Georges Daressy. Neith, protectrice du sommeil. Extrait des « Annales du Service des antiquités de l’Égypte », (Le Caire), tome X, premier fascicule, 1909, pp. 177-179.

Georges Daressy. Neith, protectrice du sommeil. Extrait des « Annales du Service des antiquités de l’Égypte », (Le Caire), tome X, premier fascicule, 1909, pp. 177-179.

 

Georges Émile Jules Daressy (1864-1938). Égyptologue. Il devient conservateur adjoint du musée des Antoquités Égyptiennes de Boulaq, qui fut ensuite transféré à Gizeh puis devint le muse égyptien du Caire en 1902. Quelques publications :
— Fouilles de la Vallée des Rois <1898-1899>, Le Caire : Imprimerie de l’Inst. français d’archéologie orientale, 1902, (Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire).
— Textes et dessins magiques, Le Caire : Imprimerie de l’Inst. français d’archéologie orientale, 1903, (Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire).
— La Faune momifiée de l’antique Égypte, Le Caire : Imprimerie de l’Inst. français d’archéologie orientale, 1905, (Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire).
— Statues de divinités, Le Caire : Imprimerie de l’Inst. français d’archéologie orientale, 1905–1906, (Catalogue général des antiquités égyptiennes du musée du Caire).
— Calculs égyptiens du Moyen Empire, Recueil de Travaux Relatifs De La Philologie et l’Archéologie Égyptiennes et Assyriennes XXVIII, 1906, 62–72.
— Cercueils des cachettes royales, Le Caire : Imprimerie de l’Inst. français d’archéologie orientale, 1909, (Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire).

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les images sont celles de l’article original. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 177]

NEITH PROTECTRICE DU SOMMEIL
PAR
M. GEORGES DARESSY.

Le Musée du Caire a fait récemment acquisition d’un fragment de chevet en terre émaillée' » offrant une scène intéressante. Le morceau ne représente qu’un des côtés de la base ; il est long de 0m. 085 mill., large de 0 m. 075 mill. et épais de 0 m. 029 mill. Sur la tranche une inscription hiéroglyphique entre deux lignes horizontales est gravée et remplie d’émail bleu lapis se détachant sur le fond vert clair :
C’est un texte spécial qui ne fait pas partie du chapitre du chevet (CLXVI) du Livre des morts.

 

Sur la face supérieure une représentation curieuse est gravée. Neith est debout, tournée à droite, coiffée comme d’ordinaire de la couronne du Nord; elle tend un arc et est prête à décocher horizontalement une flèche (fig. 1). Devant elle un homme est assis à terre, le haut du corps penché en avant, la tête appuyée sur le genou ; le bras droit est pendant, la main gauche est posée sur la tête ; il est ainsi dans une pose de dormeur. Trois flèches sont tombées sur lui : une est enfoncée dans la tête, les deux autres dans les bras.

Le Musée possédait déjà un fragment analogue trouvé en 1900 à Abydos, [p. 178] au nord de Kom-el-Sultan (2). Il est en calcaire, long de 0 m. 20 cent, et large de 0 m. 078 mill. ; sa nature n’avait pas été reconnue au moment de l’arrivée, car il est inscrit au Journal d’entréecomme « petite stèle; la déesse Neith debout tirant de l’arc sur un animal difficile à reconnaître » (fig. 2). En réalité c’est la moitié de la base d’un chevet avec support aux extrémités, ayant à peu près la forme m; mais l’objet étant brisé, on n’a gardé que l’un des bouts de la base, qui, retaillé droit à la fracture, ressemble en effet à une stèle arrondie au sommet, mais très allongée. C’est que sous ce chevet on avait gravé une Neith debout, coiffée de la couronne rouge striée verticalement, préparant une flèche sur son arc. Devant elle ce qui avait été pris pour un animal devait être un homme, comme le prouvent les jambes, mais baissé dans une pose d’autant plus difficile à comprendre qu’une fracture a enlevé toute la partie antérieure du corps. Comme sur l’autre exemplaire, trois flèches sont tombées sur le corps du personnage énigmatique.

On comprend assez facilement le sens de ce dernier tableau; l’individu qui semble fuir les traits de la déesse doit être un revenant, une ombre qui venait pour troubler le repos du propriétaire du chevet; dans le premier cas on s’explique plus difficilement la pose, car le génie malin étant endormi ne pouvait troubler le repos du vivant; il faut supposer que c’est l’effet de l’acte de la déesse qui est figuré, que ses flèches, semblables aux pavots de Morphée, occasionnent un sommeil irrésistible et que le revenant a été [p. 179] ainsi mis dans l’impossibilité de déranger le dormeur. Ces deux monuments sont d’époque saïte; il est à noter qu’on ne voit pas la déesse Neith figurer parmi les divinités gravées sur les chevets aux anciennes époques; sous le moyen empire et la XVIIIe dynastie ce sont surtout Bès et Thoueris qui veillent sur les endormis, l’attribution à Neith de ce rôle serait donc relativement récente.

Faut-il établir un rapprochement entre cette scène et les représentations de Neith suivie d’un nain difforme, comme par exemple sur la stèle n » 28731 du Caire’1′? Des légendes ont pu prendre naissance simplement par similitude de prononciation entre les mots   « dormir » et  dormir » et « nain ».

Malgré tout, c’est Bès (ou Harsiési) qui est resté le grand pourchasseur des mauvais génies, de jour et de nuit; il est le personnage principal des stèles dites d’Horus sur les crocodiles et si on le voit figurer si fréquemment sur les objets de toilette c’est qu’il remplit un rôle de gardien, chassant les maléfices, et que les atteintes à la beauté de la femme sont encore l’œuvre d’esprits malins. Enfin il y a lieu de rappeler la statuette de bronze n° 3873 du Catalogue général du Musée du Caire, où à la droite de Bès on voit un singe marchant, et à sa gauche un homme accroupi et dormant, la tête appuyée sur le genou. Ou il faut considérer que c’est un symbole qu’on peut dormir paisiblement sous la protection de Bès, ou il faut croire que c’est un revenant, un agitateur du sommeil, que le dieu a endormi et réduit à l’impuissance, tout comme le fait Neith sur le chevet.

G. DABESSY.

(1) Journal d’entrée, 11° 41476.
Annales du Service, 1909.

(2) Journal d’entrée, n° 34545.

(3)

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