Françoise Dolto. Attitude devant le symptôme. Extrait de les revue « Sauvegarde de l’enfance », (Paris), n° hors-série, 1951, pp. 199-201.

Françoise Dolto. Attitude devant le symptôme. Extrait de les revue « Sauvegarde de l’enfance », (Paris), n° hors-série, 1951, pp. 199-201.

 

Françoise Dolto, née Marette (1908-1988). Médecin et psychanalyste. Aujourd’hui tout le mode connait Françoise Dolto.Nous renvoyons donc à quelques unes de ses publications les plus significative :

— Psychanalyse et pédiatrie. Le complexe de castration. Etude générale – cas cliniques. Paris, Amédée Legrand, 1939. 1 vol. in-8°, 281 p., 1 fnch. Bibliographie. Président de thèse : Laignel-Lavastine.
Les sensations coenesthésiques de ben être et de malaise origines des sentiments de culpabilité. Extrait de la revue « Psyché – Revue internationale des sciences de l’homme et de psychanalyse », (Paris), avril-mai 1948, pp. 468-482. [en ligne sur notre site]
— Psychanalyse et pédiatrie. Les grandes notions de la psychanalyse. Seize observations d’enfants. Paris, Editions du Seuil, 1971. 1 vol. in-8°.
— Le cas Dominique. Paris, Editions du Seuil, 1971. 1 vol. Dans la collection « Le champ freudien ».
— Au jeu du désir les dés sont pipés et les cartes truquées. Extrait du Bulletin de la Société française de Philosophie, 1972. Paris, Armand Colin, 1972. 1 vol.
— L’image inconsciente du corps. Paris, Editions du Seuil, 1984. 1 vol.
— Tout est langage. Paris, Vertiges du Nord/Carrère, 1987. 1 vol.
— L’enfant du miroir. Paris, Rivages, 1987. 1 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.f

[p. 199]

ATTITUDE DEVANT LE SYMPTÔME

par le Dr. F. DOLTO (Paris)

Les enfants sont conduits au psychiatre pour des symptômes dans la mesure où ceux-ci sont gênants pour les autres. Nous ne devons absolument pas, à l’image des parents et des maîtres, croire que la disparition du symptôme signe la guérison de l’enfant. Parfois, comme l’a montré le docteur Lebovici, dans les suites lointaines d’un des cas d’un enfant soigné autrefois par Mme Morgernstern, la soi-disant guérison n’a été qu’une normalisation apparente et une aggravation de la névrose de l’enfant.

Comment pouvons-nous savoir, quand un symptôme disparaît, s’il s’agit d’une guérison ou non ? Comment pouvons-nous faire le diagnostic d’une névrose d’après un ou plusieurs symptômes ? Il nous faut chercher à faire le diagnostic de la situation énergétique, autonome, du sujet. Quelles sont les issues de ses pulsions actives et passives ? Sont-elles, dans leur traduction, en rapport avec son âge réel ? Où prend-il du plaisir ? Dans quelle zone de son corps, dans quelle manifestation de son activité ou de sa passivité, dans quel objet, en prenant son plaisir, sent-il confirmation de lui-même, sous le double aspect de se sentir à son aise (être) et se confirmer dans la direction de son développement (être plus devenant homme, ou plus devenant femme) ?

La théorie, confirmée tous les jours, de l’évolution de la libido nous permet de situer le symptôme par rapport à cette évolution à la place régressive ou non du symptôme dans l’expression libidinale du sujet.

A tel âge physiologique correspondent tels comportements érotiques et tels comportements affectifs par rapport à l’objet, comportements pris dans le sens très large de conduite à but d’accomplissement de soi, cet accomplissement étant ressenti comme dynamogène. Cette satisfaction, pourquoi n’est-elle que narcissique au lieu d’être intégrée à la puissance du sujet, c’est-à-dire à son efficacité sociale et ressentie comme telle par lui, en même temps qu’érotiquement satisfaisante ?

Je pense qu’intervient ici la notion de l’angoisse qui peut se rapporter à deux modes d’insécurité distincts, l’insécurité que j’appelle maternelle (au sens de mère source de vie introjectée ), se rapportant au malaise d’être, de se sentir [p. 200] exister, animé de pulsions actives ou passives, avant même que ces pulsions aboutissent à une expression quelconque (ce malaise peut exister à n’importe quel stade), et l’insécurité paternelle (au sens de père témoin introjecté) ; le malaise d’agir, d’exprimer dans telle manifestation apparente la tension amenée par les pulsions.

Dans le cas de l’enfant de 10 ans énurétique, soigné par Mme Morgernstern, nous assistons à l’effet de régression qu’a entraîné une thérapeutique où le transfert non analysé a provoqué la disparition du symptôme grâce à une régression. Désinvestissement érotique du pénis, de l’urètre. Investissement surajouté de l’attitude précédant, dans I’ évolution du garçon, l’époque urétrale, c’est-à-dire investissement des pulsions anales passives, et orales passives.

Au cours de son traitement il n’a pas récupéré, ni acquis, l’expérience de conduites agressives motrices, expressives de l’âge urétral, anal ou oral.

Or ce garçon énurétique était passif et réceptif, symptômes plus graves que l’émission nocturne d’urine, en admettant même que cette émission fût passive (on sait qu’il y a des énurésies passives et d’autres actives, sthéniques, souvent précédées d’érection ou concomitantes de légères érections). Or ces conduites régressives n’ont pas été vues comme des symptômes majeurs ni par l’entourage ni par Mme Morgernstern. En tout cas elle ne les a certainement pas explicitées, et son attitude générale à priori de « bonne grand-mère » à contre-transfert activement et affectueusement enveloppant permettait au garçon de renforcer à son contact son faux idéal du moi de garçon châtré sur le plan anal et oral (sage et muet). Ce garçon était à 10 ans dans un conflit d’étape homosexuelle, souffrait inconsciemment d’en être réduit à n’être que passif par refoulement d’agressivité à l’égard du frère aîné et du père. La mère désapprouvait l’énurésie, seule expression au niveau du pénis qui traduisait un érotisme phallique. L’analyste, en partageant d’une part le point de vue normatif, en donnant d’autre part des satisfactions -affectives de type régressif (intérêts affectueux, contre-transfert doucement enveloppant), a favorisé le renoncement à l’attention urogénitale et à sa satisfaction.

Le plaisir fait au médecin, pour se l’attacher ou garder son estime, a confirmé le sujet dans la non-valeur des satisfactions narcissiques sur le plan sexuel, c’est-à-dire à infirmer le sujet en tant que mâle. Cet enfant devenu homme est au même point qu’à dix ans, tel qu’il était affectivement après Mme Morgernstern, bien que sa physiologie ait évolué. Il se comporte génitalement soi-disant normalement, mais n’en éprouve aucune satisfaction (impuissance affective et érotique génitale, il n’a même pas d’orgasme urétral).

Il est fixé à sa propre image, il vêt sa personne avec recherche pour se complaire (narcissisme oral passif), l’argent qu’il gagne ne lui apporte pas de confirmation sociale de lui-même (sentiment d’impuissance anale) parce que son activité ne lui apporte en s’y livrant aucune satisfaction narcissique. L’activité qui lui plairait, mais est interdite, serait une activité où il triompherait d’une compétition victorieuse avec le frère aîné, et où il exhiberait ses œuvres (artiste).

CONCLUSION

L’attitude à tenir devant un symptôme nous paraît celle-ci : chercher à quel moment de l’évolution libidinale il se rattache (urétral, anal, oral). Quel type dominant de pulsions s’y exprime (actives ou passives), voire de quels autres [p. 201] conduites et comportements, attitudes, mimiques, phantasmes il s’accompagne. Respecter parmi ces manifestations qu’elles s’appellent symptômes ou traits de caractère ou tout autre mode d’expression d’existence en société ; non pas les respecter au nom d’un jugement de valeur sociale ou éthique, mais les classer par rapport à l’échelle des manifestations évolutives de la libido, donc respecter le symptôme non en tant que tel, mais en tant que mode d’expression énergétique. Étudier les résistances maintenues par l’angoisse à type d’insécurité devant les actes d’insécurité paternelle au sens père introjecté et d’insécurité devant les pulsions sous-jacentes aux actes {insécurité maternelle). Lever les barrières qui bloquent les manifesta tiens à la fois narcissiquement satisfaisantes et intégrer au moi les étapes libidinales chronologiquement révolues en commençant par libérer l’expression de l’étape immédiatement voisine du symptôme pour reculer dans les étapes antérieures jusqu’à la récupération complète de l’agressivité et de son expression acquise et expérimentée dans le transfert, puis ensuite dans des activités du moi.

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