La possession démoniaque et la science. [La possédée de Grèzes.] Par Gaston Méry. 1902.

MERYPOSSESSION0004Gaston Méry. La possession démoniaque et la science. Article parut dans la revue « L’écho du merveilleux », (Paris), sixième année, n°134, 1er août 1902, pp. 281-283.

Gaston Méry (1866-1909)., rédacteur en chef de la revue L’Echo du merveilleux, qui parut de 1897 jusqu’en 1914, fut aussi le rédacteur en chef de la revue antisémite La Libre Pensée. Il est à l’origine du concept de racisme dans un roman intitulé Jean Révolte. Son intérêt pour l’occultisme l’amena à s’intéresser plus particulièrement aux apparitions de Tilly-sur-Seulles. – Dans cet article il analyse trois phénomènes : Les stigmates, le parler en langues étrangères et l’horreur des objets consacrés. Il se moque des théories scientifiques explicatives de la science de l’époque.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

La possession démoniaque et la science.

Par Gaston Méry

 J’ai promis de dire mon mot sur le cas de la sœur Saint-Fleuret, et, au moment, de tenir mon engagement, je me trouve quelque peu embarrassé.

Je constate, en effet, à la lecture des divers articles, études et reportages quilui ont déjà été consacrés et que nous avons reproduit, qu’on est, en somme, assez mal renseigné sur les phénomènes dont elle est la victime.

Chacun les a décrits à sa manière, en les atténuant ou en exagérant, tout au moins en les déformant, et ils apparaissent, derrière ces appréciations et ces descriptions successives et contradictoires, comme des personnages méconnaissables qui s’agiteraient dans du brouillard.

On voit bien qu’ils existent, mais il est impossible de reconnaître leurs traits.

Om me semblerait tout à fait téméraire de fonder, sur des données aussi fuyantes, un jugement catégorique.

Tout ce qu’il est possible de faire, c’est de raisonner en hypothèse, comme s’il s’agissait, non du cas particulier de la sœur Saint-Fleuret mais d’un cas type général, résumant et concentrant sur un même sujet les formes diverses de la possession démoniaque.

Je dis « possession démoniaque » parce que c’est l’expression dont les journaux se sont servis pour définir les phénomènes qui nous occupent. En fait, il n’est pas de notre compétence de considérer ces [p. 281, col. 2] phénomènes au point de vie théologique. C’est à l’autorité ecclésiastique seule qu’il apparient de la faire. Or, elle ne s’est pas encore prononcée, et, tout en déplorant peut-être qu’elle n’ait pas cru devoir émettre une opinion (depuis dix ans que dure le martyre de la petite religieuse de Grèzes !) nous ne pouvons qu’attendre son jugement.

Mais il nous est, Dieu merci, permis, en l’attendant, d’étudier les faits sous un autre angle et de rechercher si la science, qui prétend tout expliquer, est capable d’expliquer ceux-là.

Représentation du Diable (poque médiévale)

Représentation du Diable (poque médiévale)

Et ce que je me propose justement de démontrer aujourd’hui, c’est que la Science actuelle – je ne sais ce que sera la Science de demain – ne rend qu’un compte insuffisant et, pour mieux dire, ne rend aucun compte du tout, du cas type que l’actualité nous fait un devoir d’envisager.

Prenons, si vous voulez bien, trois des phénomènes principaux.

Le phénomène des stigmates, d’abord.

Ces phénomènes, disent les savants, s’expliquent tout naturellement. Ils sont une des conséquences de l’auto-suggestion. C’est une expérience bien connue, et qu’on a renouvelé souvent à la Salpêtrière, que celle qui consiste à suggérer à une hystérique, préalablement endormies du sommeil hypnotique, qu’on lui a mis, par exemple, un vésicatoire sur le dos. L’effet de ce vésicatoire imaginaire est tel qu’à la place où le sujet croit qu’il a été posé, viennent, non pas des cloches, mais des rougeurs. Les stigmates sont des phénomènes du même ordre. A force de penser aux plaies de Jésus-Christ, certaines femmes, d’une constitution physique [p. 282, col. 1] spéciale, finissent par les faire apparaître sur leur propre corps.

Telle est, en quelques mots, la doctrine scientifique présents.

Le ne nie pas qu’elle soit séduisante et qu’elle séduise, en effet, certaons esprits, habitués à se contenter de peu. Il suffit cependant d’y réfléchir un tantinet pour constater qu’elle ne correspond point à la réalité.

Une première remarque s »impose, c’est que, dans les expériences de la Salpêtrière, il est nécessaire de mettre le sujet en état de sommeil hypnotique.

Or, rien de pareil ne se passe dans le cas des stigmatisées. Les stigmatisées ne sont pas, quand les stigmates se produisent, en état de sommeil hypnotique. La différence a son importance.

Il y en a en une autre. Il n’y a rien de comparable, outre la rougeur passagère, et qui ne laisse aucune trace, apparue sur la peau des suggestionnées de la Salpêtrière, et la blessure, la lésion, profonde quelquefois, sanguinolente et permanente, des stigmatisées.

Si l’expérience du vésicatoire, ou telle autre du même genre, était concluante, rien n’interdit aux expérimentateurs de suggérer au sujet hystérique qu’il subit lui-même le supplice que le Sauveur, et de faire apparaître du même coup sur les membres les traces des clous de la crucifixion.

Or jamais, ni à la Salpêtrière, ni ailleurs, un tel résultat n’a été obtenu.

Il faut donc bien en conclure que l’analogie que la Science matérialiste a voulu établir pour expliquer des stigmates ne repose que sur une apparence, qui se dissous à l’analyse et ne résiste ps à l’examen.

Un autre phénomène est celui des langues étrangères ; Les uns ont prétendu qu’au cours de ses accès, la sœur Sait-Fleuret parlait des langues qu’elle n’avait jamais apprises. Les autres ont affirmé seulement qu’elles les comprenaient. ET il semble bien, en effet, que le phénomène, en ce qui concerne les religieuse de Grèzes, s’est réduit à l’emploi d’un seul mot d’un idiome caraïbe, prononcé en réponse à une question faite en cet idiome par un missionnaire.

Voici sur ce point, quelle a été l’explication des savants. [p. 282 col. 2]

C’est, ont-ils dit, un simple phénomène de lecture de pensée. La sœur n’a pas compris les mots caraïbes qu’on a articulés devant elle ; elle a lu dans la pensée du missionnaire et elle n’a pas eu besoin, pour saisir ce qu’il alliait lui dire, d’entendre le langage inconnu qu’il lui parlait.

Je ne crois pas pour ma part – je le dis en passant – à ce qu’on appelle la lecture des pensées, et je m’expliquerai sur ce sujet, dès que j’en aurais l’occasion.

Mais j’admets pour un moment que ce soit là un phénomène réel et qu’il soit possible à certains êtres, mieux doués que les autres, de saisir, comme les leurs propres, les idées ou les images qui traversent le cerveau du voisin, avant même qu’elles aient été formulées.

D’abord, cela n’explique pas la réponse en caraîbe, consistât-elle, comme on l’affirme, en un seul mot.

Ensuite, cela n’explique pas davantage l’autre partie du phénomène. Il est bien évident, en effet, que si la sœur Saint-fleuret avait pu lire dans la pensée du missionnaire, elle pourrait lire également dans la pensée d’autres personnes.

Cela n’est pas. L’explication par la transmission de pensée est donc insuffisante, et la science, sur ce point comme sur le précédent, est en défaut.

Scene with Witches- Night (detail), Salvator Rosa, ca. 1645.

Scene with Witches- Night (detail), Salvator Rosa, ca. 1645.

Reste le troisième phénomène : l’horreur des objets consacrés, hostie, eau bénite, etc.

Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici d’une répulsion pour des objets que la sœur Saint-fleuret sait consacrés.

Le phénomène, pour qu’il nous intéresse, doit consister dans la répulsion d’objets qu’aucun signe extérieur ne fait supposer consacrés.

On a dit, par exemple, qu’entre deux hosties, dont l’une avait été consacrée et l’autre pas, la sœur Saint-fleuret n »avait manifesté d’horreur que pour la première.

On a nié que cela pût être exact, M. Stiegler, qui voulut faire l’expérience avec de l’eau bénite, à même raconté sa déception.

Mais le fait s’est produit en d’autres circonstances. C’est un phénomène courant dans les cas de possession diaboliques. Les savants ont donc cherché à l’expliquer. Et ils l’ont expliqué en mélangeant les deux explications, dont ils ne sortent pas : suggestion et transmission de pensée. [p. 283 col. 1]

Le sujet lirait dans la pensée de qui porte l’objet consacré et, de cette façon, serait informé. Il s’autosuggestionnerait ensuite, et arriverait ainsi à l’accès « démoniaque ».

L’explication est ingénieuse. Elle ne tient malheureusement debout, car on a vu des cas où le sujet était pris de son accès, en entrant dans une pièce où se trouvait un objet consacré, à l’insu même des personnes présentes.

On pourra, un à un, analyser de la sorte tous les autres phénomènes dont on a parlé à propos de la sœur Saint-Fleuret. On constaterait, à l’occasion de chacun d’eux, l’insuffisance des théories scientifiques actuelles.

Je n’entends pas dire, cependant, que les phénomènes dont il s’agit ne s’expliqueront pas un jour ou l’autre, naturellement, puisque l’autorité ecclésiastique elle même, pour ce qui regarde la sœur Saint-Fleuret tout au moins, semble, en réservant son appréciation, le craindre ou l’espère.

J’ai voulu tout simplement démontrer simplement, en langage clair et en quelque sorte grosso modo, que la science contemporaine, en présence de ces phénomènes dits de « possession », n’est guère plus avancée que la science d’antan et que les prétendues théories qu’elle nous sert à leur propos ne sont que des hypothèses sans fondement, pour ne pas dire de la poudre aux yeux.

Gaston Méry.

La sœur Saint-Fleuret, née marie Raynal en 1872 et vécut recluse jusqu’à sa mort en 1945.

Bodleian Library, MS. Douce 134, f. 100r (devils bite and scratch the damned). Livre de la Vigne nostre Seigneur. France, c. 1450-1470.

Bodleian Library, MS. Douce 134, f. 100r (devils bite and scratch the damned). Livre de la Vigne nostre Seigneur. France, c. 1450-1470.

 

 

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1 commentaire pour “La possession démoniaque et la science. [La possédée de Grèzes.] Par Gaston Méry. 1902.”

  1. KomarLe mardi 25 août 2015 à 23 h 54 min

    Knocked my socks off with kndogewle!