Don B. Maréchaux. Le démoniaque dans la vie des saints. Partie 2. Les Saints Dominicains et Franciscains. – Sainte Françoise Romaine, sainte Colette. – Article paru dans la « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 538-544.

marechauxdemoniaque-2-0005Don B. Maréchaux. Le démoniaque dans la vie des saints. Partie 2. Les Saints Dominicains et Franciscains. – Sainte Françoise Romaine, sainte Colette. –  Article paru dans la « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 538-544.

Cet article a été publié en quatre parties, qui sont détaillées ci-dessous.

Bernard-Marie Maréchaux (1849-1927). Bénédictin olivétain du monastère Notre-Dame de la Sainte-Espérance de Mesnil-Saint-Loup, Aube (1871/1872-1901 et à partir de 1914). – Assura la charge pastorale de la paroisse du Mesnil-Saint-Loup de 1901 à 1903. – Abbé du monastère de Sainte-Françoise-Romaine à Rome (1903-1914). Quelques-uns de ses travaux :
— La réalité des apparitions démoniaques. Paris, P. Téqui, 1899. 1 vol.
— Le démoniaque dans la vie de Saints. Partie 1. – I. — Quelques réflexions préliminaires.  ⁄ II. — L’ère des persécutions.  ⁄ III. — Saint Antoine et les Pères du désert.  ⁄ IV. — Saint Martin et Saint Benoît.  ⁄ V. — Du sixième au Treizième Siècle. Article paru dans la « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 462-475. [en ligne sur notre site]
— Le démoniaque dans la vie de Saints. Partie 2. – VI. — Les Saints Dominicains et Franciscains. « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 538-544. /VII. — Sainte Françoise Romaine,Sainte Colette. « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 538-544. [en ligne sur notre site]
 Le démoniaque dans la vie de Saints. Partie 3. – VIII. — Sainte Thérèse, saint Jean de la Croix. /IX. — Saint Jean de Dieu, saint Philippe de Néri. /IX. — Les Vénérables Agnès de Langeante Benoïte du Laus. « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 596-604. [en ligne sur notre site]
 Le démoniaque dans la vie de Saints. Partie 4. – XI. — Au dix-huitième siècle. /XII. — La vénérable Anna-MAria Taïgi. Le saint Homme de Tours. /XIII. — Le vénérable Jean-Baptiste Viannet, curé d’art. /XIV. — Conclusion. « Revue du Monde Invisible », (Paris), première année, 1898-1899, janvier 1899, pp. 668-682. [en ligne sur notre site]
— Le merveilleux divin et le merveilleux diabolique. Paris, B. Bloud, s. d. [1901]. 1 vol
— Anges et démons le monde des esprits. Paris, Bloud , 1911. 1 vol.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

 

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LE DÉMONIAQUE

DANS LA VIE DES SAINTS

(Suite)

VI — LES SAINTS DOMINICAINS ET FRANCISCAINS.

En pénétrant dans la dernière période du moyen âge et dans les temps modernes, je choisis de préférence, comme il est naturel de le faire, les grands saints qui ont illustré ces époques. Ils surgissent en pleine lumière ; les documents sur leur vie sont nombreux et d’une authenticité absolue. On dira peut-être que l’admiration de leurs disciples a exagéré les faits : c’est là l’objection que Renan et son école opposent aux saints Évangiles. Je réponds que l’admiration n’est pas banale, quand elle produit des conversions, quand elle crée des vocations, quand elle suscite des dévouements à toute­ épreuve. Elle est évidemment provoquée par un éclat de vertus tout héroïques, par une splendeur de dons vraiment surnaturels. — De plus il se dégage de ces documents contemporains, par exemple des chroniques franciscaines, un parfum exquis de sincérité et de véracité, quelque chose en un mot qui ressemble à la divine candeur des Evangiles.     ,

La vie du fondateur illustre des Frères-Prêcheurs, saint Dominique, ne nous offre pas de notables apparitions du diable. Néan­moins il eut des luttes à soutenir contre l’esprit des ténèbres. On montre à Sainte-Sabine, sur l’Aventin, un énorme caillou incrusté dans le pavé de l’église, qui, d’après la tradition, fut lancée par le diable au saint pendant qu’il était en oraison. Le diable d’ailleurs, est coutumier du fait ; nous lisons, dans la vie de saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry, qu’il tenta également de le lapider du­rant sa prière.

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Mais voici un fait très remarquable qui arriva à saint Dominique pendant les prédications ; il est relaté par le vénérable Humbert de Romans, cinquième général de l’Ordre des Frères-Prêcheurs, et reproduit par l’historien officiel du saint, Thierry d’Appolda. [p. 539]

« Etant à Fanjou (1), le bienheureux Dominique, après avoir prêché la foi catholique et réfuté l’hérésie, s’était retiré à l’église pour y prier. Neuf femmes du pays, de condition noble, vinrent l’y trouver. Elles se jetèrent à ses pieds en lui disant : Aidez-nous, ser­viteur de Dieu ! Si ce que vous avez dit est vrai, l’esprit d’erreur nous a aveuglées. Vous nous ayez ébranlées. Priez Dieu qu’il nous fasse connaître la vraie foi, dans laquelle nous voulons vivre et mourir pour être sauvées. — Tout en continuant à prier en lui­ même, après un moment de silence, le saint leur répondit : J’ai confiance que Dieu, qui ne veut la perte de personne, va vous mon­trer à quel maitre vous vous étiez attachées. — A ces mots, elles virent bondir du milieu d’elles, un chat horrible de la taille d’un gros chien, les yeux rouges comme de la braise, la langue tendue quasi d’un demi-pied et toute sanguinolente, la queue courte et redressée, exhalant une odeur intolérable. Après avoir couru çà et là pendant quelque temps, sur un commandement du saint, il bondit après la corde de la cloche qui pendait au milieu de l’église et disparut par le trou donnant dans le clocher. — Voilà, dit Domi­nique, qui représente sensiblement à vos yeux le maitre auquel vous aviez donné votre foi. — Et les neuf personnes, rendant grâces à Dieu, se convertirent, et plusieurs prirent l’habit religieux à Notre-Dame de Rouille. »

Ce fait est très digne d’attention. Il se produit devant neuf personnes, il amène leur conversion à toutes, il décide l’entrée de plusieurs en religion ; enfin l’une d’elles, Bérengère, encore vivante au moment du procès de canonisation de saint Dominique, en dépose sous la foi du serment, et sa déposition nous a été conservée. Il est difficile de trouver un fait mieux attesté et plus convaincant. (Act. SS. Aug., t. l, p. 567-643.)

Le frère d’armes de saint Dominique, saint François d’Assise, eut à soutenir contre les démons des combats plus terribles encore. Voici quelques extraits de sa vie, écrite sur des documents con­temporains, par le P. Candide Chalippe, récollet :

« En l’année 1211, la ville d’Arezzo se trouvait extrêmement agitée de dissensions intestines. François, étant logé dans un faubourg, vit sur la ville une foule de démons qui excitaient les citoyens à s’entr’égorger. Pour mettre en fuite ces malins esprits, il envoie Silvestre comme son héraut, et lui donne cet ordre : Allez-vous-en devant la porte de la ville, et de la part du Dieu tout-puissant, [p. 540] commandez aux démons, en vertu d’obéissance, de se retirer immédia­tement. Et ils disparurent. » (T. 1er, liv. II, p. 137.)

Cette vision à la rigueur pourrait être réputée imaginative ; le trait suivant est absolument positif et réel.

« Un soir, François se retira dans une église abandonnée. Les démons employèrent toutes sortes d’artifices pour troubler son oraison. Puis ils l’attaquèrent en sa propre personne, comme saint Athanase le raconte de saint Antoine. Plus ils le secouaient, plus il s’appliquait à prier. Alors ils se jetèrent sur lui avec plus de fureur, ils le poussèrent rudement de tous côtés, le traînèrent sur le pavé et le chargèrent de coups. Le matin, le saint ne put dissimuler à ses compagnons ce qui lui était arrivé : l’extrême faiblesse où il était l’obligea de consentir à ce qu’ils allassent au village voisin lui chercher une monture pour l’amour de Dieu. » (T. 1er, liv. II, p. 191-192.)

Saint Bonaventure, observe l’auteur, déclare que saint François fut souvent tourmenté de la sorte par les démons.

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Les principaux disciples de saint Dominique et de saint François n’échappèrent point aux infestations diaboliques.

La vie du bienheureux Jourdain de Saxe, deuxième général de l’Ordre des Frères-Prêcheurs, signale deux apparitions du diable, évidemment extérieures, sous des apparences fallacieuses (2). L’es­prit mauvais ose se présenter à la porte de la cellule de saint Thomas d’Aquin, sous les traits d’un Ethiopien hideux. (Act. SS. Mart., t. 1. p. 175.) Saint Vincent Ferrier raconte à l’un de ses confidents qu’un jour un démon, se déguisant en vieillard vénérable, lui avait tenu des propos insidieux pour l’engager à diminuer ses austérités : dé­masqué par le serviteur de Dieu, il s’était évanoui en poussant un grand cri, et en laissant après lui une puanteur intolérable. (Act. SS. Ap., t. l, p. 486.)

Du côté de saint François, je pourrais citer bien des saints, bien des pieuses vierges, que le diable essaya de réduire par la violence. Je me borne au grand saint populaire, saint Antoine de Padoue. Les grottes de Brives, but d’un célèbre pèlerinage, rappellent un assaut furieux dont l’illustre thaumaturge fut l’objet de la part du diable. Il priait dans l’une de ces grottes, quand l’esprit de malice se pré­senta à ses regards, puis bientôt après se jeta sur lui avec rage. Il le serrait à la gorge, quand le saint invoqua Marie par ces mots qui étaient familiers : 0 gloriosa domina ! La sainte Vierge apparut, [p. 541] portant l’enfant Jésus, à son fidèle serviteur ; et le diable s’évanouit. C’est en souvenir de cet événement que la sainte Vierge est honorée, dans les grottes de Brives, sous le nom caractéristique de Notre­ Dame de Bon-Secours.

La vie de saint Antoine mentionne encore d’autres apparitions de l’esprit mauvais. Un jour, ceci se passe au diocèse de Limoges, les démons essaient de détourner les frères de l’oraison, en se montrant à eux comme une bande de pillards qui ravagent le champ du voisin : saint Antoine les rassure et dissipe l’illusion. — Une autre fois, le saint prêchait. Soudain un courrier arrive avec fracas, et porte os­tensiblement à une dame qui était au sermon la nouvelle de la mort de son fils. Saint Antoine, qui n’a rien pu entendre, s’arrête, et s’adressant à la dame : Ne craignez rien, lui dit-il, la nouvelle est fausse, votre fils est vivant, celui qui est venu est un démon qui se propose de troubler ma prédication. Tandis qu’il parlait ainsi, le prétendu courrier disparut on ne sait comment. (Act. SS. Jan., t. III, p. 218.)

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Bataille – Le Diable au XIXe siècle.

Je prends les saints dominicains et franciscains, parce que sur la fin du moyen âge ils remplissent l’Eglise de Dieu de l’éclat de leurs vertus. Les saints appartenant à d’autres ordres, aux treizième ct quatorzième siècles, ne furent pas épargnés par l’ennemi de tout bien. Dans l’ordre de Saint-Benoit, saint Silvestre, fondateur des moines silvestrins, fut précipité par le diable du haut d’un escalier, et il se fût tué sans le secours de la très sainte Vierge ; le bienheu­reux Bernard Toloméi, fondateur des moines olivétains, fut plusieurs fois assailli et battu par les esprits infernaux. Dans l’ordre de Saint­ Augustin, saint Nicolas de Tolentino eut à subir des violences sem­blables à celles dont saint Antoine fut l’objet ; et les leçons de son office, quoique très succinctes, font mention de ces luttes, après lesquelles le saint restait brisé, et devait être relevé et soigné par ses frères.

VII. — SAINTE FRANÇOISE ROMAINE, SAINTE COLETTE.

Sur la fin du quatorzième siècle, naquit à Rome sainte Françoise, dite sainte Françoise Romaine, surnom caractéristique, car on retrouve en elle la constance et la force d’âme du patriciat romain. Elle est célèbre dans l’Eglise par l’assistance visible d’un ange, et par ses luttes quasi quotidiennes avec l’esprit des ténèbres qui font de sa vie très innocente un long martyre. La substitution de l’innocent [p. 542] au coupable, depuis la Rédemption de Notre-Seigneur, est la grande loi du monde moral. Venue au monde dans un temps calami­teux, où le désordre était partout, sainte Françoise fut une victime. Dieu permit au démon de se déchaîner contre elle, et de lui faire payer quelque chose de la rançon des pécheurs,

Le récit de tous les phénomènes surnaturels, qui se sont succédé sans interruption en cette sainte, nous a été transmis par son con­ fesseur Don Jean Mattiotti, curé de Sainte-Marie du Transtévère. C’était un caractère timide et très réservé : il fallut toute l’évidence des faits pour le convaincre des voies extraordinaires par lesquelles Dieu faisait marcher sa pénitente.

Les apparitions diaboliques, dont est remplie la vie de sainte Françoise, offrent cette progression, cette stratégie, que faisait remarquer saint Antoine à ses disciples.

Tout d’abord le diable se présente sous des dehors inoffensifs et en quelque sorte indifférents. C’est un faux ermite qui frappe à la porte du palais Ponziani où habitait la sainte, et engage un colloque avec Paolucci, son beau-frère ; c’est un vieillard qui l’accoste dans les rues de Rome, où raccompagne sa belle-sœur Vannosia. Une nuit, l’esprit des ténèbres ose lui apparaître sous l’aspect d’un jeune homme ; Françoise éveille son mari, et le fantôme disparaît,

Ensuite viennent les menaces, et des scènes horribles. Une nuit, le diable transporte la sainte sur une loggia, et fait mine de la pré­cipiter sur la voie publique. Une autre nuit, il ne craint pas d’ap­porter dans sa chambre un cadavre infect, et il la roule dessus, de sorte que les vêtements de la sainte gardèrent une puanteur que rien ne put faire complètement disparaître,

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Jacques Callot  – Tentation de saint Antoine.

Plus tard je lis le récit de plusieurs tentations insidieuses. Le grand séducteur revêt l’image du Sauveur des hommes ; il vient à Françoise sous les traits de son confesseur, le curé Mattiotti ; il se déguise en ange de lumière ; il tente d’orgueil l’humble matrone ; elle voit quatre démons s’agenouiller devant elle en protestant qu’elle est une grande sainte.

Enfin ce sont des coups et des violences. Celles-ci commencent au palais Ponziani, où la sainte demeurait avec son mari, son fils, sa belle-fille et quelques compagnes fidèles ; elles continuent au monastère de la Tour des Miroirs, qu’elle avait fondé, et où elle se retira après la mort de son mari. Toutes les personnes qui cohabi­tent avec elle entendent le bruit des terribles flagellations que le démon lui inflige. Mabilia, sa belle-fille, la trouve jetée dans la ruelle de son lit, et impuissante à se mouvoir. Rita, sa confidente, la relève [p. 543] toute livide, les cheveux en désordre, les vêtements souillés, la bouche pleine de cendre ; car les démons l’avaient roulée dans la cendre, et lui en avaient rempli la bouche comme pour l’étouffer.

« Les procès de canonisation, dit un récent historien de la sainte, sont pleins des dépositions des oblates de la Tour des Miroirs rela­tives à ces faits. Elles rapportent qu’elles trouvèrent souvent leur sainte mère jetée à terre, la figure sur le pavé, la coiffure arrachée et introuvable ; que ses vêtements étaient tout déchirés, et son corps couvert de meurtrissures livides ; qu’elles la virent même frappée sous leurs yeux et toute frissonnante sous les coups. Les vieilles fresques de Tor de’ Specchi représentent quelques-unes de ces luttes mystérieuses (3). »

Comment éluder la force de semblables témoignages ? Les filles spirituelles de sainte Françoise ne voient pas le diable ; mais elles voient leur mère dont le corps tressaute sous les coups redoublés de nerf de bœuf que lui portent des mains invisibles. Aux signes avant-coureurs de ces assauts terribles, la sainte essaie de renvoyer ses chères oblates : « Ne restez pas ici, » leur commande-t-elle. In­terrogée, elle tâche de détourner la question. Poussée à bout, elle avoue qu’elle a le diable devant les yeux sous une forme terrifiante, et que cette vue lui est un supplice plus affreux que tous les coups dont il la martyrise. « Je me jetterais, dit-elle, dans une fournaise, pour ne pas le voir. »

Contemporaine de sainte Françoise, quoique plus jeune qu’elle, sainte Colette eut pour mission de réformer l’ordre de Saint-Fran­çois d’Assise. C’est une sainte Thérèse française. Sa vie fut écrite par son confesseur, auquel elle ne cachait rien des phénomènes surnaturels dont elle était l’objet. Cette vie renferme un chapitre intitulé : De la cruelle persécution des démons. Il faudrait le lire en entier.

Les démons lui apparaissent sous toute espèce de formes. Par­ fois ils font mine de se jeter sur elle comme des lions et des serpents. D’autres fois ils la molestent, en remplissant sa cellule de fourmis, de mouches importunes, et même de limaçons et d’escar­gots. Enfin ils la battent, avec des bâtons longs et noueux, qui semblent lui broyer les os. Ces bâtons leur servent aussi d’instru­ments pour faire du vacarme durant son oraison. Ils sont si peu imaginaires, qu’on en a trouvés épars dans sa cellule ou son oratoire.

J’arrive à un phénomène plus extraordinaire encore. [p. 544]

« Une chose remarquable, dit le biographe de la sainte, c’est que, pour des raisons connues de Dieu et d’elle seule, elle eut la faculté de faire voir à plusieurs de ses confesseurs ces formes hideuses de démons. Ceux-ci, en les voyant, n’en conçurent ni crainte ni angoisse, tranquillisés qu’ils étaient par la présence de la sainte mère. Et toutefois la vision était si horrible, qu’ils l’estimaient capable de leur faire perdre l’esprit, si elle s’était présentée à leurs regards en l’absence de la sainte. Une première fois l’un des con­fesseurs vit un lionceau tout noir, qui était d’abord immobile, puis qui se mit à aller et venir. Une autre fois, ce fut un grand serpent, hideux au delà de toute expression, qui se tenait entre la sainte mère et lui. » (Act. SS. Mart., t. l, p. 571.)

Inutile d’insister sur la réalité de ces apparitions. Elles nous con­firment dans ce sentiment que, si elles frappent les regards des grands serviteurs ou insignes servantes de Dieu, c’est que seuls ils ont assez de force d’âme pour les supporter. Aux petits, aux faibles, Dieu, comme un bon père, épargne ces visions qui les rendraient fous, ou les feraient mourir de saisissement.

Dr Bernard MARÉCHAUX,
Bénédictin de Congrégation olivétaine,

 NOTES

(1) Fanjou, Fanum Jovis, près de Toulouse.

(2) Une première fois, il est vu par un religieux ; une seconde fois, il apporte au bienheureux du pain et du vin. (Act. SS. Feb., t. II, (p. 730.)

(3) Vie de sainte Françoise Romaine, par Dom Rabory. Liv. III, ch. IV, p. 559.

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