La maladie des mystiques. – Louise Lateau. Par Évariste Warlomont. 1875.

WARLOMONTLATEAU0001Évariste Warlomont. La maladie des mystiques. – Louise Lateau. Article parut dans la « Revue Scientifique de la France et de l’Étranger Revue des cours scientifiques », (Paris), tome VIII, tome XV de la collection, 4e année, 2e semestre, janvier à juillet, n°41, 10 avril 1875, pp. 957-968 sur 2 colonnes.

Sont publiés ici les principaux éléments du rapport effectué par E. Warlomont à la demande des autorités sur la stigmatisée Louise Lateau.

Évariste Warlomont (1820-1899). Docteur en médecine, ophtalmologiste, Membre et Président (1886) de l’Académie royale de Médecine de Belgique.
Rapport de la Commission qui a été chargée d’examiner le travail de M. le Dr Charbonnier intitulé : Maladies et facultés diverses des Mystiques, Bruxelles, Bulletin de l’Académie de Médecine de Belgique, 9, 1875, pp. 144-315.
— Rapport de la Commission qui a été chargée d’examiner le travail de M. Charbonnier: Maladies et facultés diverses des mystiques.] in « Bulletin de l’Académie Royalede médecine de Belgique », (Bruxelles), 1875, p. 144-315.
— La maladie des mystiques ; – Louise Lateau.] in « La Revue scientifique de la France et de l’étranger. Revue des cours scientifiques », (Paris), deuxième série, tome VIII, 4e année, 2e semestre, janvier à juillet 1875, pp. 958-968.
— Louise Lateau. Réponse à M. le professeur Lefebvre. Bruxelles, Henri Manceaux, 1875, 1 vol. in-8°, 68 p.
— avec [Crocq Jean Joseph, Laussédat, Lefebvre F., Discussion à l’Académie de médecine de Belgique.] in « Bulletin de l’académie royale de médecine de Belgique« . Bruxelles, H. Manceaux, 1875, D1, tome IX, pp. 923-1001.
— Louise Lateau. Rapport de M. Dical sur la Sainte.] S. l. n. d., [1900], 1 vol., in-8°. [Vu cité sans jamais l’avoir rencontré].

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé quelques fautes de typographie.
– Par commodité nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

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ACADÉMIE DE MÉDECINE DE BELGIQUE

M. WARLOMONT

La maladie des mystiques. – Louise Lateau

Un discours, prononcé au Congrès de Breslau de 1874, par le professeur Virchow, de Berlin, dont la traduction a paru dans le numéro du 23 janvier dernier de la Revue scientifique, a appelé l’attention du monde scientifique sur un cas intéressant de « maladie mystique » observé actuellement en Belgique.

Déjà bien avant la publication de ce discours, le cas de Louise Lateau alimentait la curiosité d’un public avide de merveilleux, à qui il avait suffi qu’une pauvre fille tombât périodiquement dans des crises nerveuses d’un caractère singulier, pour que, la légende s’en mêlant, il se montrât disposé à reconnaître, dans cette expression pathologique, la manifestation d’un pouvoir surnaturel. Peu de personnes, d’ailleurs, avaient pu assister à cet étrange spectacle, sans en éprouver un véritable étonnement.

Tout concourait à dérober aux spectateurs, même aux hommes de science, une conception bien nette de la réalité. L’un des professeurs les plus autorisés de la Belgique, homme estimable à tous les titres, n’avait-il pas composé un livre, magnifiquement écrit et pensé, dans lequel, après avoir exclu par une longue recherche du diagnostic toutes les causes connues jusqu’aujourd’hui, il s’inclinait devant la mystérieuse puissance dont le regard contemple les perspectives infinies. L’hésitation des médecins, l’ouvrage de M. Lefebvre, et cet impérieux désir de la nature humaine de reconnaître, dans cc qui échappe directement aux sens et dans ce qui semble détruire l’ordre harmonique de la création, la révélation d’une cause surnaturelle, donnèrent un relief plus saisissant à la stigmatisation et à l’extase. Aussi, d’un bout du monde à l’autre, le nom de Louise Lateau fut-il bientôt mis à côté de ceux de Bernadette Souberous, de saint François d’Assise et de sainte Thérèse. [p. 957-2]

L’Académie royale de médecine de Belgique était restée jusqu’ici indifférente à tout ce bruit ; celui de ses membres qui s’en était le plus occupé ne l’en avait pas saisie, et elle manquait ainsi d’une base sur laquelle pût s’appuyer un débat quelconque à son sujet. Elle ne demandait pas d’ailleurs à sortir de cette sage réserve, quand un incident, la présentation d’un travail s’y rapportant et sur lequel il lui fallait faire un rapport, vint lui forcer la main.

C’est au rapport fait sur ce travail, au nom d’une commission nommée par le bureau (1), que nous empruntons l’histoire de ce cas très-curieux en lui-même, et plus intéressant encore à cause du bruit qui s’est fait autour de lui.

I

Dans un petit village du Hainaut, appelé Bois-d’Haine, à proximité de la station de Manage, se voit une maison de modeste apparence, où vit, dans la simplicité et le recueillement, une jeune tille de vingt-quatre ans, du nom de Louise Lateau. Née de parents pauvres, n’ayant connu depuis l’enfance que la misère, élevée dans des idées l’ascétisme, elle est prise, au milieu du mois de mars 1868, du travail de la menstruation, au milieu des symptômes suivants : des douleurs erratiques s’éveillent, l’appétit sc perd complètement ; à diverses reprises elle rejette du sang par la bouche ; elle passe ainsi un mois entier à la diète, ne prenant que de l’eau et les médicaments qui lui sont prescrits, et arrive de la sorte à un état de si grande faiblesse que, le 15 avril, on lui administre les derniers sacrements. Cependant la détente est [p. 958-1] proche, car, le 19, la fonction périodique s’étant établie et ayant duré trois jours, l’amélioration ne se fait pas attendre, et la convalescence est si rapide que, le 21, la malade, désormais jeune fille, peut aller à pied assister à la messe, dans l’église paroissiale, distante d’environ un kilomètre.

Le 15 avril, alors qu’elle était au plus mal et qu’elle avait reçu les saints sacrements, Louise était tombée, la nuit, dans une espèce d’extase, parlant continuellement de choses édifiantes, de pauvreté, de charité, de sacerdoce. Elle voyait la sainte Vierge, saint Roch, sainte Thérèse, sainte Ursule. Cet état se continua par intervalles jusqu’au 21 avril. Quelques personnes qui ont pu voir Louise dans cette maladie, et qui l’ont revue depuis dans ses extases, ont affirmé l’avoir observée, dans un de ces moments, étendue sur son lit, se soulevant de tout son corps d’un pied de haut environ, les talons seuls prenant un point d’appui sur la couche.

La stigmatisation suivit immédiatement ces premières extases : le vendredi 26, Louise perdit du sang par le côté gauche de la poitrine ; le vendredi suivant, cet écoulement se reproduisit, et, de plus, il s’échappa du sang par la face dorsale des deux pieds ; le troisième vendredi, le sang coula encore, pendant la nuit, de ces trois endroits, puis, à neuf heures du malin, de la face dorsale et de la face palmaire des deux mains. Enfin, tous les vendredis suivants, ces mêmes hémorrhagies se reproduisirent jusqu’au 25 septembre, où, pour la première fois, le sang suinta également par le front.

Aux pieds, aux mains et au côté, on voit d’abord, de dix à douze heures avant que le sang s’échappe, aux endroits où devra se faire la solution de continuité qui lui donnera issue, une ampoule naître et s’élever peu à peu sous la forme d’une saillie hémisphérique. Dans la nuit du jeudi au vendredi, peu après minuit, cette ampoule crève, de la sérosité s’en échappe, puis commence l’écoulement sanguin, qui dure de dix-huit à vingt heures. L’hémorrhagie frontale se fait d’une autre façon, sans ampoule préalable ni solution de continuité apparente. On voit sourdre le sang comme à travers les porcs de la peau. Au côté, aux pieds et aux mains, l’écoulement tari, les plaies se cicatrisent rapidement. Depuis très-peu de temps — septembre 1874 — quelque chose d’analogue sec passe à l’épaule droite, mais les détails manquent.

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Depuis le 21 avril, moment des premières extases, jusqu’au 17 juillet (1868), ce phénomène passe inaperçu, sans doute parce qu’il ne se produit que la nuit. Mais, à cette dernière date, il se représente de nouveau pendant le jour, pour revenir régulièrement, à partir de cette époque, tous les vendredis, sous forme d’accès, dont la durée, d’abord de sept à huit heures, n’est plus guère aujourd’hui que de deux heures et demie. Durant ces accès, la malade, devenue insensible à toutes les excitations extérieures, assiste, parait-il, au drame du Golgotha, et révèle, par une mimique accentuée, les émotions qui l’agitent.

Voyons comment Louise passe sa vie : le matin, vers cinq heures — plus tôt l’été — elle sort de sa chambre après l’avoir nettoyée CT arrangée, se livre à quelques travaux d’intérieur, puis, chaque jour vers six heures — sauf le vendredi où la communion lui est apportée chez elle — se rend à l’église et y communie. Immédiatement après la messe, elle rentre nu logis et s’y met au travail. C’est elle qui fait les gros ouvrages de la maison et qui entretient le jardin ; ses [p. 958-2] sœurs sont couturières. Elle assiste à leur repas, les y sert même, mais ne prend aucune part. Depuis trois ans et demi, nul ne l’a vue prendre la moindre parcelle de nourriture, si ce n’est à titre d’expérimentation. À l’entendre, son estomac se refuse à conserver quoi que ce soit, si ce n’est l’hostie consacrée. Le soir, quand Adeline et Rosine vont se coucher, Louise veille, le sommeil lui étant devenu inconnu depuis cette époque.

C’est sur ce thème qu’ont été élevées les innombrables variantes dont la crédulité s’est plue à l’agrémenter. Nul ne parait contester l’étrangeté de ce fait surgissant comme une exception dans le domaine de la pathologie, mais il eût été de prudence élémentaire de faire rechercher, tout d’abord, par quel mécanisme et à quel degré il s’écartait des données de la science actuelle. Six ans et plus se passèrent sans qu’on en fît rien. Pendant cette abdication de la science, la foule accourait, chaque vendredi, assister au spectacle émouvant des scènes de la Passion, libéralement offert à ses étonnements. En voici la description :

Louise, pendant la nuit du jeudi au vendredi, reste, parait-il, assise sur sa chaise, abîmée dans un profond affaissement. Vers une heure et demie de l’après-midi, si on la soulève, elle retombe comme une masse inerte, sans force de résistance. Une langueur générale s’est emparée de tout son être, ses traits défaits portent le signe le plus frappant de la lassitude du corps. On sent que son organisme est épuisé, qu’il y a dépression de l’esprit. Aussi ses réponses sont-elles d’un laconisme extrême : oui ou non, voilà tout. Les mouvements se réduisent à un frottement automatique des stigmates des mains, en vue d’enlever le sang au moyen du linge qui les recouvre. L’hémorrhagie frontale a cessé depuis le matin. La figure porte l’empreinte de l’épuisement de l’organisme. La pupille, peu dilatée, est presque insensible à l’excitation de la lumière, les sourcils s’inclinent, la chute de la paupière supérieure, rapprochant légèrement les paupières, donne à leur ouverture un allongement de forme elliptique ; l’œil, presque sans regard, semble retiré vers le fond de l’orbite. On remarque déjà, à ce moment, une baisse considérable de la faculté visuelle ; les gros objets seuls se voient distinctement. Un peu plus tard, le voile s’épaissit, un brouillard semble se répandre sur tout ce qui entoure Louise, et la vue est complètement éteinte quelques minutes avant l’accès extatique, dans lequel elle tombe vers deux heures.

Pendant ce stade, la sensibilité a acquis son summum d’intensité. Un simple frottement, un attouchement léger, suffisent pour déterminer des explosions de douleur. Au crâne et surtout à l’occiput, l’hyperesthésie cutanée est remarquable, le seul frôlement des cheveux y occasionne une exacerbation de la sensation. Le pouls bat de 120 à 130 fois à la minute.

La foule des curieux qu’on introduit à ce moment assiste, dans le recueillement et la stupeur, à la scène suivante :

Louise est assise sur le bord de sa chaise, le corps penché en avant, la tête légèrement inclinée vers l’épaule gauche, la figure extrêmement pâle. La fente palpébrale est très-largement ouverte, les globes oculaires sont dirigés d’après la loi de l’association, c’est-à-dire que l’œil droit regarde en haut et en dehors, tandis que le gauche, inclinant son méridien vertical en dedans, regarde en dedans et en haut. La pupille, largement dilatée, est fixée dans une immobilité complète. Un attouchement des cils ou do la [p. 959-1] conjonctive détermine néanmoins de légères vibrations aux paupières. Quant à la sensibilité, des expériences instituées par M. Lefebvre ont établi son extinction complète. La température diminue, il y a refroidissement des extrémités. Louise, suivant une expression de M. Lefebvre, ressemble à une statue de marbre.

Vers deux heures ct demie, Louise tombe à genoux, la face conservant toujours la même expression, joint les mains, et, après être demeurée un quart d’heure dans cette attitude contemplative, se relève par un mouvement automatique et retombe sur sa chaise dans la même position que celle que nous avons déjà décrite. Elle la conserve encore quelque temps. Puis, vers trois heures, se soulevant lentement, inclinant un peu en avant la partie supérieure du corps, elle se précipite sur le sol, les genoux d’abord, puis les coudes, et enfin le visage, vient, à la lettre, s’appliquer sur la pierre. La tête repose alors sur le bras gauche, mais bientôt, par un mouvement brusque, l’extatique étend les bras en croix, et rassemble les deux pieds de façon à mettre le dos du droit en contact avec la plante du gauche. Cette attitude ne varie plus pendant une heure et demie environ que dure actuellement ce troisième stade. La respiration n’est plus entendue, le flottement du mouchoir qui recouvre la poitrine de Louise en indique seule la persistance ; le pouls bat 80 fois à la minute.

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Quand la fin de la crise approche, les bras se reportent le long du corps, puis soudain la pauvre fille se redresse brusquement pour aller s’agenouiller encore un instant la face au mur. Ses joues ont repris à ce moment une certaine animation, la vie reparaît dans les yeux, les traits se sont distendus ; l’extase est finie. Pendant tout ce temps, l’hémorrhagie a continué, mais moins abondante que pendant la période d’affaissement et plus prononcée à gauche qu’à droite.

Ceux qui n’ont pas assisté à ce spectacle vraiment étrange ne pourront jamais saisir et comprendre l’impression profonde avec laquelle on en suit toutes les péripéties. Celui qui prend la foi pour guide unique en dehors des lumières de la science ne peut parvenir à la notion du mécanisme au moyen duquel cette pauvre fille de campagne a su vaincre les résistances naturelles de l’organisme. Il se borne à courber le front, il adore. L’homme qui se trouve tous les jours en face des mystères de la nature se prend aussi d’étonnement ; mais si son esprit se perd dans l’emmêlement des scènes dont il vient d’être le témoin, il conserve l’espérance de pouvoir découvrir un jour les ressorts cachés qui leur impriment une physionomie si singulière. Vis-à-vis des exigences du monde matériel, dit du Bois-Heymond, le philosophe, dès longtemps est habitué à rendre avec une mâle résignation l’ancien verdict écossais : ignoramus. Il puise dans la carrière victorieuse qu’il a déjà fournie la conviction tacite que ce qu’il ignore encore aujourd’hui, il pourrait au moins, dans certaines conditions, le savoir, et qu’il le saura peut-être un jour. C’est cette espérance qui a dû diriger l’étude aride de ce mystérieux phénomène.

II

« Les extases, dit le rapport, participent par leur symptomatologie, de la plupart des névroses classiques : elles sont apyrétiques, intermittentes, difficiles à guérir, se caractérisent [p. 959-2] par des accès dans les intervalles desquels la santé semble parfaite, ont leur siège supposé dans le système nerveux, et consistent en un trouble fonctionnel sans lésion appréciable dans la structure des parties.

« Mais ce qui en caractérise l’un des principaux groupes, c’est la faculté en vertu de laquelle le sujet qui en est affecté quitte momentanément sa condition physiologique pour entrer dans une condition seconde, durant laquelle ses actes, ses fonctions, ses idées, diffèrent essentiellement de ce qu’ils sont à l’état normal : le cerveau, limité dans son fonctionnement, ne perçoit plus alors les excitations venues du dehors ou ne les interprète plus de la même façon. Il y a en un mot doublement de la vie, et cet état peut se produire, soit à la suite de lésions matérielles du cerveau, soit pendant l’existence de névroses bien déterminées, soit sous l’influence de certaines pratiques spéciales (magnétisme, hypnotisme), soit spontanément (somnambulisme, névrose extraordinaire). En un mot, l’entrée dans cet état de condition seconde peut être spontanée ou provoquée.

« Nous n’avons pas à décrire les divers phénomènes qui se présentent chez les personnes qu’on a introduites ou qui sont entrées spontanément dans cet état exceptionnel. Ils appartiennent à la série inimitable des actes accusés par les magnétiseurs émérites, dont le triage sérieux est encore à faire. Où s’arrêtent les manifestations extraordinaires offertes par les sujets magnétisés ? Nous ne le savons pas, mais nous savons qu’il y a quelque chose dans le magnétisme animal, dans l’hypnotisme, etc., et ce quelque chose il importe de l’établir, sans prétendre, en ce qui le concerne, limiter les contingents futurs.

« Deux faits dominent la situation : l’insensibilité du corps aux excitants extérieurs, pouvant aller jusqu’il une anesthésie suffisante pour permettre la pratique des opérations les plus douloureuses, sans que le sujet en éprouve aucune sensation, et l’influence des idées suggestives.

« Voici ce que Braid entend par suggestion : « Un sujet dans un état de condition seconde, est placé par exemple dans une position exprimant l’orgueil, l’humilité, la colère ; immédiatement ses idées sont portées vers ces sentiments, et cela avec une grande force, et son visage l’exprime ainsi que ses paroles. » Il était réservé aux temps modernes, dit Bennett (2), de démontrer que, chez certaines personnes, l’intelligence, le sentiment et la volonté peuvent être entièrement gouvernés par des idées que suggère un autre individu. Je suppose vingt personnes prises au hasard dans la foule ; qu’on leur fasse regarder constamment un même objet pendant dix minutes, il s’établira un état particulier des fonctions cérébrales, chez une ou plusieurs personnes, surtout chez les plus jeunes. Dans cette nouvelle condition, les sujets en expérience pourront être entraînés à agir conformément à un certain ordre d’idées qu’on leur inspirera, leurs mouvements et leurs sensations étant influencés dans une foule de sens divers. C’est comme si leurs facultés mentales étaient fatiguées, et, par suite de cette fatigue, comme si elles avaient perdu tout pouvoir de contrôle sur quelque idée devenue prédominante. Un individu dominé par une [p. 960-1] semblable influence peut être amené à faire toutes sortes de mouvements contre sa volonté, ou, au contraire, à ne pouvoir exécuter ou à exécuter de travers tel mouvement qu’il voulait faire. Ccs phénomènes varient à l’infini, mais on peut les ramener tous à une surexcitation, à une diminution, ou bien à la perversion de l’intelligence, de la sensibilité ou de la motilité volontaire, diversement combinées entre elles, suivant la succession sans fin des idées suggestives qui peuvent être communiquées à l’individu. »

« À côté de ces modifications capitales des actes cérébraux, il en est d’autres imprimées à certaines facultés par l’état de condition seconde : telles sont, par exemple, l’hyperesthésie du souvenir, l’audition élective et l’hyperesthésie auditive, et une foule d’autres états bizarres dont le rapport cite de nombreuses observations intéressantes, dont plusieurs sont originales.

« Ce sommeil artificiel tient-il uniquement à la contemplation, en état de strabisme convergent, d’un objet brillant, ou bien ne peut-il être produit plus simplement encore par la seule fixité du regard dans une position un peu tendue ? MM. Demarquay et Girault-Teulon se sont posé cette question et l’ont résolue : reprenant les sujets qui leur avaient déjà donné, par le moyen classique, les résultats ci-dessus, ils les ont placés dans la même situation, les yeux portés en haut vers quelque objet fixe et maintenant leur regard dans cette situation constante. Le résultat a été absolument identique.

« Partant de là, ils ont placé l’aura hypnotisante — fatigante ou congestive — dans l’appareil optique ou dans l’appareil nerveux moteur des organes de la vision, et, dans les régions cérébrales où aboutissent les nerfs optiques et l’oculo-moteur commun, à savoir dans le petit espace de la masse encéphalique comprise entre les tubercules quadrijumeaux et les pédoncules cérébraux, la localisation de la sensation de fatigue et le point de départ du sommeil. De là l’engourdissement gagnant la substance grise, puis sans doute l’élément nerveux compris et confondu dans la protubérance et descendant en ce sens sur les organes de la sensibilité et du mouvement, atteint, en dernier lieu, l’organe nerveux de l’audition, placé à l’origine de la moelle allongée, à l’extrémité inférieure du quatrième ventricule. En même temps, l’engourdissement se propage de bas en haut, se perdant rapidement dans les lobes cérébraux, siège de l’intelligence, et les nerfs de l’olfaction qui se terminent dans les corps striés. Ainsi s’explique la marche même de l’engourdissement — dans les diverses espèces de sommeil artificiel et dans le naturel — frappant d’abord la vue, puis l’ouïe, et enfin l’intelligence qui, atteinte la dernière, après les facultés motrice et sensible, accuse un état différent de l’état de veille — condition seconde, sommeil simple, rêves, somnambulisme, etc.

« Les passes magnétiques agissent vraisemblablement de la même façon : les yeux du magnétiseur, les doigts passés devant ceux du sujet, faisant l’office de l’objet brillant, le même effet — fatigant ou congestif — se produit. »

À côté de ces faits il en est d’autres où le doublement de la vie se produit spontanément, et le rapport en cite des exemples saisissants.

Le rapporteur fait remarquer « l’analogie fréquente qui relie ces diverses manifestations avec celles du groupe pathologique qu’on appelle névroses. Les uns et les autres, dit-il, sont, à n’en pas douter, le résultat de perturbations du système nerveux [p. 960-2] cérébro-spinal, localisées, selon toute vraisemblance pour les diverses variétés du sommeil nerveux, dans la région cérébrale située entre les pédoncules cérébraux et les tubercules quadrijumeanx. Ce point fixé, quid des extases ? Eh bien ! en les rapprochant des faits cités, on reconnaît qu’il n’est pas un seul de leurs symptômes qui ne soit représenté dans l’une ou l’autre espèce du sommeil nerveux, et leur droit à l’internement dans la classe des névroses ne peut faire l’objet d’un doute. D’un autre côté, leur similitude avec le sommeil nerveux, au point de vue du doublement de la vie, permet d’en fixer le siège dans la même partie du bulbe céphalorachidien. »

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III

Dans son célèbre discours du Congrès de Breslau, M. Virchow a déclaré que la stigmatisation n’entre point dans l’ordre normal, et qu’elle est incompatible avec la marche ordinaire des phénomènes physiologiques et pathologiques. Afin d’établir la sincérité des stigmates — la causalité originelle, mécanique ou spontanée, échappant aujourd’hui aux investigations — la commission a dû se borner à rechercher la spontanéité actuelle de l’hémorrhagie. Voici dans quels termes le rapport rend compte de l’épreuve faite dans ce but :

« Le problème à résoudre était celui-ci : placer l’une des mains stigmatisées, avant qu’elle saignât, dans un appareil qui, sans rien changer aux conditions physiologiques de la partie, rendît impossibles le contact d’aucun instrument vulnérant, ou l’intervention d’aucune manœuvre quelconque susceptible de la rendre saignante, et de l’y maintenir depuis le jeudi, moment où il n’est pas encore question d’hémorrhagie, jusqu’au lendemain vendredi.

« L’appareil que nous avons fait construire en vue de répondre à ces indications se compose d’un globe de cristal de 14 centimètres de diamètre, pourvu, à l’un de ses pôles, d’un goulot semblable à celui d’une bouteille ordinaire, au pôle opposé, d’un autre goulot d’un diamètre de 9 centimètres. Le premier est fermé au moyen d’un bouchon de liège, traversé d’un tube de cristal coudé, ne dépassant pas, à l’intérieur, le niveau du bouchon. L’extrémité interne de celui-ci, de même que celle du tube, est recouverte d’une toile métallique n’interdisant pas l’accès de l’air, mais bien l’introduction de tout engin vulnérant, précaution superflue, vu la forme, courbée à angle aigu, du tube, rendant presque impossible la conduite d’une tige quelconque dans l’intérieur du récipient. Bouchon et tubes sont fixés par plusieurs cachets à la cire. Le second goulot est revêtu d’un manchon de toile-caoutchouc fixé à son rebord extérieur au moyen d’une colle de caoutchouc dissous dans du naphte, qui en rend l’adhésion intime et ne permettrait de le détacher qu’au prix de déchirures multiples. Pour plus de sûreté toutefois, cette partie du manchon est recouverte d’un bracelet étroit de caoutchouc, assujetti au globe d’une part, audit bracelet et au rebord du manchon de l’autre, par cinq cachets à la cire.

« Muni de cet appareil, nous nous sommes rendu chez Louise Lateau, le jeudi 24 janvier, à deux heures de l’après-midi, accompagné de M. le docteur Duwez, qui nous a fidèlement secondé dans toutes nos expériences et dans la poursuite de l’interprétation des faits, et nous y avons rencontré M. le chanoine Halilez, du séminaire de Tournai, et M. le curé Niels. [p. 961-1] Après avoir constaté avec la plus minutieuse attention que les stigmates n’étaient encore le siège d’aucun écoulement sanguin, nous avons choisi la main droite pour en faire l’objet de notre expérience. Nous savions bien que cette main saigne d’ordinaire moins que la gauche, mais, comme nous allions devoir condamner, pour vingt heures, tout le membre à l’immobilité, il nous parut plus discret de choisir le droit, qui devait bientôt être réduit à l’impuissance par les douleurs de l’épaule de ce côté, accompagnant le stigmate scapulaire dont il a été question plus haut, et de laisser à notre sujet l’usage du bras gauche.

« Au moment de procéder à notre opération, nous nous assurons une dernière fois de l’état des parties : il est bien tel que nous l’avons décrit plusieurs fois. La main droite de notre patiente est alors introduite dans le bocal à travers sa large tubulure ; elle s’y trouve entièrement libre, noyée dans l’air qui s’y renouvelle sans obstacle à travers le tube du goulot opposé. Cela fait, le manchon de toile de caoutchouc (mackintosch) est rabattu sur le bras, qu’il recouvre jusqu’à l’endroit où vient retomber la manche de la chemise : il est collé au bras par le même enduit adhésif, puis assujetti définitivement par un ruban de fil large de 2 centimètres et demi, faisant deux fois le tour du bras, assez serré pour ne permettre le passage d’aucun engin, trop peu pour exercer aucune constriction ; enfin le bord supérieur du manchon, dépassant de 2 centimètres environ celui du cordon de fil, est cousu à la manche de la chemise, et toutes ces sutures sont scrupuleusement revêtues de cachets à la cire.

« L’intérieur du globe semblait, dès lors, à l’abri de toute atteinte ; il restait néanmoins l’extrémité externe du tube par laquelle, au moyen de succions, on aurait pu faire le vide dans le bocal et appeler l’abord du sang vers les régions stigmatiques. Pour écarter cette possibilité et augmenter encore, si c’était possible, les éléments voulus de sécurité absolue, nous avons recouvert le tout, appareil et bras, d’une lame de gutta-percha, analogue à du taffetas gommé, disposée en forme de blague à tabac, dont nous avons fixé la coulisse au niveau du bord inférieur de la manche de chemise par deux tours d’un dernier ruban de m, que deux cachets sont encore venus recouvrir. Remarquons que la première enveloppe, de même que la seconde, étaient d’une étoffe imperméable qu’une aiguille ne pouvait traverser sans y laisser sa trac. Le tout a été maintenu par une écharpe, puis nous avons abandonné notre malade à elle-même ; nous donnant rendez-vous près d’elle pour le lendemain vendredi, à dix heures et demie du matin, afin de procéder à la levée de l’appareil. À l’heure convenue, nous nous trouvions, accompagné de M. le docteur Crocq, dont nous avions sollicité le concours, dans la chambrette de Louise. »

Voici quelques extraits de la relation donnée à ce sujet par l’éminent professeur de clinique de l’Université de Bruxelles :

« La main droite de la stigmatisée est renfermée dans l’appareil que M. Warlomont avait appliqué la veille, Cet appareil était parfaitement intact, ainsi que nous nous en assurâmes par l’examen scrupuleux des cachets, dont pas un ne portait la trace dela moindre atteinte. Les revêtements de toile-caoutchouc et de gutla-percha ne portent la trace d’aucune piqûre ou autre solution de continuité. Le fond le plus déclive du récipient est occupé par une petite mare de sang liquide, diffluent, dont la quantité ne dépasse pas 5 grammes. Le dos de la main, qui nous apparaît en premier lieu, la paume en étant tournée [p. 961-2] vers la poitrine, présente, depuis son centre jusqu’au bord externe, actuellement le plus déclive, des caillots de sang coagulé, noirs, durs, fortement adhérents, recouvrant en ce moment la surface de la plaie stigmatique dorsale, et en empêchant l’écoulement, ce qui explique la quantité relativement petite de sang liquide trouvée dans l’appareil. Celui-ci ayant été enlevé, nous détachâmes ces caillots, dont plus d’un collait intimement au fond de la plaie, et cet enlèvement fut suivi de la réapparition d’une hémorrhagie en nappe, continue, mais peu abondante. La plaie qui la fournissait avait environ 1 centimètre et demi de longueur sur 5 millimètres de largeur:: l’épiderme en avait disparu; le fond, occupé par le derme, était rouge, comme fongueux ; on y observait quelques petits caillots noirs. Le tout reposait sur une induration du derme, parfaitement mobile.

« À l’endroit correspondant de la paume de la main, je trouve une plaie un peu plus large et plus arrondie. Dans la moitié externe de cette plaie, le derme est dénudé, fongueux, bourgeonnant ; dans sa moitié interne, il est encore recouvert par l’épiderme, mais cet épiderme est décollé, blanchâtre et en partie soulevé par un caillot noir. C’est comme si le sang, suintant sous l’épiderme, l’avait détaché sous forme de phlyctène, puis déchiré. Comme la plaie dorsale, la plaie palmaire repose sur une légère induration du derme.

« Cette plaie palmaire ne pouvait-elle avoir été produite, même dans l’appareil d’ailleurs si complet de M. Warlomont, par les ongles des doigts fortement repliés en dedans ? Il nous faut rencontrer cette supposition, bien qu’elle n’ait aucune valeur en ce qui concerne la plaie dorsale, et y répondre : les ongles de Louise sont coupés courts et parfaitement inoffensifs.

« Les hémorrhagies me paraissent donc bien réellement survenues spontanément et sans l’intervention de violences extérieures. »

IV

M. Warlomont se déclare partisan de la théorie de Cohnheim concernant la diapédèse, et, dans un brillant résumé de la question, combat les idées de M. Lefebvre, professeur à l’Université de Louvain, qui d’ailleurs pouvait très-logiquement les soutenir à l’époque où paraissait son livre sur Louise Lateau, dont nous avons parlé plus haut. C’était, en effet, avant les récents travaux qui ont modifié les doctrines scientifiques sur ce point. Chez Louise Lateau, disait M. Lefebvre, le sang s’échappe sans qu’il y ait rupture de vaisseaux, et néanmoins le sang fourni par les stigmates renferme des globules rouges.

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Il est inutile de nous appesantir sur le mécanisme de la sortie des globules, et de rechercher à quelle hypothèse il faut accorder la préférence, de celle qui admet la disjonction des bords cellulaires pour la traversée des leucocytes, ou de celle qui s’appuie sur la pénétration de la substance de la paroi par ces activités microscopiques. C’est à l’avenir qu’il appartient de trancher cette question. Un fait indéniable, c’est leur échappement des vases qui les renferment. Que cette progression s’effectue en vertu des lois de l’hydrostatique et de la dynamique, le globule jouant un rôle tout à fait passif ; ou bien, comme le veut Cohnheim, que ce soit en vertu d’une activité particulière spéciale, d’une propriété de [p. 962-1]

Mouvement inhérente à lui, cela importe peu. Toujours est-il que, dans certains cas, soit à cause des déhiscences persistantes des protoplasmes cellulaires, soit par suite de la perte de résistance des parois, les globules rouges sortent des capillaires sans rhexis proprement dite de ceux-ci, en aussi grande abondance que les globules blanc… et même dans la proportion où ils existent les uns par rapport aux autres dans le sang normal. Les conditions qui favorisent ce passage ne peuvent provenir que du contenant et du contenu, de la dilatation pathologique des capillaires ct de la composition séreuse du fluide sanguin. L’examen microscopique du sang d’une part, et celui d’une parcelle du tubercule stigmatique de l’autre, ont démontré chez Louise Lateau l’existence de l’une et de l’autre de ces altérations.

L’analyse microscopique du sang a établi, en effet, chez Louise, une aglobulie relative avec prédominance du sérum, et le rapporteur, avec M. le professeur Crocq, a reconnu, sur une parcelle excisée du fond du stigmate dorsal d’une des mains de la patiente, des faisceaux entrecroisés du tissu conjonctif, des vaisseaux dilatés, dont les plus petits mesuraient 5 centièmes de millimètre, et une papille avec une anse vasculaire de 28 millièmes de millimètre. Or, d’après Kölliker, les capillaires des papilles ont au maximum 8 millièmes de millimètre, et ceux de la couche superficielle de 10 à 20 millièmes. Chez Louise Lateau, les premiers surtout ont donc subi une ampliation considérable. Ne sont-ce pas là les caractères des tumeurs érectiles, des angiomes (3) ? «  Formés par la dilatation des capillaires d’une région limitée du corps, dit Vulpian, les angiomes sont des tumeurs vasculaires offrant des cavités plus ou moins considérables, remplies de sang et communiquant les unes avec les autres. Au début, sous l’influence d’une irritation locale toute particulière, les capillaires de l’endroit où doit se développer l’angiome se dilatent et en même temps donnent naissance à des bourgeons vasculaires, qui sont l’origine de nouveaux vaisseaux capillaires établissant de nouvelles communications entre ceux qui préexistaient.

Puis, ces divers capillaires se dilatent en forme ampullaire sur divers points de leur longueur ; des sortes d’alvéoles se forment ainsi, qui peuvent finir par communiquer les uns avec les autres à la suite de la résorption du tissu intermédiaire. Il en résulte un tissu aréolaire, dont les aréoles sont séparées par des trabécules d’épaisseur variée. Ces trabécules peuvent d’ailleurs avoir subi des modifications diverses pendant le développement de la tumeur. Des artères aboutissent à ces tumeurs, et elles sont souvent munies d’une tunique musculaire plus épaisse que la tunique musculaire du même calibre située dans d’autres parties du corps. On y trouve aussi des veines, et Schuh y a vu et suivi des nerfs. Il y a donc là toutes les conditions voulues pour qu’il puisse s’y produire des phénomènes d’érection. »

Les stigmates de Louise proviennent donc, les uns de simples dilatations capillaires, les autres, ceux de la surface [p. 962-2] dorsale de la main surtout, de modifications plus profondes, consistant en véritables tumeurs classiques. Examinées à une forte loupe, pendant qu’au moyen d’un verre convexe on promène un pinceau lumineux sur leur surface, on parvient à saisir parfaitement tous les détails de leur configuration. Ces petites éminences conoïdes, les unes rougeâtres, les autres recouvertes par des pellicules de sang desséché, leur délimitation parfaite par de petits sillons, permettent se comparer parfaitement à une tranche de fraise de bois. Ne sont-elles pas constituées par les papilles hypertrophiées du derme, dont le nombre, d’après Meissner, est tellement considérable que, sur une ligne carrée de la peau recouvrant la surface onguéale des doigts, cet anatomiste en a compté quatre cents, dont cent huit nerveuses ? Celles-ci disparaissent presque complètement à la face dorsale des mains. L’histologie ct la pathologie sont donc d’accord pour établir la caractéristique du stigmate ou plutôt de l’angiome. Nous verrons plus loin l’étiologie qui a présidé à sa formation ; disons ici comment le rapport fixe sa conversion en stigmatisation hémorrhagique : le premier phénomène est la douleur, suivie de près par la turgescence, les battements des vaisseaux, la calorification et enfin par l’apparition d’une ampoule. La dilatation phlycténoïde précède toujours l’écoulement sanguin, qui lui-même succède à l’épanchement de la sérosité. C’est au moment où celle-ci, gonflant l’ampoule, déchire le vernis épidermique pour se répandre au dehors, que se déclare l’hémorrhagie. N’est-ce pas là dans toute sa simplicité ce qui arrive ordinairement : traversée des leucocytes d’abord, formation des phlyclènes, passage des globules rouges ?

V

Quel est le mécanisme qui préside à la formation des stigmates ? La psychologie seule est susceptible d’en fournir une explication rationnelle, l’affection de Louise Laleau étant d’ordre mental. Pour ceux qui ont suivi avec assiduité le mouvement psychologique de ces dernières années, l’interprétation de l’influence du moral sur le physique se fait avec facilité. M. Alfred Maury avait reconnu depuis longtemps que les affections bizarres nées sous l’empire du mysticisme religieux, avaient leur origine dans l’imagination ; mais les preuves apportées à l’appui de sa thèse n’étaient pas suffisantes. La science a progressé depuis, et l’accumulation des matériaux, en permettant de descendre dans le laboratoire intime où s’élaborent les idées ct les sensations, a permis d’élucider un peu ce problème, Le rapporteur a donc repris l’idée de M. Maury, avec la pensée de l’approfondir.

Dans le domaine psychologique, l’inconscient règne en maître, la confusion précédant la notion claire ct distincte. Des processus nerveux viennent d’abord éveiller, en dehors de la conscience de l’individu, certaines incitations cérébrales. Légères, elles peuvent disparaître sans laisser la moindre trace de leur passage ; mais, par le fait de leur intensité ou de leur répétition, elles sont aptes à prendre possession de la cellule cérébrale sur laquelle elles impriment leur action, la transformant en cellule idéogène. C’est à ce moment que l’idée peut s’épanouir dans toute sa puissance, contraignant la volonté à se plier à ses fins, salutaires ou néfastes. Celle-ci ne gouvernant plus, tombe duos la passivité. L’attention a donc sa racine dans l’inconscient., qui la crée par une [p. 963-1] série d’impressions subjectives, entraînant comme conséquence des modifications cérébrales. Soumise dans ses prémisses à l’autorité supérieure du moi, elle se fixe plus tard avec une ténacité si pénétrante qu’elle en neutralise l’influence. Pour que cet effet ait lieu, il importe que la pensée. ou la sensation possèdent les caractères principaux suivants : La durée, l’intensité, l’unité, l’identité. Il faut, de plus, que le sujet jouisse de ce que Bain appelle « une certaine délicatesse de discrimination » susceptible de lui procurer le discernement des nuances, et, comme conséquence, la rétentivité des impressions

L’étude de Louise Lateau, permet de rencontrer chez elle toutes les conditions nécessaires à l’établissement de l’adhérence cérébrale. La seule pensée qui ait occupé sa vie consiste dans la contemplation du drame émouvant du Calvaire. Depuis le moment où l’âme a pris possession d’elle-même, elle en a fait le thème de ses méditations, de ses ardentes aspirations. Ravie, hors de soi et s’oubliant elle-même, elle accompagnait tous les jours, dans le Chemin de la Croix, le Rédempteur des hommes, partageant ses douleurs, souffrant de ses tortures. L’âme, comme environnée d’un océan d’amertume et prête à se dissoudre dans une ineffable tristesse, elle avait le désir de s’approprier toujours davantage l’image de l’Homme-Dieu et demandait à souffrir comme lui. Douée d’une intelligence supérieure à celle des gens ordinaires de sa classe, elle jouit aussi d’une délicatesse pénétrante qui se révèle dans sa conversation. Quoi d’étonnant à ce que le système nerveux central ait fini par subir l’influence de cette idée prédominante, à s’imprégner, pour ainsi dire, de cette immense et sublime douleur dont elle était la représentation ? Cette imprégnation effectuée, est-il surprenant qu’elle se déversât au dehors, toute sensation ou toute impression cérébrale étant clouée d’extériorité. N’avait-elle pas été avertie d’en haut que quelque chose d’inconnu, d’extraordinaire devait se passer en elle ? N’avait-elle pas reçu, vers l’époque de la puberté — à cet âge qui est comme l’éveil de toutes les facultés — une lumière intérieure qui le lui avait fait comprendre, sans préciser la nature de ce quelque chose qui l’attendait ? Aussi, est-ce à ce moment de l’existence où l’intelligence se dégage et prend son essor, que ses impressions deviennent plus profondes, qu’à la lumière intérieure qui l’illumine s’ajoutent les visions célestes, et que l’enfant Jésus lui apparait enveloppé de lumière et comme suspendu au milieu d’elle.

La conséquence générale qui découle de l’attention est d’entraîner une débilité dans la fonction de la partie qui en est le siège, une véritable paralysie du stimulus vaso-moteur qui la préside, ct cette conséquence s’accorde avec le principe d’harmonie existant dans l’union de l’ordre mental avec l’ordre physique. L’absorption dans l’idée de souffrir à un endroit déterminé du corps y occasionne un commencement de réalisation, soit la douleur. L’effet débilitant de la conscience de soi a été parfaitement établi par le professeur Bennett, dans ses Leçons cliniques sur les principes et la pratique de la médecine, par Darwin, dans son chapitre « Sur la rougeur » ; par Bain, dans son livre : Des Sens et de l’intelligence, et par beaucoup d’autres écrivains.

Quand la concentration de la pensée se porte sur l’estomac, elle affecte la digestion ; sur le cœur, elle trouble le rythme de ses battements. M. Potain, l’un des collaborateurs du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, obtient aisément, chez lui, d’après M. Dechambre, et explique physiologiquement [p. 963-2] le dédoublement des bruits cardiaques. Le flux menstruel peut être activé par l’attention, et le produit de la conception lui-même ressentir les sensations de la mère et en conserver les caractères matériels. M. Warlomont rapporte le cas curieux d’un médecin de la province d’Anvers qui peut, par un acte de sa volonté, provoquer une douleur plus ou moins variable en intensité à différents points du corps, et chez qui cette douleur s’accompagne de battements des artères aux endroits où elle a été appelée.

Mais s’il est donné à la pensée d’être la créatrice de la douleur, comment peut-il se faire que, lors de la répétition de cet acte, la sensation vienne occuper les mêmes localités ? Ainsi qu’il a été dit plus haut, l’affection de Louise étant du domaine mental, c’est encore à la psychologie qu’il faut en demander l’interprétation.

Après l’épuisement des premières impressions, la cellule cérébrale qui en a été le siège a acquis la faculté de reproduire, par les causes mentales seules, les impressions antérieures. « Le sentiment renouvelé, dit Bain, occupe les mêmes parties et de la même manière que le sentiment originel, et aucune autre partie ni d’aucune autre manière appréciable. » De la même façon que, par l’excitation d’une fibre nerveuse sensitive quelconque, on ne peut produire que des sensations possédant la modalité d’un seul et même sens détermine, la répétition d’une impression cérébrale, s’extériorisant en un point du corps, ne pourra y provoquer que la sensation antérieure avec la même caractéristique. En un mot, il y a adhérence cérébrale de l’incitation, ainsi que de son rayonnement extérieur. Les conditions indispensables pour que cette acquisition ait lieu consistent : la première, dans la reconnaissance de la partie excitée antérieurement, ce qui est facile, chaque territoire organique possédant une sensibilité qui lui est propre, et la seconde en ce que les mouvements réflexes sont susceptibles d’accommodation.

Il est à peine nécessaire de prouver jusqu’à quel point Louise rentre dans le cadre de cette loi. Le renouvellement incessant des mêmes idées, la sensibilité permanente des stigmates, répondent en faveur de cette opinion. Il en résulte que, par suite de sa contemplation sur le même objet de pieuses vénérations, cette jeune fille a perdu pour ainsi dire la discipline d’elle-même ; la pensée qui l’occupe agit en souveraine, tandis qu’elle-même est tombée dans une espèce d’esclavage, ayant perdu sa liberté consciente, emprisonnée dans des lois dont elle ne peut s’affranchir.

Quelle est la traduction physiologique de la symptomatologie observée chez Louise Lateau ? Telle a été la question que le rapport a dû encore chercher à résoudre. Les découvertes physiologiques de ces dernières années ont déterminé la localisation d’μn centre vaso-moteur unique, dans un espace compris dans les limites d’un millimètre en arrière des tubercules quadrijumeaux, et de 4 à 5 millimètres en avant du bec du calamus scriptorius. C’est dans ce petit centre d’activité qu’il a placé le siège du syndrome « extase et stigmatisation », et ce sont les voies de l’analyse et de la synthèse qui y ont conduit. L’analyse avait démontré que tous les symptômes présentés par Louise pendant la stigmatisation, premier stade de la névropathie, répondaient exactement aux phénomènes consécutifs à la section du nerf sympathique cervical, et ceux de l’extase, second terme du syndrome, à son excitation.

Il sufflt de se rappeler la description donnée plus haut des [p. 964-1] deux termes du syndrome, pour donner à ce parallèle toute la valeur nécessaire. Dans la stigmatisation comme dans la section du nerf sympathique, on rencontre la contraction plus ou moins prononcée de la pupille, l’occlusion des paupières, l’augmentation de la température et de la sensibilité, la réflectivité, la dilatation des vaisseaux sanguins. Dans l’extase, de même que dans la galvanisation du nerf, on observe la dilatation de la pupille, l’ouverture des fentes palpébrales, l’abaissement de la sensibilité et de la température, la contraction des vaisseaux sanguins, la perte de la réflectivité.

Cette abolition de la sensibilité et de la réflectivité pendant l’extase a conduit jusqu’à remonter au centre vaso-moteur unique dont il vient d’être parlé. On sait, en effet, que si l’on tranche le bulbe en arrière des tubercules quadrijumeaux, à

4 ou 5 millimètres en avant du bec du calamus, limite postérieure du centre vaso-moteur, l’excitation des nerfs sensitifs n’est plus capable de provoquer aucune action réflexe vaso-motrice. Cela étant, on peut en inférer que, si l’abolition de la sensibilité et de la réflectivité existe — et cette existence est prouvée —- tant dans l’extase que dans la séparation du centre bulbaire d’avec le reste de l’organisme, une égale concordance de résultats résultera de l’excitation de ce même centre. L’appareil vaso-moteur se compose, en effet, de la chaîne ganglionnaire du grand sympathique et des ganglions disséminés le long du trajet des vaisseaux d’une part, et de la substance grise de la moelle de l’autre. C’est le centre bulbaire qui commande l’action vaso-motrice, c’est de lui que tout rayonne et vers lui que tout converge. Son excitation directe ou réflexe occasionnera donc la même phénoménalité que l’excitation du grand sympathique, sa paralysie entraînant les mêmes effets que la section de ce cordon fondamental. On doit donc reconnaître l’éclatante similitude existant entre l’expérimentation physiologique et le syndrome pathologique.

VI

Quel est le rôle du frottement dans la production des stigmates ? Volontaire, ou, plus vraisemblablement, instinctive, l’excitation artificielle des angiectasies a dû aider puissamment au mécanisme de leur formation. La raison s’en trouve dans l’action des nerfs vaso-dilatateurs, que l’excitation a pour mission de dilater par voie réflexe. Le frottement continuel des localités stigmatiques a dû procurer une addition d’action à la paralysie vaso-motrice.

Cette association de deux maladies a toujours eu le privilège de provoquer l’étonnement. Il est pourtant une loi psychologique, dite de contiguïté, d’association proprement dite, dans laquelle rentre l’ordre dans le temps, l’ordre dans le lieu, la cause et l’effet, qui rend parfaitement compte de la succession des deux termes extase et stigmatisme. Quand la paralysie du centre vaso-moteur commence, l’extase est toujours en imminence, par la raison que, lorsque l’esprit est rendu attentif à une succession de deux termes, le premier est déjà devenu une idée permanente, et l’attention se fixe sur le second.

Cette propriété qu’ont les séries de s’appeler et de s’unir en permet l’évocation et l’assortiment. Elles ont des rapports de conséquence à principe, du moyen et de la fin, de la cause et de l’effet. Caractérisées par les attributs de l’association, la [p. 964-2] vivacité, l’unité et l’identité, elles se fondent dans un enchainement qui est un des résultats de l’habitude. Cet enchaînement se remarque dans toutes les névroses, voire même dans l’évolution de la plupart des maladies.

Quant à la régularité de la périodicité, elle trouve son explication dans la loi de similarité, d’après laquelle le semblable rappelle le semblable. « Celte faculté de reproduction mentale, dit Bain, ce moyen de restituer les actes psychiques passés sur la suggestion d’une similitude présente, dépendra tout à fait de la possession que l’impression passée a acquise, et jouira d’une puissance de rappel d’autant plus grande qu’elle aura été unique, identique et intense. Est-il besoin de faire remarquer que la puissance absorbante de la fixité de l’idée, que la persistance des douleurs au siège des stigmates, excluent, chez Louise Lateau, toute tendance à la diversité, et qu’il serait étonnant que l’apparition des accès eût lieu à une date différente de celle où domine la grande idée qui y a donné naissance ?

« Ainsi, dit le rapport, l’extase et la stigmatisation sont une névrose à laquelle on peut conférer le nom de « névropathie stigmatique ». Elle possède une étiologie spéciale dont les prémisses reposent sur l’inconscient, le raisonnement, sur l’attention ou la conscience de soi, en conclusion sur la douleur et les congestions locales. La répétition de l’acte congestif engendre la dilatation des capillaires, et, comme conséquence, la formation d’angiomes. La congestion préexiste à la stigmatisation et apparaît en même temps que la concentration de la pensée ou de l’extase. Celle-ci préexista à la stigmatisation, et la seconde n’existe jamais sans la première. Elles sont unies l’une à l’autre comme les deux termes d’une proposition en vertu de la loi de contiguïté, et reparaissent à jour fixe d’après la loi de similarité. Cette névropathie a son siége dans le bulbe, son premier terme consistant dans la paralysie du centre vaso-moteur unique et son second dans son excitation.

Dire qu’une explication est bonne, dit Brown-Séquard, parce que nous n’en connaissons pas d’autre, est une argumentation qui a très-rarement de la valeur en matière scientifique ; mais quand l’explication est extrêmement probable, l’absence de tout autre essai d’explication du phénomène est à coup sûr un argument de valeur réelle. C’est ainsi que, par le concours de la physiologie et de la psychologie, on pénètre dans la connaissance des ressorts cachés du mysticisme. La physiologie ct la psychologie sont unies désormais d’une façon indissoluble par suite de l’identification de l’âme avec le principe vital. Quand l’expérimentation physiologique cherche à pénétrer les arcanes de la vie, elle ne peut s’empêcher de recourir à la psychologie pour lui emprunter les lois souvent mystérieuses qui la dirigent, l’abstraction des causes et des premiers principes. La psychologie doit faire, de son côté, un appel incessant à la science expérimentale, dont les solutions scientifiques des problèmes vitaux projettent de nouvelles clartés sur les questions psychologiques proprement dites. « Il faut savoir douter où il faut, dit Pascal, assurer où il faut, et se soumettre où il faut. » Exclure la raison ou n’admettre qu’elle dans l’explication de tout ce qui tombe sous nos sens, c’est méconnaître, d’une part, l’inappréciable fécondité de la science, et de l’autre la précieuse maturité que lui confère la psychologie. On peut considérer la médecine comme la résultante complexe de la plupart des autres branches de l’activité humaine, par le [p. 965-1] ministère desquelles elle cherche à découvrir le mot des énigmes, sous peine de stagnation et d’empirisme. Existe-t-il un conflit entre la raison et la foi ? Non, celle-ci rayonnant toujours comme un flambeau au-dessus des inconnues de la création, on peut dire, avec l’abbé Méric, que « suivre la raison, c’est écouter Dieu ». La foi, selon Pascal, dit bien ce que les sens ne disent pas, mais non pas le contraire de ce qu’ils disent. Elle est au-dessus d’eux, mais elle ne doit pus être contre eux.

VII

La partie expérimentale du rapport de la commission académique s’est bornée à l’examen des extases et des stigmates. Toutefois, l’honorable et consciencieux rapporteur a cru devoir, — pour satisfaire l’opinion publique, — s’occuper, dans un appendice, de la question de l’abstinence dont il a été tant parlé, ainsi que de celle de la reconnaissance des objets bénits ct du phénomène du « rappel ».

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« D’après la version locale, dit-il, si l’on présente à Louise Lateau un objet quelconque, elle reconnaît si cet objet est béni ou s’il ne l’est pas, et, dans le premier cas, le déclare par une mimique spéciale. » C’est un fait dont il a été beaucoup parlé et à l’égard duquel nous demandons à faire toutes nos réserves. Si la personne qui présente l’objet sait à quoi s’en tenir quant au caractère sacré dont il est ou non revêtu, elle peut inconsciemment — l’hypnotisme et les autres états de sommeil nerveux nous l’apprennent — suggérer au sujet en état de « condition seconde » la notion qu’elle en a elle-même (idées suggestives). D’un autre côté, l’ouïe, chez les personnes extatiques ou en état de sommeil nerveux, est, en réalité, fermée aux excitations ordinaires, mais elle devient d’une sensibilité exquise quand elle est mise en éveil par des excitations spéciales, en rapport avec l’objet de leur préoccupation mentale actuelle. « Chez Louise Lateau, dit M. Lefebvre, l’ouïe est suspendue comme la vision, ou du moins l’oreille est insensible aux provocations ordinaires. » C’est une circonstance considérable dans l’espèce, et il suffit de regarder notre jeune fille, pendant qu’on récite à haute voix une prière à ses côtés, pour la mettre en lumière : on la voit, en effet, esquisser un sourire toutes les fois que, durant ce débit, les mots de Marie, de Jésus, de Dieu, par exemple, viennent à se présenter. Dans ces conditions, les épreuves faites au moyen des objets bénits doivent réussir toutes les fois qu’elles sont précédées d’une explication ou d’un mot quelconque propre, à mettre sur la voie et celles-là réussissent en effet. Ceux qui font ces expériences, et qui certainement les font de bonne foi, ne semblent pas s’être assez prémunis contre cette fraude inconsciente, de nature à en altérer absolument le caractère.

Le fait pouvait facilement d’ailleurs être éclairci expérimentalement, et M. Warlomont a voulu l’essayer en faisant à m. Niels, par lettre du 15 décembre dernier, les propositions suivantes :

« 1° Je ferais prendre en fabrique, afin d’être sûr qu’ils n’ont reçu aucune consécration préalable, douze petits chapelets, six noirs, six blancs.

« 2° Vous béniriez ceux de l’une ou de l’autre série, puis nous les enfermerions tous les douze, un à un, chacun dans un de ces petits calices de buis où ces chapelets se débitent [p. 965-2] puis, tous ensemble, dans un sac de toile où ils seraient mêlés.

3° Présentés tour à tour, aux moments voulus à notre patiente, ils provoqueraient chez elle des manifestations positives ou négatives. Ceux qui auraient donné lieu aux premières seraient mis à part ; on ferait de même des autres.

4° L’épreuve faite, il ne resterait plus qu’à dépouiller le résultat, qui serait publié ne varietur et sans commentaires.»

L’expérience, dans les termes proposés par M. Warlomont, semblait réunir les principales conditions à en exiger en pareil cas : chaque chapelet se trouvait isolé de son voisin par son revêtement de buis, et les idées suggestives disparaissaient, la personne chargée de présenter les objets n’étant pas plus que quiconque dans la confidence du contenu de chaque récipient.

Elle ne fut point acceptée cependant, ou plutôt M. Niels répondit àil ce programme par les contre-propositions que voici, adressées à M.Warlomont :

1° Un prêtre ne pourrait pas toucher les chapelets, ni les noirs ni les blancs. C’est une main laïque qui mettrait les douze chapelets dans douze récipients.

2° On ne devrait pas mettre les objets bénits et non bénits dans le même sac. Il faudrait faire en sorte que les récipients ne se touchent en aucune manière l’un l’autre avant de les présenter à Louise.

3° Ces chapelets pourraient être bénits à Bruxelles, sans que vous sachiez si ce sont les blancs ou les noirs qui ont été bénits. Celui qui les aurait bénits consignerait, dans un billet cacheté, quelle espèce de chapelets il a bénits. Vous pourriez les transporter dans deux boîtes séparées ; dans l’une il y aurait une espèce de chapelets, dans l’autre la seconde.

4° Ici, sur place, avant d’être présentés à Louise, ils pourraient être mêlés, mais de manière à ne pas se toucher. »

M. Warlomont a renoncé à faire l’épreuve dans ces conditions, de nature à prêter, de part et d’autre, au litige et à de trop faciles échappatoires.

Passons au rappel : « Louise, dit M. Lefebvre, insensible à la voix des personnes qui tentent de la réveiller de son état extatique, même à celle de sa mère et de ses sœurs, revient subitement à elle à la voix de son confesseur et, en général, de ceux qui ont juridiction sur elle. C’est ce qu’en théologie on nomme le rappel. Ce pouvoir appartiendrait, parait-il, à l’autorité épiscopale, ainsi qu’au confesseur de Louise, et pourrait être transmis, par délégation de Monseigneur l’évêque de Tournai, à toutes personnes qu’il lui plaît de désigner à cette fin. M. Lefebvre est en possession de cette délégation. Quand l’une ou l’autre de ces personnes, n’importe à quel moment de l’extase, dit à Louise : « Louise, relevez-vous ! » Louise sec relève, pour reprendre bientôt après l’attitude dont on vient de la tirer. Voilà le fait. M. Warlomont n’a pas voulu le discuter ni même l’effleurer dans son caractère théologique, mais il pense qu’il devrait être examiné au point de vue de l’audition élective et à celui de l’hyperesthésie auditive. Par la première, certains mots, certains sons parviennent seuls à être perçus : « Louise, relevez-vous » sont de ce nombre ; par la seconde, le son de voix peut être facilement reconnu.

Mais nous n’insisterons pas plus que M. Warlomont sur [p. 966-1] les phénomènes de ce genre, ne voulant pas faire sans nécessité la moindre incursion sur un domaine qui n’est pas celui de la science, et qui par conséquent n’est pas le nôtre.

VIII

En cc qui concerne l’abstinence, l’auteur, après avoir déclaré qu’il ne la considère pas comme devant être traitée au point de vue scientifique, la physiologie la déclarant inadmissible, dans les termes où elle est posée, s’en exprime en ces termes :

« A l’en croire, Louise Lateau n’aurait plus pris, depuis trois ans et demi, ni nourriture ni boissons. C’est le fait dont on s’est le plus occupé, tantôt pour le soutenir, tantôt pour en faire l’objet de démentis violents, à l’adresse de personnes respectables auxquelles ils ne pouvaient revenir,

Le cas était plus simple et n’avait mérité
Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité.

« Louise travaille et dépense du calorique ; elle perd, tous les vendredis, une certaine quantité de sang par les stigmates ; les gaz qu’elle expire renferment de la vapeur d’eau et une quantité sensiblement normale d’acide carbonique. Son poids n’a guère varié depuis qu’elle est en observation. Donc elle brûle du carbone et ce n’est pas à son propre organisme qu’elle l’emprunte. Où le prend-elle ? La physiologie qui, elle, n’a de ménagements à garder envers personne, nous répond : Elle mange.

« Mais que deviennent alors et la sincérité candide de notre sujet appuyée sur les serments les plus solennels, et les témoignages graves qui se seraient portés caution de ses allégations ? C’est ce que nous allons examiner. » Quand vient l’heure de se coucher, les sœurs de Louise se retirent dans leur chambre, située à l’un des quatre coins du rez-de-chaussée, seul étage dont se compose leur maison, et qui n’a pas d’autres habitants que les trois filles Lateau. Louise, elle, veille, dit-elle, toute la nuit ; elle est du soir au matin maîtresse souveraine du reste du logis, c’est-à-dire des trois autres chambres, communiquant l’une avec la voie publique, une autre avec le jardin, où sont la pompe à eau, les lieux d’aisances, etc. Dans la chambre de devant se trouve le garde-manger; dans la propre cellule de Louise, une armoire aux provisions. Louise, seule au monde, sait ce qu’elle

fait durant ces longues nuits, ou peut-être elle-même ne le sait-elle pas. Elle déclare qu’elle ne mange pas, mais, pour corroborer son dire, il n’y a rien que ses propres allégations. Les témoignages qui pourraient venir l’appuyer sont donc sans aucune valeur, car ils ne peuvent reposer que sur des affirmations isolées. Or, il y a un adage juridique qui dit : testis unus, testis nullus, et nous en sommes là quant à cette fameuse abstinence absolue et déjà triennale de notre extatique.

« Prétendrions-nous donc, dit M. Warlomont, ne tenir aucun compte de ses déclarations faites sous serment, et l’accuser de parjure ? Bien que, dans une question de science pure, le côté sentimental n’ait aucun rôle à jouer, nous n’hésitons point à dire qu’une semblable pensée nous répugnerait au suprême degré. Nous préférons de beaucoup la remplacer par une hypothèse s’accordant avec le respect des personnes sans s’écarter des données de la science. [p. 966-2]

« Que fait Louise depuis le moment où ses sœurs se sont retirées jusqu’à celui où elles la rejoignent le matin ?

M. Imbert-Gourbeire va nous le dire : « Elle ne dort pas. ElIe passe ses nuits en contemplation, en prières, agenouillée. Je lui demandai si elle s’appuyait de façon quelconque ; je compris à sa réponse embarrassée qu’elle ne reposait plus même sa tête. » Eh bien ! il y a dans ce tableau matière à bien des réflexions. Louise ne dort pas, elle le croit du moins, mais elle reconnaît avoir des absences. Elle est seule, sans lumière, dans le silence de la nuit, les yeux dirigés vers le ciel, dans l’altitude de la contemplation. Qui ne voit, dans cet ensemble de circonstances, tout ce qu’il faut pour qu’elle entre dans un état de « condition seconde » qui pourra être le somnambulisme ? Ne nous a-t-elle pas mis d’ailleurs sur cette piste en nous disant qu’elle est complètement insensible à l’impression du froid, absolument comme les somnambules ?

« Et si c’est de cette façon que sec traduit alors cette névropathie aux mille formes dont nous la savons atteinte, pouvons-nous dire, peut-elle dire elle-même les actes qu’elle pose durant cet état de « condition seconde » ? Qui l’a jamais observée la nuit ? Personne. Qui donc pourrait affirmer, avec l’ombre de l’autorité voulue, qu’obéissant inconsciemment à l’instinct de la conservation, elle ne prend point alors le peu de nourriture dont son corps semble avoir besoin, et n’obeisse encore aux autres servitudes de la nature humaine. »

À cette explication naturelle on ne manquera sans doute pas d’opposer des objections : Comment, dira-t-on, si elle mange, ne s’en aperçoit-on pas, le matin, à la diminution de l’approvisionnement ? Comment se procure-t-elle ces aliments ? Comment les supporterait-elle, si, éveillée, elle restitue tout ce qu’elle confie à son estomac ?

Répondant à la première de ces objections, M. Warlomont admet que Louise n’a besoin, comme ses sœurs, qui sont, paraît-il, presque aussi sobres qu’elle, que les très-petites quantités d’aliments, et que le déchet peut facilement passer inaperçu ou être mis sur le compte de la charité, dont la pratique est en permanence chez ces jeunes filles. Quant à la seconde, la réponse est plus facile encore : le garde-manger est à son entière disposition, y compris l’armoire de sa propre cellule,

qui, au moment où le hasard nous y fait jeter les yeux, contenait des fruits, du pain, de l’eau, précisément les substances que son estomac supportait dans les derniers temps où elle se souvient qu’elle mangeait encore. Reste la troisième : eh bien ! nous la trouvons résolue tout entière dans l’observation de la malade de M. C…, qui vomissait tout ce qu’elle mangeait, étant éveillée, tandis qu’elle digérait admirablement tout ce qu’elle prenait, étant dans l’état de « condition seconde ». Le fait lui-même d’ailleurs ne reste-t-il pas à établir ?

M. Warlomont donne cette hypothèse pour ce qu’elle vaut, mais, entre le parjure et le sommeil nerveux il n’hésite pas un instant : c’est à cette dernière hypothèse qu’il s’arrête.

L’abstinence de Louise Lateau, dans les termes où elle est posée, est contraire aux lois de la physiologie, et il n’y a pas à prouver qu’elle est controuvée. Étant établi qu’elle est en dehors de ces lois, c’est à ceux qui l’affirment d’en faire la démonstration. Jusque là, la physiologie doit la tenir pour apocryphe.

Est-ce à dire pour cela que M. Warlormont entende arrêter [p. 967-1] ici es débats et tenir la cause de l’abstinence miraculeuse pour jugée dans son ensemble et dans les détails ? Loin de là. Il appelle au contraire, de tous ses vœux une enquête rigoureuse, une enquête physiologique, propre à donner le chiffre des émissions physiologiques chez Louise Lateau, et à permettre en même temps de constater d’une manière décisive la quantité et la qualité de ses recettes. Il y a loin d’une enquête semblable à celle dont il a été jusqu’ici question, et qui consisterait en une simple surveillance, un espionnage ininterrompu, dirigé dans le but de constater l’absence ou la réalité de l’ingestion de matières alimentaires. Une semblable inquisition serait grosse de difficultés et de périls, et l’on devra réfléchir mûrement avant que de l’entreprendre.

« Et il faut cependant, dit M. Warlomont, que cette enquête se fasse. Il le faut dans l’intérêt de la morale publique, fatiguée d’entendre sans cesse les accusations tombant de toutes parts, tantôt sur ces mécréants, ces libres penseurs, ces pharisiens, qui ne veulent croire à rien, tantôt sur les ministres d’une religion ayant droit à tous les respects, et qui, à défaut de cette enquête, donnent carrière à tous les doutes, à toutes les suspicions.

«  Au point de vue scientifique, les extases et les stigmates doivent être scrupuleusement séparés de cette prétendue abstinence que la physiologie repousse. Au point de vue social, il importe, au contraire, de ne point les en disjoindre. Il ne faut pas que, chassé d’un côté, le fanatisme aveugle puisse entrer d’un autre, dans un domaine où la lumière n’est point faite. L’Eglise, nous dit-on, n’a pas prononcé ; elle se recueille et attend. Mais, en attendant, l’œuvre de propagande s’accomplit, le flot de la crédulité, encouragé par d’éloquents silences, monte incessamment, et, à l’égal de celui de la mer, rompt toutes les digues. Il faut que la vérité se fasse. Il faut que la religion ait son miracle vrai ou se débarrasse, au plus tût, d’un miracle suspect. En ma qualité de catholique, je le demande solennellement, et je sais que M. Lefebvre se joindra à moi pour le demander, pour l’exiger.

«  Le gant est jeté à la science de cent côtés à la fois. Cette science est sincère et demande à voir de ses propres yeux. La médecine n’a fait de progrès sérieux que depuis qu’elle compte et mesure objectivement.

« Eh quoi ! Louise Lateau ferait des dépenses continuelles sans faire jamais aucunes recettes, et son équilibre organique ne varierait pas ! Ce serait une soustraction continuelle sans diminution de la masse ! Et l’on voudrait nous faire croire semblable chose sans nous permettre de la toucher du doigt ! Mais avons-nous jamais vu un chiffre se fausser depuis que nous calculons ? des étoiles s’égarer depuis qu’on a mesuré leurs orbites ?

« On a dit — des ennemis de la religion sans doute — que ceux qui ont juridiction sur Louise Lateau ne permettront jamais qu’elle soit placée dans une autre demeure que la sienne, ou que des hommes restent la nuit dans sa chambre, dans le but de contrôler le fait matériel de l’abstinence. Ce serait là une fin de non recevoir et elle serait sévèrement jugée. On veut mille égards ; mais de quelle utilité pourrait-il être de fermer quatre-vingt-dix-neuf portes si l’on en laisse une centième ouverte au doute, à la fraude ? Nous nous refusons

à croire à un semblable parti pris. Ce n’est pas après avoir jeté au public, depuis tantôt quatre ans, un fait aussi retentissant, qu’il pourrait être permis d’en refuser la contrôle complet. [p. 967-2]

« L’Académie s’associera sans doute unanimement à cette demande d’une épreuve décisive dont elle se réservait de fixer les termes. Si ce vœu était repoussé, il ne resterait plus à ceux qui, dans la sincérité de leur âme, nous voulons le croire, ont exalté le fait du Bois-d’Haine en ce qui concerne l’abstinence, qu’à abandonner au passé et à demander au monde désabusé un indulgent et généreux oubli.

« En faisant cette sommation respectueuse, nous ne croyons commettre aucune irrévérence. « La vérité, a dit M. Lefebvre, est une fille du ciel : quand elle descend parmi les hommes, qu’elle soit populaire et triomphante, ou qu’elle soit humble et méprisée, l’Eglise l’accueille toujours, hôtesse divine, et l’entoure de ses tendresses et de ses respects. » Cette vérité nous l’avons recherchée dans tout ce travail, collaborant ainsi à l’œuvre de M. Lefebvre, dont, au degré près peut-être, nous partageons les croyances. Notre cher et éminent collègue a cherché à fixer le cas de Louise Lateau, et il a déclaré simplement et sincèrement qu’il n’a trouvé à l’assimiler à aucune maladie connue. Nous avons fait comme lui, mais nous sommes arrivé à un résultat différent. M. Lefebvre a parlé de l’abstinence de Louise Lateau, mais il a déclaré que, pour revêtir le caractère d’une authenticité scientifique, il fallait que cette jeune fille fût soumise à des épreuves spéciales. Notre honorable collègue nous a donc précédé dans cette voie ou nous nous plaçons aujourd’hui, et nous ne pouvions mieux faire que de l’y suivre. »

IX

Pour conclure, le rapport résume, dans les propositions suivantes, les vues de la Commission en ce qui concerne le fait de Bois-d’Haine, dans son ensemble.

1° Les deux termes du dilemme de M. Virchow : « Supercherie ou miracle », en tant qu’ils s’appliquent aux extases et aux stigmates de Louise Lateau, doivent être écartés. Ces extases et ces stigmates sont réels. Ils s’expliquent physiologiquement;

2° Les phénomènes présentés par Louise Lateau constituent une maladie de l’ordre des névroses. Il convient la classer dans les cadres nosologiques sous le nom de « névropathie stigmatique ».

3° Louise Lateau travaille et dépense du calorique ; elle perd tous les vendredis une certaine quantité de sang par les stigmates ; les gaz qu’elle expire renferment de la vapeur d’eau et de l’acide carbonique ; son poids n’a guère varié depuis qu’elle est en observation ; donc elle brûle du carbone, et ce n’est pas à son propre organisme qu’elle l’emprunte. Où le prend-elle ? La physiologie répond : elle mange.

4° L’abstinence de Louise Lateau, dans les termes où elle est posée, est contraire aux lois de la physiologie ct il n’y a point, dès lors, à prouver qu’elle est controuvée. Étant établi qu’elle est en dehors de ces lois, c’est à ceux qui l’affirment à en faire la démonstration. Jusque-là, la physiologie doit la tenir pour apocryphe.

Nous ne terminerons pas sans féliciter M. Warlomont et M. le docteur Duwez qui l’a aidé dans toutes les parties de ce long travail, pour avoir su si bien allier la fermeté à la modération dans un sujet où il est si facile de se laisser entrainer, d’un côté comme de l’autre, à mettre la passion à la place de la raison. La science veut être défendue et servie [p. 968-1] avec calme, quel que soit le terrain de la lutte, et les triomphes les plus bruyants ne sont pas toujours les plus utiles. Il faut savoir critiquer patiemment toutes les objections et tous les sujets.

Sans doute M. Warlomont n’a pas tout éclairci ; mais il a expliqué certaines choses. il a porté la lumière sur d’autres qui n’avaient pas besoin d’explication proprement dite, et il a beaucoup circonscrit le champ de l’inconnu, de l’inconscient ou du mystère, comme on voudra l’appeler. Mais là même, au moins sur un point, il propose d’apporter le flambeau de l’analyse scientifique qu’on en a écarté jusqu’ici. Après M. Lefèvre, professeur de l’université catholique de Louvain — et que son livre sur Louise Lateau doit mettre à l’abri de tout soupçon, si sa qualité ne suffisait pas à le cautionner aux yeux des hommes les plus ardemment religieux, — M. Warlomont vient à son tour, en catholique respectueux et clairvoyant, demander à soumettre l’abstinence continue de Louise Lateau à l’enquête physiologique la plus simple et la plus naturelle.

On prétend que M. l’évêque de Tournai voudrait s’y opposer. Cela ne peut pas être exact. Après avoir engagé tant de personnes honorables dans l’affaire des miracles de Bois-d’Haine, intervenir pour fermer la porte au moment décisif, ce serait bien pis que d’être battu.

 

NOTES

(1) La commission se composait de MM. Fossion, Mascart et Warlomont, rapporteur. M. Fossion, empêché, s’en est retiré et n’a pas été remplacé. — Le rapport complet a paru, à Bruxelles, chez L. Muquardt libraire de la cour ; à Paris, chez J.-B. Baillière, rue Hautefeuille, 19, et pour toute l’Allemagne chez Muquardt, Verlag Expédition à Leipzig.

(2) H. Bennett, Leçons cliniques sur les principes et la pratique de la médecine, trad. franc., par Lebrun, Paris, Masson, 1873, t. Il, p. 264.

(3) Dans un travail sur le purpura, M. Richardson (the Lancet, 28 novembre 1874, p. 776) donne une explication physiologique des stigmates qui s’accorde parfaitement avec celle-ci : « L’auteur anglais, dit M. Warlomont, (Chapitre 65) a reconnu qu’il se forme à certains points une tuméfaction légère sous-cutanée à laquelle on peut donner le nom d’anéorysme ; nous devons dire qu’il s’est en cela merveilleusement rencontré avec M. Duwez, qui, longtemps déjà avant l’apparition de cet article, avait baptisé du nom d’« angiome » le processus stigmatique de Louise Lateau.

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