » Voy. J. B. Feuillet, Ve de Rose-de-Marie, 4e édit., p. 129. Paris, 1676.

(76) Insc, lat. select. 4724,

(77) Éd. P. Paris, T. I, p. 11, 1reChanson.

(78) Jubinal, Mystères inédits, tom. I, p. 145.

(79) Jubinal, op. cit. t. 1.

(80) Cf. Ludus Conventriœ, a collection of mysteries, edit. by Halliwell, p. 303. (Lond., 1841.)

(81) Dulaurier, fragment cité, p. 22.

(82) Cf. Extr. du Mém. de lit. Franck, sur l’Origine de la Cabale, Compt. rend. de I’Acad. des Scienc. moral. et politiq., t. I, p. 280 ; et La Kabbale, par M. Ad. Franck, p. 366.

(83) Bartollocrio de Celleno, Blblioth, magn. Rabbin. Pars I, p. 284, Cette croyance juive s’étendait à l’homme vivant ; suivant les rabbins, les bons anges accompagnent les justes et les démons les méchants.

(84) VIII, 26.

(85) ) Bartollocrio de Celleno, O. c. Pars III, p. 620,

(86) Cf. comte de Clarac, Mus. de Sculpt., t. II, pl. I, p. 203.

(87) Voyez sur l’Ange de la mort, Azrael ou Izraïl, Chroniq. de Tabari, trad. Dubeux , part. 1, ch, 25-35, p. 68-89. Dans le chapitre 35 on raconte que cet ange conduisit Edris dans le paradis et l’enfer, et lui révéla les mystères de la vie future, comme le font, dans la Divine Comédie, Virgile et Béatrix pour Dante.

(88) Trad. Kasimirski , ch. 32, v. 11, p. 370,

(89) Id., ch 50, p. 477.

(90) Cf. mon Mémoire nr la Psychostasie.

(91) Cf. Franck, La Kabbale, p. 280.

(92) Ce sont les baguettes des anges dont nous avons parlé.

(93) Luc , XXIV, 3.1,,

(94) Sir J. Gardner Wilkinson, dans son intéressant ouvrage intitulé : Manners and customs of the ancient Egyptians (2e série. T. I, p. 442 ; T. Il, p. 10), distingue f,formellement Mercure psychopompe, de Thoth, pour lui, le premier répond à Anubis. Une opinion analogue avait été émise avant lui, par M. J. C. Prichard , dans son Analysis of the Egyptian mythology (London , 1819), p 12&. Nous croyons, avec ces savants, qu’Anubis a souvent été confondu avec Mercure, et que génie psychopompe ainsi que Thoth, il a aussi transmis ses caractères à l’Hermès grec. C’est ainsi que le caducée se voit sur les pierres gnostiques, entre les mains d’ Anubis à tête de chacal ; ce dieu tient d’une main le caducée et de l’autre la palme, emblème lie la victoire qu’il vient de remporter avec l’âme et qui l’acoompagne aux régions célestes, (Voyez Cabin. Gorlée, t. II, pl. CCXXX V, n° 501 ; et Mattr. Atlas, pl. Il, c. fig. 1.) Cette représentation est tout à fait conforme à ce que dit Apulée (Metamorph., lib. Il, 1 ; cet auteur donne précisément à cette divinité ces deux attributs. Plutarque, de Is, et Osirid. c. 43, assimile également Anubis à Mercure.

(95) Allas de la 1re édit, de l’Hist. du Gnosticisme, pl. I, c., fig., 11.

(96) Voyez les légendes rapportées plus haut.

(97) (Voyez F. Cailliaud, Voyag. à Méroé, t. IV, p. 8 et 19.

(98) Zoega Catalog. codic. copkic. in mus. Borgian., p. 45.

(99) Dans le texte copte, p. 48. on lit le mot nicrosmocrator, qui est emprunté au grec, et qui a été employé par saint Paul, Ep. ad Eph., V 1, 12, pour désigner les démons. Ce mot est l’espression d’une idée gnostique. Les Κοσμοχράτορες,, les Έγχόσμιοι désignaient chez les gnostiques les génies ou démons gouverneurs du monde visible. [p. 522]

(100) Chroniq. de Richer, moine de Sennones, trad. franç. du XVIe siècle, publiée par J. Cayon, lib, 2, c. 19, Nancy, 184a.

(101) Collec. Guizot, p. 218.

(102) De Eccles. hierarch., pl. 111, p. 280. ap. Opert, V. Rome, 1596.

(103) Liber Sentent., 149. ap, T. Il. Oper., p. 783.

(104) Lenglet Dufresnoy, Dissert, sur les Apparit., T, 1, part. 1, p. 191.

(105) Bolland. Act. XXV maii , de translat. S. August., p. 412.

(106) Chanson de Roland, éd. Fr. Michel, st. 266, p. 141.

(107) lbid., st. 94, p. 40.

(108) Ach. Jubinal , Myst. inéd., T. Il, p. 94.

(109) Biblioth. de I’École des Chartes, T, V, p. 49, 1843.

(110) Leberthais et L. Paris, Toiles peintes et Tapisseries de la ville de Reims.

Paris, 1843, in-4°, T, 1, p. 564.

(111) Idem, T. Il, 734.

 

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