Georges Dumas. Le rêve et la rêverie. Extrait du « Traité de psychologie », (Paris), Librairie Félix Alcan, 1924, tome II, pp. 211-221, et pp. 225-226.

Georges Dumas. Le rêve et la rêverie. Extrait du « Traité de psychologie », (Paris), Librairie Félix Alcan, 1924, tome II, pp. 211-221, et pp. 225-226.

 

Georges Dumas (1866-1946). Médecin, psychologue, philosophe, fidèle disciple de Théodule Ribot, spécialiste des émotions. Il est chargé de cours à la Sorbonne et en 1912 professeur titulaire de psychologie expérimentale et pathologique. Il fonda des instituts à Buenos Aires, Santiago du Chili et à Rio de Janeiro l’Institut franco-brésilien. Avec Pierre Janet, à qui il succèdera à la Sorbonne, il fonde la Journal de psychologie normale et pathologique en 1903. Il est surtout connu pour son Traité de Psychologie (1924) en 2 volumes et son Nouveau Traité de psychologie en 10 volumes (1930-1947), tous deux réunirent de prestigieux collaborateurs. Nous renvoyons pour sa biographie et sa bibliographie aux nombreux articles sur la question. Nous n’en retiendrons que quelques uns :
— Les états intellectuels dans la mélancolie. Paris, Félix Alcan, 1895. (Thèse de médecine). 1 vol.
— La tristesse et la joie. Paris, Félix Alcan, 1900. 1 vol.
— La plaie du flanc chez les stigmatisés chrétiens. Journal de Psychologie, (Paris), quatrième année, 1907. [En ligne sur notre site]
— La stigmatisation chez les mystiques chrétien. Extrait de la « Revue des Deux Mondes », (Paris), tome 39, 1907, pp. 196-228. [En ligne sur notre site]
— L’odeur de sainteté. Article paru dans « La Revue de Paris », (Paris), quatorzième année, tome sixième, novembre-décembre 1907, pp. 531-552. [En ligne sur notre site]
— Comment les prêtres païens dirigeaient-ils les rêves ? Journal de psychologie normale et pathologique, (Paris), cinquième année, 1908, pp. 447-450. [En ligne sur notre site]
— Comment on dirige les rêves. La Revue de Paris, (Paris), XVI année, tome 6, novembre-décembre 1909, pp. 344-366. [En ligne sur notre site]
— Les loups-garous. « Journal de Psychologie normale et pathologique », (Paris), 1907. pp. 225-239, puis, quelques mois après, dans La Revue du Mois, (Paris), 2e année, n° 16, tome III, quatrième livraison, 10 avril 1907, pp. 402-432.  [En ligne sur notre site]
— La plaie du flanc chez les stigmatisés chrétiens. Journal de psychologie normale et pathologique, (Paris), quatrième année, 1907, pp. 32-36. [En ligne sur notre site]
— La logique d’un dément. Extrait de la « Revue Philosophique de France et de l’Étranger », (Paris), trente troisième année, Tome LXV, janvier-juin 1908 pp. 174-194. [En ligne sur notre site]
Le Diable en Thiérarchie. Extrait de la « Revue de Paris », seizième année, tome premier, janvier-février 1909, pp. 171-198. [En ligne sur notre site]
— La contagion des manies et des mélancolies. Article paru dans la « Revue philosophique de la France et de l’Etranger », (Paris), trente-sixième année, tome LXXII, juillet à décembre 1911, pp. 561-583. [En ligne sur notre site]
— Qu’est-ce que la psychologie pathologique ? Journal de psychologie normale et pathologiques, (Paris), 1915, p. 73-87. [En ligne sur notre site]
— La contagion de la folie. Revue philosophique. 1915.
— Troubles Mentaux et Troubles Nerveux de Guerre. Paris, Félix Alcan, 1919. 1 vol.
— Le refoulement non sexuel dans les névroses. L’Encéphale, (Paris), dix-huitième année, 1923, p. 200. [En ligne sur notre site]
— L’expression de la peur. « L’Encéphale », (Paris), vingt-septième année, n°1, janvier 1933, pp. 1-9 + 3 planches hors texte. [En ligne sur notre site]
— Le surnaturel et les dieux d’après les maladies mentales. (Essai de théogénie pathologique). Paris, Presses Universitaires de France, 1946. 1 vol.
— La vie affective. Physiologie. – Psychologie. – Socialisation. Paris, Presses Universitaires de France, 1948. 1 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les  images on été rajoutée par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

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Le rêve et la rêverie.

Par la pensée réfléchis, l’homme réalise cette adaptation supérieure à l’univers qui constituent la science ; les éléments subjectifs de sa représentation rejeté, la vérité apparaît sous l’espèce de la nécessité. De mêmes son action s’impersonnalise ; les désirs individuels se soumettent à l’ordre rationnel ou à l’ordre moral. La vie ordinaire repose sur les fonctions, qui, parvenue à la conscience d’elle-même, et à leur plein développement aboutisse à cette œuvre. Il suffit que cette organisation fléchisses, pour que le rêve se substitue à la réalité et le désir à la raison. Naturellement nous laissons de côté le problème psychologique du sommeil, et nous nous occupons seulement du rêve. Il suffit de rappeler que le premier résultat du sommeil, c’est la disparition des rapports sensitivo-moteur avec le milieu, par relâchement du tonus musculaire, absence de la réactivité, élévation des seuils sensorielle. Ce grand fête domine toute la psychologie du rêve.

Le rêve, phénomène normal, est étroitement apparenter à des faits pathologique, l’hallucination est le délire ; à ce point que Moreau de Tours, Maury et bien d’autres ont expliqué, au point de vue psychologique, la folie par l’état de rêve ; encore qu’il soit certain que les modalités clinique de l’aliénation mentale ne se ramènent pas purement et simplement à cette généralité psychologique, la comparaison est heureuse ; et l’on relève aisément des modifications psychologiques commune à ces divers groupes de faits.

Le rêve n’est pas un pur jeu d’image qui se déroulerait sans ordre dans la conscience de l’homme endormi. Des recherches plus précises ont montré la persistance des sensations chez le dormeur et leur intervention dans le rêve. [p. 212]

Le rêve n’est pas un pur jeu d’image qui se déroulerait sans ordre dans la conscience de l’homme endormi. Des recherches plus précises ont montré la persistance des sensations chez le dormeur et leur intervention dans le rêve.

D’abord les sensations internes. Les médecins grecs avais déjà remarqué que le rêve souvent n’est que l’amplification de symptômes non aperçu dans l’état de veille ;

C’est sur ce faite que ce fonde la valeur séméiologique du rêve. L’état d’activité, d’excitation, pendant le sommeil, d’un appareil servant à l’exercice d’une fonction organique, est fréquemment accompagné d’images mentales qui ont trait à l’exercice de cette fonction ; ainsi s’expliquent beaucoup de cauchemars.

Dans tous les cas, c’est la ressemblance entre le rêve et la sensation organique qui persiste ou se produit au réveil, qui nous permet d’établir le régime sensoriel du rêve.

De même, les expériences bien connues de Maury, d’Hervey de Saint-Denis, de Corning, de Weygandt, de Mourly Vold, ont bien montré l’intervention des sensations objective. Le dormeur perçois assez souvent des excitation lumineuse, auditive, etc., qui deviennent le point de départ de ses rêves ; on peut jusqu’à un certain. Déclencher les rêves du dormeur au moyen de tels excitation. Il est vrai que l’élévation du seuil de la conscience, qui a lieu dans le sommeil du bar la route à la plupart des excitations ; mais on sait que la profondeur du sommeil va arriver aux différentes heures et on sait d’autres part que la plupart des échanges ont lieu dans les périodes de sommeil léger. Ici encore c’est la ressemblance entre le rêve et la sensation qui permet de supposer l’origine sensorielle du rêve ; ainsi le cas où le dormeur près duquel on allume lumière rêves d’incendie.

Enfin les sensations subjective intervient aussi, le fait à été établi particulièrement pour les images entoptique, pour les taches lumineuses, colorées émouvante, aux contours très imprécis, quelle œil fermé peut à percevoir dans l’obscurité. J. Müller avez observé avec beaucoup de patience ses images entoptique est le rapport avec ses rêves. Müller et Maury les ont vu se transformer en hallucinations hypnagogiques. D’autres part de l’âge a vu la dissolution de l’hallucination hypnagogique laisser place à une image entoptique analogue, au moins quant à la répartition des taches colorées. Enfin Ladd asvu les images visuelles [p. 213] du rêve se dissoudre dans ces fantasmes schématiques de la rétine. C’est sensation subjective sont bien, comme l’a dit Gruthuisen, le chaos du rêve.

Mais il ne suffit pas de montrer que le rêve est composé en partie de sensations. Ces sensations son inexactement interprétées ; l’esprit forme avec elles des illusions ; il y a donc une déviation de la perception. D’autres part elles ne demeurent pas à l’état d’épisodes isolés : les images qu’elles déclenchent forment une scène, un tableau ; il y a invention, composition. Enfin l’esprit se trompe sur son œuvre ; il prend pour une réalité ce qui n’est qu’imagination. Il faut donc expliquer cette composition du rêve et c’est erreur.

Il est pas tout à fait exact de dire avec Delage que le rêve est composé d’événement récents et un différents ; que les petites faits du jour, auxquels on a prêté peu d’attention, que les perceptions ébauchées et inhibées, à la faveur du relâchement et du vide, s’étalent dans la conscience ; le rêve, en somme, accommoderait les restes de la veille ; au contraire les préoccupations vivement n’y reparaîtraient parce que elles sont dépensées pendant la veille. Ainsi pour s’épargner des rêves pénibles et par exemple des cauchemars, il suffirait dans méditer fortement le thème, pendant la veille, au lieu de l’éloigner de l’esprit (1).

Il y a certainement des faits en faveur de cette hypothèse ; beaucoup de personnes observé qu’elles ne rêvent d’une [p. 214] émotion très intense que longtemps après, lorsque cette émotion s’est déjà affaiblie ; de sorte qu’elles ne voient en rêve une personne chère qu’elles ont perdue, qu’alors qu’elles sont à peu près consolées : mais le fait n’est pas si général. D’après les statistiques de De Sanctis, environ 46 p. 100 des sujets normaux ne remarquent point de relation entre le rêves et les émotions de la veille ; mais 33 p. 100 en remarquent ; et chez les enfants en particulier cette relation est très fréquente. D’autre part, il arrive parfois que l’image indifférente représente, masque, pour ainsi dire, un souvenir important. Freud s’est plu à mettre en lumière c’est inversion de valeurs qu’on constate que parfois dans le rêve. De même les origines du rêve ne sont pas toujours si récente ; miss Calkins signale bien que dans un très petit nombre seulement de ses observations il est était impossible de ramener le rêve à des faits récents ; mais il y a pourtant les rêves d’enfance, les rêves qui se rapportent à des périodes lointaines de la vie, les rêves et hypermnésiques.

Les faits montrent, en tout cas, qu’il il y a continuité de la veille au sommeil ; le rêve développe des thèmes de la veille. Il n’y a entre le rêve et la rêverie tu veux différence de complications et de systématisation. Il y a une pensée du rêve ; quand l’organisation de la veille s’écroule, l’esprit ne tombe pas d’un coup à l’amorphe, à l’inorganisée. Cette observation suffit à limiter la théorie récente Leroy et Tobolowska, d’après laquelle la cohérence du rêve serais due à une construction rationnelle qui s’exercerait sur des images nécessairement un cohérentes et confuses et les composerait en un ensemble intelligible. Ce défilé d’images chaotiques serait arrangé par une interprétation plus ou moins rapide est plus ou moins intermittente. C’est en somme ce que James Sully appelait l’unité dramatique du rêve : devant un chaos d’impressions on cherche un schéma pour comprendre ; opération qu’il oppose à l’unité lyrique constituée par l’émotion.

Or il y a des rêves qui ne sont que la continuation d’une rêverie de la veille, ou l’amplification d’un thème manifeste bien établi ; il y a des rêves familiers ; il y avait des rêves cohérents dont l’unité n’est pas faite après-coup, ou bien au fur et à mesure ; [p. 215] en revanche l’hypothèse de Leroy s’applique bien un certains rêves complexes, à signification changeante, ou le dormeur parfois même a vaguement conscience d’ordonner son rêve ; les épisodes qui se succèdent viennent parfois de ce qu’il est obligé d’abandonner une hypothèse insuffisante et de recourir à une  nouvelle.

Freud, dont les théories sont devenus célèbres, met, lui aussi, un travail mental à la base du rêve. Le rêve est réalisation du désir ; on objecterait en vain que la plupart des rêves sont des rêves de déplaisir, de peur, d’angoisse : car il est fort rare que nos désirs ce réalisent purement et simplement dans nos rêves ; cela n’arrive que dans l’enfance et la jeunesse ; la plupart du temps ils sont l’accomplissement déguisé d(un souhait comprimé. La vie nous contraint à réprimer beaucoup de nos désirs ; la censure psychique, le contrôle mental refoule l’élan spontané de nos aspirations. Mais ces désirs refoulés ne sont pas détruits ; au contraire, ils vivent d’une vie ardente et cachée et ils aspirent à reparaître à la conscience ; le sommeil fait tombé à moitié la barrière qui les retient ; même comme la censure ne disparaît pas entièrement, il s’établit un compromis : le désir critiqué se déguise devant le dormeur qui ne me reconnaît pas ; des préoccupations importantes se dissimulent sous une image indifférente ; le thème du rêve se répand à travers tous les éléments du rêve ; enfin cela se dramatise, se compose par un travail logique. La méthode de la psycho-analyse, dont il a été parlé précédemment, permettrait de retrouver le thème du rêve, qui serait presque toujours emprunté la vie sexuelle. Le rêve s’explique de la même manière que les états hypnoïdes, en particulier l’hystérie. Le livre récent de Régis et Hesnard nous dispense d’exposer plus longuement ces théories sur lesquelles nous reviendrons d’ailleurs à propos de la vie subconsciente(II, 96) et de la psychopathologie(II, 1020).

Il faut du reste considérer le moment où le rêve ce produit. Il semble probable que la plupart des rêves apparaissent dans le sommeil du matin ; le début du sommeil aussi en est assez riche. Mais le sommeil du milieu de la nuit n’est pas un sommeil sans rêve et les songes vifs ne sont pas du tout [p. 216] réservés aux heures du matin ; les recherches sur la profondeur du sommeil ont en somme établi que toutes les heures de la nuit fournissent des rêves. Il n’est pas exact de supposer avec Foucault et Goblot, que le rêve ce fait au réveil ; suivant ces auteurs, il n’y aurait dans le sommeil, que des images sans lien que le réveil ordonnerait ; les différents degrés de cohérence du rêve dépendraient du moment de leur formation ; en somme le rêve, ce serait la logique de la veille s’exerçant sur les images sans lien du sommeil.

Il est vrai qu’il y a des rêves du réveil, une période postsomnique analogue à la période présomniques, et parfois même des rêves prolongés. Mais la théorie exagère ; sans doute, si  nous nous réveillons brusquement, le rêve que nous trouvons en train de s’évanouir est souvent incohérent, mais cette incohérence s’explique aisément par la brusquerie du réveil, sans qu’il soit nécessaire d’en faire l’essence même du rêve. Il y a des faits qui trouvent que l’on peut rêver sans se réveiller et d’autres qui prouvent que, si l’on arrive à supprimer des rêves qui provoquaient habituellement le réveil, on supprime le réveil ; loin que ce soit le réveil et dans ce cas provoque le rêve. Pourquoi, du reste, affirmer qu’on ne pense point quand on dort et mettre dans la veille le sommeil une telle différence, alors que l’observation normale et pathologique nous montre au contraire la continuité ? Retenons pourtant une indication intéressante l’endroit à Foucault. Si on note un rêve le plus tôt possible après le réveil, et qu’on le note encore à plusieurs reprises, à chaque fois après un intervalle déterminé, on constate, comme il fallait s’y attendre, qu’il se déforme ; mais ce qui est intéressant, ce que le caractère logique du rêve s’accentue. Nous nous dirions volontiers aussi que la façon de s’éveiller influe sur le souvenir du rêve. Beaucoup de personnes qui croient ne pas rêver, en réalité s’éveillent tout d’un coup et s’adaptent immédiatement à la vie quotidienne ; de sorte que le souvenir du rêve, faute d’avoir été appréhendé au moment favorable, s’évanouit pour jamais.

Suivant certains observateurs, en particulier Hervey de Saint-Denis, on peut se rendre maître de ses rêves jusqu’à [p. 217] un certain point ; mais il faudrait arriver, en dormant, à avoir conscience de dormir, habitude qui s’acquerrait promptement par le seul fait de tenir un journal de ses rêves ; en effet tous ceux qui notent leurs rêves savent bien qu’ils troublent leur sommeil ; il suffirait alors d’associés certains souvenirs à certaines perceptions sensorielles, de manière que le retour de ces perceptions, ménagé pendant le sommeil, introduisit au milieu de nos songes les idées et les images que nous en avons rendues solidaires ; enfin la volonté, qui vient viens et aisément dans ce sommeil troublé, six voisins de la rêverie, réglerait le développement de ces images. Corning, après Maury et Hervey de Saint-Denis, a essayé de tirer de cette méthode des effets thérapeutiques. L’Antiquité connaissait lors de provoquer et de consacrer les oranges par les pratiques le sacrés de l’incubation. Est-il possible vraiment de préparer ses rêves ? L’analyse délicate d’Hervey de Saint-Denis montre bien, croyons-nous, que ces rêves voulus et dirigés son plus près de la rêverie que du rêve proprement dit.

Ainsi le rêve se développe à partir de certaines sensations et à partir de certaines images ; la qualité d’une sensations suscite une improvisation ; une couleur confuse nous fera voir un paysage : la couleur sert d’excitant et de repère à l’imagination ; d’autres fois certaines préoccupations latentes s’exerceront sur ces sensations aisément déformable et s’y inséreront. La valeur du thème, l’ampleur du développement varient beaucoup, d’une perception momentanée et qui s’éteint aussitôt à de grands rêves imaginatifs qui sont de vraies rêveries. La logique intervient à titre secondaire : la diversité des impressions qui se succèdent oblige parfois un travail d’arrangements ; certains épisodes portent de la marque d’une intervention plus laborieuse. Bref, le rêve ressemble aux constructions de l’imagination, à la rêverie. Mais la plupart des rêves sont de basse qualité : des rêveries inférieures mal ordonnées, décousues, sur des thèmes médiocres : il est assez rare qu’on réveille on ait quelque estime de ses rêves. Il y a dans le sommeil un abaissement du niveau mental ; les opérations les plus élevées et les plus complexes disparaissent où sont altérées. [p. 218]

L’objectivité du jugement fait places à la subjectivité de l’association ; l’association bien réglée et rationnalisé au consécutions que sur de l’habitude et aux ressemblances grossières ; à la mémoire organisée ce substitut la mémoire brute. Mais il y a plus : les hallucinations du rêve ne sont pas rectifiées et ses constructions délirantes sont passivement acceptées par le dormeur. L’intelligence est déviée ; le contrôle logique, la censure de fonctionne plus. D’une parles les éléments psychologiques qui cessent d’être dirigés vers une fin d’ensemble s’émancipent et s’affranchissent ; avec le sommeil disparaissent les fins essentielles de la vie ; on m’a dit justement que le dormeur se désintéresse. Aussi se laisse-t-il aller aux mouvements d’une imagination que l’expérience ne retient plus. D’autre part la critique a disparu ; Carla critique c’est le jugement et le jugement objectif : c’est cette attitude, cette tension de l’esprit qui s’adapte à la réalité et ça s’impersonnalise, attitude qui est le fond même de la vie pratique et de l’esprit réfléchi ; pour juger et pour agir, il faut pouvoir ordonner les habitudes et amener devant l’esprit les faits présents et l’ensemble des faits passés, organisés comme une expérience ; il faut que l’esprit puisse intégrer la donnée actuelle un système, compris et affirmé comment système de vérité. Or l’abaissement du niveau intellectuel rend impossible la réflexion. Il est vrai que dans la vie courante nous avons sans réflexion que nous ne rêvons pas ; mais cela ne veut pas dire que nous le sachions sans raison ; l’habitude de vivre nous dispense d’y réfléchir ; et la fonction critique disparaissant pendant le sommeil, en même temps que toutes les habitudes d’action, tous se qui se présente à la conscience est pris pour argent comptant.

Ainsi le rêve, c’est la substitution d’une vie élémentaire à la vie organisée, intellectuellement organisée ; d’une vie momentanée à la vie bien orientée et qui repose sur des fins constantes. La volonté il fait défaut ; l’intelligence et l’action s’y dissolvent également. C’est la vie inférieure de l’esprit, dégage du contrepoids des fins pratiques, qui donne encore quelque solidité et quelque apparence de bon sens même aux esprits grossiers, arriérés ou désorganisés. Et comme, d’autre [p. 219] part, ce niveau qui s’abaisse oscille, comme il persiste aussi pendant le sommeil quelques-unes des préoccupations de la veille et ça et là des souvenirs bien formés, comme la suppression de la recherche volontaire et de la fonction critique permet aux idées survivantes et aux images de s’ordonner suivant des rapports inattendus, on comprend qu’il y ait parfois dans le sommeil une faculté d’invention, une fraîcheur de présentation qui donne à certains rêves leur caractère mystérieux.

II

La rêverie

« c’est le jeu du devenir, dans lequel, en jouant, on se regarde jouer » (Renouvier). C’est la rêverie profonde suppose, comme le rêve, que le sujet ce distrait de sa situation, et qu’il cesse de diriger sa pensée, la coupure est loin d’être aussi nette ; les intérêts durables au momentanés du sujet subsistent et se font jour à travers ce jeudi images ; la pensée, plusieurs ordonnée et plus active, esquisse des systèmes plus cohérents est plus significatifs ; ce n’est plus ce profond fléchissement de la vie affective et de la vie mentale ; c’est une distraction passagère à l’égard du monde objectif, et le sujet, plongé dans la contemplation et dans l’édification de sa vie imaginaire, s’y abandonne, souvent avec ferveur. Il n’y a plus guère, ici, l’oubli total de soi-même et des conditions de l’expérience que l’on rencontre dans les formes les plus humbles du rêve.

L’état de rêverie admet de nombreux degrés ; depuis l’évocation passive de souvenirs et d’images, jusqu’à la construction presque volontaire d’un système de représentations. Au degré le plus bas, lies souvenirs et les images surgissent d’eux-même ; le sujet assiste, en simple spectateur, à leur apparition et à leur défilé. Au degré le plus élevé, c’est presque de la représentation volontaire de l’avenir, avec l’intention de le réaliser ; oh bien l’esquisse d’une œuvre, à qui l’on donne toute sa valeur idéale. Entre les deux, il y a tous ces états où seul le thème principal, la direction générale du courant [p. 220] d’images sont posés par l’esprit ; tous ceux où l’esprit joue avec les images et les images avec l’esprit, dans un continuel chassé-croisé d’activité et la passivité : sorte de mise  l’essai par l’imagination de toute espèce de possibles, et le fantôme des émotions qu’il susciteraient en se réalisant surgit en même temps qu’eux. Le sujet rêve sur ses émotions tout autant que sur ses images, ou du moins sur l’ébauche de ses émotions. L’image est parfois importance secondaire : et c’est parfois un jeu de sentiments ardents est nouveaux qui vont se raffinant devant des images banales et anciennes.

Ainsi la rêverie peut-être, suivant les sujets et suivant les cas, la résurrection embelli d’un passé négligé quand il était présent, ou une tentative de régler l’avenir, ou la fuite vers un monde idéal, ou un simple engourdissement, une léthargie au contact d’images suggestives. De là vient qu’on en a pu dire beaucoup de bien et beaucoup de mal. Par l’un de ses aspects elle est absorbante et destructive. Et le ronge le réel, elle tend à usurper la place de l’activité supérieure. Par l’autre elle est, comme le jeu, préexercice, et, comme l’art, création. Elle peut être le refuge des faibles, ou la retraite des forts.

De toute manière, la rêverie suppose en arrière d’elle, sauf lorsqu’elle se perd dans le délire d’imagination, le sentiment de pouvoir intervenir et mettre fin à cette fantasmagorie ; la volonté tolère vous suggère où cela se suggérer ; elle propose où se laisse proposer, Elle se complaît, oh il lui déplaît, elle acquiesce ou refuse ; c’est une complicité plus ou moins complaisante et plus ou moins agréable ; on peut reprendre les rênes et revenir à la réalité.

La rêverie, c’est l’exaltation de soi-même. La vie affective prend conscience de soi dans l’image et intensifie l’image par un choc en retour. Sur le déploiement d’images, il y a le jeu de tendances qui nous sont chères. « L’extension indéfinie de notre personnalité, l’accroissement de notre vie, de notre force, de notre puissance… se réalise dans la rêverie, où le développement du moi n’est entravé par aucun obstacle.  (P. Borel). Il convient d’ajouter que nous rêvons misère aussi bien que grandeur, qu’un déprimé se repaît de sa faiblesse et [p 221] qu’un malheureux raffine sa douleur ; l’élan joyeux vers la vie et la retraite inquiète, le renoncement, la fuite du monde et de soi-même, se croisent dans la rêverie. Et parfois le faible rêve grandeur, par compensation est pas débilité ; parfois l’orgueilleux et l’actif rêve tourments et catastrophes. Cet enchevêtrement de la volonté conquérante et de la sensibilité malheureuse de l’orgueil et de la crainte, est bien connu des moralistes et le psychiatre.

Il convient d’ajouter aussi que limitations d’autrui, que l’influence sociale pénètre souvent dans ce refuge, si intimes en apparence.

Ainsi la thèse de Freud s’applique beaucoup mieux à la rêverie qu’au rêve ; épanouissement du désir, parfois inavoué est contrarié, traduction des tendances dans la langue de l’imagination, déguisement parfois est compromis, dramatisation et vie propre des images ; voilà bienvenue remarque qui sont vraies souvent. Mais on savait, des avant Freud, que l’imagination exprime la personnalité, et que souvent elle la déguise. De là la vient que la rêverie varie avec la personnalité, et qu’elle présente au même sujet, à différents moments de sa vie, le reflet changeant de ces aspirations et de ses caprices. De la vie vient que, parfois, elle peut nous renseigner sur nous-mêmes, si nous savons-nous dérober à ses illusions.

La rêverie est un fait très général : au cours d’une enquête entreprise par Smith, 5 sujets seulement sur 147 personnes ont affirmé ne point la connaître. Sa condition essentielle, c’est la distraction du monde réel et la complaisance un intéresse subjectif : donc la fatigue de l’attention, l’ennui, etc., lorsqu’il y a en même temps reploiement sur soi, égotisme, attention dirigée sur la vie affective, besoin d’émotion qui ne trouve pas satisfactions dans la vie quotidienne. L’histoire inventée le jour peut reprendre le lendemain et se poursuivre ; c’est « l’histoire continuée » de Learoyd. La rêverie joue peut-être un rôle dans la psychogénèse de certains délires d’imagination (Dupré et Logre). Il y a, à la frontière pathologique, la rêverie forcée et systématisée, qui est déjà presque délirante..

BIBLIOGRAPHIE POUR LE RÊVE
[Note de Michel Collée : Nous avons, autant que faire se peut, compléter la bibliographie originale par nos notes personnelles.]

Baillarger. Des hallucinations. Mémoires d l’Académie Royale de Médecine, T. XII, 1846.

Bergson Henri. Le rêve. Conférence faite à l’Institut Psychologique le 26 mars 1901. in « Bulletin de l’Institut psychologique internatinal, (Paris), I, n°3, mai 1901, pp. 103-122. [en ligne sur notre site]

Claparède Edouard. Esquisse d’une théorie biologique du sommeil. in « Archives de Psychologie », IV, Nr. 15-16, février-mars 1905, pp. 245-349.

Claparède Edouard. Sur la fonction du rêve. in « Revue Philosophique de la France et de l’Etranger », (Paris), tome LXXXI, janvier à juin 1916, pp. 298-299. [en ligne sur notre site]

Corning. A contribution to the therapeutics of emotions. Medical Record, janvier 1899.

[Delacroix Henri. Sur la structure logique du rêve. in « Revue de Métaphysique et de morale », (Paris), douzième année, 1904, pp. 921-934. [en ligne sur notre site]

Delage Yves. Essai sur la théorie du rêve. in « Revue scientifique », (Paris), 11 juillet 1891, pp. 40-48. [en ligne sur notre site]

Delage Yves. Portée philosophique et valeur utilitaire du rêve. in « Revue philosophique de la France et de l’étranger », (Paris), 1, 1916. [en ligne sur notre site]

Freud. A.Studien über Hystérie(encoll.av. Breuer). Leipzig, Deuticke, 1895.

Freud. B. Die Traumdeutung. Leipzig, Deuticke, 1900.

Freud. C. Ueber den Traum (Grenzfragen des Nerven Seelenlebens, VIII). Wiesbaden, Bergmann, 1091.
(Voir la bibliographie des travaux de Freud dans le livre de Régis et Hesnard que nous citons plus bas).

Foucault Marcel. Le rêve. Études et observations. Paris, Félix Alcan, 1906. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., III p., 304 p.

Goblot Edmond. Sur le souvenir des rêves. in « Revue philosophique de la France et de l’étranger », (Paris), tome XLII, 1896. [en ligne sur notre site]

Hervey de Saint-Denys Marie-Jean-Léon, Marquis de. Les rêves et les moyens de les diriger. Paris, 1867. 1 vol

Ladd. Visual Dreams. Mind, 1892 et Psychological Review, 1891.

Bernard-Leroy Eugène & Tobolowska Justine. Le mécanisme intellectuel du rêve. in « Revue philosophique de la France et de l’étranger », (Paris), vingt-sixième année, tome LI,  janvier à juin 1901, pp. 570-593. [en ligne sur notre site]

Maeder. Jahrbuch für psychoalanytische Forschung. 1912 et 1914 ; Année psychologique, 1912.

Maury Louis-Ferdinand-Alfred]. Le sommeil et les rêves. Études psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent, suivies de recherches sur le développement de l’instinct et de l’intelligence dans leurs rapports avec le phénomène du sommeil. Paris, Didier et Cie, 1861. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., VII p., 426 p.
Autres éditions : Deuxième édition. Paris, Didier et Cie, 1862. 1 vol. in-8°, 2 ffnch., VII p., 426 p., 2 ffnch. — Troisième édition. Paris, Didier et Cie, 1865. 1 vol. in-12. — Quatrième édition. Paris, Didier et Cie, 1878. 1 vol. in-12, 2 ffnch., VII p., 476 p.

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