Georges Heuyer Georges et A. Lamache. Le mentisme. Partie 2. Extrait de la revue « L’Encéphale », (Paris), vingt-quatrième année, 1929, pp. 325-336.

Georges Heuyer Georges et A. Lamache. Le mentisme. Partie 2. Extrait de la revue « L’Encéphale », (Paris), vingt-quatrième année, 1929, pp. 325-336.

Article en 2 parties en ligne sur notre site.

Alexandre Eugène Lamache (1894-1978). Psychiatre et neurologue. Elève de Henri Claude, il est connu pour ses recherches en histologie  et pour ses travaux concernant la physiopathologie du liquide céphalo-rachidien.
Quelques publications :
— Études sur la tension du liquide céphalorachidien, Ed. Louis Arnette, 1926.
— Tension veineuse rétinienne. Stasc papillaire. Circulation cérébrale, par Alexandre Lamache et J. Dubar, 1929
— (avec R. Targowla).Le Syndrome biologique des états mélancoliques, 1933

Georges-Jean-Baptiste Heuyer (1884-1977). Médecin, professeur à la faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie nationale de Médecine. Il est le fondateur en France de la pédopsychiatrie. Bien qu’il ne fut lui-même ps psychanalyste, il fut le premier à introduire la psychanalyse dans le milieu hospitalier avec Eugénie Sokolnicka, pis Sophie Morgenstern. Ses travaux sont orientés sur la pédopsychiatrie. Quelques une de ses publications :
— Enfants anormaux et délinquants juvéniles : nécessité de l’examen psychiatrique des écoliers. Thèse de doctorat en médecine. Paris, G. Steinheil, 1914. 1 vol.
— Le devinennent de la pensée et contribution à l’étude organique de l’automatisme mental. Partie 2. Article paru dans Article paru dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), douzième série, tome deuxième, quatre-vingt-quatrième année, 1926, pp. 321-343. – douzième série, tome deuxième, quatre-vingt-quatrième année, 1926, pp. 406-431. Outre l’importance épistémologique, Heuyer fut à l’origine du concepts de « Devinement de la pensée », nous trouvons dans ce mémoire une description clinique d’un cas de possession diabolique, attachée au syndrome d’automatisme mental. [en ligne sur notre site]
— Les Bourreaux domestiques, 1928.
— Les Troubles du Sommeil chez l’enfant. 1928.
— Psychoses et crimes passionnels, 1932.
— (avec Alexandre Lamache). Le Mentisme,  1933.
— (avec Sophie Morgenstern). La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’hygiène mentale.  1933.
— Psychiatrie sociale de l’enfant. Cours du Centre de l’Enfance professé du 15 octobre eu 15 décembre 1950, Paris et Londres. Paris, Centre International de l’Enfance, 1951. 1 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original., mais avons corrigé plusieurs fautes de composition. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 444]

LE MENTISME (1)

PAR

G. HEUYER A. LAMACHE
Médecin des Hôpitaux Ancien chef de clinique des maladies mentales
à la Faculté de Médecine de Paris

(Suite et fin)

MENTISME DANS LES PSYCHO-NÉVROSES

OBSESSIONS. — Les obsédés présentent souvent du mentisme, mais il est quelquefois très difficile, comme nous le verrons au diagnostic, de faire toujours la distinction précise entre le mentisme vrai et les idées obsédantes. Toutefois il est des cas où le diagnostic devient facile et quasi-évident, comme dans l’observation suivante, où le phénomène du mentisme était produit d’une façon quasi-expérimentale chez un obsédé, à l’occasion d’un traitement par le phosphate de codéine.

 

OBSERVATION IX. — M. R., 43 ans, notaire.

Examiné le 16 février 1926. Est un phobique constitutionnel. Ses souvenirs affectifs remontent à l’âge de 5 ans. Ses parents l’avaient emmené à une course de taureaux qui avait lieu à Vichy. Un taureau échappé lui donna une impression de peur extrême et pendant tout son séjour à Vichy, il pensait qu’il pouvait être poursuivi par le taureau. Depuis lors, la peur se reproduisit sans cesse pour des motifs divers : peur des accidents de chemins de fer avec représentation imagée de la catastrophe, agoraphobie, peur de l’obscurité, peur d’être enfermé dans une prison, dans une tombe, dans une bière ; peur d’être enterré vivant, peur de faire du mal à quelqu’un, surtout à de petits enfants ; peur d’avoir le vertige, il avait toujours besoin d’être assuré d’une protection. Récemment il eut peur d’être soupçonné d’avoir une attitude suspecte. A cette occasion il fit une crise de dépression mélancolique avec idées d’incapacité, d’indignité ; il voulut vendre son étude, il eut quelques idées de suicide. Vivant avec sa mère, [p. 445] il doutait de lui-même continuellement, ne voulait pas se marier craignant de ne pas satisfaire sa femme. Il n’était pas impuissant, mais il avait des rapports rares avec une vieille maîtresse. L’état de dépression dans lequel il était, fit décider un séjour dans une maison de santé. Son anxiété, surtout vespérale, était extrême. On lui fit le soir une injection de phosphate de codéine. A la suite de chaque injection, apparition de phénomènes de mentisme, « divagations d’images », « vagabondage de l’imagination ». Il voyait ses parents malades et tout lui apparaissait sous la forme d’images précises et vivantes. Il n’y avait aucun élément auditif, c’était surtout des images visuelles extrêmement précises. On cessa le phosphate de codéine, le mentisme disparut complètement, mais les obsessions continuèrent. On reprit le phosphate de codéine, il y eut réapparition du mentisme qui se mélangea aux obsessions mais en resta toujours distinct à cause de son caractère nettement imaginatif.

Cette observation, comme la précédente, montre une production quasi-expérimentale du mentisme, mais cette fois par un médicament, et sa disparition avec la cessation du médicament.

MÉLANCOLIE. — On peut dire que la mélancolie est une des maladies les plus fréquentes, surtout sous la forme de dépression simple. Mais dans la mélancolie le mentisme est relativement rare. Quand on rencontre le mentisme au cours d’une crise de mélancolie, il faut lui chercher une cause toxique ou infectieuse surajoutée, car le mentisme fait rarement partie du tableau de la dépression simple. C’est du moins ce qui nous a paru résulter de nos observations.

OBSERVATION X. — C., 42 ans.

Présente depuis deux mois un état de dépression avec inquiétude, préoccupations au sujet de son travail, insomnies, craintes d’être accusé d’avoir volé, peur d’être suivi et surveillé, espionné. Dans les accès d’anxiété, il a la certitude d’être suivi ; interprétations morbides multiples : en passant devant la Madeleine, un jeune homme avait des gants à la main, c’était une allusion à son fils qui a toujours l’habitude de porter des gants ; dès qu’il entre dans une pâtisserie, dans un bureau de poste, il lui semble que les gestes le désignent, qu’on le regarde de travers, etc. Il n’ose plus sortir de chez lui, il est comme une bête traquée. En outre, il présente du mentisme nocturne ; tout ce qui s’est passé dans sa vie depuis quelques années lui revient à l’esprit ; il s’agite et s’inquiète. Sentiment de dégoût de la vie, idées de suicide. Il a eu une syphilis il y a 20 ans, mais il ne présente actuellement aucun signe neurologique. Sa tension artérielle est très faible, la maxima est de II.

Les idées de suicide se sont accentuées peu à peu et ce malade a dû [p. 446] entrer dans une maison de santé, où pendant un an, il a fait une forme de mélancolie avec stupeur, avec impulsions de suicide incessantes.

Cette crise de mélancolie dura un an ; il est maintenant à peu près guéri, mais présente encore le soir, de temps en temps des phases de mentisme.

Il s’agissait d’une forme de mélancolie intermittente car le malade avait eu une crise semblable en 1919, mais cette crise de mélancolie s’était produite au cours d’une syphilis encore en évolution puisque le Wassermann du sang était positif.

OBSERVATION XI. — Mme R., 24 ans.

Père cyclothymique ; a été interné deux fois pour accès maniaque. La malade, deux mois après un accouchement normal, présente une crise de dépression mélancolique, dépression simple sans idées délirantes, avec le minimum d’anxiété. Elle reste confinée au lit ou dans une chaise, n’éprouve le besoin de faire aucun mouvement ; pendant la journée elle « ne pense à rien », reste comme « une bête », mais quand vient le soir « l’esprit s’agite et j’assiste impassible à un défilé de souvenirs pénibles de ma vie d’enfant. Cela passe si vite que j’ai à peine le temps de les fixer. J’appréhende la tombée de la nuit, car j’aime encore mieux avoir la tête vide que toute cette effervescence de mon esprit ». Depuis 18 mois que la phase dépressive est terminée, Mme R. n’a plus jamais présenté de mentisme.

DÉMENCE PRÉCOCE. — C’est dans la démence précoce ou schizophrénie que l’on rencontre le plus souvent le mentisme ; nous dirons même que toute schizophrénie au début présente des phénomènes de mentisme quel que soit le mode d’entrée dans la démence précoce : démence simple et progressive, état confusionnel, troubles du caractère, automatisme mental ou démence aggravant une débilité mentale constitutionnelle (2).

Le mentisme s’explique facilement, car il marque le premier terme de la désagrégation psychique. Comme nous le verrons plus loin, le mentisme est un des éléments de l’automatisme mental et c’est le premier phénomène qui marque l’extériorisation de la pensée du sujet que celui-ci ne reconnaît plus comme sienne. C’est une ébauche de fuite automatique de la pensée, de libération imaginative ; c’est le premier terme de la dissociation intra-psychique. Dans la démence précoce, il y a analogie entre la libération imaginative automatique du mentisme, et une certaine libération motrice automatique qui se traduit par les gestes stéréotypés. Ceux-ci sont dans le domaine [p. 447] moteur ce qu’est le mentisme dans le domaine imaginatif de la démence précoce. Nous attachons au mentisme une grande importance quand il s’accompagne de diminution de l’activité et d’indifférence affective. Nous l’avons observé dans un très grand nombre de schizophrénies au début, nous n’en rapporterons que quelques cas.

OBSERVATION XII. — Bj., 20 ans.

Il est sorti le 9 février 1926 du lycée Chaptal où il fait d’excellentes études. Père tuberculeux, un oncle maternel a un mal de Pott, la mère est bien portante, mais le père de celle-ci est mort de tabès et elle a un frère débile mental. Il ne présente rien de notable dans ses antécédents. Il prépare actuellement son entrée à Polytechnique et déclare être surmené, il lui semble que depuis quelque temps son activité, sa capacité de travail sont diminuées ; il doute de lui-même et se demande s’il doit continuer à travailler ; il est préoccupé d’une façon incessante par des interprétations maladives : indices de quelques coups montés contre lui pour lui causer préjudice ; on critique Polytechnique ; ses camarades le taquinent ; on fait des chansons sur lui ; on lui dit des paroles malveillantes ; il est persuadé que tout cela est fait dans l’intention de lui être désagréable.

Il a des accès de tristesse ; il menace de se suicider, mais ne peut s’y résoudre. Il fait écrire aux parents de ses camarades de collège pour leur demander de faire cesser les taquineries qui lui retirent l’ardeur au travail. Un jour, il se prend de querelle avec un de ses condisciples, et lui jette une chaise à la tête.

Mentisme surtout le matin, ressasse sans cesse toutes les idées qui lui reviennent dans le cours de la journée, est hanté de la répétition du même mot, et dans sa conversation il répète les mêmes phrases ; s’adressant à sa mère il répète 100 fois par jour : « Dis-moi que tu as compris ».

Son indifférence affective est très grande. Il accuse volontiers sa mère de ne pas le comprendre. Dans ses pensées, dans ses lettres, il montre la même préoccupation stéréotypée : « Doit-il travailler ? »

Il n’existe aucun signe neurologique. Après quelques essais de repos et de placement dans un autre collège, les mêmes phénomènes ont continué à se reproduire, et il a fallu interner le sujet.

OBSERVATION XIII. — Sain., 22 ans.

Est marié depuis quatre mois. Immédiatement après son mariage, il est amené par sa jeune femme à la consultation parce qu’il ne travaille plus, se montre indifférent, quelquefois il paraît déprimé et pleurniche. Bon ouvrier ajusteur, sorti d’une école professionnelle, il ne veut rester dans aucune place ; il montre des interprétations morbides ; il dit qu’on [p. 448] veut l’empêcher de travailler, qu’il pourrait faire beaucoup mieux que ce qu’on lui propose. Récemment, il a été embauché dans une usine d’automobiles, il a quitté parce qu’il était persuadé qu’un contremaître lui en voulait. Il présente une ébauche d’automatisme mental avec hallucinations psychiques et sentiment d’influence. Il lui semble entendre la voix de camarades, d’un officier. Il dit que lorsqu’un contre-maître se trouve devant lui, il se sent fatigué, incapable d’efforts. Le soir il présente un mentisme très net, il voit repasser devant ses yeux des scènes de la vie militaire où il se retrouve avec ses camarades. Parmi des sons et des bruits incohérents, il suit des conversations, et il lui semble, que, de temps en temps, sa tête se vide.

Revu au bout de quatre mois, il nous disait entendre nettement des voix : « Le Lieutenant V., disait-il, venait de lui parler ».

Il fit à ce moment 3 fugues et dut être admis à l’Asile Clinique.

OBSERVATION XIV. — Bu., 16 ans.

Il est amené par sa mère, parce qu’il devient nerveux, irritable, impulsif. Il est allé à l’école de 7 à 15 ans, a eu son certificat d’études à 12 ans ; il travaillait très bien, avait une excellente mémoire, apprenait ses leçons, et ses maîtres auraient désiré le pousser dans ses études ; vers l’âge de 15 ans, son rendement scolaire fléchit, il échoua au brevet élémentaire. Il entra ensuite dans un bureau et, depuis un an, il est incapable de faire autre chose qu’un classement de lettres. Il a des préoccupations hypochondriaques à cause d’une éruption d’acné sur son visage, il interprète les gestes de ses parents, il dit qu’ils ont des sous-entendus et que par gestes, ils font allusion à l’état de son visage. Il a une ébauche d’état hallucinatoire ; il entend ses parents qui parlent de lui ; ils disent à voix basse qu’il n’est pas beau. Le soir il est très long à s’endormir à cause d’un mentisme très intense ; il revoit différentes scènes de la journée ; il pense sans cesse aux conséquences de telle ou telle chose ; le mentisme a chez lui une forme surtout visuelle.

Nous l’avons revu un an après. Son état s’était aggravé. Il avait des rires immotivés, du marmottement, et en hiver se refusait à mettre caleçon et pardessus. De temps en temps il faisait une fugue dans la campagne et faisait des courses longues et rapides derrière son chien. La démence précoce se confirmait.

OBSERVATION XV. — Lan.

Observé pour la première fois le 19 décembre 1925. Le sujet a un frère actuellement interné pour démence précoce ; lui-même, à l’âge de 9 ans, au moment de sa première communion, présenta quelques troubles psychopathiques. Il était scrupuleux, inquiet, préoccupé de son travail, ne mangeait plus et dut quitter l’école. Depuis lors, il se montra nerveux, impulsif, capricieux, avait des crises de colère avec cris, violences contre les siens. De [p. 449] 13 à 19 ans, il fut placé chez un professeur. Actuellement il est inactif, tend à se claustrer, a peu de liaisons avec ses camarades, travaille avec effort, est très fatigable ; il répète ce qu’il entend dire : psittacisme. Il ébauche un délire dogmatique : c’est ainsi qu’il ne mange pas de viande, parce que l’animal, quand il était vivant, absorbait des saletés. Il aime réfléchir aux problèmes sexuels, politiques, etc. ; ses préoccupations sont très au-dessus de son intelligence. Il est prétentieux, maniéré, et sourit avec vanité. Il ne peut travailler longtemps sur le même sujet. Il a du mentisme diurne mais surtout hypnagogique. Dès qu’il abandonne son travail, il a, dit-il, un ressassement interminable de pensées. Son mentisme ébauche de véritables hallucinations psychiques « ce sont des sortes de pensées qui parlent, dit-il, sur des sujets politiques, mécaniques, qui viennent de ce qu’il a lu et sur lesquelles il brode ». Il ne peut les écrire. Quand il veut noter les choses intéressantes auxquelles il pense, cela lui est impossible. « Cela s’impose à moi, dit-il ; pendant ces moments-là, je ne peux pas faire autre chose ». Il distingue très bien le mentisme des rêves. « Ce n’est pas quand je suis endormi ». Parfois le mentisme le prend en classe, il écrit automatiquement et il pense à autre chose ; il écrit sans comprendre. Les images auxquelles il pense, dit-il, se recollent sur d’autres : « J’ai vu des choses d’il y a 15 ans, une image d’il y a 15 ans se recolle avec une image d’il y a 10 ans. » Les psychanalystes verraient dans cette expression un des phénomènes de la condensation.

Au bout de 2 ans, l’état lentement évolutif ne s’est guère modifié, mais le sujet a dû être réformé du service militaire.

OBSERVATION XVI. — B., 18 ans, prépare le Conservatoire.

En octobre 1925, déprimé, besoin d’isolement, reste confiné à la chambre, ne sort jamais même sur le palier, ne reçoit personne ; tout le fatigue, l’agace, les moindres bruits lui font mal à la tête : « Depuis une semaine une série de pensées l’occupent continuellement, sans arrêt, de jour et de nuit. Je brode sans cesse des histoires qui ne m’amusent pas du tout et mon esprit n’est jamais inactif. Je voudrais du calme, n’avoir qu’une pensée dans mon cerveau, mais c’est impossible, il m’en arrive de toutes espèces, je suis submergé ! » Le malade, qui s’analyse fort bien, nous dit le 17 octobre : « Quand je me déplace, tandis que je fais les cent pas dans ma chambre, je perds la notion du temps, mon esprit est toujours préoccupé par mille pensées et je ne me rends pas compte de la durée ». « A certains jours, quand j’entends parler quelqu’un, les derniers mots de la phrase entendue se répètent plusieurs fois dans ma tête avec une intonation bizarre son d’agonie ». Une fois un ami m’a quitté en me disant : « Nous reprendrons cette conversation sur Baudelaire, et pendant longtemps cette phrase s’est répétée dans ma tête. Mon cerveau répétait cela comme une mécanique et le disait presque à voix haute ». Notre malade éprouve des sensations cénesthésiques très [p. 450] désagréables (céphalées, rachi algie, prurit, fourmillement, etc.) ; de tout temps il a eu une tendance à la rêverie, mais actuellement il n’est plus maître de diriger celle-ci. « Je ne puis plus dans mes rêveries reconstituer le cadre que je voudrais évoquer, trop d’images se présentent à moi, et si disparates, si étranges parfois que je ne puis choisir ». Il a un sentiment de dépersonnalisation très marqué. Sa pensée lui semble se répéter à voix basse dans son cerveau ; parfois il croit entendre résonner dans sa tête vide des pensées qui ne lui appartiennent pas.

LE MENTISME DANS LE SYNDROME D’AUTOMATISME MENTAL

Dans sa description de l’automatisme mental, de Clérambault classe parmi les processus idéo-verbaux, le mentisme, l’idéorrhée, les hypermnésies diverses, le dévidage des souvenirs.

« Le mentisme, comme les autres phénomènes, n’est pas toujours anidéïque dans son contenu, mais il est dépourvu de causalité idéïque. Sa genèse mécanique est évidente. » (Pratique médicale Française, juin 1926).

Si nous envisageons le syndrome d’automatisme mental, indépendamment de tout le cortège d’idées délirantes qui l’accompagne souvent et dont le cadre délimite la psychose, nous voyons que le mentisme appartient au syndrome pur d’automatisme mental. Il peut être un des premiers symptômes de début. Il existe très souvent à la période d’état où l’automatisme mental est au complet. Enfin nous l’avons observé à la période terminale ou comme séquelle lorsqu’ont disparu tous les autres symptômes de l’automatisme mental.

LE MENTISME AU DÉBUT DE L’AUTOMATISME MENTAL

Le mentisme est souvent le premier symptôme de l’automatisme mental ; il annonce l’hallucination psychique. C’est surtout au début de l’automatisme mental comme mode d’entrée dans la démence précoce que se montre le mentisme. Il n’y a pas de différence essentielle entre l’automatisme mental du début de la démence précoce et celui de la psychose hallucinatoire chronique. Les éléments symptomatiques sont les mêmes et ce n’est que par les idées délirantes adjointes que l’on peut apprécier les différences entre les deux syndromes. Les interprétations morbides, les dispositions paranoïaques, l’organisation d’idées délirantes de persécution accompagnent l’automatisme mental de la psychose hallucinatoire chronique. [p. 451] L’absence de systématisation du délire, les idées d’influence, les idées délirantes imaginatives, mégalomaniaques souvent fantastiques, incohérentes et absurdes, accompagnent l’automatisme mental de la démence précoce. Enfin et surtout dans la démence précoce existe un fond mental de discordance affective, intellectuelle et pragmatique.

Toutes les représentations vives du mentisme ne sont qu’un aspect des constructions imaginatives pauvres et mal systématisées qu’on rencontre au début de la démence précoce avec automatisme mental.

Les deux observations suivantes sont des exemples de mentisme au début de l’automatisme mental de la démence précoce.

OBSERVATION XVII. — Bu, 16 ans.

Pas d’antécédents pathologiques personnels ou héréditaires ; bon développement physique et intellectuel, il a obtenu son certificat d’études mais a échoué au brevet élémentaire ; il présente depuis quelques mois des troubles de l’humeur et du caractère ; il se montre facilement irritable, nerveux, et impulsif ; souvent il paraît préoccupé, marmotte, recherche la solitude.

Son père, avec qui il se prend fréquemment de querelle, s’inquiète de le voir toujours indifférent et distrait.

Interrogé, le malade se plaint de penser beaucoup, de penser trop. Le soir il revoit avec une précision qui l’étonné les moindres détails de certaines choses vues au cours de la journée ; cela lui donne à réfléchir, et une tendance à interpréter, lui fait expliquer par de vagues idées de persécution les visions nombreuses qui se déroulent mécaniquement dans son esprit. Il songe aux « conséquences des choses » et marque sa surprise à l’occasion de toutes ces pensées « qui lui viennent ».

Il n’a pas d’hallucinations. Il dort assez bien, a parfois des cauchemars. Revu un an après, il semble que son processus schizophrénique n’ait pas évolué. Le malade peut travailler de temps en temps à son bureau. Persistent sa morosité, son désir de solitude ; on surprend des rires immotivés et tics. Il maigrit, il se masturbe. Le pronostic reste très réservé.

Comme le note exactement notre élève Bouyssou dans sa thèse : « On surprend dans cette observation le caractère automatique du mentisme qui peut être assimilé à la bande d’un film composite où se succéderaient des scènes diverses parfois contradictoires, irritant souvent dans leur suite illogique le jugement encore suffisamment adapté du sujet. C’est une sorte de rêve conscient mais moins plastique que celui-ci, capable de se fixer dans la mémoire qu’il encombre peu à peu de constructions arbitraires. A une période plus avancée, ces constructions vont prendre le pas sur les réalités objectives ; elles seront facilitées en cela par le fléchissement plus ou moins rapide des facultés de jugement et détermineront alors un de ces [p. 452] délires illogiques, absurdement imaginatifs tels qu’on les trouve chez les déments précoces. »

D’ailleurs à ce moment apparaissent les grands troubles de la période d’état et le phénomène transitoire du mentisme cesse ou se modifie grandement. C’est ce qui se produit dans l’observation suivante.

OBSERVATION XVIII. — Jean R., 19 ans, étudiant en sciences.

Examiné le 24 juillet 1926.

Depuis le mois d’octobre 1925, il présente une période dépressive avec un sentiment d’incomplétude, du doute, de la fatigue et de l’insomnie.

Le soir à la tombée de la nuit la tristesse le prend. A ce moment le malade ressasse des souvenirs d’enfance pendant plusieurs heures ; ce sont toujours à peu près les mêmes scènes qui reviennent. Ce sont des scènes stéréotypées et qui manquent de variété. « J’ai tout au plus 9 ou 10 clichés. Parfois ils sont si objectifs avec images visuelles et auditives que j’ai l’impression d’entendre la voix de ma mère qui me parle. Ce n’est pas comme une rêverie où on se laisse aller au caprice : « Je suis prisonnier de quelques évocations dit-il, et je ne puis en sortir ; pendant mon insomnie, il m’arrive de passer des heures entières à refaire mentalement sans discontinuer le même problème. Au matin, je suis épuisé. »

A l’examen physique on note une diminution du murmure vésiculaire avec submatité au sommet gauche, de l’amaigrissement. Pas d’hérédité psychopathique. Scarlatine à l’âge de 6 ans.

Revu le 6 novembre 1926 à sa rentrée de vacances. Il dit ne pouvoir reprendre ses occupations. Il n’a aucun goût pour ses études ; il voudrait ne plus faire de sciences et s’occuper de lettres. Il parle peu ; il lit. Il a de petites disputes avec sa mère.

Son mentisme persiste : « Quand je suis seul, je rêve et me compose une existence agréable, mais il m’arrive d’être submergé par une foule d’idées, d’images qui défilent à toute allure et parmi lesquelles j’ai du mal à faire le point : scènes d’enfance du collège, souvenirs de lectures, tout cela s’enchevêtre et j’assiste impassible à cet affolement de ma pensée ».

Revu le 11 mars 1927, le malade se renferme de plus en plus. Il parle de moins en moins. Son activité pragmatique est nulle ; il reste parfois 4 ou 5 jours dans sa chambre sans sortir.

Il nous dit : « J’ai du mal à penser d’une façon suivie, je veux penser à quelque chose, aussitôt une autre pensée vient, c’est un défilé perpétuel. Parfois des idées macabres : cercueils, têtes de morts, s’emparent de moi et m’absorbent toute la nuit sans que je puisse les chasser ».

« A certains moments, quand j’entends parler quelqu’un, les derniers mots de la phrase, malgré moi, se répètent une dizaine de fois dans ma tête avec une intonation bizarre. Cela se répète tout seul dans ma tête. [p. 453] A certains moments j’ai l’impression que mon cerveau pense ma pensée à voix haute ».

Revu le 14 mars 1927, le malade dit avoir parfois l’impression de dépersonnalisation ; à d’autres moments il se croit double. Sa pensée lui paraît se répéter à voix basse dans son cerveau. « J’ai l’impression d’entendre ma pensée parler. J’ai l’impression que je n’ai plus de tête, de cerveau et que seule la pensée existe ; je me demande même si elle est à moi ».

Le 7 novembre 1927. Le diagnostic de démence précoce est évident. Le malade ne présente aucune activité pragmatique ; il a une indifférence affective complète, de l’aversion pour sa mère, du maniérisme, des sourires stéréotypés ; mais il conserve les usages mondains.

Il présente à présent un syndrome d’influence au complet, avec hallucinations psychiques : « Mon cerveau est puissant et communique avec celui de Branly, nous échangeons des pensées. Je reçois des foules d’idées intéressantes, c’est de la télépathie. Ce n’est pas mon cerveau qui travaille, cela m’arrive tout fait ; c’est un agencement qui s’opère en moi. J’apprends un tas de choses intéressantes ; cela tient de la révélation. Les pensées m’arrivent comme une avalanche, brusquement, tout d’un coup, sans que je les sollicite. C’est merveilleux ! »

On suit au cours de cette observation les transformations du mentisme qui, de simples représentations mentales vives dont le sujet a conscience, se transforment en hallucinations psychiques ; le malade a d’abord l’impression que son cerveau parle sa pensée à voix haute. Il a le sentiment que sa pensée s’extériorise ; au début, il la reconnaît, ce n’est encore que du mentisme ; puis la maladie évolue et, quand le syndrome d’influence est installé, il affirme que ce n’est pas son cerveau qui travaille, les pensées étrangères lui arrivent toutes faites, c’est pour lui un agencement nouveau.

Sa pensée s’est extériorisée et elle n’est plus reconnue du sujet. Cette observation illustre la définition que nous donnions naguère de l’automatisme mental (3). « Le cerveau malade produit automatiquement, dans certaines circonstances, une pensée qui s’extériorise et n’est plus reconnue du sujet. »

LE MENTISME A LA PÉRIODE D’ÉTAT DE L’AUTOMATISME AU COMPLET

Quand l’automatisme est réalisé avec tous ses éléments, qu’il s’agisse de l’automatisme mental de la démence précoce ou de [p. 454] l’automatisme mental de la psychose hallucinatoire chronique, on rencontre souvent le mentisme qu’il faut d’ailleurs rechercher, car le malade préoccupé par d’autres symptômes beaucoup plus importants qui envahissent et dissocient sa personnalité, n’attache plus guère d’importance aux représentations hypnagogiques du mentisme.

Isolément ou en collaboration, nous avons déjà rapporté plusieurs exemples de mentisme au cours de l’automatisme mental, particulièrement dans les psychoses hallucinatoires chroniques. Nous en donnerons ci-dessous quelques exemples.

OBSERVATION XIX. (4) — D. Blanche, 40 ans.

Amenée à l’Infirmerie à la suite de scandale dans sa maison ; pousse des cris la nuit, appelle au secours, demande pardon. Elle bavarde avec une loquacité incoercible.

Elle présente un automatisme mental au complet : prise de la pensée ; hallucinations auditives, olfactives et gustatives, hallucinations psychomotrices hétéro-impulsives ; on la force à faire ce qu’elle ne voudrait pas faire ; elle dit par force des phrases qu’elle n’a pas pensé ; on note quelques hallucinations psychiques, dans la tête on lui dit : « Tu feras ceci, tu feras cela ». Troubles cénesthésiques. Sentiment de devinement de la pensée ; elle-même devine la pensée d’une femme, sa persécutrice principale ; elle a la certitude qu’elle devine juste, cela lui arrive brusquement, elle a l’impression de la vérité.

Mentisme hypnagogique sous forme d’illusions visuelles, d’un véritable cinématographe ; au moment de s’endormir, elle voir défiler devant ses yeux fermés, des scènes animées, rapides, avec des hommes et des femmes vêtus de vêtements très colorés (verts, rouges, jaunes) et bizarres, des oripeaux, des faces de carnaval ; elle sait d’ailleurs que’ ce n’est pas vrai. Ce mentisme hypnagogique prend quelquefois une forme auditive, elle entend des musiques, des cris, des chants, des voix qui parlent d’elle directement ou indirectement : « Blanchette, tu deviens vieille, tu ne peux plus faire l’amour. — Ah ! vous avez fait l’amour cette nuit. — Il s’ennuie près de sa Blanchette ? »

Interprétations délirantes ; depuis trois jours elle comprend que c’est le magnétisme ; c’est son ami et la maîtresse de celui-ci qui sont la cause de toutes les misères qu’on lui fait.

Enfin cette malade a des crises épileptiques, et elle est une alcoolique chronique. En résumé, il s’agit d’un automatisme mental avec idées de persécution pauvres et mal systématisées chez une alcoolique épileptique. [p. 455] Dans une observation de « psychose imaginative avec ébauche d’automatisme mental », MM. Dupouy et Picard relatent des ruminations mentales du sujet « dans lesquelles il est aisé de percevoir le rôle joué par les idées fixes post-oniriques et la suggestibilité de la malade à l’égard de ses lectures et de ses désirs ; cette suggestibilité donne lieu à une hyper-endophasie allant jusqu’aux hallucinations psychiques et à l’automatisme secondaire de la pensée, ce qui fait dire à la malade que c’est un véritable scénario dans sa tête de pensées juxtaposées.

Il s’agit encore de faits de mentisme ou comme nous le verrons plus loin, de faits intermédiaires au mentisme et à l’hallucination psychique, entre lesquels nous ne reconnaissons pas de différence de nature, mais seulement des différences de degré.

Nous pourrions rapporter d’autres observations de mentisme au cours de la période d’état d’automatisme mental. Très souvent il prend la forme du dévidage des souvenirs que de Clérambault a décrit comme un des processus positifs subcontinus de l’automatisme mental.

L’« illusion du déjà vu » a été l’objet de nombreux travaux, Bergson y a consacré une étude célèbre. Dupouy l’a signalée dans la griserie d’opium. A. Gilles en a parlé de façon subtile.

Dans une observation d’automatisme mental pur datant de 20 ans, que nous avons présentée à la Société Clinique de Médecine Mentale (Décembre 1914), nous avons rattaché l’illusion du déjà vu, qu’exprimait notre malade aux représentations imaginatives du mentisme. Notre malade racontait les voyages nocturnes de son double, mais il ne voyageait que dans les endroits qu’il avait déjà connus, même s’il ne les reconnaissait pas avec précision. Dans cette illusion du déjà vu, il nous était possible de montrer l’extériorisation de simples souvenirs plus ou moins précis.

MENTISME TERMINAI, OU SÉQUELLE DE L’AUTOMATISME MENTAL

Deux fois il nous a été donné d’observer du mentisme se présentant comme séquelle d’un automatisme mental symptomatique d’une maladie passagère ou intermittente ; dans l’un et l’autre cas, l’automatisme mental avait été symptomatique d’une crise de mélancolie qui avait guéri ne laissant derrière elle que du mentisme.

OBSERVATION XX. — Mme Qua, 32 ans.

Examinée le 26 janvier 1927, à la fin d’une crise de mélancolie qu’elle décrit fort bien. Après son divorce qui fut long et difficile, elle perdit, de [p. 456] rougeole, son petit garçon ; ensuite elle fit une crise de dépression avec : tristesse, remords, tendance à l’auto-accusation ; elle dit avoir une vie gâchée par sa faute, elle s’accuse de tout, même de ce que les autres ont mal fait ; on n’ose lui apporter un catalogue, de peur de la voir s’accuser d’avoir volé ce qu’il y a sur le catalogue. Elle se reproche de n’avoir pas souffert assez. Préoccupations hypochondriaques : elle a une éruption d’acné et elle est préoccupée de ses boutons. Céphalée, insomnie.

Avant sa crise de dépression mélancolique, elle avait fait du spiritisme chez une amie, avait lu des livres de spiritisme et s’était entraînée à l’écriture automatique, « involontaire » pendant plusieurs jours. Une nuit elle entendit une voix et pendant trois mois les hallucinations auditives persistèrent. D’abord on lui soufflait à l’oreille, puis la voix lui racontait des histoires, c’était des voix variables selon les personnes : on lui disait qu’elle mangeait des êtres vivants, des âmes ; hallucinations auditives et hallucinations psychiques, celles-ci souvent impérative : on lui donnait l’ordre de mourir, elle pouvait à peine résister. Elle fit des tentatives de suicide : elle essaya de se brûler. On répétait tout ce qu’elle disait, tout ce qu’elle pensait, on faisait des commentaires malveillants ; elle ne pouvait plus penser ce qu’elle parlait, on lui imposait des pensées. Elle n’avait plus l’impression de penser, c’était une autre personne qui pensait pour elle. Le dévidage des souvenirs était très intense, elle était la spectatrice de toute sa vie.

Au début elle eut quelques idées d’influence mais mal systématisées et sans délire d’influence organisé.

Peu à peu les faits se sont modifiés : pendant longtemps elle a cru à l’existence de ces voix, actuellement elle sait que c’est de la maladie. Elle souffre encore de la tête ; elle a des troubles cénesthésiques, elle sent les petites bosses de sa tête. Elle est obligée de lire à mi-voix car elle a des troubles, de l’attention qui l’empêchent de suivre la lecture. Ce qui la préoccupe actuellement, c’est le mentisme. Elle ne dort pas encore bien. Tous les soirs elle a une espèce de rêve. Elle ressasse toutes les petites histoires de la journée : ce qui s’est passé chez une couturière : « C’est entre la pensée normale et anormale ». Elle nous dit que lorsqu’elle était malade, elle voyait distinctement les objets qu’elle avait devant les yeux, comme avec les couleurs d’un tableau et avec les faces respectives. Actuellement c’est une pensée anormale qui s’impose surtout la nuit. « Le Moi inconscient est éveillé, mais c’est une sorte de rêve ». Elle n’a pas d’anxiété, mais elle est agacée et elle voudrait dormir.

Dans le jour, dès qu’elle pense, elle a l’impression de ne pas penser normalement ; elle ne sait plus quand « c’est de la pensée normale ».

Revue le 20 janvier 1927, elle n’est plus triste, n’a plus d’idées d’autoaccusation ; elle sait qu’elle était malade, mais elle ne peut encore dormir. Persistance de l’aprosexie. Elle ne peut faire de lecture qu’à haute voix. [p. 457]

Le mentisme nocturne persiste à moins qu’elle n’ait une autre occupation plus active, l’obligeant à faire des mouvements.

Bile ne présente aucun signe neurologique, mais la tension artérielle est un peu basse : Mx 12, Mn. 7.

OBSERVATION XXI. — La., 31 ans.

Examinée en décembre 1924, présente un syndrome d’automatisme mental au cours d’une crise de dépression ; a la sensation qu’on l’hypnotise, qu’on lui fait des piqûres.

A la suite d’une dilatation utérine, a eu le sentiment d’une transformation de sa personnalité. On l’hypnotise, on l’influence ; elle entend des paroles dans sa tête, même des ordres ; a le sentiment qu’on l’empêche d’agir, qu’on prend sa pensée, on fait les choses qu’elle avait l’intention de faire ; on lui répète des kyrielles de mots ; elle note que cela vient d’une influence extérieure ; elle constate qu’il se passe quelque chose de bizarre d’après le ton des lettres et de ses lectures. Elle soupçonne quelqu’un, un ancien ami qui a eu une influence néfaste sur elle, qui la battait et qui a été mêlé à des trafics de cocaïne. Elle pense que son ami voulait la prostituer. Elle est très déprimée et elle a eu des idées de suicide ; d’ailleurs elle a entendu : « Il faut que tu meures ». Elle a fait un séjour d’un mois et demi dans une maison de santé, elle est sortie guérie, mais 4 ou 5 jours après son retour. Chez elle, elle fut reprise, le soir, d’une crise nouvelle qui a débuté par un mentisme hypnagogique avec dévidage des souvenirs. Actuellement, elle a un sentiment d’anxiété, les membres sont lourds, elle est incapable de faire un mouvement, elle a envie de dormir.

Quelquefois elle doute de la réalité de ce qu’elle éprouve, elle admet qu’il est possible qu’elle soit malade, mais elle sent pourtant des effluves sur elle et a des peurs irraisonnées.

Il n’y a pas de signes somatiques ni neurologiques sauf une certaine vivacité des réflexes tendineux et une tachycardie permanente à 96 ; le réflexe oculo-cardiaque est négatif.

Revue un an après, le 9 janvier 1926, elle est complètement débarrassée depuis le printemps précédent de sa dépression et de l’automatisme mental, il n’existe plus aucun symptôme d’influence, mais par contre, elle a gardé un mentisme très intense : la nuit entière, elle est poursuivie par le son des cloches ; elle sait que ce n’est pas vrai, mais elle entend « les bruits assourdis comme si c’était loin ». Elle voit des têtes sur les meubles, elle sent qu’elle va avoir un cauchemar. Elle voit des personnages qui passent et qui la menacent, qui font le geste de l’étrangler ; il y a un collier qui serre son cou. Quand elle s’endort, elle a des rêves d’incendies et des angoisses qui durent pendant quelques heures.

Il n’y a pas de prise de la pensée, pas d’automatisme mental vrai, pas [p. 458] d’idées de persécution. Elle garde la conviction qu’une influence a agi sur elle.

Actuellement son réflexe oculo-cardiaque est : = 100-60.

Revue le 15 novembre 1927, le mentisme a disparu, mais elle ébauche une nouvelle crise de dépression mélancolique sans automatisme mental.

Revue le 26 décembre 1927, elle n’est plus mélancolique ; elle garde seulement une certaine émotivité diffuse.

Ces deux observations montrent un automatisme symptomatique : d’une crise de mélancolie, comme dans l’observation qui a été publiée par Codet ; après la disparition de l’automatisme, a persisté pendant un certain temps un mentisme à prédominance hypnagogique et qui dans l’observation XXI a fini aussi par s’atténuer et disparaître.

DIAGNOSTIC. — Le diagnostic positif du mentisme est facile quand il se présente avec ses caractères essentiels de représentations mentales vives à forme auditive ou visuelle, qui s’imposent à la volonté du sujet et avec le caractère capital que le sujet reste conscient de la. nature morbide du symptôme.

Mais dans certains cas le diagnostic différentiel peut être délicat :

Avec les hallucinations vraies. Mais celles-ci, perceptions sans objet ont un caractère d’objectivité, d’extériorisation qui les distinguent des représentations subjectives et internes du mentisme dont le sujet a toujours conscience de l’irréalité.

Plus délicat quelquefois le diagnostic avec les hallucinations psychiques de Baillarger, les hallucinations psycho-motrices verbales de Séglas, celles-ci pouvant avoir aussi le caractère de représentations mentales sans extériorisation spatiale quand le sujet a la sensation de mots prononcés ou d’impulsions intérieures ; mais le malade n’a nulle conscience de la nature morbide du symptôme.

Plus délicat encore est le diagnostic avec les pseudo-hallucinations verbales de Séglas, les pseudo-hallucinations de Kandinsky ; celles-ci sont des perceptions subjectives quelquefois très intenses et très stables, mais ne possédant des caractères essentiels de l’hallucination que l’objectivité de l’image. Le sujet affirme non seulement leur existence réelle mais leur indépendance de sa personnalité ; il ne leur reconnaît pas une origine pathologique.

Les hallucinations aperceptives de Kahlbaum sont aussi des représentations mentales involontaires sans caractère sensoriel, mais elles gardent pour le sujet une certaine réalité objective. [p. 459]

Les auto-représentations aperceptives de Petit sont automatiques, spontanées et involontaires ; elles s’imposent au malade directement en tant que phénomènes subjectifs immédiats sans les attributs habituels de la perception externe et elles sont considérées par le sujet comme des créations étrangères à sa personnalité. Ce dernier caractère distingue essentiellement les auto-représentations aperceptives des phénomènes du mentisme. D’ailleurs c’est un peu artificiellement que l’on distingue les vraies hallucinations des pseudo-hallucinations et nous nous rangeons à l’avis d’auteurs comme Gilbert Ballet, Blondel, Mignot, Petit et de Clérambault qui ne font pas entre elles de différence de nature mais seulement des distinctions cliniques, unies les unes aux autres par des nuances et des transitions.

Plus proches des représentations mentales du mentisme sont les pseudo-hallucinations de Hagen. Elles ont un caractère imaginatif, de rêverie, dans lequel le sujet se représente des scènes vécues, parle avec des personnages imaginaires et quelquefois adopte une mimique adéquate à cette scène fictive. Ces « hallucinations de la mémoire » ne sont pas des vraies hallucinations, elles ne se distinguent du mentisme que par l’absence de conscience de la nature maladive des symptômes.

Distincts encore sont les phénomènes de rêverie, créations volontaires, imaginatives, du sujet qui se laisse aller au jeu de son automatisme imaginatif mais qui peut le diriger et l’arrêter quand il lui plaît. Tandis que l’on peut considérer toutes les hallucinations et les pseudo-hallucinations que nous venons de rappeler comme des représentations dont le sujet affirme l’origine exogène, par contre les phénomènes de rêverie sont affirmés par le sujet comme étant sa propre création et d’origine endogène.

Il en est encore ainsi pour les créations imaginatives de l’inspiration poétique ou artistique. Dans tous ces phénomènes imaginatifs, les représentations sont le plus souvent de teinte agréable, elles n’ont pas le caractère désagréable et pénible des représentations vives du mentisme.

De la rêverie du sujet normal, où le rêveur choisit son thème, on peut rapprocher la méditation scientifique où le thème est limité à quelques éléments. Le sujet mène ses éléments à sa guise en modifiant leur ordre et en éprouvant un sentiment de joie créatrice. Le diagnostic est donc encore facile avec le mentisme que le sujet ne peut provoquer ni arrêter quand il lui plaît.

A première vue, la fuite des idées du maniaque et le défilé de [p. 460] représentations du mentisme paraissent avoir beaucoup de ressemblance. Ce sont pourtant des états très différents. Chez le maniaque, les idées se succèdent avec un mouvement kaléidoscopique. Elles changent d’un instant à l’autre ; elles sont variables et fugaces, elles s’accompagnent d’euphorie, d’optimisme, d’un sentiment de vigueur intellectuelle. Au cours de l’accès de mentisme au contraire, le sujet est agacé, inquiet, emprisonné dans un cercle de représentations mentales peu variées.

Le diagnostic avec les obsessions est souvent très difficile. Les caractères de l’obsession, sa ténacité, son irrésistibilité, sa discordance parasitaire et surtout la persistance chez le sujet de la conscience du caractère psychopathique de l’idée obsédante, rapprochent l’obsession du mentisme. De plus, dans l’obsession, l’idée -obsédante s’accompagne toujours d’anxiété.

Pourtant les deux phénomènes ne sont pas indistincts : l’obsession qu’elle soit phobie ou impulsion, est toujours circonscrite et localisée. Dans le mentisme se succèdent les représentations mentales auditives ou visuelles comme un dévidage de souvenirs à la manière d’un film composite. Les scènes séparées du mentisme peuvent se relier les unes aux autres. Elles ne gardent pas la fixité de l’obsession qui reste isolée des autres obsessions co-existantes. Les obsessions se juxtaposent par contiguïté et non par continuité. Le monoidéïsme émotif de l’obsession n’exclue pas la multiplicité mais il n’admet pas la succession continue des représentations mentales du mentisme.

Toutefois dans certains cas, lorsque le mentisme est très limité dans son thème, que les représentations mentales se répètent d’une façon stéréotypée, sous la forme d’intoxication par un mot ou par un air, le diagnostic différentiel avec l’obsession peut être extrêmement difficile. Ce sont plutôt les caractères de la personnalité du -sujet qui permettent de faire le diagnostic. L’obsession apparaît sur -un terrain spécial, sur un fond habituel d’aboulie, de scrupules, d’hésitation dans les actes que caractérisent les trois éléments de l’anxiété diffuse décrits par Logre : insécurité, incertitude, irrésolution. Au cours du mentisme, la personnalité du sujet n’entre pas -en jeu dans la perception des représentations mentales qui s’imposent à lui et dans l’anxiété diffuse qui en résulte. Le mentisme est un accident qui tient à une intoxication passagère ou qui est mêlé aux autres symptômes d’une maladie déterminée. Au contraire de l’obsession, le mentisme n’appartient pas à une constitution morbide.

EVOLUTION. — L’évolution du mentisme est variable selon la cause [p. 461] qui lui a donné naissance. Lorsqu’il est dû à une intoxication légère par le vin, le tabac, les repas trop copieux, il se présente sous la forme d’une bouffée à début brusque, presque explosif, apparaissant aux premières heures de la nuit, s’accompagnant d’insomnie et d’anxiété. La crise de mentisme peut durer quelques heures, quelquefois la plus grande partie de la nuit ; puis elle disparaît et peut être unique.

Chez les toxicomanes, notamment chez les opiomanes, la crise de mentisme se produit à chaque griserie d’opium, elle précède la libération imaginative qui s’accompagne d’euphorie et que le toxicomane cherche à atteindre avec des doses croissantes de drogue.

Mais lorsque le mentisme apparaît au cours de psycho-névroses ou de maladies mentales, il a une évolution plus continue, il est plus stable, plus durable.

Dans les obsessions, dans la mélancolie, il survient de façon intermittente et sans règle. Il est d’ailleurs quelquefois conditionné par la prise de médicaments destinés à calmer l’anxiété.

Il est une affection où sa continuité nocturne et diurne présente une grande importance, c’est dans la démence précoce. Il est souvent la première manifestation de l’automatisme mental, voie d’entrée fréquente de la démence précoce. Dans la journée même, le malade est harcelé par les mêmes pensées qui lui sont imposées. Il dit que sa tête travaille tout le temps et c’est souvent pour ce symptôme qu’il vient consulter le médecin. Mais, c’est surtout le soir, avant le sommeil au cours de la nuit que le mentisme atteint son maximum d’intensité. Quelquefois isolé au début de la démence précoce, il finit par s’encadrer des autres manifestations de la maladie. La prépondérance des autres symptômes s’affirme ; elle finit par réduire l’importance du mentisme, signe souvent initial de la dissociation psychique.

PATHOGÉNIE. — Lorsque Dumont de Montheux [Monteux] décrivit pour la première fois le mentisme, dans son « Testament médical », en même temps qu’il en donnait une description très précise, il formulait aussi une théorie originale pour l’époque ; il affirmait la nature nettement organique de cet accident. Il s’exprimait ainsi : « Déplacez l’irritation qui engendre le mentisme et vous aurez une crampe dans le mollet. » « Il n’est pas plus permis à un malade de s’opposer à la concentration de ses idées qu’il ne lui est permis de s’opposer à celle des fluides qui fluxionnent une partie contuse ».

Ultérieurement M. Janet, dans son Traité « Obsessions et Psychasthénie » [p. 462] (Alcan 1903, p. 155, « Les Agitations diffuses ») classe parmi les agitations mentales diffuses : la rumination mentale et la rêverie forcée.

Il semble bien qu’on puisse grouper sous le même terme de mentisme à la fois la rumination mentale et la rêverie forcée. Les rabâchages, le dédale des questions de la première se superposent à l’obligation d’accepter le remue-ménage d’idées de la seconde. Toutefois c’est à la rêverie forcée seulement que M. Janet applique l’étiquette de mentisme qu’il retrouve au début de bien des cas de la maladie des obsessions. L’exagération de pensées, la continuité de leur flux et surtout l’absence de liberté qu’éprouve le malade dans ses méditations sont des caractères qui rapprochent le mentisme des obsessions.

  1. Janet déclare : « Il serait facile de retrouver cet état mental de la rêverie forcée au début de bien des cas de la maladie des obsessions. »

Il faut noter l’existence de cette rêverie forcée chez des individus à peu près normaux. « Même chez des individus à peu près normaux, ces histoires interminables que l’on se raconte, ces méditations faciles qui se substituent au travail, à l’attention, sont des plus fréquentes. » M. Janet insiste à plusieurs reprises sur le rôle de la rêverie forcée comme source des obsessions.

A l’occasion de l’observation 117 (tome 2, p. 265) il dit « …à côté de l’émotivité diffuse comme source des manies mentales et des obsessions, il faut placer l’agitation intellectuelle et la rêverie forcée… L’aboulie, l’inattention et même l’insomnie sont les phénomènes primitifs ».

  1. Chaslin dans ses « Eléments de séméiologie et de clinique mentale » (1912, p. 61) fait du mentisme une description analogue à celle de M. Janet et comme lui établit des liens étroits entre l’obsession et le mentisme (p. 183) : « L’obsession a aussi des liens très étroits avec ce que j’ai décrit sous le nom de mentisme, car il y a souvent une répétition monotone, obsédante au milieu du courant des pensées, comme un remous qui se forme ». On peut dire aussi que si l’obsession peut aboutir à l’impulsion, elle touche aussi par un autre côté à l’indécision. »

En résumé, pour la théorie psychologique soutenue par M. Janet et par M. Chaslin, le mentisme serait souvent à la base de l’obsession. En tout cas ce serait un phénomène de même ordre qui se passerait sur le même terrain psychologique. Il est caractérisé par une diminution de la volonté, une diminution de l’attention, et par des préoccupations imaginées au cours de l’absence de sommeil. [p. 463]

Or parmi les observations que nous avons publiées, on peut en trouver un nombre considérable dans lesquelles le mentisme a été produit d’une façon quasi expérimentale par l’ingestion d’un toxique. La production du mentisme était dans beaucoup de cas indépendante d’une cause psychologique, son contenu ne reflétait nullement les préoccupations habituelles du malade ; souvent il s’agissait d’une intoxication par un mot insignifiant ne comportant aucun effet affectif. La représentation mentale paraissait beaucoup plus importante que sa signification psychologique. Ainsi le malade qui entendait d’une façon incessante : « Tes guêtres sèchent-elles ? », insistait sur l’absence totale d’intérêt que présentait pour lui cette question. Même dans le dévidage des souvenirs qui prennent souvent la forme visuelle, les malades insistent beaucoup sur l’absence totale d’intérêt que présente pour leur affectivité l’évocation de personnages perdus de vue depuis beaucoup d’années et oubliés.

Sans doute un psychanalyste pourrait dire que cette absence d’intérêt n’est qu’apparente et qu’une psychanalyse bien conduite montrerait que ces représentations mentales ne sont qu’une espèce de préoccupation affective plus ou moins refoulée. En réalité aucune preuve n’a été apportée en faveur de cette explication que fournissent les psychanalystes chaque fois qu’ils se trouvent en présence d’un phénomène psychologique en apparence indifférent.

D’ailleurs nous admettrions volontiers que la psychanalyse peut expliquer le choix apparemment fortuit du contenu des représentations auditives ou visuelles du mentisme. Elle présente un certain intérêt pour expliquer le contenu de certains délires, mais elle nous a toujours paru insuffisante pour expliquer l’origine même du délire, le déclanchement de la crise de mentisme.

Par contre, chez un sujet sain, c’est d’une façon quasi expérimentale qu’une intoxication parfois minime, alcoolique ou tabagique, a provoqué un accès de mentisme ; celui-ci durait autant que l’intoxication et disparaissait avec elle.

Nous avons noté que certains obsédés ne présentaient du mentisme qu’à l’occasion d’un traitement sédatif contenant de l’opium, injections de phosphate de codéine, par exemple, et qu’il revenait régulièrement à chaque nouvelle injection.

Nous avons rapporté aussi cette observation cruciale, d’un mentisme survenu au cours d’une tumeur cérébrale et disparaissant avec la trépanation décompressive.

Nous insistons également sur l’accès de mentisme apparu avec une [p. 464] poussée d’hypertension artérielle et que saignée et régime font disparaître.

Enfin, il est à noter que dans les cas que nous avons rapportés, le mentisme est relativement rare dans les névroses.

Outre les intoxications où le mentisme peut être produit expérimentalement, outre le mentisme au cours de l’épilepsie et des tumeurs cérébrales, de l’hypertension artérielle, de la menstruation, c’est surtout comme faisant partie du syndrome d’automatisme mental que nous avons trouvé le mentisme.

Fait remarquable, c’est beaucoup moins dans l’automatisme mental de la psychose hallucinatoire chronique que dans l’automatisme de la démence précoce, que nous avons rencontré le Mentisme. Ce n’est pas, croyons-nous, un hasard. La raison en est que dans la Démence précoce, si l’on observe à peu près tous les autres symptômes de l’automatisme mental d’ordre sensitif-moteur ou idéo-moteur, toutefois il est une fonction mentale dont l’automatisme est particulièrement libéré, c’est la fonction imaginative. L’automatisme imaginatif est beaucoup plus marqué dans la démence précoce que dans la psychose hallucinatoire chronique ; de Clérambault l’avait déjà noté. L’un de nous a insisté sur ce fait lorsqu’il a décrit la voie d’entrée dans la démence précoce par l’automatisme mental. Il y a une libération des créations imaginatives qui portent la marque de la discordance intellectuelle, fond mental de la démence précoce. Il est normal que les représentations mentales auditives et visuelles participent à la libération de l’idéation imaginative du début de la démence précoce.

C’est ce qui nous explique que les cas les plus nombreux de mentisme que nous avons rencontrés, si nous mettons à part les intoxications, sont ceux du début de la schizophrénie.

Nous ne pensons pas qu’obsession et mentisme soient de même nature. Lorsque l’obsession évolue vers une psychose d’influence avec syndrome d’automatisme mental, ce n’est pas par l’évolution spontanée de l’obsession elle-même, c’est par la production d’un autre mécanisme, par la libération accidentelle ou provoquée d’un automatisme auquel participe le mentisme. Celui-ci est la partie imaginative du syndrome d’automatisme mental. Il est surtout marqué chez les jeunes sujets dont l’imagination fonctionne encore, en quelque sorte, pour elle-même, selon une activité plus ou moins désordonnée.

On ne peut concevoir la production du mentisme que par l’atteinte subtile de certains centres, de certains conducteurs dont nous ne [p. 465] pouvons donner la localisation, Dans le mentisme, comme dans tout phénomène d’automatisme mental, il y a une preuve de l’extériorisation de l’activité psychique automatique sous l’action d’un toxique, d’une infection, d’un traumatisme, d’une irritation ou d’une compression de certains centres.

Cette conception d’un mentisme sans contenu affectif survenant à la suite d’une irritation d’ordre toxique, infectieux ou traumatique, nous paraît conforme aux faits d’observation et être la seule explication que l’on trouve de la production de ce phénomène dans des états aussi disparates, au premier abord, que ceux que nous avons indiqués.

TRAITEMENT. — Il ne faut pas oublier que le mentisme est un symptôme pénible qui s’accompagne souvent d’anxiété et empêche le sommeil. Il est donc essentiel : 1° de traiter la cause : intoxication, infection, syphilis ; 2° de traiter le symptôme : a) traitement sédatif (bromure, laudanum) ; b) traitement hypnotique médicamenteux (bromure, chloral, barbituriques).

Il importe de dépister le plus vite possible le mentisme. Il annonce souvent l’apparition du syndrome d’automatisme mental dont l’existence prend une grave signification quand il évolue sur le terrain de la discordance intellectuelle, affective et pragmatique du début de la démence précoce.

NOTES

(1) Voir l’Encéphale, avril 1929, p. 325. [en ligne sur notre site]

(2) Voir : HEUYER, BADONNEL et BOUYSSON. Voies d’entrée dans la démence précoce. Ann- méd. psych., janvier 1929.

(3) HEUYER et LAMACHE. Les délires d’influence symptomatiques. La Pratique Médicale Française, mai 1925.

(4) Citée dans « Contribution à l’étude de l’origine organique d’automatisme mental » par M. -G. HEUYER, Annales Méd.-Psych., novembre-décembre 1926.

 

 

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