Raisonnements par assonances verbales. Par Raymond de Saussure. 1923.

Sacha NachtRaymond de Saussure. Raisonnements par assonances verbales. Article parut dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), douzième série — tome deuxième, quatre-vingt-unième année, 1923, pp. 402-409.

Raymond de Saussure. Né et mort en Suisse, à Genève (1894-1971). Il est le fils du très célèbre linguiste Ferdinand de Saussure, dont Jacques Lacan reprendra les principaux travaux en les développant dans sa pensée. Après avoir entrepris des études de lettres et de psychologie, il s’oriente vers les études médicales et devient médecin confirmé à Zurich, il poursuit sa formation de psychiatre en France, à Paris, puis à Vienne, et enfin à Berlin. Il est analysé par Freud, puis par Franz Alexander. Elève de Théodore Flournoy, il a été un des fondateurs de la Société Psychanalytique de Paris, et un zélateur efficace pour la psychanalyse en France et en Suisse romande. Ses recherches et ses travaux restent très influencés par ceux de son père, en particulier, ses développements sur le langage, comme celui que nous proposons ici. Quelques unes de ses publications :
— La méthode psychanalytique. Avec une préface de M. le professeur Sigmund Freud. Lausanne et Genève, Payot et Cie, 1922. 1 vol. in-8°.
La valeur scientifique de la psychanalyse. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-huitième année, 1924, pp. 509-517. [en ligne sur notre site]
— En collaboration avec Henri Claude . De l’organisation inconsciente des souvenirs. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-neuvième année, 1924, pp. 360-369. [en ligne sur notre site]
— Remarques sur la technique de la psychanalyse freudienne. Article parut dans la revue « L’Evolution psychiatrique », (Paris), 1925, pp. 37-54. [en ligne sur notre site]
— Prophylaxie du crime et de la délinquance dans la jeunesse. In «  l’Encéphale », n°5, mai, 1931, pp.101-116.
— Le miracle grec. Etude psychanalytique sur la Civilisation Hellénique. Paris, Editions Denoël, 1939. 1 vol. in-8°. Dans la « Bibliothèque psychanalytique ».
— Réflexions sur la psychodynamique. In « Revuefrançaise de psychanalyse », (Paris), volume 13, n°3, 1949.
— En collaboration avec Franz Gabriel Alexander, Anna FREUD, & M. Levine M. Evolution et tendances actuelles de la psychanalyse. Tome V. Comptes-rendus du Congrès international de psychiatrie de 1950. Paris, Hermann et Cie, 1950. 1 vol.
— En collaboration avec Léon Chertock (1911-1991). Naissance du psychanalyste, de Mesmer à Freud. Paris, Payot, 1973. 1 vol. 13.5/22.5, 292 p., 2 ffnch. Dans la collection « Science de l’homme ».

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons rectifié quelques fautes de composition.
 – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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Raisonnements par assonances verbales.

Par de Dr R. de Saussure
Médecin de l’Asile de Bel-Air (Genève).

On a souvent attiré l’attention sur la fréquence des néologismes chez les déments précoces et sur leurs jeux de mots basés sur la ressemblance d’assonance de deux mots. Ces malades diront que Bordeaux, signifie : au bord de l’eau, ou qu’il faut faire une rude transpirée pour passer au travers le port du Pirée. Peut-être n’a-t-on pas assez remarqué que sous ces jeux de mots se cachent souvent des raisonnements entiers qui échappent à toute logique et qui se poursuivent uniquement en vertu d’une assonance verbale. Avant de discuter l’intérêt que ces phénomènes peuvent avoir pour nous, donnons-en quelques exemples.

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Un malade de Cery (Lausanne), Div…, catatonique, se dit être fils de Dieu parce que son nom commence comme celui de Dieu. De même il annonçait que Wilson deviendrait un grand général, parce que son nom veut dire : qui prend les villes et les zones.

L…, un autre paranoïde de Cery, lit dans un journal le nom de Bernardino. Il y voit la preuve qu’il est le président de la fédération Suisse. Ce nom a été écrit pour faire connaître qu’il y a une homme hardi à Berne ; or, quel homme hardi, sinon lui, pourrait-il y avoir à Berne ? L’homme hardi de Berne est évidemment le Président de la Confédération.

Nous avons aussi trouvé un grand nombre de ces raisonnements chez le malade M… atteint de démence paranoïde à l’asile de Bel-Air. La plupart de ses raisonnements ont pour but de démontrer l’objectivité de ses hallucinations et la réalité de ses idées délirantes. Nous donnons ici les grandes lignes de son système délirant.

Il existe une multitude de dieux qui atteignent une apogée, après laquelle ils sont obligés de reculer. Si [p. 403] ces dieux sont pris en astral, ils sont obligés de s’agrandir à l’infini ; en quelques secondes, on les fait vibrer avec une telle rapidité qu’ils prennent des dimensions fantastiques. Ces dieux ont la forme d’animaux, de plantes, etc. Or, M… sait que ce sont des dieux parce que Jéhova veut dire : Dieu, et : Je vais haut, c’est-à-dire : Le grandis sans cesse.

La métempsychose est contenu est contenu dans le système de M… Il en déduit que toutes les personnes qui portent le nom d’Alexandre représentant le point culminant que peut atteindre l’âme, et le commencement de la dégringolade , puisqu’andre, en italien, signifie : en arrière. Il ajoute que ceci est particulièrement vrai pour Alexandre Dumas, parce que cela veut dire : au sommet du mât.

M… se trouvant au foyer de deux soleils qui sont en train de se condenser, est forcé d’absorber une quantité énorme de lumière ; cette lumière le pénètre par ses ongles, et fait vibrer son pouls et son estomac. Toute la nourriture qu’il prend vibre à des vitesses fantastiques, et ressort en de grands fils, par ses cheveux et ses poils. C’est ainsi que sa colonne vertébrale a été prolongée à des hauteurs inimaginables. Or ceci devait lui arriver, puisqu’il a fait sa carrière en Italie, ce qui signifie : Il t’a lié ? Ces vibrations étouffent M… et lui donnent l’impression qu’il va être englouti sous des montagnes.

M…, qui en dehors de ses idées délirantes a gardé une intelligence assez vive, mais dont il ne se sert que lorsqu’on l’arrache à son système métaphysique, prétend ne pas être fou, et base l’objectivité des phénomènes qu’il ressent sur le fait qu’ils étaient prédits par la Bible. Celle-ci en effet parlait déjà de Philémon, et pat là annonçait la torture par les fils et les monts. Si tout cela n’était pas, il n’y aurait pas de Vésuvio, c’est-à-dire de montagne signifiant : Je vais sur vous. Le nom de la ville Messina indique aussi qu’il doit voir des dieux grandir en astral, puisque cela signifie : Mets le cinéma.

M… se plaint sans cesse d’être cuisiné par les dieux, et, du fait que j’habite la chambre qu’il avait autrefois, il déduit que je serai sûrement cuisiné à mon tour, [p. 404] mon nom (Saussure) voulant dire que je suis sûr d’avoir ma sauce.

Je pourrais multiplier à l’infini ces citations, car M… forme sans cesse de ces raisonnements et voici pourquoi : Il est en proie à des hallucinations auditives qui ont un caractère très spécial. Ce sont des mots isolés qu’il entend répéter jusqu’à ce qu’il leur ait trouvé un sens.

Les exemples précités montrent clairement qu’il ne s’agit pas seulement d’une simple association extrinsèque. De l’association, le malade déduit un fait et tout un raisonnement.

« Messina est une ville d’Italie. J’ai habité l’Italie, donc mon sort est lié à celui de Messina. Le vrai sens de Messina est : Mets le cinéma, et puisque j’ai habité l’Italie, c’est à moi qu’on met le cinéma. Les médecins croient que je me fais des illusions. Erreur : Le mot de Messina est là pour prouver le contraire. »

Il y a à la base de ce raisonnement, un mode de logique que nous retrouvons chez les peuples primitifs. Pour eux, le semblable n’évoque pas seulement le semblable, il le produit. J’emprunte l’exemple suivant au livre remarquable de Paul Giran (Magie et religion annamite, Paris, Challamel, 1912, p. 87) : « La nourrice qui perd son lait doit, pour le faire revenir, se rendre au pied d’un arbre à lait (cây sua) et y déposer quelques sapèques en disant : « Vendez-moi, je vous prie, une charge de lait pour nourrir mon enfant. » Après cela, elle coupe deux branches de l’arbre, et les rapporte sur son épaule chez elle, et les place sous la natte de son lit, du côté de la tête. Le lait reparaît, croit-on, au bout de trois jours. »

Dans la pensée d’un primitif, un geste symbolique peut provoquer une calamité. Ainsi l’Annamite croit, en plantant un objet pointu dans la terre où son ennemi a uriner, lui provoquer des douleurs dans l’urètre. De même dans la pensée de M…, il suffit qu’il existe un mot symbolique indiquant un supplice, pour que son sort en dépende.

L’homme normal et évolué, lie ses connaissances soit par des liens de ressemblance ou dissemblance, [p. 405] soir par les liens de simultanéité, soit par des liens de succession. Ainsi l’idée de tumeur put faire surgir celle d’une petite colline, et c’est ce qu’il a fait choisir aux Chinois, pour désigner dans leur écriture le terme de verrue, le signe de montagne placé sous celui de la maladie. Par simultanéité, nous rapprochons les idées de feu et de lumière ; par succession, la cendre nous fait penser à la flamme. D’une succession nécessaire nait l’idée de causalité.

Mais partout où la logique normale fait défaut (peuplade primitive, enfance, état de démence, imbécillité), nous voyons le lien de ressemblance confondu avec celui de la causalité. Tous les exemples précités sont là pour en faire foi. Empruntons encore à M… Pour lui Jésus-Christ veut dire : J’ai une crise (ressemblance verbale érigée au rang de principe causal. En vertu de cette égalité : Jésus-Christ = J’ai une crise, M… déduit que Jésus, je dois avoir une crise. Vela étant en effet arrivé, M… tournant dons un cercle vicieux, renverse la proposition et dit : « Moi, disciple de Jésus-Christ, j’ai eu une crise, par conséquent Jésus-Christ signifie bien : J’ai une crise. Partout M… substitue le lien de causalité au lien de ressemblance. Il déduit le fait de l’analogie verbale.

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Ayant examiné les faits, cherchons à en préciser les causes :

1) Lorsque nous pensons, la pensée précède généralement notre parole intérieure. Le mot ne fait que préciser l’idée (voir à ce sujet Egger, La parole intérieure, Paris, Baillière, 1881). Au contraire dans le raisonnement par assonance verbale, c’est le mot qui dicte l’idée, idée qui est déterminée par le sens des sons dont est formé le nom, mais non pas l’idée attachée au mot par la convention du langage.

Pour comprendre ce processus, il faut remarquer que, chez toutes les personnes dont le psychisme est affaibli, le mot n’éveille plus l’idée qui lui est correspondante. Faite lire une petite histoire à un imbécile ou à un déments, il sera incapable de la répéter. Ceci n’est pas du seulement à un défaut de la mémoire de [p. 406] fixation, mais aussi à une conséquence de la démence. Le malade relie en effet avec moins de vivacité que le normal, le mot à l’idée et l’idée au mot. De même que pour s’exprimer il a de la peine à trouver le mot propre, de même le mot n’éveille chez lui l’idée que d’une façon très confuse.

2) A la base de ces raisonnements par assonances verbales, il y a encore le fait de l’usure des mots. Les linguistes ont fait remarquer qu’un mot ne gardait pas toujours sa signification première, mais qu’avec le cours du temps, il changeait de sens (voir Littré : « Comment les mots changent de ses », Paris, 1888. Darmesteter : « La vie des mots », Paris, 1887, p. 45 et suiv. Bréal : « Essai de sémantique », Paris, 1904. Meillet : « Comment les mots changent de sens », Année sociologique, 1905-1906, p. 1 à 38. Vendryes : « Le langage », Pais, p. 225-248.

Il est compréhensible que, si dans l’histoire d’une langue, un mot n’éveille pas toujours la même idée, dans l’histoire d’un homme, un mot trop souvent employé, peut ne plus évoquer l’idée qu’il recouvre. L’individu cherche à lui donner un sens nouveau ou, plus exactement : les complexes affectifs de l’individu cherchent à s’extérioriser dans ce symbole devenu vide de sens. Il en est ainsi, par exemple, du malade M… Sa nature religieuse lui reprochait de toujours penser à ses affaires (il était directeur d’une grande usine). Pour éviter ce genre de préoccupations, il s’amusait en rentrant de l’usine, à composer des discours qu’il apprenait par cœur, et qu’il se répétait sans cesse. A force d’employer certains mots dans ses soliloques, ceux-ci perdirent leur sens ; il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, ces mots reviennent souvent à son esprit. Il leur donne alors un sens nouveau qui correspond à ses préoccupations actuelles. C’est d’ailleurs un fait bien connu que chez les aliénés, les mots perdent souvent leur sens. Tout le psittacisme est là pour nous le prouver (Voir Dugas : « Le Psittacisme », Paris, Alcan.). Voici du reste à ce sujet un fragment d’un discours du malade F…, pensionnaire à Bel-Air. « Les gens des sectes secrètes invisibles qui [p. 407] pratiques la science d’aliénation, nous jouent des mots d’histoire pour leur donner une signification. Ils emploient les mots : honneur, philosophie, ostracisme, noblesse, mœurs, aristocratie, justice, alors qu’ils n’existent pas, et ne sont pas des vérités. Ils ravagent notre vie pour donner une signification scientifique à ces mots. »

3) La troisième cause à la ase des raisonnements qui nous occupent, est l’affaiblissement de l’attention. Pour une attention affaiblie, l’enchaînement logique devient une opération trop difficile ; l’individu se contente de liens d’assonance qui gardent pour lui l’apparence de la logique. L’abstraction ne peut plus bien être saisie, elle est réduite en images. Mais ces images ne sont pas logiquement déduites, elles sont dictées par l’assonance des mots (Messina = Mets le cinéma).

Les raisonnements par assonances verbales nous intéressent à plus d’un point de vue. Tout d’abord ils sont une preuve éclatante que les processus psychiques inconscients, surtout chez les aliénés, n’ont rien de rationnel. Par conséquent, lorsque nous recherchons la genèse psychique d’une idée délirante, nous ne saurions nous baser sur le bon sens et sur des raisonnements logiques pour la découvrir. Nous ne pouvons souscrire à cette critique d’Hesnard (« La Psycho-Analyse ». Rapport au Congrès des aliénistes et neurologistes de France et des Pays de langue française, p. 8, Besançon, 1923. : « Certaines inductions de Freud lui-même choquant le bon sens, tant elles sont vraiment par trop « tirées par les cheveux ». Nous n’avons nulle intention de défendre en particulier chacune des inductions de Freud, mais nous voudrions seulement protester contre ce critère du bon sens qui n’a rien à voir en cette matière. En effet, le propre de ces raisonnements et de ces symboles est d’échapper au bon sens.

Nous souscrivons plus volontiers à la phrase précédente du discours du Dr Hesnard : « L’interprétation symbolique à la manière de Freud est certainement une excellente occasion de connaître une foule de tendances de la vie intime dissimulée derrière la façade [p. 408] de la personnalité sociale, et que le simple interrogatoire est impuissant à révéler. Mais que de causes d’erreurs dans cet art de deviner ! » Ces causes d’erreurs sont nombreuses surtout dans la manière dont on a appliqué la psychanalyse en France où, négligeant la technique établie par Freud et ses disciples, on a cherché à deviner directement le sens des symboles, sans prendre les associations d’idée du malade. Cette façon d procéder est d’autant plus coupable que même la technique délicate de Freud est sujette à des erreurs et doit être maniée avec plus grand circonspection. Il n’en reste pas moins qu’elle est à l’heure actuelle la méthode la plus précise pour aborder tous les phénomènes si déroutants de notre inconscient irrationnel.

Les raisonnements par assonances verbales sont « tirés par les cheveux », mais le fait que les malades peuvent nous tenir de pareils raisonnements doit être une preuve pour nous que les associations tout aussi bizarres peuvent se rencontrer dans l’inconscient des malades et que, loin d’en nier l’existence, nous devons faire l’effort pour améliorer les techniques qui nous amèneront à le mieux connaître.

Ces raisonnements sont des penses incomplètes, telle que notre langage intérieur en contient un grand nombre. En somme, ils sont formés d’un seul mot qui synthétise tout un jugement. Il faut attirer l’attention sur le fait de leur approximation. M…, par exemple, voit une preuve de la réalité de ce qui lui arrive dans le fait que la Bible déjà l’annonçait. Elle l’annonçait parce qu’elle parlait de Philémon. Or, c’est ce qui le tourmente, les fils qui lui lancent des courants, les monts qui l’oppressent. On voit à quel point l’esprit débilité se contente de peu. Il n’est dit nulle part que quelqu’un serait torturé par les fils et les monts. Le mot de Philémon ne s’orthographie pas même comme fil et mont, et cependant une conviction spontanée s’empare de M… que ce nom fait allusion à ses maux.

De même X…, lorsqu’il identifie Lausanne avec « Oh Anes », fait abstraction complète de L et de S, et il juge équivalent les deux phonèmes âne et anne. Inutile d’insister davantage sur ce point qui ressort nettement [p. 409] de tous les exemples ci-dessus. Tout approximatifs et irrationnels que soient les raisonnements par assonances, ils sont cependant conscients à l’individu qui les fait. C’est donc avec beaucoup plus de raison encore que nous sommes fondés à croire qu’à la base des rêves des lapsus linguae, des idées délirantes, etc., nous pouvons trouver des jeux de mots tirés par les cheveux.

En analysant ces raisonnements par assonances verbales, notre but était de montrer qu’après tout, nous ne sommes pas en droit de rejeter a priori les explications freudiennes des rêves, puisque des phénomènes analogues sont connus depuis longtemps en pathologie mentale (1).

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NOTE

  • (1) J’avais déjà terminé cet article, lorsque j’ai trouvé dans le Folklore chinois quelques faits propres à illustrer la fréquence des raisonnements par assonances verbales.
    — Les chinois ne mettent point de ceinture à leurs morts parce que Tai-Tse (le ceinture) se prononce en chinois de même que T’ai-Tse qui signifie emporter les enfants. Les chinois craignent donc qu’en mettant une ceinture au défunt, celui-ci n’emmène avec lui ses enfants dans la tombe.
  • Pour la même raison on ne se sert pas de la boutonnière des habits car K’eou-Tse (boutonnière) se prononce comme K’eou Tse qui signifie voler les enfants. (Voir Doré. Recherches sur les superstitions chinoises 1èrepartie, T. I, p. 43. Imprimerie T’ou s éwé, Shanghai, 1911.
  • Nous apprenons encore du même auteur (ibidem, p. 49), qu’avant de fermer le cercueil, les chinois prennent trois cheveux de la tresse du mort et les enroulent autour de trois gros clous préparés pour fermer le cercueil. Cette coutume a pour but d’assurer au défunt une longue postérité, en vertu du jeu de mot suivant : Les syllabes Wan-Ting signifient à la fois entourer le clou de descendants.
  • Le Folklore chinois est extrêmement riche en faits de ce genre. Il est inutile de multiplier les citations ; je voudrais seulement rappeler ici comment fut construite la grande muraille de Chine.
    L’empereur Chin Schi Huang Ti, contemporain d’Hannibal, avant d’entreprendre ce travail d’Hercule, consulta un oracle. Celui-ci lui répondit que si l’empereur voulait mener son travail à chef, il fallait avant que 10.000 ouvriers fussent enterrés sous les murailles. Chin Schi Huang Ti ne se découragea pas pour cela, trouvant un de ses sujets qui portait un nom signifiant 10.000 hommes, il le fit enterrer vivant sous le grand mur et acheva son immense entreprise. — (voir Bredon, Peking, Kelly et Walsch, Shanghai, 1922, p. 365). Ces faits nous montrent combien il serait dangereux, en psychopathologie mentale, de vouloir nier en principe la possibilité d’explications basées uniquement sur les jeux de mots.

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