Données psychanalytiques dans un cas de doute obsédant. Par Eugène Minkowski. 1923.

MINKOWSKYDOTE0002Eugène Minkowski. Données hsychanalytiques dans un cas de doute obsédant. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-huitième année, 1923, pp. 170-181.

Minkowski Eugène [Eugeniusz]. (1885-1972). Né en Russie dans un milieu juif lithuanien très orthodoxe, il émigre à Varsovie avec ses parents ; il est alors âgé de sept ans. Il y commence ses études de médecine qu’il termine à Munich en 1909. Il recherche refuge en Suisse en 1914, à Zurich, à la déclaration de guerre, où Eugen Bleuler lui offre un poste d’assistant bénévole qu’il occupe quelques mois seulement. Il vient en France où il s’engage dans l’armée, et se fixe définitivement à Paris, où il est obligé de préparé de nouveau sa thèse de médecine (en fait pour la troisième fois) qu’il soutient en 1926. Très influencé par Bleuler, disciple de Husserl et Bergson, il reste un des principaux représentants en France du courant de pensée phénoménologique en pathologie mentale. Il est un des membres fondateurs du groupe « L’Evolution psychiatrique ». Nous avons retenu quelques publications :
— Étude psychologique et analyse phénoménologique d’un cas de mélancolie schizophrénique. Journal de psychologie normale et pathologique, 20, 1923, pp. 543-558.
— La genèse de la notion de schizophrénie et ses caractères essentiels. L’Évolution psychiatrique. 1925.
— La schizophrénie. Psychopathologie des schizoïdes et des schizoprènes.. Paris, Editions Payot, 1927. 1 vol. in-8.
— De la rêverie morbide au délire d’influence » L’Évolution psychiatrique. 1927.
— Le temps vécu. Etudes phénoménologiques et psychopathologiques. Paris, J. L. L. D’Artey, 1933. 1 vol. in-8°. Réédition : Neuchatel, Delachaux et Niestlé, 1968. 1 vol.
— Traité de psychopathologie. Paris, Presses Universitaires de France, 1966. 1 vol. in-8°,

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 170]

Données psychanalytiques
dans un cas de doute obsédant
par
E. MINKOWSKI
(de Paris)

Il semble utile, quand on a l’intention de parler de psychanalyse, de préciser tout d’abord brièvement son attitude à l’égard des conceptions de Freud, ceci en raison de la place un peu spéciale que ses conceptions occupent dans notre science. Je puis le faire, pour moi, de la façon suivante : je ne suis tout d’abord ni adepte, ni adversaire de la théorie de Freud ; les problèmes contenus dans celle-ci sont trop complexes pour pouvoir être résolu simplement par un oui ou par un non ; un effort créateur d’une telle envergure ne saurait pourtant rester entièrement vain ; ils méritent tout au moins pour le soumettre, avant de se prononcer sur sa valeur, à une épreuve empirique approfondie. C’est cette attitude à l’égard de la psychanalyse qui m’a permis d’approfondir, au point de vue psychologique, le cas dont il sera question tout à l’heure et d’obtenir un résultat meilleur que je n’osais l’espérer. La méthode employée a été loin d’être celle d’une psychanalyse classique ; il [p. 171] en sera encore question à la fin de ce mémoire. Toutefois, les faits qui ont surgi et ont été retenus au cours du traitement semblent être dus, en premier lieu, à la connaissance de la théorie de Freud ; c’est dans ce sens que je parle de données psychanalytiques.

Observation clinique. – R. H…, âgé de vingt-deux ans, de nationalité étrangère, appartient à une famille de névropathes. Il a deux sœurs ; l’une à un an de plus que lui ; d’un tempérament plutôt gai, elle est atteinte de phobie des microbes. La cadette à une certaine tendance à la dépression ; elle subit l’influence de sa sœur aînée et partage ainsi en partie ses craintes morbides. La mère est une personne émotive et nerveuse, très faible de caractère, elle ne joue qu’un rôle effacé dans la famille ; elle semble incapable de quitter en quoi que ce soit ses enfants et subits plutôt passivement les exigences morbides de ceux-ci, ainsi que le caractère assez difficile de son mari ; son attitude à l’égard des enfants est, avant tout, marquée par une sollicitude exagérée et des craintes plus ou moins raisonnables au sujet de leur santé. Le père, commerçants enrichis, est un homme borné, autoritaire à l’égard des siens, capricieux et instable ; quand il a un ennui ou qu’il est de mauvaise humeur, il s’en prend aux membres de sa famille ; des tracasseries continuelles en résultent.

M. H…, A toujours été un enfant ; il était souvent pris de vomissements, surtout en voyage ou à la suite d’émotions violentes. « Dès que j’avais à faire une chose à laquelle je n’étais pas habitué, écrit-il, je sentais une sorte d’hésitations et de faiblesse et parents de l’accomplir j’étais pris de vomissements et j’étais forcé d’aller à la selle. » Au point de vue physique rien d’anormal. Pas de crises convulsives. Fréquente l’école de sept à 18 ans ; passe son baccalauréat ; était d’habitude le second de sa classe. Aurait aimé ensuite choisir une carrière libérale, mais son père s’y oppose et, sur son ordre, il fréquente l’École supérieure de commerce.

Onanie depuis l’âge de 12 ans ; antérieurement déjà se touchaient fréquemment. À l’âge de 16 ans, sur conseil du médecin, commence à avoir des rapports sexuels ; rencontres de fortune.

En 1916, à la suite des événements de guerre, toute la famille se réfugie dans un pays voisin ; R. H… reste deux ans sans avoir d’occupation précise. Après l’armistice, la famille rentre dans le lieu habituel de résidence. R. H… désire se faire inscrire à l’Université, mais le père s’y oppose à nouveau ; préférant encore l’industrie au commerce, il entre comme employé dans une société de pétrole ; ses chefs sont contents de lui.

Il avait toujours eu une certaine prédisposition au doute ; ses doutes, toutefois, n’atteignirent jamais de proportions morbides. La maladie actuelle remonte au mois de mai 1919. Son père devant s’absenter pour quelque temps lui confie la surveillance de ses affaires. Là-dessus, le doute devint nettement obsédant. R. H… achète tous les jours les grands quotidiens et lit de pages en pages pour être certain de bien connaître les cours des valeurs ainsi que les impôts à payer. Cette lecture prend de plus en plus de temps ; de peur d’avoir mal compris il relit le même passage à plusieurs reprises. De crainte de n’exiger les affaires de son père, ne travaille plus qu’une demi-journée à la Société de pétrole et finit par abandonner entièrement cet emploi. Ils contrôlent sans cesse les valeurs de son père. L’état s’aggrave de plus en plus ; il passe des heures entières devant le coffre-fort ; l’idée surgit que le vent ou [p. 172] le courant d’air aurait pu emporter ou des documents importants du coffre-fort et les transporter dans ses cheveux, dans son lit, dans ses habits, etc., ou qu’il aurait pu les mettre par mégarde parmi ses affaires : contrôle constamment le contenu de son portefeuille, de ses poches, se frottent les mains pour s’assurer que rien n’y est resté collé, contrôle les objets qui se trouvent dans la chambre. « J’étais arrivé à un tel état, écrit-il, que je ne pouvais plus regarder quoi que ce soit sans me demander s’il n’y avait pas quelque chose qui devait m’intéresser en raison de mon doute. » Une amélioration passagère se produit au retour du père qui trouve que tous les papiers sont en ordre parfait. Mais cette accalmie ne dure que peu de temps, les doutes de tardent pas à réapparaître de plus belle. Il fait enlever de la chambre tous les objets en dehors du lit et d’une chaise, contrôle longuement son linge et ses vêtements avant de les mettre, grimpe sur une chaise pour faire sa toilette de peur qu’un papier quelconque puisse rester collé aux semelles de ses chaussures ; passe ainsi des heures entières avant de pouvoir sortir de sages. C’est alors que ses parents le place dans une maison de santé où j’ai eu l’occasion de prendre contact avec lui. Son état est, en somme, lamentable ; son unique préoccupation est d’éviter et d’éloigner tous les objets sur lesquels pourraient se porter ses doutes ; il ne lit plus de journaux, ni livres ; ne veut plus avoir de papier à lettres ; mais écrit à personne ; quand, lors de ma première visite, je sors un carnet pour prendre quelques notes, il fait une véritable crise d’angoisse. Ne joue pas au tennis par ce que les balles pourraient soulever du sol des papiers et des failles qui iraient se loger dans ses cheveux. Sa garde est obligée de suivre, en ce qui concerne son linge et ses vêtements, le cérémonial qui lui impose ; elle est aussi chargée de l’assurer qu’il n’a rien sur lui, avant qu’il ne sorte de sa chambre.

Nous pouvons résumer le tableau clinique que nous venons de retracer, de la façon suivante : il s’agit d’un individu avec des antécédents héréditaires accusés d’ordre névropathiques ; sur cette constitution défectueuse viennent se greffer des influences défavorables du milieu, sous forme avant tout de l’éducation lamentable qui résulte du tempérament névropathique des parents (Loi de fécondation double de Morel). Sur son fonds apparaissent dès le plus jeune âge des troubles hétéroclites d’ordre nerveux : hyperémotivité, vomissements, scrupules et doutes. Le malade poursuit néanmoins ses études avec succès jusqu’au baccalauréat. En 1919, à la suite peut-être des émotions du temps de guerre, se produit une exacerbation violente des manifestations morbides ; celle-ci s’aggrave rapidement et atteint les proportions d’un véritable délire ; elles paralysent entièrement la vie du malade. Le pronostic paraît très grave étant donné la nature et l’intensité du mal.

Données psychanalytiques. – J’essaierai d’exposer maintenant les données psychanalytiques qui sont venues, au cours du traitement, se ranger autour du trouble cardinal que nous venons de décrire. Comme il s’agit d’un exposé succinct, je ne les énumère pas dans l’ordre chronologique dans lequel elles m’ont été fournies par le malade, au cours de conversation successive ; je ne présente après les avoir regroupés selon leur nature et leur portée. Ces données concernent, d’un côté, son attitude à l’égard de ses parents et, de l’autre, sa vie sexuelle. [p. 173]

Complexes parentaux (1). Dès le début R. H… revient constamment sur les sentiments à l’égard de ses parents. Ces sentiments sont d’ordre négatif ; il affirme

et les rend responsables de sa maladie. La persistance avec laquelle il revient sur ce sujet démontre nettement la place considérable que cette question occupe dans son psychisme morbide. Elle semble constituer, avec son obsession du doute, toute sa vie ; celle-ci se trouve singulièrement menacée de ce fait. Son attitude rappelle, en somme, celle d’un enfant pour qui le monde se réduit également à l’ambiance immédiate dont les parents seraient naturellement les représentants principaux. Le malade n’est pas parvenu, au cours des années, comme le fait l’adulte d’habitude, à dégager sa propre personnalité des liens qui la rattachent intimement dans l’enfance aux parents. Son attitude actuelle est ainsi, à ce point de vue, nettement dysharmonique. Voyons maintenant de quelle façon il a abouti.

Il subit dans son enfance tout naturellement l’autorité de son père ; celui-ci et pour lui la personnification de la sagesse qu’il ne serait jamais atteindre lui-même. Il trouve un gentil souvenir d’enfance pour nous le dire : « vers l’âge de quatre ans, en regardant mon père écrire je me voyais très inférieur à lui ; je me disais que même si j’arrivais un jour à savoir écrire, je ne serais jamais quand il faut tremper la plume dans l’encre. »

Pourtant, dès son jeune âge, ces sentiments sont mis à une dure épreuve, en raison d’un caractère autoritaire et capricieux du père. Celui-ci ne se montrait jamais satisfait ; il suffisait que quelque chose qu’il fait par un autre pour qu’il en fût mécontent. Le petit R. H… Je trouve constamment en butte à ces accès de mauvaise humeur dont il ne s’explique pas les motifs ; il sent en dérouter tout d’abord et commence à découvrir les défauts du père à la suite. Les exemples abondent en ce sens ; nous en citerons un seul. Il y a sept ans environ, son père apporte du beurre à la maison ; le trouvant très bon, il demande à son fils d’aller en acheter encore ; celui-ci alors « pour faire l’expérience » prend à la cuisine un morceau de beurre acheté par le père il lui présente : comme de juste le père le trouve cette fois exécrable. La preuve, en somme, et faites. La conviction s’établit que, quoi qu’il advienne, la faute lui en sera imputée. Des vexations analogues se multiplier au cours des années. Que de fois entendait-il son père lui dire : « Si seulement tu avais eu un autre frère auxquelles j’aurais pu confier mes affaires. » Il grandit et devient jeune homme, mais la situation reste toujours la même. À l’âge de dix-huit ans, son père, devant s’absenter pour quelque temps, lui confie les clés du coffre-fort ; à sa rentrée, il déclare qu’une somme d’argent importante manque et adresse des reproches véhéments à son fils ; puis il se rappelle qu’il avait eu cette somme ici- même avant son départ.

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Ingmar Bergman – Le Septième Sceau (1957).

La révolte gronde. Comment se manifeste-t-elle ? Une institutrice disait de R. H…, quand il était petit, qu’il était un « nerveux calme » ; il « retenait toujours ses réactions ». Il cherche des preuves, mais les gardes pour lui, les collectionne et ne s’en sortent pas. Nous avons vu déjà quelle a été son attitude dans l’incident avec le beurre. Son attitude ne change guère au cours des années, à ce point de vue également. Bien plus tard, il avait été question un jour d’une famille amie, dans laquelle le notaire avait passé ses affaires non pas [p. 174] Office, mais à un des gendres ; ses parents trouvaient, il est vrai, ce procédé injuste, mais lui, il inscrivit certaines dans l’idée que la même chose pourrait bien lui arriver aussi un jour ; il l’inscrivit dans sa langue maternelle, mais en se servant de signes sténographique d’une autre langue, afin que personne ne puisse il conserve précieusement ce nouveau « document ».

Les sentiments à l’égard des parents demandent à être modifiés, en raison de l’évolution naturelle en premier lieu, en raison des circonstances particulières, dont nous venons de parler, ensuite. Comment s’opère cette modification chez R. H… ? Il remplace simplement l’amour filial par le sentiment contraire et prétend

son père maintenant. Mais au fond rien ne se trouve changé de ce faite, la haine nous liant d’une façon tout aussi étroite à la personne à la personne haïe que l’amour aveugle. Ce n’est qu’un piétinement sur place. La personnalité de notre malade ne s’affirme maintenant pas davantage qu’avant ; il n’aquiert, et pas le moins du monde son indépendance psychique à la suite de ce changement. Sa vie reste liée d’une façon tout aussi étroite à la personne de son père qu’elle l’a été de tout temps. Cette haine, mais qu’une autre expression de sa faiblesse et de son intériorité. R.H… Nous le dit lui-même, en déclarant un jour que, selon lui, on « haïssait tout ce qu’on ne  pouvait atteindre » ; il ne rend, d’ailleurs, maintenant, que l’appareil à son père ; celui-ci le hait sans aucun doute ; toute sa conduite à son égard en est une preuve incontestable : « son père préfère certainement le savoir malade que de le voir devenir plus qu’il n’est lui-même ».

Nous constatons sans aucune difficulté, conformément à ce que le nouveau nom de dire, que l’idée de « l’autorité paternelle », mais aucunement ébranlée en lui ; il garde toujours, en maintes circonstances de la vie, l’attitude de l’enfant obéissant et soumis, il a besoin de l’appui d’une autorité supérieure pour être sûr de lui-même. Il a été toujours persuadé, et l’est  maintenant encore, qu’il avait bien travaillé à l’école uniquement par timidité ; il croit, d’ailleurs, que tout le monde en fait autant ; le seul but qu’on cherche à atteindre, dans ces conditions, et celui de ne pas mécontenter ni parents, les professeurs. Il a beau critiquer son père, il ne peut, au fond, se passer de lui ; en raison soi-disant de connaissances pratiques, acquises par celui-ci, il se voit obligé de lui demander conseil dès qu’il s’agit de prendre une décision, même la plus insignifiante, de ce genre. À la société de pétrole, tout en accomplissement très scrupuleusement sa tâche, il avait constamment demandé à son directeur si son travail était bien fait ; ceci, comme il le dit lui-même, en raison d’une habitude prise à la maison où il devait donc demander à son père. Il est persuadé que Dieu n’existe pas, mais rien que de le dire lui fait peur et le fait « trembler » ; il constate ensuite l’analogie qui existe entre son attitude à l’égard de Dieu, et celle à l’égard de son père ; dans les deux cas il s’agit d’un essai manqué de s’affranchir d’une autorité supérieure.

D’autres gestes et paroles du malade viennent confirmer notre façon de voir. Il a beau dire le plus grand mal de son père, il se comporte bien souvent exactement comme celui-ci. Il ne cherche à affirmer sa propre personnalité dans maintes circonstances, en critiquant et en dépression avant tous les autres ; il ne fait alors d’une façon exagérée, autoritaire et stupide. À l’entendre parler, on croirait alors avoir le père, en chair et en os, devant soi.

Résumons maintenant ce qui vient d’être dit. Nous trouvons chez R. H… À côté de l’obsession du doute, un autre trouble important qui concerne son [p. 175] attitude à l’égard de ses parents. Cette attitude anormale ne mérite peut-être pas le nom de « trouble » au point de vue médical, elle n’en est pas moins un point de vue psychologique, avant tout deux. Du fait de l’évolution harmonieuse de la personnalité humaine. Ce qui paraît surtout important, ce n’est pas tant la circonstance qu’il dit haïr ses parents que le fait qu’il reste enlisé, à ce point de vue, dans les conflits infantiles ; il ne peut s’en affranchir poursuivre ensuite un développement normal. Ses sentiments changent de caractère, mais le fond reste le même ; l’évolution de la personnalité en devient nettement dysharmoniques ; on dirait qu’une partie de l’énergie vitale reste fixé un point mort tandis que les années s’écoulent et que d’enfant il devient un homme.

Un détail bien illustré ce que nous voulons de dire. R. H… Attributs une signification symbolique aux nombres. Sept symbolise pour lui l’infini, mais aussi le mensonge ; quatre est un signe de mauvais augure ; tous les nombres impairs annoncent également quelque chose de désagréable ; neuf, c’est le grand malheur, car 9 = 4+5, se compose donc d’un 4 et d’un nombre impair ; dix veut dire état de grâce, probablement parce qu’il y a dix commandements, onze c’est l’indépendance, parce que ce nombre se termine par un 1 ; et ainsi de suite. Nous sommes un peu surpris par ce jeu puéril chez un garçon qui est loin d’être débile. La source de ses interprétations se trouve, d’ailleurs, dans un passé très lointain. Quand il était tout petit, il entendit un jour que toutes les bonnes choses étaient trois ; mais si, par hasard, il lui arrivait de devoir le faire encore une quatrième fois, il devenait inquiet et avait la sensation « d’avoir fait mal à son père ». Les autres interprétations s’établirent au cours des années, sans qu’il sache trop comment. Ce symbolisme remonte ainsi que l’enfance, à l’âge de cinq ou six ans, de R. H…, et se rattache d’une façon assez mystérieuse à la personne de son père ; aux éléments primitifs de ce symbolisme vienne s’en ajouter d’autres, au cours des années ; une certaine progression s’effectue de cette façon, mais la base reste toujours la même et le tout garde ainsi l’empreinte depuis puérilisme surprenant ; il ne saurait être question de progrès réels. Ce détail peut servir d’illustration à ce que nous avons dit au sujet de l’évolution des tendances parentales chez R.H…, mais revenons à notre analyse. Ce caractère dysharmonique de son évolution ne vient pas uniquement se ranger comme trouble indépendant à côté de l’obsession du doute ; il est en corrélation étroite avec celui-ci. Nous avons déjà dans quelles circonstances cette obsession a pris une forme aiguë. Plus d’une fois, R. H… Nous dira encore que ces doutes deviennent plus forts quand la personne de son père entre en jeu ; il a surtout peur de causer des ennuis à son père et d’encourir une responsabilité devant lui. Mais la chose ne s’arrête pas là. Les liens qui existent entre son obsession et les tendances parentales sont bien plus intimes ; toute son attitude à l’égard de son père vient se refléter dans son obsession du doute. C’est en réalité il attribue à ces scrupules et à son besoin de contrôle une certaine valeur morale ; ils ne s’opposent nettement à ce point de vue à son père qui, lui, n’a jamais eu d’ordre et qui laisse traîner partout les documents importants. C’est dire nous montre qu’il [p. 176] prétend ainsi d’une façon plus ou moins consciente être, sous ce rapport supérieur à son père ; il est porté à s’attribuer, de cette façon, les qualités qui feraient entièrement défaut à celui-ci ; il se place au pôle opposé. Il fait seulement trop bien les choses et, conformément à toute son évolution, aboutit non pas à l’affirmation de mérites réels, mais à une exagération morbide de prétendues qualités. Et c’est ainsi que ces scrupules et ses doutes, par lesquels il s’oppose à son père, le même en fin de compte, à une des tendances encore bien plus grandes de celui-ci ; il est obligé maintenant accomplir à chaque instant un acte de soumission à son égard ; il faut qu’il lui demande au sujet du moindre petit papier, s’il peut le jeter sans inconvénient. Nous retrouvons ainsi dans le trouble cardinal lui-même l’expression de l’attitude générale du malade à l’égard de son père ; d’un côté, le désir de s’affranchir et de s’opposer au père, et de l’autre, la preuve de l’insuccès total de cette tentative, qui aboutit, en fin de compte, à une soumission encore bien plus grande qu’avant.

Il est peut-être permis, en présence de ces données, de poser la question de la portée finale de la maladie de R. H… Ne poursuit-il pas ainsi le but de trouver une issue au conflit inextricable avec lesquels il se débat ? Ne chercherait-il pas à établir, par sa maladie, d’une façon plus ou moins inconsciente, une barrière entre ses parents et sa propre personne ? Nous n’insisterons pas davantage ici sur cette question.

Nous avons parlé jusqu’à présent du père du malade. Mais qu’elle est donc son attitude à l’égard de sa mère ? Tout d’abord on pourrait croire qu’elles ne diffèrent guère de celle à l’égard du père ; il associe ses parents dans un même sentiment de haine. Toutefois, là où il s’agit de sentiments, si on tient uniquement compte de l’expression verbale, on risque fort de passer à côté deux choses essentielles sans les apercevoir. Le langage intellectualise et schématise les sentiments ; c’est pourquoi les détails et les nuances importent souvent bien davantage que la chose principale, désignée par le mot employé. Or, ces détails sont tous différents dans les deux cas, en dépit du mot « haine » employé aussi bien dans l’un que dans l’autre. Il refoule l’image de la mère bien davantage que celle du père. « Ma mère, je n’ai tout à fait oublié », nous nous répondit-il la première fois que nous venons à parler d’elle avec lui. Puis, il devient plus explicite, il haït sa mère comme son père ; il ne lui reproche, par exemple, d’avoir favorisé sa sœur aînée au détriment de la cadette est au sien propre. Mais il en parle, plus il devient net que le « leit-motiv » de son sentiment et tout autre ; il me revient de plus en plus souvent sur la décision et la faiblesse de caractère de sa mère. Elle est une « mère admirable », soigne bien ses enfants, veille à leur nourriture, etc., mais elle ne sait jamais ce qu’elle veut, elle n’a pas d’énergie il subit passivement les caprices et le caractère insupportable du père. C’est ainsi qu’il devient probable qu’il s’identifie à ce point de vue avec sa mère, qu’il ne hait en elle que sa propre faiblesse. Conformément à ceci sa conduite à l’égard de sa mère diffère de celle à l’égard du père, ; il ne lui commande et donne des ordres, il ne lui « interdit » de venir le voir et de lui écrire. Il ressent aussi en soi une tendance irrésistible, et quand il est question de lui écrire, de la « piqué », de lui faire des reproches et de lui dire quelque chose de méchant. Dans sa maladie elle ne peut être lui d’aucun secours ; son père peut et doit même le rassurer ; sa garde, le médecin et d’autres personnes encore parviennent à le sortir de ses doutes par une déclaration catégorique ; [p. 177] sa mère, au contraire, ne fait que les inspirer ; elle parvient, au fond, aussi peu à leur assurer il ne peut le faire lui-même.

Peut-être, en allant plus loin, aurait-on pu découvrir d’autres facteurs encore à la base de son attitude à l’égard de ses parents. Un complexe d’Œdipe se dissimule peut-être au fond de son inconscient. Je ne puis répondre ni par un oui, ni par un nom à cette question. Je cherche uniquement ici exposer les faits que j’ai pu constater au cours de l’étude du cas de R. H… Local lui-même ainsi que notre façon de procéder composée, en attendant, ces limites à nos investigations ; nous ne voudrions les dépasser ici.

  1. b) Vie sexuelle. Dès les premières conversations, nous avons l’occasion de parler de la vie sexuelle. Le malade est porté à voir dans l’onanie, de même que dans la conduite de ses parents, une des causes principales de sa maladie. Il parle sans difficulté, avec une certaine désinvolture même, deux choses sexuelles. Il commença à pratiquer l’onanie l’âge de onze ou douze ans ; mais bien avant déjà, depuis l’âge de cinq ans environ, il avait l’habitude de se toucher ; en même temps se manifester une certaine curiosité à l’égard de l’autre sexe.

Nos investigations restèrent là pendant longtemps. Puis un jour le malade ramena lui-même la conversation sur ce sujet. Une certaine amélioration s’était déjà produite à ce moment. Il me dit une fois spontanément que s’il allait mieux, il le devrait, en premier lieu, aux femmes. Je prie tout d’abord que cette déclaration n’exprimer qu’un désir inconscient de déprécier ma propre personne en tant que médecin ; nous savons que les désirs pareils peuvent se manifester au cours de tout traitement moral qui cherche à pénétrer jusqu’au fond des choses. J’ai lu pourtant reconnaître que cette hypothèse n’était pas exacte ; d’autres facteurs étaient à la base de l’affirmation de R. H… Il y revint encore et donna les détails suivants. En présence de femmes plaise, il se sent soulagé et libéré de ses doutes pendant quelques heures ; en même temps, il ne se sent aucunement attiré vers elle au point de vue sexuelle, il reste tout à fait froid, même là où les circonstances exigent une attitude tout à fait contraire. Plusieurs femmes ont eu déjà cette influence passagère sur ces troubles. Actuellement il a deux amies ; il a plaisir a causé avec une belle et ce sont souvent soulagés en sa présence ; il n’éprouve aucun autre besoin alors et les rapports sexuels restent de ce fait irrégulier. Ils ne fréquentent l’autre, par contre, en raison du plaisir sexuel qu’elle lui procure ; aucun lien, d’une autre nature, n’existe entre eux. Ces déclarations du malade attirent notre attention à deux points de vue. Elles semblent établir, d’une part, d’une façon directe, l’existence d’une corrélation entre la vie sexuelle de R. H… et son obsession. Il paraît, d’autre part, difficile de trouver un exemple net de la disjonction complète du côté physique et du côté moral de l’amour donc parle Freud (une nuance spéciale de cette disjonction résultats ici toutefois du fait que le côté morale est remplacée par le doute morbide). Comme dans le domaine des tendances parentales, ici aussi, un arrêt de développement semble s’être produit chez R. H… Aucune modification ne lui paraît désirable, ni même possible ; il n’aspire à rien d’autre que ce qu’il a déjà dans la vie à ce point de vue, et qui est loin d’être une synthèse harmonieuse, comme nous venons de le voir ; il n’entrevoit même pas la possibilité d’une telle synthèse. Au contraire, il consolide et justifie son attitude actuelle en dépression entièrement la femme ; tout est factice dans la femme ; il ne saurait y avoir d’exception à cette règle. [p. 178]

en poursuivant plus loin ces deux pistes, d’un côté l’arrêt de développement de la personnalité, et de l’autre la corrélation possible entre la vie sexuelle du malade et son trouble, nous parvenons à découvrir encore d’autres données psychologiques d’un grand intérêt ; ces deux pistes d’ailleurs ce rapproche de plus en plus l’une de l’autre, et se perdre enfin toutes les deux dans les ténèbres des souvenirs d’enfance.

Dès l’âge de cinq ou six ans, il se touchait ; il cherchait ainsi le « contentement complet » sans pouvoir le trouver, comédie. Enfin, à l’âge de onze ou douze ans, la première éjaculation est provoquée par ces manœuvres ; cette fois-ci il est « fixé » et ne cherche plus d’avantages. Il pratique maintenant l’onanie, mais il y reste fixé de telle façon qu’il ne désire rien d’autre. Ces pollutions nocturnes sont provoquées par des rêves d’onanie. Quand il il apprend en quoi consistent les rapports sexuels, c’est de l’étonnement plutôt il ressent ; il se dit : « tiens, on peut faire avec une femme ce que je fais avec moi tout seul. » Il ne commence à fréquenter les femmes que sur conseils d’un médecin ; il n’éprouvait lui-même aucun désir à leur égard et maintenant encore il voit dans l’acte sexuel « l’accomplissement d’un devoir et ne s’en sert que comme d’un médicament ». Les personnes de l’autre sexe n’apparaissent dans ses rêves qu’après qu’il est eu des rapports sexuels ; mais là encore, bien souvent, la figure de la femme « s’évanouissait » juste au moment intéressant. On se voit tenter de parler, en présence de ces données, d’onanie essentiel ; en somme, ses rapports sexuels sont devenus un succédané de son onanie. Ici encore R. H… piétine sur place égard de l’attitude une fois adoptée.

D’autre part, nous voyons en même temps se resserrer de plus en plus les liens entre son doute et sa vie sexuelle. Il a toujours été timide à l’égard des femmes et l’est maintenant encore. Il se laisse prendre par les femmes qui veulent bien de lui. À l’âge de seize ou dix-sept ans il avait un flirt avec une jeune fille ; c’est elle qui fixa le premier rendez-vous ; lui, était tellement émotionné qu’il fut pris de vomissements il dut rentrer à la maison. Le même phénomène se répéta lors des premiers rapports sexuels : « ce n’est que quand j’ai pris l’habitude de l’acte sexuel, nous précise-t-il un jour spontanément, que le doute morbide est venu s’installer à la place des vomissements ». Ainsi s’établit un lien entre deux manifestations névropathiques, paraissant tout à fait hétéroclites de prime abord : entre les vomissements d’un côté et le doute de l’autre. Nous ne formulerons pas d’hypothèses au sujet de la nature de cette corrélation. Nous l’enregistrerons simplement ici ; tel quel, elle apporte une simplification notable à l’interprétation des phénomènes morbides que présente R. H… et nous amène de plus en plus à une conception dynamique de ces phénomènes. Le doute vient prendre la place des vomissements ; ceci de nouveau nous ramènent vers la plus tendre enfance du malade ; il dit et sujet depuis l’âge de cinq ans. Après tout ce qui vient d’être dit, il ne saurait plus nous surprendre, si ces vomissements venaient se rattacher à un événement d’ordre sexuel.

Le fait suivant vient un jour confirmer notre façon de voir. Nous ainsi se donc ce jour-là plus particulièrement sur les attouchements qu’il avait pratiqués à l’âge de cinq ans. Il en avait parlé avant sans aucune difficulté ; nous demandons cette fois-ci des détails ; nous rencontrons de sa part une résistance considérable, la plus grande peut-être que nous ayons eu à vaincre au cours [p. 179] du traitement ; il se remémore difficilement, s’embrouille, rectifie en partie ce qu’il vient de dire il finit par nous communiquer des détails, un signifiant par eux-mêmes, mais qui avait joué un très grand rôle dans son imagination enfantine et qui s’y étaient fixés pour de bon. Cet aveu produit un effet bien démonstratif.

A ce moment, je ne voyais R. H… qu’une ou deux fois par semaine. Le lendemain de la conversation dont il vient d’être question, il demande un rendez-vous supplémentaire ; il vient dire que depuis hier, il était pris à nouveau de nausées assez pénibles ; celle-ci, d’ailleurs, ne tarde pas à se dissiper ; en même temps ils se sont bien moins anxieux, ces doutes l’obsèdent moins ; il nous dit qu’il aurait bien aimé avoir de nouveau ses vomissements et être débarrassé définitivement de ses doutes.

Ajoutons enfin, pour terminer cette analyse, un détail intéressant. Les doutes sont venus prendre la place des vomissements. Ceci, non pas disparu, toutefois, d’une façon complète ; ils ont laissé après le une pointe qui attire maintenant notre attention. Les mots « manger », « dîner », etc., provoquent en lui un sentiment de gêne ; il est évident de s’en servir, surtout dans ses lettres. L’autre jour, un ami voulait venir le voir à huit heures du soir ; il lui envoya une lettre pour lui dire qu’il ne pouvait me recevoir à cette heure ; mais quand il s’agit d’écrire à cause du « dîner », il s’arrêta et mis à la place « à cause du règlement de l’attention j’habite ».

Résultats thérapeutiques

Les faits dont il vient d’être question nous ont permis de pénétrer plus à fond dans le psychisme morbide R. H… Nous avons pu nous rendons compte en partie du mécanisme subtil est à la base de ses troubles les névropathiques ; ceci est déjà un résultat appréciable. Toutefois, c’est le désir d’augmenter les possibilités thérapeutiques qui guide les progrès de notre science. La connaissance de faits doit nous mener à des résultats pratiques ; autrement ces faits ne sont que d’un intérêt médiocre et nous commençons même à douter de leur portée. La valeur principale des conceptions de Freud consiste justement en ceci qu’elle cherche à rendre accessible à notre activité pratique un champ vaste et nouveau : le résultat thérapeutique est la pierre angulaire de sa théorie.

  1. H… n’a pas guéri, dans le sens propre du mot. Le mécanisme morbide n’a pas été détruit d’une façon radicale. D’ailleurs, en présence d’un cas d’une telle gravité, n’est-il pas permis de se demander quelles sont les limites des conceptions dynamiques, et dans quelle mesure il y a lieu de faire intervenir la notion plus statique de la constitution morbide (2). Il y a lieu de tenir compte également de la circonstance que R. H… se trouve en ce sens dans des conditions défavorables, qu’appartenant à une famille riche, il n’a aucun souci d’ordre matériel ; la lutte pour l’existence qui, d’une façon naturelle, stimule l’énergie de l’individu et maintient le contact avec l’ambiance, fait [p. 180] défaut ici ; le travail, ce facteur important au point de vue thérapeutique, n’entre pas en ligne de compte.

Nous ne parlons pas de guérison ; toutefois nous pouvons signaler une amélioration notable. Cette amélioration est-elle durable ? Le malade n’est-il pas à la merci de tout nouveau choc moral ? Nul ne saurions répondre dès maintenant à cette question ; toutefois il nous semble qu’il est actuellement bien mieux armé pour lutter avec les difficultés qu’il pourrait rencontrer sur sa route ; il nous en fournit déjà quelques preuves.

La vie de notre malade a changé d’aspect. À la maison de santé déjà il commence à réaliser des progrès ; la cage étroite il avait enfermé tout son psychisme s’élargit petit à petit ; les barreaux de la geôle commencent à craquer R. H… me permet de prendre des notes dans sa chambre, se décide à écrire pour moi son curriculum vitae, apporte dans sa chambre livres et journaux, joue au tennis, circule plus librement, va faire des achats en ville, on reçoit la visite de son père. Le besoin de contrôle effectif du moindre geste diminue ; il est remplacé d’abord car le désir obsédant de repenser constamment aux choses faites, désir qui, au point de vue social surtout, et bien moins gênant. Puis, R.H… quitte le sanatorium, en balle lui-même ses affaires, s’installe dans une pension de famille, déménage ensuite encore une fois, écrit à ses parents et assesseurs, reçoit des lettres de, va voir des amis de son père, s’inscrit à la Faculté de droit, mais des annonces dans les journaux pour trouver une occupation. Son père venant au bout de quelque temps à Paris, il l’invite à monter dans sa chambre, va voir avec lui des commerçants, donne son avis au sujet des affaires, garde des papiers que son père lui confie. Tout ceci ne va pas sans accrocs, évidemment, tantôt il dépassera la station du métro il devait descendre, ayant cru apercevoir un morceau de papier sur le banc ; tantôt il passera encore une heure à coller une photographie sur une carte d’identité dans l’incertitude que c’est bien sa carte à lui ;  à la première lettre qu’il reçoit de chez lui il fait une crise d’anxiété ; mais l’anxiété se dissipe, une détente même se produit, il répond à la lettre reçue. Actuellement, il est depuis plusieurs mois dans son pays natal, chose qui lui paraissait tout à fait impossible avant ; les nouvelles sont bonnes. Son attitude est devenue plus indépendante à l’égard de ses parents ; il est capable de prendre des décisions ; là où ses doutes tendent parfois entraver à nouveau son activité, il en vient à vous plus rapidement lui-même. Il fait actuellement son service militaire et est, comme élève-aspirant, dans une école pour les officiers d’administration. Dans sa dernière lettre, il dit qu’il est presque entièrement débarrassé de ses doutes.

A quelles circonstances attribuer ce résultat ? Schnyder dans son petit volume sur « l-Les limites de la psychothérapie (3) » définit celle-ci comme suit : « la psychothérapie est un appel du psychisme du médecin au psychisme du malade dans le but de modifier chez ce dernier à l’état pathologique. » Les fils qui se tendent entre le psychisme d’un être humain et celui d’un autre sont complexes et innombrables. C’est dire que dans tout le traitement psychothérapique interviennent des facteurs personnels et impondérables. On ne saurait les isoler de la personne du médecin ni de celle du malade ; on ne peut les exprimer par des mots, ni mesurer leur importance. C’est ainsi que toute [p. 181] appréciation un procédé psychothérapique contient forcément un « à peu près » plus ou moins grand. Un bon artisan fera de l’excellente besogne avec un outillage primitif ; un mauvais ne saura se servir d’ustensiles perfectionnés. Ni les succès d’un tel, ni les mécomptes de telle autre ne sont encore une preuve, aussi peu pour que contre, de la valeur d’une méthode. Il ne saurait jamais être question, je crois, d’une psychothérapie universelle. Mais il est évident que le meilleur travail sera fourni par un bon ouvrier qui aura à sa disposition un outillage perfection.

Cette réserve d’ordre général une fois faite, j’essaierai de répondre brièvement à la question posée plus haut. Dès le début, je procédais par encouragement et réconfort et obtint une rééducation progressive du malade ; les médicaments et le repos trop prolongé au lit furent surprimés. Le malade sa victoire à avoir plus d’activité et à vaincre les obstacles qu’il rencontrait sur sa route. Ce fait, en somme, un appel direct et progressif à sa volonté. Je conservai cette attitude jusqu’au bout. Je suis toutefois persuadé que ce procédé ne se serait très rapidement épuisé si nous n’avions eu à notre disposition toute la série de données psychanalytiques que nous avons exposées dans le paragraphe précédent. La façon dont le malade réagissait sur les souvenirs évoqués, l’influence qu’elle sur lui la discussion de tous les complexes énumérée plus haut, ainsi que la démonstration de tout ce qu’il y avait de faux et de vicier dans son aptitude à l’égard de la vie et de sa propre personne semblaient prouver que le résultat était dû, dans ce cas particulier, en grande partie aux suggestions issues des en en conceptions de Freud.

NOTES

(1) cette expression est employée par Régis et Hesnard dans le volume sur la psychanalyse.

(2)Dupré et Trepsat. Les rapports du refoulement psychique et de l’émotivité dans la genèse de certaines psychonévroses (L’Encéphale, 1922, n°1 et 2).

(3) Éditions Forum, Neufchâtel, et Genève.

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