Dupouy. La xénoglossie. Extrait de la revue « L’Écho du merveilleux – Dirigé par Gaston Mery », (Paris), 15 novembre 1905, pp. 429-430.

Edmond Dupouy. La xénoglossie. Extrait de la revue « L’Écho du merveilleux – Dirigé par Gaston Mery », (Paris), 15 novembre 1905, pp. 429-430.

 

Joseph-Jean-Baptiste-Edmond Dupouy (1838-1920). Docteur en médecine. (Paris 1869). Quelques publications :
— La prostitution dans l’antiquité. Étude d’hygiène sociale. Paris, Libaririe Meurillon, 1887. 1 vol. in-8°.
— La prostitution dans l’antiquité dans ses rapports avec les maladies vénériennes. Étude d’hygiène sociale. Quatrième édition. Paris, Société d’Éditions Scientifiques, 1898. 1 vol. in-8°.
— Le Moyen-Âge médical. Les médecins au moyen-âge. – Les grandes épidémies. – Démonomanie. – Sorcellerie. – Spiritisme. – La médecine dans la littérature du moyen-âge. – Historiens. – Poètes. – Auteurs dramatiques. Paris, Société d’Éditions Scientifiques, 1895. 1 vol. in-8°.
— Psychologie morbide. Des vésanies religieuses, erreurs, croyances fixes, hallucinations et suggestions collectives. Paris, Paul Leymarie, 1907. 1 vol. in-8°.
— Sciences occultes et physiologie psychique. Corps psychique. – Force vitale.- Extériorisation du Corps psychique. – Magnétisme. – Extériorisation de la sensibilité, de la volonté. Lucidité. Transmission de pensée. – Télépathie. Extériorisation de la sensibilité. Paris, Société d’Éditions Scientifiques, 1898. 1 vol. in-8°.
— Sorcellerie. —Démonolâtrie. — Incubisme. — Lycanthropie. Extrait de l’ouvrage « Psychologie morbide. Des vésanies religieuses. Erreurs, croyances fixes, hallucinations & suggestions collectives », (Paris), Librairie des Sciences psychiques, Paul Leymarie, 1907, pp. 62-101. [en ligne sur notre site]

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les images, ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

[p. 429, colonne 1]

LA XÉNOGLOSSIE

Charles Richet vient de publier dans Les Annales des Sciences psychiques un travail sur un phénomène observé par lui, depuis le mois de novembre 1899 jusqu’au 20 mai 1905.

Il s’agit de l’écriture automatique en langues étrangères, qu’il désigne sous le nom de Xénoglossie (de deux mots grecs XENOS, étranger, et GLÔSSA, langue).

Ce privilège de certains médiums n’est pas très rare, quoi qu’en dise M. Richet. Il ne veut pas admettre, il est vrai, que les Ursulines de Loudun répondaient en latin aux exorcismes des prêtres. Pas davantage probablement les affirmations de l’évêque de Châlons, relativement à l’épidémie d’hystéro-démonomanie des religieuses d’Auxonne — ainsi formulées : « Toutes lesdites filles, tant séculières que régulières, au nombre de dix-huit, avaient le don des langues et répondaient en latin aux exorcistes, faisant parfois des discours entiers en cette langue… » Ces choses-là, cependant, ne s’inventent pas, et un évêque était alors assez lettré pour apprécier un phénomène de cette nature, qui restera un des documents de Xénoglossie du moyen âge.

Néanmoins, M. Richet ne conteste pas le fait de Miss Laure Edmonds, fille d’un haut magistrat des États-Unis.

Cette jeune fille, médium très remarquable, se rencontre, dans une séance, avec un Grec, M… Evangélidès. [p. 429, colonne 2] Elle converse longuement avec lui, en grec moderne, qu’elle ignorait complètement, et lui cite des faits tellement précis qu’il reconnaît dans l’invisible, parlant par la bouche de Miss Laure, un ami intime, mort quelques années auparavant en Grèce, et qui n’était autre que le frère du fameux patriote Botzaris. Et, dans une séance suivante, elle annonce a M. Evangélidès la mort d’un de ses enfants, qu’il avait laissé bien portant en Grèce, avant son départ pour l’Amérique.

Miss Laure, qui ne connaissait que l’anglais, sa langue maternelle, et un peu le français, parlait neuf ou dix langues, écrivait son père, quelquefois pendant une heure, avec une facilité et une aisance parfaites…

Je pourrais multiplier ces faits de Xénoglossie relatés dans les publications spirites, mais je n’arriverais pas à convaincre M. Richet. Il convient bien que ces faits sont nombreux, mais ceux qui paraissent dûment observés et étayés par des témoignages suffisants sont, par contre, dit-il, assez rares ; et, par cela même, il les considère comme des quantités négligeables.

Lucas Van Valckenborch (1535 – 1597). – Tour de Babel.

Arrivons maintenant à l’observation de M. Richet. Elle concerne, non une professionnelle de la médiumnité, mais une dame du monde, Madame X. âgée de. 35 ans, à qui il fut présenté par un ami commun M. F. Myers.

A la première entrevue, Madame X perdit à peu près connaissance ; et, dans l’état de transe, les yeux fermés, elle écrivit au crayon deux phrases grecques, dont voici la traduction : La sagesse humaine est peu de chose, et même elle n’est rien. Voici que, déjà je vais vous quitter.

La première phrase, ajoute M. Richet, se trouve dans l’apologie de Socrate, et la seconde à la fin de ce même ouvrage.

Quelques jours après, Madame X écrit, dans le même état de transe, en présence de M. Richet., cette autre phrase grecque ainsi traduite : Salut, je suis le nommé Antoine Renouard. Rendez grâce à Dieu.

Antoine Renouard, éditeur et bibliophile, était l’arrière-grand-père maternel de M. Richet,  dont Madame X n’avait jamais entendu parler.

Dans une séance suivante, Madame X écrit encore, deux phrases grecques, l’une, tirée du Phèdre de Platon, dont voici le sens : « L’homme qui sait se servir de ces réminiscences est initié sans cesse aux mystères de l’infinie perfection, et seul devient lui-même véritablement parfait. » L’autre signifie : « Ayez un peu de patience, tout vient à souhait ».

Cette dernière se retrouve dans le dictionnaire de Bysantios,.Une autre phrase signifiait : « Quand le soleil est à son levant et à son couchant, l’ombre se projette au loin ». [p. 430, colonne 1]

La communication suivante était une grande page de grec moderne, reproduisant un passage de Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre. Puis, la traduction en grec de cette phrase de Cicéron : Graecis licet utare, cum voles, si te latinæ forte defïciant. Une autre phrase est la traduction en grec d’un passage des Mystères de Paris, d’Eugène Sue. Cette phrase est suivie d’une autre, prise dans la dédicace au roi Louis-Philippe de la 2e édition du dictionnaire de Bysantios et Goro dont la traduction en français serait : « Après avoir conquis par de pénibles travaux son indépendance politique, la Grèce se propose aujourd’hui un nouveau but non moins noble que le premier : elle veut rappeler dans son sein les lumières qui l’avaient jadis couverte de gloire ».

Je laisserai de côté les autres communications, quoique non moins intéressantes. Il en est une, en effet, qui avait rapport à la guerre russo-japonaise, disant : « Cette guerre intéresse toute l’Europe ».

M. Richet cherche quelle explication il faut donner à ces faits.

Il établit d’abord, avec un luxe de détails digne d’un savant de laboratoire, qu’il est impossible d’admettre l’hypothèse d’une fraude de la part du médium. Madame X ne sait pas un mot de grec, ni ancien ni moderne. Son écriture est tremblée, et elle paraît tracer les caractères en les copiant, sans savoir les écrire, d’après une image qu’elle aurait devant elle.

Le phénomène doit-il être interprété par l’hypothèse de la mémoire inconsciente, se demande M. Richet ? C’est encore, d’après les données, tout à fait inacceptable. Il faudrait admettre l’extension prodigieuse, inouïe, invraisemblable, qui serait donnée à la mémoire humaine.

Quant à l’hypothèse spirite, comme il fallait s’y attendre, M. Richet ne croit pas pouvoir s’y arrêter. « Ce que nous savons ou croyons savoir, dit-il, sur la réalité des esprits et sur leur puissance est tellement vague, qu’en réalité la supposition qu’il s’agit d’esprits revient à affirmer notre non-connaissance des choses ».

Alors, comme conclusion, M. Richet termine en disant que le fait est INEXPLICABLE.

Cette explication ne le compromettra pas aux yeux de la Faculté…

Dr DUPOUY.

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