L. Dupuis. L’hallucination au point de vue psychologique. Article paru dans la « Revue Philosophique de la France et de l’Etranger », (Paris), trente-deuxième année, tome LXIII, janvier à juin 1907, pp. 620-643.

L. Dupuis. L’hallucination au point de vue psychologique. Article paru dans la « Revue Philosophique de la France et de l’Etranger », (Paris), trente-deuxième année, tome LXIII, janvier à juin 1907, pp. 620-643.

L. Dupuis. L’auteur trouve la caractéristique de l’hallucination moins dans les qualités de l’image sensorielle que dans l’attitude d’esprit qui l’accueil. Une approche singulière, critique de celle de Taine.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons renvoyé les notes in texte en find’article.
 – Les images ont été ajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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L’HALLUCATION DU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE

De toutes les questions encore pendantes en psychologie pathologique, il n’en est peut-être pas qui ait provoqué des controverses plus nombreuses et, semble-t-il, plus éloignées de s’éteindre que celle de l’hallucination. Bien des problèmes longtemps discutés ont reçu ou paraissent sur le point de recevoir une solution définitive. C’est ainsi que la quasi-unanimité des auteurs se sont ralliés à l’interprétation proposée par M. Janet de l’anesthésie et des idées fixes des hystériques. C’est ainsi encore que les recherches de M. Dumas et le livre plus récent de M. le docteur Masselon (1) ont fixé les principaux traits de la psychologie des mélancoliques. Mais sur le phénomène de l’hallucination, qui apparaissait déjà à Moreau de Tours, en 1845, comme « le plus intéressant peut-être de la pathologie mentale », l’accord paraît aussi loin que jamais de s’établir. Au moment même où M. Janet rattache ce fait à ses idées personnelles sur la synthèse mentale, Tamburini l’attribue à un état irritatif des centres sensoriels corticaux (2) » et M. Séglas estime que la conception de Tamburini devrait être universellement adoptée. Les théories sont innombrables et rien ne fait présager que l’une d’elles soit à la veille de supplanter ses rivales. Si l’on en croit M. Ribot, cette abondance de doctrines s’expliquerait suffisamment par l’extrême complexité du phénomène qui l’a suscitée. Jetons un rapide coup d’œil sur l’expérience. Nous constatons tout d’abord que si l’hallucination appartient de droit à la pathologie mentale, elle se rencontre néanmoins dans une foule d’états qui ne paraissent rien avoir de pathologique. Toutes les études sur la matière mentionnent le cas d’Andral qui un matin au réveil, dans une période de parfaite santé, vit tout à coup apparaître devant lui le cadavre d’un enfant dont l’aspect horrible l’avait profondément impressionné, la veille, à l’amphithéâtre de dissection ; [p. 621] personne n’ignore non plus le cas, particulièrement typique, de Nicolaï, le libraire de Berlin, qui, visité pendant plusieurs semaines par des fantômes variés, s’amusa à faire sur ces apparitions d’ingénieuses expériences psychologiques dont il nous a laissé une relation si intéressante. On pourrait énumérer aussi un grand nombre d’hallucinations qui se rapprochent par degrés insensibles des illusions de l’état normal. Maury traversant un jour le Pont-Neuf, prit un colporteur qui passait, avec une glace sur ses crochets, pour un cuirassier à cheval dont il croyait distinguer tout l’uniforme. Entre cette illusion et celle des passagers d’un navire qui croient apercevoir la terre dans la masse indécise des nues lointaines, il n’y a, semble-t-il, qu’une différence de degré. Ainsi l’hallucination qui entre, sous des formes diverses et à des titres différents, dans presque tous les états anormaux de l’esprit humain, semble encore pouvoir traverser, sans l’altérer, le cours de sa vie normale ; et la multitude des théories vient en partie de ce que les psychologues se sont crus autorisés par cette circonstance à donner leur avis sur la question.

Mais dans la seule classe des hallucinations franchement morbides, quelle étonnante diversité si l’on néglige les différences secondaires, comme celles qui tiennent à la nature des sens affectés, pour considérer seulement les différences psychologiques internes résultant des rapports de l’élément hallucinatoire avec la synthèse personnelle ! Que de variétés originales et bien tranchées, depuis les hallucinations symboliques des scrupuleux, à peine estompées, imparfaitement extériorisées, à la fois conscientes (3), et rectifiées, jusqu’aux grandes hallucinations monoidéiques des rêves émotifs que M. Janet a si magistralement analysées chez ses hystériques, en passant par les hallucinations des délires systématiques, conscientes mais non rectifiées et par les hallucinations à demi conscientes, à demi rectifiées, de l’ivresse légère du haschich ou de l’opium !

Enfin si nous examinions les facteurs susceptibles de déterminer la production du phénomène, nous ne trouverions pas une [p. 622] diversité moindre, ni moins déconcertante affections des organes sensoriels, graves ou bénignes, depuis les lésions profondes de la cornée jusqu’au bouchon de cérumen obstruant et irritant le conduit auditif, tumeurs variées de l’encéphale, troubles congestifs, causes débilitantes comme la faim, la soif ou le froid, prolongation ou répétition exagérées d’une impression sensorielle, détente de l’esprit et jusqu’à la volonté, si le cas de Gœthe est authentique et s’il faut en croire le Dr Dagonet (5), il n’est pas de cause susceptible de troubler ou seulement de mettre en activité le système nerveux, central ou périphérique, qui ne puisse, le cas échéant, témoigner d’un certain pouvoir hallucinogène.

II semble donc bien que les caractères de l’hallucination soient en effet trop nombreux et trop disparates pour s’accommoder d’une seule explication des faits aussi divers ne pouvaient manquer d’engendrer les interprétations les plus variées. Pourtant, lorsqu’on pénètre un peu avant dans l’examen des doctrines, leur apparente diversité ne tarde pas à s’effacer ; bientôt même on croit découvrir que la plus considérable de leurs différences pourrait bien se ramener à celle des langues employées, et que psychologues, aliénistes, anatomistes se seraient fait de la difficulté à résoudre une idée très analogue et en auraient cherché la solution dans des directions très voisines. Mais si cela était, l’échec réitéré et la multiplication incessante des tentatives d’interprétation auraient une cause tout autre que celle que nous étions tentés de leur supposer il faudrait admettre, sans doute, que la question a toujours été mal posée et qu’une méprise persistante a engagé la spéculation dans une voie sans issue.

C’est qu’aussi bien, sous son extrême richesse morphologique, l’hallucination offre à l’observateur un caractère essentiel, constant, qui, dégagé pour la première fois par Baillarger, a été désigné par lui d’un nom excellent l’extériorité spontanée de la représentation. Qu’elle soit consciente ou inconsciente, acceptée ou rectifiée, symbolique ou littérale, éclatante ou terne, atrophiée ou épanouie, dans tous les cas nous y découvrons un élément identique le sujet croit percevoir un objet extérieur, ou pour employer une formule qui ne paraisse pas exclure les hallucinations de la sensibilité générale, [p. 623] accuse une sensation en l’absence du facteur normalement requis pour la déterminer. Voilà le trait spécifique, voilà aussi le trait saillant de l’hallucination tous les auteurs estimèrent avec raison qu’on expliquerait celle-ci si l’on expliquait celui-là. Mais en s’imposant à leur attention, il leur imposa du même coup une direction de recherches très déterminée. Cette extériorité, en effet, se présente à l’observation objective comme une propriété intrinsèque de la représentation qui en est affectée; l’esprit halluciné semble la percevoir immédiatement dans l’hallucination comme le sujet éveillé la perçoit dans la sensation ordinaire ; elle lui est donnée comme une modalité constitutive de l’objet imaginaire ; le problème leur parut donc se poser tout naturellement en ces termes comment une de nos représentations peut-elle acquérir l’attribut de l’extériorité sans l’intervention du facteur physique qui le communique à la perception physiologique ? Et tout naturellement aussi les réponses devaient revêtir deux formes suivant qu’on les demanderait à la psychologie ou à l’anatomie cérébrale.

Pour les auteurs qui ont fait appel aux considérations psychologiques, il ne pouvait guère y avoir de doute ni sur la nature de l’élément qui fait les frais de l’hallucination, ni sur celle de la transformation qu’il doit subir pour engendrer ce phénomène. Si en effet les concepts et les états proprement intellectuels nous semblent absolument inextensifs, l’image normale nous paraît au contraire, comme la perception dont elle dérive, localisée en quelque manière dans l’espace. Assurément nous savons qu’elle n’y est pas, mais nous l’y voyons cependant, quoique d’une façon moins précise, moins nette que la perception. Que faudra-t-il donc pour que nous éprouvions cette fausse perception qu’est l’hallucination ? Tout simplement que les qualités sensibles de l’image se précisent et s’accusent ; la localisation extérieure, qui en est l’expression, s’accusera du même coup et à un certain moment l’image aura rejoint la perception. Tel est le schéma de la conception psychologique. Certes les auteurs qui adoptent cette manière de voir diffèrent beaucoup et sur le nom qu’ils donnent à cette hypertrophie de l’image et sur la cause qu’ils lui attribuent les uns la désignent sous le terme extrêmement vague d’intensité et la font résulter de l’activité normale de l’imagination, ou même, comme autrefois Brierre de Boismont, de la volonté; les autres la [p. 624] regardent comme l’effet d’un développement automatique qu’ils rapportent à l’insuffisance des réducteurs et à la lésion du pouvoir d’arrêt, conçue elle-même de façons très diverses. Mais tous sont d’accord pour faire consister l’extériorité, caractère constitutif de l’hallucination, dans une transformation intrinsèque de l’image. Le sujet croit avoir affaire à une perception parce que l’image a subi une modification qui effectivement fait d’elle une perception. Pour suggérer une hallucination à une hystérique, dit M. Janet, par exemple, l’hallucination d’un mouton, il ne suffit pas de lui dire, même en criant très fort : « II y a un mouton devant toi », il faut lui détailler les diverses parties du corps de l’animal ; à un certain moment le sujet s’écriera spontanément « C’est un vrai mouton! » » « La complexité de l’image, comme le montrait M. Souriau, a donné naissance à son objectivité (5)». Et dans son dernier ouvrage, M. Janet considère encore comme bien vraisemblable que c’est au nombre et à la richesse des images évoquées à propos d’une même idée qu’est dû le caractère de réalité apparente des hallucinations hystériques (6) ». Hoffding, il est vrai, hésite à se prononcer « c’est une question obscure, dit-il, que celle de savoir si les hallucinations et pseudo-hallucinations peuvent naître des représentations ordinaires (souvenirs) dont la force et la vivacité auraient été accrues ou si elles en sont complètement différentes (7) ». Mais M. Dumas se rencontre avec M. Janet, et précisément à l’occasion d’une critique qu’il adresse à une autre théorie de l’auteur. La fonction du réel fait remarquer M. Dumas, dans le compte rendu de l’ouvrage que nous venons de citer, ne peut pas être suffisamment définie par la tension psychologique, car cette tension peut être très basse dans des états où le sentiment du réel existe au plus haut degré, comme par exemple dans les hallucinations « évidemment, ajoute-t-il, le sentiment du réel tient surtout ici « l’intensité relative des images du rêve par rapport aux images plus atténuées de la veille (8). »

Ces citations suffiront, je crois, pour illustrer la théorie psychologique. Cette théorie est-elle satisfaisante ? On pourrait élever [p. 625] tout d’abord quelques difficultés au sujet de l’assimilation tacite que les auteurs, et M. Janet, en particulier, paraissent établir entre l’extériorité et la réalité de l’hallucination. M. Janet semble penser que l’extériorité, engendrée par une complexité plus grande, engendre ipso facto la réalité. Or, très certainement ces deux attributs sont dans une relation assez étroite et le sujet, toutes choses égales, sera d’autant plus enclin à admettre la réalité objective de sa pseudo-perception qu’elle lui paraîtra plus nettement localisée au dehors. Mais cela n’est vrai que toutes choses égales et il s’en faut qu’on constate toujours une proportion rigoureuse entre la teneur sensorielle de l’image et ce que j’appellerais la conviction hallucinatoire (9). Les tableaux évoqués dans l’ivresse du haschich ou de l’opium, s’il faut en croire Moreau de Tours, Baudelaire, Thomas de Quincey et tous ceux qui nous ont laissé des confidences sur ce point, ont une netteté et une vivacité extraordinaires, égales pour le moins à celles des représentations qui constituent la zoopsie du délire alcoolique ; et pourtant, dans le premier cas, le sujet garde toujours une conscience légère et souvent même une conscience parfaite de la subjectivité des scènes présentes à son imagination ; — il les voit extérieures mais les sait irréelles, — tandis que dans le second le malade accepte généralement sans réserve la réalité des formes immondes qui fourmillent devant lui. Et si, comme le prétend M. Souriau, la complexité de nos représentations était à nos yeux le critérium décisif de leur existence objective, les hallucinations de Nicolaï, dont j’ai parlé plus haut, auraient dû s’imposer à lui d’une façon irrésistible ces fantômes qui se multipliaient, allant et venant dans l’appartement, causant entre eux ou avec le malade, présentaient toutes les conditions requises pour l’application du critérium. Et cependant Nicolaï ne fut pas un instant dupe de l’illusion « une disposition d’esprit, nous dit-il sans s’expliquer davantage, me permettait de ne pas confondre ces [p. 626] fausses perceptions avec la réalité ». — On pourrait multiplier les faits de cette sorte et approfondir l’objection ; mais le vrai point de la discussion n’est pas là il s’agit exclusivement de savoir si l’on définit convenablement l’extériorité de la représentation hallucinatoire en l’identifiant au plus haut degré d’intensité ou de complexité que puisse atteindre l’image sensorielle.

Une réponse décisive a été faite depuis longtemps à chaque instant, à l’état de veille, nous pouvons voir nos images varier sous le rapport de l’intensité ou de la complexité, sans qu’il nous soit donné de constater une variation corrélative dans leur subjectivité. Nous penserons, je suppose, à un de nos amis d’une façon distraite et nous nous contenterons d’une représentation vague, indécise entre le concept et l’image proprement dite ; puis une circonstance concrète, l’arrivée d’une lettre, ou la reviviscence d’un souvenir affectif viendra stimuler l’imagination visuelle et nous permettra d’évoquer l’image vive, colorée et précise de son visage mais dans ce passage de la forme fruste à la forme achevée et parfaite, l’image ne présentera rien qui ressemble à un commencement d’extériorisation ; pas plus que nous ne serons tentés de croire à la présence réelle de cet ami dans le milieu qui nous entoure, nous ne serons tentés d’y localiser son image celle-ci, en enrichissant son contenu, a gardé intacte sa qualification subjective. Et, plus généralement, les représentations du visuel le mieux doué ne sont ni plus ni moins intérieures que celles du visuel le plus médiocre. Nous pouvons donc conclure que si nos images deviennent toujours plus vives quand elles subissent l’extériorisation hallucinatoire comme on peut l’admettre avec quelques réserves en revanche il n’est pas exact le moins du monde qu’elles tendent à s’extérioriser quand elles deviennent plus vives.

Il n’est pas douteux que le sentiment des difficultés inhérentes à la position psychologique ait contribué de bonne heure à en faire adopter une autre, en apparence toute différente historiquement, en effet, la plupart des théories cérébrales procèdent de Baillarger et il serait intéressant de montrer tout au long, si c’en était le lieu, comment elles ont été inspirées par le besoin plus ou moins conscient d’harmoniser, en l’appauvrissant, la pensée très compréhensive, mais insuffisamment systématique du grand aliéniste. On se rappelle que Baillarger avait assigné à l’hallucination deux [p. 627] conditions essentielles, le relâchement, de l’attention et l’excitation interne des organes des sens (avec la suspension des impressions externes) mais l’hétérogénéité de ces facteurs saute aux yeux ; comment leurs actions se combinent-elles ? faute de pouvoir répondre à cette question les auteurs qui reprirent après lui l’étude du problème négligèrent de plus en plus la considération du premier facteur pour attribuer au second seul la production de l’hallucination. Et le schéma de la conception physiologique est aussi simple que celui de la conception psychologique. Nous savons que le phénomène de la perception consciente correspond à la phase ultime du processus sensoriel, c’est-à-dire à l’ébranlement des centres. Nous savons d’autre part que chaque appareil nerveux a une façon uniforme de répondre à tous les excitants. Rapprochons ces deux idées et nous aurons la clef du problème. Car si les centres sensoriels, viennent à être provoqués par une excitation intracérébrale, tumeur, accident congestif ou tout autre trouble encéphalique, ils réagiront conformément à leur nature en faisant pénétrer dans la conscience une perception. L’hallucination est produite par l’irritation interne des centres sensoriels. C’est la théorie de Tamburini et nous avons vu l’estime en laquelle la tient un aliéniste aussi autorisé que M. Séglas ; c’est, avec des variantes sans intérêt, celle d’un très grand nombre d’auteurs ; elle leur a paru contenir tout ce qui est requis pour expliquer l’hallucination et en particulier ce caractère de l’extériorité spontanée dont la théorie purement psychologique ne parvient pas à rendre compte comment en effet une représentation qui a la même condition essentielle que la perception véritable n’aurait-elle pas, aux yeux du sujet, l’aspect d’une véritable perception ?

Mais si séduisante qu’elle soit, dans sa simplicité, cette solution ne résiste pas à la critique. Accordons à ses partisans l’hypothèse, parfois vérifiée, souvent toute gratuite, d’une irritation organique agissant sur la portion centrale de l’organe perceptif. Ils devront nous accorder à leur tour que cet excitant interne ne ressemble absolument en rien à l’excitation externe ordinaire. Jamais, par exemple, la pression exercée sur le centre auditif par une poussée congestive ou par une infiltration de tissu de sclérose n’y déterminera d’elle-même une activité systématisée comme celle qu’y produirait, je suppose, une phrase prononcée au dehors. Jamais [p. 628] cette irritation organique interne ne pourra, avec ses seules ressources, créer de toutes pièces une perception complexe, c’est-à-dire une hallucination véritable. Il faudra donc qu’elle mette en jeu les ressources des centres, et tout son pouvoir n’ira qu’à solliciter l’activité des régions de l’écorce où sont déposées les images, à en relever si l’on veut l’énergie de fonctionnement, à faire passer celle-ci de la forme latente à la forme explicite. Qu’est-ce à dire sinon qu’elle ne saurait avoir d’autre effet intelligible que de provoquer la reproduction des images dans la conscience et d’augmenter l’intensité de ces éléments ? Qu’est-ce à dire enfin sinon que la théorie cérébrale de l’hallucination est purement et simplement la transposition anatomique, l’expression inconsciente et comme la forme larvée de la théorie psychologique ? Sans préjudice des difficultés qui lui sont propres, et qu’il serait aisé de mettre en lumière, elle succombe donc comme celle-ci à l’objection préjudicielle l’extériorité d’une représentation est tout autre chose que l’accroissement de sa complexité ou de son intensité. Qu’est-elle donc enfin ? il est évident que nous ne l’apprendrons pas si nous gardons la ligne de recherches ordinairement suivie. Nous devons trouver un autre point de vue. Ce changement de perspective nous est d’ailleurs facilité par une remarque générale tous les auteurs qui ont étudié l’hallucination ont insisté, avec plus ou moins de force, sur l’importance des troubles mentaux qui enveloppent son apparition. Voyons donc si l’extériorité de la représentation hallucinatoire, inexplicable quand on considère seulement l’élément psychique qui la revêt, ne s’expliquerait pas au contraire par l’état psychologique du sujet à qui elle se manifeste.

« L’examen de la question, dit Baillarger, dans son célèbre mémoire de 1844, m’a conduit à admettre que l’exercice involontaire des facultés est toujours la condition la plus propre à la production des hallucinations. » Le relâchement de l’attention est en effet manifeste dans un grand nombre de cas ; la suggestion hypnotique, au moyen de laquelle on peut obtenir des hallucinations si remarquables, consiste tout d’abord à briser les liens d’attention qui attachent l’esprit au monde extérieur et à ses propres idées. Mais il est une expérience privilégiée qui nous permet d’observer ce phénomène du dedans, pour ainsi dire je veux parler de l’état [p. 629] hypnagogique si précieux pour le psychologue par sa nature mixte entre la veille et le rêve, par le mélange, qui le constitue, d’automatisme et de conscience. Or si nous ne voyons pas la lésion du centre sensoriel engendrer l’hallucination, comme le veut Tamburini, nous pouvons, dans la période hypnagogique, voir les hallucinations se constituer avec la substance même de l’attention et de la conscience désorganisées. L’esprit, semble-t-il, commence par se détacher du réel et par poser en blanc le monde des rêves ; il perçoit encore à demi les excitations extérieures, mais il ne les perçoit plus qu’à demi, il ne les sent plus qu’à la périphérie de lui-même; dans la clarté incertaine de cet état crépusculaire l’aspect des choses réelles se pervertit, s’exagère, et les formes surnaturelles commencent leur apparition ; les images hypnagogiques se présentent manifestement pour remplir le vide créé par l’évanouissement du moi ce sont les lutins qui viennent jouer dans la maison abandonnée. Baillarger, qui, avant Maury, a très bien décrit ces caractères, a très bien noté aussi que l’inertie complète de la volonté était la condition indispensable à l’éclosion des images hallucinatoires et tout le monde a pu constater en effet qu’il suffisait quelquefois du mouvement de curiosité consciente suscité par l’une d’elles pour faire évanouir tout le mirage.

Sans doute le relâchement de l’attention n’est pas toujours aussi facile à constater ; néanmoins il semble que l’analyse parviendrait à le dégager le plus souvent. C’est ainsi que l’hallucination d’Andral eut lieu le matin au réveil et l’on sait qu’avant de revenir à la veille parfaite l’esprit traverse un état très analogue à l’assoupissement hypnagogique, bien que moins accentué de là peut-être ces sentiments d’étrangeté, d’étonnement à nuance métaphysique, qu’on peut observer parfois dans les instants immédiatement consécutifs au réveil. Enfin Maury fait très justement remarquer et il devait précisément cette remarque à l’introspection hypnagogique, que le relâchement de l’attention, nécessaire à la production de l’hallucination, peut-être de très courte durée, « une seconde ou peut-être moins » ; et Moreau de Tours croit que l’hallucination est toujours « le résultat d’un bouleversement général, mais rapide et instantané de l’esprit (10) ».

Et si maintenant nous nous rappelons ce qui a été dit plus haut [p. 630] touchant les images de la veille et le défaut de toute proportion entre les changements de complexité de ces éléments et les variations de leur intériorité, nous serons autorisés sans doute à poser la loi suivante quand l’attention reste la même, l’intériorité de l’image ne varie pas : quand elle se relâche, l’image acquiert, ipso facto, l’extériorité, pour la perdre de nouveau et instantanément dès que l’attention se rétablit. Il y a, à n’en pas douter, une relation intime entre les modifications de l’attention et celles de la subjectivité ou de l’objectivité des images. Mais cette relation tout empirique ne peut satisfaire l’esprit et le vœu du psychologue serait évidemment de lui substituer un rapport intelligible, ce serait de démontrer que l’image sensorielle est nécessairement idéale lorsqu’elle s’éveille dans un esprit attentif, nécessairement extérieure quand elle s’éveille dans un esprit détendu.

La difficulté serait évidemment insoluble si le relâchement de l’attention devait ajouter quelque chose à l’image ; elle se trouvera au contraire posée d’une façon très favorable si cette dernière a déjà en elle tout ce qui est nécessaire pour faire une hallucination, si la suppression du pouvoir de contrôle n’est pour elle qu’une occasion de manifester ses virtualités. La première question que doit envisager le psychologue de l’hallucination, c’est donc, semble-t-il, celle de la nature de l’image considérée intrinsèquement et abstraction faite de l’influence que l’attention peut exercer sur elle.

Cette question a été moins examinée que résolue par l’accord tacite de tous les auteurs. L’image, dit-on, est la trace laissée par la perception. Mais cette définition, assez vague, peut être entendue de plusieurs façons et il ne semble pas que ce soit de la façon la plus exacte qu’on l’entende ordinairement. Il est manifeste que ceux qui définissent l’image comme la trace ou l’écho affaiblis de la perception n’envisagent plus dans cette dernière qu’un seul de ses éléments, l’excitation centripète ; c’est le réveil, à l’état faible, de cette excitation, qui selon eux, constitue l’image si bien que pour expliquer la transformation hallucinatoire de celle-ci, ils sont obligés de faire intervenir un facteur supplémentaire qui rende à cette sensation débile la couleur et la force de la sensation primitive, d’où enfin l’hypothèse d’une irritation organique agissant violemment sur le centre sensoriel. Mais pourquoi [p. 631] donc oublier, quand on étudie l’image, ce qu’on sait fort bien quand on étudie la perception, à savoir que celle-ci est composée de deux éléments, un apport du monde extérieur et un apport du sujet, une excitation allant de la périphérie aux centres et une réponse des centres à cette excitation, une réaction mal connue encore de l’organisme psychophysique qui a pour fin d’assimiler cette sensation au moi, d’en faire un des moments de la personne identique ? Or si l’image est la trace laissée par la perception, elle comprend comme celle-ci une réaction du sujet. Mais ce qui la distingue de la perception, c’est évidemment que cette réaction est une réaction toute faite organisée par l’activité synthétique dans l’opération de la perception, elle n’a plus qu’à jouer à la façon d’un mécanisme tout remonté l’image sensorielle est un réflexe d’une nature spéciale, mais c’est un réflexe. Le sujet en qui elle se réveille n’est donc pas simplement un esprit sollicité par une excitation afférente, de même espèce, mais plus faible que celle qui constitue la sensation c’est un esprit qui répète automatiquement la réaction effectuée jadis volontairement pour percevoir la sensation et qui, par conséquent, se trouve placé en fait dans une attitude qualitativement identique à celle du sujet qui perçoit ; ce qui se ranime en lui, ce n’est pas seulement un système de qualités sensibles qui auraient besoin, pour lui paraître extérieures, d’atteindre un certain degré de saturation c’est, en plus de ces qualités, un sentiment, une persuasion immédiate d’extériorité ce sujet voit et entend. Qu’est-ce à dire ? et l’hallucination ne consiste-t-elle pas précisément à voir ou à entendre sans y être invité par une excitation venue du dehors ? L’individu en qui se reproduit une image sensorielle est donc halluciné… il serait évidemment halluciné si une force étrangère n’intervenait pas pour modifier la situation.

Mais remarquons comme le problème a changé de forme ! Il ne s’agit plus en effet de savoir pourquoi, exceptionnellement, nous pouvons prendre une de nos images pour une perception, mais pourquoi toutes nos images ne nous apparaissent pas comme des perceptions, pourquoi l’attention nous empêche normalement d’être hallucinés.

Le nom de Taine et sa théorie des réducteurs reviennent naturellement ici à la mémoire; nous devions nous attendre d’ailleurs à retrouver sur notre chemin les théories réfutées dans la partie [p. 632] critique, car une conception de l’image hallucinatoire implique une conception corrélative de l’image normale mais c’est cette corrélation même qui nous dispensera d’une nouvelle réfutation. Taine considère l’hallucination comme une image à qui les circonstances ont permis de développer sa force expansive et de reprendre le volume et la vivacité de la perception l’image normale ne sera donc pour lui qu’une image plus terne, plus pauvre que l’hallucination mais si nous avons refusé d’admettre qu’on pût différencier l’hallucination par rapport l’image normale en appelant la première une image plus riche que la seconde, nous ne pouvons pas admettre davantage, cela va de soi, qu’on détermine convenablement l’image normale en la considérant comme une représentation plus pauvre, plus réduite que l’hallucination.

Ajoutons d’ailleurs que la façon même dont Taine se représente le mécanisme de la réduction ne correspond pas rigoureusement aux faits. Selon lui, en effet, si nos images sont ordinairement faibles et décolorées c’est qu’elles doivent partager la conscience avec les perceptions dont l’éclat plus intense fait pâlir le leur. Mais cette explication ne convient qu’aux rêves du sommeil naturel, quand le cerveau a cessé de recevoir les excitations du dehors ; elle ne saurait s’appliquer aux hallucinations suggérées pendant l’état de veille, aux hystériques dont tous les sens sont largement ouverts sur le monde extérieur. M. Janet, il est vrai a rectifié et précisé sur ce point les idées de Taine. Pour que des phénomènes, fait-il remarquer, puissent s’opposer les uns aux autres, « il ne suffit pas qu’ils soient simultanés ; il faut qu’ils soient réunis dans une même conscience » (11). Mais les hallucinations rectifiées ne sont telles précisément que parce que le sujet réunit dans une même conscience l’objet imaginaire et le milieu réel. Moreau de Tours nous a laissé la jolie description d’une hallucination qu’il éprouva un jour qu’il avait pris du haschich. Il se trouvait en visite dans un salon parisien, lorsque l’ivresse fit revivre en lui un épisode de son voyage en Égypte ; il réentendit très nettement le chant des bateliers ramant sur le Nil ; il rêvait, nous dit-il, et cependant conservait ses rapports naturels avec ce qui l’entourait ; « la meilleure preuve c’est que je répondais avec la présence d’esprit la plus entière aux [p. 633] questions mêmes que l’on m’adressait au sujet des chants que je disais entendre ».

Les auteurs qui se sont représenté la fonction de l’inhibition réductrice sous cette forme tout extérieure et mécanique, auraient bien dû s’aviser d’une difficulté plus grave encore. Si le polyïdéisme explicite est nécessaire pour empêcher les images de se dérouler automatiquement, pourquoi ce déroulement ne se produit-il pas dans un état bien connu de la veille où l’esprit réalise, autant qu’il est en lui, l’unité monoïdéique, je veux parler de l’attention spontanée appliquée à un système d’idées, comme dans le cas du savant absorbé par la recherche d’un problème et qui cesse de percevoir les excitations extérieures ? Vu du dehors, ce sujet ne se distingue pas du rêveur somnambulique dont la conscience est remplie tout entière par une seule idée cependant les modes d’activités qu’ils réalisent l’un et l’autre sont situés aux deux extrémités de la hiérarchie des fonctions psychiques et personne ne songe plus aujourd’hui à rapprocher, comme M. Ribot l’avait fait jadis, le monoïdéisme de l’attention du monoïdéisme de l’extase. Mais comment les distinguer ? La conception qui voit dans la subjectivité des faits psychiques le résultat en quelque sorte physique des réactions exercées par les éléments de l’esprit les uns sur les autres et comme l’oblitération de leurs qualités sensibles ne nous en fournit pas le moyen elle ne peut donc pas nous découvrir non plus la fonction psychologique dont l’exercice normal a pour effet d’inhiber la nature hallucinatoire de l’image sensorielle ou plus généralement d’idéaliser les processus subjectifs (12). Mais reprenons sous une forme plus précise et plus concrète l’objection qu’on vient de lire. Voici d’une part, dans un cercle spirite, un médium qui écrit sous la dictée de saint Vincent de Paul une dissertation [p. 634] quelconque sur la charité, ou bien voici une hystérique suggestionnée qui décrit à M. Janet le spectacle auquel elle croit assister ; il s’agit de l’assaut d’un château fort au moyen âge, le récit est conduit avec beaucoup de verve, l’illusion est parfaite ; — et voici d’autre part un écrivain qui dans un roman raconte une scène identique à celle que décrit l’hystérique ou qui prête à un de ses personnages des sentences morales analogues à celles que saint Vincent de Paul inspire au médium. La différence la plus saillante qui apparaisse tout d’abord entre les deux sujets anormaux et le sujet normal est précisément celle qui nous intéresse chez ces trois sujets, ce sont des processus idéaux qui se développent, mais chez les deux premiers leur idéalité est méconnue, chez le troisième elle est perçue. D’où vient cette différence ? On ne peut évidemment pas en chercher la raison dans le contenu des processus dont il s’agit par hypothèse ce sont les mêmes idées qui se développent dans les divers esprits. Pourquoi donc ces idées apparaissent-elles aux uns comme l’expression d’une réalité immédiate, à l’autre comme des idées, ce qu’elles sont véritablement ? La théorie courante serait tout particulièrement inadmissible ici, car l’expression d’intensité, déjà vague, lorsqu’on l’applique à une image, n’a plus aucun sens lorsqu’on l’applique à une idée d’autre part l’écrivain, parvenu à un certain degré de concentration mentale, peut perdre lui aussi, dans une certaine mesure, la conscience du monde extérieur.

Sera-t-il donc dans un état monoïdéique ? Non, son esprit est polyïdéique, comme celui de l’homme bien portant dont tous les sens communiquent avec le dehors ; mais il l’est d’une façon toute particulière les idées qui se développent en lui, pour n’être pas mises en relation avec la perception du monde extérieur, ne sont pas isolées pourtant dans sa conscience, comme les idées qui forment la trame du rêve somnambulique elles sont rattachées à quelque chose de plus profond, à un élément non phénoménal de la vie de l’esprit, l’attente efficace de leur apparition, la volonté de les développer. Le romancier s’est proposé de susciter en lui ces idées et le sentiment de cette résolution persiste pendant tout le travail ; il sait continuellement d’où il vient et où il va ; mais ni le médium, ni l’hystérique n’ont eu l’intention de raconter ou d’écrire ce qu’ils ont écrit ou raconté ; c’est d’eux-mêmes et automatiquement que [p. 635] les processus intellectuels se sont mis en branle dans leur esprit à la vérité ces processus sont bien régis par une idée (l’idée d’un château fort qu’on attaque ou de quelque chose à dire sur la charité) mais cette idée directrice fait corps avec le développement qu’elle dirige, comme l’idée de construire son nid est mêlée au système de mouvements par lesquels l’oiseau le construit en effet chez le sujet normal l’idée directrice est abstraite du processus dirigé et la conscience est dédoublée en activité surveillée et en activité surveillante, celle-ci suscitant, contrôlant et rectifiant celle-là.

Mais cette différence téléologique n’est-elle pas la raison de la différence morphologique qu’il s’agissait d’expliquer ? Poser la question, c’est évidemment la résoudre. Comment le sujet qui sent ses idées lui venir de lui-même pourrait-il croire en même temps qu’elles lui viennent du dehors ? La perception de l’idéalité ne fait qu’un avec le sentiment de subjectivité qui exprime lui-même immédiatement la subordination du processus intellectuel à une idée directrice. Nous pouvons donc rejeter le critérium proposé par M. Souriau. Ce qui constitue à nos yeux l’idéalité de nos idées, ce n’est pas leur moindre richesse par rapport à la perception, mais leur dépendance sentie à l’égard de notre volonté. Nous savons que notre corps est à nous parce que le mouvement de nos membres suit aussitôt la représentation kinesthésique, et nous savons que nos idées sont nôtres exactement pour la même raison. Il ne sera pas nécessaire, je crois, de démontrer bien longuement que l’idéalité de l’image sensorielle se déduit comme un cas particulier de cette loi générale. Rappelons-nous comment le problème se posait. L’image n’est pas seulement la reviviscence des qualités sensibles, ou de l’excitation centripète, mais la répétition de la réaction complexe par laquelle l’organisme avait répondu à cette excitation. Elle est en définitive la reproduction d’une perception, et néanmoins le sujet en qui elle s’éveille se rend compte qu’il ne perçoit pas véritablement ; il sait qu’il ne perçoit pas en réalité et pourtant il se trouve placé en fait dans l’attitude de la perception. Mais cette dernière expression est-elle bien exacte ou du moins ne suffirait-il pas de la modifier insensiblement pour jeter un jour inattendu sur la question ? Qu’arriverait-il en effet si le sujet qui se trouve placé en fait dans l’attitude de la perception, s’était placé de [p. 636] lui-même dans cette attitude, s’il l’avait prise sans provocation du dehors, mais à la suite d’une démarche libre et sentie comme telle, de son esprit ? Nécessairement il reconnaîtrait la subjectivité de son attitude et celle-ci, bien qu’intrinsèquement identique à la perception lui apparaîtrait comme une perception sans objet. Les processus intellectuels que nous avons examinés tout à l’heure étaient perçus comme idéaux en raison de leur subordination sentie à une idée directrice de même cette réaction particulière qu’est l’image sensorielle sera nécessairement perçue comme idéale si le sujet sent qu’il l’a effectuée parce qu’il l’a voulu, parce qu’il a eu préalablement l’idée de l’effectuer. Mais inversement si le sujet, pour reprendre l’expression employée plus haut, se trouve placé dans l’attitude mentale de la perception, sans avoir senti l’intention préalable de s’y placé, rien ne lui permettra de dominer sa propre situation psychologique, de l’apprécier, d’en reconnaître la signification symbolique il l’acceptera passivement, si l’on peut dire ; il la prendra dans son sens littéral, il sera halluciné.

A priori donc, l’idéalité de l’image sensorielle serait bien un effet de la fonction que nous avons étudiée tout à l’heure dans la plus explicite de ses manifestations. Et qu’elle le soit effectivement, c’est ce que vérifie encore l’observation, tant normale que pathologique. La chose est évidente, tout d’abord, pour les images volontairement évoquées. Mais les cas de ce genre sont les plus rares et l’immense majorité des images sensorielles semble se présenter spontanément, sans effort appréciable de ma part. Sans doute, mais il existe dans l’image normale un caractère bien remarquable, qu’on a négligé avec beaucoup d’autres je veux parler du sentiment intellectuel qui accompagne son apparition. Si on l’examine de près on lui trouvera une signification psychologique beaucoup plus importante que celle qu’on peut attribuer aux caractères tout négatifs de la faible intensité et de la privation de l’extériorité spatiale. Qu’elles soient péniblement appelées ou qu’elles surgissent sans que j’aie paru y penser le moins du monde, les images normales ne me surprennent en effet jamais, elles ne me causent jamais, fût-ce à un degré infinitésimal, le sentiment spécifique d’intérêt qui s’attache aux excitations venues du dehors. Il est impossible de s’intéresser soi-même en se racontant des histoires et le plaisir de la création artistique n’a rien de commun avec celui du rêve. [p. 637] Flaubert, qui eut des hallucinations, nous l’a attesté et la volupté qu’il éprouva à évoquer les scènes les plus pittoresques de Salambó était à coup sûr bien différente de celle que sentit Thomas de Quincey, le jour où sous l’influence de l’opium, il se crut transporté au milieu des sables de l’Égypte et vit défiler devant lui une légion romaine. L’exercice de l’imagination à l’état de veille peut nous procurer des émotions de différentes sortes, comme la joie active de l’invention et de la difficulté vaincue, ou bien, ce qui est plus proprement le cas de la rêverie, comme ce sentiment complexe ou le charme qui accompagne d’ordinaire le jeu libre et spontané de nos facultés s’associe à ce contentement particulier que nos tendances affectives trouvent dans l’évocation idéale de leur objet mais ce qu’il ne saurait nous donner, c’est l’intérêt de curiosité que les moindres hallucinations, les plus vagues images hypnagogiques recèlent déjà tout entier. Si spontanément qu’elles apparaissent, les images de la veille nous semblent toujours venir de nous, comme si nous les avions appelées sans le savoir, comme si, en définitive, l’effort d’évocation, au lieu de se manifester sous son véritable aspect, se transposait et s’exprimait objectivement par ce caractère d’insipidité psychologique (c’est quelque chose d’analogue, semble-t-il, à ce qui se passe dans le phénomène de la vision où les sensations musculaires s’effacent derrière la perception des formes qu’elles rendent possible). Mais ne sait-on pas en effet, que si l’attention volontaire se réalise assez rarement, par contre, l’attention spontanée, pendant la veille, ne se relâche jamais tout à fait ? Quand le sujet ne s’adapte pas explicitement, du moins comme Höffding le remarque, est-il toujours prêt à s’adapter, et cette préparation aux réactions éventuelles, cette inquiétude d’adaptation, si l’on peut dire, se traduit par un sentiment très perceptible de tension et de subjectivité c’est ce dernier qui constitue le ton fondamental de la veille et qui imprègne d’une teinte générale d’idéalité, toutes nos associations d’idées et toutes nos images.

L’un des aspects les plus remarquables de ce sentiment, est celui que James a appelé le sentiment de passage, c’est-à-dire l’impression qu’a le sujet de passer d’un état à un autre par un mouvement continu et harmonieux. Mais si l’hallucination est produite par un affaissement de la tension mentale, elle doit, dans tous les cas, qu’elle soit consciente ou non, rester de quelque manière en [p. 638] dehors de la synthèse personnelle. Et c’est bien, en effet, ce que l’on constate. Non seulement elle envahit brusquement la conscience, à la façon d’un processus afférent, sans lien logique ou subjectif avec les pensées qui la précédaient, mais elle se distingue encore de la perception, à laquelle elle ressemble sur ce point, par un caractère original qui contribue à lui donner sa physionomie absolument spécifique son extériorité dans l’espace se double en quelque sorte d’une extériorité spirituelle, d’une extériorité au moi. C’est ce que Marillier a très bien noté sur lui-même : « Les souvenirs que j’ai gardés de mes hallucinations, dit-il, sont nettement séparés de tous les autres ; ils ne sont point liés entre eux ni aux autres événements de ma vie psychologique. Il me faut un effort pour me considérer comme le sujet de ces phénomènes tant est grande l’incohérence qui existe entre eux et les autres événements de ma vie mentale (13) ».

Enfin, une dernière remarque me paraît également confirmer la thèse. Si en effet l’image subjective est telle parce que le sujet la suscite lui-même, au cours d’un travail plus ou moins explicite d’accommodation, elle doit obéir à cette loi biologique très générale qui veut que tout système, physiologique, psychologique ou social, sacrifie une partie de son contenu pour se concerter avec d’autres, en vue d’une action plus large et plus harmonieuse. L’image normale sera donc normalement plus faible, plus pauvre de contenu que l’image hallucinatoire ces caractères tout négatifs dérivent de sa subjectivité s’ils ne la constituent pas. Plus la tension psychique s’élèvera et plus par conséquent les qualités sensibles s’atténueront, plus l’image elle-même tendra à s’effacer devant le concept qui remplit d’une façon plus parfaite la même fonction et qui n’est en somme que la subjectivité même de l’image dégagée dans toute sa pureté. Or on sait quelle intensité et quelle fréquence revêtent dans le délire de persécution les hallucinations de l’ouïe. Elles sont en rapport avec le trouble fondamental de la perception morale qui, suivant une vue si suggestive de M. Janet, constitue l’essence de cette maladie. Mais a-t-on pris garde à ce fait que les images auditives verbales étaient assez rares dans notre vie normale? Et cependant l’adaptation morale, dont elles paraissent l’instrument, [p. 639] s’exerce presque sans relâche. Il est rare que nous prenions une décision un peu importante sans nous représenter l’appréciation que certaines personnes porteront sur elle ; mais si précise et si efficace que soit cette évocation, l’image auditive n’apparaît généralement pas. Je puis imaginer par avance une démarche que je compte faire auprès d’une personne déterminée, la réaction émotive ou intellectuelle que cette démarche provoquera chez elle, la réponse qu’elle me fera, ce que je répondrai à cette réponse, en un mot me livrer à un travail complexe et minutieux d’adaptation morale et cependant ne rien entendre. Ainsi la pensée sociale du persécuté qui ne s’adapte plus est extrêmement bruyante, la pensée sociale de l’homme bien portant est silencieuse. Et il serait facile d’établir, d’une façon plus générale, que le nombre et l’intensité des images sensorielles augmentent dans notre esprit à mesure que sa puissance de coordination s’affaiblit.

Si la conception que nous venons d’exposer est exacte elle devra fournir une base rationnelle à la classification et à l’étiologie des hallucinations.

Nous saurons combien il y a d’espèces fondamentales d’hallucinations quand nous saurons combien il y a de modes fondamentaux de désagrégation spirituelle, combien l’esprit humain a de façons essentielles de se briser sous les coups de la maladie, quand nous aurons déterminé les principaux plans de clivage de la personnalité. Et nous connaîtrons d’autre part les conditions particulières, qui, parmi tous les troubles possibles, font surgir précisément l’hallucination, quand nous saurons quelle utilité et quelle signification antitéléologique présente, dans chacun de ces processus pathologiques, la mise en jeu de l’imagination automatique.

Une telle classification est évidemment bien loin de nous. Pourtant il est impossible de ne pas signaler une division qui s’ébauche dans les profondes analyses de M. Janet. La psychogenèse comparée des idées fixes hystériques et des obsessions psychasthéniques [p. 640] semble révéler deux mécanismes morbides bien différents. Dès le premier coup d’œil ces deux manifestations pathologiques paraissent très dissemblables. Tandis que le contenu des premières, en effet, varie d’un esprit à l’autre, comme l’expérience même des sujets, les secondes se rapportent à un très petit nombre d’objets qu’on retrouve identiques chez tous les malades. D’autre part les idées fixes hystériques sont inconscientes ou tendent normalement à le devenir ; les obsessions sont conscientes (15), et leurs progrès n’altèrent pas ce caractère il est visiblement spécifique. Si maintenant on cherche la raison de ces différences morphologiques, on constate que les idées fixes sont essentiellement produites par le développement spontané, autonome, d’un élément de l’esprit ce développement se faisant en dehors du moi, doit logiquement aboutir à la constitution d’un accident subconscient. Mais la maladie du scrupule a une origine beaucoup plus grave elle consiste primitivement dans une altération générale et sentie des fonctions spirituelles et l’obsession n’est que l’aboutissant d’un long travail de l’esprit sur cette impression permanente et progressive de mauvais fonctionnement intellectuel. Elle doit donc être consciente par essence, comme par essence l’idée fixe hystérique sera subconsciente.

Et l’on voit tout de suite que cette distinction est susceptible d’une certaine généralisation. Bien des troubles mentaux tels que le délire alcoolique, l’excitation maniaque, où l’état que M. Janet a appelé « le règne des perceptions » semble atteindre à sa plus haute expression, l’ivresse du haschich ou de l’opium, les hallucinations dites de l’état de santé, les rêves hypnagogiques, etc., quoique très différents des accidents hystériques, semblent produits comme eux par l’automatisme spontané des réflexes intellectuels, ou, pour employer une expression de M. Paulhan, par l’activité indépendante des éléments de l’esprit. Mais il est manifeste, d’autre part, que le scrupuleux est sur le seuil de la vésanie et sans parler des nombreuses observations de malades qui ont versé dans l’aliénation proprement dite, la seule analyse psychologique suffirait à montrer l’identité profonde des deux affections. L’idéation morbide chez le persécuté, le mélancolique, le mégalomane, est [p. 641] suscitée visiblement, comme chez l’obsédé, par la perception des troubles mentaux; elle a pour but de mettre la croyance en harmonie avec l’état de la cœnesthésie spirituelle; les hallucinations vésaniques, conscientes comme les obsessions scrupuleuses, ont la même valeur symbolique.

L’esprit humain n’aurait en définitive que deux façons essentielles d’être halluciné parce qu’il n’aurait à sa disposition que deux diathèses morbides principales, correspondant à l’altération de ces deux aspects de l’activité psychologique que M. Janet a appelés la synthèse mentale et la fonction du réel. Les hallucinations de la première famille seraient caractérisées par la tendance à sortir du moi ou si l’on préfère à établir la conscience monoïdéique, — et la psychologie appliquée de l’hallucination aurait à chercher pourquoi cette tendance n’aboutit pas également dans toutes les hallucinations de cette espèce, pourquoi l’hystérique réalise si facilement le monoïdéisme conscient et « tombe dans une idée comme dans un trou » suivant le mot d’une malade de M. Janet, tandis que, par exemple, dans l’ivresse du haschich, le monde réel transparaît presque toujours derrière le rideau léger du rêve ; — les hallucinations de la seconde famille auraient pour caractère spécifique de se former au cœur même du moi, quand celui-ci a subi depuis longtemps déjà l’imprégnation vésanique; on devrait les considérer comme des efflorescences tardives du sentiment d’incomplétude, comme l’une des phases embryogéniques de la personnalité délirante.

Un fait capital souligne la différence de ces deux dispositions morbides en même temps qu’il jette un jour remarquable sur la question de l’étiologie c’est l’aptitude singulière des sujets de la première catégorie, et l’inaptitude non moins accusée de ceux de la seconde à recevoir la suggestion. Chez les malades caractérisés par le déliement de la synthèse mentale il devra suffire, semble-t-il, de la moindre excitation, de la plus légère chiquenaude, pour faire rouler les images sur la pente du développement automatique. Et c’est en effet ce qu’il serait facile de montrer par des exemples nombreux. Je me contenterai de signaler le plus typique qui nous est fourni par l’ivresse du haschich ou de l’opium. On dirait que dans cet état, l’esprit est constitué à un moment donné par une sorte de susceptibilité hallucinatoire généralisée, si bien que le moindre [p. 642] heurt, le plus insensible frôlement de la réalité suffisent à lui faire jeter des gerbes d’hallucinations. Quelquefois même le seul mouvement de la pensée consciente réussit à transformer en spectacles extérieurs les idées ou les images qu’elle rencontre en chemin, de telle sorte que le sujet éprouve le sentiment curieux d’être lui-même la cause de ses hallucinations. « Une espèce de sympathie, dit T. de Quincey, s’établissait entre l’état de rêve et l’état de veille. Tous les objets qu’il m’arrivait de me retracer volontairement dans l’obscurité étaient aussitôt transformés en apparitions (16) ». II me semble que c’est par une disposition de cette sorte qu’il faudrait expliquer, le cas échéant, les observations d’hallucinations déterminées par la volonté. Mais le défaut de plasticité hallucinatoire n’est pas moins remarquable chez l’aliéné et le scrupuleux ces malades ont les hallucinations qu’il leur plaît d’avoir et non celles qu’il plairait au magnétiseur ou aux circonstances de leur donner ; et quand on songe à la facilité avec laquelle tous les sens se prennent les uns à la suite des autres chez l’hystérique, il parait étrange qu’un persécuté puisse entendre, pendant des années, les mêmes voix l’injurier, sans jamais apercevoir le visage de ses insulteurs. (Certains malades parlent eux-mêmes de leurs « invisibles ».)

Ces considérations font voir suffisamment, je crois, quelle distance infinie nous aurons encore à franchir pour arriver à l’explication intégrale de l’hallucination. Les physiologistes, comme Tamburini, qui voulaient rattacher ce phénomène à une lésion des centres nerveux obéissaient au fond à un instinct juste ; mais s’ils ont eu la notion du but à atteindre, celle des intermédiaires à parcourir leur a étrangement manqué. Pour expliquer cérébralement l’hallucination, il faudrait savoir à quelles variétés différentes d’activité nerveuse correspondent l’exécution automatique et l’exécution intentionnelle d’une même opération mentale ; connaître le substrat anatomique de l’hallucination ce serait en définitive connaître l’organe fonctionnel de l’association systématique, de la finalité psychique. Et ce n’est pas assez dire puisqu’il existe deux espèces bien différentes d’hallucinations, on ne pourrait obtenir une représentation corticale de chacune, qu’autant qu’on aurait préalablement rapporté à deux modalités bien définies du [p. 643] fonctionnement de cet organe les deux fonctions psychologiques de la synthèse mentale et de la fonction du réel. L’état cérébral d’un persécuté qui entend des voix ressemble probablement davantage à celui d’un timide, pendant une crise d’intensité moyenne, qu’à celui d’un rêveur somnambulique à qui l’on a suggéré une hallucination auditive (le souci excessif du qu’en-dira-t-on ? ne peut-il pas être considéré chez le timide comme la forme embryonnaire des hallucinations de l’ouïe ?).

Nous n’entrevoyons même pas le moment où la finalité psychologique et la finalité cérébrale se rejoindront dans l’unité de la biologie absolue tout ce que l’on peut dire c’est que ce moment viendra d’autant plus vite que les spécialistes de chaque science s’interdiront plus scrupuleusement d’empiéter sur la spécialité voisine. La psychologie contemporaine poursuit d’ailleurs un but clairement défini fidèle à la méthode des sciences de la vie que M. Goblot a si bien formulée (17), elle s’efforce de montrer, dans l’objet qu’elle étudie, la tentative la plus complexe de l’être vivant pour s’adapter au monde, la forme la plus éminente de cette mystérieuse inquiétude, de ce malaise inconnu qui sont au fond de notre être et probablement de toutes choses. C’est à cette méthode que j’ai essayé de me conformer en caractérisant l’hallucination comme une désagrégation spécifique de la conscience personnelle. Car la conscience personnelle est le lieu même de la finalité, le témoin de la création biologique optimum vers lequel gravitent toutes nos opérations mentales, elle est l’intelligibilité même de notre pensée qui ne comprendra sa propre activité qu’autant qu’elle l’envisagera tout entière comme une approximation de cet idéal téléologique. La détermination parfaite de cette grande fonction, à peine esquissée aujourd’hui, sera la tâche suprême des psychologues de l’esprit humain.

L. Dupuis.

NOTES

(1) R. Masselon. La Mélancolie. Paris, F. Alcan, 1906.

(2) Revue scientifique, 1881, n° 5.

(3) Je prends ici le mot conscient au sens où M. Janet l’emploie couramment et non au sens classique des aliénistes. Il semble préférable en effet de réserver ce terme pour les phénomènes psychologiques qui sont connus de la personne et de se servir du mot de rectifié pour les hallucinations, et, plus généralement, pour les troubles mentaux dont le sujet reconnaît la nature morbide.

(4) Dagonet, Traité des maladies mentales, 1894, p. 65 et 533.

(5) L’Automatisme psychologique, 1889, p. 121 (F. Alcan).

(6) Les obsessions et la psychasthénie, p. 492 (F. Alcan).

(7) Höffding, Esquisse d’une Psychologie, traduction L. Poitevin, p. 193 (F.Alcan).

(8) Revue philosophique, 1905, 2, p. 312.

(9) Suivant M. Janet, si les hallucinations des scrupuleux sont tenues pour irréelles par les malades, c’est que le contenu en est trop pauvre pour donner l’illusion de la réalité. Mais les hallucinations interviennent (quoique assez rarement), dans la mélancolie délirante je ne parle que des hallucinations sensorielles — et sont toujours accompagnées, à un degré suffisant, du sentiment du réel : or ce que nous savons de la mentalité mélancolique, essentiellement caractérisée par l’indigence intellectuelle, ne nous permet guère de penser qu’elle puisse créer des hallucinations bien riches, ou même plus riches que celles des scrupuleux.

(10) Moreau de Tours. Du hachich et de l’aliénation mentale, p. 210.

(11) P. Janet, État mental des hystériques, II, p. 53.

(12) On doit reconnaître toutefois qu’il y a dans la conception de Taine une certaine part de vérité. Souvent l’intervention de la perception suffit à apaiser l’imagination automatique. Un sujet a des hallucinations visuelles dans l’obscurité, on apporte de la lumière et tout rentre dans l’ordre. Mais dans un autre cas, rapporté je crois par le Dr Ball, c’est au contraire l’excitation lumineuse qui fait apparaître les hallucinations de l’ouïe. Il est facile de concilier ces observations contradictoires en admettant que la perception agit quand elle agit comme un stimulant énergique de l’attention, comme un tonique de l’écorce cérébrale ; elle joue vis-à-vis du sens du réel le rôle d’un révulsif ; c’est à peu près ainsi qu’une mauvaise nouvelle dégrise un homme ivre. Sur l’insuffisance de la théorie de Taine on consultera avec fruit un article de M. Maldidier dans le n° de mai 1905 de la Revue philosophique.

(13) Etude de quelques cas d’hallucinations observées sur moi-même, Revue philosophique, 1886-1, p. 205.

(14) Dira-t-on que le fait peut s’expliquer autrement et que les images verbales dont nous nous servons en pareil cas sont, de préférence, les images articulatoires ? du moins faudrait-il avouer que leur volume est bien faible au prix de celui qu’elles atteignent dans la conversation mentale des mélancoliques, ou dans le phénomène de la chique verbale, sans parier des impulsions proprement dites à la parole.

(15) Je rappelle que le mot est pris ici au sens de M. Janet et signifie connu de la personne.

(16) Cité par Moreau de Tours, p. 187.

(17) Voir notamment la thèse sur la « Classification des sciences » et les articles « Fonction et finalité » dans la Revue philosophique (1899).

 

 

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