Louyer-Villermay. Possédé, possessus. Article du « Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales, C. F. L. Panckoucke Ed. » Par Jean-Bartiste Louyer-Villermay. 1818.

Louyer-Villermay. Possédé, possessus. Article du « Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales, C. F. L. Panckoucke Ed. », (Paris), tome 29, 1818, pp. 246-247.

Jean-Bartiste Louyer-Villermay (1776-1838) fut élève brillant de Philippe Pinel et soutint sa thèse de médecine en 1802 (An X) sous le titre Recherches historiques et médicales sur l’hypocondrie isolée, par l’observation et l’analyse de l’hystérie et de la mélancolie, Cette thèse eut une audience importante, tant auprès de ses confrères que du public et servit de ferment à son ouvrage intitulé Traité des maladies nerveuses ou vapeurs, et particulièrement de l’hystérie et de l’hypocondrie, qui connut deux éditions successives, la première en 1816 et la seconde en 1836. Il signa plusieurs articles dans le Dictionnaire Panckoucke comme : hypocondrie, Hystérie, Mémoire, Nymphomanie et Somnambulisme.

Nous avons repris et complété deux titres de la bibliographie attenante à cet article : nous avons mis en gras la citation originale et entre crochets notre citation. – Nous nous excusons pour les fautes et erreurs qui peuvent être relevées pour les mots grecs.
Egalement :
— Lycanthropie.] in « Dictionnaire des sciences médicales –  C. F. L. Panckoucke », Paris, 1818, tome 29, pp. 246-247. [sur notre site Internet]
— Magie, s. f., magie, ars magica, magice. Article du « Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales Panckoucke. », (Paris), volume 29, LON- MAH, 1818, pp. 454-459. [sur notre site Internet]

[p. 367]

[Louyer-Villemay Jean-Baptiste. Possédé, possessus.] in « Dictionnaire des sciences médicales –  C. F. L. Panckoucke », Paris, 1818, tome 29, pp. 246-247.

POSSÉDÉ, possessus, s. et adj. : synonymie, démoniaque, énergumène, magicien, sorcier, monomaniaque.

Définition. On appelle en général possédé l’individu dominé ou plutôt prétendu dominé par une puissance surnaturelle, soit divinité, génie ou démon, d’autres fois on a restreint l’acceptation de ce mot à l’influence exercée par le démon, et alors on a distingué celle-ci en possession et obsession, suivant qu’il était censé agir au dedans ou au dehors.

Il nous semble qu’on doit distinguer aujourd’hui trois sortes de possédés. Dans la première, nous rangerons les individus, homme ou femme, qui se croient sous influence directe et positive d’une puissance surnaturelle ; à la seconde, se rattachent ceux qui feignent d’être possédés, et qui jouent un tel rôle dans les intentions perfides ou criminelles ; à l’une ou l’autre de ces deux séries, se rattachent les possédés des siècles derniers, les ursulines de Louviers, de Loudun ; ceux qui donneront lieu au procès d’urbain Grandier, etc., et les convulsionnaires de tous les temps (Voyez ce dernier mot) ; enfin la troisième se composera des personnes qui, sans se croire possédées par la divinité ou un génie infernal, se persuadent être sous leur protection, et ainsi à l’abri de tout danger, ou appelées invinciblement à une action quelconque : tels sont ces fanatiques insensés qui, pensant se rendre le ciel propice, égorgent de sang-froid et même avec une joie féroce leurs semblables, leurs parens et quelquefois même leurs propres enfans. Dans les temps d’ignorance ; le nombre des possédés fut très considérable, aujourd’hui les véritables possédés sont fort rares. On doit attribuer cet heureux résultat aux progrès incontestables des lumières, et à l’instruction élémentaire beaucoup plus répandue et à [p. 368] l’empire moins exclusif, mais plus raisonné et plus éclairé des opinions religieuses : Reconnaissons aussi que la guerre, en familiarisant avec les dangers un grand nombre d’hommes, depuis tant d’années et en des pays si divers, a donné aux idées une toute autre direction, et les a habituées sinon à tot connaître, du moins à tout juger plus sainement ; triste compensation sans doute, mais portant réelle ! Les gouvernemens eux-même, en sévissant plus avec cruauté et injustice contre les possédés de bonne foi, ont aussi contribué à restreindre le domaine de l’erreur ; mais quand il serait vrai que les circonstances que nous venons d’énumérer n’auraient pas diminué me nombre des fourbes ; celui des dupes, étant, de nos jours, beaucoup moindre, la classe des imposteurs est devenue conséquemment moins nombreux ; aussi ne d’adresse-t-elle aujourd’hui que dans les campagnes les plus isolées, là où l’instruction est encore en une sorte de quarantaine. Les artisans les plus ignorans échappent aujourd’hui à ces ruses mensongères.

Les possédés ascétiques sont certainement plus rares que par le passé ; ils le seraient encore bien davantage si la terreur n’étais pas une arme familière à certains ministres d’une religion de paix. Espérons que le nombre des assassins mélancoliques et de leurs victimes ira toujours en décroissant.

Nus mentionnerons encore ici les enthousiasmes qui forment une variété de possédés : tel furent certains personnages dont l’histoire nous a conservé mes noms, et qui, pleins d’une noble ou saint enthousiasme qu’on pourrait comparer à une sorte de possession divine, ont opéré des prodiges. N’est-ce pas ainsi que, sur la foi d’un oracle, Codrus, roi d’Athènes, se dévoua pour sa patrie ? N’est-ce pas le même sentiment qui fit se précipiter au milieu d’un gouffre l’intrépide Décius ? Telle fut encore cette jeune héroïne, l’honneur de son sexe animé par l’amour de son pays et la haine de l’étranger : elle se crut destinée au salut de la France. Comptant sur la protection du ciel et de son noble courage, elle apparut, au milieu des Français consternés, comme un ange libérateur : à sa voix, tous soldat devint un héros :

Je marchais, je parlais, Dieu seul a fait le reste.

Pourquoi faut-il qu’une si belle vie ait fini dans les supplices ? Mais le monde ne sera plus sans doute affligé par un tel scandale du fanatisme politique et religieux ; l’empire plus général des lumières et de la raison fixera un terme prochain à ces maladies de l’esprit humain. La possession simulée réclame plutôt l’intervention du magistrat que le ministère du médecin. Ceux qui, de bonne foi, se croient sous l’influence directe ]p. 369] d’une puissance surnaturelle ou prétendue telle, rentrent dans la classe des monomaniaques, et nous renvoyons, pour la traitement qui leur est applicable, aux mots convulsionnaire, hypocondrie, magie, monomanie, etc…

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