Gilbert Ballet. Rapports de l’hystérie et de la folie. Extrait « Des procès-verbaux, mémoires et discussions  du Congrès des Médecins Aliénistes et Neurologistes de France et des Pays de langue française, Cinquième session, Clermont-Ferrand du 6 août au 11 août 1894 »n (Paris), G. Masson, 1895, pp. 17-77.

92 – Right

Gilbert Ballet. Rapports de l’hystérie et de la folie. Extrait « Des procès-verbaux, mémoires et discussions  du Congrès des Médecins Aliénistes et Neurologistes de France et des Pays de langue française, Cinquième session, Clermont-Ferrand du 6 août au 11 août 1894 » (Paris), G. Masson, 1895, pp. 17-77.

Outre l’intérêt épistémologique de cette communication, c’ est certainement la seconde, après de celle de Pierre Janet, en français, à citer les travaux de Breuer et Freud.

Gilbert-Louis-Simon Ballet (1853-1916). Né à Ambazas, en Haute-Vienne, son père était lui-même médecin. Elève de Jean-Martin Charcot, influencé par Théodule Ribot, il s’intéresse très tôt aux phénomènes du langage, en particulier de l’aphasie, qu’il ramène dans le champ d’investigation de la médecine, alors qu’ils se trouvent le plus souvent traités en philosophie. Il s’intéresse également très tôt aux phénomènes supra-normaux, intérêt qui ne se démentira pas tout au long de sa carrière. Il fut à l’origine du concept de Psychose hallucinatoire chronique, désagrégation et dissociation de la personnalité. Sa carrière fut couronnée par la parution de son Traité de pathologie mentale en 1903, travail collaboratif qui rest aune référence en épistémologie. Nous renvoyons à l‘excellent article de Pascal Le Mafan sur sa biographie dans Le Dictionnaire des psychologie et psychopathologie des religions.
Quelques publications :
— Hygiène du neurasthénique. Paris, Masson et Cie, 1896. 1 vol. Ouvrage écrit en collaboration avec Adiein Proust, le père de Marcel.
— Histoire d’un visionnaire au XVIIIe siècle. Swedenborg. Paris, Masson et Cie, 1899. 1 vol. avec portrait
— Leçons de clinique médicale. Psychoses et affections nerveuses. Avec 52 figures dans le texte. Paris, Octave Doin, 1897. 1 vol.
— Le langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie. Deuxième  édition, revue. Paris, Félix Alcan, 1888. 1 vol. in-18, XVI p., 174 p. Dans la « Bibliothèque de Philosophie Contemporaine ».
— Sur un cas de délire de médiumnité. Article paru dans la revue « Annales médico-psychologiques », (Paris), huitième série, tome dix-neuvième, soixante et unième année, (1903), pp. 264-271. [en ligne sur notre site]
Délire hallucinatoire avec idées de persécution consécutif à des phénomènes de médiumnité. Article paru dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), soixante et unième année, huitième série, tome dix-huitième, septembre 1903, pp. 271-281.  [en ligne sur notre site]
— Un cas de « Fausse reconnaissance » ou de « Déjà-vu ». (Présentation de malade). Extrait de la « Revue neurologique », (Paris), tome XII, 1904, pp. 1221-1223. [en ligne sur notre site]
— Traité de pathologie mentale. avec la collaboration de D. Anglade,  F. L. Arnauld, H. Colin, E. Dupré, A. Dutil, J. Roubinovitch, J. Séglas, Ch. Vallon. avec 215 figures dans le texte et 6 planches en chromolithographie hors texte. Paris, Octave Doin, 1903-in-8°, 2 ffnch., XIV p., 1600 p.
— L’hygiène Scolaire. Conférence faite à Paris le 23 ami 1905, sous les auspices de la Revue scientifique. Paris, Editions de la revue Politique et Littéraire, 1905. 1 vol.
— La sorcellerie et les sorciers. Article paru dans la revue de Pierre Janet « Bulletin de l’Institut général Psychologique », (Paris), 6e année, n°1, 1906, pp. 3-28, avec figures. [bientôt sur notre site]
Hallucinations et dissociation de la personnalité. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), septième année, deuxième semestre, 1913, pp.1-5. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 17]

RAPPORTS DE L’HYSTÉRIE ET DE LA FOLIE
Séance du 6 Août (soir
).

« L’hystérie, a dit Esquirol (1) dégénère et passe souvent à la folie et, dans beaucoup de cas, elle n’en est que le premier degré. » Cette proposition qui, dans sa forme vague, est susceptible de plus d’une critique, semble avoir trouvé crédit auprès des aliénistes à une époque où les notions régnantes sur les symptômes et les caractères de l’hystérie manquaient, plus que toute autres, de précision. Si l’on parcourt, en effet, les en-têtes d’observation ou les certificats d’admission tels qu’on les rédigeait encore il y a vingt ans à peine, on y voit l’hystérie fréquemment mentionnée bien qu’il nous soit souvent difficile de l’y reconnaître aujourd’hui, au moins sous les traits caractéristiques qu’actuellement on lui attribue. Les idées, depuis lors, se ont notablement modifiées et l’étiquette folie hystérique qui fut naguère courante, n’est plus que rarement appliquée aux maladies mentales qui passent sous nos yeux dans les asiles.

Ce n’est pas que la pathologie se soit transformée, et il suffit de parcourir au hasard les services hospitaliers pour s’assurer que l’hystérie n’y est pas moins commune qu’autrefois. On l’y retrouve à chaque pas et on la reconnaît chez des [p. 18] malades qui étaient jadis arbitrairement classés sous d’autres vocables. Ainsi, tandis que l’hystérie devenait moins commune dans les asiles, elle augmentait singulièrement de fréquence dans les hôpitaux ordinaires ; c’est qu’il fut un temps où on la voyait là où elle n’était pas, tandis qu’on la méconnaissait souvent où elle était.

La tendance de la psychiatrie est aujourd’hui de mieux délimiter les espèces morbides : de symptomatique elle vise à devenir nosologique. Etudier les rapports de l’hystérie et de la folie ne saurait plus consister à énumérer simplement les troubles mentaux variés qui se peuvent observer chez une hystérique avérée, mais à préciser l’affection mentale caractérisée par ses causes, son évolution aussi bien que par ses symptômes et à laquelle se rattachent les désordres cérébraux relevés chez les hystériques,

Pour remplir cette tâche il est nécessaire de bien déterminer, au préalable, ce que l’on doit entendre par ces deux terme hystérie et folie, l’un s’appliquant à une maladie psychique dont il ne paraît pas impossible de donner aujourd’hui une définition à peu près précise, l’autre à un ensemble de troubles fort vagues à la vérité, fort variables de physionomie, d’aspect et d’évolution comme les espèces morbides dont ils sont la traduction clinique.

Le mot folie a été pris tour à tour dans un sens étendu ou restreint. On l’a considéré quelquefois comme synonyme de délire (vésanique) et, plus spécialement, de délire intellectuel. En adoptant ici cette acception par trop étroite nous serions amené à laisser à tort hors du sujet qui nous occupe des questions et des problèmes dont l’intérêt ne résulte pas seulement de leur actualité. L’expression, pour Georget, devait servir à désigner les idées, les passions, les déterminations différentes de celles du commun ; pour Foville, l’état de toutes les personnes qui ne jouissent pas de l’intégrité de leurs facultés intellectuelles, morales et affectives. C’est dans ce sens étendu que nous croyons devoir la prendre. Les troubles psychiques, quelles que soient les fonctions qu’ils intéressent, présentent entre eux une solidarité trop étroite pour qu’on en puisse arbitrairement scinder l’étude : les altérations de la conscience, de la volonté ; du caractère, qu’ils soient subordonnés aux désordres [p. 19]

Intellectuels ou qu’ils les commandent, sont avec eux en relation intime ; aussi ne saurait-on logiquement laisser de côté les uns pour envisager exclusivement les autres ; la clinique pas plus que la psychologie pathologique ne sauraient aujourd’hui s’accommoder d’une pareille scission.

Cette manière d’envisager les choses nous conduira à signaler à la discussion non-seulement les problèmes que soulève l’étude des délires dans leurs rapports avec l’hystérie, mais aussi ceux, non moins intéressants, qui se rattachent à la description de l’état mental des hystériques.

Entre les uns et les autres il y a, d’ailleurs, on le verra, une étroite connexité.

QU’EST-CE QUE L’HYSTÉRIE ? DÉFINITION CLINIQUE
ET PSYCHOLOGIQUE.

Est un point sur lequel tout le monde paraît aujourd’hui s’accorder, c’est que l’hystérie est une maladie mentale. Qu’on continue à la classer parmi les névroses, ou qu’on en fasse décidément une psychose, peu importe : c’est un fait avéré que les troubles qui la constituent sont d’ordre psychique. Personne ne songe plus à considérer ses manifestations comme des désordres réactionnels consécutifs à des troubles de l’utérus ou de ses annexes.

Mais cette notion, quelque bien établi qu’elle paraisse, ne lève pas la difficulté qu’on éprouve à donner de la maladie une définition exacte et précise. Ni l’étiologie qui est variable, partant, à certains, égards, banale, ni la symptomatologie trop complexe pour pouvoir être résumée en une courte formule, ni le trouble psychologique fondamental qui, tout constant qu’il soir, ne paraît pas absolument spécial à l’hystérie, ne nous fournissent, à proprement parler, l’élément de cette définition, au moins d’une définition rigoureuse.

Est-ce à dire que l’hystérie ne constitue pas une espèce morbide nettement distincte, ayant sa symptomatologie spéciale et sa physionomie propre ? En aucune façon. On peut discuter sans doute sur l’homogénéité du type, entrevoir le moment ou une pathogénie plus éclairée en permettra la dissociation et le réduira à la valeur d’une expression clinique, il n’en est [p. 20] pas moins vrai que ce type a une personnalité nosographique indiscutable. Il confine, sans doute, à d’autres états mentaux qu’il n’est pas facile d’en séparer par une barrière accusée, mais n’est-ce pas le cas de la plupart des vésanies dont les contours ne sont nettement marqués que lorsqu’on considère les cas types ?

L’observation clinique, même tout empirique, suffit déjà, sinon à circonscrire avec précision le domaine de l’hystérie, du moins à nous montrer les principaux des troubles qui le constituent. En clinique, en effet, on se trompe plus sur la valeur et la signification de certains symptômes qui, rares, fréquents ou habituels révèlent leur commune origine et leur identité de nature en se combinant et s’associant les uns aux autres de telle façon qu’ils forment les éléments constitutifs d’un tout nosographique : les troubles de la sensibilité générale et spéciale (je rappelle sans décrire), anesthésies ou plaque hyperesthésiques, les désordres moteurs, paralysies, contractures, tic et mouvements choréiques, tremblements, certaines amnésies et aboulies, les attaques, les crises de somnambulisme , les troubles vasculaires et trophiques, pour ne citer que les principaux, constituent un ensemble dont les divers éléments, par leur coïncidence fréquente, leur alternance possible, les fantaisies apparentes de leur évolution, accusent l’étroite parenté. Si l’on est embarrassé pour dire où l’hystérie commence et où elle finit, on ne l’est pas pour affirmer la nature hystérique des diverses manifestations que nous venons de rappeler.

D’ailleurs ces manifestations (la plupart d’entre elles au moins) ont un lien commun qui les rattachent les unes aux autres et permet affirmer leur communauté d’origine ; elles dérivent d’un même trouble du mécanisme cérébral qui paraît être la caractéristique pathogénique de la maladie. C’est un point sur lequel les travaux de ces deux dernières années ont appelé l’attention. Quelques auteurs, Mœbius (2) et Strümpell (3) entre autres avaient après Charcot, insisté sur ce fait que les troubles [p. 21] de nature hystérique tiennent à un état maladif de l’esprit ; ils auraient pour point de départ certaines représentations mentales trop fortes ou des associations d’idées trop faciles et trop actives. C’était déjà un progrès considérable d’avoir mis en relief le rôle de l’idée dans la genèse des manifestations de l’hystérie, mais c’était un progrès insuffisant. Il restait à montrer que l’idée qui intervient en pareil cas diffère de nos idées et de nos représentations ordinaires, qu’elle est une idée subconsciente. C’est à cette démonstration qu’ont contribué les recherches de M. Binet (4), de M. Myers (5), de M. Laurent (6), de MM. Breuer et Freud (7), d’autres encore. Au premier rang de ces travaux il convient de citer ceux de M. Pierre Janet (8).

C’est un fait qui paraît aujourd’hui avéré et établi que le trouble mental élémentaire de l’hystérie, celui auquel tous le autres sont subordonnés est un rétrécissement du champ de la conscience avec conservation des phénomènes subconscients et automatiques.

Ceci demande quelques explications. Nous les fournirons brèves ; de longs développements seraient ici déplacés.

La conscience est un phénomène dont le sens intime nous donne une idée plus juste que ne saurait le faire une définition quelconque. Quand nous sentons, nous nous souvenons, nous pensons, quand nous voulons ou exécutons un mouvement nous nous rendons compte que la sensation a lieu, que le souvenir nous rappelle des impressions passées ; notre esprit assiste en spectateur aux associations d’idées qu’il forme, aux volitions qu’il élabore et à l’exécution de ces volitions, telle est au moins la [p. 22] règle chez un individu normal. Mais il faut savoir que la conscience de la sensation, du souvenir et de la volition n’est pas une condition indispensable à l’accomplissement de ces opérations. Nous pouvons percevoir des impressions, les emmagasiner dans notre mémoire, vouloir des actes, sans que l’esprit ait la notion consciente des phénomènes dont il est le théâtre, et cependant l’observation ultérieure montrera que nous avons, sans nous en douter, réellement senti, que nous avons conservé le souvenir, que nous avons commandé le mouvement. Pour se convaincre de ce que nous avançons, il suffit d’observer ce qui se passe à l’état physiologique quand notre intelligence, vivement sollicitée par une idée, semble momentanément étrangère à tout ce qui ne se rapporte pas à cette idée. L’absorption de notre esprit qui est une des formes de la distraction, réduit au minimum la somme des phénomènes conscients. A côté de la sensation, de la mémoire, de la volition conscientes, ils y a donc des sensations, des souvenirs, des volition inconscients. A la vérité, dans les conditions normale le domaine de l’inconscient, par rapport à celui du conscient, est singulièrement réduit (moins peut-être cependant qu’il ne semblerait à une observation superficielle). Mais il n’en est pas de même à l’état pathologique, particulièrement dans l’hystérie.

Chez les personnes affectées de cette maladie mentale, l’aire de la conscience (Spencer) se rétrécit d’une façon plus ou moins accusée. Un petit nombre seulement des phénomènes psychiques qu’elle dirige chez les gens bien portants, arrivent jusqu’à elle. Elle devient incapable de réunir, de grouper, de synthétiser le même ensemble de notions qu’à l’état physiologique ; elle laisse hors de son domaine beaucoup de celles qui y sont d’ordinaire comprises. Une hystérique sent, se souvient, veut comme une personne normale, les expériences et l’observation le démontrent ; mais elle a perdu la conscience d’un certain nombre de ses sensations, de ses souvenirs, de ses volitions : de là des anesthésies, des amnésies, des aboulies, qui ne sont en réalité que de fausses anesthésies, de fausses amnésies, de aboulies apparentes. Les anesthésies sont des esthésies inconscientes, les amnésies des souvenirs inconscients, les aboulies des impuissances de la volonté consciente, mais qui cessent [p. 23] quand les déterminations relèvent de l’activité inconsciente et automatique.

La personnalité étant représentée, à un moment donné, par l’ensemble des sensations, des pensées des volitions conscientes, il résulte du trouble physiologique que nous venons d’indiquer que celle de l’hystérique est notablement modifiée. Obligée de négliger un plus ou moins grand nombre de phénomènes psychiques que la diminution de sa faculté de perception ne lui permet plus de synthétiser, la malade laisse dans le champ du subconscient une foule de notions qu’elle est devenue incapable d’assimiler à son moi. Sa personnalité en est singulièrement réduite : personnalité d’ailleurs éminemment changeante d’un moment à l’autre, car le propre des négligences est d’être variables sous mille influences, Ce n’est qu’à la longue, par l’effet de l’habitude acquise que celles-ci acquièrent une certaine fixité. Alors les malades revêtent une physionomie à certains égards immuable : telles les vieilles hystériques chez qui les anesthésies invétérées et tenaces se localisent avec persistance sur un côté du corps, toujours le même, d’où il devient impossible de les déloger.

Il résulte de ce qui précède que la sensation et les images qui restent en dehors du champ de la conscience n’en existent pas moins. Aussi arrive-t-il qu’elles se coordonnent et se groupent de façons différentes pour faire leur œuvre : ce sont elles qui vont présider aux actes automatiques dont le rôle est si important dans la pathologie de l’hystérie. A vrai dire, chez l’hystérique deux personnalités sont toujours en présence, l’un constituée par les agrégats de phénomènes subconscients, l’autre la personnalité consciente, qui recevra le contre-coup de ce qui se passe chez la première que, d’ailleurs, elle ignore. Cette désagrégation du moi qui met en présence deux activité différentes, l’une consciente, l’autre automatique, nous donne la clef de la plupart des accidente mentaux de l’hystérie. Qu’on ait affaire à un spasme, à une idée fixe, à l’attaque ou au délire tous ces troubles paraissent résulter non d’une simple représentation mentale telle qu’on en observe dans la vie psychique normale, mais d’idées, de souvenirs ou d’images qui, à l’insu du malade, surgissent du fond de l’inconscient.

II y a plus : ces souvenirs et ces images, négligés par la [p. 24] conscience, peuvent se grouper et s’organiser de façon à constituer par leur ensemble des agrégats psychologiques nouveaux qui entrent en lutte avec la personnalité consciente et, dans certains cas, la terrassent et l’annihilent momentanément. Ainsi sont constitués les états de condition seconde, ou de somnambulisme, sur lesquels il ne sera pas superflu de nous arrêter quelque peu.

Les notions qui précèdent résument, si nous ne nous abusons, l’état actuel de nos connaissances sur la nature de l’hystérie. C’est à la lumière de ces notions cliniques ou psychologiques qu’il devient possible de démêler, dans l’ensemble des troubles mentaux complexes qu’on a, à tort ou à raison, rattachés à l’hystérie, ceux qui relèvent véritablement de cette névrose ou qui ressortissent à d’autres maladies psychiques.

II

TERRAIN SUR LEQUEL L’HYSTÉRIE SE DÉVELOPPE. — ASSOCIATION
FRÉQUENTE DE L’HYTÉRIE A LA DÉGÉNÉRESCENCE MENTALE

C’est qu’en effet tous les troubles psychiques qu’on observe chez les hystériques ne dépendent pas de l’hystérie. Parmi les vérités que les progrès de la neuro-pathologie ont, en ces dernières années, mises en relief, il n’en est pas qui ait été plus féconde, au point de vue de la nosologie et du diagnostic, que la notion de l’association possible, chez un même sujet, de plusieurs maladies nerveuses. Charcot, plus que tour autre, a contribué à montrer l’intérêt de cette notion. Il n’est pas besoin de rappeler l’association relativement commune de l’hystérie avec la sclérose en plaques, les myopathies, avec la neurasthénie, le goitre exophtalmique, pour ne citer que celles-là. On sait, d’autre part, qu’en se développant chez un malade, ces maladies ne se combinent pas entre elles pour donner naissance à des hybrides, mais qu’elles évoluent côte à côte en conservant leurs caractères propres et leur physionomie spéciale. M. Magnan (9) a montré que la règle, on pourrait dire [p. 25] la loi, formulée par Charcot trouve son application en pathologie mentale. On a pu observer chez le même individu un délire vésanique, la mélancolie, un délire toxique, le delirium alcoolique, enfin un délire névrosique, la folie épileptique. C’est chose commune, on ne l’ignore pas, de voir les symptômes cérébraux de l’intoxication éthylique se juxtaposer à ceux des délires dégénératifs ou de la paralysie générale.

Il ne faut pas s’étonner, dès lors, si l’hystérie s’associe à des maladies psychiques d’autre nature qui coïncident avec elle tout en restant distinctes.

La raison principale qui ‘explique la fréquence relative de ces associations, c’est que les maladies qui se juxtaposent à l’hystérie ont, comme l’hystérie, pour facteur étiologique principal, la prédisposition héréditaire. Elles font partie, à de titres divers, de la famille névropathique (10) dont les membre constitutifs représentent les diverses formes de déviation qu’imprime aux organismes, de génération en génération, une hérédité défectueuse, hérédité nerveuse ou vésanique dans la plupart des cas, hérédité simplement arthritique dans d’autres (Charcot et Marie) (11).

L’observation démontre que la prédisposition fâcheuse qu’apporte à sa naissance le produit d’une génération viciée se manifeste par les formes les plus diverses d’affections nerveuse ou mentales. On conçoit, dès lors, aisément que plusieurs de ces affections puissent, à un moment donné, se trouver réunies chez le même sujet.

Mais l’hérédité morbide ne se traduit pas seulement par des prédispositions : elle se manifeste dans d’autres cas, on le sait, par un état durable et permanent, par une déviation indélébile du type physiologique à laquelle on a donné le nom de dégénérescence. Qu’on ait eu tort ou raison de circonscrire la signification de ce terme, le mot dégénérescence s’étend actuellement-à un état caractérisé par des malformations physiques, par de la débilité ou de la déséquilibration mentale avec perversions habituelles des instincts, instabilité de l’esprit qui est [p. 26] porté au doute, aux hésitations, aux craintes morbides, aux impulsions, enfin par une tendance à certaines formes de délire transitoires ou durables.

Or, c’est chose commune de voir l’hystérie se développer sur un fond de dégénérescence. Dès 1886, nous nous sommes attaché à mettre ce fait en relief, particulièrement en ce qui concerne l’hystérie masculine ; nos idées, sur ce point, ont été développées dans les travaux de plusieurs de nos élèves, MM. Marquezy (12), Tabaraud (13), Roubinowitch (14). S’il en est ainsi, on ne devra pas être surpris de trouver réunis côte à côte les manifestations mentales de l’hystérie et les perversions instinctives, les syndromes épisodiques, les délires de la dégénérescence,

D’ailleurs cette association, relativement fréquente, des troubles hystériques et dégénératifs, ne semble pas purement fortuite. Elle paraît même subordonnée à autre chose qu’à une communauté d’origine, l’hérédité, et l’on ne peut se défendre de penser que les deux ordres de phénomènes sont régis par des altérations du mécanisme mental très analogues sinon identiques les unes aux autres. Comme le remarque, très justement à notre avis. M. Pierre Janet, ces phénomènes, bien qu’incontestablement différents, ont cependant de grandes analogies. « Il ne serait pas impossible de ranger les symptômes deux par deux, en montrant qu’à chaque symptôme hystérique correspond un symptôme psychosténique (dégénératif) non pas identique mais très analogue dans son mécanisme psychologique. Aux anesthésies correspondraient des distraction et des erreurs de sensation ; aux amnésies, des doutes ; aux paralysies, des hésitations du mouvement volontaire qui ont été quelquefois confondues avec des délires du contact ; aux contractures, des idées fixes ; aux attaques convulsives, certaines attaques d’idées précédées d’une angoisse comme d’une aura ; aux somnambulismes même, des périodes bizarres où le malade ne se reconnaît plus lui-même, trouve sa personnalité [p. 27]  changée, etc. Si nous étudions le mécanisme de tous ces phénomènes, nous trouvons, d’un côté comme de l’autre, la diminution de la synthèse et l’émancipation des phénomènes automatiques. Il nous paraît donc impossible de séparer complètement deux maladies aussi voisines ; nous pensons qu’elles font partie toutes deux d’une vaste classe de maladies mentales très voisines les unes des autres et que nous avons proposé d’appeler les maladies de désagrégation mentale » (15).

Cette ressemblance et cette étroite parenté qui existent entre les troubles hystériques et ceux dits dégénératifs n’exclue pas toutefois les différences. Nosographiquement, la dégénérescence et l’hystérie restent deux états très voisins sans doute et, par suite, très souvent associés l’un à l’autre, mais, néanmoins, très distincts l’un de l’autre. C’est pour n’avoir pas tenu compte de cette distinction qu’on a, nous allons le montrer, indûment surchargé la description de l’hystérie de manifestations qui ne lui appartiennent pas.

III

LE CARACTÈRE ET LES PERVERSIONS INSTINCTIVES
DANS L’HYSTÉRIE

IL convient, avant d’aborder l’étude des délires, d’examiner ce qu’il faut penser du caractère des hystériques et des perversions instinctives qu’on leur a attribuées. Jusqu’à ces derniers temps, tous les auteurs paraissaient d’accord pour reconnaître à ces malades des tendances, des goûts, des perversions d’instinct qu’une observation plus attentive et une analyse plus minutieuse ne permettent plus de leur imputer. Pour se faire une idée des opinions qui éraient encore courantes, il y a peu d’années, il suffira de lire ce qui se rapporte à l’état mental des hystériques dans les ouvrages de Tardieu (16), de Falret (17), de [p. 28] Schüle (18), d’Axenfeld et Huchard (19), de Legrand du Saulle (20). Le mensonge, la duplicité, l’esprit de simulation, les impulsions aux actes déraisonnables et délictueux feraient partie intégrante du fonds psychique de ces malades. Dans son remarquable discours sur la folie raisonnante, ou folie normale, lu à la Société Médico-Psychologique, le 8 janvier 1866, J. Falret faisait une large part à la folie morale des hystériques. Après avoir mis en relief les troubles et les altérations du caractère de moindre importance, il s’exprimait ainsi : « Chez les aliénés hystériques, indépendamment des mauvais sentiments ou des penchants violents, exaltés jusqu’au délire et parvenus à un degré d’intensité qui dépasse les limites de l’étal normal, nous pouvons arriver, par une étude attentive, à découvrir d’autre symptômes morbides dans la sphère de l’intelligence, de la volonté et des actes, et ces symptômes peuvent nous servir à compléter le tableau de la maladie et démontrer ainsi à tous d’une manière incontestable, ce que l’examen exclusif des sentiments ou des penchants exaltés nous avait seulement permis de soupçonner. A côté des passions surexcitées, dont les manifestations violentes avaient seules frappé nos regards et dont le caractère maladif pouvait être douteux, nous constatons chez ces hystériques des idées extraordinaires et souvent absurdes, des désirs bizarres, des goûts dépravés, des instincts pervers dont les malades elles-mêmes ressentent quelquefois de la honte et du dégoût, et qui sont contraires à toutes leurs habitudes antérieures ; nous constatons enfin des actes excentriques étranges, insolites ou malpropres. Ces malades, par exemple, boivent leur urine, mangent de la terre, se déshabillent ou restent toutes nues dans leur intérieur, négligent leur toilette, refusent de se laver, sont d’une malpropreté révoltante et deviennent d’une avarice sordide ou d’une prodigalité insensée ; quelques-unes même, comme la malade dont parle Trélat, vont jusqu’à collectionner dans de petits papiers les matières les plus dégoûtantes, ou se livrent en secret à d’autres actes [p. 29] également bizarres, ridicules et qu’aucun motif raisonnable ne peut expliquer ». Des idées analogues ont été émises dans les récents traités de Kirchhoff (21) et de H. Dagonet (22). Cependant les opinions courantes sur la folie morale des hystériques méritent révision. Depuis longtemps, Charcot en avait mis en doute le bien fondé et il se plaisait à proclamer qu’il y avait lieu de « réhabiliter les hystériques ». Cette réhabilitation a été tentée et, je crois, avec succès, par tous ceux qui, dans ces derniers temps, ont étudié la question sous l’inspiration de ce maître. On s’en convaincra en parcourant notamment les publications de MM. Pitres (23), Gilles de la Tourette (24), Colin (25) et Pierre Janet (26).

L’erreur commise dans l’appréciation du caractère des hystériques tient à ce qu’on a négligé de faire la distinction, dont nous avons indiqué plus haut l’importance, entre les trouble qui relèvent de l’hystérie elle-même et ceux qui ressortissent à la dégénérescence mentale. Schüle, bien qu’il n’ait pas évité cette erreur semble avoir entrevu l’utilité de cette distinction : « L’hystérie, dit-il, peut déterminer une altération particulière des sentiments élevés et de la moralité, mais ce caractère ne se rencontre heureusement que dans les cas graves ; ce symptôme représente l’élément dégénératif du tempérament hystérique ». Ce qui prouve l’importance prépondérante de cet élément dégénératif dans la genèse des perversions morales des hystériques, c’est qu’un très grand nombre de ces malades n’ont jamais présenté de perversions, et qu’on les rencontre, au contraire, journellement chez les dégénérés simples qui ne montrent aucun stigmate d’hystérie. Si l’on veut donc dégager avec quelque précision les traits du caractère propre des hystériques, il est nécessaire d’envisager ceux ou celles de ces malades qui sont affectés d’hystérie pure ; c’est ainsi qu’ont procédé MM. P. Janet et Gilles de la Tourette dont les travaux à cet égard sont particulièrement recommandables. Il [p. 30] faut d’ailleurs, dans cette recherche, prendre certaines autres précautions que M. Janet a judicieusement indiquées. « Le caractère, dit cet auteur, dépend beaucoup de l’intelligence primitive des malades, du milieu où ils ont vécu et de leur éducation. L’hystérie peut frapper des personnes très différentes, des riches et des pauvres, des intelligentes et des sottes, des vertueuses et des vicieuses. Il ne faut pas mettre sur le compte de la maladie des traits de caractère qui auraient été exactement les mêmes si la maladie n’était pas survenue. Il faut encore se garder d’un autre danger : l’hystérie expose les malades à de nombreux accidents mentaux, surtout à des idées fixes et à des impulsions. Ces phénomènes tout accidentels, extrêmement variables d’un sujet a t’autre, ne sont pas de traits de caractère et dépendent moins de la maladie elle-même que de certaines circonstances extérieures. »

Parmi les défauts ou les vices dont on a fait plus ou moins gratuitement un apanage des hystériques, on a particulièrement insisté sur la coquetterie, l’érotisme, la tendance au mensonge, à la supercherie et à la simulation. Dans la coquetterie des hystériques il faut distinguer ce qui est le fait de l’hystérie elle-même et ce qui tient au sexe, à l’âge, au milieu où ont été élevées les malades. La plupart des hystériques sont plutôt négligées dans leur mise et je ne pense pas qu’on puisse prétendre que l’un des principaux soucis des hystériques du sexe masculin soit celui de la toilette. Au reste, ce détail a peu d’importance.

II n’en est pas de même de l’érotisme : c’est un penchant qu’on a longtemps, et à tort, considéré comme un des traits habituels de la névrose. Cela tenait peut-être à l’opinion fausse qui a longtemps prévalu sur l’origine et le point de départ de cette affection. Moreau (de Tours) (27) avait justement protesté, dès 1869, contre l’opinion régnante, « Contrairement aux idées anciennes, écrivait-il, nous n’admettons pas que l’érotisme joue dans cette maladie (l’hystérie), le rôle qu’on lui attribue généralement. Nous croyons, ajoutait-il avec raison, que l’on a confondu et que l’on confond encore trop souvent l’érotomanie [p. 31] avec l’hystérie. Erotomanie et hystérie sont deux affections essentiellement distinctes ; ce n’est que très exceptionnellement qu’elles se montrent unies l’une à l’autre. Les hystériques sont d’ordinaire plutôt frigides ; c’est à titre épisodique et chez quelques-unes seulement que se manifeste l’excitation sexuelle sous l’influence d’idées fixes plus ou moins transitoires. Quant à la tendance à mentir, à inventer des histoires fantastiques, à tromper le médecin, à simuler de symptômes qui n’existent pas, elle parait être un des traits de la dégénérescence bien plutôt que de l’hystérie.

Les défauts ou les vices dont nous venons de parler ne paraissent donc pas ressortir à cette névrose : ils ne résultent pas du trouble psychique fondamental qui est la caractéristique de l’affection. Ce trouble psychique, le rétrécissement du champ de la conscience, qui ne permet aux malades d’agréger à leur personnalité consciente qu’un petit nombre de notions, rend compte, au contraire, de certains phénomènes habituels au premier rang desquels figure lu suggestibilité. L’esprit des hystériques accepte souvent sans contrôle les idées qu’on dépose. C’est que qui dit contrôle, dit comparaison et, par suite synthèse d’impressions, d’images, de souvenirs et, chez l’hystérique, nous le savons, le pouvoir de synthèse est affaibli. Pour la même raison l’attention est difficile à fixer, car, bien que l’attention soit la concentration de l’esprit sur une idée prépondérante, l’idée principale groupe toujours autour d’elle d’autre idées qui sont et restent accessoires et secondaires. Or plusieurs idées coexistant difficilement dans le champ de la conscience l’une chasse l’autre ; de là la mobilité des malades, la contradiction qui se produit d’un moment à l’autre dans leurs sentiments, leurs pensées, leurs déterminations.

L’émotivité, qui joue dans la conduite un si grand rôle, est elle-même fort variable ; chez les grandes hystériques elle est plutôt au-dessous du taux normal. « Sans chercher le paradoxe, dit M P. Janet, je crois pouvoir dire que les hystériques ont, en réalité, moins d’émotions qu’on ne le croit généralement er que leur caractère principal est, ici comme toujours, une diminution des phénomènes psychologiques. Ces malades sont en général fort indifférentes, au moins pour tout ce qui ne se rattache pas directement à un petit nombre [p. 32] d’idées fixes ». Cette diminution de l’émotivité qui rapproche les hystériques des mélancoliques et les empêche de ressentir les impressions aussi vivement qu’à l’état normal, coïncide souvent avec une exagération de certaines émotivités spéciales qui résument en elles toutes celles dont les malades sont capables. En tiret, par contraste avec l’absence de l’émotivité régulière qui résulte de la synthèse plus ou moins pondérée des sentiments multiples que fait naître chez nous un événement heureux ou malheureux, une relation de famille, un spectacle susceptible d’attendrir, de préoccuper ou de toucher, certaines impressions s’emparent, à l’exclusion de taures autres, du champ de la conscience et provoquent des réactions exagérées et disproportionnés avec la cause qui les détermine. L’expression de ces émotions est peu variée et se présente presque toujours la même chez la même malade quelle que soit l’impression qui l’occasionne. Mais elle se reproduit avec une fidélité étrange, comme tous les phénomènes psychiques automatiques dans le cadre desquels elle rentre. Il semble que, contrairement à ce qui se passe à l’état normal ou le réactions individuelles s’adaptent aux causes qui les déterminent, chez l’hystérique il y a un mécanisme émotionnel variable pour chaque malade, mais toujours de la même façon, quelle que soit la sollicitation qui le provoque.

Il convient de rapprocher des troubles qui précédent les phénomènes d’ordre plutôt intellectuel, auxquels nous avons déjà précédemment fait allusion et qui tiennent une large place dans la psychologie pathologique de l’hystérie. Nous voulons parler des amnésies et des aboulies. Les amnésies sont la règle chez les hystériques ; nous ne saurions, on le conçoit, en en entreprendre ici la description. Qu’elles soient systématisées, partielles ou générales, localisées ou continues, elles expliquent certainement beaucoup des faits de prétendue simulation qu’on a mis à t’actif des hystériques. Quant aux aboulies, elles ont d’ordinaire systématisées et portent sur un acte ou un groupe d’actes ; elles nous expliquent alors certains des troubles de l’hystérie à apparences de troubles physiques (mutisme astasie, abasie, etc.), mais elles peuvent se généraliser plus ou moins et intéresser la plupart des actes qui, ayant pour sujet quelque nouveauté, exigent des combinaisons de mouvement [p. 33] dont son esprit est devenu incapable. Dans ce cas les actes automatiques seuls s’accomplissent avec facilité ; les autres sont difficiles ou impossibles. Cette aboulie ressemble singulièrement, bien qu’elle dérive directement du trouble psychique caractéristique de l’esprit, à celle qui se relie à certains états dégénératifs.

Avant d’aller plus loin résumons-nous. D’après ce que nous venons de voir, ce qui caractérise l’état mental des hystériques, c’est, dans l’ordre intellectuel, l’amnésie et l’aboulie avec leur erreurs, les indécisions, les impuissances que ces trouble entraînent, c’est la difficulté de concentrer consciemment et volontairement l’attention, par suite c’est la mobilité et souvent la contradiction dans les idées ; c’est, dans l’ordre affectif et moral, un sentiment habituel d’impuissance mentale qui porte souvent à la tristesse, une suggestibilité très grande, une émotivité plutôt diminuée avec prépondérance cependant de certaines émotions automatiques.

Mais à ces troubles, à ces traits de caractère qui relèvent directement de l’hystérie, s’associent communément des craintes, des obsessions, des impulsions, des perversions instinctives qu’on est, croyons-nous, autorisé à rapporter à une autre origine. La folie morale, comme l’avait relevé justement Falret, s’observe, chez quelques hystériques avec tous les écarts et les bizarreries de conduite qu’elle entraîne. Mais il suffit de parcourir les observations de Tardieu, de Legrand du Saulle pour se convaincre que, dans les faits auxquels ils font allusion l’hystérie est à l’arrière-plan, la dégénérescence mentale au premier. Les divers « stigmates dégénératifs » se rencontrent aussi particulièrement chez l’homme : la folie du doute, la crainte des contacts et les phobies de diverses natures, particulièrement l’agoraphobie, les obsessions variées, l’onomatomanie notamment s’y observent nous en avons rapporté plusieurs cas et on sait aujourd’hui que ces faits ne sont pas rares. Ils nous semblent, d’ailleurs, susceptibles de la même interprétation que la folie morale. II est une particularité que nous avons eu plusieurs fois l’occasion de relever et qui vaut la peine d’être notée. Les obsessions et les anxiétés dégénératives, lorsqu’elles s’associent aux manifestations hystériques, ne sont pas sans exercer quelque influence sur ces dernières : c’est [p. 34] ainsi que, plusieurs fois, et encore maintenant chez une hystérique agoraphobiques de notre service, nous avons vu la crise d’hystérie provoquées directement par l’obsession ou la crainte, comme elles pourraient l’être, en d’autres occasions, par une émotion quelconque. Nous avons observé le même fait chez un hystérique onomatomane.

Les impulsions se rencontrent aussi chez les hystériques. Mais il faut distinguer celles qui relèvent de l’hystérie elle-même de celles qui sont sous la dépendance de la dégénérescence mentale, A la vérité la distinction est moins aisée à faire qu’il ne pourrait sembler au premier abord. Quand on parcourt les observations qui figurent dans les derniers recueils médico-légaux, on en trouve bon nombré où le penchant au vol est mis sur le compte de la névrose, C’est particulièrement lorsqu’il s’agit du vol aux étalages, de Lasègue (vol dans les grand-magasins, de Legrand du Saulle) que l’hystérie est mise en cause, Dans ces cas les circonstances qui portent à conclure à l’irresponsabilité sont aussi souvent les extrinsèques que le intrinsèques. Le fait que les inculpés ont dérobé quantité d’objets sans valeur, qu’ils les ont entassés chez eux sans nul souci du parti qu’ils en pourraient tirer et sans même songer à en tirer quelque parti, est un des arguments péremptoires qu’on invoque d’ordinaire, et à bon droit, pour montrer le caractère pathologique du vol. Il n’est pas rare de constater, en pareille circonstance, chez les coupables, des stigmates plus ou moins avérés d’hystérie. Cela a suffi a beaucoup d’auteurs pour penser qu’on avait affaire à l’un des modes de la criminalité hystérique. La conclusion est trop hâtive. Il ne faut pas oublier, en effet, qu’à côté ou indépendamment des signes de l’hystérie, on relève souvent chez les délinquantes (car se sont ordinairement des femmes), des tares dégénératives plus ou moins accusées. Dans ces cas l’impulsion morbide ne nous paraît pas fort différente de celle à frapper qu’éveille chez certains dégénérés la vue des objets pointus ou tranchants.

L’une des variétés d’impulsion sur laquelle on a le plus discuté c’est l’impulsion au suicide, Naguère les hystériques étaient réputées pour simuler volontiers des tentatives de suicide, mais on les jugeait incapables de les réaliser, Plusieurs faits, notamment ceux rapportés par Legrand du Saulle, par [p. 35] M. Pitres, par M. Gilles de la Tourette, par M. P. Janet, deux autres dont nous avons été témoins dans le service de M. Charcot, ne permettent pas de douter que ces tentatives soient souvent fort sérieuses. S’agit-il, dans ces cas, d’impulsion purement hystériques, ou faut-il, là encore, invoquer la dégénérescence ? La question est difficile à résoudre et il ne nous paraît pas logique de la trancher dans un sens absolu, comme l’a fait M. Colin. Il ne nous semble pas établi, comme l’a avancé ce dernier, que toutes les hystériques qui se sont laissé aller à des tentatives de suicide fussent des « dégénérées héréditaires ». Dans quelque cas au moins il parait s’être agi d’hystérie pure. Il ne nous répugne pas de penser, avec MM. Rittti (28) et Pitres que les hystériques obéissant à leur caractère mobile, puissent sous l’influence d’une contrariété de peu de portée, se laisser aller à des impulsions instantanées et soudaines.

Quoi qu’il en soit, nous manquons d’un criterium sût pour distinguer, dans la pratique, celles de ces impulsions qu’on doit rapporter à la dégénérescence et celles qu’il faut rattacher l’hystérie. Le sujet vaut la peine d’attirer l’attention du Congrès. Théoriquement ne pourrait-on pas faire reposer la distinction sur la base suivante ? Les impulsions dégénératives sont durables ; chez le même sujet elles revêtent une forme presque toujours la même ; elles se manifestent chaque fois que surgit l’occasion qui est propre à leur éclosion. Les impulsions hystériques seraient, au contraire accidentelles, variable suivant les temps et les moments ; elles se développeraient en conséquence d’une idée fixe et, comme l’a observé Krafft-Ebing (29), elles dépendraient de circonstances accidentelles.

Nous avons cherché à résumer les idées sur le caractère et les tendances des hystériques qui se substituent davantage de jour en jour à celles qu’on s’en faisait il y a encore peu de temps. Le double effort qui a été fait d’une part pour rendre à la dégénérescence mentale ce qui lui appartient, d’autre part pour « réhabiliter » l’hystérique, nous semble louable à tous égards. Il convient de dire toutefois que cette tentative de [p.36] réhabilitation a peut-être dépassé le but. Expliquer par l’adjonction de la dégénérescence toutes les perversions instinctives des hystériques c’est se satisfaire trop aisément d’une solution simple. En fait, on ne peut dénier à l’hystérique une certaine tendance à la simulation. Telle affectée d’anurie, boit plus tard des urines afin de les vomir et d’ajouter à l’intérêt du symptôme qu’elle a présenté ; telle autre, polyurique, exagère son symptôme à l’aide du pot à tisane ; celle-ci cherche à induire le médecin en erreur en comprimant avec le bras la cuvette du thermomètre, afin de simuler la fièvre ; celle-là urinera du vin de Bordeaux qu’elle a soin d’ailleurs de distraire la nuit d’une armoire et de verser dans son vase de nuit ; une autre se piquera avec des aiguilles pour provoquer de prétendus stigmates. Ce ont là des traits que n’expliquent pas toujours des tares dégénératives constatables, et sur la signification et la portée vraie desquels il y a encore lieu de discuter.

IV.

DELIRE DE L’ATTAQUE.

Les attaques qui, on le sait, constituent une manifestation paroxystique très habituelle de l’hystérie sont souvent précédées, accompagnées ou suivies de troubles délirants.

Ces troubles ne sauraient donner lieu à des divergences d’interprétation, au moins quant à leur nature ; ils relèvent essentiellement et exclusivement de l’hystérie. A ce titre ils méritent de fixer tout d’abord l’attention.

Rappelons en premier lieu dans quelles circonstances et avec quelle physionomie ils se présentent en clinique ; ultérieurement nous aurons à rechercher quelle relation ils affectent avec le trouble psychique élémentaire qui caractérise la maladie. Nous jugeons utile d’en tracer ici une description détaillée qui a été souvent faire et qu’on trouvera, avec les développements qu’elle comporte, dans tous les traités sur la matière ; il suffira d’en reproduire une courte esquisse.

C’est dans la grande attaque, l’attaque type Charcot, qu’ils [p. 37] se manifestent avec le plus de netteté (30). On les y trouve à la phase prodromique, pendant la troisième et la quatrième période de la crise.

Les troubles psychiques de la phase prodromique peuvent précéder l’attaque de plusieurs jours : à ce titre ils sont particulièrement intéressants à rappeler. Ils consistent d’abord en modifications du caractère, des sentiments affectifs, de l’activité et des habitudes. Les malades sont incapables de poursuivre leurs occupations, elles deviennent négligentes, n’ont plus souci de leur toilette ; elles s’irritent à la moindre contrariété, elles paraissent inquiètes, soupçonneuses et jalouses. Elles ont, à l’égard de leurs compagnes, des mouvements de haine inexplicable ou des élans d’amitié inaccoutumée, Ordinairement tristes elles semblent absorbées par le souvenir d’événements pénibles ou se laissent aller à une gaieté insolite. Elles sont prises en même temps d’une agitation déréglée et maladive, renversent et brisent les objets qui sont à leur portée, se livrent à des extravagances, se précipitent nues hors de leur lit ou même de la pièce qu’elles habitent, quelquefois poussent des cris ou déclament des discours plus ou moins incohérents.

Elles peuvent aussi présenter des hallucinations : hallucinations de la vue de nature zoopsique, elles voient des chats, des rats, des corbeaux, des serpents, des araignées, noirs, gris, ou diversement colorés, qui viennent d’ordinaire du côté anesthésique ; hallucinations de l’ouïe : bruits variés, sons de cloches ou de fanfares, voix d’êtres connus ou imaginaires qui les appellent ; plus rarement des hallucinations de la sensibilité générale : sensation d’un baiser, d’une étreinte. Ces hallucinations sont diurnes et nocturnes, plus vives même la nuit que le jour.

Tous ces phénomènes persistent, nous l’avons dit, quelques heures ou même quelques jours ; ils prennent fin avec l’apparition de la période épileptoïde de l’attaque. On sait la ressemblance frappante que les phénomènes de cette période, avec ses phases tonique, clonique, de résolution musculaire, présentent avec ceux de l’attaque épileptique. Ce sont ici les [p. 38] manifestations motrices qui dominent ; il y a perte de connaissance et absence au moins apparente de délire.

Durant la période des contorsions, des attitudes illogiques et des grands mouvements, il n’en est plus de même. Ici comme le remarque M. P. Richer, « la perte de connaissance n’est pas la règle. Il est, d’ailleurs, fort difficile de s’en rendre un compte exact. Mais à la façon dont la malade s’agite, lutte et cherche à déchirer et à mordre, il semble qu’elle n’ait pas perdu la notion du monde extérieur ». Du moins son esprit paraît-il déjà dominé par la préoccupation des incidents qui se passent dans un monde imaginaire. On est autorisé à le penser à la vue des efforts que font quelquefois les malades. En effet, elles déchirent, s’arrachent les cheveux, cherchent à mordre, poussent des cris de rage ou de véritables hurlements.

A la phase des attitudes passionnelles on est en plein délire. « La malade est en proie à des hallucinations qui la ravissent et la transportent dans un monde imaginaire. Là elle assiste à des scènes où elle joue souvent le principal rôle ; l’expression de sa physionomie et ses attitudes reproduisent les sentiment qui l’animent ; elle agit comme si son rêve était une réalité et, par la mimique expressive à laquelle elle se livre, ainsi que par les paroles qu’elle laisse échapper, il est facile de suivre toutes les péripéties du drame qui se déroule devant elle, ou auquel elle prend elle-même une part active ; son hallucination purement subjective devient, en quelque sorte, objective par la traduction qu’elle en fait.

Les hallucinations tantôt tristes tantôt gaies, assez souvent alternativement tristes et gaies, sont surtout des hallucinations visuelles, accessoirement des hallucinations auditives. Ajoutons, quoique nous devions y revenir par la suite, que le sujet en est puisé dans un incident passé de la vie de la malade, incident qui l’a plus ou moins vivement impressionnée, et qu’au réveil celle-ci, en général, se rappelle les principales péripéties de son rêve. On a justement insisté sur l’analogie que les troubles présentent durant cette phase avec ceux qui s’observent sous l’influence des intoxications, particulièrement de l’intoxication par l’alcool ou le haschisch.

On a donné à la quatrième et dernière le nom de période de délire. C’est assez indiquer qu’ici les [p. 39] conceptions délirantes sont le phénomène capital. Elles peuvent s’associer aux hallucinations qui s’observent et, avec des caractères analogues, à la quatrième comme à la troisième période. Mais le délire de cette dernière phase est surtout un délire de mémoire plutôt qu’un délire sensoriel. Les malades s’absorbent dans le souvenir de quelques-uns des événements de leur vie passée, particulièrement des événements impressionnants et pénibles ; elles se plaignent de leur destinée, confient inconsciemment à l’entourage en un langage entrecoupé triste et mélancolique, les peines, les tourments, les remords qui les obsèdent. Elles ne sont pas absolument étrangères à ce qui se dit et se passe autour d’elles, mais elles rapportent à leur délire les paroles qu’elles entendent ; elles sont pourtant susceptibles de recevoir des ordres, d’accepter des suggestions qu’elles exécutent avec une passivité relative (Charcot et Guinon). M. Richet a bien mis en relief les caractères du délire des deux dernières périodes. « Si, dans les deux cas, dit-il, il y a conception délirante, dans l’un c’est le délire de la mémoire, dans l’autre c’est le délire de l’action. Dans la quatrième période la malade converse et raconte ; dans la troisième elle agit. Ici de la mimique, des attitudes variées ; là des paroles, des discours. Si la quatrième période se parle, la troisième se joue. Les hallucinations sont la raison d’être, la condition nécessaire, sine quâ non de la troisième période, les attitudes passionnelles n’en étant en quelque serve que la traduction objective ; elles manquent, le plus souvent, dans la quatrième période et sont remplacées par des illusion ».

La description de la grande attaque telle que nous venons de la rappeler, bien qu’inattaquable au point de vue clinique ne représente qu’un cas particulier et, dans sa forme complète et schématique, non le cas le plus fréquent des attaques hystériques. Charcot ne s’y était pas trompé et il se plaisait à insister sur les variétés et les formes dites incomplètes de la grande crise. P. Richer, sous son inspiration, a décrit avec soin ces formes incomplètes : nous ne nous attarderons après lui ; mais, parmi ces dernières, il en est qui sont, au point de vue spécial qui nous occupe, particulièrement intéressantes Ce sont celles où les phénomènes moteurs s’atténuent ou s’effacent pour céder la place aux manifestations délirantes qui, en [p. 40] s’isolant ou se prolongeant, prennent, dans le tableau clinique, la place exclusive ou au moins prépondérante.

Les faits de cet ordre ne sont pas rares. Moreau (de Tours) (31) en a rapporté plusieurs. On en trouvera des exemples nombreux dans l’ouvrage de M. P. Richet. M. Pitres (32) a consacré à l’étude de ces attaques de délire quelques pages intéressante.

A ne les envisager qu’au point de vue symptomatique elles revêtent des physionomies différentes suivant que prédomine l’agitation (forme maniaque), les hallucinations (forme hallucinatoire), la concentration de l’esprit sur une idée fixe (attaque d’extase).

Cette variété d’attaque s’observe assez souvent chez les enfants, particulièrement dans sa forme maniaque (Charcot) (33) Jolly (34). P. Blocq (35), CIopatt (36)).

Il importe de nous arrêter sur les caractères généraux du délire de l’attaque, qui permettent de le différencier d’autres formes dites de délire hystérique qui en sont très voisines et cependant s’en distinguent.

On sait la place qu’y tiennent les hallucinations, particulièrement les hallucinations visuelles et zoopsiques, et l’analogie qui, de ce chef, rapproche le délire des attaques des délire toxiques, spécialement des délires alcooliques. Cette particularité est trop connue pour que nous y insistions.

Le délire des attaques, qu’il soit ou non accompagné de troubles moteurs, est un phénomène passager. Sa durée n’excède pas d’habitude quelques minutes, tout au plus quelques heures. Il est exceptionnel qu’il persiste un ou deux jours et, dans ces cas on a plutôt affaire soit à un de ces délires par idée fixe, soit à un de ces états somnambuliques dont nous parlons plus loin. [p. 41]

Ce caractère a de l’importance, car il permet de différencier les troubles psychiques qui le caractérisent de certains délire maniaques ou partiels qui s’observent chez les hystériques, bien qu’ils soient, par leur nature, étrangers à l’hystérie.

Enfin le délire des attaques, au moins dans ses formes typiques, supprime ce qui reste de conscience au malade dans l’intervalle des crises. II se rapproche ainsi du somnambulisme dont il diffère d’ailleurs par d’autres traits que nous ferons ressortir ; il se différencie, au contraire, des idées fausses tenant la pénétration dans le champ de la conscience de certaines parcelles d’idées fixes subconscientes.

Il ne faut pas perdre de vue, toutefois, que cet anéantissement de la conscience ne s’observe que dans les formes vraiment accusées de délire. On sait notamment que, pendant les prodromes et à la phase terminale de la grande attaque, l’esprit tout en étant le jouet d’illusions et de conceptions fausses n’est pas complètement étranger au monde extérieur. C’est ce qui fait que Moreau (de Tours) avait considéré la conscience du délire comme habituelle et caractéristique. Il suffit de se rappeler qu’au réveil les malades ont d’ordinaire oublié les détails de leur rêve morbide pour se convaincre que ce rêve est étranger à la conscience normale.

Comment faut-il comprendre et interpréter le délire de l’attaque d’hystérie ? Les notions les plus récentes permettent de l’envisager comme un rêve passager subordonné une idée fixe. Qu’un incident heureux ou malheureux détermine une émotion vire, le souvenir de cet incident (comme l’incident lui-même au début) suffira à provoquer la crise. Plus tard, ce souvenir pourra disparaître du champ rétréci de la conscience ; mais toujours présent dans la subconscience, il en surgira sous diverses influences à l’insu des malades et ramènera, à inter­ valles plus ou moins réguliers, la réaction émotionnelle qu’avait une première fois provoqué l’événement cause et ensuite le souvenir conscient de cet événement. L’attaque n’est, en effet, qu’une réaction émotionnelle provoquée par un souvenir conscient ou subconscient.

Cette réaction peut elle- même varier de forme suivant la cause qui l’a produite, les tendances et les habitudes du sujet, purement motrice dans quelques cas, intellectuelle et [p. 42] psycho-sensorielle dans d’autres, à la fois l’une et l’autre chez la plupart des sujets. Quand elle revêt la forme intellectuelle et psycho-sensorielle, c’est-à-dire la modalité délirante, elle réalise une sorte de rêve plus ou moins actif, qui se substitue à la conscience normale, en laissant d’ailleurs, pendant un temps plus moins long, des traces de son passage dans le champ de cette conscience, quand celle-ci a fait sa réapparition (délire avec demi-conscience de la dernière période de la grande attaque).

V. DES IDÉES FIXES ET SUBCONSCIENTES DANS L’HYSTERIE
ET DES DÉLIRES QUI S’Y RATTACHENT

On vient de voir que le délire de l’attaque est la traduction extérieure d’un rêve gui se reproduit de temps en temps, et se rattache à une idée fixe, c’est-à-dire au souvenir subconscient d’un événement qui a naguère plus ou moins impressionné la malade. Lorsque ce rêve a lieu (au moment où l’attaque se produit) il absorbe à son profit toute l’activité cérébrale et supprime la conscience.

Il n’en est pas de même de toutes les idées fixes : quelques­ unes d’entr’elles peuvent provoquer l’éclosion de certaines idées fausses ou délirantes qui pénètrent dans le champ de la conscience, la troublent dans une certaine mesure, mais ne la suppriment pas.

Pour comprendre ce qui précède, il est nécessaire de rappeler brièvement ce que sont les idées fixes dans l’hystérie. Nous avons montré que les divers phénomènes psychologiques, sensations, souvenirs, idées, se répartissent chez l’hystérique en deux groupes : les conscients et les inconscients, ces derniers n’étant pas agrégés à la personnalité. Qu’une idée naisse, soit par suggestion, soit spontanément dans l’esprit du malade, sans arriver jusqu’à la conscience (et les idées de ce genre sont communes dans l’hystérie), elle constituera une idée subconsciente, c’est-à-dire que le sujet en ignorera l’existence, mais cette idée n’en sera pas moins susceptible de se traduire en acte à un moment donné. Nous suggérons à une hystérique de [p.  43] venir, à une heure indiquée, prendre sur la table tel objet qui y est déposé, un encrier, par exemple ; elle oublie la suggestion, mais néanmoins, à l’heure dite, elle vient s’emparer de l’encrier. Elle le fait automatiquement, poussée par une contrainte dont elle ignore l’origine. Or, cette contrainte résulte de l’ordre que nous avons donné et qui s’était emmagasiné dans la mémoire subconsciente. La subconscience est ainsi un réceptacle d’idée plus ou moins nombreuses, spontanées ou provoquées, dont quelques-unes surgissent à un instant donné et déterminent des manifestations de différente nature. Divers troubles somatiques, les hyperesthésies, les paralysies, les contractures résultent de pareilles idées.

Il en est de même de certains tics, de certaines hémorrhagies. C’est aussi de cette façon que peut s’expliquer l’anorexie ; elle se rattache, en effet, à certaines préventions, à certaines défenses ou à des idées fausses dont les malades n’ont plus conscience, mais dont ils conservent néanmoins le souvenir inconscient. Le refus d’aliments est une conséquence qui se présente en clinique, isolée des antécédents qui l’expliquent. Par différents procédés qu’il serait oiseux de décrire ici (somnambulisme, écriture automatique, etc.) on arrive à reconstituer les diverses scènes dont l’anorexie est simplement l’épilogue.

Ce qui a lieu pour l’hyperesthésie, pour les tics, pour l’anorexie hystérique, a lieu aussi pour certains délires plus ou moins complexes, plus ou moins bien systématisés, plus souvent passagers que durables, dont l’étude est à peine ébauchée et mériterait d’être reprise par le détail.

Quand on parcourt les descriptions qui ont été tracées par divers auteurs du prétendu délire systématisé des hystériques, descriptions en général remarquablement confuses, on est porté à penser que ces descriptions sont relatives à deux ordres de cas : les uns, les plus nombreux, dont nous parlerons par la suite, sont les délires de persécution, ambitieux ou mystiques qui ne se différencient pas par des caractères saillants de ceux qu’on observe couramment chez les dégénéré sans tares hystériques ; quelques autres semblent devoir rentrer dans la catégorie que nous avons ici en vue. L’étude de ces derniers a été jusqu’à ce jour peu fouillée ; les observations les [p. 44] plus nettes que nous en ayons sont celles qui ont été rapportées par M. Pierre Janet (37).

On aura une bonne idée de ce que sont ces délires en envisageant les conceptions délirantes qui, à la suite des attaques, lorsque la conscience a reparu, persistent parfois à titre de souvenir du rêve qui a caractérisé ces dernières.

« Un certain soir, dit M. Paul Richer, Wit…, au sortir de ses attaques, accuse GI… de lui avoir dérobé ses fleurs. Elle l’a vue, elle l’a prise sur le fait, il n’y a qu’un instant. Et nous sommes demeuré près d’elle tout le temps qu’a duré son attaque. GI… n’a pas même paru dans la salle. Tous nos efforts n’arrivent pas à convaincre Wit… qu’elle est la victime d’une hallucination, GI… est intimement persuadée qu’elle a vu Camille, elle serait prêle à le jurer à la face du ciel et de la terre.

« Il y a là, ajoure le même auteur, un trouble mental fort intéressant, mais que nous ne faisons qu’indiquer ici. En effet, cette croyance à la réalité des hallucinations persiste parfois en dehors du temps des attaques. Nous en avons un exemple frappant dans Gl… qui croit à la réalité de son commerce avec Camille. Nous pouvons nous expliquer ainsi les dispositions de ces malheureuses qui, au temps de la sorcellerie, s’accusaient elles-mêmes avec tant d’audace et d’obstination, se vouant la torture et au bûcher, plutôt que de renoncer à la croyance d’un commerce diabolique qui n’avait jamais existé que dans leur imagination. A une époque plus rapprochée de nous, la connaissance des faits que nous indiquons ici peut jeter quelque lumière sur le malheureux procès dont la Roncière fut victime en 1834. »

Mais les délires de la nature de ceux qui précèdent se relient d’une façon tellement évidente à l’attaque qui les a précédés, que leur interprétation ne présente pas d’ordinaire de sérieuses difficultés.

Il n’en est pas toujours ainsi. Un jeune homme de seize ans que nous observons en ce moment, est affecté d’idées hypochondriaques : il prétend que son cœur bat mal ou ne bat plus, il accuse des douleurs vagues et diffuses qui sont bien évidemment imaginaires. Au premier abord, on pourrait penser qu’on [p. 45] est en présence d’un délire hypochondriaque de nature dégénérative. Mais une observation attentive montre que cet adolescent a de loin en loin des attaques qui se traduisent sous la forme de crises de sommeil. Au sortir de ces crises, les idées morbides sont plus vives, plus nombreuses ; elles varient d’ailleurs à quelque degré à la suite de chaque attaque. Il ne nous semble pas douteux qu’elles soient la prolongation, après le retour de la conscience, d’un rêve ébauché pendant les crises.

Mais l’idée fixe n’exige pas, pour se développer, le concours de ces crises. Quelquefois elle prend naissance pendant le somnambulisme ; les faits de cet ordre sont bien connus, il serait superflu d’en citer de nombreux exemples. Ch…, un malade de notre service, qui a fait naguère un séjour à l’asile de Vaucluse pour de la « folie hystérique », est pris un matin d’une violente agitation. Il pleure, veut quitter l’hôpital, se débat violemment quand on veut le retenir. Il a dans une certaine mesure, l’aspect d’un agité maniaque. A un moment même, échappant à la surveillance, il franchit la grille de l’hôpital et on est obligé de le rattraper. Il crie si fort et s’agite avec tant de violence qu’on nous sollicite d’envoyer ce « fou » à Sainte­ Anne. II suffit d’endormir le malade pour avoir la clef de cette crise de folie furieuse (qui s’est reproduite à plusieurs reprises). Ch…, dans le somnambulisme, raconte qu’il a été, la veille endormi par un autre malade, qu’on lui a suggéré l’idée d’insulter la surveillante, et c’est parce qu’il comprend l’inconvenance d’un pareil acte et qu’il ne peut ni s’y résoudre ni y renoncer délibérément, qu’il a pris le parti de quitter le service et de s’enfuir.

Dans d’autres cas, qui ne sont pas rares, l’idée fixe naît spontanément provoquée par un incident quelconque de la vie journalière. Th…, observée par M. P. Janet, se dispute avec son mari ; il n’en faut pas davantage pour qu’elle prenne en haine le fils que celui-ci lui a donné. Inconsciente du mobile qui a fait naître chez elle ce sentiment coupable, elle s’en désole et exprime son affliction dans une lettre écrite à une de ses amies. La réconciliation avec le mari a ramené chez elle les sentiments maternels qui s’étaient effacés sous l’Influence d’une cause dont elle ne se rendait pas compte.

Nous empruntons encore à M. Pierre Janet une observation [p. 46] qui nous paraît particulièrement intéressante à cause de la complexité des idées délirantes et de leur durée. Ce cas mérite d’être rapporté en détail. « Daill…, âgé de trente-trois ans, est amené à la Salpêtrière, au mois de novembre 1891, dans un état lamentable. Il a la face couverte de sang et de croûte séchées, car il se déchire la figure avec ses ongles ; il a les yeux hagards, les lèvres gercées, il ne peut marcher qu’accompagné et étroitement surveillé. Quand on l’abandonne à lui­ même, il cherche à se sauver et il a déjà fait mille folies : il s’est jeté, les pieds liés ensemble, dans un marécage, ou bien il va se coucher sur les tombes au cimetière. Il répond mal aux questions précises, mais on comprend son délire au milieu de ses divagations. Il voit le diable devant lui, tout noir, avec des cornes et la figure grimaçante ; il entend un démon chuchoter à son oreille des menaces, des damnations, et des conseils pernicieux  comme : « Buvez du champagne, c’est la fin du monde » ; il sent un autre démon dans sa poitrine qui le force à prononcer des blasphèmes. Ce sont, comme on le voit, de hallucinations de tous les sens, compliquées par un délire impulsif et par des interprétations délirantes. C’est un beau délire de possession avec agitation maniaque subaiguë.

« Et cependant, dit M. Janet, je crois pouvoir démontrer dans ce cas, qu’il s’agit d’un délire vraiment hystérique. Ce ne sont pas les stigmates qui me détermineront : le malade paraît insensible quand il s’égratigne lui-même, ou quand on le pince, mais ce n’est pas une anesthésie indiscutable ; quand on attire son attention, on constate qu’il sent de nouveau. Ce qui nous paraît caractéristique, c’est l’évolution du délire et les caractères psychologiques qu’il présente aujourd’hui.

« Le malade appartient à une famille évidemment très tarée : le père était superstitieux et obsédé, le grand-père paternel fait, à plusieurs reprises, des fugues difficiles à interpréter aujourd’hui ; la mère est faible d’esprit et très alcoolique, ainsi que la grand’mère maternelle. Daill…, a toujours été peureux et impressionnable, mais a toujours eu une conduite régulière ; marié de bonne heure, il a une fillette de sept ans qui se porte bien. Il y a un an, il est rentré d’un petit voyage sombre et préoccupé, il parlait peu et refusait d’embrasser sa femme et son enfant. La mauvaise humeur continua et il sembla, dit [p. 47] sa femme, perdre la parole, car il faisait des efforts pour parler sans y réussir et écrivait ce qu’il désirait. Bientôt il parla un peu mieux, mais il eut des angoisses et des étouffements tel qu’il alla consulter plusieurs médecins. L’un diagnostiqua angine de poitrine, l’autre diabète. Peu rassuré, le malade refusa de quitter son lit et cessa de manger ; il restait immobile, parlait à peine et s’écartait toujours de sa femme et de son enfant. Un matin, sans prétexte, il se mit à éclater d’un rire satanique qui terrifia les assistants. Le rire se prolongea plusieurs heures et, depuis, le malade délire. Depuis six mois il ne parle que de démons, les voit, les entend, les sent en dedans de lui-même et commet mille folies.

« Tel est l’aspect extérieur du malade, c’est-à-dire les événements dont il a conscience et qu’il peut raconter lui-même quand on insiste. Eh bien ! ce malade délirant présente un autre état dans lequel il explique sa maladie d’une façon bien plus claire. Je ne puis raconter ici comment j’obtins des mouvements subconscients et même des écritures automatiques tout à fait curieuses. Le démon parlait dans ses écritures comme les esprits dans les expériences spirites, et même refusait de m’obéir. Il cédait quand je le prenais par les sentiments de vanité, et lui demandant une preuve de sa puissance, et alors il déterminait des mouvements ou des hallucinations qu’éprouvait le pauvre délirant sans deviner leur origine.

« Ces actes subconscients ont pu être transformés en un somnambulisme. Naturellement le malade retrouva dans cet état tous les souvenirs et put nous expliquer les véritables phénomènes psychologiques qui avaient provoqué les différents symptômes si mal compris. Pendant son voyage, Daill…, s’était permis de tromper sa femme et était rentré bourrelé de remords et tourmenté par l’idée d’une maladie contagieuse. De là son mutisme et son éloignement de sa femme. Puis il avait rêvé qu’il était fort malade et qu’il mourait, période d’immobilité dans son lit. Enfin il s’était cru transporté dans l’Enfer au milieu des démons. A ce moment, le rêve subconscient avait grandi et provoqué des hallucinations dans la conscience normale. Les interprétations du malade avaient fait le reste et déterminé le délire. Nous n’avons pas à ajouter [p. 48] ici qu’un état de ce genre était facile à guérir : en un mois de traitement, le diable était battu se retirait définitivement.

« Je ne crois pas, ajoure M. Janet, que l’on puisse considérer un délire de ce genre comme un délire quelconque, identique à tous ceux des « dégénérés héréditaires. » Il a des caractères très spéciaux qui ont précisément été observés dans tous les accidents hystériques ; le délire a été produit ici par le même mécanisme qui amène chez d’autres malades des paralysies, des contractures ou des attaques. Des cas de ce genre ne sont pas rares : on trouve les mêmes caractères dans de mutismes, dans des anorexies, des mensonges, des haines, etc. Ce sont les délires que nous considérons nettement comme hystériques. »

Ces conclusions nous paraissent fort acceptables. Elles méritent, en tous cas, d’être discutées. On étiquette aujourd’hui trop aisément sous le nom de délires de dégénérescence tous ceux qui ne répondent pas à un type régulier et bien classé. Il sera intéressant de rechercher quelle peut être la physionomie, certainement fort variable, la durée possible de conceptions délirantes qui, chez les hystériques, se rattachent aux idées fixes subconscientes. C’est là, à coup sûr, l’un de côtés du sujet sur lequel il est le plus intéressant de fixer l’attention.

VI

LES SOMNAMBULISMES ET LES DÉLIRES SOMNAMBULIQUES.

Pour en finir avec les troubles mentaux qui ressortissent en propre à l’hystérie, il convient de dire quelques mots du somnambulisme provoqué et du somnambulisme spontané, le dernier se subdivisant lui-même en noctambulisme et vigilambulisme.

Le noctambulisme, ou somnambulisme nocturne, s’observe spécialement chez les enfants. On tend de jour en jour à l’envisager comme une manifestation de l’hystérie ; mais, comme il est assez spécial et n’a été jusqu’à présent qu’insuffisamment étudié, nous le laisserons de côté dans cette esquisse.

Cette réserve admise, tous les états somnambuliques [p. 49]  (exception faite pour l’automatisme ambulatoire des épileptiques qui constitue une variété bien à part), qu’ils soient spontanés ou provoqués, paraissent se rattacher à l’hystérie. Si des divergences se sont produites, particulièrement en ce qui concerne le somnambulisme provoqué que certains auteur (Bernheim, Beaunis, Liégeois) (38) considèrent comme un simpie effet de suggestion, n’ayant avec l’hystérie aucun lien direct et obligé et n’affectant avec elle aucun rapport. On est généralement d’accord aujourd’hui pour reconnaître, d’une part la grande analogie qui existe entre le somnambulisme provoqué vrai et le somnambulisme spontané, d’autre part la parenté de ce dernier avec la névrose. Gendrin, comme l’a relevé Briquet, avait déjà noté que la plupart des somnambules sont des femmes hystériques. Cette opinion prévaut actuellement en France ; c’était celle de Charcot et de ses élèves, c’est celle de Mesnet (39) et aussi de beaucoup d’auteurs étrangers :  Strümpell Breuer et Freud, Donkin, C’est celle qu’à soutenue M. Pierre Janet. Quelle que soit sur ces rapports éventuels et contingents, la manière de voir qu’on professe à cet égard, on ne saurait nier que les états somnambuliques dérivent du même trouble psychologique que l’hystérie.

Pour l’établir il est nécessaire d’envisager les cas dans lesquels le somnambulisme revêt sa forme la plus complète. Il constitue alors un état second au cours duquel l’individu présente les apparences d’un sujet normal : il voit, entend, marche, parle, raisonne, se souvient, combine et exécute de actes. Mais, au réveil, ou si l’on préfère, après le retour à l’état habituel, le souvenir de toutes les pensées, de tous les acte [p. 50] qui ont eu lieu pendant cette condition seconde, s’efface et disparaît. L’individu a donc, en réalité, deux vies séparées et indépendantes, deux personnalités alternantes qui s’ignorent l’une l’autre. Les cas célèbres de Mac-Nish, d’Azam, de Dufay sont des types du genre et on en a, depuis, cité bien d’autres.

Les périodes de somnambulisme succèdent quelquefois à des phénomènes qui constituent les germes d’une attaque : on pourrait alors les considérer comme répondant à la phase délirante de celle-ci. Mais, entre l’état somnambulique, au moins typique, et le délire post-paroxystique il y a une différence radicale. Comme l’observe M. Janet, dans les attaques le sujet se borne à exprimer son rêve ; il ne perçoit pas le monde extérieur, il ne s’y adapte pas ; dans le somnambulisme, au contraire, on constate un développement intellectuel plus considérable qui permet au malade de voir et d’entendre d’une façon consciente, de percevoir les impressions qui frappent ses sens et d’adapter sa conduite aux phénomènes environnants. « Une personne non prévenue, dit M. Binet (40), ne saurait pas reconnaître que le sujet est en état de somnambulisme ». Ce fait explique les actes coordonnés qu’accomplissent dans leurs fugues, quelquefois fort longues, les hystériques affectés d’automatisme ambulatoire.

Comment peut-on s’expliquer ces vies en partie double. Ces dédoublements de la personnalité ? Nous savons que ce qui caractérise l’hystérie c’est l’insuffisance de la perception personnelle, le rétrécissement du champ de la conscience. Il y a, chez l’hystérique, en dehors de ce champ de conscience rétréci, une foule de notions, d’idées, de souvenirs qui restent dans le domaine de la subconscience. Ces notions, ces idées peuvent se coordonner en un système qui, sous diverses influences, se substitue aux notions et aux idées conscientes ; elles apparaissent alors au grand jour quand la conscience a été momentanément terrassée par ce système nouveau.

Mais il ne faut pas perdre de vue que les phénomènes subconscients peuvent s’agréger en groupes multiples, de telle sorte qu’on assistera à l’alternance non plus seulement de deux, [p. 51] mais quelquefois de trois et quatre personnalités différentes. Aussi le mot dédoublement de la personnalité, appliqué aux états dont il s’agit, n’est-il pas parfaitement exact. M. Binet le remarque avec raison, il peut y avoir simple dédoublement, mais aussi morcellement du moi en plusieurs individualité successives et temporaires.

La connaissance de ces faits est indispensable si l’on veut saisir la caractéristique de certains états mentaux observés au cours de l’hystérie et s’expliquer les dissociations de la personnalité qu’on y observe si communément.

Du reste le somnambulisme ne se montre pas toujours à l’état parfait et avec les caractères que nous venons d’indiquer. Dans certaines circonstances la conscience normale, comme précédemment, se supprime, les malades toment en léthargie ou en catalepsie. Leur esprit paraît momentanément anéanti ou bien il est occupé par une ou deux idées qui l’accaparent tout entier. Il serait oiseux, au point de vue qui nous occupe de nous attacher à décrire ces états avec détails.

Mais nous devons rappeler que certaines formes de somnambulisme diffèrent profondément du somnambulisme franc que nous avons indiqué en premier lieu, en ce sens qu’ils se compliquent de phénomènes délirants. Les impressions perçues, au lieu d’être exactement appréciées, deviennent le point de départ d’associations d’idées qui constituent un véritable rêve. Ces états sont fort analogues à ceux qui caractérisent la troisième période de l’attaque hystérique et, à vrai dire, comme le pensait Charcot, on est plutôt en présence d’une attaque réduite à sa période délirante que d’un véritable somnambulisme. Les cas de cet ordre doivent être mis à part et leur étude rentre plutôt dans celle des faits que nous avons précédemment envisagés à l’occasion de la description des crises.

Si nous jetons un coup d’œil en arrière nous voyons que tous les troubles mentaux que nous avons passés en revue, délire de l’attaque, idées fixes pénétrant dans le champ de ln conscience, somnambulisme, résultent d’une sorte de conflit, effectif ou latent, qui a constamment lieu chez l’hystérique entre les phénomènes conscients et les subconscients. Ces derniers, dans l’attaque comme dans le somnambulisme, se [p. 52] substituent complètement aux premiers, mais, au cours de l’attaque, les idées tournent dans un cercle étroit et s’organisent en une sorte de rêve, tandis que, dans le somnambulisme au moins parfait, l’activirté mentale est assez compliquée pour rap­peler l’activité consciente.

VII

LES FOLIES ASSOCIÉES

Chez les hystériques, à côté des troubles mentaux qui relèvent directement de l’hystérie, il n’est pas rare d’en observer d’autres qui n’ont pas de relation, au moins directe et immédiate, avec la névrose. Nous avons insisté précédemment d’une part sur le rôle important que joue l’hérédité dans la genèse de l’hystérie et, d’autre part, sur l’association fréquente aux stigmates hystériques des tares dégénératives. On conçoit dès lors qu’il ne soit pas surprenant de voir, chez les hystérique se juxtaposer aux troubles qu’elles présentent d’habitude, les divers délires que l’hérédité névropathique et vésanique et la dégénérescence peuvent faire éclore. Aussi bien lorsqu’on fait le bilan des délires qui ont été plus ou moins arbitrairement confondus dans le groupe confus de la folie hystérique, y trouve-t-on, conformément aux idées de Kraffr-Ebing, des psycho-névroses (manie ou mélancolie) et des délires qui portent l’empreinte de la dégénérescence.

Ces variétés de folie ne sauraient être plus longtemps confondues avec les manifestations propres de la névrose. C’est pour n’avoir pas su les mettre à leur véritable place dans le cadre nosologique que, jusqu’à ces derniers temps, les auteur ont étendu outre mesure le domaine de la folie hystérique et surchargé étrangement sa description. Pour s’en convaincre, il suffira de parcourir le chapitre remarquablement confus où Schüle, à propos de folie hystérique, passe en revue la pathologie mentale presque entière.

C’est qu’en effet il n’est pas une seule des formes de la folie qui ne puisse s’associer à l’hystérie. Parmi ces associations il en est quelques-unes que nous ne ferons qu’indiquer.

On sait combien il est fréquent de voir l’hystérie se juxtaposer [p. 53] à l’épilepsie. Nous ne parlons pas, bien entendu, de l’hystéro-épilepsie qui, Charcot l’a montré, n’a rien à faire avec le mal comitial, mais des cas dans lesquels les troubles hystériques se mélangent, d’une façon plus ou moins intime, à ceux du morbus sacer le plus franc. On peut alors, chez la même malade, observer des délires épileptiques à côté des troubles cérébraux de l’hystérie.

On sait, d’autre part, combien, chez les hystériques, les intoxications sont communes. On y observe couramment l’alcoolisme, le morphinisme, le cocaïnisme. Qu’elles soient antérieures ou consécutives à l’apparition de la névrose, elles combinent leurs manifestations mentales avec celles de cette dernière affection.

Au cours de l’hystérie, on peut voir se développer des accès de manie ou de mélancolie, dont on a fait des manies et de mélancolies hystériques. Cette dénomination est-elle justifiée ? c’est ce qu’il s’agit d’examiner. Il n’est pas douteux que le délire hystérique puisse, dans quelques cas, revêtir une physionomie qui le rapproche de la manie. Nous avons déjà indiqué que chez les enfants particulièrement, les réactions provoquées par le rêve qui représente la phase délirante de l’attaque, sont assez accusées pour qu’au premier abord on puisse penser qu’on est en présence d’un état maniaque d’autre nature. Mais, dans ces cas, la prédominance des hallucinations visuelles, les caractères du délire qui est surtout un délire de mémoire, sa courte durée, la constatation de quelques-uns des phénomènes moteurs qui se montrent d’habitude dans les crises hystériques complète, permettront de reconnaître à quoi l’on a affaire.

Il n’en est pas toujours ainsi et, en dehors des accès maniaques transitoires que leur brève durée, sans parler des autre caractères, autorise à considérer comme des équivalents de l’attaque hystérique, on en voit d’autres d’une durée de plusieurs semaines ou même de plusieurs mois, sur la nature desquels il est plus difficile de se prononcer. Moreau (de Tours) a rapporté des faits de cet ordre et on en trouve épars de ci de là, dans la littérature, un assez grand nombre d’exemples. « Ce qu’il faut savoir, dit M. Sollier (41), c’est qu’il y a une manie [p. 54] hystérique qui peut durer plusieurs mois, qui guérit le plus souvent, mais qui, cependant, peut, quelquefois se terminer par de la démence précoce. La manie hystérique se manifeste par un besoin incessant de mouvement, non pas par une agitation incoordonnée, comme celle de la manie vraie, mais par des accès d’automotisme ambulatoire et des déplacements continuels. Les malades sentent souvent que leur accès va les prendre et en préviennent l’entourage. Les malades se livrent à des actes extravagants, ayant un caractère de malice, comme s’ils le faisaient exprès, et répètent aussitôt ce qu’on leur défend de faire ou de dire. Ils sont la contradiction perpétuelle. Souvent violents, quand ils ont des caprices qu’on ne veut pas satisfaire, ils frappent, déchirent, menacent. Ils sont exigeants, ont des accès de colère et paraissent toujours conserver la conscience de leurs actes. Cette persistance apparente de la conscience est un caractère très important. Mais, en réalité, ils n’ont qu’une conscience très vague de ce qu’ils font, car ils n’en conservent guère le souvenir une fois guéris. Ils aiment à se rouler par terre, à se coucher sous les meubles, à faire toutes les niches possibles à leur entourage. Leur délire est surtout un délire d’actes. Quant aux discours, ils ne sont que rarement incohérents et traduisent seulement une grande mobilité clans les idées et les volitions. »

Chez ces malades, suivant la remarque de M. Pierre Janet, on observerait, en outre, une succession rapide de rêveries variées, inspirées par les faits environnants ou rattachées à quelque obsession dominante.

Les faits de cet ordre sont, jusqu’à présent, difficiles à classer. Les rattacher sans autre forme de procès à la dégénérescence mentale, comme le propose M. Colin, c’est aller vite. Il serait utile de recueillir un certain nombre des observations qui s’y rapportent, d’en noter avec soin les détails et peut-être alors pourrait-on se faire sur leur nature une opinion précise dont, jusqu’à présent les éléments nous font défaut. M. Sollier reconnaît qu’on ne saurait dire s’il s’agit dans l’espèce de manie développée chez un hystérique ou de crises hystériques à forme maniaque prolongée, et M. Janet ne nie pas que si ces faits se rattachent suivant lui à l’hystérie, ils constituent évidemment une transformation considérable de la maladie. La question [p. 55] mériterait de fixer particulièrement l’attention du Congrès.

Les idées mélancoliques ne sont pas rares chez les hystériques. En dehors de l’état d’habituelle tristesse, dont nous avons déjà parié et qui constitue le trait le plus saillant du caractère de certaines de ces malades, on constate chez elles des délires lypémaniaques transitoires qui se relient étroitement soit aux conceptions délirantes de l’attaque, soit à de idées fixes ou à des rêves. Mais, indépendamment de ces derniers, on voit quelquefois la mélancolie franche se développer sur un fond d’hystérie. Dans ce cas, le terrain modifie-t-il la physionomie de l’affection ? Krafft-Ebing, Schüle, qui décrivent une mélancolie hystérique, lui assignent certains caractères spéciaux : Ia prédominance de l’élément névralgique, les hallucinations, l’apparition fréquente de la sensation de constriction pharyngée, la permanence par-delà le délire du tempérament hystérique tel qu’on le concevait naguère, avec la tendance aux exagérations, aux doléances excessives. Ce sont là des caractères très vagues. Les notions plus précises que nous possédons aujourd’hui sur la nature et la psychologie pathologique de l’hystérie permettront sans doute de mettre, dans un avenir rapproché, quelque ordre en ce chapitre où l’on semble encore avoir confondu ce qui relève directement de l’hystérie et ce qui lui est étranger.

Des considérations analogues sont applicables à certains état de confusion mentale qui, par leur longue durée, plusieurs semaines ou plusieurs mois, rappellent le syndrome décrit par Wille et dans ces derniers temps, en France, par Chaslin, Séglas, Hannion et quelques autres. Lorsque ces états s’encadrent entre des manifestations hystériques comme dans une observation de M. Janet (Les Accidents mentaux, p. 233), on est porté à les considérer comme une simple exagération de l’insuffisance de la synthèse mentale et de l’aprosexie qui se voient couramment dans l’hystérie. Mais c’est encore un point sur lequel il est difficile de se prononcer.

Les délires gui s’observent le plus communément chez les hystériques à titre de délires associés sont les diverses formes de délire dégénératifs. Pendant longtemps on a attribué à l’hystérie certains délires partiels qui en sont tout à fait indépendants. Il suffira pour s’en convaincre de lire ce qu’écrit [p. 56] Maricé [Marcé ?]sur le délire hypochondriaque des hystériques, et surtout les chapitres consacrés dans certains ouvrages étrangers (Schüle, Kraffr-Ebing), aux délires systématisés et à la paranoïa dans l’hystérie.

  1. Colin s’est attaché à montrer que ces diverses modalités délirantes relèvent de la dégénérescence mentale. On trouvera dans sa thèse un bon nombre d’observations se rapportant à des cas de délire mélancolique, d’excitation maniaque, de délires de persécution, mystiques ou ambitieux qui se sont présentés, bien qu’associés à l’hystérie, avec des caractères identiques à ceux qu’ils revêtent quand ils se développent sur un terrain indemne de toute tare hystérique. Il n’y a aucun intérêt à rapporter ici des faits qu’on pourra aisément consulter à la source. Tous les aliénistes en ont d’ailleurs vu de semblables.

RÉSUMÉ

Après cette rapide revue des troubles mentaux qui peuvent s’observer chez les hystériques, nous croyons utile de résumer les points litigieux sur lesquels il nous paraît indiqué d’appeler plus particulièrement J’attention des membres du Congres :

1° L’hystérie est-elle une maladie exclusivement mentale ? Définition psychologique de l’hystérie. Rôle du rétrécissement de la conscience dans la genèse des phénomènes hystériques.

2° Relations cliniques et psychologiques entre l’hystérie et la dégénérescence mentale.

3° Le caractère et les perversions instinctives des hystériques. Leur criminalité.

4° Les délires hystériques envisagés comme manifestation ou équivalents des attaques.

5° Les idées fixes et les idées subconscientes. Leur rôle dans la pathogénie de certains délires.

6° Y-a-t-il une manie hystérique ? Caractères cliniques, formes diverses. Relations avec les attaques et les idées subconscientes. [p. 57]

7° La mélancolie, lorsqu’elle se développe chez les hystériques, affecte-t-elle des caractères spéciaux ?

8° Y-a-t-il une confusion mentale hystérique ? Ses caractères, sa durée possible.

9° Les délires associés. Préciser leur importance et leur fréquence. Les distinguer des délires hystériques. Y-a-t-il des caractères fixes symptomatiques ou psychologiques permettant dans tous les cas de faire cette distinction ?

Peut-être trouvera-t-on que nous avons élargi outre mesure le cadre de la question soumise au Congrès. Nous ne le pensons pas cependant. L’étude des rapports de l’hystérie ave la folie manquerait de base et perdrait à la fois son intérêt clinique et psychologique si on n’avait, au préalable, précisé autant que faire se peut les caractères des troubles mentaux qui ressortissent en propre à cette névrose. A la vérité, ces considérations préliminaires ne sont point étrangères à la question, elles sont même presque toute la question.

DISCUSSION DU RAPPORT

  1. le Dr CHARPENTIER, médecin de Bicêtre. — En clinique il fut toujours penser anatomiquement. Cette phrase favorite du docteur Charcot me sert d’exorde et sera ma réponse au travail que vient de nous exposer un de ses plus brillant, élèves, M. le docteur Ballet ; ce sera aussi la conclusion des idées que nous a inspirées le sujet de son rapport.

Mais peut-on penser anatomiquement en matière d’hystérie alors qu’un des caractères de celle-ci, caractère négatif il est vrai, est de défier toute conception anatomique ; mais peut-on penser anatomiquement la sensation, l’intelligence, la volonté, alors que dans le plus récent résumé des travaux sur l’histologie des cellules cérébrales, Ramonay-Cajol [Ramón y Cajal] affirme que l’histologie cérébrale, actuellement, ne permet aucune conclusion sur le rôle dévolu aux éléments anatomiques du cerveau dans le mécanisme de la pensée.

Rapprochons la formule du professeur Charcot et cette conclusion histologique récente et, à côté de l’apparence contradictoire de ces deux opinions, nous voyons surgir l’idée que le temps n’est pas encore venu de penser anatomiquement [p. 58] le mécanisme intellectuel, ni, par suite, ses désordres pathologiques.

La pathogénie véritable des troubles mentaux est encore à faire ; disons plus, elle n’est pas encore née.

Toutes les tentatives psychologiques, et je parle des plus récentes dont notre collègue et ami, M. le docteur Ballet, s’est fait le défenseur dans l’exposé si clair que nous venons de lire, ressemblent à s’y méprendre aux théories écectistes [?] ou animistes autrefois en vigueur, pour expliquer les maladies des organes, des tissus et des humeurs ; ces théories ont été d’autant plus réduites que l’histologie de structure et de fractions, fait plus de progrès, et les recherches du professeur Charcot sur les maladies de la moelle en ont été la plus retentissante consécration. Je dis sur les maladies de la moelle, je ne dis pas sur l’hystérie, car ce savant ne pourrait employer, dans l’étude de cette dernière, l’esprit de rigueur, de précision et de méthode qu’il avait apporté à la pathologie médullaire, et cela en raison même de l’absence d’anatomie pathologique.

Aujourd’hui que cette illustration n’est plus, il m’est plus facile de porter sur son œuvre une appréciation que je n’avais fait qu’esquisser dans ma communication du Congrès de la Rochelle sur les auto-intoxications dans les maladies mentales. C’est en affirmant, il y aura bientôt vingt ans, que l’hystérie ne devait pas être confondue avec la folie, que le Médecin de la Salpêtrière a réussi à enlever l’hystérie aux services d’aliénés de cet hospice, et c’est par l’étude même des hystériques que le fondateur de la neuro-pathologie est venu soutenir plus tard que l’hystérie consistait en un trouble mental caractérisé comme l’a dit dans sa chaire un médecin psychologue, M. Paul Janet, et comme le soutient aujourd’hui avec son éloquence habituelle M. Ballet, consistait en un trouble mental caractérisé par une désagrégation des éléments de l’esprit et un rétrécissement du champ de la conscience.

Eléments de l’esprit, champ de la conscience, comme avec de telles expressions nous sommes loin du cerveau ! Aussi loin que les prés, les prairies, les plaines le sont des villes ; nous sommes en pleine campagne et peut-être courons-nous ainsi le risque de la battre sans autre résultat qu’une fatigue inutile.

Si la folie, si l’hystérie ont été soustraites aux exorcismes [p. 59] religieux, faut-il, à notre époque, nous exposer à les abandonner aux exorcismes des hypnotiseurs et aux élucubrations non moins dangereuses d’une psychologie dite expérimentale ?

J’ouvre le premier chapitre du travail de M. Ballet, dont le titre est : Qu’est-ce que l’hystérie ? définition clinique et psychologique. Le caractère du vrai talent, c’est la modestie, et le caractère de la modestie, c’est la simplicité et le laconisme dans l’expression de la pensée, Aussi M. Ballet, en six lignes, nous a représenté l’histoire clinique, nous prouvant une fois de plus sa valeur de clinique. Ces six lignes sont tellement vraies que je ne puis faire mieux que de les reproduire :

Troubles de la sensibilité générale et spéciale ;

Anesthésies, plaques hyperesthésiques ;

Désordres moteurs, paralysies, contracture ;

Tics, mouvements choréïques et tremblements ;

Certaines amnésies et aboulies ;

Crises de somnambulisme ;

Troubles vasculaires et trophique.

Immédiatement, nous reconnaissons tous l’hystérie clinique dans cette simple énumération ; mais quand il s’agit de la description psychologique, mon esprit, sinon celui de M. Ballet s’enfonce et se perd dans le dédale labyrinthique de l’inconscient de l’idée, de l’idée subconsciente, de l’inconscient, du champ de la conscience, de l’aire ou de l’étendue de la conscience, de la faculté synthétique de la conscience, du moi, de la personnalité et, enfin des dissociations binétistes de cette même personnalité, qui n’est ni le moi, ni la conscience, mais qui l’est tout de même sans l’être.

Et nous nous ressouvenons involontairement des psychologues et de leur dextérité professionnelle à jongler avec des mots qu’ils nous font prendre pour des idées,  avec des idées qui ne représentent pas toujours, malgré leur affirmation, des faits ou des objets réels, et à imiter fallacieusement, dans leur procédés, ceux des géomètres qu’ils ont tous, par tradition, la prétention de copies ; mais ils diffèrent de ces  derniers,  qui n’opèrent jamais que sur des réalités, tandis que la caractéristique des psychologues et de commencer par se tromper eux-mêmes, en prenant les mots dont ils se servent pour des réalités qu’ils ne possèdent pas. J’en ai assez dit sur la psychologie, et je pense [p. 60] au chapitre II : Association de l’hystérie avec la dégénérescence mentale.

Ici je suis moins à l’aise, car la théorie de la dégénérescence mentale, en tant que subordonnée à l’hérédité nerveuse, arthritique ou isolée, m’a paru toujours très contestable ; mais aborder cette question, ce serait introduire une autre discussion certainement importante dans la discussion primitive, et le temps ne me le permet pas. Je me borne à faire observer que le terme dégénérescence est devenu une panacée explicatoire pour avoir l’air d’élucider tout ce que nous ne connaissons pas et, en général, je me défie des panacées. il sert aujourd’hui à expliquer, en apparence du moins, la prédisposition si chère il nos ancêtres qui, sous le nom de pars minoris resistentiæ expliquaient en latin ce que nous sommes encore incapables d’expliquer en bon français. La superposition du symptôme psycho-sténique, terme nouveau qui voudrait dire symptôme dégénératif ou symptôme hystérique, nous entraînerait à comprendre les distractions, les négligences, les doutes, les hésitations, au nombre des troubles mentaux et, dès lors, à nous considérer tous comme des fous ou des dégénérés, assertion qu’aucun esprit sensé n’admettra pour lui-même, à moins d’être un suggestible ou un auto-suggestible.

L’hérédité ne suffit pas pour expliquer la dégénérescence mentale, car les troubles du caractère des hystériques que dans son quatrième chapitre, M. Ballet attribue à la dégénérescence ont surtout « réhabilité les hystériques ». Comme Charcot se plaisait à le répéter : ces troubles du caractère se retrouvent souvent en dehors de toutes hérédité morbide et même en dehors de toute dégénérescence ; d’autres facteurs, qu’on laisse trop dans l’ombre pour mieux faire ressortir la théorie à la mode interviennent bien plus puissamment, tels que l’imitation et ses conséquences, l’entraînement, l’éducation vicieuse, soit dans la sollicitude hypochondriaque de la santé des enfants, soit dans les mauvais exemples, les mauvais principes ou le mépris des vertus ; ce sont là les véritables causes des troubles du caractère que l’on ferait mieux d’appeler des vices, car le vice n’est que l’amplification de ces troubles prolongés du caractère. Chez les hystériques, il y a un trouble du caractère, prédominant, général, je dirais presque pathognomonique et que [p 61] M.  Ballet a passé sous silence : c’est le désir violent, persistant, de ne pas vouloir se discipliner au milieu dans lequel elle vivent, le désir toujours vif de se singulariser et de fixer l’attention sur leur petite personne.

Leurs troubles nerveux, sensitifs, moteurs, intellectuels, sont toujours, à notre avis, la conséquence de la non-satisfaction de leurs désirs chimériques, ou de la déception qu’elles éprouvent lorsqu’elles ne parviennent pas à fixer l’attention, la contemplation, la compassion ou la flatterie ; ce besoin extrême d’attirer l’attention explique les bénéfices de l’isolement, qui est leur véritable traitement ; car elles cessent de remuer leurs membres et leurs idées, quand elles acquièrent la certitude qu’on ne s’occupe plus d’elles.

  1. Ballet a raison de dire que c’est une erreur de croire que les hystériques sont ordinairement érotomanes ; comme lui je crois qu’en général elles sont frigides ; en revanche, la coquetterie, le mensonge, qui se traduit surtout par la simulation, par les artifices de l’amour, sont leurs attributs naturels, et comme le vice se développe d’autant plus que leur esprit est plus rebelle à la discipline, au respect des conventions établies, à l’adaptation et est, au contraire, plus docile aux conseils de la vanité, je crois à la fréquence de la criminalité chez les hystériques , comme M. Ballet, mais non à la folie morale, parce qu’elles sont atteintes de dégénérescence mentale, comme l’a dit notre collègue. On est vicieux parce qu’on veut être vicieux et non parce qu’on est un dégénéré ou un hystérique. La folie morale est indépendante de l’hystérie et de la dégénérescence mentale. Je partage l’opinion de M. Ballet sur l’émotivité de hystériques ; elles sont insensibles à tout ce qui ne les intéresse pas et rien ne les intéresse en dehors de l’attention qu’elles sollicitent, de leurs ambitions et de leurs désirs non satisfaits.

Je suis aussi avec M. Ballet quant à leur suggestibilité, tout en ayant soin de faire remarquer qu’elles acceptent de préférence les suggestions qui leur plaisent — je ne parle pas des suggestions hypnotiques. — Cette suggestibilité, rapprochée de leurs vices de caractère, est une raison de plus pour ne pas les excuser en cas de délits commis ; tous les êtres animés se nourrissent, mais à la condition de ne s’assimiler que ce qui convient à leurs tissus ; il en est de même pour l’assimilation [p. 62] des idées. Le vicieux ne s’assimile pas les idées morales ; il n’est pas suggestible par elles ; elles sont plutôt un poison pour lui ; les hystériques sont souvent dans ce cas, ce qui explique la fréquence de leurs délits, ce qui peut expliquer en partie leurs tentatives de suicide, tout en tenant compte de leur émotivité particulière en cas de déception. Le chapitre V, sur les délires de l’attaque, malgré sa brièveté, est magistralement traité. Je me bornerai ici il répéter ce que je vous disais récemment à la Société médico-psychologique. L’amnésie d’un délire ne prouve pas que le sujet n’a pas eu conscience au moment où il délirait ; il peut avoir perdu le souvenir et de son délire et de son état de conscience, ainsi qu’en témoignent les amnésies traumatiques et surtout les amnésies antéro-rétrogrades. Je crois donc que l’ancienne opinion de M. Moreau (de Tours) reste vraie, que la conscience du délire est habituelle chez les hystériques, sinon constante.

J’ai trop peu étudié personnellement (et à cet égard j’ai toujours été très sceptique) les somnambulismes et les délires somnambuliques pour pouvoir m’être fait une opinion à ce sujet.

La théorie psychologique de l’idée fixe, sortie du domaine de la subconscience ou de l’inconscience, ne me séduit pas ; elle me brouille avec le peu que je sais de la sensation, de la comparaison, du désir et de la volonté ; si une idée peut exister sans avoir passé par le domaine de la conscience, j’avoue ne pas savoir ce que c’est que la conscience, ni ce que c’est que l’idée ; d’ailleurs M. Ballet ne nous a pas dit ce que c’est que la conscience, ce que c’est que l’idée ; restons médecins et laissons ces questions aux psychologues, cela les engagera peut­ être à ne pas parler pathologiquement.

Quant à la question des formes de la folie hystérique, en dehors de celles des diverses périodes de l’attaque, je suis convaincu que l’hystérie peut simuler toutes les formes aiguës des maladies mentales, comme elle peut simuler grand nombre de maladies d’autres systèmes. Cette considération, que M. Ballet n’a pas assez mise en relief, peut autoriser à accepter avec plus de réserve qu’il ne l’a fait les folies associées et les délires multiples. La confusion mentale, la mélancolie, la manie hystérique existent ; je n’ai pas vu de démence [p. 63] précoce hystérique. La démence peut se rencontrer chez de hystériques, mais il sera toujours prudent de rechercher une autre étiologie à côté de ce facteur.

On a fait abus des formes mentales hystériques ; tous le troubles mentaux qui surviennent chez les hystériques ne sont pas toujours de cette nature.

Je terminerai ces réflexions en relevant à nouveau un fait que M. Ballet a nettement fait ressortir, à savoir la fréquence de la similitude entre certains délires hystériques et certains délires alcooliques, et si, au Congrès de La Rochelle, ma digression sur l’hystérie a été un peu longue, cela tient à ce que je soupçonnais déjà que l’hystérie pouvait tenir à une auto-intoxication cérébrale produite par la fatigue dans les cellules cérébrales épuisées.

  1. Féré, dans sa pathologie des émotions, a accordé, dans la production de ces dernières, une grande part aux troubles de la nutrition. Peut-être y aurait-il lieu de s’orienter de ce côté, et la théorie des auto-intoxications permettrait-elle de concevoir de nouveaux rapports entre l’hystérie el les folies.

Cependant si penser anatomiquement est bien, ne pas se lancer trop loin dans le domaine de l’hypothèse est encore mieux. C’est ce qui m’engage à terminer en vous priant, mes chers collègues, si j’ai péché anatomiquement ou intellectuellement, de vouloir bien m’accorder votre indulgence habituelle.

M, JOFFROY. — La distribution tardive du rapport sur les relations de l’hystérie et de la folie ne m’a qu’à peine laissé le temps de le parcourir et je n’ai pu donner à l’étude de cette question la réflexion qui serait nécessaire pour aborder comme il conviendrait ce problème difficile. Ce sera l’excuse du peu de développement que je donne aux observations que je vais faire.

La question que nous avons à discuter aurait tout aussi bien se poser en d’autres termes et s’intituler, par exemple : Des rapports de l’hystérie et de la dégénérescence mentale, et notre rapporteur, dans son remarquable travail, semble, du reste, s’être placé sur ce terrain.

C’est qu’en effet il est très fréquent d’observer l’association de l’hystérie et des nombreuses formes de la dégénérescence mentale, comme l’ont plus spécialement démontré MM. Balle [p. 64] Marquezy, Tabaraud et Roubinowitch. Et, de ces travaux, on peut conclure que l’hystérie se développe habituellement sur un terrain dégénéré. Mais ce n’est là qu’une partie de la question et il y a lieu de se demander si l’hystérie elle-même n’est pas une des modalités de la dégénérescence.

Tout d’abord, il est bien certain que les limites de l’hystérie sont difficiles à préciser et les états qui lui confinent sont précisément des manifestations variées de la dégénérescence : tantôt ce sont des perversions des instincts, de la dépravation des goûts, de l’excentricité, des monomanies, etc. Mais la coexistence de ces accidents de dégénérescence et de l’hystérie ne constitue pas une preuve que l’hystérie soit elle-même de la dégénérescence et l’on ne peut trouver dans cette association qu’une présomption en faveur de la nature dégénérative de l’hystérie.

Un motif d’une grande valeur se trouve, dans ce fait, mis à bon droit en relief par le rapporteur, que les syndromes de dégénérescence et l’hystérie ont tous pour facteur étiologique principal la prédisposition héréditaire, et de la communauté d’origine on est presque logiquement porté à conclure à la communauté de nature.

Dans son rapport, très documenté, M. Ballet fait, du reste, et à juste titre, remarquer que les troubles hystériques et dégénératifs ne sont pas seulement reliés par une communauté d’origine, l’hérédité, mais que « l’on ne peut se défendre de penser que les deux ordres de phénomènes sont régis par des altérations du mécanisme mental très analogues sinon identiques les unes aux autres ». Cette altération du mécanisme mental, bien mise en lumière par Charcot, par M. Pierre Janet et qui a été très clairement exposée par le rapporteur, consiste essentiellement dans la pénétration des idées subconscientes dans le champ de la conscience qui se trouve envahi, annihilé et comme effacé. Mais cette altération du mécanisme mental n’est pas spéciale à l’hystérie, et on l’observe également dans nombre de troubles mentaux que nous n’hésitons pas à rapporter à la dégénérescence mentale, par exemple dans les impulsions. De sorte que :

  1. a) L’hystérie et les manifestations indiscutables de la dégénérescence mentale se rencontrent fréquemment chez le même malade ; [p. 65]
  2. b) L’hystérie et la dégénérescence mentale ont le même facteur étiologique principal : l’hérédité ;
  3. c) L’hystérie et les principales manifestations de la dégénérescence mentale sont régies par des altérations identiques du mécanisme mental.

C’est pour ne pas avoir compris cette vérité que les auteurs ne sont pas tombés d’accord sur le caractère des hystériques ; les uns voulant que les hystériques soient menteuses, fourbe perverses, érotomanes, etc., et les autres protestant contre ce tableau trop chargé et voulant réhabiliter l’hystérique. La vérité est qu’en dégénérescence il y a des degrés et que pour être hystérique on n’a pas fatalement des instincts pervers, de goûts dépravés, des idées bizarres et des impulsions aux acte délictueux, mais dans nombre de cas cela existe et les descriptions faites par Tardieu., Falret, Schüle, Axenfeld et Huchard, Legrand du Saulle, etc., etc., ne sont alors que l’expression de la vérité.

On peut bien dire que ce n’est pas là de l’hystérie, mais ces malformations du caractère existent là au même titre que l’hystérie et sont, comme elle, des tares de dégénérescence.

En résumé, je pense que :

1° L’hystérie est l’une des formes de la dégénérescence mentale ;

2° Sur ses confins l’hystérie se confond avec certaines manifestations dégénératives, sans qu’il soit conforme aux faits de placer entre elles une limite précise ;

3° II y a lieu, en clinique, de conserver à l’hystérie son individualité et de la distinguer autant que possible des autres modalités de la dégénérescence ;

4° Pour cela, il convient de n’accorder la dénomination d’hystériques qu’aux accidents qui se rattachent ou dérivent directement de l’attaque cl ‘hystérie complète ou fruste ou d’une autre manifestation indubitablement hystérique, telle que le somnambulisme spontané.

  1. PITRES (de Bordeaux). — J’ai observé récemment une malade qui a présenté sa première crise d’hystérie à la suite d’un accident de voiture qui faillit coûter la vie à son enfant. A partir de cette époque cette femme fut sujette à des attaque [p. 66] au cours desquelles elle voyait son enfant mort, couvert de sang, etc. Ce fait prouve donc une fois de plus, ainsi que l’a dit M. Ballet, que les délires de l’attaque hystérique ne sont que la reviviscence d’une émotion antérieure. A l’état de veille, au contraire, aussi bien que dans l’état hypnotique, cette femme pouvait raconter l’accident qui lui avait causé une si vive impression, sans angoisse ni terreur.

Pour guérir cette malade je lui suggérai à l’état hypnotique de se souvenir, lorsqu’elle sentirait venir sa crise, que son enfant n’était pas mort, qu’il ne courait aucun danger, etc. Cette suggestion réussit à merveille et, à partir de cette époque les crises er les phénomènes hallucinatoires qui les accompagnaient disparurent.

Cette malade conservait cependant un certain nombre d’accidents de nature hystérique, mais indépendants de ses crises, tels que céphalée, palpitations, arthralgies, etc., etc., dont j’essayai de la débarrasser par la suggestion impérative, simple. J’échouai complètement ; modifiant alors ma manière de procéder, je parvins à la guérir en lui suggérant des rêves. De ceux-ci elle ne gardait aucun souvenir au réveil, d’où je conclus ce qui vient encore à l’appui des idées défendues par M. Ballet que les phénomènes subconscients sont capables de retentir sur la conscience et d’imprimer à l’organisme une série de modifications physiologiques ou pathologiques du plus haut intérêt.

  1. RÉGIS. — M. Ballet a cherché, suivant l’expression de Charcot, à réhabiliter les hystériques. Il ne va pas jusqu’à nier que les hystériques aient des perversions du caractère et des instincts, mais pour lui ces perversions, moins communes qu’on ne l’a dit, n’appartiennent pas à l’hystérie, elles relèvent de la dégénérescence qui coexiste souvent avec elle. Il y a là, à mon sens, une exagération évidente. Tout d’abord, est-il vrai que les perversions soient rares chez les hystériques ? Je ne le crois pas, car tous les jours on en rencontre des exemples significatifs. En voici un qui me paraît topique : J’ai vu récemment à l’hôpital Saint-André, de Bordeaux une malade qu’on supposait être atteinte de méningite et qui présentait depuis plusieurs semaines ce phénomène [p. 67] singulier d’une température au-dessus de 41°. Devant la persistance de cet état qui résistait à tous les traitements, on commençait à se demander déjà s’il ne serait pas utile de recourir à une trépanation.

Quand je vis la malade pour la première fois, la visite venait de finir. Nous restâmes auprès d’elle après lui avoir placé le thermomètre dans l’aisselle. Pendant que nous attendions la montée du thermomètre, la malade était inquiète, souffrante, répondait d’un air maussade à nos questions. Nous retirâmes le thermomètre au moment voulu ; il était monté seulement à 38° ; alors que quelques instants auparavant il avait marqué 41°. Placé dans le vagin, malgré l’impatience de la malade qui s’agitait visiblement, le thermomètre se maintînt aux environs de la normale. Les soupçons étant éveillés, l’interne de service constata le soir même la supercherie et la malade, vexée, ne tarda pas à quitter l’hôpital. J’appris alors qu’elle avait été précédemment dans un autre service pour hystérie.

Voilà un fait qui, ce me semble, ne peut laisser place au doute. On en pourrait citer d’autres qui prouveraient une fois de plus que la perversité des hystériques existe. Mais cette perversité appartient-elle à l’hystérie ou relève-t-elle de la dégénérescence. C’est cette dernière opinion que soutient M. Ballet en admettant que la dégénérescence coexiste fréquemment avec l’hystérie.

Il est possible que l’idée de M. Ballet réponde à une réalité nosologique, mais où sont les preuves ? On a dit qu’un très grand nombre d’hystériques n’ont jamais présenté de perversions tandis qu’on les rencontre, au contraire, journellement chez les dégénérés simples qui ne montrent aucun stigmate d’hystérie. Cela est vrai, mais ce qui est plus vrai encore, c’est que les perversions des hystériques affectent un caractère spécial et qui leur est propre. Je le demande à M. Ballet lui-même : lorsqu’ou lui apprend qu’une malade fait ce qu’on me permettra d’appeler « le coup du thermomètre » dans les conditions que l’Indiquais tout à l’heure, se borne-t-il à déclarer qu’il s’agit d’une dégénérée ? Lorsqu’une femme aurait inventé des histoires romanesques, compliquées, bien que toujours vraisemblables où jouent surtout un rôle les mystères de naissance, les secrets [p. 68] de grande famille, etc. (cas publiés), dira-t-il encore que cette femme est une simple dégénérée ? Je n’ose le croire, mais, pour ma part, je n’hésiterais pas, non à affirmer, mais tout au moins à soupçonner l’hystérie.

On peut donc soutenir qu’il y a une perversité fréquente et souvent typique dans l’hystérie et que cette perversité dépend ou de l’hystérie elle-même ou du caractère spécial que l’hystérie imprime à la dégénérescence concomitante.

Un autre point du rapport de M.. Ballet que je tiens à relever, mais alors pour l’approuver, c’est celui qui a trait à l’analogie du rêve et qui joue un grand rôle dans les phénomènes hystériques, surtout dans les phénomènes mentaux. Mais les hystériques n’ont pas la spécialité de ces délires qui paraissent dépendre de rêves. Le délire des alcooliques, comme le disait Lasègue n’est pas un délire, mais un rêve.

On trouve des délires analogues dans les auto-intoxications. Je poursuis depuis longtemps l’étude clinique du délire dit fébrile ou infectieux et j’ai été frappé de de ce fait que ce délire est une sorte de rêve allant depuis le rêve immobile et muet jusqu’au rêve d’action en passant par le rêve simplement parlé.

Comme le rêveur hypnagogique, le malade, si gravement atteint qu’il soit, fait entrer la réalité ambiante dans sa conception hallucinatoire, et si vous le secouez ou si vous lui adressez une brusque interpellation, il revient à lui, vous répond correctement, puis retombe aussitôt dans sa fantasmagorie, absolument comme le rêveur qu’on arrache à son sommeil ou l’alcoolique à son détire.

Tous ces états sont des empoisonnements par des voie différentes de l’organisme ; il semble que le délire du rêve soit comme la caractéristique des intoxications et que, par ce côté­ ci, encore, l’hystérie peut être considérée comme une intoxication ainsi que certains auteurs l’ont soutenu.

Tels sont les deux points du rapport de M. Ballet à propos desquels je désirerais présenter quelques réflexions. Je parlerai à peine de la folie hystérique. Je crois, pour ma part, que les hystériques sont susceptibles d’être atteintes d’une folie véritable, peut-être moins fréquemment qu’on ne pense et que cette folie peut revêtir chez elles, par suite d’un terrain sur lequel elle se greffe, certains caractères plus ou moins spéciaux dont [p. 69] les principaux sont peut-être la persistance au milieu de la perturbation psychique la plus désordonnée en apparence, de la conscience, de la lucidité, du retour brusquement possible de l’état normal, qui paraissent ne jamais se perdre, pour ainsi dire, dans l’hystérie.

  1. FALRET (de Paris). — Je ne discuterai pas la question de savoir si l’hystérie est distincte de la dégénérescence mentale, comme le veut M. Ballet, ou si elle n’en est qu’une modalité, comme le soutient M. Joffroy, pour la raison que je repousse complètement la théorie de la dégénérescence. Je me contenterai d’aborder un seul point un peu laissé dans l’ombre par M. Ballet, je veux parler de la manie hystérique. Le rapporteur semble mettre en doute l’existence de cette variété de folie ; je ne partage pas sa manière de voir et je crois, contraire, qu’il est, en général, assez facile de distinguer un maniaque hystérique d’avec un maniaque simple. Dans la manie hystérique il y a une semi-lucidité qui n’existe jamais dans la manie simple ; en outre, le délire des acre et les perversions sensorielles sont beaucoup plus prononcées dans cette dernière forme mentale que dans la seconde.
  2. VALLON (de Villejuif). — L’existence de la manie hystérique était admise autrefois par Lasègue ; pour la différencier de la manie commune, cet auteur disait que le langage d’une maniaque hystérique était beaucoup moins télégrammatique, beaucoup moins hâché que celui d’une maniaque simple. Mes propres observations m’ont prouvé la justesse de cette remarque ; je suis donc disposé à soutenir, avec M. Falret, qu’il existe une manie hystérique reconnaissable à des caractères particuliers.
  3. GlLBERT BALLET. — Je ne voudrais pas prolonger outre mesure cette discussion ; je crois cependant devoir répondre brièvement à quelques-unes des observations ou des objections qui viennent d’être faites.

Tout d’abord M. Charpentier me permettra de lui dire que je n’ai pas parfaitement saisi le sens ni la portée de ses critiques. Je ne vois pas ce que la psychologie contemporaine, aussi rigoureuse, ce me semble, dans ces procédés et sa [p. 70] méthode que ne l’est aucune autre science, a de commun avec les ingénieuses mais stériles hypothèses de l’animisme et du vitalisme. Que M. Charpentier veuille bien relire mon rapport avec plus d’attention, et j’ose espérer (est-ce présomption de ma part ?) qu’il reconnaîtra lui-même avoir porté la discussion sur un terrain différent de celui où je me suis placé.

Quant à M. Joffroy, il vient d’afficher un radicalisme qui n’a pas été sans me surprendre, et d’émettre une doctrine que pour plusieurs raisons, il m’est impossible d’accepter. Elargissant le cadre, déjà bien juste pourtant, d’aucuns disent trop vaste, de la dégénérescence, il y a fait rentrer résolument l’hystérie. Si M. Joffroy se fût borné à faire ressortir la parenté, la coïncidence fréquente des deux états, certes je n’eusse pas protesté. Dans mon rapport et bien avant, dans les thèses de plusieurs de mes élèves, comme il l’a du reste, bienveillamment rappelé, je me suis attaché à mettre en relief cette parenté. La réalité me semble indéniable ; mais ce n’est pas une une raison suffisante pour confondre la dégénérescence et l’hystérie ; la dégénérescence est un état congénital qui se traduit soit par une débilité, soit par une déséquilibration mentale originelle ; l’hystérie, précoce ou tardive, est une maladie dont les signes n’apparaissent qu’à une époque plus ou moins avancée de l’existence. M. Joffroy le sait si bien que, pour les cas qui ne se révèlent que pendant l’adolescence ou l’âge adulte, il admet antérieurement l’existence d’une « dégénérescence à l’état latent ». Il confond ainsi les deux mots : dégénérescence et prédisposition. Or, cette confusion le conduit à parler un langage tout autre que celui couramment en usage en pathologie mentale. Tous les aliénistes sont, en effet, d’accord, à l’étranger comme en France, pour accorder aux deux termes une signification clinique fort différente : que, sous l’influence d’une hérédité vésanique plus ou moins lourde, une femme fasse, à la puberté, ou, plus tard, à l’époque de la ménopause, un accès de mélancolie, sans avoir jamais présenté, en dehors de ses accès ce qui est fréquent, aucune anomalie psychique notable, on en fera une prédisposée ; personne ne songera à dire qu’il s’agit d’une dégénérée ; n’en sera-t-il pas de même de certains des individus affectés de délire de persécution à évolution systématique qui, bien qu’héréditaires à un degré plus ou moins [p. 71] accusé, se montrent normaux jusqu’au jour où apparaissent les premières manifestations délirantes ? Je crois inutile de citer d’autres exemples. Dire que la dégénérescence et la prédisposition sont même chose, c’est méconnaître une distinction que la clinique n’a pas établie sans peine ; la prédisposition est un élément étiologique qui domine l’histoire de la plupart de vésanies, la dégénérescence est un état, une manière d’être de l’individu : telle est du moins la signification de ces deux mots dans la nomenclature actuelle, et je crains qu’en parlant un langage nouveau (qui serait un retour à une confusion ancienne), M. Joffroy s’expose à ne pas être compris.

Je ne saurais, d’ailleurs, admettre, avec M. Joffroy, que l’hérédité, c’est-à-dire la prédisposition, soit la cause nécessaire de l’hystérie. Des faits nombreux me paraissent établir que cette névrose peut se développer de toute pièce, sous l’influence de circonstances accidentelles dont la puissance d’action doit être, cela se conçoit, en raison inverse de la susceptibilité morbide des sujets. Les dégénérés présentent à un haut degré cette susceptibilité ; ils deviennent hystériques plus aisément que d’autres. Cela ne prouve nullement que l’hystérie soit une maladie de dégénérescence. Ainsi formulée, la proposition me semble contredire par beaucoup de faits.

Je suis heureux que M. Pitres nous ait apporté son intéressante observation, qui met bien en relief le rôle des idées subconscientes dans la genèse des délires hystériques, et qui nous montre que ces idées subconscientes peuvent dériver d’un rêve comme divers auteurs, et notamment M. Féré, l’avaient déjà fait ressortir.

  1. Régis m’a reproché d’avoir trop réhabilité les hystériques ; qu’il veuille bien parcourir à nouveau mon rapport, et il verra qu’au sujet de cette réhabilitation, j’ai fait un certain nombre de réserves. Mais, si je suis resté dans le doute en ce qui concerne la nature de certains actes de simulation, de certaines tendances au mensonge et à la supercherie, j’ai tenu et légitimement, je pense, à établir une distinction nette entre l’état mental des hystériques et la folie morale qu’on lui a naguère indûment rapportée. M. Régis a procédé par questions ; qu’il me permette de lui en poser une à mon tour : Voici un enfant qui, dès le bas âge, manifeste des instincts [p. 72] pervers, il est méchant avec ses frères, sans affection pour ses parents ; plus tard il est, au collège, élève indiscipliné, se fait mettre à la porte des établissements où il est placé; sa conduite, quand il a atteint l’âge d’adulte, est une suite de frasques, de mensonges, d’actes incorrects ou délictueux. Le jour où M. Régis rencontrera cet individu dans son asile, à l’occasion d’un accès d’excitation maniaque ou de délire alcoolique, car c’est d’ordinaire l’excitation maniaque où l’alcoolisme qui l’y amène, il ne songera certainement pas à en faire un hystérique. Eh bien ! qu’il veuille se rappeler qu’il y a peu d’années encore, pour peu que ce déséquilibré à instincts pervers fût une femme, on avait une fâcheuse tendance à lui appliquer la désignation d’hystérique. Les rapports médico-légaux et les observations de nos devanciers immédiats en font foi. Il n’était, ce me semble, ni inutile ni illégitime de marquer la différence profonde qu’il y a entre J’hystérique et la simple dégénérée.

Nous avons tous écouté avec une vive curiosité et un grand intérêt la magistrale description que vient de nous tracer M. J. Falret de la manie hystérique. Or, Messieurs, n’avez­vous pas été frappés avec moi de l’indécision qui existe encore dans les signes cliniques de l’affection : M. Vallon a rappelé le caractère distinctif que Lasègue invoquait pour la séparer de autres espèces de manies : en réalité, ce caractère n’est pas autre que celui qui permet de distinguer l’excitation maniaque de la manie franche. Si, en l’état des choses, un tableau de la manie hystérique pouvait être tracé avec des contours arrêtés d’après les seuls renseignements de la clinique, M. Falret nous l’eût apporté complet et décisif ; nul, en effet, ne serait mieux à même de le faire que ce savant maître. Si donc sa description laisse à désirer, c’est que le sujet ne se prêtait pas à mieux. Aussi, tout en m’associant sans réserve à la protestation qu’il vous a fait entendre en faveur des droits de l’observation, je ne puis me défendre de croire que la question litigieuse ne sera bien et dûment résolue que grâce à cette psychologie pathologique que M. Charpentier n’aime pas, mais qui me semble pourtant appelée, non à supplanter, mais à éclairer d’un jour nouveau la clinique de l’hystérie. [p. 73]

DS RAPPORTS DE L’HYSTÉRIE ET DE LAFOLIE
(suite de la discussion.)

  1. MENDELSSOHN (de Saint-Pétersbourg] défend, contre l’opinion de quelques membres du Congrès, l’importance de la méthode psycho-physiologique en clinique mentale et nerveuse. Il admet, avec M. Ballet, la nature et l’origine psychique de l’hystérie et croit que si, dans l’hystérie (comme cela a lieu presque toujours), les symptômes convulsifs et viscéraux paraissent au moment où la maladie mentale se déclare, c’est parce que le cerveau, envahi par le trouble mental, ne possède plus le degré d’activité nécessaire pour élaborer et extérioriser les symptômes morbides de l’hystérie.
  2. JOFFROY. — M. Ballet ne veut pas admettre que l’hystérie ne soit qu’une modalité de la dégénérescence ; l’hystérie selon lui, peut exister chez des sujets indemnes de tout stigmate dégénératif. Ce n’est pas là, je crois, une raison suffisante pour rejeter l’existence de la dégénérescence. Comme la prédisposition, celle-ci peut exister à l’état latent. En effet, lorsque sur vingt femmes qui sont soumises à la même émotion, j’en vois une seule devenir hystérique, il me faut nécessairement admettre, même en l’absence de toute tare névropathique constatable, que cette femme était différente des autres, en un mot que c’était une prédisposée chez laquelle la dégénérescence mentale existait a l’état latent.
  3. BRISSAUD (de Paris). — La divergence des opinions soutenues par MM. Joffroy et Ballet tient, je pense, à ce que tous les auteurs ne donnent pas au mot de dégénérescence la même [p. 74] signification ; les uns lui accordent une valeur symptomatique les autres une valeur étiologique. M. Joffroy confond, volontairement je crois, deux choses absolument différentes ; la prédisposition et la dégénérescence. On peut admettre à la rigueur l’existence d’une prédisposition latente, lorsqu’à la suite d’un traumatisme par exemple, on voit un sujet, jusque-là bien portant, présenter des manifestations hystériques. Mais un état dégénératif dont la connaissance est fondée sur un ensemble de caractères somatiques appréciables ne peut être latent ; s’il est latent c’est qu’il n’existe pas.
  4. JOFFROY. — Si M. Brissaud veut se donner la peine de parcourir les observations d’hystéro-traumatisme gui ont été publiées, il verra que, presque toujours, on a noté chez ces malades l’existence d’un ou de plusieurs stigmates de dégénérescence ; je suis donc autorisé à affirmer qu’il n’y a guère que les dégénérés qui, sous l’influence d’un traumatisme, soient susceptibles de présenter des accidents hystériques.
  5. PITRES. — Il n’est pas douteux que les sujets qui deviennent hystériques au moment de leur puberté ont presque tous présenté dès leur plus tendre enfance un certain nombre d’accidents nerveux ; crises de hoquets, quintes de toux, attaques syncopales, etc. ; mais ces accidents n’autorisent pas à considérer ces sujets comme des dégénérés. Cette remarque s’applique à plus forte raison, aux individus qui sont atteints de paralysies ou de contractures hystériques à la suite de fortes commotions physiques ou morales. Je crois donc, avec M. Ballet, qu’on peut devenir hystérique sans être un dégénéré.
  6. PIERRET (de Lyon). — II me semble que jusqu’à présent on s’est beaucoup plus occupé des causes de la folie hystérique que des symptômes propres à la faire distinguer des autres psychoses. Pourtant c’est là une des parties importantes du problème posé.

Je me range à l’avis de notre respecté collègue M. Falret. Il existe une folie hystérique, à caractère maniaque, le plus souvent, et, quand je veux donner aux élèves les moyens de la reconnaître, voici comment je m’y prends. Je place d’un côté un sujet, atteint de folie épileptique en insistant sur la brutalité [p. 75] et la monotonie des actes d’un malade chez lequel l’incident délirant n’est souvent qu’un équivalent de crises motrices déviées ; de l’autre, j’étudie un alcoolique, dont la mimique puissante traduit un état de rêve terrifiant ou pénible, avec cet état de confusion mentale hallucinatoire, qu’on retrouve dans la plupart des intoxications.

Je rappelle alors, que l’attaque de grande hystérie a pour subsrratum un état psycho-sensoriel, qui peut être regardé comme constant. Même dans la phase dite clownique, la préoccupation sensorielle est évidente. Quant à la période délirante de l’attaque, elle ne peut être niée, ni discutée. Il reste à démontrer que la crise d’hystérie peut être incomplète au point de vue moteur et constituée presque uniquement par la phase délirante plus ou moins longtemps prolongée. Ainsi posée, la question se résout d’elle-même, car ce qui est vrai pour l’épilepsie est vrai pour l’hysréro-épilepsie, et les innombrables intermédiaires qui relient les deux névroses.

Je considère donc qu’un état maniaque à substratum psycho­ sensoriel, avec état de rêve dans lequel la mimique traduit ave perfection le caractère des idées, est hystérique quand je ne puis le rapporter ni à l’alcoolisme, ni à quelque autre mode d’intoxication.

Pour les stigmates, je suis obligé de déclarer qu’ils ne me servent guère. Chez les aliénées des asiles, il s’observe rarement pendant la crise délirante, mais reparaissent souvent au déclin de celle-ci ; ce qui permet de supposer qu’ils existaient avant, et se trouvaient masqués chez l’aliéné par une sorte de phénomène d’interférence. Leur valeur a, d’ailleurs, beaucoup baissé depuis les travaux de MM. Pitres et Féré.

Je crois, d’autre part, qu’une hystérique avérée peut délirer pour d’autres causes que l’influence de sa névrose, celle-ci donnant seulement à la forme délirante une certaine tournure théâtrale très souvent trompeuse.

Quant à tirer parti des soi-disant stigmates de la dégénérescence que l’on observe chez certaines malades, beaucoup plus épileptiques qu’hystériques, je n’aurais garde de le faire. Les belles expériences de M. Féré montrent que beaucoup de malformations congénitales n’ont rien à voir avec une hérédité psychopathique et, d’autre part, je considère que [p. 76] dans ce qu’elle a d’exagéré la doctrine des dégénérescences est dangereuse pour les élèves. Se voyant munis d’une formule immuable, ils l’appliquent de force à tous les cas, et perdent l’habitude d’examiner leurs malades comme un véritable médecin doit le faire.

  1. RÉGIS. — La variété de la folie hystérique qu’ont décrite M. Pierret et surtout M. Pitres, m’a paru ressembler bien plus à un délire de rêve qu’à une véritable folie. J’ai demandé à M. Pitres si les malades qu’il avait en vue dans sa description conservaient le souvenir de leur accès d’agitation délirante et sa réponse a été que deux de ces malades, spécialement observés par lui à cet égard, avaient totalement oublié l’une ses trois jours, l’autre ses trois mois de délire. C’est là, à mon sens, un signe différentiel des plus importants et sur lequel on ne saurait trop insister, car les aliénés guéris de leur manie se rappellent, au contraire, quelquefois avec une précision admirable, les détails de leur maladie. L’amnésie de la crise rapproche donc ce délire hystérique de certains délires oniriques, toxiques ou autres, en même temps qu’elle le sépare de la folie véritable, de la vésanie telle que nous la connaissons et la comprenons.
  2. le Dr CULLÈRE (de la Roche-sur-Yon). — Parmi les signe qui peuvent faciliter le diagnostic de lz manie hystérique il faut ranger certains stigmates de l’hystérie elle-même, tels que l’analgésie ou l’anesthésie. Un aliéniste un peu oublié aujourd’hui, Renaudin, avait constaté, il y a longtemps déjà, la présence de l’analgésie cutanée chez certains jeunes sujet atteints de manie instinctive et il avait observé que cette analgésie disparaissait en même temps que les troubles du moral el de l’intelligence. Il est probable qu’il avait eu affaire à des sujets hystériques. J’ai eu, moi-même l’occasion de faire les mêmes remarques chez une grande hystérique atteinte intercurremment de manie avec désordre des actes, impulsions irrésistibles et perversion du caractère et de la sensibilité morale.

J’ai été surpris d’entendre M. le professeur Pierret déclarer que pendant la durée de l’accès de la manie hystérique, les [p. 77] stigmates disparaissaient par une sorte de balancement ou d’équivalence des symptômes. Ce fait n’est assurément pas général. J’ai fréquemment constaté la présence, non seulement des anesthésies, mais encore des contractures et en particulier celle des muscles fléchisseurs de la main et des avant-bras pendant la durée même de l’accès de folie hystérique tel qu’il vient d’être si brillamment décrit par M. Falret. J’ajoute avec lui que cette forme mentale aboutit souvent à une démence totale et prématurée.

 

Notes

(1) Esquirol. — Traité des maladies mentales. Art. Folie.

(2) Mœbius. — Ueber den Begriff der Hysterie in Centralblatt fur Nervenheilkunde, n° 3, 1888.

(3) Strümpell. — Ueber die Entstehung und die Heilung von Krankheiten durch Vorstellungen, Erlangen, 1802.

(4) A. Binet. — Les Altérations de la personnalité, Paris, Alcan, 1892.

(5) Myers. — Proceedings of the Society for psychical research, ,1892 et 1893.

(6) F. Laurenrt. — Des états seconds. — Th. doctorat. Bordeaux, 1892.

(7\ Breuer et Freud. — Ueber den psychischien Mechanismus hysterischer Phænomene in neurologisches Centralblatt, n° 1 et 2, 1893.

(8) Pierre Janet. — L’Automatisme psychologique, Paris, 1889. — Les stigmates mentaux et les accidents mentaux : de l’hystérie, in bibliothèque Charcot-Debove. Paris, 1893 et 1894. —  Les idées de M. Janet ont été très bien résumées dans une revue de M. P. Blocq, parue dans la Gazette des hôpitaux, 25 novembre 1893.

(9) Magnan. — De la coexistence de plusieurs délires de nature différentes chez le même sujet. Arch, de Neurol., N° 1, 1880.

(10) Ch. Féré. — La Famille névropathique, Arch. de Neur. 1884:

(11) Charcot el Marie. — Article Hystérie in Dictionnaire de Hack Tuke.

(12) Marquezy. — L’Homme hystérique. Bulletin médical, 1888.

(13) Tabaraud. — Des Rapports de la dégénérescence mentale et de l’hystérie. Th. Paris. 1888.

(14) Roubinowitch. — Hystérie mâle et dégénérescence. Th. Paris. 1890.

(15) Pierre Janet. —Les Accidents mentaux de l’hystérie, p. 294.

(16) Tardieu. — Etude médico-légale sur la folie. Paris, 1880. p. 169.

(17) J. Falret. — Etudes cliniques sur les maladies mentales. Th. Paris. 1890. p. 499.

(18) Schüle. — Traité des maladies mentales. Tr. Française. Paris. 1888. p. 21.

(19) Axenfeld et Hucha. — Traite des névroses. Paris. 1883.

(20) Legrand du Saulle. — Les Hystériques. Paris, 1883.

(21) Kirchhoff. — Lehrbuch der Psychiatrie. Leipzig. 1892.

(22} H. Dagonet. — Traité des maladies mentales. Paris. 1894.

(23) Pitres. — Leçons sur l’hystérie. — T. II, p. 56. Paris. 1891.

(24} Gilles de la Tourette. —Traité de l’hystérie. Paris. 1891.

(25) Colin. — Etude sur l’état mental des hystériques. Th. Paris,. 1890.

(26) P. Janet. — Loc. cit.

(27) Moreau (de Tours). — La Folie névropathique. page 1, Paris, G. Baillière, 1869.

(28) Ritti. — Art. Suicide in Dictionnaire encyc. des Sciences Médicales.

(29) Krafft-Ebing. – Eine experimentelle Studie  auf dem Gebiete des hypnotismus. 1893.

(30) Voir à cet égard P. Richer. — Etudes classiques sur la grande hystérie, p. 3, 2e édit. Paris, 1885.

(31) Moreau (de Tours). — La Folie névropathique.

(32) Pitres. — Loc. cit., T. JI, p. 283.

(33) Charcot. — Leçons du Mardi. 1887-88, p. 190.

(34) Jolly. — Ueber Hysterie bei Kindern.

(35) P. Blocq. — Revue générale de clinique et de thérapeutique. 1889. p. 768.

(36) Clopatt. — Etude sur l’hystérie infantile. Helsingfors. 1888.
Voir aussi : BourneviIle et Regnard (lconographie photographique de la Salpêtrière). Ce précieux recueil renferme un grand nombre d’observations très intéressantes.

(37) Des accidents mentaux de l’hystérie, page 241.

(38) « L’un des caractères les plus constants qui se manifestent chez les hystériques, c’est l’aptitude qu’il présente pour le développement spontané de la plupart des phénomènes que nous pouvons aujourd’hui produire artificiellement par la suggestion : catalepsie, anesthésie, hallucinations, Illusion des sens, perversion des sentiments affectifs, somnambulisme, extase, etc. Ces phénomènes ne sont pas – selon l’école de Nancy – l’apanage exclusif des hystériques, mais chez eux il se produisent spontanément, tandis que, chez les sujets sains – contrairement à la doctrine de l’école de Paris – ils peuvent être seulement suggérés ». (Liégeois.  – De la suggestion. Paris, O. Doin, 1889. p. 463).

(39) Mesnet. —  Le somnambulisme provoqué et la fascination. Paris, 1894. p. 3.

(40) A. Binet. — Les altérations de la personnalité, Paris, Alcan, 189. p. 4.

(41) Sollier — Guide pratique des maladies mentales. Paris. 1893. p. 230.

 

 

 

 

 

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE