A. Cullerre. L’hystérie à Madagascar. Extrait de la « Revue de l’hypnotisme expérimental en thérapeutique », (Paris), neuvième année, 1894-1895, 1895, pp. 317-319

Alexandre Cullerre. L’hystérie à Madagascar. Extrait de la « Revue de l’hypnotisme expérimental en thérapeutique », (Paris), neuvième année, 1894-1895, 1895, pp. 317-319.

 

Alexandre Cullerre (1849-1934). Médecin psychiatre, défenseur du magnétisme et de l’hypnotisme, comme nous pouvons le constater dans la publications suivante.
Quelques ouvrages écrits pas Alexandra Cullerre :
— Recherches cliniques sur la période de début de la paralysie générale. Thèse de la faculté de médecine de Paris. Paris, A. Parent, 1873. 1 vol. in-4°, 39 p.
— Magnétisme et hypnotisme. Exposé des phénomènes observés pendant le sommeil nerveux provoqué au point de vue clinique, psychologique, thérapeutique et médico-légal. Avec un résumé historique du magnétisme animal. Paris, J.-B. Baillière et Fils, s. d. [1885], 1 vol. 12/18.5, 172 p., 1 fnch.
— Magnétisme et hypnotisme. Exposé des phénomènes observés pendant le sommeil nerveux provoqué au point de vue clinique, psychologique, thérapeutique et médico-légal. Avec un résumé historique du magnétisme animal. Avec 23 figures intercalées dans le texte. Paris, J.-B. Bailliète et Fils, 1886. 1 vol. in-8°, VIII + 381 p., 3 ffnch. – Deuxième édition : Deuxième édition avec 28 figures. Paris, J.-B. Baillière et Fils, s. d., [1887]. 1 vol. 12/18.5, 358 p. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ». – Troisième édition revue et corrigée. Avec 36 figures intercalées dans le texte. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1892. 1 vol. 12/18.5, 300 p., 2 ffnch.
— Les frontières de la Folie. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1888. 1 vol. in-8°, 360 p. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ».
— Traité pratique des maladies mentales. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1890. 1 vol. in-18, VII p., 618 p.
— Nervosisme et névroses. Hygiène des énervés et des névropathes. Deuxième édition. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1892. 1 vol. in-16, 352 p. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ».
— La thérapeutique suggestive et ses applications aux maladies nerveuses et mentales, à la Chirurgie, à l’Obstétrique et à la Pédagogie. Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1893. 1 vol. 12/18.7 [in-16], 318 p., 1 ffnch. Broché. Dans la « Bibliothèque scientifique contemporaine ».
— Infanticide et hystérie », (Paris), Archives de neurologie, n°102 , 1896. Evreux, impr. de C. Hérissey, 1896, 11 p.
— Les objets de piété comme instruments de meurtre. Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie normale et pathologique, (Paris), Tome quinzième, 1900, pp. 442-444. [en ligne sur notre site]
— Les enfants nerveux. Education et prophylaxie. Education et prophylaxie. Paris, Librairie Payot & Cie, 1914. 1 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p; 317]

L’hystérie à Madagascar.

« La hasard m’a mis sous la main le numéro de février d’une publication religieuse intitulée : Annales de l’œuvre de la Sainte-Enfance, où je trouve un article intéressant au point de vue de la pathologie nerveuse. Il s’agit d’une lettre du R. P. Castets, missionnaire à Madagascar, district d’Arivonimamo, lettre dans laquelle il décrit une affection qui sévit parmi les populations de ce pays, et qui, de toute évidence, n’est autre que les l’hystérie. [p. 318]

« Il existe ici, dit-il, une maladie étrange étend commune : on l’appelle Manabé. Il m’est impossible d’indiquer exactement le sens et l’étymologie de ce nom. À la lettre, il signifie rougegrand ; c’est peut-être une allusion aux fantômes effrayants qui passent sous les yeux du malade aux heures de crise. Ce rapprochement permettrait de traduire Ménabépar colosse rouge, colosse aux regards flamboyants, colosse vêtu de flammes. Le Ménabé s’appelle d’un autre non plus caractéristique, Ramanenjana ; et ce mot, dont l’origine est Henjana(raide, tendu), rappelle l’état extérieur du malade aux heures de souffrance, son corps se raidit, se soulève et subit de violentes contorsions. »

« Appelé un jour auprès de trois jeunes filles atteintes de crises, il les trouvera dans l’état suivant : « les trois enfants étaient couchées à terre, sur une natte, presque pliées en deux. Elles étaient immobiles et semblaient plongées dans le sommeil ; toutefois les yeux ouverts et presque effarouchés ne permettaient pas de croire un repos réparateur ; c’était un état de prostration profonde, qui les rendait insensible à l’âpreté du froid, sous un clair de lune hivernal. » Il ne les emmène à l’infirmerie de la Mission où il ne tarde pas à assister à une crise complète : « A peine rentré dans la case-infirmerie, elles sentent venir la crise et demande la présence du Père. Le garde-malade m’appelle, j’accours à l’instant et rassure les pauvres petites en leur promettant de les assister ; j’ai pu alors de rendre compte de la crise dans tout son développement. Les frissons précurseurs durèrent environ cinq minutes ; leur violence alla toujours croissante, jusqu’à produire des secousses qui faisaient bondir la malade. Aux frissons succèdent des élancements de poitrine, qui prennent un caractère terrifiant et leurs flancs semblent à chaque instant sur le point de se rompre ; puis c’est le tour des convulsions et des balancements qui portent le buste de droite à gauche, comme une balançoire mue par un ressort puissant et rapide ; enfin trois malades bondissent de leur couche cherchent à s’enfuir dans la cour pour gagner l’espace. Quatre personnes avaient peine à les retenir ; ne pouvant saisir la porte que nous couvrions de notre corps, elles bondissent vers la fenêtre pour s’échapper. Alors, ce sont des cris d’épouvante et de supplication : Il est là, il nous saisitIl nous emporteNon, nonEmpêcher leJe ne veux pas, je ne veuxpas… Écartez-le, écartez leIl me tue, je meurs, je suis perdu… Et les pauvres enfants repoussaient de leurs bras le spectre qui voulait les emporter, s’accrochaient à nos habits pour résister à la violence, bondissait pour échapper à ses poursuites. »

« Lorsque le Menabéexiste dans une contrée, on fait venir les sorciers qui pendant que les malades sont en crises, se livre à diverses jongleries accompagnées d’une musique bruyante composée de chants, de battements de mains de roulement de tambour. » « Ces concerts à mesure rapide mais à cadence uniforme, se font surtout entendre matin et soir, à des heures réglées : le matin depuis le point du jour jusque vers neuf heures, et le soir, 2004 jusque bien avant dans la nuit. » Il en résulte une propagation rapide du mal, une véritable épidémie d’attaques hystériques qui se changent alors en crises maniaques que le P. Castets décrit comme il suit :

« Le malade est pris de frissons et de tremblements, sa poitrine se soulève, tout son corps s’ébranle, et, comme entraîné par une force irrésistible, il se met à courir, au caprice de ses impressions. Ses heures de surexcitation, [p. 319] le malade devient très vigoureuse et très hardi. Ainsi l’une de nos trois malades, enfant faible et timide, a gravi pendant la nuit et presque en bondissant un énorme rocher qui s’élève à pic sur la montagne. Comme l’agitation se renouvelle à des heures fixes, les jongleurs et chanteurs se tiennent prêt ; et dès que le malade se soulève sur son séant, ils se mettent à l’œuvre. Le bruit des tambours et les chants étourdissent le malade, les jongleries le jettent dans une sorte d’ivresse, il perd toute conscience de son état. Ahuri du tumulte et des scènes étranges qu’ils voient à demi et comme dans l’horreur d’un cauchemar, il devient, suivant l’expression d’une de nos chrétiennes, comme un taureau épouvanté, s’enfuit à toutes jambes et, au hasard, se couche à terre, se relève en poussant des cris et fait mille contorsions. À chaque fois que l’actrice reprend ou semble devenir plus aiguë, c’est un nouveau tumulte, ce sont de nouvelles jongleries. Cette comédie meurtrière dure parfois de longues heures et ne finit pas avant que le malade donc épuisé de forces et comme sans vie. »

« Tout en attribuant au Malin Esprit la production de cette affection qui, chez les trois malades a pas résisté à quelques gorgées d’eau bénite —belle exemple de thérapeutique suggestive que je recommande aux méditations des médecin trop dédaigneux de cette méthode —le P. Castets ne laisse pas de se faire une idée assez bête des origines réelles de cette maladie. « Pour moi, dit-il, je n’hésite pas à reconnaître que la sympathie nerveusepeut avoir une grande part dans cette contagion ; Je crois aussi que l’influence de l’hérédité prédispose le tempérament physique et moral à ces débauches d’irritabilité nerveuse, et que, suivant une expression chère à la médecine contemporaine, les Malgaches sont, par le seul fait de leur naissance, d’excellents sujetspour les expériences du Menabé.

« Mais voilà : le Démon profite de ses mauvaises dispositions naturelles et c’est pourquoi les Malgaches sont, paraît-il, si réfractaires à la conversion. Qu’on vienne, après cela, nier encore le mauvais caractère des hystériques ».

A. CULLERRE

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