H. Louatron. Stigmatisation interne et plastique. Extrait de la revue « L’Écho du merveilleux », (Paris), Cinquième année, n° 100, 1ermars 1901, pp. 90-92.

H. Louatron. Stigmatisation interne et plastique. Extrait de la revue « L’Écho du merveilleux », (Paris), Cinquième année, n° 100, 1ermars 1901, pp. 90-92.

 

Henri Louatron. Ancien organisateur du groupement International des Philosophes à l’A.S. U., ancien directeur de « la Synthèse Éclectique ». Collaborateur régulier de l’Écho du merveilleux. Sa publication le lus connue :
A la messe noire ou le luciférisme existe. Avec 5 gravures hors-texte. Lettre préface de J.-Cam. Chaigneau, A Mamers (Sarthe), [À compte d’auteur], s. d., [vers 1918.] 1 vol. 74 p. Très nombreuses rééditions. – Et également :
— H. Louatron. Les rêves considérés comme indices de maladies . Extrait de la revue mensuelle « L’Écho du merveilleux », (Paris), cinquième année, n° 98, 1erfévrier 1901, pp. 52-53. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images, ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 90, colonne 1]

Stigmatisation interne et plastique

A côté de la stigmatisation externe épigraphique(inscriptions sur diverses parties du corps, comme chez Christine de Stumbelé, Marie-Bénigne Pepe, Jeanne des Anges (supérieure des Ursulines de Loudun) et Marie-Julie Jahenny ; —ou figurative(croix, cœurs, fleurs, couronnes d’épines), comme chez saint Roch, Antoine de la Parra, Agathe de la Croix, Catherine Emmerich, Luc de Gontecorvo, Rosana Battista, etc., il existe une autre stigmatisation, la stigmatisation interne,plastique, qu’on ne peut voir qu’en autopsiant le sujet après sa mort, et qui est caractérisée par des blessures du cœur, par l’impression des instruments de la Passion dans cet organe, avec diverses figures et inscriptions, plus des corps étrangers et étranges dans le cœur, le foie, les reins, sur les os ou à l’extérieur des tissus organiques. Ce sont ces productions extraordinaires qui vont ici, —. comme elles le méritent tant, — retenir un instant notre attention.

Claire de Montefalco, canonisée en 1882, par Léon XIII, portait les instruments de la Passion imprimés dans son cœur. Ce miracle figurait en première ligne dans une inscription latine :. D. N. Jésus Christus S.  Claræa Cruce conspienus adstat ejusque[p. 90, colonne 2] cordi triumphalia sin cruciatus necis que instrumenta carnis exstantia formis novo et ad hanc diem perenni prodigio imprimal. Traduction : « Notre-Seigneur Jésus-Christ apparaît à sainte Claire de la Croix et imprime dans son cœur sous des formes de chair les instruments triomphants de ses souffrances et de de sa mort, par un prodige nouveau qui se voit encore jusqu’à ce jour. » Le cœur de la sainte est encore à Montefalco où il a été photographié. Crucifix, clous, lance, éponge, colonne de flagellation, fouet, couronne d’épines, le tout y est merveilleusement .distinct.

Sainte Véronique de Giuliani, canonisée par Grégoire XVI, est une autre cardiaque mystique. On a constaté sur les oreillettes : une croix, et sur un étendard barrant obliquement les lettres initiales des noms de Jésus et Marie ; puis sur la croix elle-même, celles des mots carita(charité) C, en haut, umiltà (humilité), V, sur le bras droit,obelienza(obéissance), O,  sur le bras gauche, fede e fedelti(foi et fidélité), F, au cœur, à l’intersection, patire e pazienzà(pâtir ou souffrir, souffrance et patience), au bas. Au-dessus de la croix, la couronne d’épines et la tunique de Notre-Seigneur entre deux, flammes symbolisant l’amour de Dieu et l’amour du prochain. A droite de la croix, la colonne de flagellation, le fouet, les clous et le calice ; à gauche le marteau, les tenailles, la lance et l’éponge ; sous la croix, c’est-à-dire à la pointe du cœur de la sainte, la lettre V (volonta di Dio, volonté de Dieu), couronnée des sept glaives de l’addolorata(mère des Sept-Douleurs).

Florida Cevoli dépassa encore les précédents stigmatifères. Dans la cavité droite de son cœur, on releva : une croix avec trois glaives d’un côté et quatre de l’autre, les pointes tournées vers le divin gibet (les douleurs de Marie), les cinq plaies (2 au-dessus de la croix et 3 en bas, au-dessous). Dans la cavité gauche, au centre, une blessure d’amour (stigmate) la traversant de part en part, et, resté cette cette plaie qu’il avait faite, le bout de la lance portant une croix à son extrémité. Au-dessus de la plaie : IHS et au-dessous MARIA. Le-tout entouré des initiales des mots des vertus suivantes : G (charité), D (droiture d’intention) O (obéissance), C (constance dans le bien), E (élévation vers Dieu), M (mortification), M (modestie), PPPPPP (paix, patience, prudence, pauvreté, persévérance, pureté). Sur la portion d’artère aorte restée à la sortie du cœur, se trouvent imprimés d’autres stigmates représentant les deux cœurs accolés de Jésus et de Marie, unis et dominés par la croix et criblés de nombreuses blessures, deux croix, dont l’une environnée de flammes, la lettre P (pative e[p. 91, colonne 1] patienze, souffrance et patience) et la-plaie dû côté avec le.glaive.

Je parlais un jour à un docteur de mes amis, de ces stigmates-plastiques internes : il me dit qu’en admettant que ces phénomènes fussent vrais, ce qui, à ses yeux, était loin d’être démontré, et une fois la part faite « à la légende et à la superstition », ces phénomènes « ne pouvaient être que le résultat d’un épigraphisme par autosuggestion, d’un autographisme pénétrant, que l’imagination et le système nerveux hyperexcités par le fanatisme au paroxysme était capable de provoquer chez certains mystiques exceptionnels, une perturbation incrustante, durcissante, modelante des tissus viscéraux. »

J’avoue que je trouve-une différence extrême entre le dermographismehypnotique, les hémorragies cutanées, les stigmates et autres phénomènes éphémèresobtenus aux hôpitaux de Rochefort et de la Salpêtrière, et la stigmatisation plastique, interne et persistante, résistant même à la corruption du tombeau, dont je viens de citer trois exemples remarquables reconnus par l’église. Je répondrai avec M. le docteur Imbert-Gourbeyre (professeur à l’école de médecine de Clermont, commandeur de l’Ordre de Charles III), qui a traité si magistralement et si savamment toutes ces questions, qu’en dehors même de la reconnaissance par l’Église, il y a un autre gros mais :

« Florida Cevoli, comme Véronique, avait prédit le « jour de sa mort, dessiné les empreintes ou espèces de sculptures miraculeuses de son cœur, et dit que ces gravures ne réapparaîtraient dans l’organe que quelques jours seulement après son décès. Effectivement, à l’autopsie, on ne trouva aucun stigmate du cœur ; on le conserva alors dans un vase plein d’eau pure et recouvert. Il ne se putréfia nullement, et, au bout de huit jours, les incrustations stigmatiques y apparurent telles que Florida les avait décrites et dessinées. Ce fait semble avoir eu lieu tout exprès pour donner la réponse topique à la suggestion par échéance. Impossible, en effet, d’expliquer ce prodige par ce procédé. Entrela suggestion et l’échéance de huit jours, il s’était passé un fait majeur : Florida était morte, et je ne cache pas que la suggestion ultra-fanatique ait la vertu de ressusciter les morts, ni que l’autosuggestion, si c’est celle-ci qu’on invoque, ait pu opérer après le décès. »

« Ces trois miracles s’imposent donc au respect des catholiques, et même, aux libres-penseurs en vertu du bon sens ».

Old Magic Hands by Hasmine Worth.

§ Autres faits à rapprocher. —Plusieurs vierges chrétiennes, dans une vision de fiançailles, ont reçu [p. 91, colonne 2] aussi de Jésus-Christ, époux mystique des âmes, en signe d’union, de mariage, de véritables anneaux : « Sois désormais mon épousé dans la souffrance comme dans la joie», leur disait Notre-Seigneur.

Columba Schonath (1764) fut une de ces privilégiées. Des religieuses, témoins de son extase, lui virent au doigt (médius gauche) un anneau resplendissant qui disparut quelques instants après, laissant une raie rouge pour le reste de sa vie. Elles revirent l’anneau, ainsi que le provincial des dominicains qui le toucha, les jours de Noël et de Pâques. Reçurent également l’anneau nuptial du sauveur sainte Agnès, sainte Catherine, sainte- Colette, sainte Thérèse et Madeleine de Pazzi, Marine d’Escobar, Véronique Giulani, Agnès de Jésus (de Zamorra, en Castille), Philotée (de Nuremberg’) eurent-aussi au doigt l’alliance mystique. Chez les unes, elle était brillante et parfumée, mais impalpable ; chez d’autres, elle consistait en un cordon d’or visible seulement de celles qui le portaient, sauf, exceptionellement certains vendredis ; chez d’autres, elle était en or du plus beau rouge ; chez d’autres enfin, elle était en un métal éclatant, aussi inconnu que la pierre purpurine de son chaton, et les grattures recueillies n’apprirent, rien. Sur les chatons se voyaient quelques signes (croix, deux mains entrelacées, des inscriptions telles que « lu michi et ego tibi », « fides », le nom de Jésus en caractères hébreux). Ces épousées conservèrent leurs alliances presque jusqu’à leur mort. A quelques-unes, elles furent, dérobées (quand elles étaient matérielles, cela va sans dire) pour guérir des malades.

Véronique Giulani portait alternativement « l’anneau d’amour » et « l’anneau de souffrance ». En guise de bague-mystique, Marguerite Colonne et Marie-Renigne Pepe eurent des stigmates annulaires. L’alliance de Célestine Fenouil (de Manosque, Basses-Alpes, 1874), se trouve formée au quatrième doigt gauche par une série de petites croix rouges, et un cœur d’un rouge très vif, percé de trois glaives, figurant le chaton, brillait extraordinairement le dimanche. Marie-Julie Jahenny (de la Français, près Blain, Loire Inférieure) a gardé aussi à l’annulaire de la main droite, depuis 1874 jusqu’à aujourd’hui, un anneau modelé dans les chairs, à même elles, semblable à une bague de corail rouge qui serait enfoncée, incrustée dans la peau. Ajoutons encore que ces mariages mystiques sont pour la plupart reconnus par l’Église.

Vitrail Saint François d’Assise.

Terminons par des faits plus déconcertants, si possible : ce sont les rénovations, échanges, extractions et même absences de cœur, chez plusieurs stigmatifères qui avaient demandé avec instance et ferveur [p. 92, colonne 1] d’avoir un cœur pur. À la suite de cette prière ardente, le Seigneur retira le cœur  à la bienheureuse Catherine de Racconigi, à la mère Agnès de Jésus, à Jeanne Rodriguez, le purifia, et le remit ensuite en place au bout d’un temps plus ou moins long. A sainte Gertrude, à sainte Catherine de Sienne, à Vittoria Angelini et à la bienheureuse Marie Alacoque, Jésus-Christ enleva le cœur de leur poitrine et y substitua le sien. Ces deux derniers genres de merveilles sont, comme les précédents attestés formellement par l’Église ; les béatifications, les canonisations et les prières des offices en font foi. Les plaies béantes, des ouvertures au côté, à la poitrine, (ensuite les cicatrices), les douleurs, la mort apparente observées chez les extatiques ne sont-elles pas des preuves matérielles suffisantes pour croire à l’extraction réelle et physique du cœur ? Car les extases ont eu des témoins qui ont imbibé des mouchoirs (encore conservés aujourd’hui) du sang qui ruisselait lors de ces blessures à hémorragies.

Enfin chez Prudentienne Ragnoni, Passidée, la bienheureuse Jeanne-Marie Bonomi, l’absence complète du cœur aurait même été constatée par les médecins du vivant de ces stigmatisées (disparition absolue des battements cardiaques} et après leur mort l’autopsie ayant permis de constater sinon l’absence du viscère, du moins son ratatinement tout aussi miraculeux en une pellicule desséchée).

Voilà des phénomènes que doivent renoncer à expliquer les occultistes, les spirites et les théosophes. Ils ne rentrent plus dans leurs théories.

H. LOUATRON.

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