E. Vaïsse-Cibiel. Un procès de magie au Parlement de Toulouse. Extrait des « Mémoires de l’Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse », (Toulouse), 6émes série, tome V, 1867, pp. 152-171.

E. Vaïsse-Cibiel. Un procès de magie au Parlement de Toulouse. Extrait des « Mémoires de l’Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse », (Toulouse), 6émes série, tome V, 1867, pp. 152-171.

 

Jean-François Emile Vaïsse-Cibiel (1829-1884). Membre de sociétés savantes de Toulouse, dont l’Académie des jeux floraux.

[p. 152]

UN PROCÈS DE MAGIE
AU PARLEMENT DE TOULOUSE (l)
(Octobre 1614)

Par M. E. VAÏSSE-CIBIEL.

Les procès de magie et de sorcellerie occupent une place considérable dans l’histoire des XVIe et XVIIe siècles. Spectacle singulier ! Au moment où l’esprit humain sort des langes de l’ignorance, à l’heure de ce réveil intellectuel qui s’opère sous l’influence de la Réforme et de la Renaissance, il semble que les croyances maladives et superstitieuses tentent un dernier retour offensif contre l’humanité. Descartes va paraître et poser les bases de la philosophie expérimentale ; l’ère de la pensée moderne va s’ouvrir, et l’on croit encore aux sortilèges, aux évocations, à tous les pouvoirs occultes et diaboliques. Le procès fameux d’Urbain Grandier et des Ursulines de Loudun éclate en 1634, en pleine renaissance intellectuelle, deux ans avant l’apparition du Cid et du Discours sur la méthode. Les poursuites criminelles pour cause de magie se continuent jusqu’en plein XVIIIe siècle. En 1718, un sorcier est encore brûlé par arrêt du parlement de Bordeaux. Bien mieux, la clémence royale ne peut contenir le zèle des Parlements. En 1672 (au rapport de M. Maury, de l’Institut (La magie et l’astrologie dans l’antiquité et au moyen âge), le roi ayant voulu qu’on sursît à un procès intenté, contre un grand nombre de magiciens, le Parlement de Rouen adressa à ce sujet une requête à Louis XIV, réclamant la poursuite des prévenus.

On s’expliquerait difficilement la persistance de ces [p. 153] rigueurs si l’on ne savait que des hommes considérables par leur savoir et par leur position leur ont donné un fondement juridique dans leurs écrits. Mou savant maître et confrère, M. Molinier, a montré dans son remarquable Mémoire sur Bodin, publié dans nos Mémoires de 1866, le curieux spectacle d’un homme éclairé, libéral, qui sur tous les points devançait son siècle, hormis sur cette question obscure et redoutable de la magie. Non-seulement Bodin, dans sa Démonomanie, croit aux sorciers, mais il appelle sur leur tête les rigueurs de la justice et il fournit contre eux des preuves de conviction et des moyens de procédure.

Boguet, grand-juge de Saint-Claude en Franche-Comté, mort en 1616, publia aussi un Discours sur les Sorciers (Lyon 1608) qui devint à la fois un ouvrage classique sur la matière et une arme terrible dans les mains des juges laïques et ecclésiastiques.

Enfin, plus près de nous, Pierre de Lancre, conseiller au Parlement de Bordeaux, s’est rendu doublement célèbre : d’abord en publiant son Tableau de l’inconstance des mauvais anges et des démons ; puis en acceptant, en 1609, la terrible mission d’aller réprimer la sorcellerie en pays Basque. Pierre de Lancre raconte lui-même dans son livre, avec la quiétude du devoir accompli, qu’il fit, dans son expédition de quatre mois, brûler soixante sorcières, et qu’il en fit examiner plus de cinq cents, toutes marquées du signe du Diable. Plusieurs prêtres, convaincus de pratiques diaboliques, montèrent aussi sur le bûcher.

Comment s’étonner de la persistance de la superstition, quand on voit de graves magistrats, de doctes juristes, non-seulement soutenir la réalité de ces chimères, mais encore encourager de leur crédit la violence de la répression.

Cela équivaut-il à dire qu’il n’y avait rien, absolument rien au fond de ces sombres et mystérieuses images qui planent au-dessus du moyen âge et qui projettent leur triste reflet jusqu’au milieu des temps modernes ?

Telle n’est pas absolument notre pensée. Suivant l’opinion [p. 154] de doctes historiens qui ont profondément creusé ce redoutable problème, nous croyons qu’il y avait là cette attraction invisible de l’âme humaine vers le merveilleux, attraction dont notre époque n’est pas plus exempte que les précédentes, témoins le spiritisme, les médiums, les tables tournantes. Au moyen âge, pendant la longue servitude, il y avait, en outre, chez le serf, le besoin de demander à des puissances inconnues le soulagement de maux trop réels. Le sabbat a existé. « Ce fut une création du désespoir, a dit Michelet. C’est la révolte nocturne du serf contre le dieu du prêtre et du seigneur, » ajoute-t-il par une définition lumineuse.

A ces causes il faut se hâter d’en ajouter une autre, la plus active assurément, et que j’appellerai l’influence pathologique. La science moderne a rendu ce point manifeste aujourd’hui. M. Alfred Maury a prouvé, dans son livre de la Magie et de l’Astrologie, dont on ne saurait trop recommander la lecture aux derniers sectaires du merveilleux, que tous les phénomènes magiques, incantations, sortilèges, visions diaboliques, possessions démoniaques, etc., peuvent s’expliquer par des causes naturelles, au nombre desquelles le savant critique place les maladies mentales et nerveuses, l’emploi des narcotiques et des anesthésiques, l’hystérie, l’hypnotisme et le somnambulisme. Ajoutons-y enfin la supercherie, qui n’a pas été l’élément le moins puissant en tout ceci, et nous aurons énuméré les principaux agents de tous ces phénomènes extraordinaires.

Les écrivains que j’appellerai les « classiques des sciences occultes » ont de tout temps divisé la matière qui fait l’objet de leurs curieuses investigations en deux branches ; la magie noire et la magie blanche : division que nous citons pour mémoire et sans lui prêter le moindre crédit scientifique. La première de ces magies, qui est à la fois la plus obscure et la plus triviale, comprenait les basses pratiques de la sorcellerie vulgaire, les croyances superstitieuses aux nécromants, le commerce physique avec les démons, etc. C’est la partie grossière d’un sujet déjà trivial et grossier. Autre chose est la [p. 155] magie blanche, ici on touche presque au sérieux, je n’ose pas dire à la science. L’homme a toujours eu la prétention, sinon le pouvoir, de connaître et de soumettre à son empire les éléments matériels. Mais, au lieu de suivre les voies tracées par la science moderne, c’est-à-dire l’observation et la critique expérimentale , l’homme, en des temps d’ignorance, a cru pouvoir arriver à cette domination du monde physique , d’un bond, sans méthode, Sans études préalables, sans analyse, par des formules cabalistiques et des recettes magiques.

L’alchimie, l’astrologie, ce que j’ose appeler à peine la magie scientifique, sont la résultante de ce désir insensé, de cette ambition de subjuguer la nature et d’exploiter ses éléments par des moyens surnaturels. La recherche de la pierre philosophale, la transfusion des métaux et d’autres chimères procèdent de cet ordre d’idées. L’histoire nous présente un de ces types de savants demi-sorciers dans Nicolas Flammel, et la poésie germanique en a immortalisé un autre sous les traits pensifs du vieux docteur Faust.

Le procès dont je vais avoir l’honneur de vous entretenir rentre, en une certaine mesure, dans ce même courant d’idées. Il ne s’agit pas d’un sorcier vulgaire, tenant commerce avec le démon pour la satisfaction de ses sens, c’est un homme éclairé qui — d’après l’accusation du moins — prétendait à la domination de la matière et qui — toujours selon ses accusateurs — visait un but précis, palpable : la fabrication de fausse monnaie. C’est, on le voit, de la magie appliquée et non plus de la magie spéculative.

Nous sommes en 1614, à Toulouse, à une époque féconde en procès retentissants. Le moine augustin, Burdeüs et ses complices viennent de suivre la belle Violante de Batz sur l’échafaud. Cinq années seulement nous séparent du jour où Lucilio Vanini expiera sur le bûcher ses hardiesses philosophiques.

Le greffier Malenfant, qui nous sert de guide dans cet exposé, rapporte que, vers la fin de septembre de cette année 1614, la chambre Tournelle du Parlement condamnait au dernier [p. 156] supplice un nommé Blanchard, originaire de Fanjaux. C’était un faussaire fameux, qui contrefaisait les actes publics, imitait jusqu’à l’illusion les lettres des notaires, fabriquait la fausse monnaie, le tout par des procédés mystérieux que l’instruction ne put pénétrer, mais qu’on soupçonna véhémentement infectés de magie. En ce temps, au reste, on faisait intervenir la magie partout où l’adresse paraît suffire de nos jours. La magie s’appliquait jusqu’à la matière des écritures, et une signature bien imitée passait aisément pour œuvre de démon. Le bruit courut, après l’exécution de Blanchard, que le condamné avait cédé aux épreuves de la question et fait des révélations qui compromettaient une foule de complices. Grand émoi parmi les personnes — nombreuses encore à cette époque — qui se livraient à la pratique des sciences occultes.

Parmi ces dernières, nul ne ressentit plus de trouble qu’un prêtre, nommé Jean Dusel, autrefois jacobin, mais rejeté de la religion de saint Dominique par la réforme du P. Michaëlis, et qui, à suite de cette expulsion, avait été placé par l’autorité épiscopale, en qualité de vicaire, à l’église Saint-Pierre-des-Cuisines (2). Jean Dusel, troublé par les révélations de Blanchard, craignant d’être compromis par les aveux de ce condamné, mit (ici nous citons textuellement [p. 157] un passage du greffier Malenfant, qui parle de ces choses avec une religieuse horreur conforme à l’esprit du temps) mit, dis-je « plusieurs cahiers de magie écrits de sa main et contenant des choses exécrables, dans un sac avec un autre sac plein de sable propre à mouler en argent, sur or ou autre métal fondu ; et comme Dieu l’aveuglait, en mettant ces cahiers dans le sac il y mit aussi plusieurs obédiences qu’il avait eues de ses supérieurs jacobins. »

Malenfant a besoin de faire remarquer que Dieu aveuglait son indigne ministre, en lui suggérant l’idée de placer des lettres d’obédience à côté de ses cahiers de magie. Car c’était signer son crime, si crime il y avait. Jean Dusel, muni de ses deux sacs, l’un renfermant la preuve du crime de magie, l’autre la preuve du crime de fausse monnaie, va cacher l’un et l’autre dans le cimetière de sa paroisse, près du mur qui séparait ce cimetière de l’enclos des Chartreux.

« Quelques jours après » (continue Malenfant, dont il nous serait difficile d’imiter la naïve narration, et que nous préférons transcrire en ce passage), « des maçons démolissant ladite muraille, pour la refaire à neuf, trouvèrent le sac, lequel ils portèrent aux Pères chartreux qui l’ouvrirent et le trouvant plein de choses abominables de magie, en donnèrent avis à M. de Rudelle, vicaire-générâl de Mgr l’Archevêque, lequel se transporta sur, le lieu, et après avoir fait une sommaire apprise de la façon dont ce sac avait été découvert, trouvant en icelui les obédiences de ce Dusel, l’envoya quérir et le fit constituer prisonnier  aux prisons de l’Ecarlate , où étant il envoya dans sa maison pour visiter quelles autres choses s’y trouveraient. Il [p. 158] n’y fut trouvé autre chose qu’un vieux bréviaire de L’ordre de saint Dominique, fort frippé, aux deux premiers feuillets duquel étaient écrites deux oraisons en forme de conjurations, l’une pour guérir du mal des yeux et l’autre des dents, lesquelles ledit Dusel avoua avoir écrites de sa main ; un vieux missel dans lequel était enclose une pièce de parchemin vierge, qu’il dénia y avoir mise, avoua toute fois le bréviaire et missel être à lui ; plus y furent trouvées deux promesses qu’il avoua avoir écrites de sa main pour argent qu’autrefois il avait emprunté, et après avoir payé les avait retirées, et sur ce qu’il dénia avoir écrit les cahiers de magie et n’être pas à lui, disant que ces obédiences qui avaient été trouvées parmi, lui avaient été dérobées et mises dans ce sac par quelque sien ennemi pour le perdre ; vérification de la comparaison des lettres ayant été ordonnée, les experts jugèrent que celui qui avait écrit les deux oraisons du commencement du bréviaire et les deux promesses acquittées, avait écrit les cahiers de magie. »

Sur ce, Jean Dusel est maintenu de plus fort dans la prison de l’Ecarlate (3), et son procès est poursuivi aux diligences des juges ecclésiastiques de l’officialité. Le récit de Malenfant, que nous avons tenu à transcrire dans toute sa teneur incorrecte et naïve, prouve combien en ces matières les juges s’abandonnaient à des indices futiles. Ainsi voilà un prévenu, placé sous une accusation capitale, sur lequel on exerce de rigoureuses investigations, et auquel on oppose « deux oraisons, en forme de conjurations, l’une pour guérir le mal des yeux, l’autre le mal de dents. » Cet indice, [p. 159] puéril à nos yeux, était grave pour les juges de l’époque; car une des applications que les sorciers et les magiciens faisaient de leur art mystérieux, était précisément la médecine. Qui ne sait que cette tradition s’est conservée dans les campagnes, même de nos jours, et que les individus adonnés à une profession solitaire, comme les bergers par exemple, ont la réputation de posséder des secrets et des philtres capables de guérir tous les maux ? Quelques auteurs ont cru même que tout le fonds de la sorcellerie au moyen âge n’était que cela, c’est-à-dire la médecine du pauvre. Telle n’est pas notre opinion, et nous croyons, comme nous l’avons dit plus haut, qu’il y eut au moyen âge des assemblées réelles, dans lesquelles le serf allait nuitamment chercher un soulagement passager à ses maux, soulagement qui se traduisait en excès de plusieurs sortes. Mais laissons cette question incidente et revenons à Jean Dusel, dont le procès doit nous fournir quelques indications plus utiles.

L’officialité poursuit donc l’instruction contre le vicaire de Saint-Pierre, et se prépare à rendre sa sentence ; mais, sur ces entrefaites, le Parlement a connaissance de l’affaire et l’évoque sans délai à sa barre. Ce conflit de juridiction a une importance historique. Les tribunaux ecclésiastiques avaient toujours essayé en France de s’emparer des procès de ce genre. En Espagne, leur compétence n’avait jamais été contestée, et l’Inquisition faisait main basse sur les sorciers et les nécromants, aussi bien que sur les renégats et les juifs. Chez nous, il en fut autrement. Dès le XVIe siècle, pour éviter les empiétements de la justice cléricale, le chancelier de l’Hôpital s’opposa à rétablissement de l’Inquisition et favorisa la juridiction des tribunaux laïques sur tous les délits de conscience. Le Parlement de Toulouse, plus jaloux qu’aucun autre de ses prérogatives, tint la main à l’intégrité de sa compétence. En ce qui touche les procès de magie en particulier, un fait singulier se produit à la même heure qui atteste la prédominance définitive qu’acquiert, au XVIIe siècle, la justice laïque. [p. 160]

Trois Parlements voisins, celui de Bordeaux, celui de Toulouse, celui d’Aix, affirment au même instant le même principe.

Ainsi Pierre de Lancre est commis, en 1609, par le Parlement de Bordeaux, pour aller réprimer la sorcellerie en pays Basque, et, chose, notable qui marque la différence du régime judiciaire dans les deux pays, tandis que la commission laïque présidée par de Lancre poursuit son œuvre de ce côté des Pyrénées, les inquisiteurs espagnols poursuivent parallèlement la leur sur le versant méridional de la chaîne. La sorcellerie s’était répandue sur les deux territoires espagnol et français. La justice laïque en eut raison chez nous, l’Inquisition en triompha chez nos voisins. Ceux-ci ne furent pas peut-être plus indulgents que ceux-là. Il semble même que Messire de Lancre fut plus expéditif que ses collègues d’Ibérie, car le premier avait fini ses exécutions en 1609, tandis que l’auto-da-fé solennel, préparé par le Saint-Office, n’eut lieu à Logroño que le 8 novembre 1610. Les sorciers ou réputés tels ne gagnèrent rien à être traités par les gens d’Eglise ou par les gens du Parlement. Les flammes du bûcher les attendaient des deux côtés ; mais il nous importe de constater que, chez nous, elles furent allumées par des mains séculières et, chez nos voisins, par des mains cléricales. Il en est de même à Aix où éclate en cette même année, 1610, le procès fameux du moine Gauffriddi, surnommé le Prince des magiciens. L’Inquisition papale d’Avignon s’empara d’abord de ce procès, mais sur les réclamations des juges laïques, l’affaire est portée à nouveau devant le Parlement d’Aix qui, tout aussi sévère que le Saint-Office, condamne Gauffriddi, à être brûlé vif (30 avril 1611).

À Toulouse, le même fait se produit dans l’affaire qui nous occupe Le Parlement informé de la poursuite, évoque sans délai Jean Dusel à sa barre, et poursuit le procès de son autorité privée. D’autre part, l’officialité, jalouse de ses droits, s’empresse de pousser l’affaire à son terme. On hâte la procédure de part et d’autre. C’est une course au clocher [p. 161] dont la vie d’un malheureux est le prix. Les juges ecclésiastiques y mirent tant de diligence qu’ils arrivèrent les premiers au but, et que le 13 octobre 1614, le jour même où le Parlement se saisissait de l’affaire. L’officialité rendait sa sentence par laquelle elle déclare, « le prévenu déchu du privilège de titre clérical ; depositum , degradatumque prius brachio puniendum tradidit seculari.

Sans avoir égard à cette sentence qui semblait définitive et après laquelle il ne restait plus qu’à livrer le condamné au bourreau, le Parlement ordonne une nouvelle enquête et poursuit sur nouveaux frais l’infortuné Jean Dusel. Entre tant de juges, l’humble vicaire de Saint-Pierre ne pouvait guère échapper à sa fatale destinée, qui était d’expier dans les flammes ses pratiques occultes.

Le procès recommence donc. Le Parlement ne se contente pas de la procédure instruite devant l’officialité, quoiqu’il dût la viser dans son arrêt. Il ordonne une nouvelle vérification des pièces et notamment des fameux « cahiers de magie. » Des experts commis examinent derechef ses écrits cabalistiques, les comparent à ces criminelles « oraisons en forme de conjuration contre le mal d’yeux et contre le mal de dents » consignées en tête du bréviaire du prévenu, constatent l’identité de l’écriture et rapportent enfin des conclusions accablantes contre Jean Dusel.

On fit même, dans cette seconde enquête, des découvertes plus horribles que dans la première, si nous en croyons l’honnête Malenfant qui raconte tout ceci en se voilant la face,

Il fut notamment prouvé que Jean Dusel employait dans ses incantations la formule suivante en s’adressant au Diable : Ego Joannes Dusel filius Henricæ adjuro aut preæcipio ! « Moi Jean Dusel, fils de Henriquette, j’adjure et j’ordonne ! » Pourquoi Henriquette ? Pourquoi le nom de sa mère et non celui de son père ? Cette question paraît avoir vivement tourmenté l’esprit des graves magistrats de la Grand’Chambre et redoublé l’horreur de l’honnête greffier, qui tenait la plume [p.162] à l’audience. Malenfant répète avec effroi cette formulé diabolique : Ego Joannes Dusel filius Henricæ, etc. Puis il ajoute brièvement, comme si c’était un crime de s’appesantir sur ce point : « Par où la Cour jugea qu’il pratiquait ses abominations et le condamna à la peine susdite. »

S’il n’était pas trop téméraire de hasarder une interprétation sur ce grave sujet, ne serait-il pas permis de dire que la puissance diabolique se transmettait par les femmes ; que le superstitieux Jean Dusel se croyait probablement le fils d’une mère sorcière ; et que, dans le moment où il se livrait à ses sortilèges, il appelait, sans doute, à son aide celle dont il croyait tenir par héritage la puissance magique.

Voilà l’explication que l’on ne trouve pas dans la procédure, mais qui je crois, est conforme aux données générales de la démonologie.

Malenfant dans son résumé de l’affaire, essaie de faire la part de la défense. Il dit à la fin de sa note :

« Il ne fut point prouvé que cet homme eût faict aucune faute, ni pratiqué aucun magicien, ni faux monnayeur qui l’eussent déféré. »

Alors se demande-t-on , pourquoi fut-il condamné ? Voici la réponse que nous donne sur-le-champ le scrupuleux greffier du Parlement. Elle est tout à fait dans le goût du temps.

« Sa prévention ne fut que d’avoir écrit les cahiers dans lesquels à la vérité il y avait des choses abominables contre la majesté de Dieu, pour exalter le pouvoir du Diable ; et les principales de ces méchancetés se faisaient par le moyen de la sainte-Messe, du saint Sacrement, des prières de l’Eglise et des psaumes de David. »

Ainsi, de l’aveu d’un témoin oculaire, et qui professe pour le Parlement, dont il porté les insignes des pourpre, une vénération sans égale, l’accusé ne fut reconnu coupable d’aucun acte positif, mais seulement-convaincu d’avoir tenu en sa possession ces fameux « cahiers de magie » dont le titre [p. 163] est gros de mystères, mais dont il nous est bien difficile à distance d’apprécier la malice diabolique.

Et ici les moyens de défense ne se présentent-ils pas en foule à l’esprit ? Si Jean Dusel eût été déféré devant des juges moins prévenus, n’eût-on pas dit qu’une folle curiosité l’avait seule entraîné, peut-être, à copier ces prétendus cahiers de magie ; que, les actes matériels n’étant pas prouvés, on ne pouvait faire expier par la perte de la vie la faiblesse d’avoir cédé à l’attrait mystérieux de l’inconnu. Mais ces arguments qui, du reste, ne pouvaient se produire à une époque où la défense orale n’existait pas devant les tribunaux criminels, n’eussent probablement eu aucune prise sur les juges du XVIIe siècle. Les magiciens et les sorciers inspiraient une horreur ressentie également, par les esprits, grossiers et par les esprits cultivés. Pour ces infortunés la justice était sans pitié. M. Molinier, dans son Mémoire sur Bodin, rappelle un passage de Cayron où il est dit qu’en 1644, trente ans après le jugement de Jean Dusel, les prisons de Toulouse étaient tellement encombrées de prévenus de sorcellerie, qu’il fallait les envoyer au supplice par masse, afin défaire place à ceux qu’on y amenait. Rigueur qui paraît incroyable, surtout quand on considère l’époque où elle se produit et les hommes qui l’exercent ; car, je le répète, c’est moins les chimères de la magie elle-même, que la persistance des rigueurs judiciaires qui nous étonnent. La superstition semble la compagne presque inséparable de l’homme et, de nos jours encore, elle s’exerce parfois au détriment des gens crédules. Mais pour réprimer ces écarts, l’art. 405 du Code pénal suffit. La sorcellerie est simplement devenue une des formes de l’escroquerie, et elle est réprimée comme telle. Mais ce qui confond l’esprit, c’est de voir, encore en plein XVIIe siècle, des magistrats éclairés, comme étaient nos parlementaires, appliquer des peines atroces à des infortunés dont le crime le plus souvent consistait en des superstitions ridicules, ou qui pis est en un trouble mental. Ce redoublement de sévérité, en pleine époque de lumière, est peut-être le fait qui doit le plus nous [p. 164] éclairer sur l’ancienne organisation judiciaire, et nous inspirer le plus de satisfaction d’avoir trouvé la sécurité sous l’égide de la législation moderne.

L’infortuné qui nous occupe devait, plus qu’un autre, porter le poids des préjugés de son temps. Voici l’arrêt que le Parlement rendit contre Jean Dusel, à la date du 24 octobre 1614, arrêt dont nous devons la découverte et la lecture à l’obligeance de M. Eugène Lapierre, conservateur des archives de la Cour impériale de Toulouse :

Vendredi 24e d’octobre 1614, en la Grand’Chambre,

« Présents : MM. de Clari, 1er président ; de Caminade et Berthier aussi présidents ; Assézat, de Rudelle, d’Ouvrier , de Laporte , Caulet, Meslay , Mansencal, Lacoste, de Pins, Bertrand, Barthelemy, Cambolas, Prohenque, Nupces et Masnau , conseillers.

« Vu par la Court le procès faict d’autorité d’icelle à la requeste du procureur général du Roy, à messire Jehan Dusel, prêtre, prisonnier à la Conciergerie, ensemble la procédure faicte d’autorité de l’official de l’archevesché de Toulouse pour raison de sortillege, magie, et autres excez, sentence dudit officiai du treizième du présent mois, rellation et vérification faictes par expert de divers caractères, cahiers et poudres, remises devers le greffe de la Court. Arrest par elle donné le mesme jour, treizième du présent mois, charges et informations, auditions et restitutions dudit sieur et lui ouy en la Grand Chambre :

« Il sera dict que la Court a declairé et declaire ledit Dusel atteint et convaincu desdits crismes d’hérésie, sortilège, magie, pour pugnition et réparation desquels a condamné et condamne ledit Dusel a estre deslivré és-mains de l’exécuteur de la haulte justice, lequel lui fera faire le cours accoutumé par les rues et carrefours de la présente ville monté sur un tombereau ou charette ayant la hart au col et le conduira en la place de Saint-Estienne de Toulouse et illec estant à genoux et tenant en ses mains une torche de [p. 165] cire ardant demander pardon à Dieu, au Roy et à justice de son meffait, et ce faict l’emménera en la place du Salin ou à une potence qui y sera dressée, sera pendu et estranglé et après son corps bruslé ensemble lesdits caractères et cahiers de magie et poudre et les cendres jetées au vent, ses biens confisqués, distraict d’iceux les frais de justice au proffict de ceux qui les ont exposés, la taxe réservée, et a renvoyé et renvoie ledit Dusel aux capitols de Tholose pour faire mettre à exécution le présent arrest selon sa forme et teneur »

Signé :

DE CLARI,                 BERTRAND , rapp.

A été arresté que, avant ladicte exécution, il sera baillé un boulon de gêne audict Dusel pour savoir les complices de la magie et faulse monnaie. »

DE CLARI.

Cet arrêt, dont il est inutile de faire ressortir la rigueur impitoyable, et qui fut exécuté le jour même, 24 octobre 1614, car en ce temps le condamné passait d’un bond de la sellette à l’échafaud ; cet arrêt, dis-je, contient certaines particularités qu’il est utile , au point de vue juridique, de relever.

Et d’abord, Malenfant, grâce aux indiscrétions duquel nous pénétrons jusque dans le huis-clos des délibérations, nous apprend que la Cour, non contente d’avoir défendu ses prérogatives et d’avoir refoulé les prétentions de l’officialité, voulait à son tour empiéter sur les attributions des gens d’église. Une partie des conseillers insistait pour que Jean Dusel, avant de marcher au supplice, fût dégradé du titre sacerdotal par l’autorité du Parlement. « Juste retour des choses d’ici-bas ! » L’officialité avait prétendu juger le magicien, qui revenait de droit à la vindicte parlementaire. La Cour, à son tour, mue par une sorte de rivalité mutine, et pour mieux annuler la juridiction rivale, voulait dégrader le prêtre qui ressortissant évidemment de la justice cléricale. [p. 166]

Mais les prudents de la compagnie firent remarquer que c’était là s’embarquer dans une grosse affaire ; que les évêques ne se complairaient pas à être les exécuteurs des hautes œuvres du Parlement ; qu’en général les prélats n’exécutaient la dégradation sacerdotale que sur la vue et teneur d’une sentence fulminée par eux ; qu’en cette occasion, on n’avait pas eu assez d’égard envers le juge ecclésiastique pour espérer de lui cet acte de condescendance ; et qu’il valait mieux, pour la dignité de la Compagnie , ne pas insérer dans l’arrêt une disposition qui risquait fort de n’être point exécutée. On parla bien, dans la discussion, d’une sommation à faire au juge d’Eglise, et même de passer outre sur son refus. On proposa aussi, comme moyen terme, de s’associer des évêques dans la délibération, pour que leur présence autorisât la sentence de dégradation ecclésiastique. La minorité de la Grand’Chambre semblait tenir à cette formalité, qui aurait donné un appareil plus imposant au supplice de l’infortuné Jean Dusel, et proclamé plus haut l’omnipotence parlementaire. Mais onze voix sur dix-neuf tranchèrent pourtant la question dans le sens le plus simple. Jean Dusel fut traité comme simple laïque et exécuté sans dégradation préalable, comme le commun des martyrs.

Ce conflit, sous, sa double face , présente bien le tableau de ces rivalités incessantes, parfois puériles, qui divisaient les anciennes corporations, judiciaires, municipales , universitaires , et qui, surexcitant l’orgueil, ou l’amour-propre de ces puissantes compagnies, les enflammaient plus que les véritables intérêts de la justice. Saint-Simon a raconté, de sa parole hautaine et prolixe, quelques-unes de ces interminables querelles d’étiquette et de préséance. L’obscur procès de Jean Dusel prouve que le parlement de Toulouse n’avait pas moins que celui de Paris le sentiment, parfois exagéré, de ses droits et de ses prérogatives.

Une seconde circonstance qu’il convient de relever dans l’arrêt précité, c’est qu’il est rendu par la Grand’Chambre et Tournelle assemblés. [p. 167]

D’ordinaire, la Chambre Tournelle expédiait seule les procès criminels, de quelque nature, qu’ils fussent. La Grand’Chambre ne prenait part au Jugement que lorsque l’accusé appartenait à un des ordres privilégiés, noblesse ou clergé. En faisant à Jean Dusel les honneurs d’une audience, solennelle, la Cour tenait à rendre plus imposant l’acte par lequel elle affirmait de plus fort l’intégrité de sa compétence en matière de magie ou d’hérésie.

Cinq ans plus tard, le 9 février 1619, le Parlement, en infligeant une peine encore plus atroce à Lucilio Vanini, suivait les mêmes errements que dans l’affaire qui nous occupe. D’une part, la Cour jugeait, Grand’Chambre et Tournelle assemblées, parce que Vanini était entré dans les ordres durant sa jeunesse. D’autre part, elle, évitait de se prononcer sur la dégradation préalable, parce qu’en 1619, comme en 1614, le juge d’Eglise répugnait à se faire l’exécuteur du juge temporel.

La similitude se continue encore, dans la nature du délit : hérésie, sortilège, magie pour Jean Dussel, athéisme, blasphèmes, impiété pour Vanini ; en somme, délits de conscience pour l’un et pour l’autre (4). Ces analogies frappantes démontrent de plus fort le point qui forme la thèse historique de ce Mémoire, à savoir, que les Parlements, et celui de Toulouse en particulier, affirment, au XVIIe siècle, avec un jaloux empressement, leur compétence sur les questions de foi et de conscience.

Il faut remarquer, pour faire ressortir l’exactitude de cette appréciation, que Jean Dusel n’est point condamné pour crime de fausse monnaie, comme on pourrait le croire d’après l’étiquette du procès. Cette inculpation, signalée d’abord, dut disparaître dans l’enquête, et la sévérité du Parlement nous est garant que, si on eût trouvé la moindre trace de ce crime, on n’aurait pas négligé de l’ajouter à la liste de [p.168] tous ceux que l’arrêt impute à Jean.Dusel, C’est pour hérésie, sortilège et magie, c’est-à-dire pour des pratiques attentatoires à la foi qu’il est condamné ; et c’est sur ces matières de foi que le Parlement, dépossédant l’officialité, entendit bien établir la mainmise de sa juridiction.

Enfin, il est un dernier point qu’on doit relever dans l’arrêt du 24 octobre 1614. Une note, mise au bas du registre et signée du nom de M. de Clari, premier président, porte ces mots :

« A été arresté que avant ladite exécution, il sera baillé un bouton de gêne audict Dusel pour savoir les complices de la magie et faulse monnaie (5) »

Ces derniers mots montrent que, bien que le crime de fausse monnaie n’eut pas été prouvé au débat, le soupçon n’était pas sorti de l’esprit des juges. On espérait de la torture ce qu’on n’avait pas recueilli de l’instruction. La gêne nous apparaît ici comme un moyen d’information in extremis ; et c’est sous cet aspect qu’elle se présente dans la plupart des cas criminels dont la trace, écrite reste aux archives de l’ancien Parlement.

Jean Dusel, qu’on n’avait pu convaincre de fausse monnaie dans la procédure orale, s’avoua-t-il coupable de ce crime pendant les épreuves de la question ? C’est ce que Malenfant semble reconnaître en écrivant ces mots à la fin de sa note :

« Cet homme avoua avoir écrit tous les cahiers de magie, confessa avoir tenu la main à la fabrication de la fausse monnaie, et découvrit plusieurs personnes qui, se [p. 169] mêlaient de magie, la plupart desquelles étaient prêtres ou moines. »

Cette dernière révélation, que nous empruntons au greffier du Parlement, n’a pas la vertu de nous convaincre. Malenfant, prévenu contre l’accusé par l’horreur que lui inspirait le crime de magie, était disposé à tenir pour fondés tous les soupçons dirigés contre lui. Le témoignage du greffier n’est pas dénué de partialité. Il siégeait trop près des accusateurs. Puis, il était trop de son temps pour n’en partager pas tous les préjugés.

Le moyen le plus sûr d’acquérir une conviction sur ce point, serait la lecture du procès-verbal de torture et d’exécution de la victime. Plusieurs dossiers de ces pièces redoutables se trouvent aux archives du Parlement. Celle qui intéresse Jean Dusel fait malheureusement défaut.

Mais si on ne trouve plus le dossier de Jean Dusel, on peut, par analogie, apprécier la rigueur de cette épreuve redoutable, appelée « le bouton de gêne » par l’arrêt de 1614, et juger de l’effet qu’elle eût pu produire sur Dusel. Cette épreuve du boulon constituait la question ordinaire et consistait, d’après la lecture des procès-verbaux qui sont passés sous nos yeux, en la distension des muscles par suspension. Le patient devait subir « trois boutons, » et après la pose de chacun d’eux, le magistral commis à ces tristes épreuves demandait au patient s’il était l’auteur du crime relevé à sa charge. Les procès-verbaux que nous avons parcourus en recherchant celui de Jean Dusel, et qui forment bien la lecture la plus saisissante qu’on puisse imaginer, portent presque toujours cette réponse uniforme:

« Ledit sieur répond et dénie. »

La torture, si inique en principe était-le plus souvent stérile dans ses effets. Cette odieuse institution était condamnée par son inutilité même.

Quelquefois pourtant, lorsque après avoir fait subir au condamné les trois boulons de la question ordinaire, on passait [p. 170] à la question extraordinaire, qui consistait dans l’épreuve de l’eau ou de la mordache, la violence de la douleur arrachait des aveux au condamné.

Le juge commis s’empressait d’en prendre acte et faisait suspendre les épreuves. Mais, en ce cas encore, la, torture manquait son effet, car le condamné, avant de monter sur l’échafaud, rétractait tous ses aveux et les rejetait sur, le seul désir d’échapper aux souffrances intolérables de la question. Ainsi, de toute façon, ce moyen odieux de procédure, manquait son but, et la justice en était pour ses frais de barbarie.

Il se pourrait bien qu’alors même que Jean Dusel eût fait des aveux dans les épreuves de la gêne, il ne fût pas coupable pour cela du crime de fausse monnaie que lui prête le récit de Malenfant, et voilà pourquoi on doit équitablement décharger de cette nouvelle imputation la mémoire de l’infortuné vicaire de Saint-Pierre.

Ce procès reste donc ce qu’il nous apparaît, c’est-à-dire un procès d’hérésie et magie, un délit de conscience. Il ressemble, sous ce rapport, à celui dans lequel Lucilio Vanini devait succomber cinq ans plus tard. En retraçant le procès de Jean Dusel devant l’Académie., après avoir raconté devant elle, il y a trois, ans, celui de Vanini, nous n’avons pas entendu céder à une vaine curiosité ; — les sujets de curiosité ne sont pas dignes de la Compagnie devant laquelle nous avons l’honneur de parler ; — nous n’avons pas voulu davantage faire aux institutions du passé un procès depuis longtemps résolu par les lois et par les mœurs modernes. Le passé doit être étudié et jugé sans les préoccupations du temps présent. La comparaison, sous le rapport judiciaire surtout, serait trop écrasante pour les siècles antérieurs.

Nous avons voulu simplement mettre en lumière un événement ignoré de notre histoire locale. Le procès de Jean Dusel n’est pas plus dramatique qu’une foule de procès de même espèce jugés à la même époque. Les esprits curieux des, mystères de la magie trouveront dans les auteurs spéciaux, [p. 171] Del Rio, de Lancre, Bodin, dans le Marteau des sorcières, des révélations beaucoup plus saisissantes que celles que nous offre l’affaire de Jean Dusel.

Il nous a semblé seulement, qu’en outre de l’intérêt toulousain qu’offrait celle cause, il se dégageait d’elle quelques points historiques utiles à relever. C’est d’abord ce conflit bien accusé entre la juridiction laïque et la juridiction ecclésiastique ; c’est la substitution définitive de la première à la seconde ; c’est, en dernière analyse, un pas de plus vers l’unité de législation qui nous régit depuis 1789.

Notes

(1) Lu dans la Séance du 14 février 1867.

(2) Deux étymologies sont proposées pour ce nom bizarre de Saint-Pierre-des-Cuisines. La première, adoptée par Catel, interprète ce mot de coquinis ou de coquinariis en ce sens que, lors de la concession du terrain où est bâtie l’église, les tenanciers furent autorisés à faire cuire leur pain au four banal sans payer aucune redevance au seigneur comte. Coquinarii dans cette acception désigneraient ceux qui, usant de ce privilège, cuisaient gratuitement leur pain.
La seconde, beaucoup plus originale et plus vraisemblable, consiste à interpréter ce vocable dans le sens de Saint-Pierre-aux-Cuisines. La tradition rapporte en effet qu’il y avait à l’entrée de l’église un bas-relief, grossièrement sculpté en bois, représentant le reniement de saint Pierre. Or, cette scène préliminaire de la Passion avait lieu, comme on le sait, dans les cuisines du grand prêtre, où saint. Pierre, interrogé par une servante, reniait par trois fois son maître. Une inscription, empruntée aux livres saints, complète la vraisemblance de cette interprétation. On lisait, en effet, ces mots sur le bas-relief : Et se calefaciebat quià frigus erat, il se chauffait parce qu’il faisait froid.
Une raison nouvelle nous ferait accepter cette ingénieuse étymologie [p. 157] il n’est pas rare de voir adopter pour vocable d’une église non-seulement le nom d’un saint, mais un moment déterminé de la vie de ce saint. Spécialement, en ce qui touche le prince des apôtres, nous connaissons des dédicaces à Saint-Pierre-ès-Liens. A Toulouse, on aura pu prendre dans la vie du vicaire du Christ, le moment le plus humain et le plus attendrissant, celui où sa fragile nature succombe devant la fausse honte, et appeler Saint-Pierre-aux-Cuisines, l’église où était rappelée la scène du reniement de saint Pierre dans les cuisines du Grand-Prêtre.

(3) « L’Escarlale, (dit Catel, p. 185), sont les prisons des ecclésiastiques qui sont dans le même enclos de l’officialat, sur la porte desquelles sont gravées les armoiries de Mgr l’archevêque d’Orléans, comme aussi dans les créneaux qui font la clôture du petit jardin ; devant ladite porte desdites prisons se trouvent gravées les armoiries du cardinal de Chatillon. »
L’officialité étant située tout contre l’archevêché ; il résulte de la note de Catel et de nos renseignements que la prison de l’Ecarlate s’élevait sur la place qu’occupe aujourd’hui la Maîtrise de la Cathédrale.

(4) Voir pour Lucilio Vanini les Mémoires de l’Académie, VIe série, tom. II, p.303-342.

(5) Ces notes ajoutées au texte d’un arrêt criminel, étaient désignées sous le nom de retentum. Le plus souvent elles renfermaient un adoucissement de peine en faveur de la victime. Aussi Etienne Dolet, condamné à mourir dans les flammes par le Parlement de Paris, eut le bénéfice d’un retentum, déclarant que le condamné serait, au préalable, étranglé. On voit ici que Jean Dusel ne jouit pas de ce même bénéfice. La note additionnelle, signée du premier président, est une aggravation de la peine, puisqu’elle ordonne le bouton de gêne.

 

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