A. Tilloy. Le magnétisme et le spiritisme devant la théologie. Extrait de la « Revue du Monde catholique », (Paris), première année, tome second, 1862, pp. 312-319.

A. Tilloy. Le magnétisme et le spiritisme devant la théologie. Extrait de la « Revue du Monde catholique », (Paris), première année, tome second, 1862, pp. 312-319.

 

L’abbé Jean Anselme Tilloy (1824-1903 ?). Religieux, écrivain catholique et militant antimaçonnique.

 

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’ouvrage. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Les images ont été ajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 312]

LE MAGNÉTISME ET LE SPIRITISME
DEVANT LA THÉOLOGIE.

Le surnaturel est un monde à partie double dont le côté consolant et le côté terrible se prouvent et se nécessitent l’un par l’autre ; Lumières et Ténèbres, Jéhova et Bélial, Jérusalem et Babylone, Jésus-Christ et Satan, voilà les deux camps, les deux étendards, les deux cités, les deux maîtres qui se disputent l’empire du monde invisible et du monde visible. Ces deux maîtres, si différents et si opposés l’un à l’autre en tous points, ont chacun leurs docteurs, leurs citoyens, leurs soldats ; chacune de ces deux sociétés a son esprit, ses dogmes, ses maximes, ses mœurs. L’une honore ce que l’autre méprise, adore ce que l’autre brûle, aime ce que l’autre hait, désire ce que l’autre redoute. L’une appelle la vie ce que l’autre appelle la mort, ténèbres ce que l’autre appelle lumières, progrès ce que l’autre nomme décadences, sagesse ce que l’autre nomme folie ; celle-ci appelle bien ce que celle-là appelle mal, mensonge ce que l’autre appelle vérité. Moise et Pharaon, les Hébreux et les Philistins, Jérusalem et Babylone, les Machabées et Antiochus, Jésus-Christ et le peuple déicide, l’Église et son persécuteurs, ont montré au soleil du monde visible, et dans sa phase militante, l’antagonisme de ces deux maitres qui sont de tous les lieux et de tous les siècles.

Mais si le monde naturel est le théâtre de cette grande lutte qui déchire l’humanité, il faut chercher ailleurs les chefs invisibles qui de part et d’autre inspirent et dirigent les combattants. Ces chefs appartiennent au monde surnaturel et invisible. C’est dans l’ordre du bien, Jésus-Christ le roi Immortel de la vérité, qui habite au sein de la lumière éternelle, inaccessible au regard de l’homme ; dans l’ordre du mal, c’est Lucifer, le roi immortel de l’erreur, le prince dµ mensonge, qui habite le royaume de l’éternelle nuit où son orgueil l’a précipité. Et puis au-dessous de ces doux chefs des deux hiérarchies opposées du monde invisible, la foi nous montre d’autres puissances, invisibles aussi, milices rivales, impalpables, qui nous entourent de leur protection ou nous assiègent de leurs embûches, nous soutiennent dans nos luttes ou conspirent notre ruine. Tous les siècles, tous les peuples ont reconnu l’influence de ces dieux inférieurs, comme les appelle de Maistre, et l’Église a désigné cette double aristocratie du ciel et des enfers sous les noms d’anges ou de démons.

Ces cieux ordres, si différents et si contraires du monde surnaturel, n’existent pas pour les libres penseurs, et, s’il faut les en croire ; notre siècle a dit son dernier mot sur ces superfluités du symbole catholique. [p. 313]

Ce dernier mot-du siècle s’applique surtout aux démons. Les libres penseurs veulent bien conserver un souvenir respectueux aux bons anges, par égard pour nos artistes qui en ont encore besoin, mais ils repoussent sans pitié les démons.

Écoutons le panthéisme : « Ne sachant rien des bons esprits, la science s’est encore débarrassée des mauvais… Aujourd’hui, que le monde a atteint sa majorité, il se rit du diable comme le jeune homme se rit de Croquemitaine. »

Quant au rationalisme, c’est bien mieux. Enfermé dans les limites du monde naturel, il ne voit rien au delà. Pour lui, rien n’existe que ce qu’il perçoit, que ce qu’il comprend. La négation du surnaturel et de l’invisible est son point de départ et son symbole.

La faculté de médecine n’est pas moins affirmative. Comme le monde surnaturel a le malheur de ne pas être scientifique, parce qu’il est inaccessible au scalpel de la science médicale, la faculté de médecine ne veut voir dans la foi au surnaturel qu’une illusion poétique servant de passeport à une vieille bêtise qui ne peut plus être admise que par des cerveaux malades. « Tout homme, dit le docteur Lescuret, qui s’avise de croire à un esprit, doit être immédiatement renfermé à Charenton (1). » L’inconvenance de ce langage est surpassée par le docteur Parchappe, qui prétend que le « surnaturalisme a été définitivement chassé du domaine de la science, et que c’est à peine aujourd’hui s’il se trouve encore sérieusement accrédité chez un petit nombre d’individus appartenant aux classes les plus infimes et les plus ignorantes de nos sociétés civilisées. »

Quelle peut être la raison du profond mépris témoigné par les libres penseurs à l’endroit du surnaturel ? Je crois, pour ma part, qu’elle a une tout autre cause que le progrès de la science. Les libres penseurs nient l’existence de ce monde à double face, parce qu’ils savent qu’ils n’ont rien à espérer de ses promesses et tout à craindre de ses menaces ; ils ont peur de l’invisible, ils ont peur de Satan ! et ils ont leurs raisons pour cela. Et puis la foi au monde surnaturel dérange singulièrement leur naturalisme scientifique et religieux. En effet, accepter le monde surnaturel, c’est accepter l’existence d’un monde que la raison ne peut atteindre, c’est accepter des faits qu’elle ne peut comprendre, c’est accepter une lumière, une vie, une force, une puissance supérieure à la lumière, à la vie, à la force, à la puissance que l’homme reçoit de la nature, c’est accepter le mystère et la possibilité du miracle, ou d’une intervention de ce monde surnaturel dans le gouvernement du monde naturel. Enfin, accepter Satan, c’est accepter la chute originelle, la nécessité de la réhabilitation, et partant l’incarnation du Verbe, sa rédemption et par conséquent Jésus-Christ, et avec Jésus-Christ le christianisme tout entier, ses mystères, ses dogmes, sa morale et son Église. [p. 314]

Comprenez-vous maintenant pourquoi les libres penseurs ne veulent ni du monde surnaturel, ni surtout de Satan ? L’existence du monde surnaturel, mais c’est l’âme du christianisme, et l’existence de Satan suppose l’existence de Jésus-Christ !

Voltaire savait cela lorsqu’il écrivait à un théologien qui se montrait trop coulant : « Satan, mais c’est le christianisme tout entier ; PAS DE SATAN. »

Oui, tout le christianisme est là ; il est si bien là, que Bayle, le plus savant des incrédules, disait aux catholiques : « Prouvez seulement aux incroyants, l’existence des mauvais esprits, et vous les verrez forcément obligés de vous accorder tous vos dogmes (2). » Belle leçon donnée par l’oracle de l’incrédulité à ces timides et prudents catholiques, qui, sous le prétexte de rendre la religion plus aimable, conseillent à nos prédicateurs de faire grâce à leurs auditeurs de l’enfer et du démon.

Je ne veux point ici relever le défi porté par Bayle aux catholiques.

D’autres l’ont fait avant moi. Et d’ailleurs, à quoi bon ? Au lieu et place d’une dissertation théologique qui aurait peu de crédit auprès de nos libres penseurs, n’avons-nous pas les témoignages décisifs et sans réplique de cette science nouvelle qui joue un si grand rôle dans le monde, et qui est connue sous le nom de spiritisme. Les phénomènes aussi nombreux qu’incontestables produits par le spiritisme donnent en effet le plus éclatant démenti au naturalisme de nos libres penseurs, en leur prouvant par le témoignage des faits, qu’ils sont mis en demeure ou d’accepter l’existence des esprits et par conséquent l’existence du monde surnaturel, ou d’attribuer, ce qui est absurde en bonne logique, à une cause naturelle des effets qui dépassent les forces de la nature. Voilà ce que constatent les faits que je me propose d’étudier, au point de vue théologique. Afin de procéder avec ordre en cette matière délicate , je dégagerai d’abord de la discussion ceux des phénomènes magnétiques qui peuvent s’expliquer naturellement, et après avoir examiné jusqu’à quel point et dans quelles conditions il est permis de les provoquer, j’aborderai la question des phénomènes du spiritisme.

II.

Ce siècle de lumières, si sceptique et si incrédule à, l’endroit du surnaturel, s’est trouvé tout à coup épris par la passion de converser avec les esprits et d’entrer en commerce avec les morts. Ou mit depuis quelques années des hommes sérieux s’adonner à ces investigations d’un monde inconnu et à ces entretiens d’outre-tombe ; et il s’est trouvé que, sous l’influence magique des passes et des mediums, sous l’imposition de mains profanes, on a vu des personnes prises du sommeil magnétique, [p. 315] parler, révéler les secrets de l’avenir ; bien plus, on a vu les guéridons tourner et rendre des oracles.

Tels sont les faits qu’il importe d’examiner et de juger au point de vue théologique. Il s’agit de savoir à quoi doivent s’en tenir les fidèles sur ces mystérieux et étranges phénomènes, et jusqu’à quel point il leur est permis de les provoquer tutà conscientià. La question est essentiellement pratique, et d’autant plus opportune, qu’une religion nouvelle est née sous l’influence des phénomènes merveilleux du spiritisme. Cette religion a son culte, ses prophètes et ses prêtres, et elle fait dans un certain momie des progrès d’autant plus rapides, que bien des catholiques croient pouvoir l’associer à leur culte, et la concilier avec leurs croyances,

A tous ces titres, il importe à la théologie de s’expliquer et de résoudre cette question, autant qu’elle peut l’être. Je me hâte de dire que dans cette étude j’interrogerai avant tout l’enseignement de l’Église, gardienne incorruptible de la foi et des mœurs. Les décisions déjà données par les congrégations romaines touchant le magnétisme, me serviront de règle et de boussole : afin de procéder avec ordre dans la classification des phénomènes que j’ai à étudier, j’établirai d’abord les chefs principaux auxquels peuvent se rapporter les effets attribués au magnétisme animal. Je traiterai ensuite des phénomènes du spiritisme.

III.

Les phénomènes du magnétisme animal peuvent se réduire à quatre chefs principaux.

1er FAIT. D’après les expériences nombreuses faites dans ces derniers temps, confirmées par le suffrage d’hommes, aussi autorisés par la science que respectables par le caractère, et enfin par le témoignage d’une multitude de personnes graves et dignes de foi qui attestent de visu les effets du magnétisme animal, on ne peut douter de l’existence du fluide magnétique, ni de la réalité de quelques-uns, au moins des effets qu’on lui attribue. Quant à dire quelle est la nature de ce fluide, je n’ai pas à m’occuper de cette question. Il me suffit de constater l’existence de ces faits.

2e FAIT. Il parait incontestable aussi que la transmission du fluide magnétique entre plusieurs personnes, a pour effet d’accumuler l’énergie vitale sur la partie malade du corps humain.

3e FAIT. La communication de ce fluide a aussi pour effet de produire le sommeil magnétique pendant lequel se produisent des phénomènes plus extraordinaires que ceux que l’on peut observer dans l’état de somnambulisme ordinaire.

4e FAIT. Il parait également certain que la communication du même fluide a pour effet d’élever la personne qui le reçoit à l’état d’extasemagnétiquequi produit chez certains sujets doués d’une imagination délicate, des effets plus ou moins merveilleux. [p. 316]

Tels sont les principaux phénomènes attribués au magnétisme animal. En présence de ces récits, plusieurs savants se retranchent dans un scepticisme absolu. La plupart ne veulent y voir qu’une hallucination ou une jonglerie; quelques-uns même nient purement et simplement l’existence du fluide magnétique. C’est assurément la solution la plus commode; car elle dispense de toute critique. Toutefois il me parait difficile de pouvoir affecter raisonnablement un scepticisme aussi absolu sur les effets du magnétisme ; car, encore bien que quelques-uns de ces effets aient été souvent exagérés par la jonglerie, il n’en est pas moins certain que des expériences nombreuses, faites par des hommes aussi autorisés par la science que respectables par le caractère, ont eu pour résultat de constater la réalité des phénomènes que je viens de signaler. D’ailleurs, je n’ai pas à réfuter ici le scepticisme de la science. Mon but se borne à prendre les faits tels qu’ils sont racontés, et à dire s’ils peuvent être tolérés ou s’ils sont répréhensibles au point de vue de la conscience. li me suffit , pour remplir ce but, de reprendre un à un les faits ci-dessus mentionnés, et à examiner s’ils sont du nombre de ceux que l’Église condamne, soit à raison des moyens illicites qui sont employés pour les produire, soit à cause des circonstances qui les accompagnent, soit enfin à raison des conséquences qui peuvent en résulter.

Les congrégations romaines ont donné plusieurs décisions sur le magnétisme. La plus importante de toutes est la lettre encyclique adressée par la congrégation du Saint-Office à tous les évêques, adverrus magnetismi abusus(30 juillet 1856 ). L’encyclique y rappelle les décisions antérieures émanées du Saint-Siège ; elle en détermine la portée et le caractère, et elle fait remarquer que ces réponses, ayant été· données pour des cas particuliers qui offraient une accumulation de circonstances les plus dangereuses pour la religion et les bonnes mœurs, la Sacrée Congrégation a dû condamner l’usage du magnétisme tel qu’il était spécifié dans ces cas particuliers.

Il suit de là que le Saint-Siège n’a pas prétendu jusqu’à présent condamner l’usage du magnétisme, mais seulement ses abus, comme le prouve d’ailleurs la décision du 28 juillet 1847 : — « Remoto omni errore , sortilegio, explicita aut implicita dæmonis invocatione, usus magnetismi, nempe meruss actus adhibendi media physica aliunde licita, non est moraliter vetitus, dummodo non tendat ad finem illicitum aut quomodo libet pravam. Applicatio autem principiorum et mediorum purè physicorum ad res et effectus veré supernaturales, ut physici explicentur, non est nisi deceptio omnino illicittà et hæreticalis. » Enfin l’encyclique, après avoir signalé les abus du magnétisme, appelle la vigilante sollicitude des évêques sur leur répression.

Il résulte de ce document, qu’en dehors de tout sortilège, invocation du démon explicite ou implicite, l’usage du magnétisme n’est point moralement mauvais, pourvu : 1° que les moyens employés pour obtenir les effets [p. 317] qu’il produit soient d’ailleurs licites ; 2° que l’on ne se propose pas une fin illicite et mauvaise. Il résulte encore du même document, que l’emploi d’éléments et de moyens purement naturels pour obtenir des effets surnaturels en dehors de toute intervention surnaturelle, implique une erreur coupable et une hérésie.

Telle est la règle tracée par l’Église. Je crois qu’elle en a dit assez pour nous permettre de décider ce qui peut être certainement permis, ce qui doit être certainement défendu, et enfin cc qui doit être considéré comme suspect.

Appliquons maintenant cette règle aux faits précités.

1er FAIT. —Transmission du fluide magnétique. La simple transmission du fluide magnétique, qui n’a pour but que d’accumuler la force vitale sur une partie malade, me paraît n’avoir rien de répréhensible en elle-même, cette transmission du fluide magnétique se faisant naturellement et par des moyens licites. Telle est la décision de la Sacrée Congrégation, que j’ai rapportée. Toutefois, on ne doit pas oublier que la Sacrée Congrégation met à la légitimité de cette transmission les conditions suivantes : C’est 1° qu’il n’intervienne dans l’ace de cette transmission ni sortilège, ni invocation explicite ou même implicite du démon ; 2° qu’elle ait un but licite ; 3° qu’il n’y ait rien d’immoral ni de scandaleux dans l’attitude, les gestes et les passes nécessaires à la transmission du fluide magnétique. « Remoto omni errore, sortilegio , explicita aut implicità dæmonis invocatione. »

2FAIT. —Sommeil magnétique. Est-il permis de se montrer aussi facile à l’égard du sommeil magnétique ? Les rédacteurs de la Revue théologique soutiennent l’affirmative, en sous-entendant toutefois les restrictions et les conditions exigées pour le cas précédent. Ils pensent que le phénomène du sommeil magnétique peut s’expliquer naturellement, puisqu’il est produit, comme le précédent phénomène, par les passes ou par le simple regard. On ne pourrait le condamner qu’autant qu’il impliquerait remploi d’éléments et de moyens physiques pour obtenir des effets surnaturels, ce qui est formellement condamné par l’encyclique que nous avons citée plus haut. Or, ce phénomène du sommeil magnétique se produit naturellement et comme de lui-même chez les individus somnambules, sans que jamais personne ait songé à voir l’intervention d’un agent surhumain.

M. l’abbé Combalot soutient le sentiment contraire(3).

« Le fluide magnétique, dit l’éloquent orateur, appliqué à une douleur purement physique, employé comme simple remède, et en dehors de toute participation implicite ou explicite avec un agent infernal et ténébreux, n’a rien de contraire au dogme et à la morale catholiques, pourvu toutefois que les actes et les signes par lesquels ce fluide serait produit et [p. 318] communiqué soient exempts de toute indécence, et n’aboutissent pas au sommeil magnétique, parce qu’il n’est jamais permis à l’homme raisonnable de se placer dans un état où l’exercice de sa volonté libre cesse, et où il tombe sous le pouvoir de celui qui l’a plongé dans cette espèce de tombeau, et qui peut abuser à son insu de cette honteuse et avilissante métamorphose. »

M. l’abbé Combalot condamne le sommeil magnétique, parce qu’il suppose que la personne qui se trouve dans l’état du somnambulisme magnétique, est toujours, quant à la volonté, sous la dépendance absolue du magnétiseur. Or, répondent les rédacteurs de la Revue théologique, ce point n’est nullement prouvé. Il semble même certain que la personne magnétisée résiste souvent à la volonté du magnétiseur. Aussi, en théorie, j’adopterais plus volontiers le sentiment soutenu par la Revue théologiquecomme me paraissant plus conforme à la décision de la Sacrée Congrégation, quoique, en pratique et pour la plupart des cas, il me paraisse prudent de s’en tenir au sentiment de M. l’abbé Combalot, à raison des dangers et des inconvénients qui résultent ordinairement du sommeil magnétique.

3FAIT. —Extase magnétique. Si par extase magnétique on entend simplement l’élévation de certaines facultés à une énergie supérieure et à une activité plus puissante, sans toutefois sortir de la sphère des connaissances que le sujet magnétisé peut obtenir naturellement, il ne semble pas qu’on puisse le condamner d’une manière absolue. La raison en est que ce phénomène peut, jusqu’à un certain point, s’expliquer naturellement.

li ne parait pas en effet impossible que, par suite de l’action magnétique, l’âme se trouve en quelque sorte plus dégagée do son enveloppe matérielle, et qu’étant alors favorisée d’une plus grande facilité d’élocution, de raisonnement et de travail intellectuel, elle puisse obtenir des résultats qui seraient presque impossibles dans l’état ordinaire, sans sortir toutefois du domaine des connaissances que l’on peut obtenir naturellement, même en cet état.

Jusqu’à cette limite, l’usage du magnétisme parait donc trouver grâce devant la loi morale et l’autorité de l’Église, en sous-entendant toujours les restrictions et les conditions exigées par la Sacrée Congrégation. Mais ce qui ne trouvera jamais grâce ni devant la loi morale, ni devant l’autorité de l’Église, c’est l’usage du magnétisme exercé pour une fin immorale, ou dans des circonstances et par des moyens contraires à la décence et à la pudeur. On doit tenir compte surtout du danger d’immoralité qui est d’autant plus imminent que l’agent magnétique et l’agent magnétisé sont le plus souvent des personnes de sexe différent, entre lesquelles la communication magnétique provoque une sympathie dangereuse et trop souvent coupable, en exaltant outre mesure la sensibilité nerveuse.

Un autre abus réprouvé par la Sacrée Congrégation, est l’emploi du  [p. 319] magnétisme sans un motif raisonnable. Je comprends que l’on puisse en user comme auxiliaire dans l’art de guérir, ou dans un but d’expérimentation scientifique ; mais qu’on l’exerce pour amuser la curiosité du peuple, et pour spéculer sur sa crédulité ; il y a là évidemment une exploitation coupable de la nature humaine et de ses facultés.

Ainsi de l’examen des phénomènes que je viens de rapporter, il résulte que, mis en regard des décisions rendues par l’Église sur le magnétisme, ils peuvent s’expliquer naturellement, et qu’au point de vue théorique, ils ne sont point condamnés. Toutefois les dangers et les scandales que l’usage fréquent du magnétisme provoque sont si nombreux et si graves que si j’avais à donner une règle de conduite en cette matière, je croirais devoir la formuler ainsi qu’il suit : En règle générale, l’usage fréquent du magnétisme, surtout lorsqu’il est exercé par deux agents d’un sexe différent doit être blâmé et réprouvé, comme un danger prochain pour les mœurs.

J’arrive maintenant au côté le plus délicat et aussi le plus intéressant de la question, c’est-à-dire aux phénomènes des tables tournantes et du spiritisme. Il s’agit de déterminer l’origine et le caractère de ces phénomènes, et de décider s’ils appartiennent à l’ordre naturel ou à l’ordre surnaturel, si on doit les attribuer aux bons esprits ou aux démons. Pour ne pas fatiguer l’attention des lecteurs de la Revue, j’ajourne cette nouvelle étude à la prochaine livraison.

A. TILLOY.

Notes

(1) Lescuret, Fragments psychologiques. [Probablement l’auteur est-il plutôt : Leuret – note de M. C.]

(2) Dict. de Bayle.

(3) De la Connaissance de Jésus-Christ, p. 133.

 

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