Fodéré. De quelques Phénomènes qui s’exécutent sans le secours des sens externes ; rêves, songe, somnambulisme, extase. Extrait du « Traité du délire, appliqué à la médecine, à la morale et à la législation », (Paris), Chez Croullebois, tome I, deuxième section, Chap. VI, 1817, pp. 300-312

Fodéré. De quelques Phénomènes qui s’exécutent sans le secours des sens externes ; rêves, songe, somnambulisme, extase. Extrait du « Traité du délire, appliqué à la médecine, à la morale et à la législation », (Paris), Chez Croullebois, tome I, deuxième section, Chap. VI, 1817, pp. 300-312

 

François-Emmanuel Fodéré (1764-1835). Médecin et botaniste il est considéré comme le père de la médecine légale, avec la chaire de médecine légale créée à Strasbourg en 1814, où il fut nommé à l’unanimité. Quelques publications, toutes très importantes pour l’histoire de la psychiatrie :
— Essai sur le goitre et le crétinage, Turin, Imprimerie royale, 1792,
— Analyse des eaux thermales et minérales du Plan de Fasy sous Mont-Lyon, district d’Embrun. Embrun, imprimerie de Moyse, 1794,
—  Mémoire sur une affection des gencives et de l’intérieur de la bouche, endémique parmi les troupes de l’armée des Alpes. Embrun, imprimerie de Moyse, 1794,
— Essai sur la phtisie pulmonaire. Marseille, imprimerie de Jouve, 1795
— Traité du goître et du crétinisme, précédé d’un Discours sur l’influence de l’air humide sur l’entendement humain. Paris, Bernard, 1799, .
— Mémoires de médecine pratique sur le climat et les maladies du Mantouan, sur le quinquina, sur la cause fréquente des diarrhées chroniques des jeunes soldats et sur l’épidémie actuelle de Nice. Paris, Croullebois, 1800
— Essai de physiologie positive appliqué spécialement à la médecine pratique. Paris, Veuve Seguin et Fils, 1806, tome 1,
— Rapport historique et médical de la maladie qui a régné ce printems 1810, dans le quartier de la Valentine, territoire de Marseille, fait à la Société de Médecine de cette ville, au nom d’une commission spéciale, chargée de l’examen de la maladie. Marseille, imp. de Joseph-François Achard, 1810.
— De infanticidio, typis Levrault (Argentorati), 1814 [Thèse de médecine, 396 – Strasbourg]. 
— Traité du délire, appliqué à la médecine, à la morale et à la législation. Paris, Crapelet, 1816. (2 volumes).
— Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de police de santé, adapté aux codes de l’Empire français, et aux connaissances actuelles, à l’usage des gens de l’Art, de ceux du Barreau, des jurés et des administrateurs de la santé publique, civile, militaire et de marine. Paris, 1798.
— Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de police de santé : adapté aux codes de l’Empire français et aux connaissances actuelles, à l’usage des gens de l’Art, de ceux du Barreau, des jurés et des administrateurs de la santé publique, civile, militaire et de marine [2ème édition]. Paris, Mame , 1813-1815, 6 volumes.
— Essai historique et moral sur la pauvreté des nations : la population, la mendicité, les hopitaux et les enfants trouvés. Paris, Huzard, 1825
— Essai médico-légal sur les diverses espèces de folie vraie, simulée et raisonnée : sur leurs causes et les moyens de les distinguer, sur leurs effets excusants ou atténuants devant les tribunaux, et sur leur association avec les penchants au crime et plusieurs maladies physiques et morales. Strasbourg, L.F. Le Roux, 1832,

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les notes de bas de page de l’article original ont été renvoyées en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 300]

De quelques Phénomènes qui s’exécutent sans le secours des sens externes ; rêves, songe, somnambulisme, extase.

§.  138. Dans ce qui fait le sujet de ce Chapitre, l’homme pourvu de tous les biens que lui a procurés sa vie de relation, travaille seul, existant par lui-même, isolé de l’univers, et n’empruntant aucun secours des sens externes. Deux êtres d’une égale activité semblent ici être en mouvement, le principe vital, pour ce qui tient à la conservation de l’individu, l’âme intelligente pour les actes de sa compétence. Très-souvent, sans doute, ces actes sont mélangés, tumultueux [p. 301] et insignifians, mais quelquefois aussi ils sont parfaitement séparés et très significatifs.

Les rêves et les songea, le somnambulisme et l’extase ont été de tout temps un sujet d’admiration pour les penseurs comme pour le peuple ; ils aident, à notre avis, à deviner la nature de l’homme et ils nous paraissent avoir une grande analogie avec la folie ; ce qui fait que nous ne devions pas passer sous silence quelques fais bien constatés, qui engageront ceux qui aiment à réfléchir à étudier davantage ces phénomènes.

§.  139. Les rêves sont ordinairement confondus avec les songes, mais ils doivent en être distingués car les animaux rêvent aussi-bien que les hommes ; cependant ils ne songent pas, dans le sens que je vais donner à ce dernier mot. On ne peut presque pas douter ce me semble, qu’il ne se fasse durant le sommeil une concentration de la vitalité sur elle-même, et en même temps (dans plusieurs circonstances) une réaction de l’être intelligent sur lui-même, semblable à ces opérations si souvent exécutées durant la veille sans le secours des sens, et par le seul intermède de la mémoire. J’appelle rêves les produits du premier état, isolé des opérations intellectuelles, et songes ceux du second.

§.  140. Il y a pourtant plus fréquemment un état intermédiaire, qui fait que les songes et les rêves ont presque toujours été confondus et qu’on n’a pas donné à chacun d’eux pris isolément l’attention qu’il mérite, c’est celui où les passions, exerçant durant le sommeille même [p. 302] empire que durant la veilles (§. 93), et se confondant avec les opérations de l’âme intellectuelle, produisent pendant que nous dormons un véritable délire, pareil à celui que nous appelons folie durant la veille. Il est aisé de voir, en effet, que les rêves sont toujours l’expression de la passion dominante de l’individu, de son tempérament particulier, de l’état de ses digestions, de la circulation et des autres fonctions. Les rêves d’amour, de haine, de terreur, de vengeance, de boire et de manger, etc., sont évidemment le résultat des sensations auxquelles nous sommes habitués, et de la réaction vitale des organes intérieurs les plus exercés. L’homme d’un tempérament sanguin rêve des chants, des danses, des combats, des feux brillants, des rixes : ce sont la mort, les spectres, les souterrains, des solitudes, des traîtres, etc. pour celui qu’on a nommé mélancolique : des lieux humides, des marécages, de l’eau, des objets décolorés, pour le flegmatique ou le pituiteux : des assassinats, des empoisonnemens, des foudres, des incendies, etc. pour le tempérament bilieux : rapport entre les rêves, les habitudes, le genre de vie, le tempérament, et les dispositions à telle ou telle affection, et même aux maladies que tous les médecins anciens et modernes ont remarqués, et que j’ai eu souvent l’occasion d’observer dans une assez longue pratique.

La similitude entre le délire en rêve et le délire en veillant est particulièrement remarquable lorsque l’illusion est encore favorisée par [p. 303] les sens du toucher, sens dont l’activité se conserve quelques fois pendant le sommeil : une simple piqûre de puce, d’épingle, et même de paille, une inégalité dans le lit, une position un peu gênante, etc., donne parfois lieu à des rêves de coup d’épées reçues, de montagne difficile à gravir, de précipice à éviter, etc. Mais, lorsqu’on considère que tant de gens dorment sans rêver sur des corps durs, et dans des positions qui n’ont pas permis de choix, l’on ne peut qu’en inférer que les premiers ne jouissent pas d’une santé parfaite ; de même nous verrons les insensés être trompés par les altérations que leurs sens ont éprouvées dans l’état général de maladie où ils se trouvent.

Georges de La Tour (1593-1652) L’apparition de l’ange à Joseph dit Le songe de Saint-Joseph,
(1628-1645), Musée des Beaux-arts de Nantes.

La plupart de ceux qui rêvent rectifient en s’éveillant les erreurs du sommeil ; l’on en voit cependant en qui l’habitude de ces rêves donne insensiblement lieu à des hallucinations singulières durant la veille, qui amènent un délire permanent : il ne manque pas de ces êtres faibles, ou par nature ou par système, subjugués la longue par cette réaction de l’âme sensitive sur la faculté pensante, qui donne naissance à des sensations et à des jugemens les plus gigantesques et les plus bigarres ; et cette considération établit une nouvelle analogie entre la folie et les rêves d’autant plus que, de même que la médecine peut parvenir à faire cesser les rêves en en étudiant la cause et en l’éloignant, de même aussi elle parvient par les mêmes procédés à éloigner et à faire cesser les délires de la veille.

§.  141. Des rêves plus purs sont ceux où l’imagination [p. 304] n’a qu’une très-faible part, qui appartiennent à l’état de souffrance de la vie intérieure, où le sens du toucher intérieur, produisant les mêmes sensations que nous l’avons vu produire à l’extérieur, fait voir, comme à travers un microscope qui grossit extraordinairement, un danger quelconque dont l’existence est menacée ; phénomènes dont l’étude constitue ce que les Anciens ont appelé onirocritie médicale, science qui n’est pas toujours à mépriser.

Le dérangement de l’estomac et les indigestions occasionnent ordinairement des rêves très-fatigans, et présentent des tableaux hideux. On connaît le sentiment pénible appelé cauchemar qui naît de l’embarras de la circulation pulmonaire, et la sensation d’étouffement, qui fait que, dans l’hydropisie de poitrine, le malade ne peut fermer les yeux un instant sans se réveiller en sursaut. Presque toujours dans les hydropisies, en général, et particulièrement dans les engorgemens séreux du cerveau, on voit en rêve des étangs, des fleuves, des marais ; dans la pléthore sanguine, qui menace d’une grande hémorrhagie, on rêve du sang, ou des corps effrayans de couleur rouge. Plusieurs auteurs parlent de violentes douleurs, ou de toute autre sensation extraordinaire éprouvées en rêve dans une partie du corps, intérieure ou extérieure, qui, peu après, a été frappée effectivement d’inflammation et même de gangrène c’est ce qui se remarque surtout le plus souvent pour la goutte… Effets admirables des forces conservatrices de la vie, qui nous fournissent des signes et des données [p. 304] précieuses dans la médecine-pratique, ainsi que M. Double, médecins de Paris, l’a fort bien insinuer dans son Traité de Séméiologie. [en ligne sur notre site]

§.  142. Pour ce qui regarde les songes proprement dits (§. 139), l’on sait qu’il n’est pas absolument rare que les savans en bonne santé, fortement occupés, pendant la veillée, du sujet de la méditation, s’en occupe durant le sommeil; et y découvre même alors quelques nouveaux points de vue. Dans mon essai de Physiologie positive, j’ai rapporté, d’après Muratori, ce qui lui est arrivé à lui-même, savoir qu’il avait fait endormant de beau vers latins, sujet dont il ne s’était pas occupé depuis longtemps. On ne peut pas non plus tout à fait traité de rêverie ses pressentimens et cette espèce de divination qui constitue certains songes, et dont l’histoire ancienne et moderne fourni de nombreux célèbres exemples. Pourquoi en effet, lorsque durant la veille, l’âme se repliant sur elle-même et s’isolant des objets hors de nous, peux prédire, ainsi qu’on ne saurait me le contester, l’avenir par le passé et le présent, ne jouirai-t-elle pas du même privilège, par son activité, durant le sommeil du corps ?

Seulement il faut appliquer à ses songes, pour reconnaître leur justesse ou leur fausseté, le même procédé que pour distinguer la folie d’avec la raison ; savoir, qu’on doit les regarder comme des fruits d’une intelligence sage lorsqu’il porte le même caractère de justice et d’équité qui accompagne les pensées et les actions de l’homme durant [p. 306] la veille, et lorsque les jugements sont déduits de prémisses qui sont entièrement dans la sphère des possibilités humaines ; quelles sont les véritables songes, enfants légitimes de l’âme intelligente : le reste n’appartient qu’aux rêves.

§.  143. Lorsque l’impression déterminée en nous par le songes et le rêve est très forte, l’expérience prouve qu’elle va jusqu’à déterminer des mouvemens dans les muscles de la locomotion. Il faut distinguer à cet égard des mouvemens irréfléchis avec ceux qui paraissent dépendre de la volonté ; les premiers ont particulièrement lieu dans un sommeil imparfait et troublé, et chez les personnes qui ne dorment qu’à demi, comme chez les enfants, les jeunes femmes, et même certains animaux domestiques, telles que les chiens, les chats, etc., par suite d’une terreur soudaine qui a pris naissance dans un premier rêve ; on cherche alors à s’échapper, on appelle du secours, etc. Mais l’homme seul est capable d’une série d’actions entreprises exécutées avec méthode durant le sommeil ; phénomène singulier, connu sous le nom de somnambulisme, que Horslius a très bien décrit dans un traité ex professo, et qui était nouvellement considéré par feu le docteur Wienhold, d’Altembourd, dans un mémoire particulier publié en 1806, dans lequel il était prouvé que tous les sens sont parfaitement insensibles dans cet état (1). Nous allons le considérer sur le rapport du rêve et du songe. [p. 307]

§. 144. Ce ne sont pas toujours des idées et des actions du domaine de l’intelligence pure, qui sont l’objet du somnambule ; mais la plupart du temps c’est, comme dans les rêves, l’insurrection des passions habituelles et dominantes qui suscite ces actes, après avoir subjugué la raison. Ainsi Salius, rapporte l’histoire d’une femme âgée de dix-neuf ans, très lubrique, qui se levait toutes les nuits, en dormant, pour s’échapper de la maison, et qui, éveillée par son mari, et retournant au lit en pleurant, lui exposait qu’elle avait rêvé qu’elle fuyait pour éviter les poursuites d’un vénitien qui voulait lui faire violence. J’ai parlé ailleurs d’un moine qui passe toute endormie dans la cellule d’un autre moine, son ennemi, pour le poignarder, et qui en poignarda effectivement le lit, celui qui y couchait, s’étant trouvé absent. A ce fait on peut ajouter celui bien plus extraordinaire, rapporté par Alleman, d’un somnambule parisien qui traversa la Seine, en dormant, armé d’une épée, pour aller tuer son ennemi de l’autre côté ; après quoi il refit le même chemin, il se remit tranquillement dans son lit (2).

§.  145. Galien rapporte avoir été lui-même somnambule, et avoir, en dormant, parcouru presque un stade en entier (3). Nous ne manquons pas d’exemple (et j’en ai cité quelques hein dans le tome premier de mon Traité de Médecine [p. 308] légale, §. 179, 2e édit.) d’actions et de devoirs pendant le sommeil, avec autant et même plus d’exactitude que durant la veille. L’on est forcé de dire quand pareil cas, l’imagination nous représente tellement au naturel ce que les sens ont offert à la pensée durant la veille, que la volonté est aussitôt déterminée à exécuter ce qui vient d’être conçu. Grand nombre d’individus orateurs, poètes, musiciens, mathématiciens, etc., ont exécuté en dormant des ouvrages dont ils n’ont pas eu à rougir étant éveillés, qui même ont été souvent mieux exécutés, ce qui a donné lieu à la fable des esprits follets, des sylphes, des pactes avec le malin esprit, etc.

C’est phénomènes sont du même genre que le genre humain, et un auteur très-ancien les avait déjà observés lorsqu’il dit textuellement : « que c’est l’âme qui préside à la vue, à l’ouïe, au tact, au goût, à l’odorat, à la marche, à l’action, enfin à chaque faculté du corps vivant ; que lorsque celui-ci repose, l’âme n’en est pas moins en mouvement, continuant à connaître, à voir, à entendre, à toucher, à agir, à s’attrister ou se réjouir, enfin à remplir toutes les fonctions de l’homme qui veille ;  cet homme interne, continue l’auteur, exécute ce qu’il fait avec d’autant plus d’élégance et de précision ; il marche avec d’autant plus de sûreté dans les endroits les plus périlleux, qu’il n’est pas détourné par le réveil ; car s’il est excité par des cris ou autrement, il court alors les plus grands dangers dans cette espèce d’antagonisme entre les sens [p. 09] internes celui des sens externes (4) »Nous verrons les maniaques avoir de fréquens rapports avec les somnambules.

§. 146. On nous a rapproché du somnambulisme l’extase, dans quelques individus se trouve saisi involontairement ou volontairement (comme le faisaient Saint Thérèse et quelques autres), et qu’on pourrait presque appeler somnambule qui veille. Cet état, qui appartient aux névroses, est sujet, comme toutes les maladies de ce genre, ou type périodique, et il indique très bien aussi la propriété qu’a l’homme interne de se séparer de l’externe, et des études et d’exécuter des actes tout aussi parfaits que dans l’intégrité de la communauté, suivant les habitudes du malade. Je vais en rapporter deux exemples bien concluants, si jamais il en fut ; l’un tiré d’un mémoire lu par M. Désessarts en 1810, à l’Académie de Médecine de Paris, concernant un jeune Anglais dont la maladie a duré depuis le 26 novembre 1806 jusqu’au printemps 1808, histoire qui, par le grand nombre de témoins éclairés qui ont vu les faits qui la composent, est d’une vérité incontestable. L’autre exemple a été recueilli et consigné par M. Savary, médecin qui était d’une grande espérance

C’est anglais, alors âgé de quinze ans, et d’une éducation très soignée, s’occupait particulièrement dans ses paroxysmes, où il ne voyait et n’entendait absolument rien, ainsi qu’on a vérifié plusieurs fois, et qui était périodique de deux [p. 310] jours l’un, de mathématiques, du tracé et du calcul logarithmique, qui étaient ses travaux favoris. Ces opérations étaient rapides et justes quoiqu’elles exigeassent une attention scrupuleuse et une grande suite dans les combinaisons ; c’était tous les jours des problèmes nouveaux qu’il résolvait par conséquent pour la première fois, en sorte qu’on ne pouvait les attribuer à une reproduction machinale de la mémoire, etc. etc.

Après que plusieurs célèbres médecins eurent employé inutilement tous les anti-spasmodiques les plus puissant contre cette catalepsie, ou cet tat extatique singulier, on appela le docteur Leigthon, qui jugea que le siège principal de la maladie était dans les organes digestifs ; que c’était eux qu’il fallait traiter, et non les nerfs, assurant que ces derniers cesseraient de souffrir dès qu’on serait parvenu à détruire le vice qui causait leur désordre. Il leur donna dans cette vue de prendre tous les soirs une cuilleré d’huile de castor (huile de ricin, nommé par les médecins anglais huile de castor), qui  produisit d’abondantes évacuation de matières d’une très mauvaise qualité ; il associa à cet huile des pilules composées d’aloès, de calomel, de savon et de gingembre.  Après un mois de ce traitement, aidé d’un régime convenable, l’accès ne revient plus (5).

Dans l’observation du docteur Savary, il s’agit [p. 311] d’un ouvrier armurier, agé d’environ trente ans, sujet à des accès de catalepsie (6), accompagnés de délire, qui revenait périodiquement chaque jour, presque à la même heure, et qui durait depuis une jusqu’à quatre ou cinq heures.  Cet ouvrier fut placé à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, en 1805, et observé par plusieurs personnes. Ses accès présentaient les particularités suivantes : ils commençaient ordinairement par quelques mouvements convulsifs, ensuite le malade était pris d’un délire gai, dans lequel il exprimait exactement par la parole et par le geste toutes les scènes que son imagination lui retraçait :  croyait-t-il par exemple être en course ou occupé des travaux de son métier, on voyait ses bras et ses jambes se mouvoir de la même manière que s’il eût exécuté réellement ses diverses actions.  Une fois, dans son délire, croyant être à la table avec plusieurs amis, il faisait tous les frais de la conversation, s’invitait à boire de temps en temps, et aussitôt après exécutait les mouvements de la déglutition avec tant d’exactitude, que, si en ce moment, on versait une boisson dans sa bouche, il l’avalait naturellement et sans se déconcerter. L’auteur parle encore de plusieurs autres scènes du [p. 312] même genre, durant lesquelles le malade ne voyait ni l’entendait (7). Je dois faire remarquer que le mot délire, dont l’auteur se sert ici, est un terme impropre, s’agissant d’actes qui s’exécutaient suivant la raison, ou conséquemment au travail de l’intérieur.

Notes

(1) Bibliothèque médicale, tom. XIV, p. 392 et suiv.

(2) Adr. Allemans., Comment. Ad libr. Hippocr. De aëre, aquâ et ocis.

(3) De Mucul. Motu, liber II., cap. 4.

(4) Hippocrate, in libro de Insomnis.

(5)  il faut lire en entier cette histoire intéressante et instructive, dans le Journal général de Médecine de Paris, tome XL, p. 155 et suiv.

(6) M. Bérard,  peur de l’article extase, du XIVe  volume du dictionnaire des sciences médicales, a très bien fait remarquer qu’il ne faut pas confondre Extase avec la catalepsie, maladie qui en diffère essentiellement aux physiques et au moral ; mais il a mal fait de la placer dans la classe des aliénation mentale, car ce n’en est pas une. Voyez le mot extase au livre ci-dessus.

(7) Bibliothèque médicale, tom. XXXV, p.206.

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