Henri Gaidoz. La Réquisition d’amour et le symbolisme de la pomme. Extrait d de la revue « Annuaire de École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques. 1901-1902. pp. 5-33.

GAIDOZPOMMME0001-1Henri Gaidoz. La Réquisition d’amour et le symbolisme de la pomme. Extrait d de la revue « Annuaire de École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques. 1901-1902. pp. 5-33.

Élie Henri Anatole Gaidoz (1842 – 1932). A l’origine professeur de géographie et d’ethnologie, il est devenu celtiste et un folkloriste d’une érudition rare. Il occupa la chaire de philologie celtique à l’EPHE à partir de 1876. Ses contributions tant à l’ethnologie, qu’à la mythologie, qu’au domaine de la linguistique, émaillent son parcours éclectique. Il fur enfin un collaborateur attitré de Paul Sébillot. Il a fondé la Revue celtique en 1871 et la revue Mélusine en 1877.
Quelques publications retenues :
— Esquisse de la religion des gaulois avec un appendice sur le Dieu Encina. Extrait de l’Encyclopédie des Sciences Religieuses, Tome V. Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879. 1 vol. in-8°, 24 p.
— (avec Sébillot). Bibliographie des traditions et de la littérature populaire de la Bretagne. Nogent-le-Rotrou, impr. de Daupeley-Gouverneur, 1882.
— (avec Sébillot). La France merveilleuse et légendaire, par H. Gaidoz et Paul Sébillot. Paris, éditions Le Cerf, 1884.
— Mélusine, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages. Paris, Viaut puis E. Lechevalier, 1878-1901. 10 volumes.
— De l’étude des traditions populaires ou folk-lore en France et à l’étranger. Extrait des Explorations Pyrénéennes, 3°série, Tome 1, 1906.-Bagnères-de-Bigorre, D. Bérot, 1907. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., pp.175-193.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original., mais avons corrigé plusieurs fautes de composition – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. –Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 5]

LA RÉQUISITION D’AMOUR
ET
LE SYMBOLISME DE LA POMME.

I

EN IRLANDE

Une des légendes les plus poétiques de l’ancienne Irlande est celle de Condla le Rouge , conservée dans un manuscrit du XIe siècle, le Lebar na h-Uidhre. Elle y est conservée sous une forme païenne, avec une légère teinte de christianisme ; du reste, l’Irlande est restée longtemps païenne : le christianisme y a été une religion de « superposition » ( comme on dit aujour­d’hui en matière fiscale) ; la croyance au monde des fées, aux rapports des hommes avec cette race surhumaine qui les en­vironne, aux amours clandestins entre les uns et les autres, était encore au XIXe siècle, dans les campagnes de l’ouest et du sud de l’Irlande, aussi vivante qu’au temps du Lebar na h-Uidhr ; et un procès criminel a tristement montré, il y a quelques années, à quelles cruautés pouvait mener Ia croyance aux changelins.

Je ne veux pas, après tant d’autres, traduire et étudier cette légende, d’autant plus que cette étude ne pourrait tenir en quelques pages ; je veux seulement mettre sous le microscope une phrase du texte irlandais, un peu parce qu’elle n’a pas été traduite par tous les celtistes d’une façon identique, et [p. 6] surtout parce que des rapprochements de folklore en feront mieux comprendre le sens. Je résume d’abord la légende :

Condla le Rouge se trouve sur une colline avec le roi son père, le druide (c’est-à-dire en quelque sorte le chapelain) de celui-ci et d’autres personnes. Une fée lui apparaît et lui parle ; il est seul à voir la fée, mais tous l’entendent ; elle invite Condla à venir avec elle dans une région merveilleuse, « le pays de la vie » ; c’est-à-dire de l’immortalité, séjour de joie et de fêtes. Sur la demande du roi, le druide-chapelain exorcise la fée ; on n’entend plus la voix de celle-ci, et elle disparaît de la vue de Condla.

« Lorsqu’elle disparut devant l’incantation (ou exorcisme) du druide, elle lança une pomme à Condla. Celui-ci resta un mois sans boire ni manger. Il n’avait de goût à aucun mets sinon à sa pomme. La pomme ne diminuait pas, combien qu’il en mangeât, mais elle en demeurait tout entière. »

Au bout d’un mois, la fée revient. Malgré le roi, malgré le druide , un peu malgré Condla lui-même, qui regrette de quitter les siens, elle persuade Condla de la suivre àla « Terre de la joie ». « Celui-ci s’élance dans la barque de verre. On vit la barque s’éloigner peu à peu sur la mer, et, à partir de ce moment , on n’entendit plus parler ni de Condla ni de la fée ! »

Condla était ainsi devenu l’époux d’une fée. C’est une légende qui s’est présentée sous des formes bien diverses et avec des incidents différents ; je dis « légende », peut-être devrais-je dire plutôt « roman » ; car cela était roman pour ceux qui le racontaient et ceux qui l’entendaient ; et nous commettons une erreur historique en parlant de surnaturel à une époque et dans un milieu où la distinction entre surnaturel et naturel n’existe pas. [p. 7]

J’ai traduit par « elle lança une pomme à Condla » la phrase irlandaise do-chorastar ubull do Condlu.

C’est ainsi qu’avait déjà traduit O’Beirne Crowe quand il édita, traduisit et commenta ce texte en 1874 : « she threw an apple to Condla (1) ».

Cette première édition de notre curieux texte était ignorée de M. Windisch, quand celui-ci édita la légende en 1879 directement d’après le manuscrit : c’était comme exercice de lecture à la suite de sa grammaire, sans traduction ; mais dans le glossaire de M. Windisch rendait le verbe par « ich setze (2) « .

D’après l’édition de M. Windisch,mais sans connaitre davantage le travail d’O’Beirne Crowe, M. d’Arbois de Jubainville traduisit ce texte dans une brochure d’un titre assez grandiloquent : Le dieu de la mort et les origines mythologiques de la race celtique (3) , et (p. 7) il traduisait : « la femme avait offert une pomme à Condla ».

La même année 1879, dans une traduction littéraire écrite pour le grand public, mais exacte pour le fond, M. Joyce disait : « she threw an apple to Condla (4) ».

En 1885, le H. P. Mac Swiney , S. J., édita et traduisit le même texte dans une revue de Dublin et sa traduction était : « she threw an apple to Condla (5) ».

En 1886, M. Dottin publiait un article intitulé : La croyance [p.  8] à l’immortalité de l’âme chez les anciens Irlandais (M. Dottin jugeait utile d’établir cette croyance), et il accompagnait son article d’une traduction de notre texte. Dans le passage en question, il suivait M. d’Arbois de Jubainville : « la femme… avait donné une pomme à Connle (6) ».

En 1889, M. Zimmer traduisait : « sie warf dem Condla einen apfel zu (7) » ; et en 1892, M. J. Jacobs suivait cette traduction : « she threw an apple to Connla. (8) ».

En 1892, M. d’Arbois de Jubainville reprend ce texte légendaire, qu’il traduit à nouveau, mais, pour ce passage, c’est à peu près la même chose qu’en 1879 : « la femme avait donné une pomme à Condlé (9).

En 1895, M. Alfred Nutt résumait la légende d’après les traductions du R. P. Mac Swinev et de M. Zimmer, mais dans la phrase qui nous occupe, il préférait dire, d’après M. d’Arbois de Jubainville : « she left to Connla an apple (10) ».

Enfin, en 1898, M. Ferdinand Lot enchâssait une traduction intégrale du texte dans une étude comparative de la légende et il traduisait : « la femme avait jeté une pomme à Condlé (11) ».

On voit par cette statistique que, sauf MM. d’Arbois de Jubainville et Dottin , les celtistes qui ont traduit ce texte ont tous donné le sens de « lancer » ou « jeter » au verbe irlandais [p. 9] du texte (12). On me permettra de dire que dans mes conférences de l’Ecole des hautes études, j’ai toujours traduit ainsi le

do-chorastar du texte. Il m’eût paru, du reste, difficile, au point de vue purement grammatical, de traduire autrement : le verbe cuirim n’a nulle part le sens de « donner (13) » ; pour exprimer cette idée, l’écrivain aurait dit do-rat ou tout au plus do-bert. — J’insiste sur cette traduction, car l’on verra plus loin avec netteté la signification du geste et du jet.

Une autre légende, a peu près aussi ancienne, se rattache à celle-ci. Caier, roi (sans doute légendaire) du Connaught — et dans l’ancienne Irlande le terme de roi ne désigne souvent que des principicules, des chefs de clan — avait adopté son neveu Nédé parce qu’il n’avait pas de fils. « La pensée de la femme de Caier s’attacha à Nédé. Elle envoya une pomme d’argent à Nédé pour [obtenir] son amour. Nédé ne consentit pas, et elle lui promit la royauté après Caier s’il voulait venir à elle (14). » La Phèdre irlandaise arriva à ses fins et réussit à faire commettre un crime à Nédé ; mais Ie roman finit tragiquement, car les deux hommes périrent. [p. 10]

Dans un roman vraiment rabelaisien intitulé « La Vision de Mac Conglinne » (le manuscrit est du XIVe siècle), une jeune fille, Ligach, envoie des noix, des pommes et d’autres friandises à Cathal en signe d’amour et d’affection. Son frère l’apprend ; et, comme il est ennemi de Cathal , il fait prononcer des enchantements sur ces objets avant qu’on les porte à Cathal. Cathal mange les pommes ; les charmes y avaient engendré des vers, et ces vers formèrent le démon de la boulimie qui s’empara de Cathal (15) ; inde mali labes et toute la suite du roman.

C’est le folk-fore, c’est la tradition vivante qui nous expliquera le geste de la fée venue du monde invisible pour séduire Condla. « Chez les paysans des comtés de Cork et de Kerry (c’est-à-dire dans le sud de l’Irlande), une jeune fille donne un signe d’amour à un jeune homme en lui lançant une pomme. » C’est le témoignage de M. Alfred Perceval Graves, commentant une poésie anglo-irlandaise où il a mis cet usage en action (16).

La pomme lancée par la fée, incident banal pour nous, avait donc une signification bien nette pour les auditeurs irlandais de l’histoire de Condla. Et si la pomme ne diminuait pas sous les dents du jeune homme, c’est que, venant d’une fée, elle était merveilleuse. La même particularité est propre à une autre pomme merveilleuse dans un autre roman du moyen âge, les [p. 11] aventures de Teige, fils de Cian, où l’auteur a  mêlé les souvenirs païens et chrétiens aux fantaisies de son imagination (17).

Comme nous ne traitons pas du folk-Iore de la pomme en Irlande, nous croyons inutile de parler des contes irlandais, anciens et modernes , où il est question des pommes qui chantent, d’une pomme qui roule d’elle-même pour indiquer le chemin, ni des pommes du jardin des Hespérides, importées en Irlande par la littérature, et dont on disait aussi qu’elles ne diminueraient quoi qu’on pût en manger jusqu’à la fin du monde (18), ni de l’emploi actuel des pommes dans les jeux et amusements populaires des paysans irlandais (19). Un des tours d’habileté du héros Cüchulainn était déjà, comme on sait, de jongler avec des pommes, ubull-chless (20). Mais nous sortirons, sinon du monde celtique, au moins de l’Irlande, pour citer, en terminant ce chapitre, un conte du nord de Galles raconté à M. J. Rhys. Il s’agit d’une « femme d’eau » qui sort d’un lac, énamourée d’un jeune homme assis sur la rive ; et elle demande au jeune homme de lui lancer (throw) une des pommes qu’il est en train de manger. Cette requête indique bien la signification de l’acte. Elle l’épouse ensuite [p. 12] sous une condition qui sera plus tard violée et motivera sa disparition, comme dans l’histoire de la fée Mélusine (21).

II

CHEZ LES GRECS.

Le texte irlandais s’éclaire d’une lumière toute nouvelle quand on se souvient de deux vers de Virgile :

Malo me Galatea petit, lasciva puella ,
Et rugit ad salices , et se cupit ante videri (22).

C’est au cours d’une bien froide et bien artificielle pastorale, imitation de Théocrite, et où sont décrites des mœurs non pas romaines, mais grecques. C’est aussi sans doute de l’imitation grecque lorsque Catulle parle d’une jeune fille qui a caché dans son giron la pomme envoyée par un amant :

Ut missum sponsi furtivo munere malum (23), etc,

Mais l’usage grec est attesté par de nombreux textes. D’abord le passage de Théocrite imité par Virgile :

Βάλλει χαί μάλοις τόν αίπόλον ά Κλεαρίστα
Τάς ατγας ώαρελεύντα χαί άδύ τι ώοππυλιάσδει (24)

« Cléariste jette des pommes au chevrier qui trait ses chèvres, et parle doucement tout base. » [p ; 13]

Ceci est la traduction de Leconte de Lisle (25), et nous avons été surpris de la trouver aussi « académique » pour la fin du second vers. Une traduction de Théocrite, qui date du temps des « belles infidèles », était plus exacte ici en disant : « et le doux murmure de ses lèvres m’invite à punir sa malice (26) ». Mais la note de ce traducteur, consacrée au parallèle entre Théocrite et Virgile, nous paraît intéressante à reproduire malgré son goiût vieillot, « style Empire », d’autant plus qu’elle précise le sens du mot grec traduit par une périphrase (27) :

Virgile doit donc à Théocrite l’idée du plus joli trait peut-être dont il ait orné ses églogues ; mais Virgile imitait Théocrite, comme depuis Racine imita Euripide en l’embellissant. C’est dans de pareilles imitations qu’on peut observer le progrès naturel de l’esprit et du goût. Théocrite nous présente une bergère coquette qui jette des pommes à un berger qui passe ; mais il affaiblit et gâte ce trait en ajoutant que la bergère, par un bruit des lèvres qui n’a point de nom dans notre langue, appelle le berger. Le mot ώοππυλιάσδςι, dont se sert Théocrite, répond à ce petit sifflement que nos Phrynés de la dernière classe font entendre quelquefois de leurs fenêtres pour inviter les passants. Virgile, infiniment plus délicat, plus ingénieux et plus fin, suppose que la bergère se cache après avoir jeté la pomme, et se cache maladroitement : voilà la perfection de l’art. [p. 14]

Le verbe grec en question est dérivé lui-même d’un autre verbe ωοππύζω, onomatopée formée de labiales, comme le terme français d’appel pst ! pst ! qui fournirait la meilleure traduction du passage de Théocrite. Le glossateur grec commente le mot άδύ par χαί ήδύν τινα συρισμόν συρίζει et la traduction latine de la collection Didot. dit exactement : suaviter insibilat.

Divers passages de Théocrite parlent aussi du message amoureux de la pomme (28). Plusieurs auteurs de la Grèce en parlent encore, dans des passages où l’on voit bien le sens provocant de la pomme lancée. Dans les Nuées d’Aristophane, le bonhomme Strepsiade amène son fils à l’école de Socrate, et ce dernier met l’adolescent entre deux maîtres, le Juste, qui pratique l’ancienne éducation et enseigne la vertu, et l’Injuste, railleur du « vieux jeu », qui recommande la vie facile et les plaisirs. Or le Juste dit à l’élève : « Ne cours pas voir les dangers, [p. 15] de peur que quand tu seras bouche bée à les regarder, une catin ne t’attrape avec une pomme lancée, et que tu ne perdes ainsi ta bonne réputation (29) ». Quelques siècles plus tard, dans les dialogues de Lucien, une femme galante fait une scène à son amant : « Enfin, tu mords dans une pomme, après t’être assuré que Diphile n’en voyait rien et se penchait pour causer avec Thrason ; puis tu vises de ton mieux et tu la lui jettes dans le sein, sans essayer d’échapper à mes regards. Elle la prend, la baise et la cache dans sa gorge, sous son réseau (30). »

Deux épigrammes érotiques de l’Anthologie Grecque montrent combien le langage de la pomme était connu en amour : ce sont des madrigaux d’envoi :

N° 79. Je te jette cette pomme ; si lu es disposée à m’aimer, reçois-la, et, en retour, donne-moi ta virginité. Que si tu es contraire à mes vœux, reçois-la encore, et vois comme son éclat et sa fraîcheur- sont peu durables !

N° 80. Je suis une pomme : quelqu’un qui t’aime m’a jetée. Allons, cède à ses vœux, Xanthippe. Et toi et moi nous nous unirons bientôt (30).

Ce poète fait parler la pomme elle-même ; on a d’autant moins lieu de s’en étonner qu’on écrivait parfois des déclarations ou des serments d’amour sur une pomme, que la pomme [p. 16] fut lancée ou bien encore déposée dans le sanctuaire d’une déesse invoquée pour le succès de l’affaire amoureuse (31).

La pratique avait donné naissance à un verbe grec μηλοζολεΐν. Elle est encore usitée dans certains endroits de la Grèce actuelle, mais sans y être sans doute une provocation aussi forte que dans la Grèce antique. D’un jeune homme à une jeune fille, lancer une pomme ou une fleur est une déclaration d’amour et une demande en mariage (32). Dans un conte grec de Zacynthe, recueilli de notre temps, il est question d’une pomme d’argent que l’époux déguisé dans un tournoi lance à son épouse. Ceci du reste n’est pas spécifiquement grec ; car on trouve des incidents analogues dans les contes d’autres pays.

Nous laissons de côté, faute de place et pour ne pas répéter des choses connues, la pomme lancée dans le roman de Cydippe et d’Acontius, les pommes du conte d’Atalante, celle que le berger Pâris devait donner à la plus belle, allégorie qui ne peut être très ancienne, mais que t’art a vite rendue populaire ; peut-être est-ce par imitation de la légende de Pâris que Éris (la Discorde) lança un jour une pomme d’or avec l’inscription : « A la plus belle ! » ; cette dernière allégorie peut [p. 17] pourtant sortir de la vie réelle, puisque les belles recevaient des pommes avec dédicace.

La pomme lancée étant un signe et un message d’amour, il est naturel que chez un peuple artiste comme le peuple grec, on ait figuré une pomme dans la main d’un jeune homme ou d’une jeune fille pour représenter l’amour donné ou reçu. Les peintures de vases, les terres cuites, les bas-reliefs en offrent de nombreux exemples ; dans quelques-uns la balle a remplacé la pomme, mais avec une signification semblable (33). La pomme paraît encore dans des monuments funéraires pour indiquer qu’il s’agit d’une personne qui avait inspiré l’amour ou qui avait été aimée. Cela est tellement connu des archéologues qu’il est inutile d’insister ; nous en citerons seulement quelques exemples pour le lecteur non archéologue. Parmi les statuettes si vivantes de Tanagra, M. Ch. Diehl a mentionné « une jeune femme assise qui tient en main une pomme et qui semble l’offrir ; le sens n’est pas douteux et le geste significatif… (34) » M. Pottier a décrit et reproduit en gravure une terre cuite de Corinthe conservée au M usée du Louvre, sur laquelle s’est exercée, sans arriver a rien de certain, la sagacité des interprètes. Ce sont deux jeunes -femmes, deux amies [p. 18] ou deux sœurs : la plus jeune, le sein découvert et la figure heureuse, s’appuie familièrement sur l’épaule de son aînée d’une main qui tient une pomme (35). Nous sommes tenté de voir là, non pas de la haute mythologie, mais une scène de genre que nous appellerions ‘la confidence amoureuse ». On voit de même des pommes aux mains de jeunes gens et de jeunes filles dans des peintures de vases. Dans l’une d’elles, une jeune fille porte une pomme à sa bouche de la main droite ; elle en tient une autre de la main gauche et, devant elle, un jeune homme debout lui en offre une troisième (36).

On a découvert à Larissa, en Thessalie, un bas-relief, probablement funéraire, représentant un éphèbe qui tient une pomme de la main gauche élevée à la hauteur du visage ; le bras droit , laissé à nu, supporte un lièvre (37). Et à propos de cette stèle (qu’il reproduit en gravure), M Collignon dit très justement : « A en juger par les attributs qu’il porte, le plaisir était sa grande affaire ; on sait que’ entre les mains des éphèbes grecs, le lièvre et la pomme sont des gages de liaisons amoureuses (38) ».

A Myrina, province de Smyrne, on a trouvé dans une tombe un groupe en terre cuite, représentant deux jeunes gens qui se tiennent embrassés. M. S. Reinach l’appelle « groupe bachique » ; le jeune homme est un « Bacchant » et la jeune [p. 19] fille une « Bacchante » ; celle-ci, « tenant une pomme de sa main gauche avancée, passe le bras droit autour de la taille de son compagnon (39) ». Nous appellerions cette scène simplement « la déclaration d’amour » ; et nous donnerions le même titre à un groupe analogue, formé par une autre terre-cuite, celle-là de la collection Gréau. Voici en quels termes la décrit M. Frœhner :

Groupe représentant un éphèbe et une jeune fille, assis à terre, côte à côte, et se tenant enlacés. Derrière eux se dresse un petit rocher. L’éphèbe a étendu son manteau sur l’herbe, mais un pan du manteau se replie en écharpe autour de ses reins. La jeune fille croise les jambes , son bras gauche passe derrière le dos de l’éphèbe, sa main droite ouverte repose sur le genou et tient une pomme. Le chiton dont elle est vêtue laisse à découvert le sein droit et les bras ; l’himation n’enveloppe que les jambes. La composition du groupe est charmante, cet abandon de la jeune fille, le rapprochement des têtes, qui fait supposer une conversation intime et, à part cela, une pureté et une chasteté que l’art grec n’a pas toujours su communiquer à ses Œuvres (40).

Dans la belle phototypie qui accompagne cet article, on ne voit pas la pomme, cachée par le revers de la main de la jeune fille. Ici, comme dans le groupe de Myrina, c’est la pomme que la jeune fille a reçue du jeune homme et qui l’a faite comme sa prisonnière.

Un semblable dépôt dans une tombe mène aux représentations figurées sur les monuments funéraires, et où un autre symbole amoureux, le lièvre, se voit souvent en même temps [p. 20] que la pomme à la main de l’éphèbe (41). Dans une urne funéraire du musée de Volterra (art étrusque, mais inspiré de la Grèce), le couvercle est formé par une matrone couchée, tenant dans sa main gauche un fruit rond (pomme ou coing ou grenade ?) (42). Enfin, nous citerons, parce qu’ils échapperaient peut-être aux archéologues classiques, un fragment de poterie de la Gaule romaine (trouvé à Trion , quartier de Lyon), où il nous semble bien voir un personnage féminin qui offre une pomme à un jeune homme couché (43) ; et un fragment de stèle funéraire du Würtetnberg romain, où l’on voit une femme tenant de la main gauche une pomme (44) : c’est sans doute pour signifier que cette jeune femme aimait et était aimée.

Comme nous avons laissé de côté, dans la littérature, ce qui concerne le coing et la grenade, symboles souvent confondus avec celui de la pomme et qui lui tiennent de près, nous laissons aussi les monuments où les archéologues hésitent dans la détermination du fruit, lorsque, pour notre compte, nous y voyons une pomme. Tel est, par exemple, le cas d’une statue [p. 21] féminine du style archaïque trouvée à l’acropole d’Athènes, dont M. Collignon a donné la gravure (45).

En tout cas il était naturel que la pomme, devenue par l’usage un symbole d’amour, fût donnée comme attribut à la déesse de l’amour, Aphrodite (ou Vénus), quoique, comme arbre, le myrte et non le pommier fût consacré à cette déesse. Le scoliaste d’Aristophane (sur le vers des Nuées que nous avons cité écrivait : τό μήλον Άφοοδίτης έσν ίερόν.

Cela se rencontre dès les temps les plus anciens de l’art grec. Parlant des tombes de Chypre, où Aphrodite avait à Idalie un de ses sanctuaires les plus anciens et les plus célèbres, L. Heuzey a décrit une patère de bronze qui se rapporte à ce culte : « La déesse, assise sur un trône, complètement vêtue, a dans ses mains la pomme et la fleur (46). Le type religieux de l’Aphrodite vêtue a bientôt fait, place, dans l’art grec, au type de la même déesse nue, et dans te type la pomme a encore été son attribut fréquent (47), si fréquent même qu’on a cru pouvoir, dans une restitution de la célèbre Vénus de Milo, lui mettre une pomme dans la main gauche (48). D’après M. le buron de Xitte, la pomme se rencontrerait dans le type d’Aphrodite dite Venus genitrix, type que l’on regarde comme créé par le célèbre Praxitèl, au IVe siècle avant Jésus-Christ (49).

Sans pousser plus loin l’étude de la pomme symbolique dans l’art grec, nous citerons, après .M. Edelestand du Méril, [p. 22] «une pierre gravée, où sont représentées les noces de l’ Amour et de Psyché ; un Amour leur met une corbeille de pommes sur la tête (50) ». Elle est des bas temps de l’Empire, mais elle représente la persistance de la tradition.

III

LA VIERGE A LA POMME.

Plusieurs types iconographiques de la sainte Vierge, dans l’art chrétien, dérivent de types anciens de déesses préchrétiennes. Il est permis de penser que la Vierge à la pomme est un de ces types. L’assimilation se sera faite d’autant plus aisément que, d’une part, le fruit de l’arbre défendu du Paradis Terrestre a été pris pour une pomme (quoique rien ne le fasse supposer dans le texte de la Bible où il n’est question que d’un arbre) ; et que, d’autre part, le parallèle a été vite établi entre ces deux femmes, Eve qui a tout perdu pour l’espèce humaine, et Marie qui a tout réparé.

Nous reconnaissons volontiers qu’ici nous reconstituons une chaîne dont plusieurs anneaux manquent. Pour bien des types de l’art chrétien, il y a une lacune de plusieurs siècles, justement l’époque que d’autres appelleraient d’origine et que j’appelle de transition. Au moment où l’art du moyen âge commence, les images religieuses ne présentent plus Marie comme [p. 23] l’orante des catacombes, mais sous des traits et dans des poses qui rappellent les types de Junon, de Vénus, d’Isis, des Déesses-Mères de la Gaule, etc. L’assimilation une fois faite, le type chrétien se maintient et se développe, à la fois suivant la tradition des écoles d’art et suivant les interprétations venues de la théologie.

GAIDOZPOMMME0003

Nous ne pouvons donc citer de la Vierge à la pomme que des exemples provenant d’une époque déjà tardive du moyen âge, et, suivant le goût clérical du moyen Age, le calembour entre malum « la pomme » et malum « le mal » sert de commentaire à l’image. Je cite ici Mgr Barbier de Montault, quoique l’antithèse de sa première phrase se termine par une étrange métaphore (51) :

Eve a péché en mangeant une pomme, Marie a produit un fruit meilleur. Saint Fortunat a donc pu dire très exactement, dans une hymne admise au Petit office de la Vierge :

Quod Eva tristis abstulit,
Tu reddis almo germine.

D’où est venu l’usage de mettre en les mains de l’enfant Jésus ou de sa mère la pomme fatale, par exemple à l’abbaye de Fontgombaud (XIIIe siècle). La Vierge à la pomme se voit aussi, à la même date, sur la châsse émaillée de saint Viance (Corrèze), décrite dans le Bull. de la Soc. Arch. de la Corrèze, t. IX, p. 495.

A Benoîte-Vaux, en Lorraine, l’image de la Vierge tenant une pomme était accompagnée de ce distique significatif:

Lœva gerit natum, geslat tua dexlera malum,
Mali per natum tollitur omne malum.

Il convient de remarquer l’origine du culte de la sainte [p. 24] Vierge à Benoite-Vaux, au diocèse de Verdun. D’après la tradition, ce serait au XIe ou XIIe siècle qu’on aurait trouvé, dans un bois, la statue de la sainte Vierge (52). Une semblable découverte a toujours été regardée comme un miracle et la statue pour « miraculeuse » ; la statue ne tarde, du reste, pas à justifier ce nom par les miracles qu’elle opère. Les cultes locaux ont plusieurs fois eu pour point de départ, surtout quand il s’agit de la sainte Vierge, des statues ou plutôt des statuettes trouvées dans la terre et interprétées par le christianisme, à une époque et dans un milieu où aucune autre interprétation ne pouvait se présenter à l’esprit. L’image, point de départ du culte de Benoite-Vaux, peut être une simple Vénus ou une autre déesse à la pomme. Les images de la sainte Vierge à la pomme ne sont point rares (53). [p. 25]

L’exégèse iconographique de Mgr Barbier de Montault est, du reste, fréquente chez les archéologues du christianisme. Voici, par exemple, ce que M. E. Laforge dit de la pomme : « C’est de tous les attributs le plus ordinaire ; elle fait allusion à la chute de l’homme. Quand elle est dans les mains de l’enfant, elle indique qu’il est la réparation du mal causé par la pomme ; lorsqu’elle est dans les mains de la Vierge, celle-ci est désignée comme une seconde Eve (54).  »

En effet, le sens original du symbole étant perdu, il n’est pas étonnant que plusieurs fois on ait mis la pomme dans la main de l’enfant Jésus au lieu de sa mère ; que d’autres fois on l’ait mise dans la bouche du serpent, que la Vierge écrase du pied, en souvenir du péché originel et de la grâce reconquise (55).

La pomme a passé de la sainte Vierge à un de ses « poursuivants » dans la légende de saint Hermann de Steinfeld , dit Joseph, de l’ordre des Prémontrés , qui vivait au XIIIe siècle. Celui-ci est représenté offrant une pomme à la sainte Vierge. D’après la légende, la statue de la Vierge à laquelle Hermann, écolier, apportait cet hommage, aurait étendu sa main de pierre ou de bois pour l’accepter (56). Les vies des saints, notamment des saints de l’Église grecque, offrent peut-être des épisodes où la pomme figure avec un symbolisme analogue. D’après un ouvrage de vulgarisation, la sainte Vierge aurait offert une pomme d’or aux saints Nil et Barthélemy, pour les requérir [p. 26] de lui élever une chapelle en un lieu déterminé (57) ; mais les saints de ce nom sont nombreux, et nous pensons que cet incident est attribué à des saints honorés au cours de novembre, à des dates que n’ont pas encore atteintes les Bollandistes.

Une de ces légendes pieuses du moyen âge, destinées à montrer à la fois la bonté et la puissance de la sainte Vierge, est sortie de l’attribut de la pomme. Elle est intitulée De latrone Romano, et, comme dans les légendes de cet ordre, le peu de mérite du personnage rehausse l’intercession merveilleuse : « In urbe Romana fuit quidam latro valde nequam, qui multos occiderat, et multa mala fecerat in vita sua ; hic tamen valde onorabat beatam Virginem » Dans la chapelle écartée où il allait chaque jour faire ses dévotions devant l’image de la Vierge, il est assassiné par ses ennemis. La nuit suivante, il est jugé dans la chapelle même. Les démons réclament son âme, car il les a servis toute sa vie et il est mort sans confession ni sacrements. Jésus-Christ prend l’avis de sa mère, et celle-ci réclame le mort comme son serviteur : « Orabat enim coram imagine mea » Elle obtient gain de cause, et les démons se retirent décontenancés, sans leur proie. Et, en signe de cet événement, la sainte Vierge donne à une âme pieuse, admise à ce jugement (pour que quelqu’un pût le raconter !) la pomme d’or (aureum pomum) qu’elle tenait dans sa main. Et cette pomme se voit encore dans l’église de Saint-Pierre in testimonium hujus rei (58). — Y est-elle restée et pourrait-on la voir de nos jours ? [p. 27]

Il convient de remarquer que la pomme, lorsqu’elle parait passer à la main de l’enfant Jésus, est plutôt le globe. Le globe emblème du monde, signifie alors la puissance sur le monde, l’empire universel. La ressemblance avec la pomme est tellement grande que le globe surmonté de la croix, qui était un des insignes de l’empereur dans l’ancien empire germanique, s’appelle en allemand Reichsapfel « pomme de l’empire ». Le symbole du globe, quelle que puisse être son origine, est, du reste, antérieur au christianisme ; il a une origine politique et vient directement de la Rome impériale. On peut voir, par exemple, dans le bas-relief de l’Arc de Marc-Aurèle, au Capitole, Rome personnifiée et de taille surhumaine (à titre de divinité) donnant le globe du monde à Marc-Aurèle (59). Lorsque Jésus-Christ tient un globe dans sa main gauche, comme dans la riche châsse d’Aix-Ia-Chapelle (XIIIe siècle), il l’a hérité des empereurs romains (60). [p. 28]

IV

AUX ANTIPODES.

J’ai déjà dépassé les limites assignées à cette dissertation liminaire (61) ; je suis donc forcé de laisser de côté la signification amoureuse de la pomme dans le folk-lore contemporain, la divination par la pomme, ou par sa pelure ou par ses pépins (62), que les jeunes filles pratiquent pour savoir si elles seront aimées et si elles trouveront un mari ; la demande symbolique de mariage par les pommes (acceptées ou refusées), l’emploi de pommes dans les rites et réjouissances des noces. Je ne parlerai pas davantage des pommes (pommes d’or, ordinairement) dans les contes populaires, quoique les princesses y choisissent un mari en lançant ou donnant une pomme d’or au prétendant préféré, ni dans les chansons d’amour, ni dans les rimes et jeux de l’enfance. Comme il ne faut pas chercher là de précision botanique, la pomme y est plus d’une fois confondue avec l’orange (ou avec le coing) ; car cela ne change rien à l’intérêt et à la poésie des récits ou des scènes d’amour.

GAIDOZPOMMME0002

 Adam et Eve, Lucas Cranach, 16e siècle

Mais si je sacrifie l’ancien monde, je ne veux pas sacrifier le nouveau. Les navigateurs qui, au siècle dernier, ont découvert Tahiti l’ont aussitôt décrite comme une nouvelle Cythère ou une nouvelle Paphos : la douceur du climat, la facilité de [p. 29] la vie, l’absence d’une religion sévère, encourageaient chez cette race simple la pratique inconsciente des plaisirs de la nature. Les choses ont bien dû changée depuis lors, car les Européens ont introduit à Tahiti leur religion, leurs maladies et leur administration ; et Tahiti est colonie française depuis le 30 décembre 1880. Il y a trente ans, un de nos officiers de marine traçait encore ainsi le portrait des femmes de Tahiti : « Les femmes sont restées ces sirènes gracieuses, au langage doux et cadencé, insouciantes, oisives, vivant au jour le jour, n’existant que pour le plaisir, se couronnant de fleurs, qui avaient fait donner à Tahiti, par Bougainville, le nom de Nouvelle-Cythère (63) ».En tout cas , voici comment, sous notre second Empire, un pharmacien de la marine, M. G. Cuzent, écrivait au cours d’études sur la botanique de Tahiti (64) :

Le Morinda citrifolia, arbre de la famille des Rubiacées, nono des indigènes, est très répandu et sa racine sert à teindre en jaune. Son fruit est mou quand il est mûr, et ne renferme pas de noyau : il est de la grosseur du poing, à surface inégale qui rappelle celle d’une pomme de pin ; son odeur est assez désagréable.

Les Tahitiens utilisaient autrefois ce fruit comme projectile dans les jeux de la fronde. Ainsi que l’a raconté M. de Bovis (Revue coloniale, 1855, p. 402), le nono servait encore à un autre usage. Lorsque les [p. 30] jeunes gens de Tahiti venaient se livrer aux délices du bain sous les berceaux de verdure qui ombragent certains ruisseaux, tout à coup un fruit lancé du bocage voisin venait frapper l’un des baigneurs à l’épaule. Ce fruit était un nono. Un cri se fait entendre, parce que c’est le signal d’une bonne fortune pour celui qui vient d’être frappé et il s’élance aussitôt hors de l’eau dans la direction d’où est parti le nono, pour courir à la recherche d’une Galathée qui ne se laissera pas longtemps poursuivre.

Il est vrai que les choses ne se passaient pas toujours ainsi pour le jeune homme au nono ; quelquefois, il le savait, et au lieu de s’élancer comme une flèche à la recherche de celle qui le favorisait, on le voyait se diriger vers le fourré d’un pas sensiblement alourdi ; c’est qu’une vieille cheffesse l’y attendait. Il ne s’agissait donc plus d’amour, mais d’un ordre en vertu duquel il fallait marcher. Cette triste corvée était compensée par l’honneur d’être Je favori d’une personne d’un rang élevé.

Voilà bien un pendant tahitien à la fée de l’Irlande, à la Galatée de Virgile, à la Cléariste de Théocrite (65). — L’époque n’est pas bien éloignée de nous, où l’on aurait pu faire de semblables rapprochements sans que quelque philologue, versé dans la grammaire comparée, parlât aussitôt d’un héritage commun des hauts plateaux de l’Asie. A une époque encore plus éloignée, les théologiens, triomphants, y auraient vu une preuve de l’unité de l’espèce humaine, de l’origine adamique des races humaines, et des traditions inconscientes du Paradis terrestre, « la pomme de la première femme », p. 31] comme s’exprimait le R. P. Arthur Martin (66) : O filles d’Eve à Tahiti !

GAIDOZPOMMME0004-

Venus avec la pomme – Musée Thorvaldsens, Danemark

V

LE SYMBOLISME DE LA POMME

M. Eugène Benoist, dans son édition si recommandable de Virgile, écrivait en note à propos du passage galatéen cité plus haut : « La pomme était consacrée à Vénus ; l’envoi d’une pomme était donc une déclaration d’amour (67) ». Nombre d’écrivains, archéologues discutant sur Aphrodite et les monuments antiques, lettrés écrivant sur les usages de mariage ou d’amour, s’en tirent avec la même désinvolture en disant : « La pomme est un symbole d’amour » ; et ils croient avoir tout expliqué par ce mot. Les grands mots ont un effet stupéfiant et comme d’anesthésie ; et Goethe n’avait pas tort quand Méphistophélès, déguisé en Faust, conseillait au jeune étudiant de faire de la métaphysique, et lui disait que, pour ce qui n’entre pas dans la cervelle de I’homme,

Ein praechtig Wort zu Diensten steht !

Symbole ! Symbolisme ! Ces mots sont vite dits. Mais un symbole n’existe pas par une idée innée, mais bien par un « devenir » ; et nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu. Il faut donc rechercher l’origine historique et le point de départ psychologique ; car un symbole est effet et non pas cause ; Il faut remonter dans l’histoire du symbole, le plus près [p. 32] possible de son origine. Alors on peut en chercher la signification psychologique, non pas d’après nos idées et notre façon de penser d’aujourd’hui (comme Descartes s’enfermant dans son fameux « poêle »), mais d’après l’état mental du milieu et de l’époque où le symbole a pris naissance, teI du moins qu’on peut se le représenter.

Les jeunes gens ne se lançaient pas des pommes parce que la pomme était un symbole d’amour : qu’en auraient-ils su, les pauvres, eux qui n’avaient pas étudié et qui ne connaissaient pas la symbolique ? Mais la pomme est devenue symbole d’amour parce que les jeunes gens se la lançaient par agacerie et que la pomme était ainsi comme l’arme de jet de l’amour. Il n’y avait pas plus de symbolisme, à l’origine, dans ces pratiques familières et populaires, qu’il n’y en a chez le peuple d’aujourd’hui (par exemple en Angleterre) à lancer, à un orateur ou à un politicien qui déplait, des pommes cuites ou des œufs (pourris, de préférence).

Qu’y a-t-il dans la pomme lancée, sinon une façon d’attirer l’attention et de se faire remarquer, une agacerie, une provocation, et ce qu’un ancien commentateur de Virgile appelait une « grata protervitas » ? On lance une pomme comme on lance aussi une fleur (voir plus haut, p. 16) ; un fruit, plus lourd , peut se Iancer de plus loin qu’une fleur, surtout quand il est rond comme est la pomme ; la pomme se trouve partout ; et c’est en même temps un cadeau puisque c’est une friandise. Le choix du fruit dépend, du reste, de la flore du pays ; une pomme de coing, une pomme de grenade ont pu servir au même emploi que la pomme de notre pommier. Les Tahitiennes, qui [p. 33] n’avaient ni la pomme, ni le coing, ni la grenade, ont pris leur nono, sans se douter qu’elles imitassent les filles d’un autre monde. Le prétendu symbolisme de ces pratiques se réduit à ceci : Amor arma ministrat ; et c’est de cet amusement instinctif d’une folle jeunesse que provient ce que lettrés, artistes et érudits ont appelé « le symbolisme de la pomme ».

Paris , mai 1901.

H. GAIDOZ.

NOTES

(1) Journal of the Royal Historical and Archœological Association of Ireland , 4° série, t. III, numéro d’avril 1874, p. 131.

(2) Kurzgefassie Irische Grammatik, Leipzig , 1879, p. 118-20 et p. 132, col. 2.

(3) Extrait des Mémoires de la Société Académique de l’Aude, Troyes , 1879, T. XLH, 10 p. in-8°.

(4) L.-W. Joye, Old Celtic Romances, London, 1879, p. 108.

(5) Gaelic Journal, T. II, p. 306-309.

(6) Revue de l’Histoire des religions, T. XIV (1886), p. 65.

(7) Zeitschrift für deutscher Alterthum, etc., T. XXXIII (1889). p. 363.

(8) Celtic Fairy Tales, London, 1889, p. 2 ; cf. p. 243.

(9) D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, L’épopée celtique en Irlande , Paris ,1892. p. 387.

(10) Kuno Meyer and Alfred Nutt, The Voyage of Bran, etc., T. l, Londres, 1895, p. 45.

(11) C’est au cours des Nouvelles étude sur la provenance du cycle arthurien, publiées par M. F. Lot, dans la Romania , T. XXVII (1898), p. 560.

(12) MM. Jacobs et Nutt sont naturellement hors de cause, puisque (comme ils l’ont déclaré eux-mêmes ) leurs traductions reposent sur celles de tel ou tel celtiste.

(13) Voir les exemples de ce verbe et les traductions données par M. Windisch dans le glossaire du tome 1 de ses Irische Texte, p. ,.57, et par M. Atkinson dans le glossaire de ses Passions and Homilies from Leobhar Breac , Dublin, 1887, p. 620.

(14) « Ro-lil menma mua Caier do Nede. Do-bert uball n-argait do Nede ar a chairdess , etc. », récit édité et traduit d’après le manuscrit appelé « Livre jaune de Lecan » , par M. W[hilley] S[tokes]. Three Irish ·Glossaries, London , 1862, p. XXXVI à XL. — M. d’Arbois de Jubainville a résumé ce récit d’après M. Stokes dans son Introduction à l’étude de la littérature celtique , Paris, 1883, p. 261 et suivantes.

(15) The Vision of Mac Conglinneme… edited by Kuno Meyer, Londres, 1892, p. 4-5.
Il est assez curieux que cette explication irlandaise du moyen âge se trouve d’accord avec l’observation de la médecine moderne : « les boulimiques sont des malades affligés d’une faim excessive, vorace, canine ; parfois la cause en est vermineuse… (Dr E. MONIN, L’hygiène des riches , Paris , 1891. p. 25-26.)

(16) Irish Songs ans Ballads, by Alfred Perceval Graves, Manchester, 1880, p. 256.

(17) (Voir Meyer et Nutt, The Voyage of Bran, T. l, p. 204.

(18) Ni highaide iad a mbeith aga siorchaitheam go brath. (O’CURRI dans l’ Atlantis , T. IV. (Dublin , 1863), p. 188.) Ce texte, du reste, est moderne.

(19) Voir les détails donnés par M. James MOONEY, dans Proceeding of the American Philosophical Society, Philadelphie. 1889, p. 405-406. Cet intéressant mémoire est intitulé : The Holiday Customs of lreland.

(20) La pomme a précédé la boule dans l’art du jongleur, ou, mieux, la boule a remplacé la pomme. On peut voir dans une peinture de vase grec une jeune fille, assise, jonglant avec trois pommes ; une autre, devant elle , parait lui en offrir une quatrième pour ajouter au jeu. Voir GERHARD, Auserlesene Vasenbilder, 1. IV, pl. CCXCVII et p. 71. Voir aussi plus loin, p. 17.

(21) Conte publié (en anglais) dans ta revue anglo-galloise Y Cymmrodor’, t. V, Londres t 1882, p. 95.

(22) VIRGILE, Eglogies, iii, 64 ;

(23) CATULLE, LXV, 19.

(24) THÉOCRITE, V, 88.

(25) Idylles de Théocrite, etc., traduction nouvelle par LECONTE DE LISLE, Paris, 1861, p. 46.
Voici comment M. A. Lang a traduit ce passage : « Clearista too, pelts the goat-herd with apples as he drives past his she-goats, and a swcet word she murmurs ». Theocritus , etc., rendered into English prose by A. LANG, London, 1880, p. 29.

(26) Idylles de Théocrite, traduites en français par Julien GEOFFROI, ancien professeur de rhétorique au collège Mazarin, accompagnées du lexie grec, et revues par J. PLANCHE, professeur de rhétorique au collège royal de Bourbon, Paris, 1823, p. 90.

(27) Ibid., p. 102.

(28) III, 10 ; Xl, 10 ; XIlI, 38. Et c’est encore de Théocrite que, dans l’églogue précitée de Virgile, proviennent ces deux vers (III, 70-71) :

Quod potui, puero silvestri ex arbore Iecta
Aurea mala decem misi ; crus altera mittam.

De quels fruits s’agit-il ici ? La pomme et le coing ne sont pas aisés à distinguer chez les écrivains grecs et latins. Un commentateur, dans l’édition de la collection Lemaire, dit : « De malis tamen Cydoniis, in melle condiri solitis, accipi potest. » Mais M. Eug. Benoist , dans son édition de Virgile, n’accepte pas cette interprétation botanique : « Il n’est question ici, dit-il, ni des coings qui croissent dans les jardins et dont l’arbre ne peut être caractérisé par l’épithète silvestris, ni des citrons ou des oranges, qui ne croissent point en Italie, Aurea équivaut à pulcherrima ou à tout autre mot du même genre… »
Il convient du reste de remarquer que les termes μήλον et malum n’ont pas la signification précise de notre mot pomme. Ajoutons que M. O. Schrader, dans son dernier livre (Reallexicon der IOndogermanische Altertumskunde, Strasbourg , 1901 , p. 43), regarde le mot latin comme emprunté directement du mot grec.

(29) ARISTOPHANE, Les Nuées, vers 996-997, μήςω βληθείς ύπό ωορνιδίου.

(30) LUCIEN, Dialogues des courtisanes, XII, I. — Nous citons d’après la traduction de M. Talbot, T, I, p. 376. — Le fait de mordre la pomme avant de la lancer était une agacerie de plus. BOETTIGER (Kleine Schriften, t. III, p. 99. n.) nous assure que des Pères de l’Église ont vu là un souvenir de la pomme où Eve avait mordu avant de l’offrir à Adam ; mars nous regrettons qu’il n’ai pas cité ces graves autorités.

(31) Nous citons ces deux épigrammes d’après la traduction française de F. D[übner], Anthologie Grecque, Paris. Hachette , 1863, t. T, p. 30.

(32) Voir, par exemple , les Métamorphoses d’ANTOMNUS LIBERALIS, ch. 1. — Pour plus de détails sur la signification amoureuse de la pomme en Grèce, voir BECKER, Charicles, 2· édit., Leipzig, 1854., T. I, p. 331 ; et DILTEY, De Callimachi Cydippa, Leipzig , 1863, p. 113 et suiv. Le passage, cité plus haut, des Nuées d’Aristophane a fourni à un récent éditeur de ce poète l’occasion de réunir la plupart des textes grecs relatifs au μηλοζολεΐν, édit. de Blaydes, T, IX (Halle, 1890), p. 476.

(33) C. WACHSMUTH. Das alte Griechenland im neuen, Bonn, 1864, p. 83.

(34) B. SCHMIDT, Griechische Moerchon,, Sugen, etc., Leipsig , 1877, p. 85 el 228.

(33) « On m’ a envoyé la balle (σφαΐραν) » se trouve même connue inscription amoureuse sur un oxybaphon du musée Bourbon , à Naples : L’amour aidé est debout entre deux jeunes filles et c’est la favorisée qui parle ainsi. Voir Ch. Lenormant et J. de Witte, Elite des monuments céramographiques. T. lV, Paris, 1861, p. 87 et pl. LX. Voir aussi, ibid., pl. LXXV, une scène analogue, mais où l’objet rond peut être une pomme aussi bien qu’une balle, et dans cette dernière l’éphèbe qui décerne la pomme pourrait être pris pour Pâris, s’il avait à juger entre trois femmes au lieu de deux.

(34) Ch. DIEHL, Excursions archéologiques en Grèce, Paris, 1890, p 381.

(35) E. POTTIER, Les figurines de terre cuite dans l’antiquité, Paris, 1890, p. 100 et fig. 40.

(36) GEBHARD, Auserlessene Vasenbilder, Berlin, 1858, T. IV, pl. CCXCVII, et p. 70.

(37 G. FOUGERES, , dans le Bulletin de correspondance hellénique, T. XII (1888), pl. VI et p. 179.

(38) COLLIGNON, Histoire de la grecque, T. 1. p. 272 et fig. 135.

(39) E. POTTIER et S. REINACH, La Nécropole de Myrina, Paris , 1887, p. 410 (avec gravure).

(40) Collection Julien Gréau, Troisième partie : Terres cuites grecques, Paris, 1891, n° 310, p. 71 et pl. XXII.

(41) Voir un article de M. G. FOUGERES, dans le Bulleti  de correspondance hellénique, T. XII (1888), pl. VI et p. 179.

(42) J. MARTHA, L’art étrusque, Paris, 1889 p. 40.

(43) ALLMER et DISSARD , dans un extrait des Mémoires de l’Académie des Sciences , etc. de Lyon, vol, XXV, 2e partie, p. 490, avec gravure. Voici en quels termes s’expriment ces auteurs : « Un jeune homme endormi sous un arbre parait voir en songe une divinité vêtue d’une tunique talaire et d’un manteau flottant. Cette déesse, dont la tête et le côté gauche manquent, tient de la main droite un objet indistinct qui n’est peut-être qu’une boursoufflure de la pâte. » (Sic !). Ajoutons que dans le champ on voit trois pommes. A notre avis, cette scène représente un rêve d’amour (plus chaste que celui d’Horace allant à Brindes}, ou bion une déesse venant surprendre un Endymion — ou un Condla.

(44) Voir la gravure dans F. HAUG et G. SIXT, Die rœmischen Inschrifen und Bildwerke Württenberg, Stuttgart , 1900, p. 195, n° 279.

(45) COLLIGNON, Histoire de la sculpture grecque, t. I, p. 166, fig. 75.

(46) L. HEUZEY, Catalogie des figurines antiques de terre cuie du Musée du Louvre, T. 1, Paris, 1891, p. 139.

(47) BERNOUILLI, Aphrodite, Leipzig, 1873, p. 359 et 363.

(48) Ibid, p. 141.

(49) Bulletin de la Société des Antiquaires de France , année 1885 , p. 162.

(50) EDELESTAND DU MERIE, Etudes d’archéologie et d’histoire littéraire, Paris, 1862, p. 505, lequel renvoie à SPON, Miscellanea, pl. VII, fig. 3. — Nous avons retrouvé ce beau camée de Tryphon dans MILLIN, Galerie mythologique, Paris. 1811, pl. XLI, fig. 198, p. 45. Elle est reproduite en dimensions plus grandes, sans doute par agrandissement, dans J’ouvrage récent de FURTWAENGLER, Die antiken Gemmen, Berlin. t. III. p. 371.

(51) Dans la Revue de l’Art Chrétien, année, 1889, p. 25.

(52) Voir Notre-Dame de Benoîte-Vaux , par le R. P. CHEVREUX, Verdun, 1863, p. 16. D’après cet auteur, la statue aurait été apportée par les anges, et l’attention des bûcherons dans la forêt aurait été attirée par le chœur merveilleux des anges qui chantaient l’Ave Maria. C’est à cette découverte et au pèlerinage qui en a été la suite que la vallée a dû le nom qu’elle porte aujourd’hui de « Vallée bénie ».

(53) A propos de la Vierge à la pomme de Benoite-Vaux, M. A. DE BARTHELEMY, dans Je Bulletin de la Société des Antiquaires de France , année 1876, p. 175-176, a signalé deux reliquaires du trésor de Saint-Maurice-d’ Aganne, sur lesquels la Sainte Vierge tient dans sa main une petite pomme en or ». — Plus loin, dans le même Bulletin de 1876, p. 200, M. DE MARSY a décrit, en donnant une gravure, un vitrail français du XIIIe siècle où l’on voit « la Vierge couronnée, tenant de la main droite une pomme qu’elle présente à l’enfant Jésus, placé à sa gauche ». — On s’est aussi, quelquefois, trop pressé de découvris des « Vierges à la pomme ». Ainsi celle de Saint- Pierre-de-Beaulieu , dans la Corrèze, curieuse œuvre de cœlatura du XIIe siècle, tient dans la main, non pas la « pomme d’Eve », comme on l’a cru, mais un objet de forme cylindrique non déterminé : voir Bulletin Monumental, t. XLVI (1880), p. 598 (avec gravure) e t p. 826.

(54) E. LAFORGE, La Vierge, type de l’art chrétien, Lyon, 1864, p. 290.

(55) Dans une procession de Heidelberg, Adam portait une tête de mort qui avait une pomme dans la bouche, (W. MENZEL, Christliche Symbolik, Ratisbonne, 1857. t. 1. p. 69.) — Tout le monde chez nous connait et porte au cou la « pomme d’Adam ».

(56) Petits Bollandistes, t. IV, p. 271.

(57) R. PFLEIDERER, Die Attribute der Heiligen , Ulm, 1898, p. 7.

(58) Récit publié d’après un manuscrit du Musée britannique (XllIe et XIVe siècles) 9 par Th. WRIGHT, dans ses Latin Stories, Londres , 1842, n° 145, p. 130-131.

(59) DURUY, Histoire des Romains, Paris, 1883, T. V, p. 210. Ce « globe du monde », dans la gravure que donne Duruy, ressemble tout à fait à un simple fruit rond.

(60) Voir CAHIER et MARTIN,, Mélanges d’archéologie, Paris, 1847, T. l, pl. IV, et p. 16. —Sur une autre face de la même châsse, on voit la sainte Vierge assise en reine, l’enfant Jésus sur ses genoux (ibid., pl. 1), figurée comme « Vierge à la pomme » ; mais le P. Cahier, en reconnaissant ce type, y voit la pomme du paradis ! Voici ses paroles (p. 16) : « On voit dans sa main droite un petit globe surmonté d’une croix ; mais il est fort douteux que cette croix appartienne au travail primitif ; la dimension toute seule du globe suffirait pour faire rejeter l’idée du monde. [C’est en effet une toute petite boule.] J’y verrais plutôt la pomme de la première femme, et l’attitude de l’enfant Jésus me confirme dans cette pensée ». Pourquoi ? Parce que l’enfant Jésus paraît accepter que sa mère lui offre !

(61) C’est faute de place que je me suis abstenu de parler de la pomme d’or que donne Odhunn, la déesse islando-norroise de la jeunesse, comme aussi des pommes d’or du jardin des Hespérides, et de l’Insula pomorum des Celtes du moyen âge.

(62) Cette dernière (par les pépins) est déjà attestée dans la Grèce ancienne.

(63M. A. PAILHES, dans le Tour du Monde, T. .XXXI (Paris, 1876), p. 788.

(64) C’est une série de petites brochures de quelques pages chacune, avec pagination séparée et cousues à la suite l’une de l’autre. Elles traitent de diverses plantes particulières à la flore de Tahiti, et se terminent toutes par cette rubrique: » G. CUZENT, pharmacien de La marine, Extrait du journal le Messager (Tahiti). Imprimerie du Gouvernement », Sans date, format in-8°. Ce sont, comme on voit, des articles d’un journal local, tirés à part pour être offerts aux amis et collègues de l’auteur. C’est à l’obligeante amitié de M. Eugène Rolland que je dois la connaissance de ce document et la communication de cette rareté bibliographique.

(65) A la Nouvelle-Calédonie, le coco (fruit du pays, et rond également) joue un rôle symbolique en amour ; une jeune fille canaque montre qu’elle accepte un prétendant en mangeant après celui-ci un morceau de coco mordu par le jeune homme. Voir M. OPIGEZ, dans le Bulletin de la Société de Géographie, 1886, p. 637. — Ici l’acceptation du convivium est l’acceptation du connubium.

(66) Mélanges d’archéologie, par les PP. MARTIN et CAHIER, Paris, 1847, T. l, p, 16.

(67) Œuvres de Virgile, T. l, 2e éd., Paris. 1876. P. 30.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE