G. Paul-Boncour. Sur la nature et le pronostic des terreurs nocturnes. Extrait de la revue « Le Progrès médical », (Paris), 1910, pp. 680-681.

G. Paul-Boncour. Sur la nature et le pronostic des terreurs nocturnes. Extrait de la revue « Le Progrès médical », (Paris), 1910, pp. 680-681.

 

Remarquons que cet article est un des tous premiers à faire, en France, référence à la psychanalyse et Freud, via une lecture de Shekel.

Georges Paul-Boncour (1866-1960). Psychiatre. Médecin-chef de la préfecture de Seine-et-Oise. Président de la Société d’anthropologie et directeur de la revue « L’éducation moderne ».
Quelques publications :
— (avec Jean Philippe). Les anomalies mentales chez les écoliers : étude médico-pédagogique. Paris : F. Alcan , 1907.
— (avec J. Boyer). L’imagination chez l’enfant anormal. Vitra-Sur-Seine, A l’Institut médico-pédagogique et Le Progrès médical, 1910.
— (avec Jean Philippe). L’éducation des anormaux. Principes d’éducation physique, intellectuelle, morale. Paris, Félix Alcan, 1910. 1vol.
— Anthropologie anatomique : crâne, face, tête sur le vivant . Paris, Octave Doin, 1912. 1 vol.
— L’Assistance aux enfants anormaux, rapport présenté par M. le Dr Paul-Boncour. Paris, Masson, 1927.1 vol. .

[p. 679, colonne 2]

Sur la nature et le pronostic
des terreurs nocturnes.

Par G. Paul-Boncour
Médecin en chef de l’Institut médico-pédagogique.

Il est de tradition, dans la plupart des traités de pathologie infantile, de grouper sous le nom de névroses certain nombre de manifestations morbides sur la nature desquelles il existe bien des incertitudes.

Autrefois le terme générique « névroses » était employé pour désigner des infections indépendantes de toute altération organique. La névrose était en somme une maladie fonctionnelle, sine materia.

Maintenant qu’on s’est mieux à quoi s’en tenir sur la nature de quelques-unes de ces affections, il semblerait logique de les retirer du cadre des névroses : telle l’épilepsie, au sujet de laquelle aucun doute ne subsiste, telle la chorée, que des travaux récents (1) rattachent à une inflammation encéphalo-médullaire.

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 En est-il de même pour les terreurs nocturnes ?

À côté des cas où cette affection paraît indépendante de toute lésion, il en est d’autres. Elle est accompagnée de symptômes non douteux de lésions des centres nerveux, comme dans les 4 cas suivants :

1° fillette de cinq ans qui présentent 10 nuits de suite à l’accès de terreur. Effrayé, la mère puis mon maître, le Dr  Jules Simon, de lui envoyer son interne pour surveiller cet état anormal. J’insiste à quatre de ses crises ; mais après leur disparition l’enfant reste somnolente et bientôt apparurent les symptômes d’une méningite tuberculeuse qui emporta la malade.

2° Garçon de 4 ans 1/2, très nerveux et très impressionnable, qui a 3 crises de terreurs nocturnes consécutives à une angine à streptocoques. Quelques jours se passe sans que les crises se répètent, mais l’enfant se plaignant d’un mal de tête persistant, souffrant de nausées et paraissant fiévreux, on m’appelle près de lui afin de savoir s’il était indiqué de le purger. Je constate alors de la  raideur de la nuque,  la présence du signe de Kernig,  de l’inégalité pupillaire et de l’irrégularité du pouls.

La ponction lombaire n’a pas été faite. L’enfant a guéri au bout de 3 semaines. Mais pendant près d’un an il est resté déprimé. Il a repris ses études, mais son intelligence est manifestement amoindrie.

3° Garçon de 7 ans, atteints de troubles gastriques fébriles, puis, durant une semaine, d’asthénie marquée. À cet état succèdent de l’énervement, de l’insomnie et 3 fois des terreurs nocturnes. Le médecin de la famille, conformément à l’opinion générale exprimée dans les traités de pédiatrie, déclare que cet état n’est nullement alarmant et est lié à une intoxication digestive. Malgré le traitement prescrit les soins établis, l’enfant maigrit, dort mal est présent un accès de terreur nocturne suivie, après une 1/2 heure de sommeil, d’une crise de convulsions. Je vis l’enfant avec mon confrère et ensemble nous constatâmes des phénomènes non douteux d’irritation méningée. La ponction lombaire donna un liquide légèrement opalescent renfermant de nombreux lymphocytes, polynucléaires. [p. 680, colonne 1]

L’enfant est actuellement guérie, mais il articule difficilement les mots et présente une faiblesse extrême du membre supérieur droit.

4° Enfant de 8 ans, très instable de caractère, qui a eu à 4 ans une série de peurs nocturnes. Ces crises ayant réapparu depuis quelques semaines tous les 2 ou 3 jours, la famille va consulter, au mois de mai 1909,1 médecin spécialiste qui conseil de donner des bains tièdes quotidiens et d’isoler l’enfant.

Au mois de juin, l’état de l’enfant ne s’est pas amélioré : les terreurs nocturnes ont disparu, mais l’agitation et continuelle ; aussi la mère, de pouvant plus garder son fils, me l’amène afin de le placer à l’Institut Médico-Pédagogique. Au cours de mon interrogatoire j’apprends que depuis peu et la grâce des dents, il a des tics, il urine au lit, il a des poussé de fièvre.  Je m’aperçois qu’il a de l’exagération des réflexes rotuliens, de la contracture des membres inférieurs, et que son réflexe plantaire ça fait en extension dorsale. Comme de juste, je conseil à la famille de soigner son enfant rationnellement avant de prendre une détermination sur son entrée à l’Institut. L’enfant m’a été amené récemment : tous les phénomènes susnommés ont disparu, le caractère redevenu normal ne nécessite pas de soins médicaux pédagogiques.

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Étant donné le grand nombre des causes auxquelles on a attribué la production des terreurs nocturnes, étant donné leur variété, étant donné enfin les faits que je viens de signaler, nécessité est de conclure que cette affection n’a aucune homogénéité et que son classement parmi les névroses purement arbitraires.

La terreur nocturne constitue un symptôme traduisant l’irritation des centres nerveux : parfois ce symptôme a pour substrat une liaison ; le plus souvent dans l’état actuel de nos moyens d’investigation on redécouvre aucune manifestation organique.

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Quoi qu’il en soit, il est permis d’affirmer que ce symptôme n’a pas le pronostique bénin qu’on lui attribue généralement. Si tous les cas de terreurs nocturnes étaient soigneusement analysés, je suis persuadé qu’on entrouvrait plus fréquemment assimilables à ceux que j’ai rapportés. Il existe plus souvent qu’on ne le pense des réactions méningées qui passent inaperçues et guérissent sans incident : il n’est plus permis comme autrefois d’invoquer une réaction fonctionnelle des méninges, le méningisme ; une ponction lombaire donne souvent des surprises, et dans une leçon récente, le professeur et Hutinel (2) nous cite l’exemple d’un de ses internes qui ponctionna un enfant atteint d’oreillons pour se procurer du liquide céphalo-rachidien normale et qui fut tout étonné de trouver dans ce liquide une lymphocytose comparable à celle d’une méningite tuberculeuse !

D’ailleurs l’observation attentive d’un enfant atteint de terreurs nocturnes prouve que cette manifestation est rarement isolée et qu’elle fait partie d’un complexus symptomatique. La description schématique des traités médicaux ne donne qu’une idée imparfaite de la physionomie du malade : en général, surtout quand il existe une série de crises, l’accès est précédé d’agitation, d’instabilité, [p. 680, colonne 2] de phénomènes émotifs. J’ai souvent relevé à un degré quelconque de l’excitation et de l’incoordination psychomotrice.

La présence de terreurs nocturnes réclame beaucoup de soins : tous les auteurs reconnaissent bien que les enfants qui en sont affectés sont porteurs d’un état néphropathique ; mais tous les enfants névropathes même intoxiqués, et même ayant de fréquents cauchemars n’ont pas de terreurs. Celles-ci sont des hallucinations visuelles, qui peuvent ne durer que quelques instants et disparaître, mais qui peuvent aussi être suivi, chez certains enfants âgés, d’un délire continuant le rêve, analogue au délire onirique décrit par le Professeur Régis chez les intoxiqués. Leur apparition à une signification nettement péjorative : la vie du malade n’est pas en jeu, l’avion mental peut s’en ressentir.

Il existe des cas probants où la terreur nocturne est une ébauche de manie (Hesse), un équivalent de la crise épileptique, ou son prodrome.  Certains assimilent cette affection à l’hystérie et MM. Hutinet et Babonneix (3)  rappelle que Stekel, conformément aux idées de Freud et à sa conception originale de l’hystérie, lui reconnaît une origine sexuelle.

Dans les nombreuses observations d’enfants anormaux que j’ai entre les mains, je relève fréquemment des crises de terreurs nocturnes. De plus l’histoire de certains malades indique que la déchéance intellectuelle ou le déséquilibre psychomoteur, ayant déterminé le placement de l’enfant, ont apparu où se sont accentués après des périodes de troubles mal définis parmi lesquels figurent des peurs.

En admettant que les hallucinations hypniques des enfants ne dépendent qu’exceptionnellement d’une altération des éléments nerveux, il n’en reste pas moins établi que leur présence dénote une vulnérabilité cérébrale dont il faut tenir compte. L’enfant qui en souffre doit être soumis à des règles appropriées du ciel intellectuel.

Notes

(1) En particulier, voir la communication d’André Thomas au Congrès des aliénistes et neurologiste de langue française.  Nantes, 1903 :  la chorée de Sydenham maladie organique.

(2) Les or

Une fois deeillons : leurs complications. Bulletin médical. 29 octobre 1910.

(3) Les maladies des enfants, tome V, page 954.

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